Le Quotidien du 11 mars 2024

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Brèves] Mise en danger d’autrui : l’obligation particulière de prudence ou de sécurité exclut toute faculté d’appréciation personnelle du sujet

Réf. : Cass. crim., 5 mars 2024, n° 22-86.972, F-B N° Lexbase : A83412RD

Lecture: 4 min

N8665BZX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488665
Copier

par Adélaïde Léon

Le 26 Mars 2024

► L’ obligation particulière de prudence ou de sécurité, condition préalable de l’infraction de mise en danger de l’article 223-1 du Code pénal doit être « objective, immédiatement perceptible et clairement applicables sans faculté d'appréciation personnelle du sujet ». Tel n’est pas le cas s’agissant des dispositions du CESEDA relatives aux demandes de titre de séjour pour raison de santé puisqu’elles accordent au préfet une marge d’appréciation de la situation de la personne malade étrangère qui s'en prévaut pour décider si les conditions de leur application sont ou non réunies.

Rappel des faits et de la procédure. Un Iranien arrivé en France en 2013 avec un titre de séjour étudiant valable jusqu’en 2016 débute un suivi médical en France à compter de 2014 pour une sclérose en plaques.

En février 2016, le préfet compétent refuse le renouvellement de son titre et délivre une obligation de quitter le territoire français. L’intéressé sollicite alors un titre de séjour pour raison de santé pour lequel il a reçu un avis favorable du médecin de l’ARS.

Le 19 juillet 2016, il était interpellé à la sortie des locaux universitaires et placé en rétention administrative sur décision du préfet puis expulsé le 22 juillet sans pouvoir récupérer au préalable sa valise et son traitement médical.

Ses demandes et recours lors de son expulsion aboutissent, en référé puis au fond, à l’annulation des décisions administratives, à son retour sur le territoire national et à l’octroi d’un titre de séjour.

L’intéressé dépose une plainte avec constitution de partie civile des chefs de mise en danger de la vie d'autrui, dénonciation calomnieuse, arrestation et séquestration arbitraires.

Le magistrat instructeur refuse d’informer sur les faits de mise en danger et se déclare territorialement incompétent pour les faits survenus l’université.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction confirme la décision du juge d’instruction, jugeant qu’elle est face à l’exercice normal du pouvoir administratif du préfet et du contrôle de ce pouvoir par la juridiction administrative.

Selon la juridiction d’appel, il était vain de rechercher une obligation particulière de prudence ou de sécurité à laquelle serait soumis le préfet dès lors que le comportement de ce dernier ne relève pas de la matière pénale.

L’intéressé forme un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyen du pourvoi. Il était notamment fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir refusé d’informer sur les faits tels que dénoncés par le plaignant et de s’être prononcée sur le fond même de l’affaire en s’appuyant sur des faits dont seule une information aurait pu établir l’exactitude.

Il lui était également reproché de ne pas s’être suffisamment expliqué sur l’absence d’obligation particulière de prudence ou de sécurité dans les textes présentés.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi. Elle affirme que l’existence d'une loi ou d'un règlement prévoyant une obligation particulière de prudence ou de sécurité est une condition préalable de l'infraction de mise en danger prévue à l'article 223-1 du Code pénal N° Lexbase : L3399IQX. Reprenant sa propre définition (Cass. crim., 13 novembre 2019, n° 18-82.718, F-P+B+I N° Lexbase : A6182ZUI), laquelle avait par la suite été retenue par l’Assemblée plénière, la Chambre criminelle rappelle que cette obligation particulière doit être « objective, immédiatement perceptible et clairement applicables sans faculté d'appréciation personnelle du sujet ».

Or, en l’espèce, les dispositions du CESEDA invoquées à l’appui de la plainte accordent au préfet une marge d’appréciation sur la situation de l’intéressé. Ce texte ne pouvait pas constituer une obligation particulière de prudence ou de sécurité, laquelle exclut toute faculté d’appréciation personnelle du sujet.

Faute d’existence d’une telle obligation, les faits dénoncés sous la qualification de mise en danger de la vie d’autrui ne pouvaient légalement comporter une poursuite. Par ailleurs, la Cour précise que ces faits ne pouvaient admettre aucune autre qualification.

Pour aller plus loin :

  • v. M. Bouchet et B. Auroy, Panorama de droit pénal spécial (2023), Lexbase Pénal, juin 2023 N° Lexbase : N5846BZK ;
  • v. P. Mistretta, Gestion de la pandémie de Covid-19 : gouverner en général, mais n’être responsable de rien en particulier …, Lexbase Pénal, avril 2023, n° 59 N° Lexbase : N4993BZX ;
  • v. C. Lacroix, Risques causés à autrui : une valse à 3 temps, Lexbase Pénal, décembre 2019 N° Lexbase : N1641BYG.

 

newsid:488665

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Faute inexcusable caractérisée par l’insuffisance de la réponse de l’employeur aux problèmes d’agression

Réf. : Cass. civ. 2, 29 février 2024, n° 22-18.868, F-B N° Lexbase : A26192Q3

Lecture: 2 min

N8596BZE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488596
Copier

par Laïla Bedja

Le 06 Mars 2024

Il résulte des articles L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; dans le cadre de la recrudescence des agressions dans un hôpital, le contrat de sécurité cynophile est manifestement insuffisant à prévenir les risques d’agression au sein même de l’hôpital et l’organisation de formations sur la gestion de la violence constitue une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru.

Les faits et procédure. Une salariée a été victime d’une agression physique par une patiente alors qu’elle se trouvait dans l’espace ambulatoire du service des urgences. L’accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie. Elle a saisi une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

La cour d’appel ayant jugé que l’accident était dû à la faute inexcusable de l’employeur, ce dernier a formé un pourvoi en cassation reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé en quoi l’agression de la victime par une patiente déjà admise aux urgences pour y être soignée, était en lien de causalité avec l’absence de fermeture de la zone de soins et ambulatoire (CA Versailles, 16 juin 2022, n° 21/02680 N° Lexbase : A008078H).

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Pour la Hauts magistrats, les juges du fond, qui ont procédé aux recherches prétendument omises, ont légalement justifié leur décision. La cour a en effet relevé que la recrudescence d'actes violents au sein du service des urgences de l'hôpital avait été évoquée dès 2015, en raison, notamment, de l'engorgement des services générant l'insatisfaction des usagers, l'altération des conditions de travail et la dégradation de la qualité des soins. Elle en déduit que l'employeur ne pouvait ignorer le risque d'agression encouru par son personnel soignant, médecins compris.

newsid:488596

Actualité judiciaire

[A la une] Après des années d’errances procédurales, les Wildenstein lourdement condamnés pour fraude fiscale

Lecture: 4 min

N8662BZT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488662
Copier

par Vincent Vantighem

Le 08 Mars 2024

Ce n’est pas tous les jours que la procureure générale de Paris se fend d’un communiqué de presse. Mardi 5 mars, Marie-Suzanne Le Quéau a pris sa plus belle plume pour s’adresser aux médias. Aucune information essentielle. Il s’agissait d’abord de rendre compte des condamnations prononcées, le jour même par la cour d’appel de Paris, dans le dossier dit « Wildenstein ». Mais surtout de marquer le coup après des années d’errances procédurales.

Certes, les héritiers de la famille Wildenstein ont toujours la possibilité de former un pourvoi en cassation et de prolonger encore l’aventure judiciaire. Mais la décision prononcée, mardi 5 mars, vient clore l’un des chapitres les plus extraordinaires de la fraude fiscale de grande ampleur. Après avoir bénéficié de deux relaxes, les héritiers de la riche famille de marchands d’art Wildenstein et leurs conseillers ont, en effet, été condamnés pour une fraude fiscale qualifiée de « hors norme » par le parquet général. Dans leur arrêt, les magistrats de la cour d’appel ont jugé qu’une grande partie du patrimoine considérable de la famille avait, ainsi, été dissimulée au fisc à travers des trusts de droit anglo-saxon, à l’occasion des successions du patriarche Daniel Wildenstein, décédé en 2001, et de son fils Alec Junior, décédé en 2008.

En prononçant la sentence, le président de la cour d’appel n’a pas manqué de souligner « l’ampleur » et la « sophistication » de la fraude. Un spécialiste de ce genre de dossier en rigolait, il y a encore peu de temps : « Dans le milieu, on se demande toujours qui de Patrick Balkany ou de François Fillon a réussi la plus belle arnaque avant de se faire prendre… La vérité, c’est que ce n’était rien à côté des Wildenstein ! Ça, c’était vraiment de l’orfèvrerie fiscale. Un système impressionnant », témoignait-il sous couvert d’anonymat.

Un ranch, des chevaux de course et des tableaux de maîtres

Pour bien comprendre ce dossier, il faut d’abord parler de la fortune colossale de la famille Wildenstein. Qui leur vaut de figurer dans le gotha mondial de plus riches. D’abord dans le milieu de l’art où ils possèdent des tableaux à faire pâlir d’envie n’importe quel musée au monde. Bonnard, Fragonard, Le Caravage… Mais aussi dans le domaine des courses où ils ont acquis les cracks les plus célèbres des hippodromes. Sans parler d’un ranch incroyable au Kenya que tous ceux qui ont vu Out of Africa connaissent bien, puisqu’il sert de cadre au film.

Une fortune colossale donc que les Wildenstein ont tenté de dissimuler au fisc. Depuis 2014, les impôts réclament ainsi un total de 550 millions d’euros à cette famille. Bien conseillés, les Wildenstein avaient placé cette fortune dans des trusts de droit anglo-saxon au décès du patriarche, Daniel, en 2001. Le principe est simple : le propriétaire place ses biens dans un trust géré par une personne de confiance. Il y avait là le « Son Trust », le « Delta Trust », le « Sylvia Trust »… Le tout permettant d’échapper à l’impôt. C’est en tout cas ce que deux premières décisions de justice avaient estimé avant que la Cour de cassation ne mette son nez dans les affaires et ordonne un nouveau procès en appel.

Des lourdes condamnations même pour les conseillers

C’est donc à l’issue de celui-ci que les Wildenstein ont finalement été condamnés. Et pas avec le dos de la cuillère. « Cette fraude est particulièrement délétère car elle remet en cause l’égalité devant l’impôt de tous les contribuables, en laissant croire que les plus puissants et les mieux conseillés peuvent y échapper », a ainsi taclé le président de la cour d’appel.

Avant de sanctionner, en allant au-delà des réquisitions du ministère public : quatre ans de prison dont deux années de prison ferme aménagées sous la forme d’une détention à domicile sous bracelet électronique et une amende d’un million d’euros pour Guy Wildenstein ainsi que la confiscation de près de 3,5 millions d’euros ; deux années de prison avec sursis pour son neveu Alec et trois mois de prison avec sursis pour Liouba Stoupakova, qui avait alerté la justice mais a été condamnée pour « complicité ».

Au-delà de la famille, ce sont aussi et surtout leurs conseillers qui ont passé une mauvaise journée. Deux avocats et un notaire se sont ainsi vu infliger des peines allant d’un an de prison avec sursis à dix-huit mois ferme. De quoi faire passer l’envie à tous ceux qui seraient tentés de s’inspirer du système pour échapper à l’impôt.

newsid:488662

Avocats/Formation

[Brèves] Formation initiale : quelles nouveautés pour les élèves-avocats en 2025 ?

Réf. : Décision du 7 décembre 2023, définissant les principes d'organisation et harmonisant les programmes de la formation des élèves-avocats N° Lexbase : Z469855L

Lecture: 2 min

N8660BZR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488660
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 08 Mars 2024

► A été publiée au Journal officiel du 8 mars 2024, la décision adoptée par l’assemblée générale du CNB le 7 décembre 2023. Le texte vient définir les principes d'organisation et harmoniser les programmes de la formation des élèves-avocats. Elle sera applicable aux élèves-avocats qui feront leur rentrée en janvier 2025.

Nouveautés. Le 7 décembre dernier, l’assemblée générale du CNB avait en effet adopté une nouvelle décision à caractère normatif définissant les principes d’organisation et harmonisant les programmes de la formation des élèves avocats, prévoyant notamment un référentiel des compétences utiles à l’exercice de la profession.

La décision opère les modifications suivantes :

  • le programme harmonisé par le CNB est recentré sur un socle de 240 heures d’enseignements impératifs pour tous les futurs avocats (au lieu de 250 heures) ;
  • les CRFPA pourront dispenser des formations complémentaires, à la condition qu’elles soient consacrées à la pratique professionnelle de l’avocat et que le volume horaire total de la formation ne dépasse pas 320 heures (art. 8) ;
  • le volume horaire du volet « déontologie » passe de 50 à 60 heures (art. 5) ;
  • le volume horaire du volet « vie professionnelle et gestion de cabinet » passe de 30 à 60 heures (art. 7) ;
  • les modalités du contrôle continu sont précisées (art. 2) ;
  • il est précisé que l’école doit s'assurer de la qualification professionnelle et de la formation des formateurs, maîtres de stage et référents des élèves avocats. Chaque formateur adhèrera à une charte définissant les principales exigences requises pour assurer une formation de qualité. Tout stage auprès d’un avocat fera également l’objet de la signature d’une charte. Ces chartes obéiront à une charte-type établie et publiée par le Conseil national des barreaux (art. 3) ;
  • il est désormais prévu que la formation de l’élève avocat vise l’acquisition de compétences nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat et qu’un référentiel indicatif des compétences utiles est élaboré et publié par le CNB (art. 4) ;
  • la décision concrétise la suppression, par décret n° 2023-1125 du 1er décembre 2023 N° Lexbase : L4654MKL, du caractère obligatoire de l’enseignement d’une langue vivante étrangère. Cet enseignement est organisé uniquement pour les élèves qui en font la demande, le choix des langues enseignées étant défini par l’école (art. 6).

Entrée en vigueur. La décision entre en vigueur pour le programme de formation qui sera conçu au cours de l’année 2024 et dispensé aux élèves avocats de la promotion 2025-2026.

newsid:488660

Concurrence

[Brèves] Déséquilibre significatif au sein d’un contrat de franchise et prescription de l’action du ministre de l’Économie

Réf. : Cass. com., 28 avril 2024, n° 22-10.314, FS-B N° Lexbase : A14802QU

Lecture: 5 min

N8616BZ7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488616
Copier

par Vincent Téchené

Le 06 Mars 2024

► La prescription de l'action du ministre, qui ne fait pas l'objet de règles spéciales et est dès lors régie par l'article 2224 du Code civil, a pour point de départ le jour où ce dernier, qui est titulaire d'un droit à agir, a connu ou aurait dû connaître les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d'exercer ce droit ;

En outre, la conclusion d'une transaction entre des partenaires économiques n'a pas pour effet de priver le ministre de l’Économie des pouvoirs qu’il détient pour faire cesser et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles commises par l’un d’eux.

Faits et procédure. En mars 2017, à la suite d'une enquête menée, de 2013 à 2016 par la DGCCRF sur les relations entre franchiseurs et franchisés d’un réseau de vente de pizzas, le ministre de l'Économie et des Finances (le ministre) a assigné plusieurs franchiseurs en violation, notamment, de l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce N° Lexbase : L7575LB8, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 N° Lexbase : L0386LQD.

Des franchisés sont intervenus volontairement, à titre principal, à l'instance introduite par le ministre.

La cour d’appel de Paris a jugé, par un arrêt du 5 janvier 2022 (CA Paris, 5-4, 5 janvier 2022, n° 20/00737 N° Lexbase : A56387HB rectifié le 20 avril 2022 (CA Paris, 5-4, 20 avril 2022, n° 22/06602 N° Lexbase : A17427U3), que le contrat de franchise que le réseau soumettait obligatoirement à ses franchisés contenait plusieurs clauses illicites car particulièrement déséquilibrées en leur défaveur. Les franchiseurs ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation apporte ici plusieurs précisions. 

  • Sur la recevabilité de l’action du ministre

La Cour de cassation retient d’abord que la prescription de l'action du ministre, qui ne fait pas l'objet de règles spéciales et est dès lors régie par l'article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC, a pour point de départ le jour où ce dernier, qui est titulaire d'un droit à agir, a connu ou aurait dû connaître les faits qui, caractérisant une pratique restrictive, lui permettent d'exercer ce droit.

Or, en l’espèce, les éléments ayant mis en évidence les dysfonctionnements du réseau ont été recueillis d'abord en 2013, lors d'une enquête relative aux délais de paiement. Ainsi, le délai de prescription quinquennale avait commencé à courir au plus tôt en 2013, de sorte l'action du ministre, introduite par assignation en mois de mars 2017, n'était pas prescrite.

Par ailleurs, la Haute juridiction précise que la conclusion d'une transaction entre des partenaires économiques, en l’occurrence les franchiseurs et certains franchisés, n'a pas pour effet de priver le ministre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 442-6, III, devenu l'article L. 442-4, du Code de commerce N° Lexbase : L0498LQI.

  • Sur la clause d’intuitu personae caractérisant un déséquilibre significatif

Ensuite,  le contrat de franchise comportait une clause stipulant, d'une part, l'impossibilité de cession ou transmission du contrat sans l'accord préalable et exprès du franchiseur, d'autre part, l'obligation du franchisé d'informer le franchiseur de tout projet ayant une incidence sur la répartition actuelle de son capital ou de celui de son principal actionnaire, ou dans l'identité de ses dirigeants effectifs, au minimum deux mois avant la réalisation de l'opération projetée et conférant à ce dernier, en ce cas, la possibilité de constater la rupture anticipée en manifestant son intention par lettre recommandée, adressée au minimum un mois avant l'opération projetée.

L’arrêt d’appel avait alors retenu que si cette clause d'intuitu personae prévue au bénéfice du franchiseur se justifie par le fait que ce dernier a accepté de confier l'exploitation de son concept à une personne dont il a pu précisément juger les aptitudes, la personnalité, le parcours professionnel et le financement afin de préserver la réputation du réseau et favoriser son développement, l'obligation qu'elle prévoit à la charge du franchisé d'informer le franchiseur de tout projet ayant une incidence sur la répartition du capital ou dans l'identité de ses dirigeants, avec le droit corrélatif pour le franchiseur de constater la rupture anticipée du contrat de franchise, ne permet pas, en raison de l'imprécision du terme « incidence », d'appréhender la nature et le degré de l'effet du projet sur l'actionnariat ou la personne du franchisé susceptible de motiver, de la part du franchiseur, la résiliation anticipée du contrat.

Ainsi pour la Haute juridiction, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à déduire l'existence d'un déséquilibre significatif du seul fait que la clause litigieuse ne prévoyait pas de réciprocité, a pu retenir que cette dernière caractérisait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

  • Sur la publication de la décision

Enfin, la Cour de cassation retient qu’il résulte de l'article L. 442-6, III, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, que la juridiction saisie sur le fondement de ce texte ordonne systématiquement la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise.

Ainsi, il ne pouvait être reproché aux juges d’appel d’avoir ordonné la publication de l'extrait de l'arrêt faisant état de la condamnation, quand bien même ni le ministre de l'Économie, ni aucun des franchisés n'avait sollicité ladite publication dans ce journal.

newsid:488616

Droit rural

[Brèves] Loyer des terres nues portant des cultures pérennes : illicéité de la clause fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier

Réf. : Cass. civ. 3, 29 février 2024, n° 22-17.362, FS-B N° Lexbase : A26232Q9

Lecture: 2 min

N8643BZ7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488643
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 07 Mars 2024

► Il résulte des articles L. 411-11 et L. 411-14 du Code rural et de la pêche maritime que la clause d'un bail à ferme fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier est illicite, ce qui ouvre une action en régularisation pour fermage illicite.

Selon l’article L. 411-11 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0615LZS, le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents peut être évalué en une quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative.

Quid lorsque le fermage est fixé par référence à la denrée visée par l'arrêté préfectoral alors applicable, mais ne respecte pas les minima et maxima fixés par l'autorité administrative ?

Tel était le cas en l’espèce, où la clause litigieuse du bail à ferme prévoyait un « fermage annuel égal à un cinquième de la récolte produite sur les parcelles louées, fruits bruts, bord de champ, non logés ».

Pour rejeter la demande du preneur en nullité de la clause fixant le fermage, la cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble, 12 avril 2022, n° 21/02486 N° Lexbase : A34677TL) avait retenu qu'un fermage fixé par référence à la denrée visée par l'arrêté préfectoral alors applicable, mais ne respectant pas les minima et maxima fixés par l'autorité administrative, n'ouvre pas au fermier une action en nullité mais une action en révision. Les juges fondaient leur solution sur une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 13 décembre 2000, n° 99-14.658, inédit au bulletin N° Lexbase : A5645AWY).

Mais sur un moyen relevé d’office, la Haute juridiction ne l’entend plus ainsi et censure. Elle rappelle, d’une part, qu’il est jugé que la quantité de denrées ne peut fluctuer au cours du bail en fonction de variables non conformes aux dispositions de l'article L. 411-11 précité (Cass. civ. 3, 21 janvier 2009, n° 07-20.233, FS-P+B N° Lexbase : A6397ECW), d’autre part, que selon l’article L. 411-14 du même code, les dispositions précitées sont d'ordre public.

Selon la Cour suprême, il en résulte que la clause d'un bail à ferme fixant le fermage à une fraction de la récolte du fermier est illicite, ce qui ouvre une action en régularisation pour fermage illicite. Ce faisant, la Cour de cassation rappelle que le principe est donc celui d’une liberté doublement encadrée concernant la fixation du loyer des terres nues portant des cultures pérennes.

Pour aller plus loin : v. ETUDE : Caractéristiques du contrat de bail rural et du fermage, spéc. Loyer des terres nues portant des cultures pérennes in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E8961E9R.

newsid:488643

Fiscalité locale

[Brèves] Champ d’application de la taxe d’aménagement : le Conseil d’État donne des précisions sur la notion de « locaux destinés à héberger les animaux »

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 19 février 2024, n° 471114, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A31742NU

Lecture: 4 min

N8606BZR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488606
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 06 Mars 2024

Les bâtiments « destinés à héberger les animaux », au sens et pour l’application de l’article L. 331-7 du Code de l’urbanisme, s’entendent de ceux hébergeant les animaux de l’exploitation agricole, ainsi que, le cas échéant, ceux pris en pension à titre d’activité complémentaire et sont ainsi exonérés de taxe d’aménagement.

Les faits. Le requérant a obtenu l'autorisation de construire, sur un terrain situé à Francilly-Selency, une écurie d'une surface de plancher de 156 m² pour loger en boxs individuels les chevaux qu'il prend en pension.

Consécutivement, ont été émis à son encontre deux titres de perception en vue du recouvrement de la somme globale de 5 553 euros au titre de la taxe d'aménagement ainsi qu'un titre de perception en vue du recouvrement de la somme de 444 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive.

Procédure. Le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de payer résultant de ces titres. Le requérant se pourvoit en cassation contre ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des titres de perception relatifs à la taxe d'aménagement, et contre l’arrêt de la CAA de Douai rejetant l’appel formé contre ce jugement en tant qu'il a statué sur le titre de perception relatif à la redevance d'archéologie préventive.

Principes :

  • la taxe d’aménagement était due à la date du litige, en vertu de l’article L. 331-6 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L7411LZI, à raison des opérations de construction de bâtiments ou installations de toute nature soumises à un régime d’autorisation en vertu de ce code ;
  • l’article L. 331-7 N° Lexbase : L5587MA8 exonère de la part communale et intercommunale de cette taxe un certain nombre de constructions, et notamment, dans son 3° « dans les exploitations et coopératives agricoles, les surfaces de plancher des serres de production, celles des locaux destinés à abriter les récoltes, à héberger les animaux, à ranger et à entretenir le matériel agricole, celles des locaux de production et de stockage des produits à usage agricole, celles des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant de l’exploitation et, dans les centres équestres de loisir, les surfaces des bâtiments affectées aux activités équestres » ;
  • si les travaux affectant le sous-sol soumis à autorisation d’urbanisme sont, en vertu de l’article L. 524-2 du Code du patrimoine N° Lexbase : L1415MDR, assujettis à la redevance d’archéologie
  • préventive, l’article L. 524-3 N° Lexbase : L1460MDG en exonère les constructions mentionnées au 3° de l’article L. 331-7 du Code de l’urbanisme précité.

Le requérant fait valoir qu’il pouvait bénéficier de cette exonération, dès lors que le bâtiment en cause était situé dans son exploitation agricole et qu’il était destiné à héberger des chevaux.

Réponse du Conseil d’État. Les bâtiments « destinés à héberger les animaux », au sens et pour l’application du 3° de l’article L. 331-7 du Code de l’urbanisme précité, s’entendent de ceux hébergeant les animaux de l’exploitation agricole, ainsi que, le cas échéant, ceux pris en pension à titre d’activité complémentaire.

En l’espèce, le requérant, maraîcher qui exerce également à titre complémentaire une activité de prise en pension de chevaux, a obtenu l'autorisation de construire sur son exploitation agricole un bâtiment destiné à l'hébergement de ces chevaux. L'écurie en cause  au litige doit être regardée comme « hébergeant les animaux » au sens et pour l'application des dispositions du 3° de l'article L. 331-7 du Code de l'urbanisme dès lors que l'activité de prise en pension des chevaux qu'elle est destinée à accueillir est exercée en complément de l'activité agricole.

Par suite, cette écurie bénéficie de l'exonération de la taxe d'aménagement, ainsi que, par voie de conséquence, de l'exonération de la redevance d'archéologie préventive.

Les titres de perception émis à l'encontre du requérant, relatifs à la taxe d'aménagement et à la redevance d'archéologie préventive sont annulés.

newsid:488606

Fonction publique

[Brèves] FPH : pas de sanction disciplinaire pour le fonctionnaire retraité et radié des cadres

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 27 février 2024, n° 470496, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23552QB

Lecture: 1 min

N8627BZK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/105408796-edition-du-11032024#article-488627
Copier

par Yann Le Foll

Le 06 Mars 2024

► Aucune sanction disciplinaire ne peut plus être infligée au fonctionnaire retraité après radiation des cadres résultant d’une liquidation des droits à pension.

Faits.  M. X a été admis, à compter du 1er avril 2023, sur sa demande, à faire valoir ses droits à pension de retraite et en conséquence radié des cadres à la même date par un arrêté du 6 mars 2023 de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministre de la Santé et de la Prévention. 

Décision CE. Il n’y a pas lieu de renvoyer l’intéressé, qui n'a plus la qualité d'agent titulaire, devant la juridiction disciplinaire instituée par l'article L. 952-22 du Code de l'éducation N° Lexbase : L5715LZP pour les membres du personnel enseignant et hospitalier, laquelle, en l'absence de dispositions légales le permettant, n'est plus susceptible de prononcer de sanction à l'encontre d'un Professeur des Universités - praticien hospitalier ayant déjà été radié des cadres et admis à la retraite.

À ce sujet. Lire Quel contrôle du juge administratif sur le contentieux de l'enseignement supérieur ? - Questions à Didier Truchet, Professeur émérite de l’Université Paris-Panthéon-Assas, Lexbase Public n° 696, juillet 2023 N° Lexbase : N4339BZQ.

newsid:488627

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.