La lettre juridique n°156 du 24 février 2005

La lettre juridique - Édition n°156

Table des matières

Commerces intégrés et application du statut des baux commerciaux : une jurisprudence en évolution permanente

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N4780ABN

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par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010


Il est fréquent que le preneur d'un bail cherche à bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux. Or, la question de l'application de ce statut soulève des difficultés toutes particulières en présence de "commerces intégrés". Ces difficultés ont été soulevées à plusieurs reprises, à propos, notamment, de commerces installés dans un supermarché. Malgré de récurrents litiges sur ce point, la jurisprudence ne cesse d'évoluer. C'est ainsi que le 19 janvier dernier, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a introduit la notion de "contraintes incompatibles avec le libre exercice d'une activité". Trois conditions sont, désormais, nécessaires pour qu'un commerce exercé dans l'enceinte d'un autre établissement puisse être soumis au statut. Tout d'abord, la Cour de cassation a maintenu l'exigence d'une clientèle propre au commerce intégré, caractérisant l'existence d'un fonds de commerce, tout en confirmant l'abandon du critère de la prédominance de cette clientèle. De plus, il est toujours exigé que la chose louée constitue un "local stable et permanent". Enfin, et c'est là l'apport le plus notable, l'application du statut peut être écartée si l'exploitant du fonds est soumis à des "contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité". Reste, alors, à préciser ce que recouvre cette notion, et si ce critère se substitue à celui de l'autonomie de gestion, jusqu'à présent applicable. Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose un point sur cette jurisprudence avec Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris.

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] TVA et mécénat

Réf. : CAA Paris, 2ème ch., 7 janvier 2005, n° 00PA03352, Société Emma Productions c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A1578DGK)

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N4725ABM

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010

Le véritable mécène devra-t-il, désormais, augmenter ses dons de la TVA due par le gratifié ? La question se pose à la suite d'un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris, le 7 janvier 2005. La société anonyme Segespar-Titres, société appartenant au groupe du Crédit agricole, s'était engagée, par contrat intitulé convention de parrainage d'une durée de cinq ans, à soutenir le développement de l'orchestre philharmonique de France. En exécution de ce contrat, la société Segespar-Titres avait versé, en 1989, à la société VMG, à laquelle l'Orchestre philharmonique de France était lié par un contrat d'enregistrement exclusif, une somme de 2 190 000 francs (333 841 euros) et, en 1990, une somme de 1 200 000 francs (182 927 euros).

S'agissant du versement intervenu en 1989, la cour administrative d'appel de Paris affirme qu'"il résulte de la convention de parrainage susmentionnée que la subvention de 2 190 000 francs a été octroyée à la société VMG, en contrepartie, d'une part, de la fourniture, à prix coûtant, à l'Orchestre philharmonique de France, de 100 000 disques compacts de son concert du 30 juin 1989 à Sully-sur-Loire et, d'autre part, de la réalisation d'un coffret de cinq disques compacts intitulé Symphonies européennes ; en outre, au titre de l'année 1990, il résulte de l'instruction que la subvention de 1 200 000 francs a été octroyée en contrepartie de la réalisation d'un coffret de quatre disques compacts intitulé "Concerti français". En l'espèce, le juge administratif parisien poursuit en concluant à l'existence incontestable de compléments de prix, particulièrement à propos de la fourniture à prix coûtant. Que les sommes versées aient permis de couvrir partiellement les coûts de production et non les prix de vente, au demeurant identiques à ceux pratiqués habituellement, ne le trouble pas. La conformité de cet arrêt au droit communautaire demeure, toutefois, incertaine au regard de la 6ème directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9) telle qu'interprétée par la CJCE.

1. Le mécénat confronté à la 6ème directive TVA

Aux termes de l'article 11, A, § 1, a), de la 6ème directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9), la base d'imposition des livraisons de biens et des prestations de services est formée par "tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations". Selon la CJCE, "la notion de subventions directement liées au prix, au sens de l'article 11 A § 1 sous a, de la 6ème directive, doit être interprétée en ce sens qu'elle comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d'une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire..." (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge N° Lexbase : A5858AXA ; lire Yolande Sérandour, Les critères d'identification de la subvention à inclure dans l'assiette de la TVA, Dr.fiscal 2003, n° 3, p. 84).

Cette interprétation s'impose au regard de l'article 2 de la 6ème directive TVA définissant le champ d'application de la TVA (N° Lexbase : L9279AU9), texte transposé sous l'article 256-I du CGI . La TVA ne frappe pas les recettes, mais seulement "les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux[...]par un assujetti agissant en tant que tel".

La CJCE exige la vérification de l'existence d'une consommation imposable en soulignant qu'"il importe[...]qu'elle (la subvention) soit spécifiquement versée à l'organisme subventionné, afin qu'il fournisse un bien ou effectue un service déterminé" (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 12). Pour le juge communautaire, "il faut, dans tous les cas, examiner quelle partie a fourni le bien ou le service et quelle partie a payé la contrepartie. En effet, ce sont les livraisons de biens et les prestations de services qui sont soumises à la TVA et non les paiements effectués..." (CJCE, 9 octobre 2001, aff. C-108/99, Commissioners of Customs & Excise c/ Cantor Fitzgerald International N° Lexbase : A4483AWX). Si "la base d'imposition est constituée : pour les livraisons de biens et les prestations de services...par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir[...]pour ces opérations..." (6ème directive TVA, art. 11 A§-a), la constatation d'une opération taxable précède le calcul de l'assiette. Le régime dépend de la qualification, et non l'inverse. Le Conseil d'Etat en convient, en subordonnant l'extension de l'assiette aux subventions à l'existence de prestations de services au profit de la partie versante ou à la souscription, par le bénéficiaire de la subvention, d'un engagement sur le prix ou la nature des prestations commercialisées (C. David/ O. Fouquet/ B. Plagnet/ P.F. Racine, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, 4ème édition, Dalloz, p. 673, n° 2).

En matière d'aide financière, la CJCE considère que "l'article 11 A de la sixième directive vise des situations où trois parties sont en cause, à savoir l'autorité qui accorde la subvention, l'organisme qui en bénéficie et l'acheteur du bien ou le preneur du service respectivement livré ou fourni par l'organisme subventionné" (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 10 ; CJCE, 13 juin 2002, aff. C-353/00, Keeping Newcastle Warm Limited c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A8770AYH). Cela exclut de l'assiette les subventions de fonctionnement ou d'équilibre attribuées sans affectation précise à une production commercialisée. Une subvention ne constitue la contrepartie d'une opération imposable à inclure dans l'assiette de la TVA que si l'organisme versant conclut, en qualité de stipulant, avec un opérateur économique prenant la qualité de promettant un accord aux termes duquel le promettant s'engage à fournir des prestations précises à telle catégorie de tiers bénéficiaires, moyennant une contrepartie versée sous forme de subvention par le stipulant. Ainsi, se trouve caractérisé le rapport juridique exigé par l'arrêt "Tolsma" (CJCE, 3 mars 1994, aff. C-16/93, R. J. Tolsma c/ Inspecteur der Omzetbelasting Leeuwarden N° Lexbase : A7246AHT ; lire Maurice Cozian, note sous l'arrêt, Petites affiches, 5 octobre 1994, n° 119 ; Le Gentil et Daniel-Thézard, La notion de contrat, nouvelle borne au champ d'application de la TVA, Dr.fiscal 1996, n° 28, p. 940). La stipulation pour autrui établit le lien direct entre les opérations et la subvention, c'est-à-dire le caractère onéreux déterminant l'entrée des opérations dans le champ d'application, puis celle de la subvention dans l'assiette de la TVA.

Ce rapport juridique doit précéder le fait générateur constitué par une livraison ou l'achèvement d'une prestation de services (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 13). Le calcul de l'assiette s'effectuant à la date du fait générateur (CJCE, 27 octobre 1997, aff. C-281/91, Muys' en De Winter's Bouw- en Aannemingsbedrijf BV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A7501AHB), la CJCE exige que le prix sous forme de subvention soit déterminé ou déterminable lors de la survenance dudit fait. Cela écarte de l'assiette de la TVA les subventions d'équilibre versées en vue de couvrir le déficit d'un exercice constaté, par définition, postérieurement au fait générateur. Le Conseil d'Etat fait sienne cette analyse (CE contentieux, 18 septembre 1998, n° 152656, Ministre chargé du Budget c/ Société d'économie mixte de construction de La Roche-sur-Yon (Semyon) N° Lexbase : A8152ASQ (lire G. Goulard, conclusions,  Dr. fiscal 1999, n° 4, comm. 67) ; CE contentieux, 31 mai 2000, n° 182012, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Association Strasbourg musique et congrès N° Lexbase : A4041AWL ; lire J. Courtial, conclusions, Dr. fiscal 2000, n° 50, comm.1002 et F. Deboissy, RTD com. 2001, p. 267).

La preuve de la détermination d'un prix couvert par une subvention peut résulter de la constatation, dans les comptes annuels, d'une différence entre le prix de vente et le prix de revient normal ou d'une réduction du montant de la subvention par suite de l'absence ou de la moindre quantité produite (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 16). Un rapport exact entre la diminution du prix et la subvention n'est pas nécessaire. Un rapport significatif suffit. La CJCE admet qu'une subvention forfaitaire puisse constituer un complément de prix (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 17 et 28). Elle avait, déjà, affirmé que "la possibilité de taxer une transaction ne requiert pas[...]la connaissance, ni par l'assujetti livrant les biens ou exécutant le service ni par l'autre partie à la transaction, du montant exact de la contrepartie servant de base d'imposition" (CJCE, 14 juillet 1998, aff. C-172/96, Commissioners of Customs & Excise c/ First National Bank of Chicago N° Lexbase : A0388AWB). Ce contexte communautaire s'oppose à l'analyse du mécénat retenue par la cour administrative d'appel de Paris.

2. Le mécénat confronté au juge administratif

En l'espèce, la cour administrative d'appel de Paris a-t-elle caractérisé le paiement, au moins partiel, par la société anonyme Segespar-Titres, à la société VMG., pour le compte de l'Orchestre philharmonique de France de 100 000 disques compacts de son concert du 30 juin 1989 à Sully-sur-Loire ? Certes, la convention de parrainage prévoyait, moyennant une subvention globale de 2 190 000 francs, la fourniture de disques à prix coûtant, mais aussi la réalisation d'un coffret de cinq disques compacts. La subvention, versée en 1990, de 1 200 000 francs ne couvrait que les frais de production d'un coffret de quatre disques compacts. L'engagement antérieur à la réalisation des prestations promises visait, essentiellement, la couverture des frais de production de disques. Or, les subventions à la production sont hors du champ d'application de la TVA (CJCE, 15 juillet 2004, aff. C-495/01, C-463/02, C-381/01, C-144/02, Commission des Communautés européennes c/ République de Finlande N° Lexbase : A0941DD9 ; lire Yolane Sérandour, note sous l'arrêt, Dr. fiscal 2004, n° 42, comm. 770 et du même auteur Les aides à la production ne relèvent pas de la TVA, Lexbase Hebdo n° 131, du 29 juillet 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N2504ABD). Peu importe que le financement par une subvention permette de couvrir partiellement le prix de revient. La relation entre des aides et les prix se traduit par une diminution des prix de vente en proportion des subventions accordées (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 17 et 28 ; C-495/01 § 14 ; CJCE, 15 juillet 2004, aff. C-495/01, C-463/02, C-381/01, C-144/02, Commission des Communautés européennes c/ République de Finlande précité, § 39, 43 et 38). En l'espèce, le prix de commercialisation des disques, dont la réalisation a été subventionnée, n'a pas varié en proportion des aides accordées, puisqu'il est demeuré celui du prix de vente en gros pratiqué habituellement.

Manifestement, les aides attribuées par la société anonyme Segespar-Titres à la société VMG. pour couvrir le prix de revient de la réalisation de disques échappent à la TVA. La question demeure posée à l'égard de la fraction de la subvention datant de 1989 remise en contrepartie, selon la cour administrative d'appel de Paris, de la livraison de disques à l'Orchestre philharmonique de France. Dans la mesure où la CJCE exclut du champ d'application de la TVA les subventions globales d'exploitation (CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-184/00, Office des produits wallons ASBL c/ Etat belge précité, § 15) et les subventions à la production, le juge administratif ne peut pas inclure dans l'assiette de la TVA une somme ne rémunérant pas complètement des livraisons ou services précisément désignés. Il lui faudrait établir quelle est la partie de l'aide attribuée en 1989 destinée à payer partiellement le prix des disques livrés à l'Orchestre philharmonique de France. Ajoutons que l'absence de marge bénéficiaire caractérisée par la fourniture à prix coûtant n'influence pas l'assiette de la TVA. Le prix fixé par les cocontractants constitue obligatoirement la base d'imposition (CJCE, 10 avril 1984, aff. C-324/82, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A8682AU4 ; CJCE, 23 novembre 1988, aff. C-230/87, Naturally Yours Cosmetics Limited c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7745ATZ  (lire Da Cruz Vilaça, conclusions, Dr.fiscal, 1989, comm. 815) ; CJCE, 27 mars 1990, aff. C-126/88, Boots Company plc c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A8609AUE ; CJCE, 9 juillet 1992, aff. C-131/91, "K" Line Air Service Europe BV c/ Eulaerts NV et Etat belge N° Lexbase : A9706AUZ ; CJCE, 2 juin 1994, aff. C-33/93, Empire Stores Ltd c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7746AT3 ; CJCE, 24 octobre 1996, aff. C-317/94, Elida Gibbs Ltd c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A0131AWR ; CJCE, 29 mai 1997, aff. C-63/96, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ Werner Skripalle N° Lexbase : A0356AW4 ; CJCE, 16 octobre 1997, aff. C-258/95, Julius Fillibeck Söhne GmbH & Co. KG c/ Finanzamt Neustadt N° Lexbase : A9969AUR ; CJCE, 29 mars 2001, aff. C-404/99, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A9919AS8 ; CJCE, 20 janvier 2005, aff. C-412/03, Hotel Scandic Gåsabäck AB c/ Riksskatteverket N° Lexbase : A3119DGM ; lire Yolande Sérandour, La fourniture de repas moyennant une contrepartie inférieure au prix de revient n'est pas une livraison ou un service à soi-même, Lexbase Hebdo n° 153, du 2 février 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4492ABY).

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Santé

[Manifestations à venir] Indemnisation des accidents médicaux : la loi Kouchner, trois ans après

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N4742ABA

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Le 07 Octobre 2010

L'université Paris I Panthéon-Sorbonne et les éditions Droit in Situ et Lexis Nexis organisent, le 4 mars prochain, une journée d'étude sur le thème "Indemnisation des accidents médicaux : la loi Kouchner, trois ans après" (loi n° 2002-303 du 3 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA).
  • Thèmes abordés

- La philosophie des dispositions relatives à la réparation des conséquences des risques sanitaires
- La mise en place du dispositif légal et les missions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM)
- Les Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) et les procédures d'indemnisation
- La Caisse nationale des accidents médicaux (CNAM) et l'expertise médicale
- De quelques difficultés d'application de la loi
- Les contentieux appliquant l'ONIAM
- La procédure d'offre et les barèmes d'indemnisation
- Regards critiques sur le système légal d'indemnisation : point de vue des professionnels de santé, des assureurs et des victimes

  • Intervenants

Claude Huriet, président de l'ONIAM
Claude Evin, député
Dominique Martin, directeur de l'ONIAM
Jean Guigue, présent de la CRCI d'Ile de France
Michel Penneau, professeur de médecine légale à l'Université d'Angers
Patrice Jourdain, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, directeur du centre de recherche en droit privé
Sylvie Welsh, avocat
Philippe Tréguier, responsable du pôle d'indemnisation de l'ONIAM
Michel Chassang, président de la confédération des syndicats médicaux de France
Claude Delpoux, directeurs des assurances de biens et de responsabilités (FFSA)
Alain Michel Ceretti, président du LIEN (association de lutte, d'information et d'étude des infections nosocomiales)
Geneviève Viney, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne

  • Date

Vendredi 4 mars 2005
8h45 - 18h00 (la journée sera suivie d'un cocktail)

  • Lieu

Maison du barreau de l'Ordre des avocats à la Cour
2-4, rue de Harley
75001 Paris

  • Renseignements et inscriptions

Anne-Maire Larincq
alarincq@univ-paris1.fr

newsid:14742

Sécurité sociale

[Textes] Loi du 11 février 2005 : soins et ressources des handicapés

Réf. : Loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (N° Lexbase : L5228G7R)

Lecture: 12 min

N4762ABY

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

Le 07 Octobre 2010


La loi du 11 février 2005 s'inscrit dans la continuité des grandes réformes législatives portant sur le handicap : loi n° 75-534 du 30 juin 1975, d'orientation en faveur des personnes handicapées (N° Lexbase : L6688AGS) ; loi n° 90-602 du 12 juillet 1990, relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap (N° Lexbase : L4737GUY) ; loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (N° Lexbase : L1457AXA). La loi traite de tous les aspects de la vie de l'handicapé : santé, revenus, accessibilité (vie quotidienne), travail et scolarité des jeunes handicapés.

Sur le plan financier, la loi prévoit, pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler, une garantie de ressources de 140 Euros par mois, intégralement cumulable avec une allocation adulte handicapé (AAH) à taux plein, ce qui assure des ressources d'un montant égal à 728 Euros. Pour les personnes handicapées qui travaillent, la loi prévoit un meilleur cumul de l'AAH et des revenus du travail ; pour les personnes handicapées au chômage, une autonomie de 100 Euros par mois, visant à alléger les frais de logement de ceux qui sont au chômage en raison de leur handicap ; pour les personnes en établissement (hospitalier, médico-social ou pénitentiaire), une AAH disponible d'au moins 30 %.

Mais, la grande innovation porte sur la reconnaissance d'un droit à compensation. La prestation de compensation, destinée à compenser les conséquences du handicap, prend la forme d'une aide humaine, technique ou animalière, en fonction du projet de vie de la personne handicapée. La loi du 11 février 2005 porte, également, sur l'amélioration du quotidien de l'handicapé au regard de la notion d'accessibilité. L'objectif est que les transports en commun, ainsi que l'ensemble des lieux recevant du public (publics ou privés), soient rendus accessibles. L'obligation de mise en accessibilité vise aussi tout bâtiment recevant du public (public ou privé). Les handicapés doivent accéder à l'information et aux savoirs, grâce au sous-titrage TV, aux sites Internet, ainsi que par la reconnaissance de la langue française des signes (LSF).

Enfin, la loi du 11 février 2005 traite de la scolarité des enfants handicapés. Tous les enfants devront être inscrits dans l'école du quartier où ils résident. La loi crée un véritable projet de parcours scolaire avec, notamment, la mise en place d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) à l'université.

1. Prévention, recherche et accès aux soins

1.1. Prévention des handicaps

Dans son rapport d'information du 24 juillet 2002, le Sénat soulignait déjà le cloisonnement et le manque de réactivité des politiques de prévention des handicaps (P. Blanc, Compensation du handicap : le temps de la solidarité, rapport d'information n° 369, 2001-2002).

Selon le nouveau dispositif, l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale mettent en oeuvre des politiques de prévention, de réduction et de compensation des handicaps et les moyens nécessaires à leur réalisation. La politique de prévention, de réduction et de compensation des handicaps s'appuie sur des programmes de recherche pluridisciplinaires (Code de l'action sociale et des familles, art. L. 114-3).

1.2. Formation des professionnels de la santé

Selon les travaux parlementaires, la qualité de l'accueil et de la prise en charge des personnes handicapées, notamment à l'hôpital, souffre de l'absence de sensibilisation des professionnels de santé aux besoins spécifiques de ce public. La question n'est pas tant la capacité de ces professionnels de santé à traiter les pathologies directement liées au handicap (bien que ces derniers ne soient pas toujours informés des derniers progrès de la recherche et des thérapeutiques en la matière), que des besoins spécifiques en termes d'accueil et d'accompagnement des personnes handicapées dans le cadre de leurs soins quotidiens (P. Blanc, Rapport n° 20, Sénat 2004-2005).

C'est pourquoi, la loi du 11 février 2005 a retenu le principe de formation des professionnels de santé. Ceux-ci reçoivent, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique concernant l'évolution des connaissances relatives aux pathologies à l'origine des handicaps et les innovations thérapeutiques, technologiques, pédagogiques, éducatives et sociales les concernant, l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées, ainsi que l'annonce du handicap (Code de la santé publique, art. L. 1110-1-1).

1.3. Accomplissement par un tiers de certains soins prescrits par un médecin

Il est difficile de définir ce qu'il convient d'entendre par "aidant naturel", notion de droit québécois. Les personnes handicapées vivent parfois seules, loin de la présence de l'éventuel aidant naturel que peut être un ascendant ou un descendant. Cette formulation a été introduite à l'Assemblée nationale pour répondre aux inquiétudes formulées par certains infirmiers (Sénat, Rapport n° 152, 2004-2005).

La loi du 11 février 2005 a pris en compte cette réalité sociologique. Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel ou de son choix pour les réaliser. La personne handicapée et les personnes désignées reçoivent préalablement, de la part d'un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d'acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la personne handicapée concernée.

Lorsqu'il s'agit de gestes liés à des soins infirmiers, cette éducation et cet apprentissage sont dispensés par un médecin ou un infirmier (Code de la santé publique, art. L. 1111-6-1).

2. Compensations et ressources

Plusieurs allocations répondent à l'objectif de prise en charge globale du handicap. Mais, elles n'ont qu'un caractère partiel, soit parce qu'elles n'ont vocation à compenser qu'un type particulier de désavantages (le recours à une aide humaine, des frais professionnels supplémentaires ou, encore, les contraintes liées à un logement autonome), soit parce qu'elles ne s'adressent qu'à une catégorie de personnes handicapées (celles qui relèvent d'un régime d'invalidité de la Sécurité sociale).

Il s'agit de la majoration pour tierce personne (MTP, 946 Euros par mois), de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP, entre 40 %, soit 378 Euros, et 80 %, soit 757 Euros, de la majoration pour tierce personne), de l'allocation compensatrice pour frais professionnels (ACFP, entre 40 %, soit 378 Euros, et 80 %, soit 757 Euros, de la majoration pour tierce personne) et, enfin, du complément d'AAH (16 % de l'AAH, soit 94 Euros par mois).

Le principe d'une compensation des conséquences du handicap a donné lieu à un droit, le droit à compensation.

2.1. Compensation des conséquences du handicap

La jurisprudence "Perruche" (Ass. plén., 17 novembre 2000, n° 99-13.701, M. X, ès qualités d'administrateur légal des biens de son fils mineur Nicolas et autre c/ Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français et autres, publié N° Lexbase : A1704ATB) a conduit le législateur à prendre conscience que des familles d'enfants ou d'adultes handicapés, confrontées à l'exclusion, faute de moyens d'existence décents, sont acculées à demander au juge une indemnisation que l'Etat ne semblait pas en mesure d'assurer.

C'est la raison pour laquelle, lors du vote de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9), le Parlement a solennellement affirmé le droit, pour chaque personne handicapée, à la compensation des conséquences de son handicap, quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie d'un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante.

Mais, l'affirmation de ce droit laissait dans l'ombre la question de l'autorité responsable de sa mise en oeuvre. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (N° Lexbase : L1457AXA) a donné une réponse. Selon son article 1er, nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap, non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale (P. Blanc, Rapport n° 210, Sénat 2004/2005).

  • Définition du droit à compensation

Mettant un terme aux difficultés suscitées par la jurisprudence "Perruche" et aux imprécisions de la loi du 4 mars 2002, la loi du 11 février 2005 a clos le débat. Désormais, la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap, quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.

Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu'il s'agisse de l'accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l'enseignement, de l'éducation, de l'insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d'autonomie, du développement ou de l'aménagement de l'offre de service, du développement de groupes d'entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté, ou encore en matière d'accès aux procédures et aux institutions spécifiques au handicap ou aux moyens et prestations accompagnant la mise en oeuvre de la protection juridique régie par le titre XI du livre Ier du Code civil.

Ces réponses adaptées prennent en compte l'accueil et l'accompagnement nécessaires aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins. Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée, tels qu'ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal, lorsqu'elle ne peut exprimer son avis (Code de l'action sociale et des familles, art., L. 114-1-1).

  • Prestation de compensation des conséquences du handicap

Rompant avec le caractère partiel et largement marqué par une logique d'aide sociale des allocations et aides actuelles, la prestation de compensation revêt un caractère universel, lié à l'absence de toute condition de ressources pour l'accès à la prestation. Seuls sont pris en compte le taux d'incapacité de la personne et son âge, et ce afin d'écarter les personnes qui relèvent d'un autre mode de compensation, comme l'allocation d'éducation spéciale -désormais dénommée "allocation d'éducation de l'enfant handicapé"- pour les enfants, et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées de plus de 60 ans.

La prestation est universelle car elle vise l'ensemble des surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne : aides humaines, aides techniques, aménagements du logement, mais aussi charges spécifiques ou exceptionnelles, comme les aides animalières qui pourront être prises en charge dans le cadre de la prestation (Sénat, Rapport n° 210, prec.).

La loi du 11 février 2005 dispose à cet effet que toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères -définis par décret et prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie-, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature et qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces.

Lorsque le bénéficiaire de la prestation de compensation dispose d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de Sécurité sociale, les sommes versées à ce titre viennent en déduction du montant de la prestation de compensation, dans des conditions fixées par décret (Code de l'action sociale et des familles, art., L. 245-1 I)

La prestation de compensation peut être affectée à des charges :
- liées à un besoin d'aides humaines, y compris celles apportées par les aidants familiaux ;
- liées à un besoin d'aides techniques, notamment aux frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides relèvent des prestations prévues au 1° de l'article L. 321-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6900GTQ) ;
- liées à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant de son transport, spécifiques ou exceptionnels, comme ceux relatifs à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap ;
- liées à l'attribution et à l'entretien des aides animalières.

La prestation de compensation est incessible en tant qu'elle est versée directement au bénéficiaire, et insaisissable, sauf pour le paiement des frais de compensation de la personne handicapée. L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prestation se prescrit par 2 ans. Cette prescription est, également, applicable à l'action intentée par le président du conseil général en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration (Code de l'action sociale et des familles, art., L. 245-8).

2.2. Ressources des personnes handicapées

  • Allocation aux adultes handicapés

Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les Dom-Tom, ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5357ADR), et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret, perçoit une allocation adultes handicapés.

Mais, les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent bénéficier de l'allocation adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour, ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour.

Le droit à l'allocation adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de Sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse ou d'invalidité, à l'exclusion de la majoration pour aide constante d'une tierce personne (visée à l'article L. 355-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5111ADN), ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la majoration pour aide d'une tierce personne mentionnée à l'article L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5264ADC), d'un montant au moins égal à cette allocation (CSS. art., L. 821-1 N° Lexbase : L5789ADR).

  • Garantie de ressources des personnes handicapées accueillies en centre d'aide par le travail

Le mécanisme de la garantie de ressources des travailleurs handicapés, mis en place dès la loi d'orientation du 30 juin 1975 (loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées N° Lexbase : L6688AGS), répondait à un double objectif : assurer aux personnes handicapées des revenus décents tirés de leur travail, et ce malgré un rendement plus faible que les autres travailleurs, et inciter autant que possible ceux-ci, par la mise en place d'une hiérarchie des revenus entre les différents milieux de travail, à évoluer du milieu le plus protégé (le CAT) vers le milieu ordinaire de travail.

Selon les travaux parlementaires, l'objectif de revenu garanti n'est atteint que grâce à un cumul avec l'AAH. Le niveau des ressources aujourd'hui garanti au moyen de la seule garantie de ressources demeure modeste en milieu protégé. Il se situe entre 55 et 65 % du Smic en CAT, et entre 90 et 100 % du Smic en atelier protégé, alors même que les plafonds de cumul entre la rémunération directe et le complément versé par l'Etat devraient, en théorie, permettre de le porter jusqu'à, respectivement, 110 % et 130 % du Smic (P. Blanc, Rapport n° 210, 2003-2004, prec.).

C'est pourquoi, la loi du 11 février 2005 a institué une garantie de ressources pour les personnes handicapées, composée de l'allocation adultes handicapés et d'un complément de ressources. Le montant de cette garantie est fixé par décret.

Le complément de ressources est versé aux bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés, au titre de l'article L. 821-1 (N° Lexbase : L8864G7G), dont la capacité de travail, appréciée par la commission est, compte tenu de leur handicap, inférieure à un pourcentage fixé par décret et :
- qui n'ont pas perçu de revenu d'activité à caractère professionnel propre depuis une durée fixée par décret ;
- qui disposent d'un logement indépendant ;
- qui perçoivent l'allocation adultes handicapés à taux plein ou en complément d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail.

Le versement du complément de ressources pour les personnes handicapées prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail (dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 821-1 (N° Lexbase : L8864G7G). Mais, toute reprise d'activité professionnelle entraîne la fin du versement du complément de ressources (CSS art., L. 821-1-1 N° Lexbase : L5790ADS).

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Retenue à la source et traitement différencié entre résident et non résident à l'épreuve de la sanction communautaire

Réf. : CE, 9° et 10° s-s., 15 décembre 2004, n° 235069, Société Denkavit c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4486DEU)

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N4756ABR

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Une nouvelle fois, le Conseil d'Etat soulève, auprès de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), la question de la compatibilité entre une disposition de notre droit interne, l'ancien article 119 bis, alinéa 2, du CGI afférent à la retenue à la source sur les produits nets des participations bénéficiant à des personnes n'ayant pas leur siège en France et les principes fondamentaux du droit communautaire , notamment la liberté d'établissement . Aux termes du 2 de l'article 119 bis ancien du CGI, les produits visés aux articles 108 à 117 bis du même code donnent lieu à l'application d'une retenue à la source, dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 du CGI , soit 25 % pour les dividendes lorsque ces derniers bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur siège en France, alors que celles qui ont leur siège en France et 216 N° Lexbase : L4321AAB) ou à défaut disposent, en France, d'un établissement stable au titre duquel elles sont soumises à l'impôt sur les sociétés, se trouvent quasiment exonérées de toute imposition sur ces dividendes.

Dans cette affaire, deux filiales détenues respectivement, à l'époque des faits, à hauteur de 99,9 % et 50 % par une société néerlandaise ont, ensemble, à la suite du versement de dividendes à cette dernière, contesté l'application à ces produits de la retenue à la source au taux de 25 %, ramené à 5 % par les stipulations du § 2 de l'article 10 de la convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 (N° Lexbase : L6735BHW).

Les sociétés contestataires invoquaient, à cet effet, l'article 43 du Traité CE, aux termes duquel sont interdites les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre ; cette interdiction s'étendant aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre.

Il est rappelé que la loi de finances rectificative pour 1991, en transposant la directive n° 90/435/CE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (N° Lexbase : L7669AUL), a supprimé, sous certaines conditions visées à l'article 119 ter du CGI (N° Lexbase : L9482G7C), la retenue à la source sur les dividendes distribués par une société résidente d'un Etat membre à une société établie dans un autre Etat membre.

Mais la présente affaire conserve tout son intérêt suivant la réponse que donnera la CJCE saisie de la question à titre préjudiciel par la Haute cour, notamment, au regard de la compatibilité avec les principes fondamentaux du droit communautaire des conditions d'exonération de retenue à la source visées à l'article 119 ter du CGI ou, encore, des retenues à la source sur les intérêts ou redevances.

En effet, cette affaire se situe dans le prolongement de deux autres, la plus ancienne "Lankhorst-Hohorst Gmbh" (CJCE, 12 décembre 2002, aff. C-324/00, Lankhorst-Hohorst GmbH c/ Finanzamt Steinfurt N° Lexbase : A0411A7D) et la plus récente "SARL Coréal gestion" (CE contentieux, 30 décembre 2003, n° 249047, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie c/ SARL Coréal Gestion N° Lexbase : A6490DAM), portant toutes deux sur des différences de traitement fiscal de deux filiales résidentes opérées selon la résidence de leur mère, alors qu'au cas d'espèce commenté l'appréciation de la compatibilité du dispositif de la retenue à la source conduit à comparer le traitement fiscal d'une société mère résidente à celui d'une société mère non-résidente.

L'examen de l'éventuelle atteinte à la liberté d'établissement et de l'existence d'une différence de traitement nécessite de porter l'analyse à deux niveaux de réflexion susceptibles de se combiner entre eux.

Le premier porte sur le dispositif, lui-même de droit interne, des dispositions sur la retenue à la source, et le second sur la combinaison de ces dispositions avec celles de la convention franco-néerlandaise.

Cette complexité a conduit le Conseil d'Etat, suivant en cela les conclusions de son commissaire du Gouvernement Francis Donnat, a posé à la CJCE, à titre préjudiciel, les trois questions suivantes :

1. La première question a trait au point de savoir si "un dispositif qui fait supporter le poids d'une imposition à une société mère, bénéficiaire du versement de dividendes, qui ne réside pas en France, en en dispensant les sociétés mères qui résident en France" est ou non susceptible d'être critiqué au regard du principe de la liberté d'établissement ?

La Haute cour, en soulevant ainsi le problème de la différence de traitement entre une société mère résidant en France et une société mère résidant dans un autre Etat membre, pose la question de savoir, pour l'application des principes communautaires, si elles sont ou non dans une situation objectivement comparable au regard d'un mécanisme de retenue à la source sur les dividendes.

Ce mécanisme trouve son origine dans une série de textes applicables à la présente affaire, dont il convient de retracer l'articulation.

Il convient, préalablement, de rappeler que la retenue à la source prévue par les dispositions précitées du 2 de l'article 119 bis du CGI est supportée non par la société qui a sa résidence en France et qui procède au versement de dividendes à sa société mère qui, elle, a sa résidence dans un autre Etat, mais par cette dernière.

Or, aux termes de l'article 216-I et II du CGI , dans sa rédaction applicable à la présente affaire, les produits nets des participations ouvrent droit à l'application du régime des sociétés mère , lorsqu'ils sont versés au cours d'un exercice par une société mère.

Ils sont, aux termes de ces mêmes dispositions, retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris).

Mais, le régime fiscal des sociétés mères, aux termes du 1 de l'article 145 du CGI, qui se trouve applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations sous certaines conditions, vise les sociétés qui, soit ont leur siège en France, soit , leur siège étant situé dans un autre Etat, ont en France un établissement au titre duquel elles sont soumises à l'impôt sur les sociétés.

La société mère néerlandaise, dans la présente affaire, ne disposant pas en France d'un établissement au titre duquel elle serait soumise à l'impôt sur les sociétés, ne pouvait, donc, prétendre à l'application de ces dispositions.

Il s'ensuit, constate le Haut conseil, que "celle-ci supporte ainsi une retenue à la source alors qu'une société mère résidant en France peut, si elle remplit les conditions posées par l'article 145 du Code général des impôts, bénéficier d'une exonération presque totale des dividendes distribués par ses filiales".

2. La deuxième question a trait au point de savoir si "un tel dispositif de retenue à la source est[...]en lui-même critiquable au regard du principe de la liberté d'établissement, ou, dès lors qu'une convention fiscale entre la France et un autre Etat membre, autorisant cette retenue à la source, prévoit la possibilité d'imputer sur l'impôt dû dans cet autre Etat la charge supportée en application du dispositif critiqué, [...] il y a lieu de tenir compte de cette convention pour apprécier la compatibilité de ce dispositif avec le principe de la liberté d'établissement ?"

L'article 24 de la convention fiscale, en date du 16 mars 1973, conclue entre la France et les Pays-Bas prévoit qu'une société mère, qui réside aux Pays-Bas et qui bénéficie de versements de dividendes de la part d'une société qui réside en France, peut, en principe, procéder, dans les conditions que ces stipulations précisent, à une imputation de l'impôt supporté en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du CGI sur le montant de l'impôt à acquitter aux Pays-Bas.

Il s'agit, donc, de déterminer "si le mécanisme de retenue à la source, autorisé par le paragraphe 2 de l'article 10 de cette convention moyennant la fixation d'un taux plafond et l'imputation de cette retenue sur l'imposition de l'actionnaire néerlandais recevant ces dividendes, peut être analysé comme un simple mode de répartition de l'imposition des dividendes entre la France et les Pays-Bas sans incidence sur la charge fiscale globale de la société mère néerlandaise et, par suite, sur la liberté d'établissement de cette société".

3. Enfin, la troisième question a trait au point de savoir, dans l'hypothèse où il y aurait lieu de tenir compte de la convention fiscale franco-néerlandaise pour apprécier la compatibilité de ce dispositif avec le principe de la liberté d'établissement , si "l'existence de la convention [...] suffit [...] à faire regarder le dispositif critiqué comme un simple mécanisme de répartition de la matière imposable entre les deux Etats concernés, sans incidence pour les entreprises, ou la circonstance qu'une société mère qui ne réside pas en France peut être dans l'impossibilité de procéder à l'imputation prévue par la convention doit [...] conduire à regarder ce dispositif comme méconnaissant le principe de la liberté d'établissement ?"

En effet, la Haute cour administrative fait observer que la société qui réside aux Pays-Bas ne peut bénéficier d'une telle imputation que si l'impôt dû par elle aux Pays-Bas est supérieur à la réduction d'impôt, dont elle peut se prévaloir en vertu de l'article 24 de la convention fiscale franco-néerlandaise.

Elle s'interroge, en conséquence, sur la nécessité de prendre en compte cette situation dans l'appréciation de la compatibilité de la retenue à la source avec la liberté d'établissement, notamment lorsque la société mère, résidente des Pays-Bas, ne peut effectuer l'imputation du crédit d'impôt attaché aux revenus qu'elle a perçus pour des raisons de droit ou des raisons de fait si elle se trouve dans une situation déficitaire.

newsid:14756

Bancaire

[Jurisprudence] La protection du cessionnaire par le transport de la créance cédée vers son patrimoine

Réf. : Cass. com., 7 décembre 2004, n° 02-20.732, Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) d'Aquitaine, venant aux droits de la CRCAM d'Aquitaine Sud-Ouest c/ Société Labat-Merle, FP-P+B+I+R ([LXB=A0137DG8 ])

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N4719ABE

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par Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne

Le 07 Octobre 2010

L'affirmation suivant laquelle "le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite du contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement" (Cass. com., 26 avril 2000, n° 97-10.415, Société Westpac Banking Corporation c/ Société Socpresse N° Lexbase : A5133AWZ, JCP éd. E, 2000, p. 1134) est, aujourd'hui, périmée depuis la décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 décembre 2004. Le cessionnaire peut, dorénavant, demander au débiteur cédé le paiement de sa créance même si le cédant fait l'objet d'une procédure collective. Par conséquent, les créances correspondant à des périodes postérieures à l'ouverture de la procédure collective sont acquises au bénéficiaire du bordereau. Cette solution est marquée par un visa exhaustif de la Cour de cassation touchant les dispositions des articles L. 313-23 (N° Lexbase : L9256DYH), L. 313-24 (N° Lexbase : L9257DYI) et L. 313-27 (N° Lexbase : L6399DIT) du Code monétaire et financier et précisant, sur ce fondement, que la créance "sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date".

La question est donc, avant tout, celle de la détermination du moment exact du transport de la créance (I) et son opposabilité au débiteur cédé (II).

I - Le transport de la créance dans le patrimoine du cessionnaire

Naît sur la tête du cessionnaire par cette cession, qu'elle soit Dailly ou traditionnelle, une créance l'investissant de la qualité de créancier du débiteur cédé. Il existe alors "une succession à titre particulier de la créance" (C. Larroumet, La cession du contrat : une régression du droit français, Mélanges M. Cabrillac, Litec 1999, p. 151). La qualité de cessionnaire lui permet de profiter des droits nés dans le patrimoine de son auteur, le cédant, au moment du transport.

La créance transmise soustrait une richesse du patrimoine du cédant : elle est une valeur patrimoniale. Ce droit de créance entre dans le patrimoine du cessionnaire tel qu'il existe dans celui du cédant (A. Rieg, Cession de créance, Rép. civ. Dalloz, 1970, n° 552). La créance est réellement une valeur : elle est cédée soit pour éteindre une dette, soit pour obtenir des liquidités. La cession de créance a une fonction purement économique. Bien souvent, sans le crédit accordé au cédant par la cession de créance, le contrat générateur de la créance ne pourrait survivre. D'ailleurs l'esprit de la cession Dailly est de protéger les droits du cessionnaire avant ceux du cédant en vue d'une parfaite efficacité de la cession.

La date de naissance de la créance contractuelle est au coeur du débat : est-ce la date de conclusion du contrat de cession qui génère la créance ou l'exécution successive de la prestation ? Il n'est pas toujours aisé, dans les contrats à exécution successive, d'affirmer, dès leur conclusion, que chacun est titulaire d'une créance dont les modalités d'exécution seraient échelonnées dans le temps. Néanmoins, ce courant est l'exacte représentation de l'esprit de la loi Dailly (loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, facilitant le crédit aux entreprises N° Lexbase : L0197G8S). Les créances sont, en principe, transférées au cessionnaire à la date portée sur le bordereau, soit dans la présente décision avant la date d'ouverture de la procédure collective.

Par conséquent, dès le transfert de propriété, la créance n'est plus dans le patrimoine du cédant et appartient au cessionnaire. La force obligatoire du contrat de cession lie alors le cédant et le cessionnaire. Mais ce simple accord de volontés n'est pas, en principe, suffisant pour que le contrat de cession soit opposable au débiteur cédé et ce même si l'effet translatif de la créance a eu lieu.

II - L'opposabilité de la cession de créance au débiteur cédé

Deux étapes sont à distinguer dans le déroulement de la cession de créance du Code civil :

- la cession opère comme une vente entre le cédant et le cessionnaire et transfère instantanément la créance et ses accessoires (V. C. civ., art. 1692 N° Lexbase : L1802ABD ; V. aussi sur le transfert de la clause compromissoire comme accessoire de la créance, M.-E. Mathieu, La transmission de la clause compromissoire au cessionnaire de la créance, JCP éd. G, 2003, I, 116) ;
- puis, pour que le cessionnaire puisse demander paiement de cette créance, devenue sa propriété, au débiteur cédé, une autre formalité est à accomplir : celle de l'article 1690 du Code civil (N° Lexbase : L1800ABB) (signification par voie d'huissier, acceptation par acte authentique). Par conséquent, entre le moment où la créance est transportée sur la tête du cessionnaire et la date de signification, le cédant peut poursuivre le débiteur cédé en paiement. Celui-ci ne pourra lui opposer la cession de créance car il est censé l'avoir ignorée.

Il est donc important de différencier ces deux étapes, reflets de deux principes fondamentaux du droit des obligations qui ne sauraient être confondus : la force obligatoire du contrat de cession entre les parties et son opposabilité aux tiers, plus spécifiquement au débiteur cédé. On ne saurait donc parler de force obligatoire de la cession de créance à l'égard des tiers.

En revanche, lorsque la cession est une cession de créance professionnelle (cession Dailly), le Code monétaire et financier, en son article L. 313-27, indique que la cession "prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de la remise". La date de transfert de propriété et la date d'opposabilité aux tiers de la cession de créance sont identiques. Le banquier cessionnaire est, dès la date de la cession, le seul et unique créancier du débiteur cédé (V. Cass. com., 8 février 2000, n° 97-17.627, Comité national olympique et sportif français c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Yonne N° Lexbase : A5239AWX, D. 2000, jur. p. 3110) : "la remise du bordereau à son destinataire opère de plein droit transfert de la créance avec tous les accessoires et suffit à rendre l'opération opposable aux tiers, c'est à dire à tout autre cessionnaire ou aux créanciers du cédant" (V. en ce sens, Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 8ème éd., n° 1302). Aucun avertissement du débiteur cédé n'est requis.

Toutefois, l'établissement de crédit cessionnaire a la faculté de notifier au débiteur le transfert de la créance (C. mon. fin., art. L. 313-38 N° Lexbase : L9270DYY). La finalité de cette notification est d'éviter -ce qui fut le cas dans cette décision- que le débiteur cédé, ignorant l'existence de la cession, ne paye la dette entre les mains du cédant. Le banquier cessionnaire peut aussi soumettre la cession de créance au débiteur cédé pour acceptation. Le débiteur se libère ainsi de son paiement entre les mains du cessionnaire et est réputé avoir renoncé à toutes les exceptions qu'il pouvait opposer aux cédants à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agit sciemment au détriment du débiteur. En revanche, ce débiteur est en droit, lorsqu'il n'a pas accepté la cession Dailly mais qu'il en a seulement reçu notification, d'opposer au cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant et dont l'origine est antérieure à la notification.

Dès lors, la décision de la Cour de cassation du 7 décembre 2004 apparaît dans toute sa logique : si la créance est transférée à la date apposée par le bordereau, peu importe, dès lors, la procédure collective postérieure du cédant. Les droits du cessionnaire ont été transmis antérieurement à cette procédure et elle est donc sans aucun effet sur ces derniers. Le créancier du débiteur cédé ne peut alors entrer en conflit avec les créanciers du cédant quelle que soit la nature de la créance.

Il est donc impossible de modifier les droits attachés aux créances cédées à compter de la date apposée sur le bordereau. Le transfert de propriété est réalisé et la cession est opposable au débiteur cédé. Mais, à défaut de date mentionnée sur le bordereau, la cession n'a aucun effet à l'égard des tiers (V. Cass. com., 7 mars 1995, n° 93-12.257, Société générale de banque belge c/ M. Pierrat et autres N° Lexbase : A1134ABM, RTDcom. 1995, p. 632).

Et, ajoute la Cour de cassation, peu importe l'exigibilité de la créance.

Cette affirmation ne saurait étonner. L'efficacité des créances futures a été formellement reconnue par la loi Dailly. En témoigne, la lettre de l'article L. 313-23, alinéa 2, du Code monétaire et financier : "peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés". Seront transmises par bordereau les créances liquides et exigibles mais aussi les créances à terme et futures. Le législateur n'a pas prévu un régime distinct pour chacune de ces créances : les créances en germe et les créances exigibles répondent à un régime unique. L'établissement de crédit cessionnaire a sur les créances cédées, exigibles ou non, un droit acquis (V. en ce sens Cass. com., 8 février 2000, op. cit).

Pour ces dernières, ce sera à la banque d'apprécier le risque de telles créances. La Cour de cassation, dans ses décisions antérieures -lorsqu'elle refusait au bénéficiaire du bordereau, le bénéfice des créances nées avant la procédure collective mais dont l'exécution s'échelonnait postérieurement à la faillite du cédant-, apportait alors une restriction notable à l'efficacité des créances futures (V. en ce sens, Ch. Gavalda et J.Stoufflet, Droit bancaire, 5ème éd., n° 461). La Haute juridiction méconnaissait, par ce biais, "les aspects positifs des financements apportés grâce, notamment à la cession Dailly" (V. en ce sens, C. Maleky, Le bordereau Dailly à l'épreuve du droit des procédures collectives, Mélanges Y. Guyon, Dalloz 2003, p. 767 ; P. Crocq, L'efficacité incertaine du bordereau Dally, Dr. et patrimoine, 2002, p. 80).

Mais, plus encore, la Cour de cassation protégeait ainsi les droits du cédant à l'encontre de ceux du cessionnaire Dailly, solution peu convaincante au regard des textes. Il n'est pas inutile de rappeler que la loi Dailly, en son esprit, protège les intérêts de la banque cessionnaire : l'opposabilité de plein droit de la cession Dailly, dès la date apposée sur le bordereau, en est un exemple. A quoi serviraient les conditions de forme de la cession de créance professionnelle si le rôle joué par la date du bordereau perdait de son efficacité ? A peu de choses...au regard des intérêts du cessionnaire Dailly.

La Chambre commerciale, dans cette récente décision, l'a bien compris. Certes, il s'agit de concilier les différents intérêts en présence : ceux du créancier du cédant, celui du cessionnaire et ceux du cédant lui même. Mais le droit des procédures collectives ne peut modifier ceux attachés au transport de la créance à moins d'admettre qu'une faillite puisse nier l'existence d'un transfert de propriété.

Le Code de commerce a d'ailleurs protégé de la nullité pendant la période suspecte, les cessions de créance professionnelles : "sont nuls lorsqu'ils auront été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants [...] : tout paiement pour dettes échues fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981". La cession par bordereau échappe donc à la nullité des paiements en période suspecte (V. Cass. com., 20 janvier 1998, n° 95-16.718, Société bordelaise de crédit industriel et commercial (SBCIC) c/ M. Rey et autres N° Lexbase : A3906CXX, RTDcom 1998, p. 396). N'y a t-il pas là un témoignage d'une protection particulière accordée au cessionnaire Dailly ?

A l'analyse, la cession de créance est une vente quelle que soit sa nature (V. en ce sens, la lettre de l'article 1692 du Code civil) et la propriété est "acquise de droit à l'acheteur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix" (C. civ., art. 1583 N° Lexbase : L1669ABG). Seule une disposition spéciale issue du droit des procédures collectives pourrait faire obstacle à ce principe. En son absence, il est une certitude : la créance cédée est sortie du patrimoine du cédant et se trouve dans celui du cessionnaire. Elle est donc hors du champ d'application de l'article L. 621-32 du Code de commerce qui vise "les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture [...]" et donc les créances situées dans le patrimoine du cédant. La question se poserait en des termes différents si la cession de créance était postérieure à l'ouverture de la procédure...

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