La lettre juridique n°589 du 6 novembre 2014

La lettre juridique - Édition n°589

Éditorial

Contrat de travail unique : entre certitude et doute, navigation en eaux troubles

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N4408BUS

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 06 Novembre 2014


"Si on commence avec des certitudes, on finit avec des doutes. Si on commence avec des doutes, on finit avec des certitudes" (Francis Bacon). Tel est le paradigme du contrat de travail, aujourd'hui, en France.

Il est certain que, si le contrat à durée indéterminée (CDI) semble offrir une certaine sécurité à travers l'incertitude de sa fin, le contrat à durée déterminée (CDD) pêche, lui, auprès des salariés, par sa caractéristique première : la certitude de son terme (ou presque). Finalement, savoir, dès le début de l'exécution du contrat, quand il finira, emporte paradoxalement plus de doutes pour le salarié, quant à son avenir professionnel, que s'il avait l'opportunité -le privilège, croirait-on désormais- de signer une CDI au terme incertain. "Non moins que savoir, douter m'est agréable", confiait encore Montaigne dans ses Essais.

On pensait naïvement, à la suite de Zola, qu'"aucun bonheur n'est possible dans l'ignorance, la certitude seule fait la vie calme" ; ce qui s'explique, aussi, dans sa vision du droit du travail à travers Germinal, par le fait que le salariat soit une "nouvelle forme d'esclavage". Aussi, si le terme du contrat de travail dans la mine n'est pas la mort, c'est que la mine est revenue au mineur, comme la mer au pêcheur et la terre au paysan ! En clair, l'incertitude du terme du contrat de travail conduirait Etienne à l'esclavage de l'ère industrielle ; un état honni, mais indispensable au bonheur, puisque pour être heureux, encore faut-il être vivant.

Alors, bien évidemment, à la suite des garanties offertes par le droit social, sous le soleil du XXème siècle, nombreux sont ceux qui se satisferaient grandement d'un lien perpétuel avec leur employeur : l'incertitude du terme entraînant l'absence de doute quant à l'organisation de leur vie professionnelle et, par voie de conséquence, de leur vie familiale.

"Le doute est un état mental désagréable, mais la certitude est ridicule" écrivait Voltaire : on voit bien là le goût pour la provocation du jeune Arouet qui aura préféré la carrière incertaine d'homme de lettres à celle d'avocat ou de conseiller au Parlement qui lui était promise.

Et, voilà que ressurgit des fonds baptismaux libéraux l'idée d'un contrat unique. Le CDI serait un carcan trop rigide pour les employeurs, une armure trop imperméable pour le salarié, pour qu'il puisse faire des émules en ces temps de crise. Le CDD, lui, par sa précarité inhérente, de même que l'intérim, répondent mieux à la crise de confiance que traverse l'économie française actuelle. Cela s'explique prosaïquement : l'employeur, en pleine méfiance, doute ; et, pour conjurer ce doute, cherche des certitudes que lui offre le CDD et autres contrats précaires.

Sur 17,8 millions de salariés, 15,4 millions sont en CDI, et 1,8 million en CDD. Le fait majoritaire devrait l'emporter. Mais, bien entendu, si harmonisation il doit y avoir, cela se fera sur le plus petit dénominateur commun. Pour 2012, 49 % des intentions d'embauche concernaient des CDD ; l'intérim représentait 43 % et les CDI, 9 %. Alors, hors de question de hisser les droits des contrats précaires vers ceux du CDI ; cela n'aurait aucun sens économique... du moins à court terme.

On pourrait alors penser à caler au moins les "accessoires" du CDD sur ceux du CDI... Mais c'est déjà fait : mutuelle, intéressement, etc., profitent déjà aux travailleurs à durée déterminée. Non, on sait que la seule vraie différence demeure dans les conditions de rupture : un terme certain et une prime de précarité de 10 % pour l'un ; une procédure tortueuse et formaliste au coût parfois prohibitif pour l'autre. Du moins le pense-t-on ! Parce que, étonnamment, l'indice de protection de l'emploi calculé par l'OCDE, basé sur le coût et les procédures qu'impliquent un licenciement collectif ou individuel, classe la France au 7ème rang de l'Organisation, avec une note de 2,82 sur 6, bien loin derrière l'Allemagne. De là à penser que la théorie insiders/outsiders de Lindbeck et Snower ne serait qu'un épouvantail pour culpabiliser les titulaires d'un CDI d'empêcher, par leurs droits légaux et acquis, un turn over et l'embauche des jeunes sur le marché concurrentiel, il n'y a qu'un pas que nombre d'économistes franchissent aisément. Cette théorie prône une flexibilité du marché de l'emploi, jugée plus juste pour tout le monde, car égalitaire -si tant est que la justice puisse émaner du doute perpétuel sur son avenir professionnel-. C'est la condamnation des fameuses "rentes de situation" des professions réglementées décriées par le projet de loi "pour libérer l'activité". Tout cela participe finalement du même modèle théorique de la Nouvelle économie keynésienne.

On comprend, dès lors, que pour favoriser l'embauche, il faut faciliter la rupture ; un peu comme si les familles se formaient plus aisément sous l'égide du Pacs que sous celui du mariage, à la rupture encore souvent traumatique.

Comme "la seule certitude, c'est que rien n'est certain" écrivait Pline l'Ancien, prévoir le contrat de travail serait avant tout prévoir sa rupture. On comprend le désarroi dans lequel se situe le marché de l'emploi en France : accepter l'incertitude ou l'inégalité, voilà une étrange perspective pour fabriquer une croissance !

Le droit, un frein à l'emploi ? Quand on pense que c'est à contre coeur qu'Emile Acollas, juriste communard, signifiait, dans son Manuel de droit civil, en 1869, que bien que déséquilibré, le contrat de travail, en ce qu'il permet au salarié d'échapper à une mort certaine à court terme, tout en lui laissant espérer une mort plus que probable à moyen terme, favorise l'autonomie et doit être accepté par le salarié. C'est, bien évidemment, la méfiance et le doute, mère et père de la rupture du contrat de travail, qui plombent l'emploi.

L'adage populaire veut que le doute profite aux innocents ; et aux innocents les mains pleines. Le doute quant au terme du contrat de travail ou à la carrière professionnelle du salarié précaire : l'équilibre contractuel en droit social se satisferait tant d'un retour... de la confiance.

newsid:444408

Actes administratifs

[Brèves] "Le silence de l'administration vaut accord" : publication d'une série de décrets dérogatoires à ce nouveau principe

Réf. : Décrets du 23 octobre 2014, n° 2014-1292 (N° Lexbase : L6764I4B) , n° 2014-1294 (N° Lexbase : L6784I4Z) et n° 2014-1303 (N° Lexbase : L6791I4B)

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N4422BUC

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Le 06 Novembre 2014

La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), notamment le II de son article 21 dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 (N° Lexbase : L5155IYL), prévoit que le silence gardé pendant plus de deux mois par l'administration sur une demande vaut acceptation. Des dérogations à ce principe peuvent être prévues pour des motifs tenant à l'objet de la décision, ou pour des motifs de bonne administration. De nombreux décrets du 23 octobre 2014 précisent la liste des procédures dans lesquelles le silence de l'administration continuera de valoir décision de rejet. Le décret n° 2014-1292 (N° Lexbase : L6764I4B) liste certaines procédures du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lesquelles le délai particulier à l'expiration duquel la décision est acquise lorsqu'il est différent du délai de deux mois : document de séjour (titres de séjour, autorisations provisoires de séjour et récépissés), document de circulation des mineurs étrangers, regroupement familial, visa d'entrée aux fins de demander l'asile sur le territoire national, admission provisoire au séjour au titre de l'asile. Le décret n° 2014-1294 (N° Lexbase : L6784I4Z) précise la liste des procédures relevant du ministère de l'Intérieur pour lesquelles une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public et que la loi exclut, pour ce motif, du champ d'application du principe du silence vaut acceptation : abrogation d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, d'un arrêté préfectoral ou ministériel d'expulsion, ou d'une mesure d'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté préfectoral ou ministériel d'expulsion. Le décret n° 2014-1303 (N° Lexbase : L6791I4B) prévoit deux cas, dans le domaine du droit de la fonction publique dans lesquels le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet : les demandes présentées par un ayant droit ou un ayant cause d'un agent public et celles relatives aux procédures d'accès aux emplois publics pour l'Etat et ses établissements publics. A la date du 12 novembre 2014, ce sont quelque 1 200 procédures qui relèveront du principe "silence vaut acceptation".

newsid:444422

Actes administratifs

[Brèves] Absence d'intervention du décret nécessaire à l'application d'une loi après un délai raisonnable : exception au principe d'engagement de la responsabilité de l'Etat

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 22 octobre 2014, n° 361464, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0627MZA)

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N4367BUB

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Le 06 Novembre 2014

L'absence d'intervention du décret nécessaire à l'application d'une loi après un délai raisonnable n'est pas obligatoirement de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors que le Gouvernement tire les conséquences d'un avis motivé de la Commission européenne estimant la loi contraire au droit de l'Union européenne, indique le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 22 octobre 2014 (CE 4° et 5° s-s-r., 22 octobre 2014, n° 361464, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0627MZA). Les préjudices qui résultent du retard mis à prendre, au delà d'un délai raisonnable, un décret nécessaire à l'application d'une loi sont, en principe, de nature à ouvrir droit à réparation. Toutefois, en l'espèce, le dispositif législatif nécessitant l'intervention d'un décret d'application a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission européenne, à la suite de laquelle celle-ci a adressé aux autorités françaises une demande de communication d'informations. Malgré les éléments de réponse transmis par les autorités françaises, la Commission a ensuite formellement contesté la compatibilité de la disposition législative en cause avec le droit de l'Union européenne et adressé aux autorités françaises une mise en demeure suivie d'un avis motivé. Aux termes de cet avis motivé, les autorités françaises étaient invitées, en application de l'article 258 du TFUE (N° Lexbase : L2571IPW), à prendre les mesures requises pour rétablir, dans un délai de deux mois, la compatibilité de la législation française avec les objectifs de ces Directives (Directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 N° Lexbase : L7187AZ9 et Directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 N° Lexbase : L7532A4Q). A la date d'expiration de ce délai, le 30 novembre 2011, le Parlement a été saisi de dispositions tendant à leur abrogation, et dont l'exposé des motifs faisait référence à la nécessité de se conformer à l'avis motivé du 29 septembre 2011 et de prévenir une saisine de la CJUE. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le fait que, à la date du fait générateur du dommage invoqué par le requérant, le décret nécessaire à l'application de ces dispositions n'avait pas été pris, ne révèle pas une faute de nature à ouvrir droit à réparation.

newsid:444367

Affaires

[Brèves] Modalité de l'information des salariés en cas de cession de leur entreprise

Réf. : Décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014, relatif à l'information des salariés en cas de cession de leur entreprise (N° Lexbase : L6470I4E)

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N4450BUD

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Le 06 Novembre 2014

La loi relative à l'économie sociale et solidaire (loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 N° Lexbase : L8558I3D) a mis en place, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, une obligation d'information des salariés en cas de cession du fonds de commerce ou de la majorité des droits sociaux d'une société, afin que ceux-ci puissent présenter une offre de reprise (C. com., art. L. 141-23 N° Lexbase : L8639I3D et s. et art. L. 23-10-1 N° Lexbase : L8649I3Q et s.). Un décret, publié au Journal officiel du 29 octobre 2014, vient préciser ce mécanisme (décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l'information des salariés en cas de cession de leur entreprise N° Lexbase : L6470I4E). Le décret prévoit que le délai de deux mois permettant aux salariés de présenter une offre de rachat s'apprécie au regard de la date de cession, entendue comme la date à laquelle s'opère le transfert de propriété. En outre, l'information des salariés peut être effectuée selon les modalités suivantes :
- au cours d'une réunion d'information des salariés à l'issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence à cette réunion ;
- par un affichage (la date de réception de l'information est celle apposée par le salarié sur un registre accompagnée de sa signature attestant qu'il a pris connaissance de cet affichage) ;
- par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;
- par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d'un document écrit mentionnant les informations requises ;
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (la date de réception est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire) ;
- par acte extrajudiciaire ;
- par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.
Le salarié informe dans les meilleurs délais et par tout moyen le chef d'entreprise lorsqu'il se fait assister. La personne qui assiste le salarié est tenue à une obligation de confidentialité en ce qui concerne les informations qu'elle reçoit. Une cession intervenant à l'issue d'une négociation exclusive organisée par voie contractuelle n'est pas soumise aux exigences d'information préalable des salariés si le contrat de négociation exclusive a été conclu avant le 1er novembre 2014 (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E4752E4R et "Droit des sociétés" N° Lexbase : E4839E4Y).

newsid:444450

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Refus d'inscription au tableau pour comportement inadaptés au regard des qualités de l'avocat : interprétation non restrictive et conventionalité de l'article 11, 4, de la loi du 31 décembre 1971

Réf. : CA Grenoble, 28 octobre 2014, n° 14/00276 (N° Lexbase : A2252MZG)

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N4477BUD

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Le 06 Novembre 2014

Il convient, sur le fondement des dispositions combinées des articles 11-4, 17-1 et 3 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), de débouter de sa demande d'inscription au tableau de l'Ordre, le sollicitant condamné pénalement, définitivement, à plusieurs reprises à la suite de comportement apparaissant totalement inadaptés au regard des qualités de modération et des vertus de dignité et d'honneur attendues d'auxiliaires de justice soumis aux règles de déontologie de leur profession. Le moyen selon lequel l'article 11, 4, de la loi du 31 décembre 1971 présente un caractère non conventionnel, en ce sens que, visant les condamnations pénales pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, il interdit systématiquement l'accès à la profession d'avocat à une personne pénalement condamnée et créé ainsi une double peine contraire aux engagements internationaux de la France, n'est pas retenu. Tel est le sens d'un arrêt de la cour d'appel de Grenoble, rendu le 28 octobre 2014 (CA Grenoble, 28 octobre 2014, n° 14/00276 N° Lexbase : A2252MZG ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E8014ETY). Cette disposition ne saurait être interprétée restrictivement ; elle impose que soient examinés les éléments de preuve allégués susceptibles de caractériser l'amendement de l'intéressé et d'établir son aptitude à exercer la profession d'avocat en conformité avec ses principes essentiels, précise la cour. Or, en l'espèce, le sollicitant ne saurait se prévaloir d'un amendement suffisant. Il importe peu qu'il ait été bien noté au cours de son stage professionnel ; que ses notateurs aient mis en évidence ses excellentes qualités relationnelles, sa capacité à s'intégrer dans l'équipe de travail ; que deux attestants, avocats, aient déclaré, l'un, qu'il avait pu apprécier l'éthique personnelle du sollicitant, sa bonne moralité, tout à fait conforme aux exigences de la profession d'avocat, l'autre, qu'il avait rencontré M. K. au cours de son cursus universitaire et qu'à sa connaissance, celui-ci remplissait les qualités morales nécessaires à l'exercice de la profession d'avocat.

newsid:444477

Avocats/Déontologie

[Brèves] Exercice de la profession d'avocat, sanctions disciplinaires et invocabilité de la CESDH

Réf. : Cass. civ. 1, 29 octobre 2014, n° 13-27.610, F-D (N° Lexbase : A4920MZA)

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N4478BUE

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Le 06 Novembre 2014

Le droit d'exercer la profession d'avocat ne constitue pas, par lui-même, un bien protégé par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) en dehors de toute atteinte à la valeur patrimoniale qui pourrait s'y trouver attachée ; si bien que le conseil de discipline comme la cour d'appel sont en droit de prononcer l'une des peines de l'article 184 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), comme l'interdiction temporaire d'exercer la profession d'avocat pendant 12 mois au regard des faits reprochés, multiples et constituant une violation grave des règles déontologiques de l'avocat, et des précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de l'avocat pour d'autres manquements à la délicatesse. Telle est la portée d'un arrêt de la première chambre de la Cour de cassation, rendu le 29 octobre 2014 (Cass. civ. 1, 29 octobre 2014, n° 13-27.610, F-D N° Lexbase : A4920MZA). Dans cette affaire, un avocat avait été poursuivi disciplinairement notamment pour avoir, lors d'une audience de la chambre des appels correctionnels, déposé des conclusions dénonçant "la légèreté et l'incompétence habituelles" du tribunal, et, à l'occasion d'un procès devant une cour d'assises, déclaré à la presse, avant l'ouverture des débats, qu'il saurait "trouver les bons juges", proclamé "dommage" lors du tirage au sort d'un juré qu'il ne pouvait récuser, qualifié un avocat de la partie civile de "roquet", et accusé le président de l'audience de "tricheries" et "mensonges". La Haute juridiction confirme la sanction prononcée à l'encontre de cet avocat et rappelle, en outre, qui si l'avocat a le droit de critiquer le fonctionnement de la justice ou le comportement d'un magistrat ou d'un avocat, sa liberté d'expression, qui n'est pas absolue car sujette à des restrictions qu'impliquent notamment la protection de la réputation ou des droits d'autrui et la garantie de l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire, ne s'étend pas aux propos violents qui, exprimant une animosité personnelle contre le magistrat concerné, mis en cause dans son intégrité morale, ou contre un avocat d'une partie adverse, sans traduire une idée, une opinion ou une information susceptible d'alimenter une réflexion ou un débat d'intérêt général, ne relèvent pas de la protection du droit à la liberté d'expression prévue par l'article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ) (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9173ETW et N° Lexbase : E1684EUW).

newsid:444478

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Appel d'une ordonnance de non-lieu : irrecevabilité de l'appel interjeté par un avocat substituant un confrère non régulièrement désigné dans la procédure d'information

Réf. : Cass. crim., 16 septembre 2014, n° 13-82.758, F-B+P+I (N° Lexbase : A5592MWZ)

Lecture: 14 min

N4453BUH

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par Kaltoum Gachi, Avocate au barreau de Paris, Docteur en Droit, Chargée d'enseignement à l'Université Paris II

Le 06 Novembre 2014

L'arrêt du 16 septembre 2014 vient affirmer que l'appel interjeté par un avocat substituant un confrère, qui n'avait pas été désigné conformément à l'article 115 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0931DY7), est irrecevable. La Chambre criminelle a fondé sa décision sur la combinaison des articles 115 et 502 (N° Lexbase : L2819IP4) du Code de procédure pénale, sans que cette combinaison semble, au cas présent, pleinement justifiée. En outre, la solution n'est pas sans poser quelques difficultés tant du point de vue de la portée qu'il convient de lui conférer que de sa compatibilité, péremptoirement affirmée, avec les dispositions de l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR). La liberté du choix de l'avocat est un principe essentiel qui permet, à tous les stades de la procédure, de revenir sur un choix initial et de changer d'avocat. Si cette liberté est absolue, elle est particulièrement encadrée, lors de l'instruction préparatoire, dans le souci de sécuriser les procédures. Le but est d'éviter la multiplication des requêtes en nullité fondées sur l'absence de convocation d'un avocat qui aurait été nouvellement choisi sans que le juge d'instruction n'en ait été informé.

Le présent arrêt est particulièrement intéressant car il vient éclairer l'articulation des règles régissant la désignation d'un avocat à ce stade crucial de la procédure pénale et l'exercice du droit d'appel. En jugeant irrecevable l'appel formé à l'encontre d'une ordonnance de non-lieu par un avocat substituant un confrère, il paraît -de prime abord- extrêmement sévère. Aux termes de cette décision, la Chambre criminelle affirme, en effet, que, si l'avocat qui fait une déclaration d'appel n'est pas tenu de produire un pouvoir spécial, il ne peut exercer ce recours, au stade de l'information, qu'à la condition que la partie concernée ait préalablement fait choix de cet avocat et en ait informé la juridiction d'instruction (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4431EUN).

Les faits étaient les suivants : deux sociétés avaient porté plainte et s'étaient constituées parties civiles, contre personnes non dénommées, du chef d'abus de biens sociaux. A l'issue de l'information judiciaire, le juge d'instruction rendait une ordonnance de non-lieu dont les parties civiles avaient, chacune, interjeté appel. Les parties civiles avaient désigné dans leur plainte avec constitution de parties civiles Maîtres X et Y afin de défendre leurs intérêts mais les appels avaient été interjetés par Maître A, substituant un autre avocat, Maître Z qui n'avait pas été désigné par les parties civiles selon les modalités fixées par l'article 115 du Code de procédure pénale.

Un pourvoi était alors formé qui soutenait, en substance que la déclaration du choix de l'avocat par une partie résultait suffisamment de l'ordonnance de non-lieu qui mentionnait celui-ci et de la transmission par le juge d'instruction des réquisitions du ministère public à cet avocat en cette qualité. De plus, il était souligné que la pratique de la substitution d'un avocat par un autre ne pouvait être assimilée à la désignation d'un nouveau conseil. Enfin, il était soutenu que la Chambre de l'instruction avait porté une atteinte excessive au droit d'accès à un tribunal.

Ces arguments n'ont pas suffi à convaincre la Chambre criminelle qui a jugé qu'en prononçant ainsi, la Chambre de l'instruction avait fait une exacte application des dispositions combinées des articles 115 et 502 du Code de procédure pénale.

Cette décision, sans défrayer la chronique, ne manque pas moins de surprendre tant elle interprète rigoureusement les règles de désignation d'avocats lors de l'instruction préparatoire en procédant à une combinaison, au demeurant discutable, des articles 115 et 502 du Code de procédure pénale (I). Son interprétation n'est pas évidente, sa portée restant à déterminer au regard du mécanisme de la substitution, sans compter la question de sa compatibilité au regard du droit d'accès à un juge (II).

I - Une solution formaliste discutable

La présente solution emprunte sans doute à la rigueur des règles de désignation d'un avocat lors de l'instruction préparatoire, prévues à l'article 115 du Code de procédure pénale, qu'il faut brièvement rappeler (A). Pour autant, la combinaison invoquée de cet article 115 avec l'article 502 du même code, pour justifier la solution, ne semble pas pleinement adaptée (B).

A - Les règles strictes de désignation d'un avocat lors de l'instruction préparatoire

Les règles de désignation d'avocat en matière d'instruction préparatoire, particulièrement strictes, sont prévues à l'article 115 du Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi du 9 mars 2004.

Il en résulte notamment que la partie doit faire une déclaration au greffier d'instruction lorsqu'elle veut désigner un avocat dès lors qu'il ne s'agit pas de la première désignation ou de celle qui peut intervenir au cours d'un interrogatoire ou d'une audition. Le texte s'attache aux particularités propres à chaque situation. Ainsi, lorsque la partie ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est détenue, le choix peut également faire l'objet d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, ou d'un courrier adressé au magistrat instructeur.

Concrètement, l'avocat doit accomplir les formalités de déclaration au greffe en remettant une copie du courrier qui lui a été adressé, et qui est annexée par le greffier à la déclaration.

La jurisprudence veille scrupuleusement au respect de ces exigences. Ainsi, tant que la personne mise en examen n'a pas confirmé elle-même au juge d'instruction le choix d'un nouvel avocat, seuls doivent être avisés de la date de l'audience les avocats précédemment désignés (Cass. crim., 4 décembre 2001, n° 01-86.394 N° Lexbase : A7065AXX, BICC, 51, n° 182). Il se peut également que la personne mise en examen renonce à l'assistance d'un avocat pour revenir à celui qui avait été initialement choisi, mais sous condition d'aviser la juridiction d'instruction. A défaut de cet avis, le deuxième conseil est considéré comme le seul avocat en cause (Cass. crim. 5 janvier 1994, n° 93-84.679 N° Lexbase : A1351CG7, Bull. crim. n° 8).

Ce formalisme précis, qui impose déclaration au greffier du juge d'instruction, signature de la déclaration, constatée et datée par le greffier ou l'envoi d'une lettre recommandée n'étant possible que lorsque la partie ne réside pas dans le ressort de la juridiction, est similaire à celui exigé par l'article 81 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6395ISN), relatif aux demandes d'acte, ou à celui relatif aux demandes de mise en liberté (C. pr. pén., art. 148-6 N° Lexbase : L3517AZB et 148-7 N° Lexbase : L3518AZC).

Manifestement, dans la présente espèce, ce sont ces règles qui ont été méconnues. Aucune précision ne figure dans l'arrêt qui permettrait de déterminer la règle non respectée. Mais il n'en reste pas moins que l'avocat nouvellement choisi n'ayant pas été régulièrement désigné, le confrère qui l'avait substitué ne pouvait -a fortiori- valablement interjeter appel de l'ordonnance de non-lieu. Pour déclarer irrecevable cet appel, la Chambre criminelle a affirmé que "s'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 115 et 502 du code de procédure pénale combinées, que l'avocat qui fait une déclaration d'appel n'est pas tenu de produire un pouvoir spécial, il ne peut exercer ce recours, au stade de l'instruction, que si la partie concernée a préalablement fait le choix de cet avocat et en a informé la juridiction d'instruction". Cette combinaison des articles 115 et 502, relativement classique, ne semble pourtant pas appropriée à la singularité de l'espèce.

B - Une combinaison discutable des articles 115 et 502 du Code de procédure pénale

Rappelons en l'espèce que les parties civiles avaient désigné dans leur plainte avec constitution de parties civiles Maîtres X et Y afin de défendre leurs intérêts mais les appels avaient été interjetés par Maître A, substituant un autre avocat, Maître Z qui n'avait pas été désigné par les parties civiles selon les modalités fixées par l'article 115 du Code de procédure pénale.

Pour considérer que la déclaration d'appel effectuée par un avocat non régulièrement désigné était irrecevable et, ainsi, entériner la solution de la Chambre de l'instruction, la Chambre criminelle s'est fondée sur la combinaison des articles 115 et 502 du Code de procédure pénale. La solution n'est pas nouvelle. Ainsi, la Cour de cassation avait déjà recouru à cette combinaison, dans les mêmes termes, dans une affaire où la déclaration d'appel avait été effectuée par un avocat substituant un avocat nouvellement désigné dans le dossier sans que le juge d'instruction n'en ait été informé (Cass. crim., 9 janvier 2007, n° 06-84.738 N° Lexbase : A6975DTI, Bull. crim. n° 3 ; V. aussi : déjà en ce sens, Cass. crim., 27 novembre 2012, n° 11-85.130, F-P+B N° Lexbase : A7008IZL).

Pour autant, l'espèce ne se présente pas de manière identique dans la mesure où, ici, l'avocat substitué avait été rendu destinataire du réquisitoire définitif et de l'ordonnance de non-lieu. Le juge d'instruction avait donc été nécessairement informé de son existence.

Dès lors, la difficulté n'intéressait pas tant un défaut d'information du magistrat instructeur sur la désignation d'un "nouvel" avocat. Comme le précisaient les parties civiles à l'appui de leur pourvoi, le nom de l'avocat substitué, qui était présent lors de l'instruction, figurait sur l'ordonnance de non-lieu. En outre, le juge d'instruction lui avait transmis les réquisitions du ministère public en cette qualité, de sorte que ce magistrat ne pouvait ignorer qu'il était l'avocat des parties civiles.

Ces éléments étaient essentiels car si la désignation de l'avocat substitué n'était pas régulière, on peut penser qu'il appartenait à la juridiction d'instruction d'en tirer les conséquences ab initio. Toutefois, en ne le faisant pas et en adressant à ce conseil les éléments de la procédure, ce qui tendait à conforter la régularité de sa désignation, la juridiction d'instruction elle-même a laissé perdurer une situation permettant légitimement à ce conseil de penser qu'il était régulièrement désigné dans la procédure. Attendre l'exercice de la voie de recours qu'est l'appel à l'encontre de l'ordonnance de non-lieu -essentielle pour les parties civiles- pour finalement affirmer qu'il n'avait pas été désigné conformément aux règles de l'article 115 s'avère, de ce point de vue, extrêmement contestable.

En outre, on peut s'interroger sur la pertinence de la référence à l'article 502 du Code de procédure pénale. Cet article, qui fixe les règles régissant l'exercice de l'appel, indique qu'il suffit pour la régularité de l'appel que la déclaration soit signée par un "avocat" sans davantage de précisions. L'avocat tire, en effet, de son mandat général de représentation pouvoir de relever appel pour le compte d'une partie. Aussi, la combinaison de cet article, souple quant à l'exercice de l'appel, avec l'article 115 du Code de procédure pénale alors même qu'il ne s'agissait pas véritablement d'un changement d'avocat, paraît infiniment contestable.

L'hypothèse était sans doute plus proche de la pratique, fort répandue, de la substitution d'avocat. Or, cette pratique ne pouvait être assimilée à la désignation d'un nouveau conseil de sorte que la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'obligation d'informer la juridiction de l'instruction d'un changement d'avocat n'avait pas vocation à s'appliquer (V. par ex. Cass. crim., 9 janvier 2007, n° 06-84.738, préc.). C'est précisément ce que soulignait encore le pourvoi qui invoquait, en particulier, les articles 4 et 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) ainsi que les principes gouvernant la représentation en justice par un avocat.

Pour autant, à aucun moment, la Chambre criminelle n'a évoqué ce mécanisme de la substitution en ne s'attachant qu'à l'irrégularité de la désignation de l'avocat substitué. Doit-on conférer à cette solution a une portée générale en estimant que, dorénavant, tout avocat interjetant appel doit avoir été régulièrement désigné dans la procédure d'information ?

La décision, qui présente les apparences de la clarté, laisse persister quelques incertitudes, à double titre.

II - Une décision doublement incertaine

La solution est difficilement saisissable à la fois car sa portée ne paraît pas clairement déterminable quant au mécanisme de la substitution (A). Par ailleurs, sa compatibilité avec les exigences du procès équitable, affirmée péremptoirement par la Chambre criminelle, reste entière (B).

A - Les incertitudes quant au mécanisme de la substitution

La Chambre criminelle n'a fait aucune référence à la substitution d'avocat en posant explicitement la condition que l'avocat ne peut faire une déclaration d'appel sans avoir été désigné dans le dossier d'information, conformément aux dispositions de l'article 115 du Code de procédure pénale. La portée de la décision paraît ainsi tout-à-fait générale.

Or, par hypothèse, un avocat substituant n'est pas partie à la procédure d'information. Comme son nom l'indique il est seulement chargé de substituer un confrère pour accomplir des diligences déterminées. Aussi, la Chambre criminelle a-t-elle souhaité proscrire toute possibilité de substitution entre avocats lors de l'instruction préparatoire pour interjeter appel d'une ordonnance ?

Si tel était le cas, les conséquences seraient désastreuses. Elle reviendrait à imposer au seul avocat désigné dans le dossier d'information à interjeter personnellement appel des décisions, sauf à désigner pléthore d'avocats afin de s'assurer qu'au moins l'un d'eux pourrait éventuellement exercer cette voie de recours. Dans ces conditions, comme il a été fait remarquer, "Empêcher un avocat d'en substituer un autre à l'heure du RPVA pénal [...], c'est obliger chaque avocat constitué à accomplir lui-même et sans aucune possibilité de délégation à un mandataire ou collaborateur l'ensemble des actes procéduraux de sa profession" (E. Morain, Trois légèretés et un excès. Formalisme excessif versus droits de la défense, JCP éd. G, n° 40, 29 septembre 2014, p. 982).

En outre, si telle était l'interprétation à donner à la présente décision, il faudrait également y voir un bouleversement radical des solutions précédemment admises qui révèlent une vraie souplesse à l'égard de la pratique de la substitution. Ainsi, par exemple, la Chambre criminelle a estimé que la constitution d'un avocat devant la Chambre de l'instruction n'est soumise à aucune forme particulière (Cass. crim., 26 novembre 2013, n° 12-85.314 N° Lexbase : A4677KQB) et a affirmé qu'il résulte du troisième alinéa de l'article 173 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8645HW4) que, pour être recevable, la requête en annulation présentée par une partie doit être déclarée au greffe de la chambre d'accusation par le demandeur ou son avocat, lequel n'étant pas tenu d'être muni d'un pouvoir spécial peut se faire substituer par un autre avocat pour l'accomplissement de cette formalité. En décider autrement, serait -selon la Chambre criminelle- ajouter une restriction que la loi ne comporte pas (Cass. crim., 13 octobre 1998, n° 98-82.775 N° Lexbase : A5285ACQ).

Toutefois, si la solution ainsi interprétée a pu susciter une vive et légitime indignation, il n'est pas certain que la Cour de cassation ait souhaité lui conférer une telle portée et sonner le glas de la substitution.

Sans doute a-t-elle souhaité seulement rappeler que l'article 115 du Code de procédure pénale soumet l'avocat pour l'exercice de l'ensemble de ses droits et de ses pouvoirs dans la procédure d'instruction à la régularité de sa désignation. Il ne faut pas perdre de vue que les règles relatives à la désignation de l'avocat ont pour objet d'assurer la sécurité juridique des procédures. La Cour de cassation s'était déjà inquiétée de l'annulation éventuelle d'actes d'instruction en l'absence de convocation du dernier avocat choisi (Rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 1995, p. 23).

Ainsi, même s'il convient de rester prudent, on peut penser que la solution n'aurait sans doute pas été identique si l'avocat substitué avait été régulièrement désigné. Reste que sa compatibilité avec les exigences résultant de l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme pose question.

B - Les incertitudes quant à sa compatibilité avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme

Le pourvoi soutenait que portait une atteinte excessive au droit d'accès à un tribunal l'interprétation des dispositions de droit interne qui, en l'absence de toute obligation positive de l'Etat d'en informer la partie concernée, impose à la partie qui souhaite relever appel d'une ordonnance de non-lieu par l'intermédiaire d'un nouvel avocat, dans le délai de dix jours qui lui est imparti pour exercer cette voie de recours, de faire au préalable une déclaration du choix de cet avocat au greffier du juge d'instruction avant d'effectuer une déclaration d'appel, le tout à peine d'irrecevabilité de cet appel. Ainsi, les parties civiles faisaient valoir qu'en déclarant leur appel irrecevable au prétexte que les avocats qu'elles avaient désignés dans leur plainte avec constitution de partie civile n'étaient pas celui qui avait relevé appel de l'ordonnance de non-lieu qu'elles entendaient contester, la Chambre de l'instruction avait violé l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Cette critique a été rapidement balayée par la Chambre criminelle qui a estimé que les dispositions combinées des articles 115 et 502 du Code de procédure pénale n'étaient pas contraires à l'article 6, § 1 de la CESDH. Néanmoins, cette solution, peu prolixe, ne paraît pas tout à fait convaincante au regard du droit d'accès au juge. Certes, ce droit se prête à des limitations, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d'un recours (not. CEDH, 12 novembre 2002, req. n° 38695/97 N° Lexbase : A6964AWT, § 36 ; CEDH, 12 novembre 2002, req. n° 46129/99 N° Lexbase : A7402A3K, § 47).

Les juges européens ont déjà eu à préciser que les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance. En outre, ces limitations ne se concilient avec l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (V. not. CEDH, 27 juillet 2006, req. n° 73695/01 N° Lexbase : A5775DQX, § 45 ; CEDH, 29 juillet 1998, Req. 51/1997/835/1041 N° Lexbase : A7748AWU, Recueil 1998-V, § 37). Il a ainsi été jugé que dès lors que la partie civile n'a pas indiqué son changement d'adresse au juge d'instruction, de même que l'avocat s'agissant de son changement d'adresse professionnelle, l'irrecevabilité de l'appel interjeté contre l'ordonnance de non-lieu ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal (CEDH, 20 novembre 2008, req. n° 36141/03 N° Lexbase : A3086EBW, § 50-57).

Il résulte de la jurisprudence européenne que si le droit d'exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois. Ce droit suppose donc que le justiciable dispose d'une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits. Par exemple, la Cour européenne a jugé qu'au vu des conséquences qu'avait entraînées l'irrecevabilité de la requête pour le requérant, lequel n'avait jamais pu contester les actes de procédure qu'il estimait litigieux devant les juridictions d'instruction et de jugement par le jeu des articles 173 et 385 du Code de procédure pénale, la Cour européenne a estimé que le requérant s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre d'une part le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et d'autre part, le droit d'accès au juge. Il a alors été jugé que les juridictions internes ont fait preuve d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales entourant le dépôt de ladite requête (CEDH, 26 juillet 2007, req. n° 35787/03 N° Lexbase : A5133DXE).

En l'espèce, l'irrecevabilité de l'appel, fondée sur l'irrégularité de la désignation d'un avocat qui s'était pourtant vu notifier des actes de la procédure, paraît entachée d'un formalisme excessif qui pose d'autant plus difficulté qu'elle pourrait également s'appliquer au mis en examen.

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Bancaire

[Textes] Principes et modalités du financement participatif

Réf. : Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014, relative au financement participatif (N° Lexbase : L3580I3Y) et décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014, relatif au financement participatif (N° Lexbase : L2261I4I)

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N4394BUB

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par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit des Affaires et de la Banque à l'Université d'Auvergne, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire"

Le 06 Novembre 2014

Ordonnance et décret. L'influence majeure de l'internet sur les activités économiques, forme aboutie et grand public de l'informatique, est subtile. Cette révolution préserve nombres de règles. Le financement participatif en témoigne dont les modalités viennent d'être précisées par un décret appliquant son ordonnance (1), par une modification substantielle du règlement général de l'AMF (2) et par un intéressant document d'information des régulateurs (AMF et ACPR) (3). Ce financement enrichit le Code monétaire et financier d'un nouveau phénomène dû aux nouvelles technologies de l'électronique (4). Par internet ou autrement, le financement se fait par un crédit, le prêt, par des dons, ou sinon par l'émission de titres -notamment d'actions de sociétés- (5). Sans être bouleversées, chacune de ces techniques devient une technique de financement du fait de sa combinaison à une sollicitation par un site internet, la réforme explicitant du coup la notion de financement (6). Financement. Jusqu'à présent, la notion de financement se devinait seulement, on ne pouvait guère la déduire assez directement d'une disposition de droit écrit. L'ordonnance qualifie le prêt et le don, qui n'est pas du crédit, de financement, tout en y agrégeant l'émission de titres par une société. La capacité de la notion de financement à englober de multiples figures juridiques est confirmée. La réforme éclaire la distinction entre financement et crédit, réduisant, pour l'espèce, le crédit au prêt. L'amalgame fondamental qui y est fait enseigne que tout crédit est un financement -le droit rejoint la pratique, mais il faudra vérifier la chose par un inventaire-. Egalement fondamentale, leur distinction demeure : tous les financements ne sont pas des crédits. L'ordonnance use donc justement de l'idée de financement pour l'émission de titres financiers par les sociétés alors que l'on ne peut pas dire que l'associé, actionnaire, fait un crédit à la société émettrice (et cela vaut par-delà les sociétés de capitaux). Le propre de l'action est de donner à la société des fonds propres qui ne sont remboursables qu'à une date et/ou à des événements illusoires (99 ans, terme usuel des contrats et statuts de société qui est habituellement prorogé, autre cause de dissolution...). La dette de capital n'est pas la dette que crée un crédit (7). L'ordonnance vise encore justement l'idée de financement car les dons peuvent indiscutablement réaliser un financement : c'est l'un des principaux moyens financiers des partis politiques et de nombre d'ONG, les deux cas rappelant que la subvention est un autre cas de financement distinct du crédit. Le financement participatif parachève le concept juridique de financement.

Participatif. Le financement participatif rénove ainsi le financement par de nouveaux prêts collectifs, met au grand jour le financement par dons entre particuliers et, enfin, rénove le financement par actions. La notion de financement est enrichie : le mot "participatif", standard verbeux du débat politique, prend ici une signification claire, simple mais forte. Ce financement se fait obligatoirement par une plate-forme électronique à laquelle le public a accès. C'est une nouvelle technique de crédit et de financement : l'appel public au financement par l'internet.

Transversale au Code monétaire et financier, cette technique parfait l'unité des secteurs bancaire et financier -toujours sur fond de droit civil : le don complète ici le prêt-. L'ensemble des établissements sont en état d'être concurrencés : des professionnels spécialisés vont s'employer à développer les sites internet d'intermédiation. Mais les banquiers pourront également s'y employer, avec des filiales au coût d'exploitation moindre que la banque mère. Le thème actuel de la fin du "monopole bancaire" n'empêchera pas les banques, et autres entités du secteur financier, de cumuler les activités et statuts (8) ; elles seront plus stimulées que menacées par les start-up du monde de l'internet...

Le cadre légal peut donc servir aussi aux banquiers, en général prestataire de services d'investissement, et à d'autres professionnels. Ils pourront utiliser un logo qui se veut être un "label" (sigle présenté dans le document AMF/ACPR, préc., p. 3). Si une réglementation européenne intervenait pour réaliser le marché unifié du financement participatif, elle ne ferait ni plus ni moins : les professionnels peuvent investir sans risque d'une révolution bruxelloise. Professionnalisé, le financement participatif s'éloigne un peu du microcrédit, quand on a pu parfois confondre les deux : l'intermédiation aura un coût et supposera des investissements qui pourraient mal servir le besoin des (véritables) micro-financements.

Professionnels. Le financement participatif se fait par des acteurs tenant un site internet. L'outil informatique est donc une plate-forme publique puisqu'elle a la forme d'un site internet -elle n'a donc pas vocation à fonctionner sur un autre " système " ou réseau plus ou moins public-. L'internet devient-il un facteur de transparence ? L'ordonnance crée deux nouveaux types de plates-formes et professionnels de financement participatif :

- ceux qui proposent des titres financiers aux investisseurs sur un site internet (C. mon. fin. art. L. 547-1, I, 1° N° Lexbase : L3671I3D), soit des conseillers en investissements participatifs (CIP), soit des prestataires de services d'investissement (PSI) ;

- ceux qui proposent, toujours sur un site internet, le financement de projets sous forme de prêts, rémunérés ou non, et qui exerceront sous le nouveau statut d'intermédiaires en financement participatif (IFP) (C. mon. fin., art. L. 548-1 N° Lexbase : L4669I3C).

Comme les autres intermédiaires, ce statut résulte d'une inscription à l'ORIAS (C. mon. fin., art. L. 547-2 N° Lexbase : L3672I3E et L. 548-3 N° Lexbase : L4671I3E) (9), sauf si l'entreprise choisit le statut de PSI qui résulte alors d'un agrément de l'ACPR (voire d'un agrément complémentaire pour le PSI qui préexiste). Ces acteurs et leur statut sont pénalement protégés contre l'exercice non-autorisé d'autrui (C. mon. fin., art. L. 573-15 N° Lexbase : L3733I3N et s.). Comme souvent dans le Code monétaire et financier, l'opération dépend d'un professionnel défini pour elle, ou presque, et vice-versa. La politique législative fait naître à chaque opération un nouveau professionnel ! Toutefois, au moins par des filiales, les grands opérateurs sont aptes à toutes les activités. Les CIP n'existent pas encore qu'ils sont déjà concurrencés par les PSI, souvent filiales de banques, c'est-à-dire par des centaines d'acteurs aux activités et compétences les plus diverses. Les CIP pratiqueront le financement participatif par une intermédiation s'agissant de titres financiers (I), et les IFP par une intermédiation s'agissant des prêts et/ou des dons (II).

I - Le financement participatif par émission de titres financiers

CIP. Pour le financement participatif sous forme de titres financiers, une des catégories des instruments financiers, l'ordonnance crée le statut de conseiller en investissements participatifs (CIP) (C. mon. fin., art. L. 547-2),. Ce sont des personnes morales qui doivent être établies en France (C. mon. fin., art. L. 547-3, I N° Lexbase : L3673I3G). Le CIP sera un type de conseiller parmi d'autres (C. mon. fin., art. L. 341-1, 7° N° Lexbase : L3755I3H). La reconnaissance du statut de CIP se fera au vu de règles de compétence de ses dirigeants (C. mon. fin., art. L. 547-3, II, 2°), précisées par l'AMF (RG AMF, art. 325-31), et d'honorabilité de ses dirigeants de ces plates-formes ; c'est un standard exigeant du secteur bancaire et financier (C. mon. fin., art. L. 500-1 N° Lexbase : L3771I33 et L. 547-7 N° Lexbase : L3676I3K). Les CIP ne peuvent exercer d'autres activités que celles du financement participatif, mais ils peuvent être aussi IFP (voyez infra)à la condition de ne pas fournir de services de paiement (C. mon. fin., art. L. 547-1, III). Couvert par une assurance (C. mon. fin., art. L. 547-5 N° Lexbase : L3752I3D), le CIP adhère à une association professionnelle (C. mon. fin., art. L. 547-4 N° Lexbase : L3674I3H ; RG AMF, art. 325-51).

Standard. Ces CIP et plates-formes, les deux sont indivisibles, sont soumis à des règles de bonne conduite dans la délivrance des conseils fournis à leurs clients ; ces règles oscillent de l'organisation interne du professionnel (RG AMF, art. 325-41) à la relation qu'il noue, ici, avec les souscripteurs de titres (C. mon. fin., art. L. 547-9 N° Lexbase : L3678I3M ; RG AMF, art. 325-51), comme le reflète notamment l'évitement des conflits d'intérêts (y compris avec l'émetteur). Le CIP devra donc être très vigilant à ce qu'il dit et écrit à ses potentiels clients, -à la foule ?- Il leur doit notamment loyauté, équité, compétence, soin et diligence... Ces règles de bonne conduite sont devenues un standard du Code monétaire et financier applicables aux activités financières et non bancaires (dépôts et crédits) ; elles restent largement ignorées des plaideurs qui, souvent, invoquent la responsabilité d'un intermédiaire boursier sur le fondement du seul droit commun, ce qui crée un décalage entre le droit positif et la jurisprudence (10). Le CIP doit donc savoir que sa responsabilité pourra aisément être recherchée par l'investisseur, la demande judiciaire d'un émetteur est moins probable. S'y ajoutent les dispositions sur le démarchage bancaire puisque le CIP peut démarcher (C. mon. fin., art. L. 341-1, 6°, 7° N° Lexbase : L3755I3H).

Intermédiation. Le CIP, intermédiaire, est donc en rapport avec l'émetteur de titres financiers, ce qui appelle une formalisation par une convention, ou au moins une lettre de mission, mais surtout et aussi avec les souscripteurs qu'il sollicite (il doit gérer leurs bulletins de souscriptions de titres : RG AMF, art. L. 314-106). Il ne reçoit ni titres ni fonds, sauf naturellement sa rémunération (C. mon. fin., art. L. 547-6 N° Lexbase : L3675I3I). Au public, soit aux investisseurs potentiels, il doit notamment une information en matière de présentation des risques, de réalisation de tests d'adéquation, de transparence sur les prestations fournies aux émetteurs et les frais perçus ainsi qu'à une obligation de gestion des conflits d'intérêts. Cela se coordonne voire exprime les règles de bonne conduite. Cela confirme que le droit bancaire et financier est l'un des plus précis et exigeant en matière d'information du contractant et d'exécution des obligations utiles à la conclusion des contrats.

Dans ce registre et en préalable, le professionnel sera tenu à l'obligation de vigilance administrative à la base de la lutte contre le blanchiment, la fraude fiscale et le financement du terrorisme sous le contrôle de l'AMF (C. mon. fin., art. L. 561-36, I, 2° N° Lexbase : L3758I3L ; et sur l'assujettissement : C. mon. fin., art. L. 561-2, 6° et 7° N° Lexbase : L3773I37 pour l'IFP). On sait la lourdeur de cette obligation de vigilance administrative, qui détermine le contenu des dossiers de chaque client et au double niveau pour, en premier lieu, entrer en relation et avec qui, en second lieu, on commerce ; on rappellera que cette obligation de vigilance administrative se distingue de l'obligation contractuelle de vigilance que les plaideurs invoquent généralement en vain (11).

Comme la plupart des professionnels de la finance, les CIP seront régulés par les autorités de contrôles et rattachés à des associations professionnelles (sur leur statut, agrément par l'AMF et retrait d'agrément, v. RG AMF, art. 325-51 et s.) (12).

Epargne publique. L'ensemble forme un cadre de "commercialisation" d'actions et d'obligations. Cette commercialisation finalise voire chapeaute le processus d'émission de titres par les sociétés anonymes et les sociétés par actions simplifiées qui, désormais, pourront faire appel public à l'épargne par voie de financement participatif (C. mon. fin., art. L. 621-7 N° Lexbase : L3764I3S). Le régime des offres au public de titres financiers (OPTF), l'ancien appel public à l'épargne, est modifié pour donner vie au financement participatif par des titres ; voilà une nouvelle exemption de publication d'un prospectus pour les offres de titres par financement participatif (conseillers en investissements financiers ou prestataires de services d'investissement ; C. mon. fin., art. L. 411-2, I bis N° Lexbase : L3763I3R). Sans le lourd prospectus agréé par l'AMF, facteur d'ordre public financier, l'information délivrée aux investisseurs par la plate-forme sur son site internet est allégée, mais les sociétés émettrices, non plus leurs filiales, ne peuvent notamment pas opter pour la confidentialité de leurs comptes (C. mon. fin., art. L. 411-2, I bis, 1°, al. 2 ; RG AMF, art. 217-1).

OPTF. La nouvelle offre est autorisée sous trois séries de conditions (C. mon. fin., art. L. 411-2, I bis, 1°). Les titres financiers doivent être des actions ordinaires ou des obligations à taux fixe ; la disposition de l'ordonnance, visant les titres de capital et de créance des 1 et 2 de l'article L. 211-1, II (N° Lexbase : L5536ICZ), a été rabotée par cette précision du décret (C. mon. fin., art. D. 547-1 N° Lexbase : L2297I4T). Après l'ingénierie financière la simplicité financière ? Evidemment, ces titres ne doivent pas être déjà cotés, "admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation" ce qui est déjà un moyen public de "commercialiser" les titres (13). Ensuite et évidemment, ils doivent être proposés au public par l'intermédiaire du site internet d'un PSI ou d'un nouveau CIP qui informe les souscripteurs potentiels selon les termes du règlement général de l'AMF (art. 217-1) ; plus largement ce site est régi par le règlement général de l'AMF. Enfin, le montant (total) est inférieur à un montant fixé par décret ; il est de 1 million d'euros sur une période de douze mois (C. mon. fin., art. D. 411-2 N° Lexbase : L2324I4T ; RG AMF, art. 212-2, II).

SA et SAS. Cette réforme de la sollicitation de la foule concerne finalement le droit des sociétés. Si elle a peu de signification pour les pures sociétés anonymes, elle en a revanche pour les sociétés par actions simplifiées dont l'un des principes change. Les SAS peuvent désormais procéder à des offres de titres financiers de financement participatif.

Leurs statuts devront alors respecter diverses conditions, ce qui en pratique supposera des modifications statutaires. Il existe donc désormais des SAS faisant appel public à l'épargne (C. com., art. L. 227-2-1 N° Lexbase : L3754I3G). On comprend donc les conditions statutaires imposées à celles qui y recourront ; ces conditions portent sur des droits de vote, la répartition des compétences, de quorum et de majorité des assemblées générales ordinaires et extraordinaires et les règles d'organisation de ces assemblées (ordonnance, art. 13 et 14 ; C. com., art. préc.). La modification du droit des sociétés laisse sa logique aux règles d'émission des actions, sauf à noter qu'il faudra sans doute voter des augmentations de capital dédiées au financement participatif, c'est-à-dire au public ou que la gestion des bulletins de souscriptions d'actions est influencée (RG AMF, art. 325-50)

Comme lors d'un classique appel public à l'épargne, désormais appelé offre publique de titres financiers, destiné à donner le flottant utile pour une admission sur un marché et une cotation, les actions seront effectivement diffusées dans le public. Verra-t-on demain un "patron" en sa SAS être déstabilisé par une foule qui, agissant de concert, formerait contre lui une majorité ? Comme dans tout financement de titres de capital conférant le droit de vote, les dirigeants veilleront dans cette OPTF à préserver leur situation.

L'offre peut également porter sur des obligations à taux fixe. Le découpage offert par l'ordonnance est imparfait, l'émission d'obligations, de titres obligataires, est soumise à l'intermédiation des IFP. Pourtant, le titre de créance est généralement vu comme un prêt, certes collectif. Le prêt relève pourtant de l'intermédiation des IFP.

II - Le financement participatif par des prêts et dons

Prêts (et dons). Le succès médiatique du financement participatif tient beaucoup aux formules des prêts (14) et dons collectifs. Elles symbolisent le "crowdfunding" qui sera désormais symbolisé par l'intermédiaire en financement participatif (IFP). Pour permettre aux plates-formes qu'ils tiendront de proposer des prêts rémunérés, une dérogation, à ce que l'ordonnance appelle le "monopole bancaire", permet aux particuliers de consentir un prêt rémunéré à taux fixe à d'autres personnes, physiques ou morales (C. mon. fin., art. L. 511-6, 7° N° Lexbase : L4829I3A). L'opération peut être pour réaliser un projet professionnel ou assumer un besoin de formation (15). Elle se fera donc grâce à un intermédiaire en financement participatif (IFP) qui doit être une personne morale (C. mon. fin., art. L. 548-2, I N° Lexbase : L4670I3D). Cet IFP est géré par des personnes physiques qui n'ont pas été condamnées pénalement ou professionnellement -ni disciplinairement (C. mon. fin., art. R. 548-2 N° Lexbase : L2300I4X) ; ces conditions d'honorabilité sont complétées de conditions de capacité professionnelle requises pour l'exercice de l'activité (C. mon. fin., art. R. 548-2). L'activité d'IFP peut aussi reposer uniquement sur la mise en relation pour des dons. Le statut d'IFP n'est alors plus une obligation mais si, ce dans ce même cas, le statut est adopté, il doit alors être appliqué en son entier.

Statut d'EP. L'intermédiation pour des dons ou des prêts impose de recevoir des fonds et, pour faciliter (?) le développement de cette activité, il est créé un régime prudentiel allégé des établissements de paiement (C. mon. fin., art. L. 522-11-1 N° Lexbase : L3711I3T, sans droit de rendre le service de transmission de fonds). Ces derniers établissements ont été créés pour rendre des services de paiement à travers un compte de paiement qui, s'il reste à certains égards mystérieux, se voit ici utilisé pour recevoir des fonds ! Le nouveau compte joue le rôle d'un pur compte de dépôt et les instruments de paiement sont hors de propos : la confusion est inquiétante... En tout cas, ce statut d'EP autorise l'activité de réception de fonds -en sauvant mal les apparences puisque la réception de fonds du public, certes avec le crédit, mais il est lui autorisé par ailleurs, sont les critères de définition de la notion rénovée d'établissement de crédit- (16). Il est généralement bon qu'un intermédiaire ne tienne pas de caisse en détenant des fonds : cela limite les risques encourus par les clients mis en rapport. Les auteurs de l'ordonnance ont jugé que ce risque est endigué si l'IFP est établissement de paiement (EP allégé), ou agent d'EP, puisqu'il sera soumis à des règles et contrôles prudentiels.

Caractéristiques des prêts. Les caractéristiques des prêts sont fixées par un décret (C. mon. fin., art. L. 511-6, 7° N° Lexbase : L4829I3A et L. 548-1 N° Lexbase : L4669I3C ; décret n° 2014-1053, préc.). Le montant total maximum qui peut être souscrit par chaque porteur de projet est fixé à 1 million d'euros, seuil qui est également le maximum de l'encours autorisé si le projet devait s'opérer en plusieurs tranches. Le prêt aura une durée de sept ans au plus. Le taux conventionnel applicable à ces crédits est de nature fixe et ne dépasse pas le taux d'usure (C. consom. art. L. 313-3 N° Lexbase : L7844IZK ; C. mon. fin., art. L. 511-6, 7°). Le plafond par prêteur est de 1 000 euros pour le prêt avec intérêt, et de 4 000 euros pour le prêt sans intérêt (C. mon. fin., art. D. 548-1 N° Lexbase : L2299I4W). Ces seuils participent des règles de bonne conduite applicables aux IFP (C. mon. fin., art. R. 548-4 N° Lexbase : L2301I4Y à R. 548-10) ainsi que les mentions qui doivent figurer sur les contrats type mis à disposition des prêteurs et des emprunteurs.

Guide. La réglementation est un petit guide contractuel sur le prêt. L'information pré-contractuelle est détaillée, les termes du règlement devant être considérés avec attention (17). Bien que la mise en garde sur l'endettement excessif soit une obligation de rang légal (C. civ., art. 1147 N° Lexbase : L1248ABT) attachée à une situation précise, le décret en fait une mention/information. A notre sens, cela ne dispensera pas de faire effectivement, avant la conclusion du prêt, une mise en garde (ce qui suppose une correspondance ou un entretien avec sa preuve d'exécution) ; ou bien alors s'agit-il d'un avertissement général qui prétend dispenser de la mise en garde ? En outre et surtout, l'intermédiaire en financement participatif met à disposition sur son site internet un contrat de prêt type.

Type. Le contrat type, qui sera à adapter pour les dons pour lesquels l'information n'a pas la même portée, doit comporter les multiples mentions suivantes (C. mon fin., art. R. 548-6 N° Lexbase : L2307I49) :
"1° Identité et coordonnées des parties prenantes :
a) Etat civil ou dénomination sociale du prêteur et du porteur de projet et, le cas échéant, numéro SIREN ;
b) Adresses du domicile ou du siège social du prêteur et du porteur de projet ;
2° Caractéristiques et coût de l'opération :
a) Montant total du crédit ou du prêt sans intérêt ;
b) Modalités d'amortissement du crédit ou du prêt sans intérêt ;
c) Le cas échéant, montant total des intérêts ;
d) Durée de remboursement du crédit ou du prêt sans intérêt ;
e) Taux débiteur fixe applicable au contrat de crédit ou de prêt sans intérêt ;
f) Montant des frais dus à l'intermédiaire en financement participatif ;
g) Coût total du crédit ou du prêt sans
intérêt ;
h) Tableau d'amortissement ;
i) Conditions de mise à disposition des fonds au porteur de projet ;
3° Autres informations :
a) Adresse du siège social et numéro de téléphone de l'IFP, numéro d'immatriculation au registre mentionné à l'article L. 512-1 du code des assurances, ainsi que, le cas échéant, statut de prestataire de services de paiement ou d'agent de prestataire de services de paiement ;
b) Existence ou non d'un droit de rétractation et, le cas échéant, son point de départ, sa durée et ses modalités d'exercice ;
c) Existence ou non d'une possibilité de remboursement anticipé et, le cas échéant, ses modalités d'exercice ;
d) Adresse et numéro de téléphone du service de réclamations ;
e) Modalités de saisine du médiateur concerné ;
f) Modalités de gestion en cas de défaillance du porteur de projet
".

Il faudra peut-être faire figurer ces mentions sur le site internet : en une liste et dans le contrat type, les deux étant à la disposition du public. En somme, l'information brute et l'information mise en un acte, le modèle. On finit par un point par lequel on a presque commencé en évoquant l'internet. Nulle disposition ne dispense des obligations de la Directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (N° Lexbase : L8018AUI) qui semble donc imposer une certaine configuration du site pour répondre à ses exigences ; il s'agit notamment d'exigences contractuelles (art., 9 à 11), dont la formalité dite du double clic, exigences notamment transposées par la loi du 21 juin 2004 sur la confiance en l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC ; C. civ., art. 1369-1 N° Lexbase : L6352G97 et s.). Mais des dispositions propres existent (C. mon. fin., art. R. 548-5 N° Lexbase : L2306I48 et s.). Une savante coordination se profile en perspective pour créer le site internet parfait...


(1) Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014, relative au financement participatif, JORF du 31 mai 2014, prise sur le fondement de l'article 1er de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 (N° Lexbase : L7681IY7) ; décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014, JORF du 17 septembre 2014 ; communiqué AMF-ACP, 14 mai 2013, JCP éd. E, 2012, act. 379 (sur le cadre juridique applicable avant l'ordonnance).
(2) Notamment RG AMF, art. 217-1, 314-106 et 325-31 et s. : arrêté du 22 septembre 2014 ([LXB=], JORF du 26 septembre 2014).
(3) Une plaquette a été diffusée par l'AMF et l'ACPR, "S'informer sur le nouveau cadre applicable au financement participatif (crowdfunding)", le 30 septembre 2014.
(4) Dont, par exemple, une redéfinition du marché par le système (électronique et informatique), le marché restant la rencontre de l'offre et de la demande.
(5) G. Leclair, L. Aygun et C. Legout, "Crowdfunding" : peut-on raisonnablement être associé avec ... la foule ?, JCP éd. E, 2013, 1709 ; J. Lasserre Capdeville, Les incidences sur le monopole bancaire et le monopole des prestataires de services de paiement de l'ordonnance sur le financement participatif, Gaz. Pal., 17 septembre 2014 ; S. Rozenfeld, Financement participatif : un cadre juridique conquérant, Expertises des systèmes d'information, n° 393, p. 343 ; C. Jacomin, Le financement participatif : une nouvelle modalité de financement des entreprises, Option Finance, 7 juillet 2014, n° 1277, p. 24.
(6) Mal connu du droit français ; pour une approche : nos obs, Droit bancaire et financier, éd. Direct Droit, 2014, n° 1216 et s. Voyez toutefois une recherche : Le contrat de financement, CREDA, 2066, dir. L. Aynès.
(7) Formule abrupte qui nous fait soutenir, singulièrement après trente ans de multiplication des titres financiers, qu'une théorie juridique du financement des personnes morales serait utile pour expliciter la personnalité financière des personnes morales, qui conditionne la survie de la personnalité juridique...
(8) C. mon. fin., art. L. 548-2, III (N° Lexbase : L4670I3D) : "Les intermédiaires en financement participatif ne sont pas autorisés à exercer d'autres activités que celles mentionnées à l'article L. 548-1 (N° Lexbase : L4669I3C) ou, le cas échéant, celles qu'ils sont autorisés à exercer en leur qualité d'établissement de crédit, de société de financement, d'établissement de paiement, d'établissement de monnaie électronique, d'entreprise d'investissement, d'agent de prestataire de services de paiement ou de conseiller en investissements participatifs".
(9) Le décret prévoit les conditions d'immatriculation des conseillers en investissements participatifs et des intermédiaires en financement participatif sur le registre unique géré par l'organisme pour le registre des intermédiaires en assurance (ORIAS).
(10) Voyez, en dernier lieu, une décision rendue sur des fondements de droit commun et en méconnaissances des multiples dispositions qui protègent l'investisseur : Cass. com. 4 février 2014, n° 13-10.630, F-P+B (N° Lexbase : A9151MDB). Les commentaires de ce lourd contentieux omettent généralement les divers textes applicables, légaux et réglementaires.
(11) Nos obs., L'évanescente obligation de vigilance de l'établissement financier, Lexbase Hebdo n° 395 du 12 juin 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N2591BUI).
(12) L'ordonnance exige le contrôle des plates-formes par l'association professionnelle agréée à laquelle elles adhèrent (art. 9), ainsi que par l'AMF (art. 8), et assujettit en conséquence les CIP au paiement d'une contribution (art. 7), outre la compétence de la commission des sanctions de l'AMF (art. 10 ; C. mon. fin., art. L. 621-17 N° Lexbase : L3762I3Q).
(13) Sur ce marché réglementé et le SMN, et le "SMN organisé", nos obs., Droit bancaire et financier, éd. Direct Droit, 2014, n° 1512, 1519, 1521 et s. Sur le marché réglementé, A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier, Dalloz, 2012, n° 34 et s. ; G. Coscas, Memento des marchés monétaires et financiers, éd. SEFI, 2003, p. 130.
(14) P. Storrer, Le droit nouveau du crowdfunding par prêts ou par dons, Revue Banque, 2014, n° 774, p. 74.
(15) Un projet consiste en un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d'une opération prédéfinie en termes d'objet, de montant et de calendrier (C. mon. fin., art. L. 548-1 N° Lexbase : L4669I3C). Cette définition extrêmement vague aura-t-elle la moindre utilité ?
(16) Règlement n° 575/2013 du 26 juin 2013, sur les établissements de crédit et entreprises d'investissement, art. 4, I, 1°) (N° Lexbase : L2751IYK).
(17) C. mon. fin., art. R. 548-7 (N° Lexbase : L2308I4A) : "Avant la conclusion du contrat de prêt, l'intermédiaire en financement participatif :
1° Indique à chaque cocontractant :
a) Le montant des sommes rendues disponibles en vertu du contrat entre le prêteur et le porteur de projet ;
b) La durée du crédit ou du prêt sans intérêt ;
c) Le taux d'intérêt conventionnel applicable au prêteur ;
d) Le montant de l'échéance perçue par le prêteur (capital et intérêts) ;
e) La périodicité des remboursements et les modalités d'amortissement du prêt ;
f) Si un droit de rétractation existe pour le prêteur, ses modalités d'exercice, notamment son point de départ, sa durée et ses conditions de mise en Suvre et, si un tel droit n'existe pas, le caractère irrévocable du crédit ou du prêt sans intérêt ;
2° Informe le porteur de projet et le prêteur des modalités de calcul et du montant, en euros et en pourcentage du capital emprunté, de sa rémunération et des autres frais exigés ;
3° Informe le porteur de projet et le prêteur des conditions de déblocage des fonds et de leur mise à disposition ;
4° Attire l'attention du prêteur sur le mode de fonctionnement spécifique du financement participatif sous forme de crédit ou de prêt sans intérêt et, notamment, sur les risques de non-remboursement par le porteur de projet et, le cas échéant, sur l'absence de garantie couvrant ces risques ainsi que sur l'indisponibilité des sommes prêtées ;
5° Attire l'attention du porteur de projet sur les risques d'un endettement excessif et sur les conséquences d'un défaut de paiement ;
6° Présente de manière claire et facilement accessible les responsabilités et les rôles respectifs du prêteur, du porteur de projet, de l'intermédiaire en financement participatif et des éventuels autres partenaires en cas de défaillance du porteur de projet
".

newsid:444394

Concurrence

[Brèves] Sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles et appartenance à un groupe de sociétés

Réf. : Cass. com., 21 octobre 2014, n° 13-16.602, FS-P+B (N° Lexbase : A0592MZX)

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N4437BUU

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Le 07 Novembre 2014

Les sanctions pécuniaires prononcées sur le fondement de l'article L. 464-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4967IUI) sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; cette exigence exclut, à l'égard d'une entreprise ayant agi de manière autonome, le relèvement automatique de la sanction en raison de sa seule appartenance à un groupe. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 2014 (Cass. com., 21 octobre 2014, n° 13-16.602, FS-P+B N° Lexbase : A0592MZX). Dans cette affaire, à l'issue d'une enquête ayant donné lieu à des visites et saisies de documents intervenues en octobre 2005, portant sur des pratiques observées dans certaines régions lors d'appels d'offres passés entre 2003 et 2005 concernant des marchés publics ou privés relatifs à des travaux d'électrification, l'Autorité de la concurrence, par décision du 5 octobre 2011 (Aut. conc. décision n° 11-D-13, 5 octobre 2011 N° Lexbase : X0284AKQ) a dit établi que certaines sociétés avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN) et leur a infligé des sanctions pécuniaires ; que ces sociétés ont formé un recours contre cette décision. La cour d'appel de Paris a notamment jugé que, pour infliger à chaque société concernée, dont elle a retenu l'autonomie de comportement, une sanction d'un certain montant, c'est à bon droit que l'Autorité a relevé que l'appartenance de chacune des ces sociétés à un groupe disposant d'une puissance économique importante devait être prise en compte dans la détermination de la sanction. Mais, énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure la décision des juges du fond au visa de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

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Contrats administratifs

[Jurisprudence] La validité, en principe et sous conditions, des clauses de résiliation au bénéfice des parties privées aux contrats administratifs

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 8 octobre 2014, n° 370644, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0011MY3)

Lecture: 11 min

N4363BU7

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par Pascal Caille, Maître de conférences en droit public, Université de Lorraine

Le 06 Novembre 2014

Comme en atteste la décision rendue par le Conseil d'Etat le 8 octobre 2014, accueillant la validité, en principe et sous conditions, des clauses de résiliation au bénéfice des parties privées aux contrats administratifs, l'atténuation de l'exorbitance des contrats administratifs se poursuit. Sa publication au recueil Lebon n'est certes pas le signe d'un revirement de jurisprudence tonitruant, elle n'en constitue pas moins le signe d'une évolution jurisprudentielle soucieuse de rééquilibrer les relations qui unissent les personnes publiques et leurs cocontractants privés, réduisant les spécificités des contrats administratifs à ce que l'intérêt général commande. Dans la présente affaire, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) avait conclu avec la société X un contrat par lequel la société s'engageait à acquérir cinq photocopieurs pour ensuite les donner en location, pour une durée de soixante-trois mois, au Mucem. Moins de deux mois plus tard, le Mucem a cessé d'honorer ses obligations en ne réglant plus ses loyers. Se fondant sur les stipulations du contrat, la société X a fini par en prononcer la résiliation, demander le versement de l'indemnité de résiliation prévue et la restitution des matériels. Infirmant la solution retenue en première instance, aux termes de laquelle l'Etat était condamné au paiement de la somme de 101 042,39 euros au titre de l'indemnité de résiliation, la cour administrative d'appel de Nancy (1) fera preuve de la plus parfaite orthodoxie, insensible aux offensives doctrinales en faveur de la reconnaissance de l'exception d'inexécution au profit du cocontractant privé de l'administration (2), autant qu'au mouvement de fond que l'on pouvait observer au sein de certains tribunaux administratifs (3).

Saisi d'un pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat a ainsi eu l'occasion d'aménager une jurisprudence dont personne ne doutait de la rigueur et dont chacun pouvait pressentir les évolutions. Evolutions toutes modestes, mais qui constituent une atténuation du déséquilibre existant entre les parties au contrat administratif, à tout le moins lorsque l'une d'entre elles est une personne privée. Ainsi la Haute juridiction administrative a-t-elle admis le principe de la clause de résiliation dans les contrats administratifs (I), bien que le champ d'application de cette faculté soit considérablement limité (II).

I - L'admission, dans son principe, des clauses de résiliation au profit des parties privées

Le droit administratif est rétif à toutes formes de justice privée (4) et ceci explique que les parties privées aux contrats administratifs sont, en principe, tenues d'assumer leurs obligations jusqu'à ce qu'elles en soient déliées par décision du juge administratif. Si la présente décision confirme cette permanence du rejet de l'exception d'inexécution (A), elle y apporte néanmoins une inflexion en consacrant la faculté de convenir d'une clause de résiliation au profit de la personne privée (B).

A - La permanence du rejet de l'exception d'inexécution

Il est classiquement admis, en droit civil, qu'une partie au contrat peut différer l'accomplissement de ses obligations lorsque son cocontractant n'honore pas les siennes, toutes les fois, cependant, où les manquements constatés affectent gravement une obligation principale (5). Il en va différemment en droit public où il existe, non moins classiquement, une asymétrie au détriment de la partie privée. Ainsi, si l'administration peut se soustraire à ses obligations en cas de manquement de son cocontractant à ses obligations (6), la partie privée ne dispose pas, en principe, de la même faculté (7).

C'est, au demeurant, en ce sens que le Conseil d'Etat entame son raisonnement au cas présent, rappelant que "le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat". Sans doute ce principe séculaire admettait-il déjà des exceptions, d'une part, lorsqu'un texte devait organiser une telle faculté (8), d'autre part, dans l'hypothèse toute particulière où l'exécution du contrat devait conduire à bouleverser la situation du cocontractant ou de compromettre la bonne exécution de l'ouvrage (9). Le Conseil d'Etat avait ainsi pu décider que l'entrepreneur était en droit de suspendre l'exécution des travaux en cas d'insuffisance du projet établi par l'administration (10).

Ces hypothèses restent cependant marginales et n'atténuent que très peu la rigueur du principe, principe se voulant garant d'une logique propre au droit administratif, à un double titre au moins. En premier lieu, l'intérêt général postule que les personnes privées contractuellement liées à l'action administrative accomplissent leurs obligations sans se réfugier derrière une carence, même fautive, de la personne publique. En second lieu, l'idée est très présente ici suivant laquelle, bien que différents en la forme, le procédé unilatéral et le procédé contractuel sont tous deux arrimés au privilège du préalable, avec cette conséquence commune que l'interlocuteur de l'administration ne saurait se soustraire à la volonté administrative sans y avoir été fondé par la juridiction administrative.

Doit-on rappeler, au surplus, que le cocontractant n'est pas brutalement livré à l'arbitraire. Les manquements de l'administration à ses obligations peuvent être constitutifs d'une faute de nature à entraîner une réparation, mécanisme de compensation bien connu en toutes les branches du droit administratif. Constitue, à cet égard, une faute qui engage la responsabilité contractuelle de l'administration le refus d'exécution de ses obligations qui entraîne un retard (11), ou encore la suspension de l'exécution du contrat justifiant la résiliation (12). Et le Conseil d'Etat s'emploie à préserver, sur ce point, un juste équilibre entre les intérêts en présence. Ainsi, a pu être annulé un jugement qui conditionnait l'indemnisation du cocontractant à un "mauvais vouloir manifeste" de l'administration (13).

Pour autant, les justifications données au rejet de l'exception d'inexécution et les correctifs jurisprudentiels évoqués ne parviennent pas nécessairement à convaincre, à plus forte raison à une époque de profonde mutation du droit des contrats administratifs : l'exorbitance tend heureusement à se réduire et à se limiter à ce qui est strictement nécessaire à la satisfaction de l'intérêt général. En témoigne le droit à la réparation du préjudice causé à un occupant à durée déterminée, du fait de son éviction du domaine public pour un motif d'intérêt général (14), ou encore la faculté à présent reconnue, dans son principe, au juge administratif d'ordonner la reprise des relations contractuelles (15).

Compte tenu de ce qui précède, on ne se surprendra donc pas de constater ici une évolution, dans la faculté reconnue par le juge administratif de convenir d'une clause de résiliation au bénéfice de la partie privée au contrat administratif.

B - La faculté de convenir d'une clause de résiliation

Même si le procédé est encore plus brutal, il est sans doute préférable pour l'intérêt général de mettre un terme aux relations contractuelles en cas de manquements de la personne publique, que de laisser perdurer un contrat inexécuté. C'est sans doute l'une des raisons qui expliquent que l'évolution de la jurisprudence se soit déployée ici. Pour le Conseil d'Etat, si le silence du contrat emporte en principe obligation, pour la personne privée, de poursuivre son exécution, "il est toutefois loisible aux parties de prévoir [...] les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles".

Cette motivation renvoie à l'idée de la clause résolutoire connue du droit privé (16), laquelle autorise la résolution de plein droit du contrat en cas de manquements à la foi contractuelle, à la triple condition, cependant, que la clause soit dépourvue d'équivoque (17), que la résolution sanctionne un "manquement à une stipulation expresse" du contrat (18), et qu'elle soit mise en oeuvre de bonne foi par le créancier (19). Sans doute ici le Conseil d'Etat ne va pas jusqu'à admettre la résolution -la mise en oeuvre de la clause ayant alors des effets rétroactifs- mais se borne à évoquer la résiliation du contrat. Cela n'en reste pas moins un progrès pour le cocontractant qui se voit dispensé de recourir au juge pour mettre un terme à sa relation contractuelle lorsque celle-ci devient impossible. Il y avait jusqu'alors, ici encore, une asymétrie. En effet, il est de jurisprudence constante que l'administration dispose toujours d'un pouvoir de résiliation unilatérale (20). Les cocontractants ne bénéficiaient pas d'une telle faculté. La présente décision marque ici un progrès.

Au vrai, cette évolution était prévisible. En effet, sur fond de consécration du principe de loyauté des relations contractuelles (21), le Conseil d'Etat avait déjà admis que le contrat puisse prévoir les modalités d'indemnisation en cas de résiliation pour un motif d'intérêt général (21), marque d'un rapprochement des techniques du droit privé et du droit public. Il y a là un signal adressé aux opérateurs économiques, pour qui la sécurité juridique est une préoccupation toute compréhensible, sécurité juridique que le privilège du préalable contrarie à l'excès. Si le pouvoir de résiliation unilatérale au profit de l'administration est une "règle générale applicable aux contrats administratifs" (23) et qu'il peut, à ce titre, être exercé dans le silence même du contrat (24), le pouvoir de résiliation au profit de la partie privée peut enfin être mis en oeuvre, pour peu, cependant, qu'il soit prévu par le contrat et que la clause soit licite. Car le Conseil d'Etat est loin ici d'accorder un blanc-seing aux parties. La validité d'une telle clause de résiliation suppose qu'elle s'inscrive dans les limites précisées par la décision ici commentée.

II - Les limites, par principe, des clauses de résiliation au profit des parties privées

La consécration d'une clause de résiliation au profit des parties privées aux contrats administratifs ne constitue pas un bouleversement de l'état du droit. Le juge administratif, en effet, ne sacrifie pas ici les intérêts fondamentaux qu'il est chargé de garantir. Deux limites sont, en effet, organisées, visant à préserver l'intérêt général, la limite de fond résidant dans la protection des services publics (A), la limite de forme consistant dans une contrainte procédurale : l'information préalable de la personne publique (B).

A - La limite de fond : la protection des services publics

La première limite est absolue, qui empêche de stipuler une clause de résiliation au profit de la partie privée : il ne saurait exister de telles clauses lorsque le contrat a pour objet l'exécution même du service public. On ne saurait se surprendre de cette garantie accordée à la continuité du service public dont il faut bien se souvenir qu'elle a une valeur constitutionnelle (25). De la même manière que la protection du domaine public -et donc son affectation- justifie que l'occupation soit précaire et révocable et que soit frappée de nullité toute clause dérogeant à ce principe (26), toute clause de résiliation au profit d'une personne privée sera nulle lorsque le contrat vise à l'exécution même du service public puisque le contrat n'est administratif qu'en raison de cette finalité. Autrement dit, ce n'est donc pas tant la nature administrative du contrat qui permet la protection du service public qui en est l'objet, c'est la protection du service public qui justifie l'exorbitance du droit commun.

C'est au demeurant cette volonté de garantir la continuité des services publics qui a conduit le Conseil d'Etat à consacrer la théorie de l'imprévision qui, en tant que cause juridique autonome, permet au cocontractant d'obtenir une indemnité en cas de bouleversement de l'économie du contrat (27), sous cette réserve essentielle pour lui de ne pas avoir interrompu l'exécution du contrat (28). C'est toujours cette volonté de protéger les activités de service public qui explique les jurisprudences dérogeant au régime général présidant aux contrats administratifs. En effet, c'est bien la volonté de protéger le délégataire d'un service public et, par delà et surtout, le service public lui-même que la résiliation pour cause d'intérêt général d'une concession de service public s'accompagnait de l'indemnisation de l'occupant du domaine (29), bien avant que le principe ne soit appliqué à d'autres types d'occupations (30). C'est encore pour protéger le service public que le Conseil d'Etat a admis qu'il soit ordonné la reprise des relations contractuelles en cas de résiliation fautive (31), cette possibilité ayant été étendue par la suite à l'ensemble des relations contractuelles.

La réserve posée ici par le Conseil d'Etat est donc logique. Mais par delà la nécessaire protection du service public, le juge s'emploie à garantir l'intérêt général en imposant, comme contrainte procédurale, l'information préalable de l'administration avant toute résiliation.

B - La contrainte procédurale : l'information préalable de la personne publique

Le Conseil d'Etat indique que "le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public", à peine de s'exposer à la résiliation du contrat à ses torts exclusifs et donc au risque de se voir privé de l'indemnité de résiliation. La préservation de l'intérêt général fonde alors, le cas échéant, la personne publique à décider du maintien des relations contractuelles en dépit de sa propre carence. La précaution prise par le Conseil d'Etat est compréhensible, qui permet de ne pas sacrifier l'intérêt général sur l'autel de la loi des parties. Elle n'est toutefois pas sans susciter l'interrogation.

On soulignera en effet que, irréductible à celui de l'administration, l'intérêt général postule encore que celle-ci honore ses obligations. La tentation peut être grande pour l'administration de trouver toutes les raisons tirées de l'intérêt général possibles pour s'opposer à la résiliation du contrat qu'elle aurait pu, elle-même, prononcer si elle devait souscrire à la nécessité d'y mettre fin. L'argumentation sera pour elle d'autant plus aisée que le contrat administratif est toujours conclu dans l'intérêt général (32), dont on doit bien rappeler qu'il est le moteur de l'action administrative.

La réserve posée par le juge administratif ne doit cependant pas être perçue comme la promotion de l'arbitraire, à deux égards. D'une part, le risque, pour la personne publique, sera assurément d'engager sa responsabilité contractuelle en cas d'opposition indue à la résiliation. D'autre part, son opposition à la résiliation pourra être surmontée, le Conseil d'Etat jugeant qu'"il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d'intérêt général qui lui est opposé afin d'obtenir la résiliation du contrat". C'est donc ici le retour à l'ancien droit dont il s'agit, puisque le juge administratif redevient de la sorte compétent pour statuer sur la fin des relations contractuelles à la demande de la partie privée. Une autre solution eût été concevable qui aurait consisté à permettre à l'administration de s'adresser au juge, en référé "mesures-utiles" par exemple, afin que celui-ci ordonne la suspension de la décision de résiliation, cette dernière ne pouvant être vue comme une décision administrative. Sans doute la portée de cette solution alternative serait elle-même limitée. Compte tenu de sa jurisprudence en matière de contrats administratifs, l'on peut en effet redouter l'inclination du juge administratif à accueillir favorablement les motifs avancés par l'administration. Dès lors, la résiliation à l'initiative de la partie privée risque bien d'être une rareté dans le paysage.

En dépit de cette interrogation, l'encadrement de la clause de résiliation par le juge administratif est somme toute logique. En effet, il tend à rassurer les personnes publiques qui, dans le cas contraire, ne souscriraient pas de telles clauses et laisseraient ainsi sans portée l'ouverture ici consentie par le Conseil d'Etat. Reste que, ainsi circonscrite, cette faculté reconnue au bénéfice de la partie privée trouvera peu de terrains d'épanouissement. Au final, l'économie générale de cette décision laisse peu de place à l'enthousiasme, sauf à se satisfaire, et c'est déjà précieux, de la réduction de l'exorbitance du droit des contrats administratifs dont on peut parfois réprouver l'anachronisme.


(1) CAA Nancy, 4ème ch., 27 mai 2013, n° 12NC01396 (N° Lexbase : A0900MRR).
(2) Par ex., P. Terneyre, Plaidoyer pour l'exception d'inexécution dans les contrats administratifs in Mélanges en l'honneur de D. Labetoulle, Paris, Dalloz, pp. 803 et s..
(3) Par ex., TA Nice, 20 octobre 2006, n° 0201697.
(4) CE, 30 mai 1913, n° 49241, Préfet de l'Eure, publié au recueil Lebon, p. 583.
(5) C. Malecki, L'exception d'inexécution, Paris, LGDJ, 1999.
(6) CE, 27 mars 1957, Carsalade, publié au recueil Lebon, p. 216.
(7) CE 1° et 4° s-s-r., 7 janvier 1976, n° 92888, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4754B79), p. 11.
(8) Par ex., CCAG Tavaux, art. 48-3.
(9) F. Llorens, Contrat d'entreprise et marchés de travaux publics, p. 433.
(10) CE, 8 novembre 1940, Commune de Maussane, publié au recueil Lebon, p. 205.
(11) CE, 30 mai 1924, Vigier, publié au recueil Lebon, p. 535.
(12) CE, 17 avril 1874, Ville de Paris c/ Préaut Frères, publié au recueil Lebon, p. 345.
(13) CE 2° et 6° s-s-r., 3 décembre 1993, n° 81834, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2598B7D).
(14) CE 2° et 7° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 316534, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1347EK4), p. 739.
(15) CE, Sect., 21 mars 2011, n° 304806, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5712HIE), p. 117.
(16) C. Paulin, La clause résolutoire, thèse Toulouse I, 1996.
(17) Cass. civ. 1, 25 novembre 1986, n° 84-15.705 (N° Lexbase : A3856AGW), Bull. civ. I, n° 279.
(18) Cass. civ. 3, 8 janvier 1985, n° 83-15.132 (N° Lexbase : A7639AGZ), Bull. civ. III, n° 498.
(19) Cass. civ. 3, 25 janvier 1983, n° 81-12.647 (N° Lexbase : A3701AG8), Bull. civ. II, n° 21.
(20) CE, 17 mars 1864, Paul Dupont, D. 1864, 3, 87 ; CE, 9 décembre 1927, Gargiulo, publié au recueil Lebon, p. 1198.
(21) CE, Ass., 28 déc. 2009,n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), p. 509.
(22) CE 2° et 7° s-s-r., 4 mai 2011, n° 334280, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0953HQD), p. 205.
(23) CE, Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, publié au recueil Lebon, p. 246.
(24) CE 3° et 5° s-s-r., 22 avril 1988, n°s 86241, 86242, 88553, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7655AP9), p. 157.
(25) Cons. const., décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 (N° Lexbase : A7991ACX), Rec. Cons. const., p. 33.
(26) CE, 6 mai 1985, n°s 41589 et 41699, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3186AMX), p. 141.
(27) CE, 30 mars 1916, n° 59928, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0631B9A), p. 125, concl. Chardenet.
(28) CE, Sect., 5 novembre 1982, n° 19413, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9613AKA), p. 381.
(29) CE, 29 mars 1968, n° 68946, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9657B88), p. 217.
(30) CE 2° et 7° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 316534, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..
(31) CE, Sect., 13 juillet 1968, n° 73161, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9507B7A), p. 1004.
(32) A. Ménéménis, Le juge administratif du contrat : fragments pour un portrait, RJEP, février 2012, étude n° 1.

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu concernant une assurance-vie : obligation de réclamer l'option avant la mise en recouvrement de l'impôt

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 24 octobre 2014, n° 366962, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0648MZZ)

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N4375BUL

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Le 11 Novembre 2014

Selon l'article 125-0 A du CGI (N° Lexbase : L1591IZX), une faculté d'option est ouverte aux contribuables personnes physiques qui, pour l'imposition des revenus qu'elles visent, peuvent choisir de les intégrer dans leur revenu global annuel soumis à l'impôt sur le revenu selon le barème progressif, ou de les assujettir à un prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est opéré à la source par le débiteur ou par la personne qui assure le paiement des revenus, de sorte qu'il ne peut résulter que d'un choix exprimé par le bénéficiaire des produits au plus tard au moment de ce paiement. Celui-ci ne peut exercer cette option ultérieurement, après l'encaissement des produits, pas plus qu'il ne saurait revenir sur son exercice éventuel, le caractère irrévocable de ces choix se justifiant par la nature de prélèvement à la source du prélèvement forfaitaire libératoire, laquelle implique que le contribuable se soit déterminé à la date d'encaissement des revenus, ainsi que par l'absence, dans le texte de la loi, de l'organisation d'une éventuelle restitution d'impôt dans le cas où le choix d'exercer l'option ou d'y renoncer serait postérieur au paiement des revenus des capitaux mobiliers. Telle est la solution exprimée par le Conseil d'Etat le 24 octobre 2014 (CE 3° et 8° s-s-r., 24 octobre 2014, n° 366962, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0648MZZ). En l'espèce, un contribuable, après la mise en recouvrement de l'impôt sur le revenu établi sur la base de sa déclaration pour 2006, a sollicité la réduction de sa cotisation à concurrence de la différence existant entre son montant, résultant de l'application du barème progressif, et celui qui aurait résulté de l'application du prélèvement libératoire au taux de 7,5 % prévu à l'article 125-0 A du CGI s'il avait exercé l'option correspondante pour les revenus de capitaux mobiliers provenant d'une assurance-vie. Néanmoins, le Haut Conseil a donc décidé que le requérant ne pouvait utilement soutenir que le pouvoir réglementaire, à qui le législateur a renvoyé le soin de fixer les modalités d'exercice du choix pour le prélèvement libératoire sur les revenus de placement, n'avait pu légalement donner à cette option un caractère irrévocable. En effet, dès lors, d'une part, que ce caractère résulte du texte législatif lui-même, et d'autre part, que ce dernier n'institue pas au profit des contribuables un droit ou un avantage fiscal qui, sans qu'un texte réglementaire puisse y faire obstacle alors que le législateur ne l'aurait pas prévu, pourrait faire l'objet d'une demande ou d'une régularisation, par voie de réclamation, après l'expiration du délai fixé pour en solliciter le bénéfice, mais offre seulement une possibilité de choix entre des modalités d'imposition différentes pour certains revenus de placement .

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu concernant une assurance-vie : obligation de réclamer l'option avant la mise en recouvrement de l'impôt

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 24 octobre 2014, n° 366962, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0648MZZ)

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Le 11 Novembre 2014

Selon l'article 125-0 A du CGI (N° Lexbase : L1591IZX), une faculté d'option est ouverte aux contribuables personnes physiques qui, pour l'imposition des revenus qu'elles visent, peuvent choisir de les intégrer dans leur revenu global annuel soumis à l'impôt sur le revenu selon le barème progressif, ou de les assujettir à un prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est opéré à la source par le débiteur ou par la personne qui assure le paiement des revenus, de sorte qu'il ne peut résulter que d'un choix exprimé par le bénéficiaire des produits au plus tard au moment de ce paiement. Celui-ci ne peut exercer cette option ultérieurement, après l'encaissement des produits, pas plus qu'il ne saurait revenir sur son exercice éventuel, le caractère irrévocable de ces choix se justifiant par la nature de prélèvement à la source du prélèvement forfaitaire libératoire, laquelle implique que le contribuable se soit déterminé à la date d'encaissement des revenus, ainsi que par l'absence, dans le texte de la loi, de l'organisation d'une éventuelle restitution d'impôt dans le cas où le choix d'exercer l'option ou d'y renoncer serait postérieur au paiement des revenus des capitaux mobiliers. Telle est la solution exprimée par le Conseil d'Etat le 24 octobre 2014 (CE 3° et 8° s-s-r., 24 octobre 2014, n° 366962, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0648MZZ). En l'espèce, un contribuable, après la mise en recouvrement de l'impôt sur le revenu établi sur la base de sa déclaration pour 2006, a sollicité la réduction de sa cotisation à concurrence de la différence existant entre son montant, résultant de l'application du barème progressif, et celui qui aurait résulté de l'application du prélèvement libératoire au taux de 7,5 % prévu à l'article 125-0 A du CGI s'il avait exercé l'option correspondante pour les revenus de capitaux mobiliers provenant d'une assurance-vie. Néanmoins, le Haut Conseil a donc décidé que le requérant ne pouvait utilement soutenir que le pouvoir réglementaire, à qui le législateur a renvoyé le soin de fixer les modalités d'exercice du choix pour le prélèvement libératoire sur les revenus de placement, n'avait pu légalement donner à cette option un caractère irrévocable. En effet, dès lors, d'une part, que ce caractère résulte du texte législatif lui-même, et d'autre part, que ce dernier n'institue pas au profit des contribuables un droit ou un avantage fiscal qui, sans qu'un texte réglementaire puisse y faire obstacle alors que le législateur ne l'aurait pas prévu, pourrait faire l'objet d'une demande ou d'une régularisation, par voie de réclamation, après l'expiration du délai fixé pour en solliciter le bénéfice, mais offre seulement une possibilité de choix entre des modalités d'imposition différentes pour certains revenus de placement .

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Fiscalité internationale

[Brèves] QPC réclamant l'annulation pour excès de pouvoir de dispositions concernant des entités implantées dans un Etat ou territoire non coopératif

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2014, n° 383259, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7126MYL)

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N4377BUN

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Le 07 Novembre 2014

Aux termes d'un arrêt rendu le 20 octobre 2014, le Conseil d'Etat a renvoyé, devant le Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité ayant pour but d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes n° 420 à 510 et n° 650 à 680 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques-Impôts sous la référence BOI-INT-DG-20-50 (N° Lexbase : X5852ALC) (CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2014, n° 383259, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7126MYL). Dans cette affaire, l'association française des entreprises privées (AFEP) et six grandes sociétés anonymes françaises cotées en bourse ont demandé directement au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes cités ci-dessus. Les commentaires administratifs visés, ainsi attaqués, réitèrent les dispositions du c) du 2 de l'article 39 duodecies (N° Lexbase : L5787I3Q), du j) du 6 de l'article 145 (N° Lexbase : L9522ITT), du a sexies-0-ter du I de l'article 219 (N° Lexbase : L1390IZI), et de l'article 238-0 A du CGI (N° Lexbase : L3333IGK), elles-mêmes issues du I et du V au VII de l'article 22 de la loi du 30 décembre 2009, de finances rectificative pour 2009 (loi n° 2009-1674 N° Lexbase : L1817IGE). Ces règles de droit sont relatives au cas d'exclusion du régime des sociétés mères de la quote-part de revenus provenant de l'activité d'un établissement stable situé dans un Etat ou territoire non coopératif, et au durcissement du régime d'imposition des plus-values de cession de titres de sociétés implantées dans un Etat ou territoire non coopératif. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le moyen soulevé par les requérantes et tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, soulève bien une question présentant un caractère sérieux. Le Conseil d'Etat a donc décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC invoquée par l'AFEP et les autres sociétés .

newsid:444377

Hygiène et sécurité

[Brèves] Absence de caractérisation d'un harcèlement managérial à la suite d'une gestion autoritaire et inappropriée d'une situation par un supérieur hiérarchique

Réf. : Cass. soc., 22 octobre 2014, n° 13-18.862, FS-P+B (N° Lexbase : A0528MZL)

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N4398BUG

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Le 11 Novembre 2014

Les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'obligation faite à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n'implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d'un salarié à l'origine d'une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral. Les griefs de harcèlement moral, comportement discriminatoire, ou tenant au fait d'avoir été à l'origine de sanctions disciplinaires disproportionnées faits à la salariée dans la lettre de licenciement n'étant pas établis, la gestion autoritaire et inappropriée d'une situation par un supérieur hiérarchique ne rend pas impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 octobre 2014 (Cass. soc., 22 octobre 2014, n° 13-18.862, FS-P+B N° Lexbase : A0528MZL). Dans cette affaire Mme A., engagée le 19 novembre 2001 en qualité d'animatrice développement des ventes par la société L., a été licenciée, pour faute grave, le 20 avril 2010, après avoir été mise à pied à titre conservatoire. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander le paiement de diverses sommes. La cour d'appel (CA Nancy, 5 avril 2013, n° 12/00634 N° Lexbase : A6057KBX) avait estimé que l'existence d'une faute grave n'était pas démontrée et que dès lors, les sommes à titre d'indemnités de rupture du contrat de travail demandées par la salariée étaient injustifiées. La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que les méthodes de gestion mises en oeuvre par la salariée ne pouvaient caractériser un harcèlement moral en l'espèce (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0262E7T).

newsid:444398

Impôts locaux

[Questions à...] Plafonnement de la contribution économique territoriale - Questions à Maître Eric Meier, Associé, et Maître Edouard de Rancher, Avocat, Cabinet Baker & McKenzie SCP

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-413 QPC, du 19 septembre 2014 (N° Lexbase : A6204MWP)

Lecture: 8 min

N4391BU8

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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 06 Novembre 2014

La différence de traitement entre les entreprises redevables de la cotisation foncière des entreprises ne peut être justifiée par une différence de situation entre elles en rapport avec l'objectif poursuivi. Telle est le décision rendue par le Conseil constitutionnel le 19 septembre 2014, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit au titre du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 1647 B sexies du CGI (N° Lexbase : L9358IZM), qui évoque le plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée (Cons. const., décision n° 2014-413 QPC, du 19 septembre 2014). Pour les Sages de la rue Montpensier, en adoptant les dispositions litigieuses, le législateur a entendu éviter l'optimisation fiscale du mécanisme du plafonnement afin que le montant du dégrèvement en résultant ne dépende plus de la date de l'opération de restructuration. Néanmoins, plus l'opération de restructuration intervenait à une date proche du début de l'exercice fiscal, plus le montant de la contribution économique territoriale dû était important par rapport à celui qui aurait été versé en l'absence de restructuration. De ce fait, le dernier alinéa du paragraphe II de l'article 1647 B sexies du CGI a été déclaré contraire à la Constitution. Pour en savoir plus sur cet arrêt rendu par le Conseil constitutionnel, Lexbase Hebdo-édition fiscale a interrogé Maître Eric Meier, Associé, et Maître Edouard de Rancher, Avocat, Cabinet Baker & McKenzie SCP, qui ont été, en l'occurrence, conseillers de la société requérante.

Lexbase : Pouvez-vous nous développer vos arguments qui ont permis au Conseil constitutionnel de statuer en votre faveur ?

Eric Meier et Edouard de Rancher : La question que nous avons posée au Conseil constitutionnel portait sur la conformité à la Constitution d'une disposition légale, l'article 1647 B sexies II dernier alinéa du CGI. Celui-ci avait pour effet de pénaliser les contribuables éligibles au système de plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée qui réalisaient une opération de réorganisation en cours d'année.

Nous considérions en effet que cette disposition contrevenait aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi (DDHC, art. 6 N° Lexbase : L1370A9M) et d'égalité devant les charges publiques (DDHC, art. 13 N° Lexbase : L1360A9A).

Afin de prouver la non-conformité à la Constitution de cet article, il était tout d'abord primordial de déterminer quels étaient les buts que s'était fixé le législateur en adoptant cette disposition. La conformité d'une disposition étant notamment appréciée, en ce qui concerne ces deux principes, au regard de son objet d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

A cet égard, le législateur entendait lutter contre les opérations d'optimisation qui permettaient de réduire artificiellement la charge annuelle de CET d'un contribuable. En effet, en application des règles de droit commun de plafonnement de la CET applicables avant l'intervention de la disposition incriminée, plus l'opération intervenait tôt dans l'année, plus la valeur ajoutée produite était faible et donc plus le montant maximal de CET supportée par le contribuable (égal à 3 % de la valeur ajoutée) était faible.

Il ressortait très clairement des travaux parlementaires que la loi avait pour objectif de "neutraliser" un tel avantage tiré de restructurations. Le législateur n'avait, en revanche, pas entendu pénaliser les contribuables qui réalisaient de telles opérations.

Sur la base de ce constat, notre argumentation visant à démontrer la non-conformité de cette disposition au regard de la Constitution était construite en trois points.

Il s'agissait tout d'abord de démontrer que le mécanisme prévu par la loi n'était pas fondé sur un critère objectif et rationnel au regard du but recherché par le législateur (1), puis, que la disposition en cause ne tenait pas compte des capacités contributives du contribuable (2). La non-conformité à l'article 13 de la DDHC était donc caractérisée. Il s'agissait enfin de démontrer l'existence d'une différence de traitement entre contribuables placés dans une situation identique et que cette différence n'était pas justifiée par l'objet de la loi (3). La non-conformité de la disposition au regard de l'article 6 de la DDHC était ainsi également caractérisée.

1/ L'absence de critère objectif et rationnel au regard du but recherché par le législateur

L'article 1647 B sexies II dernier alinéa du CGI disposait qu'en cas de réalisation d'une opération de réorganisation au cours d'un exercice (cession, cessation d'entreprise, transmission universelle de patrimoine) l'assiette du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée ne devait inclure qu'une fraction de la CFE de l'année supportée par le cédant : il s'agissait de la CFE correspondant à la période écoulée entre le premier jour de l'exercice et la date de l'opération ; la fraction restante de la CFE acquittée au titre de l'année en cause n'était pas comprise dans le calcul du plafonnement et devenait une charge définitive pour le contribuable qui avait transféré l'activité concernée.

Plus l'opération était réalisée tôt au cours de l'exercice par le redevable, plus la CFE restant à sa charge, après application du dispositif de plafonnement, était importante. Tandis que si l'opération était réalisée le dernier jour de l'exercice du cédant, l'intégralité de sa CFE pouvait entrer dans le calcul du plafonnement de la CET.

Selon nous, il y avait donc une présomption irréfragable de volonté d'optimisation du mécanisme de plafonnement lorsque l'opération n'était pas réalisée le dernier jour de l'exercice. Le contribuable réalisant une opération plus tôt dans l'année étant dans ce cas sanctionné puisqu'il conservait à sa charge une fraction de CFE non plafonnée et définitive, correspondant à la période postérieure à la date de l'opération.

Or, il est irrationnel de considérer que toutes les opérations de restructurations réalisées au cours d'un exercice sont destinées à optimiser fiscalement le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée. Il est d'autant plus irrationnel que la charge définitive de l'impôt s'alourdisse à mesure que l'opération est réalisée plus tôt durant l'année.

Rappelons que l'objectif du législateur était de "neutraliser" les effets des opérations de réorganisation et non d'alourdir l'imposition des contribuables qui les réalisaient. Le critère choisi ne permettait donc pas d'atteindre l'objectif fixé par le législateur

2/ La non prise en compte des capacités contributives du contribuable

Les dispositions en cause ont eu pour effet d'annihiler la progressivité de la CET à hauteur de la CFE correspondant à la période restant à courir après la date de réalisation des opérations qu'elles visent.

L'article 1647 B sexies, paragraphe II dernier alinéa, avait donc pour effet, dans certains cas, d'entraîner une imposition sans commune mesure avec les facultés contributives de la société concernée ; le contribuable avait au cas d'espèce calculé que sa CET était égale à 161 % de la valeur ajoutée produite entre la date d'ouverture de l'exercice et la date de réalisation de l'opération en cause, tandis que le plafond résultant des règles de droit commun est de 3 %.

Les sociétés ayant la disposition d'un patrimoine immobilier important (secteur du tourisme, de l'hôtellerie ou de l'industrie automobile par exemple) et faisant l'objet d'opérations de réorganisation ou de cessions d'actifs étaient particulièrement concernées. Ces sociétés sont en effet redevables de CFE substantielles du fait de la nature des actifs dont elles ont la disposition et la valeur ajoutée qu'elles produisent peut être conjoncturellement ou structurellement faible.

L'article 1647 sexies B, paragraphe II dernier alinéa, du CGI était donc non conforme au principe d'égalité devant les charges publiques.

3/ Une différence de traitement sans rapport direct avec l'objet de la loi l'ayant instaurée

Nous avons enfin argué du fait que ce dispositif créait une différence de traitement entre contribuables placés dans une situation identique : ainsi, deux contribuables qui auraient réalisé la même opération mais à deux dates différentes au cours d'un même exercice auraient été traités différemment, et de manière potentiellement très significative alors qu'ils auraient été dans une situation identique (le contribuable réalisant son opération à la date la plus proche de la fin de l'exercice étant avantagé car minimisant la fraction de CFE exclue du plafonnement de la CET).

Deux contribuables placés dans des situations différentes (l'un réalisant une opération de réorganisation au cours de l'année, l'autre pas) étaient également traités différemment.

Ceci était dans tous les cas sans rapport direct avec l'objectif de la loi qui consistait uniquement à neutraliser les effets des opérations de réorganisation au regard de la CET et non à alourdir l'imposition en fonction de la date de l'opération de réorganisation, ou même du simple fait de sa réalisation (par rapport aux situations de droit commun).

L'article 1647 sexies B paragraphe II dernier alinéa du CGI aboutissait par conséquent à créer une différence de traitement sans rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur, de sorte que ses dispositions devaient être regardées comme contraires au principe d'égalité devant la loi garanti par la Constitution (DDHC, art. 6).

Lexbase : Cette décision crée une opportunité de remboursement de CET trop versée. La partie que vous avez défendue pourra-t-elle en bénéficier et qu'en est-il des sociétés qui ont déjà versées la CET dans le cadre défini à l'article 1647 B sexies, II, dernier alinéa, du CGI ?

Eric Meier et Edouard de Rancher : En vertu de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH), le Conseil constitutionnel détient un pouvoir de modulation des effets de ses décisions, pouvoir qu'il a utilisé de manière très intéressante au cas présent puisque sa décision est susceptible de bénéficier aux procédures en cours (position traditionnelle), mais également aux procédures à venir, dont l'issue dépend des dispositions annulées.

La société que nous représentions pourra naturellement bénéficier de la décision du Conseil constitutionnel, comme tous les autres contribuables ayant des instances en cours au 19 septembre 2014 dont l'issue dépendait de l'application des dispositions en cause.

Les contribuables qui n'auraient pas encore engagés d'instance au 19 septembre 2014 (date de la décision du Conseil) pourraient le faire à l'avenir et bénéficier des effets de l'abrogation du texte. Il conviendra pour ceux-ci de vérifier que leur délai de réclamation est encore ouvert, en application notamment des dispositions de l'article R. 196-2 du LPF (N° Lexbase : L4379IXH).

En ce qui concerne le montant du dégrèvement que pourront obtenir les contribuables, cela dépendra largement des dispositions du nouveau texte qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2015, ou, de l'absence d'entrée en vigueur d'un nouveau texte à cette date (les dispositions de droit commun pouvant alors trouver à s'appliquer à nouveau).

Il est donc sans doute encore un peu tôt pour que nous puissions tirer toutes les conclusions des effets de la décision du Conseil constitutionnel pour l'ensemble des situations dans lesquelles se trouvent contribuables, mais il est, en tout état de cause, intéressant de souligner le rôle croissant joué par le Conseil constitutionnel en faveur de la protection des contribuables.

Lexbase : En adoptant les dispositions contestées, le législateur avait pour objectif d'éviter l'optimisation fiscale du mécanisme du plafonnement afin que le montant du dégrèvement en résultant ne dépende plus de la date de l'opération de restructuration. Après cette décision, pensez-vous que le législateur va devoir revenir sur son objectif principal ou existe-t-il d'autres solutions selon vous ?

Eric Meier et Edouard de Rancher : Il nous semble que le législateur souhaitera conserver son objectif consistant à neutraliser les effets des opérations de réorganisation au regard de la CET (comme il l'a fait avec succès en matière d'impôt sur les sociétés par exemple avec le régime de faveur des fusions).

Les moyens pour y parvenir ou s'en approcher au maximum ne seront pas nécessairement aisés à trouver dans le laps de temps imparti par le Conseil constitutionnel (1er janvier 2015).

Plusieurs hypothèses sont envisageables telle que la répartition prorata temporis de la charge annuelle de CFE sur chacune des parties à l'opération de réorganisation (en fonction de la durée pendant laquelle chacune à la disposition des actifs immobiliers concernés au cours de l'exercice).

L'annualisation de la valeur ajoutée de la société cédante (absorbée/apporteuse) est également potentiellement une piste à creuser mais qui n'est pas sans poser de difficultés compte tenu de la saisonnalité de certaines activités.

Mais la piste la plus rationnelle serait d'en revenir purement et simplement au régime antérieur. En effet, l'administration n'est pas dépourvue de moyens lui permettant de rectifier les conséquences fiscales d'une opération qui lui paraîtrait abusive. Il ne nous semble dès lors pas nécessaire d'instituer un dispositif complémentaire spécifique pour les opérations visées par la disposition déclarée inconstitutionnelle.

Lexbase : Pourrait-on voir cette décision s'étendre sur d'autres mesures de ce type ou est-ce un cas particulier qu'il fallait résoudre en raison des enjeux financiers ?

Eric Meier et Edouard de Rancher : Le caractère totalement disproportionné des impositions qu'étaient susceptibles de subir les contribuables en l'espèce a pu conforter la décision de non conformité ainsi que l'extension de ses effets aux procédures à venir (et non seulement aux instances en cours).

Il n'est toutefois pas toujours aisé en pratique de pouvoir caractériser l'inégalité de traitement subie par un contribuable ou d'apprécier le poids d'un prélèvement au regard des facultés contributives du contribuable. Or, ce sont ces démonstrations qui seules peuvent convaincre le Conseil constitutionnel.

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Procédure civile

[Panorama] Actualité pratique de la procédure d'appel

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N4457BUM

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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France

Le 06 Novembre 2014

Les difficultés d'application de la réforme de la procédure d'appel sont en passe de devenir le nouveau coeur de métier de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (1). La rigueur des délais et des sanctions qui leur sont assorties, à laquelle s'ajoute le passage à la communication électronique, génèrent un contentieux de plus en plus volumineux et conduisent la Cour de cassation à élaborer un véritable régime jurisprudentiel de l'appel. Ce régime se construit par petites touches. La chronique que nous proposons aujourd'hui se présente donc plus comme une actualité pratique, destinée à mettre l'accent sur l'apport des arrêts les plus significatifs des six derniers mois. 1 - Appel et procès équitable
  • Les délais et sanctions de la nouvelle procédure d'appel ne privent pas les parties de leur droit d'accès au juge (Cass. civ. 2, 26 juin 2014, 2 arrêts, n° 13-22.011 N° Lexbase : A1575MS7 et n° 13-22.013 N° Lexbase : A1504MSI, F-P+B ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5674EYS).

Rien ne sert d'invoquer l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), il faut arriver à temps ! Tel pourrait être la leçon à tirer de deux arrêts qui évacuent d'un trait rapide toute velléité des plaideurs d'utiliser les droits fondamentaux pour assouplir la rigueur de la procédure d'appel.

Les deux arrêts portaient sur la même espèce. L'appelant avait formé successivement deux déclarations d'appel dans la même affaire, la seconde ayant pour objectif de corriger les erreurs matérielles de la première. L'appel fut pourtant déclaré caduc, en raison du défaut de dépôt des conclusions dans le délai de trois mois. L'auteur du pourvoi proposait une interprétation in concreto des dispositions relatives aux délais, pour contester l'automaticité des sanctions du Code de procédure civile. Il estimait que le juge devait apprécier les circonstances de chaque espèce pour sanctionner ou non le retard procédural d'une partie. Selon cette interprétation, le juge devait exercer un pouvoir modérateur sur la mise en oeuvre de la caducité de l'appel, sauf à porter atteinte au droit des justiciables d'exercer un recours effectif. L'interprétation était audacieuse, mais intéressante. En toile de fond, elle suggérait que les sanctions automatiques du décret "Magendie" (décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L0292IGW), pouvaient porter atteinte à l'exigence de proportionnalité imposée par la CEDH.

Cette interprétation est pourtant rejetée avec autant de clarté que de concision par la Cour de cassation. Cette dernière affirme que "les délais prescrits aux parties [...] ne les privaient pas de leur droit d'accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif". Elle ajoute que la cour d'appel n'a pas méconnu les exigences de l'article 6, § 1 en jugeant que le non-respect des prescriptions réglementaires justifiait les sanctions de l'article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP).

Le message est clair. Les parties disposent de délais pour exercer l'appel et ces délais, même courts et rigoureusement sanctionnés, ne portent pas atteinte au droit à un recours effectif. Les principes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et leur application souple ne peuvent être sollicités pour remettre en cause la logique implacable de la nouvelle procédure d'appel. Il reste à savoir si cette solution résistera à une saisine de la CEDH.

2 - Computation des délais

  • Le point de départ du délai pour conclure est fixé à la date mentionnée dans la déclaration d'appel et non au jour de son enregistrement par le greffe (Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-21.023, F-P+B N° Lexbase : A2936MQS ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5675EYT).

Tout se joue à un jour près ! Un plaideur vient d'en faire l'expérience. Il avait relevé appel d'un jugement par une déclaration déposée au greffe le 18 avril 2012 et avait conclu le 19 juillet 2012, soit le lendemain du délai de trois mois imposé par l'article 908 du Code de procédure civile. Pour échapper à la caducité, il a invoqué devant la Cour de cassation l'argument selon lequel le point de départ du délai de trois mois doit être fixé, non pas au jour du dépôt de la déclaration d'appel, mais au jour de son enregistrement par le greffe. Effectivement, dans cette affaire, le greffier avait enregistré l'appel le lendemain, soit le 19 avril. S'il avait tenu compte de cette dernière date, le conseiller de la mise en état aurait dû constater que l'appelant avait conclu dans le temps.

La Cour de cassation rejette pourtant cette argumentation. Elle affirme que "c'est par une exacte application des dispositions de l'article 908 du Code de procédure civile que la cour d'appel a décidé que la caducité de la déclaration d'appel était encourue faute pour l'appelant d'avoir déposé ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de l'acte d'appel".

C'est donc la date de l'acte d'appel qui sert de référence pour fixer le point de départ du délai pour conclure.

  • La notification des conclusions de l'appelant fait courir le délai de deux mois dont dispose l'intimé pour conclure, même si ce dernier n'avait pas constitué avocat au jour de la notification (Cass., avis, 6 octobre 2014, n° 15012 N° Lexbase : A8472MX3 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5675EYT).

Cette espèce concerne, cette fois, le point de départ du délai dont dispose l'intimé pour conclure. L'article 909 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0163IPQ) prévoit que l'intimé dispose "d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure". Le point de départ du délai est donc clairement fixé à la date de notification des conclusions. Toutefois, la question peut paraître plus complexe à l'égard de l'intimé qui n'a pas constitué avocat. Les conclusions de l'appelant peuvent alors être signifiées dans le mois suivant le délai de trois mois dont dispose l'appelant.

Ainsi, le Code institue un régime dérogatoire à l'égard de l'intimé qui n'a pas constitué avocat. Cette ambiguïté a conduit un conseiller de la mise en état à solliciter l'avis de la Cour de cassation sur le point de départ du délai dont dispose un intimé n'ayant pas constitué avocat au jour de la notification, pour conclure à son tour.

La réponse de la Cour de cassation ne surprend pas : c'est la notification des conclusions de l'appelant qui constitue le point de départ du délai laissé à l'intimé pour conclure. Lorsque l'intimé n'a pas encore constitué avocat, cette notification est faite par voie de signification (C. pr. civ., art. 911 N° Lexbase : L0351IT8).

3 - Communication électronique

  • La preuve d'un dysfonctionnement du RPVA repose sur la partie qui allègue ne pas avoir reçu l'avis du greffe par voie électronique (Cass. civ. 2, 26 juin 2014, n° 13-20.868, F-P+B N° Lexbase : A1628MS4 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5674EYS).

La communication électronique en appel soulève des difficultés spécifiques illustrées par cet arrêt important, puisqu'il détermine la charge de la preuve de la défaillance du RPVA.

Dans cette affaire, une partie avait fait appel d'un jugement et le greffier avait envoyé un avis à l'avocat de l'appelant par l'intermédiaire du RVPA, pour lui indiquer que l'intimé n'avait pas constitué avocat et qu'il devait, en conséquence, signifier la déclaration d'appel (C. pr. civ., art. 902 N° Lexbase : L0377IT7). L'appelant invoquait une défaillance du système RVPA, qui l'avait empêché de recevoir l'avis du greffe et de signifier sa déclaration d'appel dans les délais imposés par le Code. Il prétendait avoir pris connaissance de ce dysfonctionnement, en recevant l'avis de caducité de son appel.

La cour d'appel rejeta la requête en déféré contre la décision de caducité en faisant peser sur l'appelant la charge de la preuve du dysfonctionnement du RPVA. Il était alors reproché aux juges du second degré d'avoir mis à la charge de l'appelant la preuve d'un fait négatif. L'argument n'a pas convaincu la Cour de cassation. Cette dernière affirme clairement que le greffe avait envoyé l'avis litigieux et que "que l'appelant, qui ne démontrait pas qu'un dysfonctionnement du réseau l'aurait empêchée de recevoir cet avis, n'avait pas justifié avoir procédé à la signification requise dans le mois suivant l'envoi de celui-ci par le greffe".

Il y a là une application stricte de la charge de la preuve selon l'article 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D). Cette solution est rigoureuse et elle montre les difficultés supplémentaires de traçabilité et de preuve que pose le recours à la communication électronique.

4 - Procédures dérogatoires

  • Attention à ne pas confondre la procédure à jour fixe et la procédure à bref délai ! (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-24.634, F-P+B N° Lexbase : A6634MYD ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5677EYW).

Le décret "Magendie" a institué deux procédures ordinaires d'appel aux articles 901 (N° Lexbase : L0352IT9) à 916 du Code de procédure civile. La procédure avec mise en état et la procédure dite "à bref délai" (C. pr. civ., art. 905 N° Lexbase : L0374IGX). Parallèlement, il existe une autre procédure rapide visée aux articles 917 (N° Lexbase : L0969H4N) à 925 du Code de procédure civile : la procédure à jour fixe. Cette procédure a été prévue, par principe, lorsque les droits des parties sont en péril. Toutefois, certaines dispositions spéciales prévoient le recours à la procédure à jour fixe hors de tout péril. Tel est le cas de l'appel contre le jugement d'orientation en matière de saisie immobilière (C. pr. civ. exécution, art. R. 322-19 N° Lexbase : L2438ITH). Selon cette procédure, l'une des parties peut former une requête pour demander au premier président de la cour d'appel de fixer le jour auquel l'affaire sera appelée en priorité.

Dans l'espèce soumise à la Cour de cassation, un plaideur a opéré une confusion entre procédure à jour fixe et procédure à bref délai. Plus précisément, il a formé appel contre un jugement d'orientation en suivant la procédure à bref délai de l'article 905 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0374IGX). Cet appel ayant été déclaré irrecevable, le justiciable s'est pourvu en cassation en alléguant que les deux procédures partageaient le même objectif de célérité et que l'appelant pouvait opérer un choix.

Sans surprise, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que l'appel contre le jugement d'orientation ne peut être formé, instruit et jugé que selon la procédure à jour fixe. La solution s'impose à la seule lecture de l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution. Toutefois, l'arrêt mérite d'être signalé, car il illustre le phénomène de diversification des voies procédurales d'appel et le risque pour les plaideurs de se perdre dans cette forêt de plus en plus dense.

5 - Caducité

  • Le CME peut relever d'office la caducité de la déclaration d'appel (Cass. civ. 2, 26 juin 2014, n° 13-20.868, F-P+B N° Lexbase : A1628MS4 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5674EYS).

Le relevé d'office des sanctions du décret "Magendie" pose une difficulté, car certains textes prévoient expressément ce pouvoir alors que d'autres l'ignorent. Par exemple, la caducité de l'appel peut être relevée d'office lorsque l'appelant ne respecte pas le délai de trois mois pour conclure (C. pr. civ., art. 908 N° Lexbase : L0162IPP). En revanche, rien n'est prévu s'agissant de la caducité de l'appel lorsque l'appelant ne signifie pas sa déclaration à l'intimé qui n'a pas constitué avocat (C. pr. civ., art. 902 N° Lexbase : L0377IT7). Doit-on interpréter a contrario le silence de l'article 902 et considérer que, dans cette hypothèse, la caducité ne peut être relevée d'office ? La question est d'autant plus délicate qu'il n'existe pas de dispositions générales dans le Code de procédure civile, relatives au relevé d'office de la caducité, comme cela peut être le cas pour les nullités de fond (C. pr. civ., art. 120 N° Lexbase : L1410H4Y) ou les fins de non-recevoir (C. pr. civ., art. 125 N° Lexbase : L1421H4E).

La Cour de cassation apporte donc opportunément une réponse en affirmant que "le conseiller de la mise en état a le pouvoir de relever d'office la caducité de la déclaration d'appel en cas de non-respect des prescriptions de l'article 902 du Code de procédure civile".

La solution de l'arrêt est cantonnée à l'article 902, mais on doit lui accorder une portée plus générale. Dans le silence d'un texte, le conseiller de la mise en état a le pouvoir de relever d'office la caducité de la déclaration d'appel. Par ailleurs, la Cour de cassation avait déjà précisé qu'il s'agissait là d'une simple faculté pour le juge, et non d'un devoir (2).

  • La caducité de l'appel pour irrégularité de la notification est soumise à l'annulation préalable de cette notification (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-17.999, F-P+B N° Lexbase : A6627MY4 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5674EYS).

Depuis la réforme de la procédure d'appel, la jurisprudence s'est concentrée sur le non-respect des délais. L'arrêt du 16 octobre 2014 vient rappeler que la caducité est également encourue lorsque les actes accomplis dans les délais s'avèrent irréguliers. Plus encore, cet arrêt est riche en enseignement sur la combinaison de deux sanctions procédurales : la nullité et la caducité.

Dans cette espèce, l'appelant avait adressé ses conclusions à l'avocat de l'intimé dans le délai du Code, mais par simple télécopie. L'intimé soulevait alors l'irrégularité de la notification et son argumentation était retenue par la cour d'appel. Cette dernière estimait que la transmission des conclusions par télécopie ne valait pas notification entre avocats et qu'en l'absence de notification, la déclaration d'appel devait être déclarée caduque.

Bien que le raisonnement paraisse convaincant, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en affirmant que "la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti par l'article 911 du Code de procédure civile ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité".

Cette décision mérite l'attention, car elle conduit à agencer la mise en oeuvre successive de la nullité, puis de la caducité. La caducité est la conséquence de la carence de l'appelant. Elle survient lorsque l'acte n'a pas été réalisé ou lorsqu'il a été réalisé tardivement. Mais si l'acte est irrégulier, l'appelant n'est pas défaillant. L'irrégularité doit alors être sanctionnée par une nullité de procédure. Comme le rappelle la Cour de cassation, cette nullité n'est encourue que si la partie qui l'invoque prouve le grief qui est résulté de l'irrégularité. Or, en l'espèce, si les conclusions de l'appelant n'avaient pas été notifiées dans les formes prévues par le Code, il s'avérait que l'avocat de l'intimé les avait reçues. Il se trouvait donc dans l'incapacité d'établir l'existence d'un grief et la notification, bien qu'irrégulière, ne pouvait pas être annulée.

La Cour de cassation rappelle donc que l'irrégularité d'un acte ne peut conduire automatiquement à la caducité. L'acte irrégulier doit d'abord être attaqué par la voie de la nullité. Sous réserve que les conditions de cette nullité soient réunies, le juge peut alors anéantir l'acte rétroactivement et la caducité n'est qu'une conséquence de cette disparition.

6 - Déféré devant la cour d'appel

  • Conditions de validité de la requête en déféré (Cass. civ. 2, 26 juin 2014, n ° 13-11.635 N° Lexbase : A1579MSB ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5676EYU).

Le déféré est un recours atypique, dont la procédure n'est pas définie avec précision par le Code de procédure civile. Avec la réforme de l'appel, les requêtes en déféré se sont multipliées et ont donné une véritable impulsion à cette voie de recours. Les difficultés pratiques se sont donc rapidement posées devant la Cour de cassation. Par exemple, dans un arrêt rendu le 14 novembre 2013 (3), la Haute juridiction a pu juger que la requête en déféré échappait aux conditions de validité des conclusions. Une telle requête était valable, alors même qu'elle était formée par voie de conclusions et qu'elle ne comportait pas l'indication du domicile de l'appelant. La Cour de cassation a ainsi fait preuve d'une grande souplesse dans l'appréciation du formalisme du déféré. Toutefois, les conditions de validité d'une requête en référé conservent une partie de leur mystère et la Cour de cassation vient d'apporter un éclairage, qui n'est pas dénué de toute ambiguïté.

Dans cette espèce, l'appelant dont la déclaration d'appel avait été frappée de caducité, avait adressé une lettre au président de la première chambre de la cour d'appel, dans laquelle il formait un déféré en indiquant l'objet et les moyens de la demande. La cour d'appel a considéré que cette lettre ne constituait pas une requête pour deux raisons principales. D'une part, une simple lettre ne pouvait être considérée comme une "requête" au sens de l'article 916 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0170IPY). D'autre part, la lettre adressée à un président de chambre n'avait pas saisi la Cour d'appel, seule juridiction compétente pour statuer sur le déféré. Selon le pourvoi, la requête en déféré n'était soumise à aucun formalisme et ne pouvait, dès lors, être déclarée irrecevable.

La Cour de cassation rend une décision équivoque, mais dont on peut tirer divers enseignements. En premier lieu, elle affirme qu'un courrier adressé par l'avocat d'une partie ne peut être considéré comme une requête au sens de l'article 916 du Code de procédure civile. Etant juridiquement inexistant, ce courrier ne saisit pas la cour d'appel. Malgré le silence du Code, on peut déduire de cette solution que le déféré doit être formé par voie de conclusions. En second lieu, la Cour de cassation censure l'analyse de la cour d'appel, selon laquelle la requête adressée au président de chambre ne saisit pas la cour d'appel. A l'appui de cette censure, la Haute juridiction constate que la lettre adressée au président de chambre "indiquait l'objet de la demande, soit la contestation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état de cette même chambre prononçant la caducité de l'appel, et l'exposé des moyens". Ce motif semble fournir deux informations importantes. D'une part, la requête saisit la cour d'appel, même si elle est adressée à un président de chambre. D'autre part, la cour d'appel est saisie si la requête précise l'objet de la demande et les moyens qui soutiennent cette demande.

Toutefois, la décision demeure ambiguë, car elle est motivée principalement à partir d'allusions. La Cour de cassation aurait pu s'arrêter au premier moyen du pourvoi et constater que la requête formée par simple lettre étant inexistante, le second moyen était surabondant. En examinant le second moyen, et en prononçant la cassation, la Cour de cassation suggère qu'une simple lettre contenant un objet et des moyens constitue une requête au sens de l'article 916. Cette suggestion est pourtant en opposition radicale avec le premier motif qui dénie toute valeur à une lettre. En matière de déféré, la Cour de cassation gagnerait à rendre des arrêts plus clairs, afin donner à ce recours un régime juridique étoffé.


(1) Sur l'esprit de la réforme et ses difficultés d'application, S. Amrani-Mekki, Les métamorphoses de l'appel, le décret Magendie, un espoir déçu ?, Gaz. Pal., 2014, n° 211-212, p. 30.
(2) Cass. civ. 2, 17 octobre 2013, n° 12-21.242, F-P+B (N° Lexbase : A1043KNX).
(3) Cass. civ. 2, 14 novembre 2013, n° 12-20.323, F-D (N° Lexbase : A6288KPL).

newsid:444457

Procédure pénale

[Brèves] De l'exigence de supplément d'information avant la mise en examen du témoin assisté

Réf. : Cass. crim., 17 septembre 2014, n° 14-84.187, F-P+B+I (N° Lexbase : A4896MZD)

Lecture: 1 min

N4397BUE

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Le 06 Novembre 2014

Seule une personne mise en examen peut être renvoyée devant la juridiction de jugement par la juridiction d'instruction. Le témoin assisté ne peut faire l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel et la juridiction d'instruction du second degré qui estime, contrairement au magistrat instructeur, qu'il existe des charges suffisantes contre lui d'avoir commis une infraction pour laquelle il n'a pas été mis en examen, est tenue, avant de décider son renvoi devant la juridiction de jugement, d'ordonner un supplément d'information aux fins de notification de cette mise en examen. Telle est la solution retenue par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 17 septembre 2014 (Cass. crim., 17 septembre 2014, n° 14-84.187, F-P+B+I N° Lexbase : A4896MZD ; il convient de rappeler que le témoin assisté doit pouvoir présenter ses observations : Cass. crim., 11mai 2004, n° 04-81.039, F-P+F N° Lexbase : A2904DCK). En l'espèce, à la fin de l'information suivie sur la plainte de Mme C. des chefs de harcèlement moral et harcèlement sexuel, le juge d'instruction, qui avait entendu M. B. en qualité de témoin assisté, a rendu une ordonnance de non-lieu. Saisie du seul appel de la partie civile, la chambre de l'instruction, après confirmation du non-lieu du chef de harcèlement sexuel, a ordonné le renvoi de M. B. devant le tribunal correctionnel sous la prévention de harcèlement moral. La Cour de cassation censure la décision ainsi rendue car, relève-t-elle, en se prononçant de la sorte, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des articles 113-5 (N° Lexbase : L2235AMQ), 179 (N° Lexbase : L1748IPG), 204 (N° Lexbase : L3584AZR) et 213 (N° Lexbase : L3980IRT) du Code de procédure pénale et du principe rappelé ci-dessus (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4422EUC).

newsid:444397

Rel. collectives de travail

[Brèves] Absence d'attribution de deux jours chômés successifs dès lors que la convention collective dont dépend le salarié ne le prévoit pas

Réf. : Cass. soc., 22 octobre 2014, n° 12-19.587, FP-P+B+R (N° Lexbase : A0376MZX)

Lecture: 2 min

N4401BUK

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Le 08 Novembre 2014

Lorsque deux jours fériés chômés coïncident, le salarié ne peut prétendre à l'attribution de ces deux jours ou au paiement d'une indemnité qu'à la condition qu'une convention collective garantisse un nombre déterminé de jours chômés correspondant aux jours de fêtes légales ou qu'elle prévoie le paiement d'un nombre déterminé de jours fériés dans l'année ; tel n'est pas le cas de l'article 5.1.1 de la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, aux termes duquel les jours fériés désignés à l'ancien article L. 222-1 (N° Lexbase : L5903ACM), recodifié à l'article L. 3133-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0491H93), sont payés dans les conditions prévues par la loi pour le 1er mai, cette mention ne garantissant pas un nombre déterminé de jours fériés. Telle est la décision dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 octobre 2014 (Cass. soc., 22 octobre 2014, n° 12-19.587, FP-P+B+R N° Lexbase : A0376MZX). Dans cette affaire, le salarié fait grief au jugement du conseil de prud'hommes de le débouter de sa demande d'indemnité de congés payés pour la journée du jeudi de l'Ascension de l'année 2008. Il résulte de l'article 5.1 de la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 que les jours fériés désignés à l'article L. 222-1 du Code du travail sont payés dans les conditions prévues par la loi pour le 1er mai. Il s'ensuit que les salariés ont droit au paiement des onze jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1 du Code du travail alors applicable dans les conditions susvisées. En jugeant l'employeur autorisé à refuser d'indemniser la journée du jeudi de l'Ascension 2008 qui coïncidait avec celle du 1er mai, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2-20 de la Convention collective des ouvriers des traveaux publics. La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, applicable à l'espèce, énonce que les jours fériés désignés à l'article L. 222-1 du Code du travail sont payés dans les conditions prévues par la loi pour le 1er mai, et par conséquent le salarié ne peut prétendre à l'attribution de deux jours de congés successifs .

newsid:444401

Responsabilité

[Brèves] Illicéité de la cause du contrat assurant une exposition de cadavres humains : obligation de conseil renforcée de l'assureur quant au risque d'annulation

Réf. : Cass. civ. 1, 29 octobre 2014, n° 13-19.729, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2832MZW)

Lecture: 2 min

N4368BUC

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Le 06 Novembre 2014

Erigée en principe d'ordre public, la dignité de la personne humaine ne cesse pas avec la mort. Conséquemment, en raison de son caractère substantiel, le respect dû au cadavre, préexistait à l'adoption de l'article 16-1-1 du Code civil (N° Lexbase : L3420ICN) et justifie l'annulation d'un contrat assurant une exposition de cadavres humain pour illicéité de sa cause. L'exposant dispose néanmoins d'un recours à l'encontre de l'assureur sur le terrain de l'obligation de conseil quant au risque d'annulation. Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 octobre 2014 (Cass. civ. 1, 29 octobre 2014, n° 13-19.729, FS-P+B+I N° Lexbase : A2832MZW). En l'espèce, à la suite de l'interdiction qui lui a été faite de poursuivre l'exposition de cadavres humains "Our Body / A corps ouvert" organisée à Paris à partir du 12 février 2009, la société E. a assigné ses assureurs, en garantie. Un pourvoi en cassation est formé par la société E. en raison de l'annulation du contrat d'assurance pour illicéité de sa cause. Se prévalant du caractère non rétroactif des dispositions de l'article 16-1-1 du Code civil issu de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 (N° Lexbase : L3148ICL), l'exposant en conclut que le principe du respect de la dignité des personnes décédés est postérieure à la date de formation du contrat, et que ce faisant, la cour d'appel ne pouvait appliquer rétroactivement la disposition pour prononcer l'annulation du contrat. A tort selon la Cour de cassation. Dans un premier temps, la Haute juridiction s'évertue à rappeler le caractère d'ordre public du principe du respect dû au corps humain par delà la mort pour refuser l'argumentation de l'exposant (en ce sens, v. Cass. civ. 1, 16 septembre 2010, n° 09-67.456, FS-P+B+I N° Lexbase : A4756E92). Dès lors, le contrat d'assurance ayant pour objet de garantir les conséquences de l'annulation d'une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, est doté d'une cause illicite de nature à justifier sa nullité. En revanche, le second moyen relatif à l'obligation de conseil de l'assureur quant au caractère assurable de l'exposition litigieuse, est accueilli au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). La circonstance que l'exposant était un professionnel de "l'évènementiel", et était assisté de son propre courtier d'assurance lors de la souscription du contrat, est indifférente (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0307EXN).

newsid:444368

Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] La (quasi) disparition de la rupture amiable du contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6594MYU)

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N4455BUK

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 06 Novembre 2014

L'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, relatif à la modernisation du marché du travail (1) et la loi éponyme n° 2008-596 du 25 juin 2008 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (2), ont créé la rupture conventionnelle du contrat de travail. La nouveauté ne figurait cependant que dans le formalisme et le régime imposés par la loi puisque la rupture d'un commun accord du contrat de travail a toujours été possible sans être jusqu'alors encadrée. L'hypothèse a très rapidement été émise que les ruptures amiables conclues sur le schéma antérieur à la loi de 2008 formaient une espèce en voie d'extinction, les nouvelles règles spéciales du Code du travail devant déroger aux règles générales du droit commun des contrats (3). Il aura tout de même fallu attendre la fin d'année 2014 pour que la Chambre sociale de la Cour de cassation ait l'opportunité de se prononcer sur cette question et puisse juger que la rupture d'un commun accord des parties doit impérativement respecter les règles légales relatives à la rupture conventionnelle (I). Si l'on pourrait lire cette décision du 15 octobre 2014 comme l'acte de décès de l'antique rupture amiable du contrat de travail, cela n'est pas tout à fait le cas puisque le législateur a maintenu, dans quelques cas particuliers, dont certains suscitent d'ailleurs l'interrogation, la faculté de conclure un accord de rupture amiable (II).
Résumé

Sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par l'article L. 1237-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI), relatif à la rupture conventionnelle.

Commentaire

I - La rupture d'un commun accord est une rupture conventionnelle...

La rupture amiable du contrat de travail. L'article L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) dispose que "le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun". Cette règle, qui figurait dans le Code dès la recodification de 1973, a permis de recourir à l'ensemble des règles du droit commun des contrats et de les appliquer au contrat de travail. S'agissant plus spécialement de la rupture du contrat, les dispositions de l'article 1184 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA), relatives à la résiliation judiciaire du contrat, ont ainsi été utilisées pour rompre le contrat de travail. De la même manière, le mutuus dissensus de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil était parfois utilisé (4).

La rupture amiable du contrat de travail n'était guère encadrée faute que le Code du travail ne la réglemente. Bien entendu, les conditions de validité du contrat devaient être respectées ce qui, à l'occasion, permettait d'annuler un accord de rupture lorsque le consentement de l'une des parties avait été vicié (5). Quelques décisions avaient surtout restreint le domaine de la rupture amiable, l'excluant lorsqu'elle était conclue entre un employeur et un salarié protégé (6) ou lorsque qu'elle avait pour objet de mettre fin à un litige, un tel accord constituant une transaction qui ne peut avoir pour effet de rompre le contrat de travail (7).

Pour le reste, une grande liberté était donc laissée aux parties, tant s'agissant des situations dans lesquelles la rupture pouvait être conclue que des éléments de régime juridique de celle-ci.

L'avènement de la rupture conventionnelle. Les choses ont cependant bien changé depuis l'ANI du 11 janvier 2008, sur la modernisation du marché du travail et, surtout, la loi du 25 juin 2008, relative à la modernisation du marché du travail. Le Code du travail a, en effet, été enrichi d'un nouveau mode de rupture du contrat de travail que le législateur a souhaité hisser au niveau des modes de rupture unilatéraux. Ainsi, l'article L. 1231-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8654IAR) prévoit, aujourd'hui, que "le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre".

La particularité de ce nouveau mode de résiliation conventionnel du contrat de travail tient pour l'essentiel au régime très détaillé que les partenaires sociaux et le législateur lui ont conféré (8). La procédure de conclusion de la convention contraste, ainsi, avec celle de la rupture amiable qui demeurait essentiellement consensuelle. Les conséquences de la rupture sont elles aussi très différentes, le salarié percevant une indemnité de rupture et étant éligible à l'indemnisation du chômage alors que l'employeur, en contrepartie, bénéficie d'un délai de contestation très court de la rupture.

La question de la coexistence de ces deux types d'accords de rupture s'est naturellement posée et il est assez vite apparu qu'il n'était probablement pas envisageable de maintenir l'usage de la rupture amiable civiliste (9). C'est cette solution qui est définitivement confirmée par l'arrêt sous examen.

L'affaire. Les faits sont d'une grande simplicité. Un employeur et une salariée avaient conclu, en 2009, un accord de rupture amiable "simple", sans s'astreindre aux conditions posées aux articles L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI) et suivants du Code du travail relatifs à la rupture conventionnelle. La salariée avait, par la suite, contesté la rupture devant le juge prud'homal et demandé à ce qu'elle soit qualifiée de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Alors que le conseil de prud'hommes avait refusé cette requalification, la cour d'appel de Dijon fit droit à la demande de la salariée en annulant la rupture amiable, en qualifiant la rupture de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamna l'employeur au versement d'indemnités idoines. L'employeur se pourvut en cassation en considérant que le respect des dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail ne constitue pas une condition de validité de la rupture amiable du contrat de travail, que les parties étaient libres de ne pas se soumettre à ce régime et que seul un vice du consentement pouvait donc aboutir à l'annulation de la convention de rupture amiable.

Par un arrêt rendu le 15 octobre 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Après avoir rappelé la lettre de l'article L. 1231-1 du Code du travail, elle relève que "selon les dispositions de l'article L. 1237-11 du même Code, la rupture d'un commun accord qualifiée rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les parties au contrat qui est soumise aux dispositions réglementant ce mode de rupture destinées à garantir la liberté du consentement des parties". De la combinaison de ces deux textes, elle déduit que "sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second relatif à la rupture conventionnelle".

II. ...sauf lorsque la rupture d'un commun accord n'est pas une rupture conventionnelle !

L'exclusion logique de la rupture amiable. L'analyse des textes est pleinement convaincante.

S'agissant de l'article L. 1231-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8654IAR), une lecture différente en était faite par l'employeur qui ne retenait que la faculté de rompre le contrat de travail d'un commun accord que le texte prévoit sans référence directe à la rupture conventionnelle. Le requérant feignait cependant d'oublier la dernière proposition de l'article aux termes duquel la démission, le licenciement ou la rupture d'un commun accord sont propres à rompre le contrat "dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre".

A quelques rares exceptions près, les conditions relatives à la rupture d'un commun accord du titre en question sont bien celles établies par les articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail.

S'agissant précisément de la lecture faite de l'article L. 1237-11 du Code du travail, on comprend que la Chambre sociale de la Cour de cassation se prononce en faveur d'une identité notionnelle entre rupture amiable et rupture conventionnelle. Sous des vocables différents, il s'agit bien dans les deux cas d'un seul et même mode de rupture par accord des parties, ce qui permet à la Haute juridiction de les assimiler.

Les dispositions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail peuvent, en outre, être lues comme étant d'ordre public et les parties ne peuvent y déroger en concluant un accord amiable, selon la formule antérieure à la loi de 2008.

La sanction de la méconnaissance de ces règles d'ordre public est elle aussi logique, la rupture amiable conclue n'a pas respecté les conditions de validité imposées par le Code si bien qu'elle doit être frappée de nullité. La requalification de la rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse répond à la jurisprudence habituelle de la Chambre sociale en cas d'irrégularité procédurale ou de vice du consentement de l'une des parties à la rupture conventionnelle (10).

Les exclusions formelles des règles relatives à la rupture conventionnelle. Est-ce à dire que l'antique rupture amiable du contrat de travail a totalement disparu ? En aucun cas, et la Chambre sociale prend d'ailleurs la précaution de préciser que l'usage des règles relatives à la rupture conventionnelle est impératif, sauf "dispositions légales contraires".

Il s'agira, d'abord, de tous les cas dans lesquels l'article L. 1231-1 du Code du travail n'est pas applicable. Ce texte introductif du titre III du livre II de la première partie du Code du travail ne concerne que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée si bien que la rupture amiable reste naturellement envisageable pour les contrats à durée déterminée (11). Dans le même ordre d'idée, on peut penser que la rupture amiable du contrat d'apprentissage reste envisageable (12) malgré la faculté nouvelle de conclure un contrat d'apprentissage à durée indéterminée (13), à condition toutefois d'intervenir pendant la période d'apprentissage. Après cette période, en effet, le contrat ne se distingue plus en rien d'un contrat de travail à durée indéterminée classique si bien que la dérogation légale ne devrait plus pouvoir être invoquée (14).

Ensuite, le Code du travail exclut l'application des règles relatives à la rupture conventionnelle lorsque l'accord de rupture résulte d'un accord de GPEC ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi (15). Dans ces hypothèses de départ négocié, des dispositions légales contraires permettent donc de maintenir les accords de rupture amiable non formalistes. Cela repose sur au moins deux types d'explication : d'abord parce que le législateur a souhaité préserver cette pratique des départs négociés, ensuite parce qu'au formalisme de la rupture conventionnelle, se substituent les protections collectives inhérentes à la négociation du PSE ou de l'accord de GPEC.

Le cas particulier des accords de rupture amiable dans le cadre d'un licenciement pour motif économique. Enfin, certains modes particuliers de rupture du contrat de travail, toujours dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique, paraissent échapper au caractère impératif des dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail.

Tel est le cas, par exemple, de la rupture résultant de la conclusion d'un contrat de sécurisation professionnelle, prévue par l'article L. 1233-67 du Code du travail (N° Lexbase : L8853IQX). Le texte, il est vrai, ne fait plus clairement référence, comme cela était le cas au temps de la convention de reclassement personnalisé, à la "rupture d'un commun accord" du contrat de travail (16). Il n'en demeure pas moins que le contrat de sécurisation professionnelle constitue bien un accord entre l'employeur et le salarié auquel la loi fait produire comme effet la rupture du contrat de travail. Le contrat de sécurisation professionnelle est toutefois enserré dans un formalisme, des conditions et des effets qui lui sont propres et qui semblent donc exclure les dispositions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Ce raisonnement est plus difficile à maintenir pour la rupture d'un commun accord qui résulte de l'acceptation, par le salarié, d'un congé de mobilité. En effet, l'article L. 1233-80 du Code du travail (N° Lexbase : L1276H97) dispose que "l'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties à l'issue du congé", sans exclure formellement les règles relatives à la rupture conventionnelle. Si, comme l'énonce la Chambre sociale, la rupture d'un commun accord est une rupture conventionnelle, ne faut-il pas dans ce cas appliquer les règles de la seconde à la rupture résultant du congé de mobilité ?

La réponse à cette question est rendue d'autant plus délicate que l'article L. 1233-3, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L8772IA7), introduisant le chapitre relatif au licenciement pour motif économique et le texte relatif au congé de mobilité, prévoient que "les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa". La procédure de licenciement pour motif économique, le formalisme et les conséquences qui l'accompagnent, est donc exclusive de l'application de la rupture conventionnelle. C'est bien l'une ou l'autre des deux procédures qui doit s'appliquer

On peut tout de même penser que la rupture du contrat de travail résultant d'un congé de mobilité ne doit pas être soumise aux dispositions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail. Le congé de mobilité est bien un mécanisme d'accompagnement des licenciements pour motif économique et paraît donc devoir répondre aux règles de celui-ci.

Le doute demeure pourtant permis. D'abord parce que, nous l'avons vu, le législateur a parfois montré clairement sa volonté d'exclure cette procédure, en évinçant la rupture "d'un commun accord" pour le contrat de sécurisation professionnelle, ce qui n'est, à ce jour, pas le cas pour la rupture résultant d'un congé de mobilité. Ensuite, parce que la formule employée par la Chambre sociale de la Cour de cassation est d'une telle généralité, assimilant tout accord de rupture amiable à une rupture conventionnelle, qu'elle prend les allures d'un principe qui, en cas de doute, devrait être interprété largement.


(1) V. le numéro spécial Lexbase Hebdo n° 289 du 23 janvier 2008 - édition sociale.
(2) Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B). V. le numéro spécial Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale et en particulier nos obs., Article 5 de la loi portant modernisation du marché du travail : la rupture conventionnelle du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5222BGI).
(3) Dans ces colonnes, lire Ch. Radé, Rappels sur une espèce en voie de disparition : la rupture amiable du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 339 du 26 février 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5759BI7). V. également G. Couturier, Les ruptures d'un commun accord, Dr. soc., 2008, p. 923 ; J.-F. Césaro, La résiliation conventionnelle des contrats de travail, Dr. soc., 2011, p. 650.
(4) Sur l'usage de la rupture amiable avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, 23ème éd., 2006, pp. 491 et s. Adde. J. Savatier, La résiliation amiable du contrat de travail, Dr. soc., 1985, p. 692 ; J. Pélissier, Les accords de rupture des contrats de travail, Dr. soc., 1987, p. 479.
(5) Par ex., vice de violence, Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-41.757, F-P+B (N° Lexbase : A1365DEB) et les obs. de Ch. Willmann, Annulation pour violence morale d'un accord de rupture amiable du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 147 du 16 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3878ABA) ; Dr. soc., 2005, p. 321, obs. B. Gauriau ; RDC, 2005, p. 378, note Ch. Radé.
(6) Cass. soc., 2 décembre 1992, n° 91-42.326 (N° Lexbase : A3818AAN).
(7) Cass. mixte, 12 février 1999, n° 96-17.468 (N° Lexbase : A4601AY3), Les grands arrêts du droit du travail, D., 4ème éd., 2008, n° 92 ; Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 09-40.701, F-P+B (N° Lexbase : A2473GNW) et les obs. de L. Casaux-Labrunée, Rupture amiable du contrat de travail et transaction : une distinction d'ordre public, Lexbase Hebdo n° 423 du 13 janvier 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N1458BRG).
(8) C. trav., art. L. 1237-11 et s. (N° Lexbase : L8512IAI).
(9) V. les références citées note n° 3.
(10) Cass. soc., 29 janvier 2013, n° 11-22.332, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6245I43) et Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5796I7S) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5793BTQ).
(11) C. trav., art. L. 1243-1 (N° Lexbase : L2987IQP).
(12) C. trav., art. L. 6222-18 (N° Lexbase : L7365IZS).
(13) Voir, loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (N° Lexbase : L6066IZP) et nos obs., Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale : apprentissage et autres mesures en faveur de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 563 du 20 mars 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N1303BUS).
(14) En effet, l'article L. 6222-7 du Code du travail (N° Lexbase : L6490IZE) dispose que "lorsqu'il est conclu pour une durée indéterminée, le contrat débute par la période d'apprentissage, pendant laquelle il est régi par le présent titre. Al'issue de cette période, la relation contractuelle est régie par les titres II et III du livre II de la première partie".
(15) C. trav., art. L. 1237-16 (N° Lexbase : L8479IAB).
(16) C. trav., art. L. 1233-67 (N° Lexbase : L8853IQX), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8283IQT).

Décision

Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6594MYU).

Rejet (CA Dijon, 30 juin 2011).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1231-1 (N° Lexbase : L8654IAR) et L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI).

Mots-clés : rupture amiable du contrat de travail ; rupture conventionnelle.

Liens base : .

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