La lettre juridique n°159 du 17 mars 2005

La lettre juridique - Édition n°159

Table des matières

Investisseur et associé : la sécurité retrouvée

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N2122AIG

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par Aurélie Ecuyer, SGR - Droit des sociétés

Le 07 Octobre 2010


La pratique utilise la convention de portage pour répondre, notamment, au besoin de financement des sociétés. L'opération est alors la suivante : un investisseur rentre de façon temporaire dans une société, en "portant" les parts ou actions et en s'assurant de les revendre à un prix lui permettant de dégager une plus-value. Il se garantit contre les pertes éventuelles. Toutefois, sur le terrain du droit des sociétés, cette pratique pose des difficultés, particulièrement, quant au caractère léonin du procédé. En effet, l'article 1844-1 du Code civil édicte l'interdiction des clauses léonines, consistant à accorder un avantage excessif à une personne, disproportionné par rapport aux avantages que reçoivent d'autres personnes dans la même situation. Ainsi, l'associé "investisseur", bénéficiaire d'une promesse d'achat à prix fixe, cherche à se "mettre à l'abri" des pertes éventuelles de la société, en se soustrayant à tout risque de perte du fait de l'activité sociale. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt remarquable, en date du 22 février 2005, adopte une solution destinée à assurer la cohérence de sa jurisprudence et lève toute ambiguïté sur la validité des opérations de portage dont l'issue est assurée par le recours aux promesses croisées de vente et d'achat de droits sociaux. Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose cette semaine un éclairage sur cet arrêt, par J.-P. Dom, Maître de conférences à l'Université de Caen.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Recours au CDD et remplacement du salarié absent

Réf. : Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44.927, Société GSF Pluton c/ Mme Guislaine Beauvais, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1809DHH)

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N2095AIG

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010



Les employeurs considèrent généralement le régime applicable aux contrats à durée déterminée comme trop strict et souhaitent, notamment, un allongement de la durée fixée, en principe, à 18 mois. La question de la durée maximale de ce contrat ne se pose toutefois pas lorsque le recours au contrat à durée déterminée a pour objet le remplacement d'un salarié absent. Dans un arrêt en date du 9 mars 2005, et objet de la plus large publicité, la Chambre sociale de la Cour de cassation adopte une position de bon sens : seule compte l'absence du salarié, peu important les motifs de cette absence (1). Cette solution est parfaitement justifiée, même si des précisions complémentaires s'imposent (2).
Décision

Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44.927, Société GSF Pluton c/ Mme Guislaine Beauvais, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1809DHH)

Cassation (CA Amiens, 5e chambre sociale, cabinet A, 30 mai 2002)

Texte visé : article L. 122-1-2, III, du Code du travail (N° Lexbase : L9608GQW)

Mots-clefs : CDD ; remplacement d'un salarié absent ; terme ; retour du salarié absent.

Lien bases :

Faits

1. Mme Beauvais a été engagée par la société GSF Pluton selon trois contrats de travail à durée déterminée, dont le dernier, en date du 6 août 1999, a été conclu en raison du remplacement d'une salariée absente pour congé de maternité. Cette absence a été prolongée par un congé parental de la même salariée.

Estimant être liée à la société GSF Pluton par un contrat de travail à durée indéterminée, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, et de demandes en paiement d'indemnités de rupture.

2. Pour requalifier le dernier contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a retenu que la prolongation de l'absence de la salariée par un congé parental n'avait pas eu pour effet de reporter le terme du contrat à l'issue du congé et, qu'ainsi, le contrat de travail qui s'était poursuivi après l'expiration du congé de maternité était devenu à durée indéterminée.

Problème juridique

Le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer une salariée en congé de maternité peut-il valablement se prolonger jusqu'au retour de cette dernière lorsqu'elle a pris un congé parental d'éducation ?

Solution

1. Vu l'article L. 122-1-2, III, du Code du travail ;

"Aux termes de l'article L. 122-1-2, III, du Code du travail, lorsque le contrat est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, il peut ne pas comporter de terme précis ; il doit alors être conclu pour une durée minimale et il a pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu" ;

2. "En statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat de travail, conclu pour remplacer une salariée absente pour congé de maternité, s'était poursuivi pendant le congé parental sollicité par cette dernière, ce dont il résultait qu'il avait pour terme la fin de l'absence de cette salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

3. Cassation et renvoi devant la cour d'appel de Douai.

Commentaire

1. La confirmation d'une solution jusque-là inédite

  • Les prévisions légales

L'article L. 122-1-2 du Code du travail (N° Lexbase : L9608GQW) prévoit la possibilité de conclure des contrats de travail à durée déterminée sans terme précis "pour remplacer un salarié absent". Ce contrat a alors pour terme "la fin de l'absence du salarié remplacé ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu".

Lorsque la situation est simple, l'application de ce texte ne fait pas difficulté et le contrat prend fin soit avec la réalisation de la mission, soit avec le retour du salarié, soit lorsque le contrat du salarié remplacé prend fin, notamment lorsqu'il est déclaré définitivement inapte à reprendre son poste.

  • Les termes du problème

Mais, lorsque l'absence du salarié se prolonge, mais pour un motif différent, se pose alors la question du sort du contrat de remplacement. Faut-il considérer que ce contrat est conclu pour une absence précise, déterminée par sa cause particulière, ou simplement conclu en fonction de l'absence, quelle qu'en soit la raison ? Dans la première hypothèse, il faudrait conclure un nouveau contrat de remplacement, pour chaque nouvelle absence, faute de quoi le salarié qui poursuivrait son remplacement serait réputé travailler désormais sous l'empire d'un contrat à durée indéterminée. Dans la seconde, le contrat de remplacement se poursuivrait normalement jusqu'au retour effectif du salarié à l'issue de sa dernière période de congé.

  • La solution adoptée

La jurisprudence a choisi la seconde analyse et ce, peu important que le contrat précise ou non le motif de l'absence du salarié (Cass. soc., 18  février 2003, n° 01-41.334, F-D N° Lexbase : A1977A7D, lire Le contrat à durée déterminée : requalification, terme du contrat et accroissement temporaire d'activité, Lexbase Hebdo n° 61 du 6 mars 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6244AAI).

Cette solution a été appliquée s'agissant du passage d'un congé maladie à un congé maternité (Cass. soc., 24 mars 2004, n° 02-42.793, F-D N° Lexbase : A6373DBN) mais, également, pour le passage d'un congé maternité à un congé parental d'éducation (Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.901, Mutualité sociale agricole c/ Mlle Jacqueline Audouard, inédit N° Lexbase : A3341A7U ; Cass. soc., 31 octobre 2000, n° 97-45.324, Mme Nathalie Raffalli c/ Mme Hélène Fonteneau, inédit N° Lexbase : A9275ATP ; Cass. soc., 26 mars 2002, n° 00-41.846, F-D N° Lexbase : A3845AY3).

La Cour de cassation a, logiquement, tiré deux conséquences de cette analyse.

En premier lieu, l'employeur ne peut mettre un terme au contrat avant le retour effectif de congé du salarié remplacé, sauf à devoir au remplaçant des indemnités couvrant l'ensemble de la période d'absence (Cass. soc., 31 octobre 2000, n° 97-45.324, F-D N° Lexbase : A7418DCQ).

En second lieu, la poursuite de la relation de travail s'effectue toujours en exécution du contrat de remplacement initial, et il ne saurait ici être question de requalification en contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.901, Mutualité sociale agricole c/ Mlle Jacqueline Audouard, inédit N° Lexbase : A3341A7U).

  • La consécration de la jurisprudence ancienne

C'est cette solution que vient confirmer cet arrêt rendu le 9 mars 2005 en formation de section et objet de la plus large publicité (P+B+R+I) alors que, jusqu'à présent, les décisions n'avaient jamais été publiées.

Dans cette affaire, une salariée avait été recrutée pour remplacer une salariée absente en raison d'un congé maternité. Cette dernière avait ensuite pris un congé parental d'éducation, et la remplaçante avait également poursuivi l'exécution de son contrat. Au retour de la salariée, l'employeur avait donc signifié à la remplaçante le terme de son contrat, ce que cette dernière contestait.

Les juges du fond avaient considéré que le prolongement du contrat au-delà du terme du congé maternité avait transformé le contrat, mais cette interprétation est contredite par la cassation de l'arrêt, ce qui nous semble parfaitement justifié.

2. Une décision bienvenue

  • Une solution à approuver

La solution retenue paraît objectivement bienvenue.

Elle est d'abord conforme aux termes mêmes de l'article L. 122-1-2, III du Code du travail (N° Lexbase : L9608GQW) qui vise, à deux reprises, le remplacement d'un salarié "absent", sans autre précision.

Elle est, ensuite, pleine de bon sens. On pourrait imaginer, comme l'avait estimé ici la cour d'appel, que la possibilité de remplacer le salarié soit limitée au motif précis de l'absence. Mais, dans cette hypothèse, on sait que le même salarié pourrait valablement être recruté dans la continuité de son premier remplacement pour réaliser le second (Cass. soc., 12 mars 1987, n° 85-43.256, Mme Doré c/ Association des parents d'enfants inadaptés (APEI) N° Lexbase : A6764AAR).

Il faudrait alors imposer aux parties la conclusion d'un nouveau contrat dont les termes seraient presque identiques au précédent. Cette obligation imposerait toutefois à l'employeur de garantir, dans le cadre de ce nouveau contrat, une nouvelle durée minimale, conformément aux exigences posées par le texte, ce qui serait plus favorable au salarié. Mais une telle obligation imposerait des formalités sans doute inutiles, puisque la rémunération serait la même, ainsi que les autres mentions du contrat.

On ne sait pas, dans cette affaire, si les parties étaient de bonne foi, notamment si la salariée avait cru sincèrement n'avoir été recrutée que pour la durée du congé de maternité, et si elle avait légitimement cru qu'elle avait ensuite été maintenue à son poste sur la base d'un contrat à durée indéterminée. Cette "croyance légitime" pouvait d'ailleurs être fondée sur les termes du contrat de remplacement qui ne faisait référence qu'au congé de maternité, sans mentionner le congé parental.

On remarquera d'ailleurs que l'employeur n'a aucun moyen de savoir, lorsqu'une salariée part en congé maternité, si cette dernière demandera à bénéficier d'un congé parental d'éducation par la suite.

  • La valeur à accorder à la mention présente dans le contrat de travail

Si la solution finalement retenue ne prête pas à discussion lorsque le contrat initial se contente de mentionner la nécessité de remplacer un salarié absent, sans autre précision, on peut toutefois s'interroger sur la portée de la clause précisant que le remplaçant vaut pour un motif précis, ici l'absence de la salariée en congé maternité.

La solution finalement retenue aboutit à ne pas tenir compte de cette mention particulière, sans doute parce que cette précision ne constituait pas un motif déterminant de l'engagement de la salariée.

Il nous semble que, dans cette hypothèse, il faudrait raisonner comme en matière de contrat de travail lorsqu'une clause précise pour quel lieu le salarié a été embauché. On sait, en effet, que cette clause n'a pas pour effet de contractualiser le lieu de travail, à moins que cette intention ne résulte expressément du contrat lui-même (Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-43.573, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6994CKA ; Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-40.376, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6993CK9, La simple indication du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur d'information, Lexbase Hebdo n° 76 du 19 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7795AAX ; Dr. soc. 2003, p. 884, obs. J. Savatier ; JCP G 2003, II , 10165, note M. Véricel ; D. 2004, p. 89, note C. Puigelier ; RDC 2004, p. 237, obs. J.-P. Chazal, p. 381, note Ch. Radé).

Cette solution pourrait alors valablement trouver à s'appliquer ici. L'indication du motif précis de l'absence du salarié n'aurait alors qu'une simple valeur indicative, à moins que les parties ne l'aient expressément mentionné que pour limiter la durée du contrat à ce motif précis. Si la solution ne résulte pas expressément de la décision commentée, il faut souhaiter qu'elle soit retenue par la Cour de cassation si l'occasion se présente.

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Sociétés

[Jurisprudence] Le portage validé sur le terrain de la prohibition des clauses léonines : la cohérence retrouvée !

Réf. : Cass. com., 22 février 2005, n° 02-14.392, M. Jacques Gontard c/ M. Jean Papelier, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A7487DGE)

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N1986AIE

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par Jean-Philippe Dom, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 07 Octobre 2010


Par un arrêt important, en date du 22 février 2005, la Chambre commerciale de la Cour de cassation adopte une solution qui assure, enfin (1), la cohérence de sa jurisprudence à propos, d'une part, de la validité des promesses de vente et d'achat à prix fixe et, d'autre part, de la nature des opérations relatives au contrôle d'une société. Suivant les faits de l'espèce, trois personnes souscrivent à une augmentation du capital d'une société par actions ; dans le même temps, deux d'entre elles, par acte du 14 septembre 1989, consentent, au profit de la troisième, une promesse d'achat, entre le 1er février et le 15 février 1993, des 22 600 actions souscrites par celui-ci, pour un prix minimum égal au prix de souscription augmenté d'un intérêt. Après avoir levé l'option dans le délai stipulé, le bénéficiaire de la promesse a assigné les promettants en exécution de leur promesse.

La cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi d'un arrêt de la Cour de cassation (2), avait rejeté cette demande au motif que la promesse d'achat souscrite stipulait en faveur du bénéficiaire la possibilité de lever l'option si les actions avaient perdu toute valeur et, le bénéficiaire de la promesse d'achat n'ayant pas promis de vendre, de conserver ces actions dans le cas contraire. Pour les juges du fond, cette promesse d'achat, considérée isolément, était donc léonine comme permettant à son bénéficiaire d'échapper aux dispositions de l'article 1844-1 du Code civil (N° Lexbase : L2021ABH).

Suivant l'arrêt commenté, rendu au visa de l'article 1844-1 du Code civil, "en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le bénéficiaire ne pouvait lever l'option qu'à l'expiration d'un certain délai et pendant un temps limité, ce dont il résulte qu'il restait, en dehors de cette période, soumis au risque de disparition ou de dépréciation des actions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations".

Cette décision est de la plus haute importance. D'un point de vue pratique, elle lève toute ambiguïté sur la validité des opérations de portage dont le dénouement est assuré par le recours aux promesses croisées de vente et d'achat de droits sociaux ; d'un point de vue théorique, elle rétablit la cohérence dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

I - La validité des opérations de portage

Le portage de droits sociaux est le fait pour un investisseur de rentrer de façon temporaire dans une société en s'assurant de revendre les parts ou actions qu'il a acquises à un prix lui permettant de dégager une plus-value.

Le porteur étant assuré, au terme de l'opération, de sortir de la société en réalisant une plus-value sur la cession de ses droits, le débat concernant la validité du portage s'est porté très tôt sur le terrain de la prohibition des clauses léonines. La jurisprudence s'est développée de façon différente entre la Chambre commerciale et la première chambre civile de la Cour de cassation.

Pour la Chambre commerciale, le point de départ réside dans l'arrêt du 20 mai 1986 (3). D'après celui-ci : "est prohibée par l'article 1844-1 du Code civil la seule clause qui porte atteinte au pacte social dans les termes de cette disposition légale ; qu'il ne pouvait en être ainsi s'agissant d'une convention, même entre associés, dont l'objet n'était autre, sauf fraude, que d'assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux".

A l'époque, selon le Professeur Reinhard, il résultait de cet arrêt que la seule limite résidait dans l'existence d'une fraude. Il convenait donc de distinguer, "pour l'application du principe de prohibition des clauses léonines, selon que la clause contestée portait atteinte ou non au pacte social" (3).

Après avoir confirmé sa position initiale, la Chambre commerciale a tiré la substance de ce raisonnement en décidant que la prise par le porteur de la qualité d'associé était juridiquement distincte des promesses croisées de vente et d'achat à prix fixe convenues entre le porteur et l'associé bénéficiaire (4). Suivant un nouveau raisonnement dans le prolongement de l'effet relatif des conventions, les rapports entre le porteur et le bénéficiaire se distinguent de la prise de participation par le porteur dans la société. En conséquence, la prohibition des clauses léonines n'a pas à être appliquée dans la mesure où la promesse de rachat à prix fixe n'est pas ratione societatis. Cela signifie que, d'après la Chambre commerciale, la prise de participation du porteur, par exemple une société de capital risque, dans la société est divisible des promesses croisées de vente et d'achat à prix fixe.

Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, la question a, dans une première décision, été abordée différemment (5). Une opposition plus nette avec la jurisprudence commerciale a résulté d'un arrêt du 7 avril 1987, d'après lequel l'engagement de rachat de parts sociales au prix d'achat initial, majoré d'un intérêt de 10 % par années écoulées, avait pour effet d'affranchir l'associé de toute participation aux pertes de la société (6). Un tel engagement constitue ainsi un pacte léonin, peu important que cet engagement ait été pris dans un acte distinct de la convention de cession et qu'il soit limité dans le temps.

La solution retenue dans l'arrêt commenté par la Chambre commerciale pourrait gommer l'opposition avec cette jurisprudence de la première chambre civile.

Dès lors que l'engagement de rachat des droits sociaux du porteur ne prend pas effet au moment de l'acquisition par ce dernier des parts ou actions qu'il porte, l'existence d'un prix fixe de vente supérieur au prix d'acquisition n'est pas synonyme d'un défaut de contribution aux pertes. En effet, pendant toute la période durant laquelle le porteur se trouve dans la société sans que la promesse soit entrée en vigueur, la société est susceptible de rencontrer des difficultés. Dans l'absolu, une procédure collective peut toujours être ouverte avant la date de levée de l'option, avec, à sa clé, la liquidation judiciaire et la contribution aux pertes par le porteur. Il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'école : le portage induit une forte distribution de bénéfices de la part de la société cible afin justement de permettre aux promettants de financer le rachat des droits sociaux auprès du porteur. Le porteur a la qualité d'associé, il est donc potentiellement obligé de contribuer aux pertes pendant tout le temps de sa présence dans la société.

Sur le terrain de l'article 1844-1, la première chambre civile de la Cour de cassation pouvait reprocher, dans son arrêt de 1987, aux engagements de ne pas prévoir une période durant laquelle le porteur serait tenu de contribuer aux pertes sans pouvoir sortir de la société à un prix fixe. La clause prévoyait un réajustement annuel du prix prenant effet dès l'entrée du porteur dans la société. Celui-ci ne contribuait donc pas aux pertes. Avec l'arrêt du 22 février 2005, on peut considérer que les divergences entre la première chambre civile et la Chambre commerciale ont vécu. Il est vrai qu'en raison de la jurisprudence de la Chambre commerciale (v. infra), la compétence de la première chambre civile est aujourd'hui limitée aux cessions de parts sociales des sociétés non commerciales et aux opérations qui ne sont pas relatives au contrôle d'une société commerciale.

D'un point de vue pratique, on retiendra que la promesse d'achat à prix fixe dont le porteur bénéficie ne doit pas pouvoir être levée dès l'entrée de celui-ci dans la société. A défaut, la convention pourrait revêtir un caractère léonin et être réputée non écrite (C. civ., art. 1844-1 in fine).

II - La mise en cohérence de la jurisprudence de la Chambre commerciale

La décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 24 mai 1994 ne satisfaisait pas. En effet, le jeu de l'effet relatif entre la prise de participation du porteur et la convention de rachat à prix fixe des droits sociaux semblait juridiquement difficilement justifiable. Cela ressortait surtout du rapprochement de cette décision et de celle rendue dans l'affaire "de Fontgalland" (8).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que "la convention [il s'agissait d'un ensemble d'actes indivisibles], qui a pour objet l'organisation de la société commerciale en transférant son contrôle ou en en garantissant le maintien à son titulaire, est un acte commercial". Dès lors, si tous les portages ne sont pas relatifs au contrôle d'une société, cela reste le cas pour la plupart d'entre eux. On mesure ainsi les difficultés logiques auxquelles on pouvait se heurter en rapprochant la jurisprudence relative au portage et celle relative à la compétence commerciale.

Il fallait comprendre que le portage se rapportant au contrôle d'une société avait une nature indivisible et commerciale, car il avait "pour objet l'organisation de la société commerciale" et était relatif au contrôle de celle-ci, tout en ayant un régime dépendant de conventions (dont, notamment, la ou les promesses de rachat à prix fixe) divisibles. Cette présentation des choses ne pouvait véritablement satisfaire.

Dorénavant, la cohérence est retrouvée. Les promesses d'achat à prix fixe sont rapportées à l'existence d'une période de contribution potentielle aux pertes avant la levée d'option. Il n'est plus question de s'interroger sur le caractère divisible ou non des opérations de portage.

Cette décision est donc remarquable à double titre : les jurisprudences civiles et commerciales sont mises en cohérence et la Chambre commerciale finit par être en accord avec elle-même.


(1) Ce manque d'harmonie dans la jurisprudence commerciale avait été constaté et la solution aujourd'hui retenue avait été évoquée. V. J.-P. Dom, Les montages en droit des sociétés : éd. Joly 1998, spéc. n° 605-610.
(2) Sur cette affaire, v. déjà : CA Paris, 3e ch., sect. A, 22 octobre 1996, n° 94-010621, Monsieur Gontard c/ Monsieur Papelier (N° Lexbase : A3380A4X) : Bull. Joly 1997, p. 15, § 3 note P. Le Cannu ; D. Affaires 1997, p. 258 ; Dr. sociétés 1997, n° 50, note T. Bonneau ; RJDA 1997, n° 365 ; Cass. com., 16 novembre 1999, n° 97-10.430, M. Gontard c/ M. Papelier et autres (N° Lexbase : A8903AGT) : Bull. Joly 2000, p. 196 ; Adde F.-X. Lucas, Promesses d'achat de droits sociaux à prix garanti et prohibition des clauses léonines, A la recherche de la cohérence perdue : JCP éd. E. 2000, p. 168 ; CA Versailles, 27 février 2002 : RJDA 2002, n° 890.
(3) Cass. com., 20 mai 1986, n° 85-16.716, Société Bowater corporation limited c/ Du Vivier (N° Lexbase : A5091AAS) : Dr. sociétés 1986, comm. n° 78, obs. M. Germain ; Defrénois, 1987, p. 609, obs. J. Honorat ; JCP éd. E. 1986, I, n° 15846, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; D. 1987, somm., p. 390, obs. J.-C. Bousquet ; RTD com., 1987, p. 66, obs. C. Champaud et P. Le Floch, et p. 205, obs. Y. Reinhard.
(4) Y. Reinhard, note préc. sous Cass. com., 20 mai 1986, spéc. pp. 206-207.
(5) Cass. com., 24 mai 1994, n° 92-14.380, Société de Banque occidentale c/ Consorts Chicot, publié Bull. civ. n° 189 (N° Lexbase : A6947ABW) ; Bull. Joly, 1994, p. 797, § 214, note P. Le Cannu ; D., 1994, p. 503 , note A. Couret ; Rev. sociétés, 1994, p. 708, note Y. Reinhard ; Defrénois, 1994, 1015, obs. H. Hovasse ; arrêt cassant CA Poitiers, 5 février 1992 : JCP, éd. E, 1993 , I, n° 215, n° 2, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain.
(6) Cass. civ. 1, 22 juillet 1986, n° 84-15.177, M. Kamami c/ M. Le Goff (N° Lexbase : A3829AGW) : Bull. Joly, 1986, p. 859, § 258, note P. Le Cannu ; RTD com., 1987, p. 70, n° 1, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.
(7) Cass. civ. 1, 7 avril 1987, n° 85-11.774, M. Levêque-Houist (N° Lexbase : A1662AGN) : Rev. sociétés, 1987, p. 395, note D. Randoux ; Bull. Joly Sociétés, 1987, p. 278, § 133 ; JCP, éd. E, 1988, II, n° 15133, note M. Germain ; Defrénois, 1988, p. 601, obs. J. Honorat ; RD bancaire et bourse, 1987 , p. 92, obs. M. Jeantin et A. Viandier ; RTD com., 1988, p. 66, obs. C. Champaud et P. Le Floch ; RF compt., 1987, p. 20, obs. J. Mestre et G. Florès ; RTD com., 1987 , p. 523, obs. E. Alfandari et M. Jeantin. Décision de renvoi : CA Caen, 16 janvier 1990 : D., 1991, chron. p. 410, note J. Delaporte ; JCP, éd. E, 1990, II, n° 15784 , obs. A. Viandier et J.-J. Caussain. Nouveau pourvoi rejeté car les juges du fond s'étaient conformés à la doctrine affirmée en cassation : Cass. civ. 1, 16 décembre 1992, n° 90-12.914, SCP So Pro Ge Pa c/ M. Jacques Levêque-Houist (N° Lexbase : A2091AGK) : RJDA, 1993/10, p. 696, no 793 ; V., dans le même sens que cette jurisprudence, CA Paris, 14 décembre 1993 : Bull. Joly, 1994, p. 183, § 44, note P. Le Cannu ; JCP 1994, I, n° 3769, n° 5, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; RJDA, 1994/3, n° 290 ; Comme le remarquent ces derniers auteurs, cet arrêt tire, notamment, argument de ce que la promesse d'achat a été souscrite antérieurement à la constitution de la société dont les actions faisaient l'objet de la convention litigieuse pour déclarer léonine la clause et prononcer la nullité de la promesse d'achat.
(8) Cass. com., 26 mars 1996, n° 94-14.051, M. de Fontgalland c/ Consorts Hales et autre (N° Lexbase : A1397ABD) : Bull. Joly 1996, p. 588, § 209, note N. Rontchevsky ; JCP éd. E, 1996, II, n° 855, note T. Bonneau.

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Usufruit légal du conjoint survivant et impôt de solidarité sur la fortune

Réf. : Cass. com., 22 février 2005, n° 02-18.625, Mme Annette Veron Cacheux c/ Directeur général des impôts, F-P+B (N° Lexbase : A8574DGN)

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N2100AIM

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010


La loi du 3 décembre 2001 (loi relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, n° 2001-1135, 3 décembre 2001 N° Lexbase : L0288A33), concernant les décès intervenus à compter du 1er juillet 2002, a accordé au conjoint survivant des droits en usufruit sur la totalité des biens de son époux décédé. En effet, aux termes des dispositions de l'article 757 du Code civil (N° Lexbase : L3361AB4), il dispose, lorsque les enfants sont des enfants communs, d'une option en ce sens. Auparavant, à défaut de donation entre époux, les droits légaux du conjoint survivant étaient, en présence d'enfants communs, limités à l'usufruit du quart (C. civ., art. 767 ancien N° Lexbase : L3312C33).

Au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune, cet accroissement de ses droits n'a pas été synonyme d'amélioration pour le conjoint survivant. En effet, avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, il était distingué selon que ce dernier tenait ses droits de la loi ou d'une disposition en sa faveur, mais cette distinction a disparu. Autrement dit, en présence d'enfants communs, le conjoint a perdu le droit d'obtenir une imposition séparée.

1. Décès intervenus avant le 1er juillet 2002

1.1. Démembrement résultant des articles 767 ancien, 1094 (N° Lexbase : L1178ABA) ou 1098 (N° Lexbase : L1186ABK) du Code civil

Si, en principe, l'usufruitier est imposé sur la valeur en pleine propriété des biens qu'il détient, cette taxation de la pleine propriété est écartée, lorsque le démembrement résulte de certaines dispositions du Code civil. En effet, l'article 885 G du CGI (N° Lexbase : L3526AB9), qui prévoit que les biens grevés d'un usufruit doivent être compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en toute propriété, ne s'applique pas lorsque le démembrement résulte des articles 767 ancien, 1094 ou 1098 du Code civil. L'article 767 ancien fixe à un quart en usufruit les droits légaux du conjoint survivant non divorcé et non séparé, lorsque le défunt laisse un ou plusieurs enfants. L'article 1094 donne la possibilité à un époux, en l'absence de descendant, de disposer en faveur de son conjoint, de ce dont il aurait pu disposer au profit d'un étranger et, en outre, de la nue-propriété de la réserve des ascendants. Dans cette hypothèse, les ascendants ne recueillent que des droits en usufruit. L'article 1098 permet au conjoint survivant, en présence d'enfants d'un premier lit, de recueillir des droits en usufruit.

1.2. Enumération limitative

L'énumération contenue à l'article 885 G du CGI est limitative. Par suite, les biens, dont la propriété est démembrée en application d'autres articles, ne peuvent faire l'objet d'une imposition répartie, comme le précise le texte par une disposition à caractère interprétatif. La Haute juridiction vient, ainsi, de confirmer, dans l'arrêt du 22 février 2005, que les démembrements qui résultent de l'article 1094-1 du Code civil (N° Lexbase : L1179ABB) ne permettent pas d'écarter le principe de l'imposition sur la valeur de la pleine propriété. On sait que cet article, comme les articles 1094-2  (N° Lexbase : L1180ABC) et 1094-3 (N° Lexbase : L1181ABD) permettent, par donation, d'augmenter les droits du conjoint survivant. La cour n'a pas retenu l'argument selon lequel les dispositions des articles 767, 1094, 1094-1 à 1094-3 et 1098 du Code civil auraient été indissociables. Qui plus est, le renvoi de l'article 885 G à l'article 1094 du Code civil ne pouvait se comprendre que s'il englobait les articles 1094-1 à 3, qui, eux, prévoient un usufruit au profit du conjoint survivant. D'ailleurs, pour l'application de l'IGF, devenu l'ISF en 1989, la cour avait estimé, qu'en visant l'usufruit résultant de l'application de l'article 1094, l'article 885 G se référait nécessairement aux usufruits résultant des articles 1094-1 à 1094-3 du Code civil. Cette solution, qui pouvait s'expliquer, puisque le seul article 1094 ne prévoit aucun usufruit au profit du conjoint (il prévoit un usufruit réservé aux ascendants) contrairement aux articles 1094-1 à 1094-3, a été mise en échec par une disposition à caractère interprétatif de la loi de finances pour 1990 n° 89-935 du 29 décembre 1989, n° 89-935 (article 10 II), qui a, ainsi, aménagé l'article 885 G. Si la Haute juridiction a dénié tout caractère interprétatif à cette disposition de la loi (Cass. com., 7 avril 1992, n° 89-20.418, Mme Pavie c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A4010AB7), elle a, en revanche, estimé le texte nouveau applicable aux impositions dues après l'entrée en vigueur de la loi (Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-00.201, F-D N° Lexbase : A1208DAY)

2.1. Décès intervenus à compter du 1er juillet 2002

2.1. Changement de doctrine relative aux droits légaux

S'agissant des droits accordés par contrat de mariage ou par donation pendant la durée du mariage, la position de l'administration n'est pas modifiée. La doctrine relative aux articles 1094 et 1098 du Code civil continue, donc, à s'appliquer. En revanche, concernant les droits qui résultent, désormais, de l'article 757 du Code civil, la doctrine est modifiée. En effet, saisissant le prétexte d'une absence de mise en concordance des références aux articles du Code civil, l'administration exclut le nouvel usufruit légal de l'imposition répartie : "A législation constante, l'usufruit légal du conjoint survivant résultant de l'application de la nouvelle loi relève du principe de la taxation de la pleine propriété des biens dans le patrimoine de l'usufruitier, conformément aux dispositions de l'article 885 G" (instruction du 23 février 2004, BOI n° 7 S-2-04, n° 14 N° Lexbase : X0639ACN). Ainsi, au motif que les nouveaux droits légaux du conjoint survivant n'ont pas fait l'objet d'une réécriture de l'article 767 et que l'article 885 G n'a pas été modifié pour tenir compte de la nouvelle codification, dès lors, ce que confirme l'instruction, l'usufruitier est imposé sur la pleine propriété des biens détenus en usufruit, qu'il détienne ses droits de la loi ou d'une donation entre époux. De surcroît, une autre instruction précise qu'en l'absence de dépôt de la déclaration de succession, dans le délai prévu à l'article 641 du CGI , le conjoint survivant sera présumé, sauf preuve contraire, avoir opté pour la totalité de ses droits successoraux en usufruit (instruction du 7 avril 2003, BOI n° 7 G-1-03 N° Lexbase : X4382ABW).

2.2. Critiques

L'administration a justifié ce changement en précisant  que "cette analyse ne conduit pas à un durcissement du régime fiscal du conjoint survivant dès lors que l'option pour l'usufruit de la totalité des biens, nouveau droit du conjoint survivant en présence de descendants commun des époux, constitue en réalité une légalisation des conventions de donation au dernier vivant, d'ores et déjà exclues en matière d'impôt de solidarité sur la fortune de toute possibilité d'imposition répartie" (QE n° 14678 de Mme Bourragué Chantal, JOANQ, 24 mars 2003, p. 2141, min. Eco., réponse publ. 17 février 2004, p. 1224, 12ème législature N° Lexbase : L8002DNP). C'est, donc, l'accroissement des droits légaux qui est retenue pour écarter l'imposition répartie. Cependant, cet accroissement des droits nouveaux du conjoint résulte de la loi. L'usufruit fixé par l'article 757 du Code civil reste un usufruit légal et devrait, de ce fait, être traité comme celui, certes moins généreux, prévu par l'article 767 ancien du même code. Par ailleurs, sur le plan formel, le renvoi de l'article 885 G à l'article 767 du Code civil n'a plus aucun sens, puisque le nouvel article 767 traite, désormais, de la créance alimentaire du conjoint dans le besoin.

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Entreprises en difficulté

[Questions à...] Réflexions sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises en difficulté : questions à... Reinhard Dammann, avocat du cabinet White & Case LLP

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N2030AIZ

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par Propos recueillis par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010

Adopté par le Conseil des ministres le 12 mai 2004, le projet de loi de sauvegarde des entreprises a commencé à être examiné par l'Assemblée nationale le 1er mars dernier et a été adopté le 11 mars. A cette occasion, le Garde des Sceaux a pu annoncer que ce projet a pour objet "d'anticiper pour éviter la casse". En effet, les principales dispositions de ce projet de loi portent sur la prévention des difficultés des entreprises. D'une part, le règlement amiable fait l'objet d'une réforme et se voit remplacé par une procédure dite de conciliation. D'autre part, ce projet institue une procédure de redressement judiciaire anticipée, sur le modèle du "Chapter XI" américain, appelée procédure de sauvegarde. Désormais, le débiteur devrait pouvoir bénéficier de quatre procédures : la procédure de conciliation, la mesure de sauvegarde, le redressement judiciaire, ou encore, la liquidation judiciaire. Est, également, à noter la modification des sanctions applicables aux chefs d'entreprises en cas de faillite. Pour en savoir plus sur l'opportunité et l'efficacité de ces mesures, Lexbase a rencontré un spécialiste en la matière, Maître Reinhard Dammann, avocat du cabinet White & Case LLP, qui a bien voulu répondre à nos questions, par une approche concrète et pragmatique des enjeux en présence.

Lexbase : La prévention des difficultés et la procédure de conciliation sont traitées aux articles 2 à 11 du projet de loi. Si les conditions d'ouverture et le fonctionnement de la procédure de conciliation sont quasiment identiques à ceux du règlement amiable, les effets auxquels pouvait donner lieu le règlement amiable ont été modifiés de façon significative. Pensez-vous que les effets d'une procédure de conciliation pourront, désormais, rendre plus élevé le taux de réussite de la prévention ?

Maître Dammann : Tout d'abord, il faut souligner que le mandat ad hoc est appelé à conserver son efficacité. Son succès est dû à la flexibilité de la procédure qui n'est pas enfermée dans un calendrier strict. Les acteurs peuvent, donc, négocier un plan de redressement sur mesure. Dans cette négociation, le mandataire joue un rôle clé. Il intervient en tant qu'expert neutre, ayant, par là-même, une force de persuasion beaucoup plus importante.

La procédure de conciliation remplace le règlement amiable, qui a déjà été utilisé, en pratique, pour clôturer le mandat ad hoc, rassurant, ainsi, les créanciers grâce à l'homologation de l'accord de restructuration par le Président du tribunal de commerce. La conciliation convient à des restructurations purement financières. Elle bénéficie au débiteur qui n'est pas en cessation des paiements, ou qui l'est depuis moins de quarante-cinq jours.

La conciliation est appelée à avoir un grand avenir, en raison, essentiellement, de deux nouvelles mesures.

D'une part, il est désormais impossible de remettre en cause les actes passés en vue d'un tel accord, au motif que le débiteur était, à ce moment-là, en cessation des paiements. Plus précisément, l'homologation de l'accord conclu dans le cadre de la procédure de conciliation signifie que la cessation des paiements n'est pas constituée et empêche le tribunal, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, de faire remonter le début de la période suspecte avant la date du jugement d'homologation. Les créanciers ont, ainsi, la certitude, sous réserve de fraude, que les garanties prises avant ou dans le cadre de l'accord ne puissent plus être annulées. Il s'agit donc d'une sécurité non négligeable, tout particulièrement pour des créanciers bancaires qui ont tout intérêt à participer à cet accord amiable pour "consolider" leur situation antérieure.

D'autre part, la réforme institue une priorité de paiement. En effet, il est prévu un privilège pour les nouveaux apports en trésorerie consentis dans le cadre de l'accord homologué par tout créancier, y compris des investisseurs. Tout apport nouveau est, ainsi, protégé par ce "privilège". Un effet pervers est, cependant, à envisager : il est probable que le banquier qui a déjà consenti des abandons de créances n'acceptera pas d'accorder d'autres crédits à l'entreprise, en l'absence d'apport "d'argent frais" par un investisseur. Or, la structure de la conciliation va inciter l'investisseur à apporter cet "argent frais" sous forme d'un important apport en compte-courant. Il ne le consolidera en capital, qu'une fois assuré d'une certaine sécurité financière.

Enfin, la réforme envisage une option : le maintien de la confidentialité ou l'homologation de la conciliation.
La confidentialité est essentielle pour les petites et moyennes entreprises. En ce qui concerne les grandes entreprises, il y a fort à parier que les banques, par sécurité, imposent une conciliation homologuée. Lorsque la conciliation est portée à la connaissance du public, l'entreprise a intérêt à communiquer sur l'existence d'une restructuration réussie, ce qui permettra de regagner la confiance des investisseurs et des créanciers.

Lexbase : Le projet de loi de sauvegarde a fait preuve d'innovation en instituant, sur le modèle du "Chapter XI" américain, une procédure de sauvegarde, laquelle fait l'objet des articles 12 à 97. En quoi cette mesure peut-elle être jugée opportune, et quelles sont ses conditions d'efficacité ?

Maître Dammann : La procédure de sauvegarde est, dans l'esprit du législateur, l'innovation majeure du texte. En l'absence de mesures spécifiques permettant de mettre en oeuvre efficacement des restructurations sociales à l'instar de ce qui est possible dans le cadre du plan de continuation, et surtout du plan de cession, la procédure de sauvegarde naît avec un handicap certain. Elle est "intercalée" entre la conciliation souple et un plan de cession très efficace pour les investisseurs tiers. En d'autres termes, la procédure de sauvegarde n'a de chance de réussite que s'il existe d'ores et déjà un accord de principe avec un investisseur et un accord de méthode avec les syndicats majoritaires sur les contours de la restructuration.

Par ailleurs, l'existence d'une possible ouverture d'une procédure de sauvegarde peut être un argument efficace de négociation dans le cadre de la conciliation. En effet, il n'existe pas, dans le cadre de la conciliation, de comité de créanciers pour vaincre la résistance d'un banquier qui ne souhaite pas accepter les sacrifices souhaités par la majorité de ses confrères. Le conciliateur ne manquera pas de souligner que la résistance de la banque en question est vouée à l'échec et pourrait être vaincue par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. On peut donc dire qu'il existe dans la procédure de conciliation des comités de créanciers "virtuels", qui sont bien réels en matière de sauvegarde.

En dehors de ce contexte, il est vraisemblable que seules les petites et moyennes entreprises auront recours à la procédure de sauvegarde, puisque le législateur a voulu réserver un régime beaucoup plus favorable aux cautions personnes physiques dans la procédure de sauvegarde, par comparaison au redressement et à la liquidation judiciaires.

Enfin, pour les investisseurs, la procédure de sauvegarde n'est pas très attrayante. Classiquement, il existe un désaccord sur la valeur de l'entreprise. Le propriétaire en difficulté met systématiquement en avant la valeur intrinsèque et les perspectives une fois les difficultés résolues. Par contraste, l'investisseur raisonne en terme de risques et souhaite obtenir un retour sur investissement conséquent. Malheureusement, la réforme ne fait confiance qu'au droit commun et ne permet pas au juge d'intervenir comme arbitre. Dans ces conditions, dans beaucoup de cas, l'investisseur a plutôt intérêt à privilégier la piste d'un plan de cession, qui donne, de surcroît, une sécurité juridique très intéressante.

Une dernière observation concerne la durée de la procédure. Le législateur prévoit une procédure relativement courte pour établir un plan. Or, dans les dossiers complexes, ce temps apparaît trop court pour permettre à un investisseur de conduire son audit juridique, financier et fiscal, d'où la nécessité de combiner la procédure de sauvegarde avec un mandat ad hoc ou une conciliation.

Lexbase : La procédure de redressement judiciaire connaît, dans ce projet de loi, une certaine réorganisation (articles 99 à 106). Pourtant, est-il utile de conserver cette procédure en droit français, dès lors qu'est introduite une procédure de sauvegarde ?

Maître Dammann : Les mesures de prévention des difficultés des entreprises constituent une étape décisive. En effet, soit elles portent leur fruit, soit elles échouent. Dans cette dernière hypothèse, l'entreprise est appelée à être liquidée, dans le meilleur des cas par voie de cession. Dans cette optique, le maintien de la cession dans le cadre du redressement judiciaire est une excellente initiative.

Dans ces conditions, le plan de continuation devient quasiment caduc. Seules risquent de subsister en pratique la liquidation et la cession de l'entreprise.

Lexbase : Quelle incidence la réforme française des faillites et, plus précisément, celle touchant à la prévention des difficultés, peut-elle avoir en droit européen ?

Maître Dammann : Depuis le 31 mai 2002, la détermination du tribunal compétent pour connaître d'une procédure d'insolvabilité ouverte dans l'un des Etats membres de l'Union européenne, et de la loi applicable à la procédure, est régie par le règlement du Conseil n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (N° Lexbase : L6914AUM).

L'article 3 de ce texte prévoit que "les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire". Notons, à ce sujet, que le courant jurisprudentiel en Angleterre, appuyé par la doctrine anglaise, tend à définir le centre des intérêts principaux comme le siège de la société mère, c'est-à-dire le lieu où sont prises les décisions de gestion. L'Italie et l'Allemagne appliquent également ce critère. Au contraire, la France a retenu une interprétation restrictive du règlement, en faisant prévaloir le critère du siège réel, qui est le siège statutaire, sauf cas de fraude.

Quant à la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets, elle est, en principe, selon l'article 4 du règlement, celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, dénommé "Etat d'ouverture".Une circulaire en date du 17 mars 2003 du ministre de la Justice (Circ. min., n° 2003-05, du 17 mars 2003 , relative à l'entrée en vigueur du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 N° Lexbase : L9269BHR) a précisé que les procédures concernées, en France, par ce règlement, ne sont que le redressement judiciaire avec nomination d'un administrateur judiciaire et la liquidation judiciaire. Il y est clairement affirmé que "ni le mandat ad hoc, ni le règlement amiable, ni le redressement judiciaire simplifié (sans désignation d'un administrateur judiciaire)" ne sont concernés par l'application du règlement communautaire. Si l'on suit cette interprétation après la réforme, ni la procédure de sauvegarde, ni la procédure de conciliation ne sont des procédures d'insolvabilité au sens du règlement.

Dans la mesure où le mandat ad hoc est une procédure qui n'est pas publique, il est logique de l'exclure du champ d'application. Il en va de même de la conciliation qui n'est pas homologuée.

Quid de la procédure de sauvegarde et de la procédure de conciliation homologuée ? On doit saluer l'engagement du Garde des Sceaux pris au cours des débats parlementaires du 8 mars dernier visant à inscrire à l'Annexe A du règlement la procédure de sauvegarde pour lui donner toute l'efficacité qu'elle mérite au niveau européen. En revanche, à ce stade de la discussion, la conciliation est exclue du règlement. Si cette décision est justifiée pour la conciliation confidentielle, elle est regrettable dans le cadre d'une conciliation homologuée. Il s'agit d'une question de politique. La France veut-elle offrir à des grandes entreprises un cadre légal reconnu en Europe, ou souhaite-t-on que d'autres pays européens ouvrent des procédures d'insolvabilité rendant, ainsi, impossible l'efficacité d'une procédure de conciliation en France. Clairement, la tendance des différentes législations européennes est de favoriser la prévention, tout en soumettant ces procédures au règlement européen. Or, la France a su créer, avec la conciliation, une procédure qui est parfaitement adaptée au traitement des difficultés des grandes entreprises. Il serait dommage de lui refuser le "label européen" pour des raisons purement dogmatiques.

Lexbase : La modification des sanctions infligées aux chefs d'entreprises en cas de faillite (article 142 à 178 du projet de loi) vous paraît-elle satisfaisante, au regard des nombreuses critiques qui ont pu leur être adressées ?

Maître Dammann : Avant de répondre à cette question, il convient de souligner que la nouvelle rédaction de l'article 142 issue du débat parlementaire supprime, dans son principe, les actions pouvant être intentées à l'encontre des créanciers pour soutien abusif (sauf en cas de fraude, immixtion caractérisée dans la gestion et garanties disproportionnées).

La réforme n'améliore pas seulement la situation des partenaires de l'entreprise, mais, aussi, celle du chef d'entreprise et des associés dont la responsabilité est illimitée.

Le projet de loi de sauvegarde supprime, ainsi, les extensions de procédures à titre de sanctions, ainsi que les extensions de procédures aux membres ou associés indéfiniment et solidairement responsables du passif de la personne morale qui fait l'objet d'une procédure collective.

De la même manière, l'obligation aux dettes sociales pour faute de gestion ne peut être envisagée que dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Cette disposition encourage donc la prévention, puisque le chef d'entreprise n'a pas à craindre de telles sanctions si la procédure de sauvegarde réussit.

S'agissant des sanctions pénales, le législateur poursuit l'oeuvre de dépénalisation amorcée dans le cadre des récentes réformes du droit des sociétés.

On ne peut qu'approuver cette orientation qui évite de rajouter à une "sanction économique" du chef d'entreprise qui a tout perdu, une sanction "infamante", au motif qu'il a dépassé "la ligne rouge" pour tenter de sauver à tout prix son entreprise.

Lexbase : Quelle serait votre conclusion provisoire ?

Maître Dammann : Le législateur a proclamé avoir réalisé un "Chapter XI" à la française, en réalisant un mariage entre le pragmatisme américain et les réalités économiques et sociales propres à l'hexagone.

Le législateur s'est efforcé d'offrir aux entreprises en difficulté des "menus à la carte". La démarche est originale et permet de mettre l'accent sur trois mesures préventives pouvant, d'ailleurs, se combiner. Avant la réforme, seuls le mandat ad hoc / règlement amiable et le plan de cession permettaient de sauver une entreprise.

On peut penser que cette dichotomie se poursuivra et que davantage de sociétés seront sauvées grâce à l'amélioration du régime du règlement amiable, devenu la conciliation qui tire indirectement profit des dispositions prévues dans le cadre de la procédure de sauvegarde invoquées comme arguments de négociation.

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Fiscalité des entreprises

[Textes] Le volet fiscal de la loi relative au développement des territoires ruraux

Réf. : Loi relative au développement des territoires ruraux, n° 2005-157, 23 février 2005 (N° Lexbase : L0198G8T)

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N1989AII

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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne

Le 07 Octobre 2010

Les territoires ruraux ne présentent pas tous, aujourd'hui, la même attractivité. Si, certains sont en plein essor économique et social, d'autres, coupés du reste du territoire français, restent encore des zones très fragiles tant sur le plan économique que sur le plan social. Une intervention législative s'avérait, donc, nécessaire pour encourager l'emploi, la relance du logement et l'amélioration des services au public dans les campagnes. La loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 est le premier texte législatif spécifiquement dédié à la ruralité et ayant pour objectif d'adapter les modes d'intervention de l'Etat aux évolutions récentes du monde rural. Parmi l'ensemble des mesures destinées à développer l'activité économique de ces zones, figure un certain nombre de dispositions fiscales qui sont exposées dans l'étude ci-après. 1. Dispositions relatives aux zones de revitalisation rurale (ZRR)

L'outil privilégié pour relancer la dynamique de développement des territoires ruraux fragiles est, indéniablement, constitué par les zones de revitalisation rurale (ZRR). En conséquence, la loi a organisé une actualisation de ce zonage en les axant, pour l'ensemble de leur périmètre, autour des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, dont au moins la moitié de la population est incluse en ZRR. La responsabilité de ces EPCI en matière de projet et de développement économique est, ainsi, réaffirmée.

Dès lors, l'article 2 de la loi du 23 février 2005, modifiant l'article 1465 A du CGI , précise que :

"Les zones de revitalisation rurale comprennent les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, incluses dans un arrondissement ou un canton caractérisé par une très faible densité de population ou par une faible densité de population et satisfaisant à l'un des trois critères socio-économiques suivants :

a) un déclin de la population ;

b) un déclin de la population active ;

c) une forte proportion d'emplois agricoles.

En outre, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont au moins la moitié de la population est incluse en zone de revitalisation rurale en application des critères définis aux alinéas précédents, sont, pour l'ensemble de leur périmètre, inclus dans ces zones.

Les zones de revitalisation rurale comprennent, également, les communes appartenant, au 1er janvier 2005, à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont le territoire présente une faible densité de population et satisfait à l'un des trois critères socio-économiques définis aux a, b et c. Si ces communes intègrent un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre non inclus dans les zones de revitalisation rurale, elles conservent le bénéfice de ce classement jusqu'au 31 décembre 2009.

La modification du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale en cours d'année n'emporte d'effet, le cas échéant, qu'à compter du 1er janvier de l'année suivante.

Les communes classées en zone de revitalisation rurale antérieurement à la promulgation de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui respectent les critères définis aux a, b et c, mais qui ne sont pas membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, restent classées en zone de revitalisation rurale jusqu'au 31 décembre 2006".

La loi relative au développement des territoires ruraux a opéré, par ailleurs, une extension du bénéfice de l'exonération de la taxe professionnelle, auparavant réservée aux créations d'activités commerciales et aux reprises d'activités commerciales et artisanales, aux reprises d'activités libérales.

Les dispositions de l'article 1465 A du CGI sont modifiées ainsi qu'il suit :

"Dans les communes de moins de deux mille habitants, l'exonération s'applique, également, aux créations d'activités commerciales et aux reprises d'activités commerciales, artisanales ou au sens du 1 de l'article 92 du CGI ([LXB=L6121AAX]), réalisées par des entreprises exerçant le même type d'activité, dès lors qu'au cours de la période de référence prise en compte pour la première année d'imposition, l'activité est exercée dans l'établissement avec moins de cinq salariés ;

Cette exonération s'applique, également, aux créations d'activités dans les zones de revitalisation rurale réalisées par des artisans qui effectuent principalement des travaux de fabrication, de transformation, de réparation ou des prestations de services et pour lesquels la rémunération du travail représente plus de 50 % du chiffre d'affaires global, tous droits et taxes compris, ou par des entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du premier alinéa de l'article 92.

S'agissant des entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du premier alinéa de l'article 92 du CGI, l'exonération prévue à l'article 1465 A du même code s'applique aux créations d'établissement effectuées à compter du 1er janvier 2004.

Pour bénéficier, dès 2005, de l'exonération prévue à l'article 1465 A du CGI, les entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du premier alinéa de l'article 92 du même code doivent en faire la demande dans les soixante jours de la publication de la présente loi, si celle-ci est postérieure au 1er décembre 2004".

Enfin, il est à noter que l'exonération d'imposition sur le revenu bénéficiera, désormais, aux créations d'activités libérales durant quatorze ans, contre sept auparavant. Ainsi, les ZRR deviennent fiscalement très attractives.

2. Dispositions relatives à l'immobilier en zone rurale

Pour attirer de nouvelles populations dans les zones rurales, la rénovation du patrimoine rural bâti était fondamentale. Il a, par conséquent, fait l'objet de plusieurs mesures phares en droit fiscal.

Parmi elles, il est possible de citer l'extension aux travaux de rénovation du dispositif d'amortissement exceptionnel sur l'immobilier industriel. Ce dispositif est, d'ailleurs, prolongé jusqu'en 2007, tandis que l'exonération de charges sur le foncier bâti a été portée de deux à cinq ans.

En outre, pour les logements acquis et rénovés avec une aide financière de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, le législateur a institué pour quinze ans une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, ainsi qu'une déduction forfaitaire de 40 % des revenus locatifs bruts tirés des logements acquis neufs en ZRR.

Il convient, encore, de souligner que certaines mesures viennent faciliter la reprise par le bailleur d'un bâtiment présentant un intérêt architectural, lorsque cette reprise ne compromet pas l'exploitation.

Enfin, deux séries de dispositions fiscales sont destinées, d'une part, à favoriser le logement des travailleurs saisonniers, partant du constat que ces travailleurs ont de plus en plus de difficultés à se loger dans les zones touristiques comme dans les territoires à dominante agricole, et d'autre part, à développer l'offre de logements locatifs de qualité dans les zones de revitalisation rurale. C'est là une mesure essentielle à la relance des zones rurales fragiles par l'accueil de nouvelles populations actives ou non.

Toutes ces mesures attestent, incontestablement, de la volonté des parlementaires et du gouvernement français de maintenir toutes ses exploitations aux fins, notamment, d'y d'installer de jeunes paysans.

3. Dispositions relatives aux territoires de montagne

La loi susvisée comporte, également, un important volet relatif aux territoires de montagne.

Les principales mesures prises en la matière concernent, essentiellement, les zones de moyenne montagne en pleine déprise économique et sociale, et à l'égard desquelles il devenait urgent de prendre des mesures permettant de soutenir leur activité économique et de les intégrer dans une dynamique de développement harmonieuse à l'échelle du massif auquel elles appartiennent.

Il a, dès lors, été institué une discrimination positive à l'égard des territoires ruraux de montagne les plus fragiles. Certaines mesures destinées à renforcer le volet fiscal des zones de revitalisation rurale ont, d'ailleurs, permis d'atteindre cet objectif mais, n'étant pas suffisants pour certains, un geste supplémentaire a été effectué à destination des petites entreprises, des artisans et des commerçants, qui doivent faire face à certains surcoûts liés à l'environnement dans lequel ils exercent leur activité.

4. Dispositions relatives à certains professionnels de santé en milieu rural

Deux innovations concernant ces professionnels peuvent être citées :

- les investissements immobiliers des communes destinés à l'installation des professionnels de santé ou à l'action sanitaire et sociale sont, désormais, éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ;

- les honoraires de visites de nuit ou de gardes des médecins ou de leurs remplaçants, dont les zones de garde incluent majoritairement des petites communes, sont exonérés de l'impôt sur le revenu.

5. Dispositions diverses

Les transmissions d'entreprises agricoles sont, dorénavant, facilitées en cas de succession, dans la mesure où il est à présent possible de transmettre la déduction fiscale pour investissement et celle pour aléas, tandis que la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) est exclue du calcul des cotisations sociales. En outre, le régime économique et fiscal des activités équestres est simplifié et rendu plus favorable grâce à l'assimilation de celles-ci à des activités agricoles.

En ce qui concerne le soutien aux activités économiques et agricoles, le législateur a rétabli le bénéfice de la dispense d'autorisation préalable pour la constitution d'une société à objet agricole à la création d'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) résultant de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux qui en deviennent les associés.

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Sociétés

[Manifestations à venir] Gouvernance, améliorer le fonctionnement du conseil d'administration

Lecture: 1 min

N2094AIE

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Le 07 Octobre 2010

L'I.F.A. (Institut français des administrateurs) organise, le mercredi 23 mars, un séminaire sur le thème : "Gouvernance, améliorer le fonctionnement du conseil d'administration". Ce séminaire a pour objectif de présenter les meilleures pratiques permettant aux administrateurs d'améliorer leur efficacité personnelle et collective et également de faire évoluer le fonctionnement de la gouvernance dans son entreprise et être une force de proposition pour son amélioration. Ainsi, cette manifestation devrait permettre de situer le rôle et les responsabilités de l'administrateur dans les choix de gouvernance et de fonctionnement du conseil, d'identifier les conditions de succès individuels et collectifs d'un conseil de plein exercice et d'identifier les comportements et les techniques de travail les plus efficaces dans la conduite d'un mandat.
  • Programme

- Introduction et présentation des grands principes du gouvernement d'entreprise en matière de fonctionnement des conseils

- L'information des administrateurs

- L'organisation des travaux du conseil

- Les délibérations du conseil

- Les réflexes incontournables dans les domaines clés du conseil

  • Intervenants

Jean-Florent Rérolle, Chargé de cours à HEC et à l'ESCP, rapporteur du groupe de travail de l'IFA sur le fonctionnement du conseil d'administration
Christian Arden-Joly, avocat US, managing director de Beaufort Corporate, spécialiste en gouvernement d'entreprise, administrateur de sociétés

  • Date

Mercredi 23 mars 2005
9h00 à 17h30

  • Renseignements et inscriptions

seminaire@ifa-asso.com
tél : 01 55 65 81 32

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Destinataires de l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral : nouvelles précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 2 mars 2005, n° 04-60.019, Société Sodico expansion c/ M. Alain Carpentier, FS-P+B (N° Lexbase : A1099DH8)

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N2002AIY

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Le 07 Octobre 2010

En affirmant simplement que l'employeur est tenu de convoquer les "organisations syndicales intéressées" à la négociation du protocole d'accord préélectoral, le législateur n'a pas fait preuve d'une grande précision, suscitant par là-même nombre d'interrogations, spécialement quant aux destinataires de cette invitation. Si la Cour de cassation s'est efforcée de résoudre ces difficultés, certaines incertitudes subsistaient, que l'arrêt rendu le 2 mars 2005 vient, en grande partie, lever. La solution retenue s'avère d'une grande richesse car, si elle a d'abord trait aux destinataires de l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral (1), elle permet aussi de préciser quels sont les acteurs de cette négociation (2). En résumant beaucoup on peut avancer, au vu de cet arrêt et de la jurisprudence antérieure, que si le délégué syndical bénéficie dans cette matière d'une situation privilégiée, il ne jouit d'aucun monopole.
Décision

Cass. soc., 2 mars 2005, n° 04-60.019, Société Sodico expansion c/ M. Alain Carpentier, FS-P+B (N° Lexbase : A1099DH8)

Cassation (Tribunal d'instance de Poissy, 16 janvier 2004)

Textes visés : C. trav., art. L. 423-18 (N° Lexbase : L6380ACB) ; C. trav., art. L. 433-13 (N° Lexbase : L6431AC8)

Mots clefs : protocole préélectoral ; négociation ; convocation ; destinataire ; délégué syndical ; organisation syndicale.

Lien bases :

Faits

1. Pour annuler les élections à la délégation unique du personnel d'une société, le tribunal d'instance saisi, après avoir relevé que l'Union locale CGT avait été régulièrement convoquée à la négociation du protocole préélectoral, a énoncé que l'employeur s'est tenu à une interprétation volontairement restrictive de l'article L. 433-13 du Code du travail (N° Lexbase : L6431AC8) alors que l'Union locale en cause avait attiré son attention sur son souhait de voir M. Carpentier agir en son nom du fait de sa bonne connaissance des réalités de l'entreprise. Les juges du fond ont encore souligné que le délégué syndical a été volontairement écarté de la négociation du protocole préélectoral, ce qui ne peut qu'avoir une incidence sur la répartition des sièges et des élections.

2. En écartant volontairement de la négociation le délégué syndical dont le rôle est précisément d'être au coeur de l'entreprise, du fait de sa connaissance des réalités de celle-ci, la société Sodico expansion a dénaturé les dispositions de l'article L. 433-13 du Code du travail (N° Lexbase : L6431AC8).

Problème juridique

La convocation à la négociation du protocole préélectoral doit-elle nécessairement être adressée au délégué syndical présent dans l'entreprise ?

Solution

1. Cassation pour violation des articles L. 423-18 et L. 433-13 du Code du travail

2. "Si la convocation à négocier le protocole préélectoral est valablement adressée au syndicat pris en la personne du délégué syndical désigné, aucune irrégularité n'entache la négociation dès lors qu'il est établi que l'organisation syndicale représentative a été directement destinataire d'une convocation".

Commentaire

1. Les destinataires de la convocation à négocier le protocole d'accord préélectoral

  • Syndicats intéressés

Le Code du travail fait obligation au chef d'entreprise d'inviter les "organisations syndicales intéressées" à négocier le protocole préélectoral (C. trav., art. L. 423-18 N° Lexbase : L6380ACB ; C. trav., art. L. 433-13 N° Lexbase : L6431AC8) (1). Quoi que cela ne soit pas expressément précisé par les textes, il va de soi que le législateur entend ainsi désigner les seuls syndicats représentatifs. Il n'est guère besoin de s'appesantir sur le fait que cette qualité peut s'acquérir de deux façons : soit par l'affiliation à l'une des cinq confédérations reconnues représentatives au plan national, soit en rapportant la preuve de cette représentativité dans l'unité où se tiennent les élections.

Si la mise en oeuvre de l'obligation pesant sur le chef d'entreprise soulève quelques difficultés quand l'invitation s'adresse à des syndicats ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité (2), le contentieux s'est surtout concentré sur les conséquences de la présomption de représentativité. La question s'est, en effet, posée de savoir si un syndicat présumé représentatif doit être invité à la négociation du protocole préélectoral alors qu'il n'a désigné aucun délégué syndical dans l'entreprise ou l'établissement, ou qu'il ne dispose d'aucun adhérent dans l'unité considérée.

La Cour de cassation a répondu par l'affirmative, considérant qu'un syndicat affilié à une organisation syndicale représentative sur le plan national est, peu important qu'il n'ait aucun adhérent dans l'entreprise, un syndicat intéressé au sens de la loi (v. par ex., Cass. soc., 4 juillet 1990, n° 89-60.035, Syndicat SNEP-FO c/ Directeur de l'Institut supérieur d'agriculture et autres, publié N° Lexbase : A4713ACK).

De même, la Chambre sociale a affirmé qu'un tel syndicat doit être invité à négocier le protocole d'accord préélectoral, alors même qu'il n'a pas désigné de délégué syndical dans l'entreprise (Cass. soc., 24 septembre 2003, n° 02-60.521, Union locale CGT de Coutances et des environs c/ Société Alcatel Coutances, inédit N° Lexbase : A6366C9N, adde notre chronique Qui inviter à la négociation du protocole d'accord préélectoral, Lexbase Hebdo n° 89 du 9 octobre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8976AAP).

  • Destinataires de l'invitation à négocier

La volonté de la Cour de cassation d'élargir le cercle des syndicats devant être conviés à négocier le protocole préélectoral allait, cependant, faire naître une nouvelle interrogation quant à l'identité exacte des destinataires de l'invitation.

On doit à l'Assemblée plénière d'y avoir répondu dans un important arrêt en date du 5 juillet 2002, aux termes duquel "en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise désigné par une organisation syndicale représentative au plan national, l'invitation de celle-ci à la négociation du protocole préélectoral est valablement adressée par le chef d'entreprise au syndicat constitué dans la branche ou à l'union à laquelle il a adhéré" (Ass. plén., 5 juillet 2002, n° 00-60.275, Société Cogetom c/ Syndicat des employés du commerce et interprofessionnel SECI-CFTC, publié N° Lexbase : A0621AZZ, RJS 10/02, n ° 1149, avec la chron. du conseiller C. Barberot) (3).

Cette solution étant acquise, restait encore à savoir à qui l'invitation doit être adressée lorsqu'un délégué syndical a été désigné dans l'entreprise. La Cour de cassation allait fournir un premier élément de réponse dans un arrêt du 13 février 2003, en décidant que la convocation à la négociation du protocole préalable à la consultation du personnel prévue à l'article 19-V de la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3) est valablement adressée au syndicat pris en la personne du délégué syndical (Cass. soc., 13 février 2003, n° 01-60.813, F-P+B N° Lexbase : A0010A7I, lire Les pouvoirs des délégués syndicaux en matière de négociation collective : précisions et revirement, Lexbase Hebdo n° 60 du 26 février 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6185AAC ; Dr. soc. 2003, p. 535, note J. Savatier) (4).

La mention, dans le visa de cette décision, des articles L. 423-18 et L. 433-13 du Code du travail laissait supposer que cette solution devait également valoir pour la négociation du protocole d'accord préélectoral. C'est précisément ce que vient confirmer de manière expresse la Chambre sociale dans l'arrêt commenté.

Mais, la Cour de cassation va ici plus loin en affirmant, en outre, qu'aucune irrégularité n'entache la négociation dès lors qu'il est établi que l'organisation syndicale représentative a été directement destinataire d'une convocation. En d'autres termes, le fait qu'un délégué syndical ait été désigné dans l'entreprise n'a pas pour effet d'obliger l'employeur à lui transmettre l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral. Celui-ci dispose d'une option : la convocation peut être adressée soit directement à l'organisation syndicale représentative, soit au délégué syndical.

Bien plus, à lire la solution retenue dans cet arrêt du 2 mars 2005, il apparaît que, dans tous les cas, c'est le syndicat personne morale qui reste le destinataire de l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral. La Chambre sociale précise, en effet, que "la convocation à négocier le protocole préélectoral est valablement adressée au syndicat pris en la personne du délégué syndical désigné" (souligné par nous).

Une telle solution doit être approuvée dans la mesure où le délégué syndical n'est jamais que le mandataire du syndicat personne morale. Au-delà, et quoique la prudence doive ici être de mise, on peut encore y voir quelques éclaircissements sur le problème des personnes habilitées à négocier le protocole d'accord préélectoral.

2. Les personnes habilitées à négocier le protocole d'accord préélectoral

  • Le rôle privilégié du délégué syndical

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a décidé que "le délégué syndical désigné dans l'entreprise n'a pas à justifier d'un mandat de son organisation pour conclure le protocole préélectoral" (Cass. soc., 12 février 2003, n° 01-60.904, FE-CGC, publié N° Lexbase : A0012A7L, lire Les pouvoirs des délégués syndicaux en matière de négociation collective : précisions et revirement, Lexbase Hebdo n° 60 du 26 février 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6185AAC).

Ainsi qu'il l'a été souligné, la Haute juridiction a ainsi érigé le délégué syndical en agent privilégié de la négociation du protocole préélectoral (G. Borenfreund, art. préc., p. 126). Une telle solution, qui doit être approuvée, doit cependant être strictement entendue. Elle ne remet, en effet, nullement en cause la possibilité pour les organisations syndicales intéressées d'être représentées à la négociation préélectorale par des membres extérieurs à l'entreprise, dès lors qu'elles n'y ont désigné aucun délégué syndical. Il en va ainsi dans les entreprises ne remplissant pas les conditions pour avoir des délégués syndicaux, comme dans celles où, ces conditions étant remplies, un syndicat représentatif n'a pu désigner un délégué syndical faute, le plus souvent, d'adhérent (5).

  • La possibilité de négocier avec des représentants extérieurs en présence d'un délégué syndical

On admettra, avec M. Georges Borenfreund (art. préc., p. 126), qu'une incertitude demeurait quant au fait de savoir si un syndicat de salariés disposant d'un délégué syndical peut néanmoins faire appel à des représentants extérieurs afin de négocier le protocole d'accord préélectoral. Si l'arrêt du 12 février 2003 n'imposait nullement de répondre par la négative à cette question, la décision rendue le 13 février 2003 pouvait laisser à penser que la négociation n'est possible qu'avec le seul délégué syndical, en décidant que ce dernier constitue le destinataire de l'invitation à négocier.

Toutefois, en affirmant, dans l'arrêt commenté, que l'employeur peut valablement adresser la convocation à la négociation du protocole préélectoral directement à l'organisation syndicale représentative, la Cour de cassation paraît bien signifier que le pouvoir de négocier et conclure ce protocole revient à l'organisation, personne morale. Celle-ci peut donc décider de dépêcher dans l'entreprise l'un de ses membres pour négocier le protocole en lieu et place du délégué syndical.

En d'autres termes, si le ce dernier n'a pas à justifier d'un mandat spécial de son organisation pour négocier le protocole, c'est en sa qualité générale de représentant du syndicat auprès du chef d'entreprise, non en tant que membre obligé de la délégation qui négocie à ce niveau (v. en ce sens, G. Borenfreund, art. préc., p. 127).

On admettra, ainsi que le soutenait le pourvoi dans l'espèce commentée, que le délégué syndical, qui est au coeur de l'entreprise du fait de sa connaissance de ses réalités, doit être considéré comme l'acteur privilégié de la négociation du protocole préélectoral. Il ne saurait pour autant en être l'acteur exclusif, eu égard au fait qu'il n'est, il faut le répéter, que le mandataire d'une personne morale, le syndicat, véritable titulaire du pouvoir de négocier et conclure le protocole d'accord préélectoral.

On doit ainsi relever, pour finir, la cohérence mais aussi la souplesse de la jurisprudence de la Cour de cassation, au regard de l'obligation pour l'employeur de convoquer les syndicats intéressés à la négociation du protocole d'accord préélectoral. Celui-ci peut, en effet, aussi bien s'adresser au syndicat qu'à son représentant. Le reste relève alors d'une sorte de discipline syndicale, car si le délégué syndical ne transmet pas l'invitation à son organisation, il ne subira pas alors la concurrence éventuelle de représentants extérieurs. A l'inverse, en tant que destinataire de l'invitation, l'organisation syndicale aura; à son tour, une faculté d'option.

Gilles Auzero
Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Notons, dès à présent, que la Cour de cassation a plusieurs fois affirmé que l'affichage d'une note d'information ne constitue pas une forme de l'invitation que l'employeur doit adresser aux syndicats représentatifs, sauf s'il est établi que ces derniers en avaient eu connaissance (Cass. soc., 12 décembre 1995, n° 95-60.116, Société LDC c/ Syndicat UD CGT de la Sarthe et autres, inédit N° Lexbase : A8786AGI ; Cass. soc., 26 mars 2003, n° 01-60.818, Union départementale CGT de la Vienne c/ Entreprise Cemep, inédit N° Lexbase : A5778A77). Normalement, c'est donc une invitation individuelle que l'employeur est tenu de transmettre à chaque organisation.

(2) Ainsi qu'il l'a été en effet souligné, "l'employeur semble inéluctablement conduit à se faire juge de la représentativité effective de telle ou telle organisation dans l'entreprise ou l'établissement, alors qu'il appartient normalement à un syndicat de se prévaloir de cette qualité" (G. Borenfreund, Négociation préélectorale et droit commun de la négociation collective, Mélanges Jean Pélissier, p. 93, spéc., p. 97). La Cour de cassation considère, cependant, logiquement, qu'un syndicat ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité ne peut être écarté du processus électoral tant que le juge n'a pas statué sur sa représentativité (Cass. soc., 9 février 2000, n° 98-60.599, Syndicat Sud Eurest et ses filiales c/ Société Eurest France et autres, publié N° Lexbase : A6323AGB).

(3) V. aussi, pour une appréciation des conséquences de cette importante solution : G. Borenfreund, art. préc., p. 100.

(4) V. aussi notre chronique Les pouvoirs des délégués syndicaux en matière de négociation collective : précisions et revirement, Lexbase Hebdo - édition sociale du 26 février 2003 (N° Lexbase : N6185AAC).

(5) Il résulte de cela que, dans une telle entreprise, la négociation du protocole préélectoral pourra être menée à la fois avec des délégués syndicaux et, pour les syndicats présumés représentatifs n'ayant pu désigner un représentant dans l'unité en cause, avec des membres extérieurs appartenant à ces organisations.

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