La lettre juridique n°174 du 30 juin 2005

La lettre juridique - Édition n°174

Table des matières

Rescrit social : une lueur dans la caverne...

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N6094AIK

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


Les défenseurs de la transparence administrative peuvent se réjouir d'une nouvelle avancée vers la sécurisation des relations juridiques entre les entreprises et l'administration. En effet, à l'image de ce qui existe déjà en matière fiscale, une ordonnance du 6 juin 2005 généralise dans notre droit français, la procédure de rescrit social, c'est-à-dire la possibilité pour un cotisant de demander une prise de position à l'Urssaf ou à la CMSA sur l'application à son cas d'un dispositif d'exonération ou d'une réglementation spécifique. Ainsi, ce rescrit social s'applique au seul demandeur et est opposable, pour l'avenir, à l'organisme qui l'a prononcé, tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée n'a pas été modifiée. A priori, une pierre supplémentaire vient d'être érigée contre l'arbitraire des redressements en matière de cotisations sociales. Toutefois, qu'il nous soit permis de demeurer perplexes devant l'étendue du dispositif et de regretter, notamment, que ce rescrit social n'ait par tiré les leçons de transparence nécessaire fruits des derniers aménagements de son homologue fiscal. En effet, l'administration fiscale doit en principe, depuis la loi de finances rectificative pour 2004 et selon les voeux de l'ancien ministre de l'Economie dans ses 30 mesures pour améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, publier systématiquement, comme aux Etats-Unis d'ailleurs, les rescrits dans un recueil annuel, lorsqu'ils revêtent une portée générale, ainsi que les lettres aux organisations professionnelles, afin de faire bénéficier plus largement toutes les entreprises de cette information. Les rescrits sont, également, portés chaque année à la connaissance du Parlement. Et, afin que cette transparence fiscale se concrétise, la direction générale des impôts devait installer une cellule, clairement identifiée, de pilotage et d'animation de la politique des rescrits. Par cet aménagement sensible du rescrit fiscal, le Gouvernement entendait ainsi palier l'impossibilité d'un contribuable, d'opposer à l'administration le rescrit obtenu par un autre contribuable pourtant dans la même situation de droit et de fait. Pourquoi cette disposition, minimaliste en matière de transparence fiscale, n'a-t-elle pas été transposée en matière sociale, au bénéfice des cotisants ? Et de rappeler les voeux du Conseil économique et social, que soit mise en place une instance de coordination, s'assurant que la délivrance des rescrits se fait bien en connaissance de cause. Cette instance constituerait un échelon de recours pour un arbitrage en cas de divergence d'interprétations. On s'interrogera sur la pertinence d'une harmonisation de la politique des rescrits par le haut, plutôt que de choisir, tout simplement, l'opposabilité des rescrits quel qu'en soit le bénéficiaire dans la même situation de droit et de fait : moyen rapide de contraindre à une concordance des politiques de rescrit. Aussi, ne substituons pas à l'opacité des sons, la transparence des idées. Nous devons beaucoup attendre du décret en Conseil d'Etat qui précisera les modalités d'application de ce dispositif et de l'arrêté qui fixera, également, les informations nécessaires à l'instruction de la demande en fonction des dispositifs ou réglementations concernés. Quant au caractère discrétionnaire des remises gracieuses fiscales et sociales... mais bon, une pierre après l'autre... Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire, cette semaine, sur ce sujet la chronique de Christophe Willmann, Professeur à l'université de Haute Alsace.

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Sociétés

[Jurisprudence] Absence de nullité d'une assemblée générale lorsque les associés ont bénéficié d'une information suffisante

Réf. : Cass. com., 19 avril 2005, n° 02-13.599, M. Jean Lecca c/ Société Cabinet Plasseraud, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9509DHN)

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N6049AIU

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt du 19 avril 2005, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que "le prononcé de la nullité attachée à l'obligation faite au gérant de rendre compte de sa gestion par écrit est subordonné à l'existence d'un préjudice causé par cette irrégularité". Ainsi, la nullité d'une assemblée de société civile n'est pas encourue, même dans l'hypothèse où le gérant se serait dispensé de rendre compte de sa gestion par écrit avant la tenue de l'assemblée, dès lors qu'il est établi que les associés ont bénéficié d'une information suffisante par ailleurs. En l'espèce, un associé contestait la validité des délibérations de l'assemblée générale par laquelle avaient été approuvés les comptes de la société pour l'exercice écoulé et avaient été votées la répartition entre les associés du bénéfice comptable et fiscal ainsi que la contribution au fonds de roulement du Cabinet de chaque associé.

Il mettait en exergue le fait que le gérant avait manqué à son obligation légale de rendre des comptes aux associés, obligation découlant de l'article 1856 du Code civil (N° Lexbase : L2053ABN) et de l'article 41 du décret du 3 juillet 1978 (n° 78-704, N° Lexbase : L1802A4I).

La question qui se posait alors était celle de savoir quelle est la sanction encourue en cas de violation de ces dispositions ?

I - L'obligation de reddition de comptes du gérant de société civile

Le gérant de société civile est tenu, au moins une fois par an, de rendre des comptes aux associés. Cette reddition de comptes porte, non seulement, sur sa gestion, mais également sur la situation comptable de la société (il sera rappelé, à cette occasion, que les sociétés civiles doivent, lorsqu'elles dépassent certains seuils, établir chaque année un bilan, un compte de résultat et une annexe : voir C. com., art. L. 612-1, al. 1er N° Lexbase : L3089DY3).

En effet, il résulte de l'article 1856 du Code civil que, "les gérants doivent, au mois une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de compte doit comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité de la société au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles, des pertes encourues ou prévues".

L'article 41 du décret du 3 juillet 1978 précise que "lorsque l'ordre du jour de l'assemblée porte sur la reddition de comptes des gérants, le rapport d'ensemble sur l'activité de la société prévu à l'article 1856 du Code civil, les rapports de l'organe de surveillance ou des commissaires aux comptes s'il y a lieu, le texte des résolutions proposées et tous autres documents nécessaires à l'information des associés sont adressés à chacune d'eux par lettre simple, quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée. Les mêmes documents sont, pendant ce délai, tenus à la disposition des associés au siège social, où ils peuvent en prendre connaissance ou copie".

Toutefois, cette dernière disposition n'est pas applicable lorsque tous les associés sont gérants.

Si les obligations du gérant sont clairement définies, il est important de connaître la sanction encourue dans l'hypothèse d'une violation de ces impératifs.

II - La sanction de la violation des dispositions encadrant le droit à l'information des associés de société civile

Tout d'abord, rappelons que les obligations qui pèsent sur le gérant d'une société civile en matière d'information des associés en vertu des articles 1855 (N° Lexbase : L2052ABM) et 1856 du Code civil ne sont pas pénalement sanctionnées (QE n° 42005 de M. Delalande Jean-Pierre, JOANQ 22 avril 1991 p. 1577, min. Just., réponse publ. 30 novembre 1992 p. 5456, 9e législature N° Lexbase : L4166GUT).

Sur le plan civil, la violation de ces obligations peut fonder une action en responsabilité civile à l'encontre du gérant, lequel est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion (C. civ., art. 1850 N° Lexbase : L2047ABG).

Un associé peut, également, envisager de solliciter la nullité de l'assemblée générale ou de certaines de ses délibérations.

En effet, il résulte de l'article 1844-10, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L2030ABS) que "la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre ou de l'une des causes de nullité des contrats en général".

C'est précisément sur ce texte qu'était fondé le pourvoi dans l'arrêt rapporté.

Deux questions peuvent alors être posées : d'une part, faut-il considérer l'article 1856 du Code civil comme une disposition impérative du Titre IX du Code civil relatif aux sociétés ? D'autre part, faut-il considérer les dispositions de l'article 41 du décret du 3 juillet 1978 comme un prolongement des articles du Code civil relatifs aux sociétés civiles (et notamment de l'article 1856) et considérer qu'elles peuvent être constitutives de dispositions impératives dont la violation entraînerait la nullité de l'assemblée ?

Concernant cette seconde question, rappelons que la jurisprudence est aléatoire. Ainsi, a-t-il pu être jugé que la violation de l'article 40 du décret du 3 juillet 1978 entraînait la nullité de l'assemblée, la convocation des associés par lettre recommandée étant prescrite à peine de nullité selon la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 4 octobre 1988, n° 86-11.320, M. Dauphin et autres c/ Mme Bosc et autres, publié N° Lexbase : A1771AH3 Bull. civ. I, n° 271).

En revanche, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser, dans un arrêt du 19 juillet 2000 (Cass. civ. 3, 19 juillet 2000, n° 98-17.258, M. Becam et autre c/ Mme Creach et autre, publié N° Lexbase : A9105AGC Bull. civ. III, n° 150), que les dispositions de l'article 44 du décret du 3 juillet 1978 relatives au procès-verbal de l'assemblée générale ne constituent pas des dispositions impératives dont la violation entraîne la nullité de l'assemblée.

Ainsi, le point de savoir si la nullité d'une assemblée peut être encourue sur le fondement de la violation d'une disposition du décret de 1978 est discuté.

Nous sommes donc invités à répondre à la première de nos deux interrogations : les dispositions encadrant l'obligation de reddition de compte du gérant de société civile sont-elles des dispositions impératives du Code civil ?

Les juges du fond, pour leur part, avaient retenu que la reddition de compte écrite du gérant de société civile n'est pas prévue à peine de nullité (CA Paris, 3e ch., sect. A, 12 février 2002, n° 2001/09026, Monsieur Lecca Jean c/ Société civile cabinet Plasseraud N° Lexbase : A3133A3G). Cela impliquerait, donc, que l'article 1856 du Code civil n'est pas, aux yeux des premiers juges, une disposition impérative du Titre IX du Code civil.

Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation ne se prononce pas directement sur cette question. Elle retient, par des motifs propres, que le prononcé de la nullité attachée au non respect de l'obligation faite au gérant de rendre compte de sa gestion par écrit est subordonné à l'existence d'un préjudice causé par cette irrégularité.

En cela, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejoint la position qu'avait adoptée la première chambre civile dans un arrêt du 31 octobre 1989 (Cass. civ. 1, 31 octobre 1989, n° 87-10.005, M. Fontaine c/ M. Redt N° Lexbase : A3990AGU). Dans cet arrêt, la Cour de cassation précisait que "si la sanction de nullité s'attache à un défaut total d'information et en particulier à l'obligation de rendre compte par écrit faite au gérant par l'article 1856 du Code civil, la même sanction n'est pas attachée aux simples irrégularités formelles dans l'accomplissement des actes d'information, au demeurant cumulatifs, prescrits par le décret du 3 juillet 1978, dès lors que les associés ont, en dépit de ces irrégularités, bénéficié d'une information suffisante".

L'arrêt de la Chambre commerciale semble, donc, parfaitement s'inscrire dans ce raisonnement. La Haute juridiction semble vouloir échapper à une nullité systématique de l'assemblée générale et requiert, pour que cette sanction soit prononcée, que la preuve de l'existence d'un préjudice soit rapportée.

Il s'agirait, donc, d'une nullité facultative subordonnée à la preuve de l'existence d'un préjudice, lequel consisterait en une insuffisance d'information.

Cette dernière notion devient, donc, la condition de la nullité ou de la validité de l'assemblée générale tenue en violation des dispositions relatives au droit à l'information des associés et à l'obligation de reddition de compte du gérant.

Il est, alors, nécessaire d'apprécier la gravité de la violation des dispositions précitées. Dès lors qu'il est avéré qu'il n'y a pas eu d'information ou que celle-ci s'est très clairement révélée insuffisante, la nullité sera encourue.

En revanche, s'il est établi que l'associé a pu, par ailleurs, bénéficier d'une information suffisante, la nullité ne sera pas prononcée. C'est précisément ce qui ressort de l'arrêt rapporté puisqu'il est indiqué "qu'en l'état de ces constatations et observations, dont il résulte, d'un côté, que M. Lecca avait eu, préalablement à l'assemblée générale, connaissance de tous les documents utiles à l'exercice d'un contrôle des propositions mises aux votes, ce qui l'a conduit à ne pas les voter, de l'autre, que les griefs invoqués étaient sans lien avec la cause de nullité qu'il invoquait".

Ainsi, non seulement l'associé avait bénéficié d'une information préalable puisque, conformément à l'article 41 du décret du 3 juillet 1978, le texte des résolutions lui avait été envoyé quinze jours avant l'assemblée, mais encore, il ne démontrait l'existence d'aucun grief en rapport avec les causes de nullité qu'il alléguait. Dès lors, si l'on suit le raisonnement de la Cour de cassation, l'assemblée ne pouvait être frappée de nullité.

Si, pour certains, "le critère de 'l'information suffisante', séduisant à première vue, est trop lourd d'arbitraire pour pouvoir être adopté" (P. Le Cannu, Bull. Joly sociétés, 1990, § 19), pour d'autres, en revanche, "une appréciation raisonnable de ses termes peut être retenue par les juges du fond sans pour autant que soient éludées les garanties dues aux associés" (E. Alfandari et M. Jeantin, RTD com. 1990, p. 215).

Quoiqu'il en soit, le recours à cette notion est pour le moment relativement rare.

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] Liquidation des biens : conditions du sursis à exécution des jugements ou des arrêts des juridictions administratives

Réf. : CE, 10 novembre 2004, n° 269058, Ministre de l'Economie et des Finances c/ SA Décoflock Clara Lander (N° Lexbase : A9068DD9) et CAA Versailles, 3ème ch., 3 mars 2005, n° 04VE03348, Ministre de l'Economie et des Finances c/ CPG International (N° Lexbase : A7698DIX)

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N5891AIZ

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Le contentieux administratif auquel se trouve rattaché le contentieux fiscal est marqué par le caractère non suspensif des recours en appel des jugements des tribunaux administratifs et, en cassation, des arrêts des cours administratives d'appel devant le Conseil d'Etat. Il est rappelé que le sursis de paiement (LPF, art. L. 277 N° Lexbase : L8537AEW) dont bénéficie de droit le contribuable, pour autant qu'il en ait fait la demande dans sa réclamation initiale, prend fin avec le jugement du tribunal administratif. Toutefois, le contribuable, comme l'administration, peuvent demander le sursis à exécution d'un jugement rendu par un tribunal administratif ou d'un arrêt rendu par une cour administrative d'appel. Peuvent, ainsi, faire l'objet d'une demande de sursis à exécution, tant les décisions des tribunaux administratifs frappées d'appel que celles faisant l'objet d'un pourvoi en cassation, ainsi que les ordonnances rendues par le juge des référés. Il est à noter que, depuis le 1er janvier 2001, la procédure de sursis à exécution ne concerne que les décisions juridictionnelles.

Ainsi, aux termes de l'article R. 811-16 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3293ALK), "lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner [...] qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré, si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies".

Les dispositions de l'article R. 811-17 du CJA (N° Lexbase : L3294ALL) poursuivent en précisant que, "dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant, si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction".

De même, aux termes de l'article R. 821-5 du même code (N° Lexbase : L3303ALW), "la formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond".

La procédure de sursis à exécution se trouve, donc, précisément régie devant la cour administrative d'appel par les dispositions des articles R. 811-14 (N° Lexbase : L3291ALH) à R. 811-19 (N° Lexbase : L3296ALN) du CJA et, devant le Conseil d'Etat, par celles des articles R. 821-5 et R. 821-5-1 (N° Lexbase : L7871DGM) du même code.

Les conclusions tendant au sursis à exécution doivent être présentées, sous peine d'irrecevabilité, par une requête distincte et accompagnées d'une copie du recours en appel ou du pourvoi devant le Conseil d'Etat (CJA, R. 811-17-1 N° Lexbase : L7876DGS). Le délai d'appel des décisions ordonnant ou refusant le sursis à exécution est de quinze jours.

Il doit être observé que si le dépôt d'une demande de sursis à exécution par le contribuable n'a pas, par lui-même, d'effet suspensif (CE, contentieux, 30 novembre 2001, n° 234654, M. Dion c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A7487AXL), l'administration prescrit, néanmoins, à ses comptables de surseoir au recouvrement de l'impôt en attendant qu'il soit statué sur la requête du contribuable (Réponse Frédéric Dupont, JOAN, 24 novembre 1986, p. 4375).

Il ressort des dispositions précitées qu'une demande de sursis à exécution d'un jugement rendu par un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel ne peut prospérer que si les conditions relatives à l'existence de moyens sérieux en l'état du dossier et de conséquences difficilement réparables sont réunies (instruction du 7 avril 2005, BOI n° 13 O-3-05 N° Lexbase : X0232ADX).

Concernant plus particulièrement cette dernière condition, il appartient, en effet, au requérant qui demande le sursis à exécution d'apporter un certain nombre d'éléments permettant au juge de considérer s'il résulte de l'instruction ou non qu'il est exposé, faute d'un tel sursis, à la perte définitive d'une somme (CE, Contentieux, 13 avril 1988, n° 82536, Commune de Rouvres c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8094APH).

Cette obligation pèse, également, sur l'administration fiscale lorsqu'elle sollicite qu'il soit sursis à exécution d'un jugement prononçant une décharge d'imposition (CAA Nantes, 1ère ch., 8 septembre 1993, n° 93NT00454, Ministre du budget c/ SARL "Bulletin d'information" N° Lexbase : A1487BHK).

A cet égard, la question se pose de savoir, si l'administration représentée par son ministre peut demander qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision, lorsqu'une entreprise fait l'objet de procédures collectives et, plus particulièrement, d'une procédure de règlement judiciaire ?

La jurisprudence à la question ainsi posée a répondu positivement (CE, contentieux, 29 mars 2002, n° 241670, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Grey Diffusion N° Lexbase : A5065AYA) ; CE, 2° s-s., 29 juillet 2002, n° 247048, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Faluver N° Lexbase : A0003B9Y), pour autant que l'exécution du jugement ou de l'arrêt déféré exposerait effectivement l'Etat à une perte définitive de sa créance.

Ainsi, s'agissant d'une demande de sursis à exécution d'un jugement rendu en faveur d'un contribuable en liquidation judiciaire, le Conseil d'Etat a considéré qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande du ministre, dès lors qu'il n'était pas établi que l'exécution du jugement ordonnant la décharge de l'imposition en cause risquerait d'exposer l'Etat à une perte définitive (CE, 8° et 9° s-s., 16 juillet 1976, n° 02769, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société X N° Lexbase : A1329B8Q).

Dans cette affaire, le juge, constatant que la société avait bénéficié du sursis au paiement des impositions litigieuses, relevait, d'une part, que l'Etat ne pouvait être contraint à procéder à un remboursement de droits au profit de la société intimée et, d'autre part, que le ministre n'établissait pas, en outre, que l'exécution du jugement en cause risquait d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une somme, qui ne devrait pas rester à sa charge au cas où les conclusions de son recours seraient reconnues fondées par le Conseil d'Etat.

En d'autres termes, le Conseil d'Etat admet implicitement, mais nécessairement, que la circonstance que le contribuable soit en liquidation judiciaire n'est pas un élément à lui seul suffisant pour ordonner le sursis à exécution d'un jugement rendu en première instance au profit d'un contribuable (dans le même sens, CE, Contentieux, 23 mars 1992, n° 99425, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL "Société nouvelle Rivastella" et autres N° Lexbase : A5122AR7).

Et ce, plus particulièrement dans les cas où l'exécution du jugement n'engendre aucun décaissement de la part de l'Etat, le contribuable ayant initialement bénéficié du sursis au paiement des impositions complémentaires litigieuses. Dans une affaire en date du 8 septembre 1993, il a été jugé que le ministre n'établissait pas que l'imposition, dont le tribunal avait accordé la décharge, avait été acquittée, et que les sommes en cause devaient, de ce fait, être remboursées dans des conditions impliquant que, compte tenu de la mise en liquidation judiciaire de la société, l'administration soit exposée en exécutant le jugement à la perte définitive d'une somme d'argent (CAA Nantes, 1ère ch., 8 septembre1993, n° 93NT00454, Ministre du Budget c/ SARL "Bulletin d'information" N° Lexbase : A1487BHK).

Il ressort, donc, de ces différentes affaires, que c'est, seulement, pour ce qui concernent les sommes correspondant à des remboursements effectifs (impliquant un réel décaissement pour le Trésor) que les circonstances créées par la mise en liquidation judiciaire peuvent être prises en compte par le juge pour faire droit à la demande du ministre de surseoir à l'exécution d'un jugement, dont l'exécution conduirait, conformément aux dispositions des articles précités du CJA, à la perte définitive de la créance.

C'est ce que confirme le Conseil d'Etat dans son dernier arrêt sur le sujet, "SA Décolfock Clara Lander" du 10 novembre 2004.

En revanche, à défaut d'obligation de remboursement des sommes litigieuses, lorsque ces dernières n'ont pas été acquittées par le redevable bénéficiant du sursis de paiement, et si la créance du Trésor a été régulièrement produite auprès du liquidateur, le sursis à exécution ne pourra pas être prononcée au profit de l'administration.

C'est en ce sens que s'est prononcée la cour administrative d'appel de Versailles, dans un arrêt du 3 mars 2005, en considérant que "le ministre ne soutient pas que les impositions, dont le tribunal a prononcé la décharge, ont été acquittées, en tout ou partie, par la SA Genicom et que les sommes correspondantes doivent, de ce fait, être remboursées dans des conditions impliquant qu'en l'espèce, compte tenu de la mise en liquidation judiciaire de cette société, l'administration est exposée, en exécutant le jugement, à la perte définitive d'une somme d'argent, dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies".

Elle poursuit en rappelant conformément à la jurisprudence précitée que "si le ministre fait valoir que l'exécution du jugement du tribunal administratif de Versailles aurait pour effet d'empêcher l'Etat de produire sa créance et, donc, de participer, en tant que créancier privilégié, à la répartition de l'actif disponible de la société liquidée, il résulte de l'instruction, en tout état de cause, que la créance a été produite le 19 août 2004 par la recette des impôts de Juvisy-sur-Orge ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin de sursis présentées par le ministre".

En conclusion, dans tous les cas, où l'Etat se trouvera dans la situation de reverser des impositions, déjà, acquittées par le contribuable et/ou lorsque la créance n'aura pu régulièrement être produite auprès du liquidateur conduisant à priver l'Etat de toute participation, en tant que créancier privilégié, à la répartition de l'actif de l'entreprise liquidée, le sursis à exécution sera, normalement, octroyé.

newsid:75891

Impôts locaux

[Le point sur...] Taxe professionnelle : l'hypothèse d'un contribuable percevant des BIC non professionnels

Lecture: 8 min

N5895AI8

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Le 07 Octobre 2010

Alors que la taxe professionnelle pourrait être profondément modifiée, voire supprimée, à la suite des propositions issues du rapport de la commission "Fouquet" du 21 décembre 2004 (rapport Fouquet), qui suggère, notamment, la création d'un impôt assis sur la valeur ajoutée des entreprises à 80 % et sur la valeur locative foncière à 20 % avec un taux local encadré au niveau national (lire Sabine Dubost, Les grandes lignes du rapport d'étape sur la réforme de la taxe professionnelle, Lexbase Hebdo, n° 132 du 2 septembre 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N2642ABH), il paraît intéressant de faire un point sur son champ d'application. Aux termes de l'article 1447 du CGI , la taxe professionnelle est due par les personnes physiques ou morales qui exercent, à titre habituel, une activité professionnelle non salariée et qui ne bénéficient pas d'une exonération.

Une activité éligible à la taxe professionnelle obéit à certaines conditions :

- tout d'abord, elle doit présenter un caractère habituel, c'est-à-dire que les opérations en cause doivent présenter un caractère répétitif (question de fait) ;
- par ailleurs, elle droit être exercée à titre professionnel ;
- en outre, elle ne doit pas être rémunérée par un salaire (exonération de taxe professionnelle pour les titulaires de traitements et salaires) ;
- enfin, elle doit être exercée en France.

Le domaine de la taxe professionnelle se cantonne, donc, schématiquement, aux entreprises relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et aux professions libérales relevant du régime des bénéfices non commerciaux (BNC).

En pratique, la question s'est posée de savoir si un contribuable percevant des BIC non professionnels est passible de la taxe professionnelle. De prime abord, cette interrogation peut sembler incongrue étant donné, commme nous l'avons remarqué, que pour être imposable à la taxe professionnelle, une activité, doit, en principe, revêtir un caractère professionnel, c'est-à-dire être, non seulement, exercée à titre habituel, mais, aussi, dans un but lucratif et, surtout, ne pas être limitée à la gestion d'un patrimoine privé. Ainsi, le contribuable percevant des BIC dans le cas d'une simple gestion patrimoniale échappe, en toute logique, à la taxe professionnelle (1). Et pourtant, la doctrine administrative et certains arrêts récents de cours administratives d'appel semblent aller contre cette affirmation de principe en matière de location meublée et de location-gérances (2).

1. La simple gestion patrimoniale n'entraîne pas la soumission à la taxe professionnelle

La gestion du patrimoine en "bon père de famille" n'entraîne pas l'assujettissement à la taxe professionnelle. En revanche, si cette gestion se "professionnalise", c'est-à-dire que son propriétaire utilise son patrimoine dans le cadre d'opérations de nature spéculatives (CAA Paris, 2ème ch., 30 décembre 1996, n° 95PA00774, Ministre du Buget c/ M. Taillet N° Lexbase : A8762AY8),  les bénéfices en résultant seront imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux professionnels. De là, en résultera sa soumission à la taxe professionnelle.

Ainsi, sont assujetties à la taxe professionnelle, "les personnes qui habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés" . Ou encore, "les personnes qui, à titre professionnel, effectuent en France ou à l'étranger, directement ou par personne interposée, des opérations sur un marché à terme d'instruments financiers ou d'options négociables ou sur des bons d'option, à condition qu'elles aient opté pour ce régime dans les quinze jours du début du premier exercice d'imposition à ce titre" (CGI, art. 35-I, 8°).

Dans ces deux hypothèses, c'est le caractère professionnel de l'activité exercée et la répétition d'actes (caractère habituel) qui font basculer le contribuable en cause dans le champ d'application de la taxe professionnelle. Il aura, toutefois, toujours la possibilité de démontrer que les opérations en question avaient été effectuées en vue de satisfaire des besoins personnels et familiaux. Ainsi, pour la cour administrative d'appel de Lyon, n'a pas effectué des activités de marchand de biens entrant dans le champ de l'article 35-I,1° du CGI, le contribuable qui établit que les immeubles vendus avaient été acquis pour satisfaire ses besoins personnels et familiaux. Elle en conclut, donc, que leur revente relève de la simple gestion du patrimoine personnel (CAA Lyon, 2ème ch., 31 décembre 2001, n° 01LY00367, M. et Mme Alix c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8695AZ3).

La solution est identique pour un particulier ayant décidé de financer partiellement l'acquisition de son voilier en recourant à la formule de l'achat-gestion (CE 9° et 10° s-s., 21 décembre 2001, n° 210585, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Roullet N° Lexbase : A9772AX9). En l'espèce, le requérant avait mis par contrat le bateau, dès son acquisition, à la disposition d'une entreprise spécialisée dans la location de bateaux durant cinq ans. Toutefois, il en avait conservé la jouissance pendant quelques semaines. La Haute assemblée a infirmé l'argumentation de l'administration fiscale, qui entendait soumettre le contribuable à la taxe professionnelle, alors même que les revenus tirés de la location étaient, certainement, imposables dans la catégorie des BIC. Selon elle, la simple passation du contrat de louage, qui n'a pas impliqué la mise en oeuvre par celui-ci de moyens matériels ou intellectuels, ne suffit pas à caractériser l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du CGI.

La solution est, d'ailleurs, semblable en matière de BNC, comme a pu le rappeler le tribunal administratif de Nantes dans un jugement en date du 26 février 2002. Dans cette affaire, les juges du premier degré ont considéré qu'une SCI, qui percevait des BNC en partie non professionnels et qui exerçait à titre habituel l'activité non salariée consistant à gérer la sous-location de locaux nus à usage commercial, n'est pas assujettie à la taxe professionnelle, dès lors que les moyens matériels et intellectuels mis en oeuvre pour assurer cette gestion correspondaient à ceux nécessaires à une simple activité de gestion patrimoniale et, par la suite ne sauraient caractériser l'exercice d'une profession non salariée (TA Nantes, 26 février 2002, SCI de Berge).

2. L'assujettissement à la taxe professionnelle des contribuables percevant des BIC non professionnels

Sont des revenus non professionnels ceux dont le titulaire ne participe pas de manière personnelle, continue et directe à l'activité relevant des BIC dont ils proviennent . La gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention.

La perception de BIC non professionnels ne devraient pas, dès lors, entraîner l'imposition à la taxe professionnelle de leur titulaire. Pourtant en matière de locations meublées et de locations gérances, les solutions en vigueur semblent enfreindre ce principe.

2.1. Le cas des locations meublées

En matière de locations meublées, en principe, le bailleur doit échapper au paiement de la taxe professionnelle (sous réserve qu'il ne s'agit pas d'une gestion professionnelle de son patrimoine bien entendu). Il agit, en effet, dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé et n'exerce à ce titre aucune activité professionnelle susceptible d'entraîner son assujettissement à la taxe professionnelle. De plus, les loyers perçus ont, en général, la nature de BNC non professionnels.

Cependant, l'administration fiscale, s'appuyant sur un argument textuel, fait entrer certaines locations meublées dans le champ de la taxe professionnelle (QE n° 46456 de M. Nesme Jean-Marc, JOANQ, 14 septembre 2004, p. 7079, min. Eco., réponse publ. 23 novembre 2004, p. 9218, 12ème législature). Le Code général des impôts prévoyant des exonérations de taxe professionnelle pour certaines locations meublées, n'est'il pas pas logique de penser que le principe est la soumission de ces dernières à l'impôt local ?

Cette solution est, néanmoins, contraire au principe vu plus haut de la non-imposition à la taxe professionnelle d'une personne se cantonnant à une simple gestion patrimoniale.

Le Conseil d'Etat est pour l'instant muet sur cette question. On peut espérer que sa jurisprudence future s'inspirera de l'arrêt du 29 avril 2004 de la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 5ème ch., 29 avril 2004, n° 00LY02050, M. Christophe Denis c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1807DDB), qui a jugé qu'un particulier gérant son patrimoine en bon père de famille, malgré le fait qu'il consente des locations meublées, n'exerce pas d'activité professionnelle. En conséquence, la juridiction administrative d'appel en a déduit que contribuable devait échapper au paiement de la taxe professionnelle.

2.2. Le cas des locations-gérances

Un propriétaire qui met son fonds de commerce en location-gérance, perçoit des redevances qui sont, au regard du droit fiscal, des BIC non professionnels. Il devrait, donc, échapper à la taxe professionnelle. Pourtant la jurisprudence (CAA Bordeaux, 3ème ch., 4 février 1997, n° 95BX01767, SARL Etablissements Larre et Suhas c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0124AXU) et la doctrine administrative prônent la solution inverse.

Examinons, d'abord, la position de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Celle-ci, dans l'affaire qui nous concerne, avait été saisie par une SARL qui contestait son assujettissement à la TVA. Elle arguait du fait qu'elle n'avait pas exercé l'année en cause une activité ayant à la fois un caractère habituel et un caractère professionnel au sens de l'article 1447 du CGI, dès lors qu'elle avait confié son fonds de commerce en location gérance à deux entreprises individuelles.

Les juges du fond la déboutèrent, cependant, au motif "qu'en raison, d'une part, de l'existence de moyens matériels spécifiques mis en oeuvre par le loueur d'un fonds de commerce, d'autre part, de l'objet commercial d'une telle location, un tel loueur doit être regardé comme exerçant une activité professionnelle non salariée au sens de l'article précité (CGI, art. 1447) ; que la société Etablissements Larre et Suhas ayant signé un contrat avec deux entreprises, consistant à leur fournir pour compter du 1er janvier 1991, les éléments nécessaires à une exploitation commerciale provenant du fonds de commerce qu'elle exploitait antérieurement, elle a exercé, au cours de l'année considérée, une activité de location, présentant un caractère périodique, au titre de laquelle elle était redevable de la taxe professionnelle en vertu des dispositions précitées de l'article 1447 du CGI".

Il convient de noter que cet arrêt est, néanmoins, conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui considère que la location d'un fonds de commerce, muni des éléments nécessaires à son exploitation (mobilier, matériel divers...) constitue une activité imposable, même lorsque le loueur gérait, précédemment, le fonds et n'avait conservé aucun droit de regard (CE, contentieux, 5 janvier 1972, n° 82578, Ministre des Finances c/ Sieur Boucher N° Lexbase : A3336B7P).

La solution est évidente, compte tenu du fait que le propriétaire du fonds participait à titre professionnel, c'est-à-dire de manière personnelle, continue et directe à l'activité qui génère ses revenus, du fait de la fourniture d'un certains nombres d'éléments nécessaires à l'exploitation du fonds commercial aux deux sociétés.

L'étude de ces jurisprudences nous enseigne, ainsi, que le loueur n'est pas imposable à la taxe professionnelle, à partir du moment où, dans le cadre d'un contrat de location quel qu'il soit, il ne pas met en oeuvre des moyens matériels ou intellectuels, mais se cantonne à un rôle purement passif qui consiste à encaisser les loyers.

Cependant, dans le cas des locations meublées, la doctrine administrative ne fait pas sienne cette analyse, ce qui est contraire à l'article 1447 du CGI. En matière de locations-gérance, en revanche, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ne paraît pas contraire aux dispositions relatives à la taxe professionnelle. En effet, le propriétaire du fonds de commerce aurait échappé à l'imposition, s'il n'avait pas été prévu dans le contrat qu'il devait fournir des éléments nécessaires à l'exploitation commerciale du fonds. On serait, alors, resté dans le cadre d'une gestion patrimoniale et non professionnelle.

Karim Sid Ahmed
Doctorant à l'Université de Paris I - La Sorbonne


Lire également :

- M. Cozian, Celui qui perçoit des BIC ou des BNC non professionnels est-il passible de la taxe professionnelle ?, DO 2005, n° 19 ;
- J.-P. Fradin et J.-B. Geffroy, Traité du droit fiscal de l'entreprise, 2003, PUF, n° 56-60 ;
- C. David, O. Fouquet, B. Plagnet et P.-F. Racine, Les grands arrêts de la jrisprudence fiscale, 4ème éd., Dalloz, 2003, n° 27.

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Sécurité sociale

[Textes] Opposabilité des circulaires et rescrit social en matière de cotisations sociales

Réf. : Ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales (N° Lexbase : L8435G8W)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

Le 07 Octobre 2010

L'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales (N° Lexbase : L8435G8W) comporte deux mesures qui renforcent la sécurité juridique des entreprises et des travailleurs indépendants. La première mesure rend opposables les circulaires ou instructions ministérielles publiées aux organismes de recouvrement du régime général mais, également, à ceux des travailleurs indépendants. Ainsi, un cotisant qui applique une circulaire ministérielle publiée ne pourra plus faire l'objet d'un redressement sur la période au cours de laquelle elle s'appliquait (1). La deuxième mesure concerne la mise en place, à l'image de ce qui existe déjà dans le domaine fiscal, de la procédure de rescrit social, c'est-à-dire la possibilité pour un cotisant de demander une prise de position à l'Urssaf ou à la CMSA sur l'application à son cas d'un dispositif d'exonération ou d'une réglementation spécifique (2). La prise de position sera opposable à l'organisme pour le cas précis signalé par le cotisant, pour l'avenir et pour autant que la situation de fait décrite correspond à la réalité et que la législation n'a pas évolué. Cette technique du rescrit social fait, pour la première fois en matière de cotisations sociales, l'objet d'une codification (Code de la sécurité sociale, Chap. 3, recouvrement des cotisations, section 3 bis, droit des cotisants, art. L 243-6-1 à L 243-6-3). La première disposition (CSS, art. L. 243-6-1 N° Lexbase : L0251DPY) a été insérée par la loi nº 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la Sécurité sociale pour 2004 (N° Lexbase : L9699DLS) ; les deux autres (CSS, art. L. 243-6-2 et L. 243-6-3), par l'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005. 1. Interprétation de la législation relative aux contributions et cotisations

L'interprétation de la législation en droit de la Sécurité sociale relève du pouvoir réglementaire (circulaires du ministère de la Santé ou du ministère du Travail et de l'Emploi, mais aussi circulaires Acoss). Elle peut être sollicitée directement par un cotisant auprès de l'Urssaf.

1.1. Interprétation existante : opposabilité des circulaires ou instructions

Jusqu'à présent, le régime de l'interprétation des textes de droit de la Sécurité sociale n'était pas fixé avec précision. Il en résultait une situation juridique délicate pour les cotisants (employeurs et travailleurs indépendants), dès lors qu'ils entendaient bénéficier d'une exonération de charges sociales prévue au titre d'un dispositif d'aide à l'emploi.

La loi nº 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la Sécurité sociale pour 2004 (art. 72) (N° Lexbase : L9699DLS) a entendu sécuriser les rapports juridiques entre employeurs et travailleurs indépendants, avec les Urssaf, en posant la règle selon laquelle tout cotisant, confronté à des interprétations contradictoires concernant plusieurs de ses établissements dans la même situation au regard de la législation relative aux cotisations et aux contributions de Sécurité sociale, a la possibilité -sans préjudice des autres recours- de solliciter l'intervention de l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) en ce qui concerne l'appréciation portée sur sa situation par les organismes de recouvrement (visés aux articles L. 213-1 N° Lexbase : L4862ADG et L. 752-4 N° Lexbase : L7767G7S du Code de la Sécurité sociale).

Cette règle a été codifiée (CSS, art. L. 243-6-1 N° Lexbase : L0251DPY). L'utilité d'une telle règle n'est pas à démontrer, s'agissant d'exonérations de charges sociales dont le régime est parfois d'une redoutable complexité, rendue plus délicate pour les cotisants, par l'instabilité des textes, extrêmement évolutifs. Que l'on pense, par exemple, aux exonérations de charges sociales prévues au titre des zones franches urbaines et des zones de revitalisation rurale...

1.2. Interprétation sollicitée : procédure du rescrit social

Les droits des cotisants ont été renforcés par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 (loi nº 2003-1199 du 18 décembre 2003), selon des modalités déjà examinées (supra). Etait-ce suffisant ? Non, parce que les cotisants peuvent avoir recours à un autre mode de sécurisation de leurs rapports avec les Urssaf, dit "rescrit social". La technique du rescrit social, mise en place une première fois dans le cadre de la loi "Madelin", fait enfin l'objet d'un régime juridique général, par l'ordonnance du 6 juin 2005.

  • Loi "Madelin"

La loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, dite loi "Madelin" (N° Lexbase : L3026AIW) a inséré, dans le Code de la Sécurité sociale, un article L. 311-11 (N° Lexbase : L5023ADE), selon lequel les entrepreneurs ne relèvent du régime général de la Sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Ils peuvent demander aux Urssafs (organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général) de leur indiquer si cette activité relève de ce régime (c'est la procédure du rescrit). A défaut de réponse dans le délai de 2 mois suivant la date de cette demande ou en cas de réponse négative, les personnes en cause ne peuvent se voir imposer ultérieurement une affiliation au régime général que si les conditions d'exercice de leur activité ont été substantiellement modifiées ou si les informations fournies étaient erronées (J.-P. Chauchard, Le rescrit social, procédure d'interrogation de l'Urssaf, loi du 11 février 1994, art. 35, Dr. soc. 1995, p. 642).

Le pouvoir réglementaire a apporté d'utiles précisions sur le régime de ce rescrit social (Circ. DSS, n° 94-37, du 4 juillet 1994, portant application de l'article 35 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle N° Lexbase : L5774G9Q).

  • L'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005

La technique du rescrit social n'avait, jusqu'à présent, qu'un domaine limité (loi "Madelin", supra) et, de manière générale, un statut juridique stable et lui-même sécurisant. L'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 comble opportunément cette lacune juridique.

Il se dessine autour de cette réforme introduite par l'ordonnance du 6 juin 2005 une unanimité, car le rescrit social permet de répondre à deux objectifs :

- la procédure du rescrit fiscal permet aux contribuables de consulter l'administration fiscale afin de s'assurer qu'ils remplissent bien les conditions requises pour bénéficier de certains dispositifs fiscaux de faveur (LPF, art. L. 80 A N° Lexbase : L8568AE3). Selon le Conseil économique et social, la technique du rescrit a vocation à être étendue à d'autres domaines juridiques, tels que le droit de la Sécurité sociale, le droit de la concurrence et le droit environnemental, qui sont particulièrement complexes.

Le Conseil économique et social souligne que la procédure du rescrit a pour effet d'accroître la sécurité juridique et la confiance qu'ont les usagers dans les dispositifs qui leur sont applicables, et observe que les chefs d'entreprise et les investisseurs internationaux en sont particulièrement demandeurs, à l'instar de ce qui peut être obtenu à l'étranger.

Mais le rescrit social ne peut se développer avec la sécurité requise que si, d'après le Conseil économique et social, l'administration s'organise pour que les services responsables de ces procédures soient pleinement informés des règles applicables par leurs homologues chargés des contrôles et des sanctions. D'où cette suggestion : la mise en place d'une instance de coordination, s'assurant que la délivrance des rescrits se fait bien en connaissance de cause. Cette instance constituerait un échelon de recours pour un arbitrage en cas de divergence d'interprétation (A. Duthilleul, Entreprises et simplifications administratives, Avis et Rapport du Conseil économique et social, mai 2005, disponible sur le site internet du CES).

- certains travaux parlementaires, rappelant que les règles relatives à la gestion des exonérations de cotisations sociales sont d'une grande complexité, ont pris l'exemple du vote de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, dite loi "Fillon" (N° Lexbase : L0300A9Y). Il avait été proposé aux entreprises une simplification des dispositifs d'allégement de cotisations sociales autour d'un plafond de référence fixée à 1,7 Smic. Or, les engagements pris par le Gouvernement lors du vote de cette loi ont été déjà retouchés par le projet de loi de finances pour 2005, qui ramène à 1,6 Smic le montant maximal de l'exonération (A. Vasselle, Prélèvements sociaux : quelles voies pour la stabilité ?, Rapport d'information n° 50, 2004-2005, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 3 novembre 2004).

Le Sénat a montré, à cette occasion, que les entreprises ont besoin de visibilité pour embaucher. Elles réclament des mesures d'accompagnement durable sur lequel elles puissent construire une stratégie à moyen ou plus long terme. Pour le Sénat, en matière de sécurité juridique, l'introduction du rescrit social constitue un instrument destiné à rassurer les employeurs : ils ne seront pas victimes d'un arbitraire social de l'Urssaf.

Mais le Sénat considère que le rescrit social n'est pas, en soi, un outil de clarification. Aussi, il a entendu aller plus loin, en proposant la fusion des règles relatives aux exonérations de cotisations sociales dans un dispositif général, qui pourrait être le dispositif "Fillon", accompagné d'une prime modulée en fonction des objectifs supplémentaires poursuivis par les pouvoirs publics.

2. Régime du rescrit social

S'inspirant du régime du rescrit tel qu'il a été mis en place en droit fiscal, le pouvoir réglementaire a fixé les grandes lignes d'un régime juridique du rescrit social, avec l'ordonnance du 6 juin 2005.

2.1. Champ d'application

L'ordonnance du 6 juin 2005 vise le cas général des employeurs régis par le droit commun (régime des salariés : CSS, art. L. 243-6-2). Les dispositions transposent l'opposabilité des circulaires et des instructions ministérielles pour les cotisants relevant du régime général à ceux qui relèvent du régime des non-salariés non-agricoles (II, III et IV de l'art. 1er de l'ordonnance du 6 juin 2005), c'est-à-dire de la Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes (Canam), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des artisans (Cancava), d'Organic, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

2.2. Conditions de sa mise en oeuvre

Pour bénéficier du rescrit social, il faut que :

- premièrement, la demande entre dans un champ défini, portant sur la réglementation relative à des exonérations de cotisations limitées à une zone géographique ou conditionnées par la mise en place de régimes de retraite supplémentaire ou de régimes de prévoyance, ainsi que de la réglementation sur les avantages en nature et les frais professionnels (CSS, art. L. 243-6-3 ; s'agissant des exonérations de cotisations limitées à une zone géographique susceptibles de donner lieu au rescrit social, un décret en Conseil d'Etat en dressera la liste) ;

- deuxièmement, l'Urssaf puisse se prononcer en toute connaissance de cause ;

- troisièmement, la situation de fait décrite corresponde à la réalité. La position de l'Urssaf ne sera opposable que pour le cas exposé.

2.3. Délais de réponse et effets de la saisine par l'employeur, de l'Urssaf, sur une procédure de redressement

La décision explicite doit intervenir dans un délai fixé par voie réglementaire (4 mois). Lorsqu'à l'issue de ces 4 mois, l'organisme de recouvrement (Urssaf) n'a pas notifié au demandeur sa décision, il ne peut être procédé à un redressement de cotisations ou contributions sociales, fondé sur la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, au titre de la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et la date de la notification de la réponse explicite (CSS, art. L. 243-6-3).

L'Urssaf devra répondre de manière explicite dans un délai qui sera fixé par décret en Conseil d'Etat à 4 mois. Ce délai doit permettre aux organismes d'absorber, dans de bonnes conditions, le flux de demandes. Ce délai ne saurait être trop long car il pénaliserait le cotisant en cas de réponse négative de l'organisme. En effet, à la différence du domaine fiscal où la demande peut être largement antérieure à la date de mise en oeuvre de l'avantage sollicité, en matière sociale, les déclarations et le paiement des cotisations et contributions sociales sont mensuels ou trimestriels.

En cas d'absence de réponse de l'organisme dans le délai imparti, le dispositif permet de ne pas pénaliser le cotisant. En effet, l'organisme ne pourra pas redresser le cotisant sur le point visé par la saisine sur la période de retard qui lui incombe. Cette disposition vise, également, à inciter l'organisme à se prononcer dans le délai prévu (Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005).

2.4. Portée juridique du rescrit

Le rescrit social ne s'applique qu'au seul demandeur et est opposable, pour l'avenir, à l'organisme qui l'a prononcé (Urssaf), tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée n'a pas été modifiée.

De plus, un cotisant affilié auprès d'un nouvel organisme peut se prévaloir d'une décision explicite prise par l'organisme dont il relevait précédemment, tant que la situation de fait exposée dans sa demande ou la législation au regard de laquelle sa situation a été appréciée n'a pas été modifiée (CSS, art. L. 243-6-3).

Cette opposabilité du rescrit ne signifie pas que l'Urssaf soit tenue d'interpréter une règle en droit de la Sécurité sociale de manière figée. Très logiquement, l'ordonnance du 6 juin 2005 prévoit que l'organisme de recouvrement (Urssaf) a la possibilité de modifier pour l'avenir sa décision. Dans ce cas, il en informe le cotisant, qui peut solliciter, sans préjudice des autres recours, l'intervention de l'Acoss. Celle-ci transmet à l'organisme de recouvrement sa position quant à l'interprétation à retenir. Celui-ci la notifie au demandeur dans le délai d'un mois (CSS, art. L. 243-6-3).

Cette opposabilité d'une interprétation d'un texte (en l'espèce, en droit de la Sécurité sociale) s'inspire du droit fiscal, selon lequel il n'est procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (jurisprudence assez abondante : CAA Marseille, 3e ch., 30 avril 2001, n° 98MA00756, M. Serge Bayle N° Lexbase : A4792BMG ; CAA Paris, 2e ch., 14 octobre 1997, n° 95PA02938, Ministre de l'économie et des finances c/ Timsit N° Lexbase : A9824BHC ; CAA Paris, 2e ch., 12 juillet 1994, n° 92PA00803, Mlle Meunier N° Lexbase : A9516BHW ; CAA Paris, 3e ch., 30 décembre 1993, n° 91PA00666, M. et Mme Attali N° Lexbase : A3055BIY).

2.5. Mise en oeuvre de l'ordonnance et modalités d'application, précisées ultérieurement par d'autres textes

L'ordonnance du 6 juin 2005 doit entrer en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et, au plus tard, au 1er octobre 2005.

Ce régime juridique du rescrit, en l'état, reste incomplet. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du dispositif : la forme de la demande, le délai de réponse, les informations qui doivent être fournies, les modalités selon lesquelles l'organisme communique sa décision et les modalités de l'arbitrage éventuel de l'Acoss.

Un arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale fixera, également, les informations nécessaires à l'instruction de la demande en fonction des dispositifs ou réglementations concernés.

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Procédure prud'homale

[Jurisprudence] Les décisions avant dire droit et leur difficile contestation

Réf. : Cass. soc., 14 juin 2005, n° 03-42.311, Société Métropole télévision (M6), F-P+B (N° Lexbase : A7532DIS)

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par Anne Lemonnier, Avocat à la Cour, Cabinet Fromont, Briens & Associés

Le 07 Octobre 2010

En application des articles 606 (N° Lexbase : L2861ADC), 607 (N° Lexbase : L2862ADD) et 608 (N° Lexbase : L2863ADE) du Nouveau Code de procédure civile, seules les décisions de dernier ressort mettant fin à l'instance sont susceptibles de faire l'objet d'un pourvoi immédiat. Pour toutes les autres décisions et sauf texte particulier, le principe même du pourvoi n'est pas prohibé, mais son exercice est différé. Dans ces cas, le pourvoi ne peut être formé indépendamment de la décision à intervenir sur le fond. La seule exception à ce principe réside dans l'existence d'un excès de pouvoir ou d'une erreur de droit grossière entachant la décision. La démonstration d'un tel grief ouvre la voie du pourvoi immédiat. La Chambre sociale de la Cour de cassation, reprenant ces principes de procédure civile confirme, par un arrêt rendu le 14 juin 2005, l'exception tirée de l'excès de pouvoir, de création purement jurisprudentielle.
Décision

Cass. soc., 14 juin 2005, n° 03-42.311, Société Métropole télévision (M6), F-P+B (N° Lexbase : A7532DIS)

Irrecevabilité des pourvois (CA Versailles, 15ème chambre sociale, 28 janvier 2003 ).

Textes visés : NCPC, art. 606 (N° Lexbase : L2861ADC) ; NCPC, art. 607 (N° Lexbase : L2862ADD) ; NCPC, art. 608 (N° Lexbase : L2863ADE)

Mots-clés : arrêt avant dire droit ; appel en intervention forcée ; mesure d'expertise ; irrecevabilité du pourvoi ; excès de pouvoir.

Lien bases :

Résumé de la décision

Ne peut être reçu indépendamment de la décision à intervenir sur le fond un pourvoi en cassation formé contre une décision qui ne tranche pas le principal ou qui statue sur une exception ou une fin de non-recevoir sans mettre fin à l'instance.

Ces règles ne reçoivent exception qu'en cas d'excès de pouvoir

Faits

La Chambre sociale de la cour d'appel de Versailles devait, en l'espèce, statuer sur une demande en paiement et sur un appel en intervention forcée de sociétés non parties en première instance.

Elle a rendu un arrêt le 28 janvier 2003, lequel a déclaré recevable l'appel en intervention forcée des sociétés et ordonné une expertise.

Trois pourvois immédiats ont été formés à l'encontre de cette décision avant dire droit. Ceux-ci étant connexes, ils ont été joints.

Pour tenter de démontrer la recevabilité de leur pourvoi, les parties ont prétendu que l'arrêt de la cour d'appel aurait, d'une part, méconnu la condition d'évolution du litige assortissant l'intervention forcée en cause d'appel posée par l'article 555 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2805ADA) et, d'autre part, ordonné une mesure d'instruction palliant la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et délégant au technicien un pouvoir d'appréciation en méconnaissance des articles 146 (N° Lexbase : L2261AD4) et 232 (N° Lexbase : L2436ADL) du même code.

Solution

1. Irrecevabilité des pourvois au visa des articles 606, 607, 608 du Nouveau Code de procédure civile.

2. "Et attendu que ne caractérisent pas un excès de pouvoir les griefs faits à l'arrêt, motif pris des articles 555, 146 et 232 du Nouveau Code de procédure civile, d'une part d'avoir méconnu la condition d'évolution du litige assortissant l'intervention forcée en cause d'appel et, d'autre part, d'avoir ordonné une mesure d'instruction palliant la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et délégant au technicien un pouvoir d'appréciation ;

D'où il suit que les pourvois ne sont pas recevables".

Commentaire

1. L'appréciation parfois mal aisée des cas d'ouverture du pourvoi en cassation

Le Nouveau Code de procédure civile (NCPC) prohibe, dans certains cas strictement arrêtés, l'exercice immédiat du pourvoi en cassation. La création prétorienne est, cependant, venue ajouter un tempérament à ces derniers : l'excès de pouvoir.

  • Les prohibitions strictes arrêtées par le Nouveau Code de procédure civile

Les articles 606, 607 et 608 du Nouveau Code de procédure civile indiquent très précisément que les jugements (entendus au sens large) rendus en dernier ressort, tranchant une partie du principal et ordonnant une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, ainsi que ceux statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident et mettant fin à l'instance, sont susceptibles de pourvoi en cassation.

De la sorte, les décisions rendues en dernier ressort et qui, dans leur dispositif, ne mettent pas fin à l'instance, ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation de façon immédiate. Le pourvoi ne pourra être exercé que concomitamment avec le pourvoi formé contre la décision statuant au fond.

Cette notion de "décision mettant fin à l'instance" a fait l'objet de divergences.

En effet, il n'est parfois pas aisé de déterminer si le principal a été tranché. La question s'est ainsi posée lorsque le juge, dans son dispositif, a déclaré l'action recevable et, par ailleurs, a ordonné une mesure d'instruction ou une mesure provisoire. Le fait que l'action soit déclarée recevable permet-il de considérer qu'une partie du principal a été tranché ?

La jurisprudence classique a répondu par la négative (Cass. civ. 2, 12 juin 1991, n° 90-11.004, M. Bourgais c/ Assédic de Haute-Normandie, publié N° Lexbase : A5030AHR).

Désormais, il est admis que met fin à l'instance la décision en dernier ressort qui tranche définitivement le litige, la juridiction ayant épuisé sa saisine, qu'il le tranche au fond ou par le biais d'une exception de procédure ou d'une fin de non-recevoir (Ass. plén., 5 décembre 1997, n° 95-17.858, Assurances Générales de France (AGF) et autre c/ Syndicat des Copropriétaires de la Résidence La Batarelle et autres, publié N° Lexbase : A0622ACZ).

Dans l'arrêt du 5 décembre 1997, l'Assemblée Plénière avait considéré qu'était irrecevable un pourvoi formé à l'encontre d'une décision confirmant une ordonnance du juge de la mise en état ayant alloué une provision, décision qui n'avait pas mis fin à l'instance engagée devant le tribunal.

Malgré les textes et la jurisprudence, il est cependant encore parfois très complexe de déterminer si une décision met définitivement fin à l'instance. Cette distinction est pourtant fondamentale en pratique pour déterminer si la partie doit ou non exercer un pourvoi immédiat dans le délai strict de 2 mois.

  • L'excès de pouvoir, tempérament d'origine jurisprudentielle

La seule exception à la prohibition du pourvoi immédiat est l'existence d'un excès de pouvoir. Il est ainsi de jurisprudence constante que, dans tous les cas, le pourvoi est immédiatement recevable lorsque la décision rendue en dernier ressort est entachée d'un excès de pouvoir.

Le même principe avait été dégagé par la jurisprudence pour les décisions qui étaient insusceptibles d'appel immédiat. Les jugements avant dire droit sont ainsi susceptibles d'appel immédiat et non différé lorsqu'ils sont entachés d'excès de pouvoir. Tel est le cas des décisions rendues par le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes.

La difficulté de cette exception réside dans son appréciation.

Tout en les distinguant de l'excès de pouvoir, la jurisprudence a donné les mêmes effets à l'erreur de droit grossière ou encore à l'irrégularité flagrante. A travers ces notions, il s'agit de sanctionner une décision qui, privée de voie de recours, n'en apparaît pourtant pas moins entachée d'un vice fondamental, contraire à la loi au sens large.

C'est ainsi que la méconnaissance du principe contradictoire, du principe de l'autorité de la chose jugée ou celui encore du caractère non suspensif du pourvoi ont été considérés comme des motifs graves et légitimes propres à justifier un recours contre la décision avant dire droit. Tel a encore été le cas d'une violation du principe "Le criminel tient le civil en l'état".

L'analyse des décisions en la matière force à conclure que seule la violation de principes de droits fondamentaux est à même de caractériser l'excès de pouvoir et, donc, l'ouverture du recours.

2. La notion d'excès de pouvoir, une position jurisprudentielle constante et rigide

  • L'espèce

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans cet arrêt du 14 juin 2005, confirme la jurisprudence établie en matière de recours des décisions avant dire droit.

D'une part, la Haute juridiction réaffirme ici que le seul fait de juger recevable une action (en l'espèce, l'intervention forcée en cause d'appel) et d'ordonner une expertise ne confère pas à la décision un caractère définitif susceptible de l'exposer à un recours. Il s'agit d'une décision avant dire droit, même édictée en cause d'appel.

D'autre part, la Cour confirme expressément qu'une telle décision ne peut être susceptible de pourvoi immédiat, indépendamment de la décision à intervenir sur le fond. Le visa des articles 606, 607 et 608 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'un attendu de principe particulièrement explicite, mettent en exergue la force rappelée d'une telle règle de procédure civile, voire son caractère d'ordre public.

Enfin, l'exception au pourvoi immédiat tirée de la notion d'excès de pouvoir est précisée. Ainsi, la Haute juridiction considère que les règles de procédure civile figurant aux articles 555 (N° Lexbase : L2805ADA), 146 (N° Lexbase : L2261AD4) et 232 (N° Lexbase : L2436ADL) du Nouveau Code de procédure civile et portant sur la condition de recevabilité d'une intervention forcée en cause d'appel et les conditions de désignation d'un expert, ne sont pas suffisantes à démontrer un quelconque excès de pouvoir.

Ces griefs pourront faire l'objet d'un pourvoi différé, exercé "concomitamment", pour reprendre les termes de la jurisprudence en la matière, avec le pourvoi sur la décision intervenue sur le fond.

  • Une solution rigide

Si une telle jurisprudence permet d'éviter les recours dilatoires et non fondés contre des expertises ordonnées dans le cadre de décisions qui ne jugent pas encore le fond, elle présente cependant un caractère rigide ne permettant pas d'exclure des "irrégularités flagrantes" dans la tenue de la procédure.

Pour reprendre l'espèce, que penser d'une expertise ordonnée pour pallier uniquement la carence de preuve d'une des parties et, plus grave, qui donnerait un pouvoir d'appréciation au technicien commis ? Une telle expertise pourrait être, sans nul doute, remise en cause. On peut alors se demander s'il est de l'intérêt d'une bonne justice d'exécuter une mesure d'expertise, pouvant entraîner un coût non négligeable pour ensuite la voir, avec la décision intervenue au fond, annulée.

A un degré moindre de juridiction, la loi a pourtant elle-même tenté d'éviter de telles situations. En effet, lorsqu'une expertise est ordonnée en première instance, l'article 272 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2481ADA) ouvre aux parties la voie de l'appel immédiat indépendamment de la décision à intervenir sur le fond.

Ce recours est conditionné par l'autorisation du premier président de la cour d'appel et par la justification d'un motif grave et légitime. Dans notre espèce, le non-respect des principes de recevabilité d'une intervention forcée en cause d'appel et les conditions de désignation d'un expert auraient été examinés au regard d'un certain degré de gravité et de légitimité. En pratique, même à ce niveau de juridiction, on s'aperçoit toutefois que la notion de "motif grave et légitime" est identifiée à la celle d'"excès de pouvoir".

On pourrait donc s'interroger sur la nécessité de voir assouplir ces règles en matière de recours (pourvoi et appel) immédiats, aux fins d'administration d'une bonne justice, principe lui aussi fondamental. La Cour de cassation ne semble pourtant pas aller dans ce sens.

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