La lettre juridique n°535 du 11 juillet 2013 : Taxes diverses et taxes parafiscales

[Jurisprudence] Taxe "Copé" : l'inattendue défaite des opérateurs Télécoms

Réf. : CJUE, 27 juin 2013, aff. C-485/11 (N° Lexbase : A7712KH4)

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 11 Juillet 2013

En 2009, la nouvelle avait réjoui tous les téléspectateurs : aucune publicité ne sera plus diffusée après 20 heures sur les chaînes de télévision publique (loi n° 2009-258 du 5 mars 2009, relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision N° Lexbase : L9881ICX). L'enthousiasme créé par cette mesure permettant de regarder le téléfilm du soir sans coupure est pourtant vite retombé. En effet, les chaînes publiques se sont trouvées devant un manque à gagner impressionnant. Or, dans un Etat-providence, statut dont se réclame la France, il est prévu que chacun contribue au bien-être de tous, ce qui se traduit, en pratique, par la contribution de certains au profit d'autres. Ainsi, la brillante idée de la taxe "Télécoms" est née. Issue d'un rapport rédigé par un groupe de travail présidé par Jean-François Copé, relatif au financement de la télévision publique -d'où son nom de "taxe Copé"-, cette taxe a été mise en place par l'article 33 de la loi du 5 mars 2009, et codifiée aux articles 302 bis KH (N° Lexbase : L0689IP9) et 1693 sexies (N° Lexbase : L0184IKZ) du CGI. Cette taxe fonctionne de la manière suivante : tout opérateur de communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), doit s'acquitter d'une taxe de 0,9 % assise sur la fraction excédant cinq millions d'euros des recettes tirées des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération des services de communications électroniques.

La taxe "Télécoms", aussi appelée taxe "Copé", pèse donc sur les opérateurs de communications électroniques qui vont, ainsi, compenser partiellement la perte des recettes due à la fin de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques. Cette injustice criante est légale.

A partir de l'institution de cette taxe, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, s'est engagé un bras de fer entre, d'une part, la France et d'autres pays européens ayant adopté le même modèle (l'Espagne et la Hongrie) et, d'autre part, la Commission européenne et les opérateurs. Ce bras de fer donne, contre toute attente, la France gagnante, par KO prononcé par la Cour de justice de l'Union européenne. Pourtant, si des paris avaient été lancés sur cette affaire, la France n'aurait pas reçu beaucoup de soutien.

I - Historique d'une décision surprenante : des opérateurs convaincus, une France gênée

Le projet de loi instituant, entre autres, la taxe "Copé", déposé le 22 octobre 2008, a été critiqué dès le 30 juin 2008 par la Commission européenne, après qu'elle ait pris connaissance du rapport préconisant sa création. Malgré de nombreuses levées de boucliers, la France s'est entêtée. L'histoire dira qu'elle a eu raison.

A - La taxe "Copé" critiquée dès ses débuts

C'est "la dernière chose à faire" déclare Viviane Reding, commissaire européenne à la Société de l'information, le 30 juin 2008 au quotidien Les Echos.

Le rapport "Copé" est plus enthousiaste : "Taxer le chiffre d'affaires des opérateurs télécoms et FAI, en lien avec les nouveaux modes de consommation de l'image, est légitime [...] le chiffre d'affaires de ces entreprises, en 2007, est supérieur à 42 milliards d'euros et connaît un fort dynamisme et un fort taux de marge [...] leur recours aux images de la filière télévisuelle justifie pleinement leur contribution au financement de la télévision publique [...]" (page 45 du rapport).

L'ARCEP, qui a donné son avis sur l'article 21 du projet de loi (Avis n° 2008-1108 du 14 octobre 2008 N° Lexbase : X3176AML), souligne les risques de discrimination d'une telle taxe, qui n'excluait pas, au départ, de son assiette, les services audiovisuels proposés par les opérateurs Télécom.

Qualifiée de "saugrenue" par Didier Mathus, député, il est reproché à la taxe de compenser des pertes budgétaires subies par la télévision, et ainsi de "faire financer la vieille économie par la nouvelle". La députée Laure de La Raudière ajoute judicieusement "je ne suis pas contre le fait que les opérateurs télécoms contribuent au financement de la télévision publique, dès lors qu'ils la véhiculent sur leurs infrastructures. En revanche, je trouve tout à fait inéquitable que la taxe soit assise sur la totalité de leur chiffre d'affaires et je crains, moi aussi, qu'elle soit répercutée sur les consommateurs".

Les débats parlementaires qui ont suivi ont été houleux. Jean Dionis du Séjour, député, reprend l'argument de Laure de La Raudière, en estimant à moins de 5 % des 42 milliards d'euros de chiffre d'affaires des opérateurs Télécoms les transports de données mobiles et l'accès à l'internet haut débit, seuls à avoir un lien avec la télévision. "Illégitime", "antiéconomique", "catastrophique", "très mauvais choix", "lourde" (le paiement de la taxe représente, selon l'évaluation du projet de loi, 7 % du résultat des opérateurs !), "dépourvue de toute logique", etc., les reproches ne manquent pas (voir les débats parlementaires, séance du 12 décembre 2008).

Finalement, la taxe a été adoptée par une majorité de droite qui laissait sa place aux résistances, mais pas à sa défaite.

Le Conseil constitutionnel a été saisi de l'article 33 de la loi définitive. Dans une décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 (N° Lexbase : A5008EDT), les Sages de la rue de Montpensier ont décidé que cet article 33 était conforme à la Constitution. Fondée sur des critères objectifs et rationnels, en rapport direct avec l'objectif que le législateur s'est assigné, la taxe n'est pas contraire à l'égalité devant les charges publiques. Le Conseil d'Etat, saisi le 10 octobre 2011 d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 302 bis KH du CGI, refuse de la renvoyer au Conseil constitutionnel, car aucun changement de circonstance de droit ne peut justifier un réexamen de sa conformité à la Constitution (CE 8° et 3° s-s-r., 10 octobre 2011, n° 350872, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7489HYZ).

La taxe entre en vigueur le 1er janvier 2009, au grand dam des opérateurs Télécoms et de la Commission européenne. Bientôt, la France aura le bonheur d'inspirer ses voisins.

B - L'entêtement français contagieux mais combattu

Le choix de la France de voter l'instauration de la taxe "Télécoms" a inspiré certains de ses voisins européens.

La Commission européenne a non seulement demandé à la France de revoir sa copie concernant la taxe "Copé", mais elle s'est aussi attaquée aux taxes similaires en Hongrie et en Espagne. En Hongrie, une loi de 2010 a imposé aux prestataires de services de communications électroniques une obligation de paiement supplémentaire, en plus de la redevance pour les services administratifs, ainsi que de celle du régulateur. En Espagne, une loi de 2009 a institué une taxe de 0,9 % (notons la similitude avec le taux français) sur les entreprises qui fournissent un service ou un réseau, afin de financer la Corporación de Radio y Televisión espagnole.

Si la taxe "Télécoms" est imitée, elle est particulièrement mal vécue en France. En effet, si l'on compare le niveau de la fiscalité spécifique aux télécommunications (toutes taxes confondues) en France et dans d'autres pays, la France est l'Etat qui met le plus à contribution le secteur. Ainsi, en 2011, la France a obtenu des opérateurs 1,2 milliard d'euros de recettes, soit 2,98 % de leur chiffre d'affaires annuel. L'Espagne se place juste derrière, avec 2,43 % du chiffre d'affaires et 813 millions d'euros. Aux Etats-Unis, la fiscalité spécifique sur les opérateurs de télécommunications a permis la levée de 2,263 milliards d'euros, soit 0,8 % du chiffre d'affaires. En Allemagne, 0,08 % du chiffre d'affaires a été versé à l'Etat, par le biais d'une fiscalité spécifique qui a permis la levée de 44 millions d'euros. Enfin, au Royaume-Uni, les recettes ont été de 32 millions d'euros, soit 0,07 % du chiffre d'affaires du secteur. Alors qu'en France cette fiscalité représente 20 % des investissements réalisés par les opérateurs Télécoms, en Allemagne cette proportion n'est que de 1,33 %. Au final, en 2011, le niveau de taxation des opérateurs de communications électroniques français est 40 fois plus élevé que celui des mêmes opérateurs au Royaume-Uni.

Le 28 janvier 2010, la Commission ouvre une procédure d'infraction contre la France au sujet de la "taxe télécoms". Viviane Reding avait pourtant averti l'Etat : "j'ai exprimé mes doutes à plusieurs reprises quant à la 'taxe télécoms'". La Commission considère que la taxe "Copé" est incompatible avec l'article 12 de la Directive "Autorisations" (Directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002 N° Lexbase : L7187AZ9).

Cet article prévoit que "les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l'autorisation générale ou auxquelles un droit d'utilisation a été octroyé : a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l'application du régime d'autorisation générale, des droits d'utilisation et des obligations spécifiques visées à l'article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d'harmonisation et de normalisation internationales, d'analyse de marché, de contrôle de la conformité et d'autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l'élaboration et l'application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l'accès et l'interconnexion [...]". Or, la taxe française, de même que les taxes hongroises et espagnoles, ne servent pas à compenser ces coûts, mais bien à compenser une perte de recettes de France Télévisions, alimenter les recettes générales de l'Etat hongrois, et combler la perte de recettes du secteur public espagnol sur la radio et la télévision.

La Commission semblait donc dans son bon droit. La France l'avait d'ailleurs implicitement reconnu, puisque l'Etat a provisionné, pour le budget 2013, 1,3 milliard d'euros, au cas où cette taxe serait déclarée contraire au droit de l'Union par la Cour de justice. Cette dernière n'en a pourtant rien fait...

II - Epilogue d'une décision désarmante : des opérateurs abattus, une France soulagée

Le couperet tombe : la taxe "Copé" est conforme au droit de l'Union européenne, plus particulièrement à la Directive "Autorisations". La France, en plein débat sur le financement de la culture et sur la taxation du secteur électronique et numérique, se frotte les mains, et rêve de nouvelles taxes suivant le modèle de la taxe validée.

A - La taxe "Copé" validée par la CJUE

Selon la Commission européenne, la taxe "Copé" est contraire à l'article 12 de la Directive "Autorisations" car son fait générateur est la détention d'une autorisation et son assiette n'est pas basée sur les coûts administratifs du régime d'autorisation établi par la législation, mais sur des éléments liés à l'activité ou au chiffre d'affaires de l'opérateur. Or, les Etats membres ne peuvent pas imposer aux opérateurs de communications électroniques, du seul fait de cette qualité, matérialisée par la possession d'une autorisation ou par une déclaration préalable, des charges pécuniaires autres que celles prévues par la Directive "Autorisations" et la Directive du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (Directive 97/13/CE N° Lexbase : L7467AU4).

La France rétorque que la taxe "Copé" ne ressort pas de l'article 12 de la Directive "Autorisations". N'étant pas une taxe administrative, elle ne viole pas la Directive qui ne s'applique pas. En effet, son fait générateur ne serait pas relié à la demande d'autorisation. La France reprend la solution d'un arrêt du 8 septembre 2005 (CJUE, aff. C-544/03 et aff. C-545/03 N° Lexbase : A4068DKU), et en tire trois conclusions. Ainsi, en premier lieu, l'Etat considère que le seul fait qu'un opérateur de communications électroniques soit titulaire d'une autorisation n'implique pas que les taxes auxquelles il est assujetti relèvent du champ d'application des dispositions fiscales de la Directive du 10 avril 1997 ou, par analogie, de la Directive "Autorisations". En deuxième lieu, l'existence d'un lien direct entre la détention d'une autorisation et l'imposition d'une taxe n'est pas un critère pertinent pour définir le champ d'application des dispositions fiscales des deux Directives précitées. En troisième et dernier lieu, la France estime que le champ d'application de l'article 12 de la Directive "Autorisations" est défini et délimité par le fait générateur de la taxe. Lorsque la taxe est liée à la gestion, au contrôle ou à l'application du système d'autorisation, elle relève du champ d'application de l'article 12 de la Directive et doit respecter le régime fixé par cet article. En revanche, lorsque la taxe n'est pas liée à un tel fait générateur, elle ne relève pas de la Directive, et n'est donc pas tenue de respecter ce régime.

La Commission n'est pas d'accord avec ce raisonnement. Selon elle, il ressort de trois arrêts (CJUE, 18 septembre 2003, aff. C-292/01 et C-293/01 N° Lexbase : A5826C9N ; CJUE, 8 septembre 2005, précité ; CJUE, 18 juillet 2006, aff. C-339/04 N° Lexbase : A4758DQB) que, dès lors qu'il existe un lien direct entre la taxe et la qualité d'opérateur en communications électroniques, ou entre la taxe et la fourniture de réseaux de télécommunications publiques ou de services de communications, cette taxe relève du champ d'application de l'article 12 de la Directive "Autorisations" et est prohibée par cet article si son assiette n'est pas directement liée aux coûts administratifs qui y sont spécifiés.

Les trois Etats membres visés par les procédures de la Commission, c'est-à-dire la France, mais aussi l'Espagne et la Hongrie, qui ont présenté leurs observations à la Cour, considèrent qu'une obligation pécuniaire imposée par un Etat membre ne peut pas relever du champ d'application matériel de la Directive "Autorisations" du simple fait que ses débiteurs sont des opérateurs de communications électroniques opérant en vertu de l'autorisation générale. Selon eux, la Commission confond les critères déterminant la qualité de redevable de la taxe avec le fait générateur de celle-ci.

Les juges de l'Union sont convaincus par ce raisonnement. Tout d'abord, ils retiennent qu'une taxe dont le fait générateur est lié à la procédure d'autorisation générale permettant d'accéder au marché des services de communications électroniques relève du champ d'application de l'article 12 de la Directive "Autorisations". En revanche, une taxe dont le fait générateur n'est pas lié à la procédure d'autorisation générale permettant d'accéder au marché des services de communications électroniques, mais à l'activité de l'opérateur consistant à fournir des services de communications électroniques aux usagers finaux en France, ne relève pas du champ d'application de cet article. Or, le fait générateur de la taxe française litigieuse est lié à la fourniture d'un service en France par tout opérateur de communications électroniques et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'ARCEP. L'opérateur ne devient redevable de cette taxe litigieuse que lorsque ses revenus pour les services aux usagers finaux excèdent cinq millions d'euros. Les opérateurs de communications électroniques qui fournissent des prestations d'interconnexion, d'accès, de diffusion ou de transport des services de communications audiovisuelles ne sont pas redevables de la taxe litigieuse. Dès lors, la taxe est imposée non pas à tous les opérateurs de communications électroniques titulaires d'une autorisation générale ou d'un droit d'utilisation des radiofréquences ou des numéros, mais aux opérateurs titulaires d'une autorisation générale qui fournissent déjà leurs services sur le marché des services de communications électroniques aux usagers finals. La taxe n'est pas imposée du seul fait de la détention d'une autorisation générale ou d'un octroi d'un droit d'utilisation des radiofréquences ou des numéros, mais elle est liée à l'activité de l'opérateur consistant à fournir des prestations de communications électroniques aux usagers finals en France. Par conséquent, l'article 302 bis KH du CGI ne relève pas du champ d'application de l'article 12 de la Directive "Autorisations".

La taxe "Copé" est donc valable. La subtilité de la rédaction de l'article 302 bis KH, qui relie l'application de la taxe à l'activité de l'opérateur et non à la procédure d'autorisation générale délivrée par l'ARCEP, aura eu raison des critiques. Plus aucun recours n'est aujourd'hui possible contre cette taxe. Il n'est pas envisageable de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme, les enjeux étant purement économiques.

La France, surprise, est ravie. Dans un communiqué du 27 juin 2013, date de l'arrêt, Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et des Finances, Aurélie Filipetti, ministre de la Culture et de la Communication, et Bernard Cazeneuve, ministre chargé du Budget, ont salué une décision par laquelle "le financement du service public de l'audiovisuel est [...] sécurisé". De son côté, la Fédération française des télécoms -FFT, regroupant Orange, SFR et Bouygues Télécom, à l'exclusion de Free (Iliad)-, est surprise aussi, mais surtout déçue. La fédération, qui avait saisi la Commission européenne de la taxe "Copé" et avait été très active dans ce contentieux, estime que cette décision est une "vraie déception, en particulier au moment où [...] la pression sur les investissements dans les réseaux de nouvelle génération se renforce du fait des déploiements attendus dans le très haut débit, en fibre optique pour le fixe et en 4G pour le mobile".

Cette décision était inattendue. Ainsi, il est intéressant de noter que certains opérateurs (SFR et Bouygues Telecom) avaient cédé leur créance éventuelle sur l'Etat, qui aurait dû découler de la décision de la CJUE, à des groupes bancaires qui font le commerce du rachat de créances adossées à des risques juridiques (dont la Société générale, notamment). Si la France avait perdu, la banque aurait récupéré 100 % de la créance avec, en plus, les intérêts. Mais la victoire de Paris cause une perte à l'établissement bancaire. En effet, l'opérateur ne lui rend pas le prix d'achat de la créance. Il est à noter, toutefois, que les systèmes d'assurance et de réassurance limitent les enjeux financiers. En revanche, Orange et Free (Iliad) n'avaient pas cédé cette créance. Ces deux entreprises ne pourront pas récupérer les sommes versées au titre de la taxe.

B - Les velléités d'une France en manque de recettes encouragées

Quelles sont les conséquences de la validation de la taxe "Copé" au regard du droit ? Tout d'abord, la Hongrie et l'Espagne sont forts d'un précédent dans le cadre des procédures de la Commission envers leurs propres taxes "Télécoms".

Ensuite, la France peut se sentir encouragée dans l'instauration de ce type de taxe. En effet, on ne le dira jamais assez, la crise financière, qui date de 2008, a mis (et met toujours) la France dans une situation budgétaire délicate. Tous les moyens sont bons pour obtenir de nouvelles recettes fiscales, et le monde politique est ainsi fait que ces moyens s'accompagnent régulièrement de dénonciations et de culpabilisations. Les grands groupes du CAC 40 peuvent en témoigner. Le secteur du numérique est particulièrement touché par cette tendance. Google ne cesse d'être la proie de diatribes assassines, et ses résultats et sa réussite titillent le Trésor public français. Outre les problématiques de justice fiscale, qui sont présentes mais pas uniquement, l'argent du secteur des télécommunications et du numérique représente, pour l'Etat français, une "poule aux oeufs d'or" dont il est bien temps de récolter la production.

Ainsi, le ministère de la Culture, qui avait fait des effets d'annonce à propos de l'extension de la contribution à l'audiovisuel public (CGI, art. 1605 N° Lexbase : L9842IWG) aux ordinateurs, smartphones et tablettes, pourrait bien confirmer son idée.

De même, la taxe sur les services de télévision (C. cinéma et image animée, art. L. 115-6 N° Lexbase : L5202IR4), d'abord limitée aux téléviseurs puis étendue, en 2007, aux opérateurs de télécommunication proposant des services de télévision, pourrait être remodelée. En effet, la taxe s'applique aujourd'hui à la partie télévision des offres "triple play" (téléphone fixe, haut débit, télévision par l'ADSL), selon un système de barèmes complexe. Or, Free a réussi à contourner cette taxe, en sortant artificiellement de son offre "triple play" une "option TV" à seulement 1,99 euro par mois, réduisant drastiquement l'assiette de l'impôt. La perte de recettes pour le Centre national de la cinématographie a été de 20 millions d'euros. Le Gouvernement de Nicolas Sarkozy avait contre-attaqué en élargissant l'assiette de l'impôt, qui devait prendre en compte toutes les offres d'accès à Internet comportant un volet télévision, y compris la téléphonie mobile. Mais Bruxelles s'y était opposée.

Fin 2012, SFR a choisi d'imiter son concurrent Free. Fleur Pellerin, l'actuelle ministre déléguée au Numérique, a donc présenté à la Commission une nouvelle version de la taxe, qui deviendrait forfaitaire (son montant serait de 70 centimes par abonnement). Cette nouvelle version, présentée à Bruxelles, profitera peut-être de la décision de la Cour de justice.

Enfin, la taxe "Lescure" (voir le rapport "Culture-acte 2" de Pierre Lescure, page 25 ; lire N° Lexbase : N7001BTH), destinée à inclure, dans le financement de la rémunération pour copie privée (C. prop. intell., art. L. 311-1 N° Lexbase : L4189IRL), tous les appareils connectés fabriqués hors de France, pourrait aussi bénéficier du rayonnement de cette décision. En effet, Bernard Heger, délégué général du Simavelec (Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques), a menacé de saisir la justice de l'Union sur le fondement suivant : "il y a un principe qui dit qu'on ne taxe pas une industrie pour en financer une autre", en se référant à l'affaire de la taxe "Copé", qui n'était pas encore jugée à l'époque du propos. Or, cette dernière a été validée.

Si le débat juridique semble fermé, reste le débat politique...

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