La lettre juridique n°523 du 11 avril 2013 : Éditorial

Sauvons le Pacs !

Lecture: 4 min

N6581BTW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Sauvons le Pacs !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8061025-sauvons-le-pacs
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Le "mariage pour tous" adopté par l'Assemblée nationale, en débat devant le Sénat et suscitant, toujours, des remous sociaux particulièrement virulents, il en est un qui pourrait passer pour laissé-pour-compte : le pacte civil de solidarité (Pacs). En effet, l'extension du mariage aux couples homosexuels pourrait amputer le Pacs de sa téléologie première, l'union de tous les couples et, sans se payer de mots, plus particulièrement des couples homosexuels. Pourtant, loin de signer la mort du pacte civil, le "mariage pour tous" pourrait, bien au contraire, par une sorte de transsubstantiation, lui permettre de trouver une nouvelle jeunesse, réaffirmant son principe premier : la liberté.

D'abord, il est peut-être utile de rappeler que le Pacs est un véhicule d'union civile majoritairement emprunté par les couples... hétérosexuels. Aussi, la stigmatisation du pacte civil à une orientation sexuelle est des plus inopportunes ; ainsi, le "mariage pour tous" ne devrait pas piller le contingent des possibles partenaires. Et, si le nombre de Pacs enregistrés est en baisse constante depuis quelques années, l'adoption du "mariage pour tous" pourrait même, en brisant les derniers tabous psycho-sociaux collant au Pacs, conférer à ce dernier un regain d'intérêt. En perdant son oripeau sexuel improprement affidé, d'aucuns pourraient trouver dans le Pacs toute la liberté avec laquelle ils souhaitent composer la partition de leur union civile, alors que le mariage impose un carcan juridique protecteur, mais non nécessairement opportun.

En effet, la loi du 28 mars 2011, en permettant aux partenaires de contracter devant notaire, offre une latitude conventionnelle intéressante : d'abord, parce qu'en extradant le Pacs du tribunal de grande instance, plutôt enclin aux séparations, et en permettant au notaire de rédiger, enregistrer et transcrire le pacte auprès de l'état civil, la loi nouvelle le reconfigure et réaffirme sa contractualisation. Ensuite, si depuis le 1er janvier 2007, c'est le régime de la séparation de biens qui s'applique par défaut aux partenaires, ces derniers restant propriétaires des biens qu'ils détenaient avant de se pacser, ou qu'ils reçoivent par donation ou succession durant l'union, il est possible d'y déroger conventionnellement. Normalement, les biens achetés durant le Pacs appartiennent en propre aux partenaires s'ils les financent avec leurs revenus et ceux achetés en commun tombent en indivision, mais les pacsés peuvent opter pour le régime de l'indivision spécifique. Ainsi, tous les biens achetés durant le Pacs sont présumés appartenir à parts égales, même si un seul partenaire contribue au financement. Dans le même sens, les partenaires peuvent aussi établir une "convention de Pacs" dressée sous seing privé par un notaire qui se chargera de son enregistrement et de son dépôt au greffe du tribunal d'instance. Cette convention peut prévoir que certains des biens acquis individuellement par l'un des partenaires durant le Pacs (à l'exclusion des droits d'auteur, de la clientèle, du fonds de commerce ou des bijoux de famille) deviennent automatiquement des biens indivis et appartiennent pour moitié à chacun des deux partenaires. En clair, le régime conventionnel du Pacs emporte peu ou prou les droits traditionnellement attachés au régime de la communauté réduite aux acquêts, sans ses inconvénients ! Alors que le régime par défaut du pacte est la séparation de biens si prisée dans les contrats de mariage par devant notaire !

Au final, l'extension du "mariage à tous" permettra aux couples d'adopter le régime matrimonial de leur choix avec tous les aménagements souhaités, quelle que soit leur orientation sexuelle ; mais à dire vrai, le Pacs ne l'interdisait pas vraiment. Les règles successorales sont clarifiées, l'époux homosexuel devient héritier de plein droit et ses droits sont accrus, encore que des dispositions testamentaires peuvent déjà protéger le partenaire endeuillé. Quant à la séparation du couple, intéressant une union matrimoniale sur deux en Ile-de-France, les nouveaux mariés, comme les anciens, connaîtront la dramatisation du divorce, quand la rupture du Pacs sera toujours raillée pour la désinvolture qu'elle peut laisser transparaître. Bien évidemment, et à ne pas s'y tromper, c'est en matière parentale que tout se joue. Désormais, l'époux pourra adopter l'enfant du conjoint lorsque ce dernier aura déjà procédé à une adoption simple ou plénière. Et, en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint, l'autorité parentale sera exercée en commun de plein droit...

L'adoption du "mariage pour tous" n'emporte donc guère d'avantages intrinsèques supérieurs à ceux du Pacs ; il s'assimile plus volontiers à un "Pacs pour tête en l'air", c'est-à-dire une union à l'arsenal juridique protecteur par essence, quand le Pacs s'articule autour de la liberté pleine et entière de protéger de manière opportune son partenaire. L'enjeu du mariage pour tous est bien l'accès à la famille et à ses composantes (civiles et sociales).

Deux questions restent alors en suspens : l'extension de la procréation médicalement assistée à tous les couples mariés, son refus constituant clairement une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle, alors que le mariage faisait précédemment "écran". Et, l'attitude de l'Eglise sera également intéressante : les pacsés, voire les personnes dont une union civile ne serait pas actée, pourront-ils s'unir religieusement, puisque le "mariage pour tous" entre directement en conflit avec le concordat régissant les rapports entre l'Eglise et la République ?

newsid:436581

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.