Lexbase Avocats n°311 du 4 février 2021 : Avocats

[Actes de colloques] La profession d’avocat : les risques de l’exercice (colloque du 25 septembre 2020 à Amiens) - La faute civile de l'avocat

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[Actes de colloques] La profession d’avocat : les risques de l’exercice (colloque du 25 septembre 2020 à Amiens) - La faute civile de l'avocat. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/64882777-cite-dans-la-rubrique-b-avocats-b-titre-nbsp-i-la-profession-davocat-les-risques-de-lexercice-colloq
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par François Viney, Maître de conférences à l’université d’Amiens

le 04 Février 2021

Le 25 septembre 2020, s'est tenu à Faculté de droit d'Amiens un colloque sur le thème « La profession d'avocat : les risques de l'exercice », sous la direction scientifique de Rodolphe Bigot et François Viney. Partenaire de cet événement, la revue Lexbase Avocats vous propose de retrouver l’intégralité des actes de ce colloque.

Le sommaire de cette publication est à retrouver ici (N° Lexbase : N6281BYB).
Les interventions de cette journée sont également à retrouver en podcasts sur Lexradio.


Le contexte de l’engagement de la responsabilité civile de l’avocat est généralement banal. Un avocat commet une négligence dans l’exercice des missions que lui a confiées son client : par exemple, en laissant courir un délai de procédure. L’affaire, qui aurait pu être gagnée, est perdue. Par sa faute, il cause préjudice à ce dernier – la perte de chance de gagner le procès – ; parfois, il cause préjudice à des tiers.

L’engagement de la responsabilité civile de l’avocat n’est pourtant pas une démarche systématique pour le client déçu, notamment lorsqu’il s’agit d’un particulier. Plusieurs explications sont données à cela [1]. Tout d’abord, le justiciable, souvent profane des questions juridiques, ne se figurera pas que son avocat a pu commettre une faute. L’ayant choisi et lui ayant accordé sa confiance, il aura souvent du mal à admettre sa propre erreur et n’attaquera pas son avocat. Enfin, même s’il est conscient des négligences du professionnel, il ne tentera souvent rien, pensant agir à peine perdue, s’imaginant parfois une indulgence mutuelle entre les gens de justice. Il arrive que certains professionnels se montrent particulièrement convaincants et dissuadent le client d’agir à leur encontre.

Paradoxalement, on peut relever que la mise en cause de la responsabilité civile de l’avocat est assez simple. Les conditions de la responsabilité civile de l’avocat ne diffèrent guère de celles requises par le droit commun de la responsabilité. Par ailleurs, la profession d’avocat s’est dotée d’assurances – assurance responsabilité civile professionnelle et de représentation des fonds – rendues obligatoire par le législateur en 1971, qui protègent les clients des incuries ou même de l’éventuelle malveillance de leur avocat [2]. La faute de l’avocat est donc très généralement couverte, sauf lorsque celle-ci revêt – rarement – un caractère intentionnel [3], ce qui entraine une exclusion de garantie par l’assurance de responsabilité civile professionnelle [4].

L’engagement de la responsabilité civile n’implique pas nécessairement d’opérer une réclamation par voie judiciaire en assignant le professionnel. Dans une démarche amiable, il suffit au client d’écrire à son avocat en le mettant en cause, en expliquant que celui-ci a failli à ses missions, a commis une faute lui ayant causé préjudice. L’avocat déclare le sinistre auprès du Bâtonnier et de l’assurance de son ordre, qui prend en charge le dossier. En cas de faute avérée après instruction, l’assurance proposera au client une indemnisation de son préjudice (au moyen de protocoles généralement soumis aux art. 2044 et s. du Code civil N° Lexbase : L2431LBN). En tout état de cause, si une contestation naît, ou si le client refuse la proposition amiable, les tribunaux peuvent être saisis de l’affaire [5].

Tout ceci concourt à expliquer l’essor de la responsabilité civile de l’avocat. Toutefois, le recours à l’assurance n’est pas sans répercussions sur la responsabilité civile à laquelle elle est adossée. Le phénomène a été décrit dès la fin du XIXème siècle, lorsque la Cour de cassation a admis la licéité du contrat d’assurance de responsabilité civile [6]. La faute se trouve ici au cœur des enjeux. On peut, d’un côté, se demander ce qui empêche réellement les magistrats de retenir avec largesse des « poussières de faute » afin de satisfaire aux demandes des victimes [7], surtout si l’admission de la responsabilité ne constitue plus une charge lourde pour les professionnels, tenus d’acquitter la seule franchise [8]. On peut d’un autre côté, s’interroger sur les effets déresponsabilisants pour les professionnels assurés d’une telle tendance, une importante sinistralité étant de surcroit nuisible à l’indemnisation ; ce qui invite à une plus grande rigueur dans la caractérisation de celle-ci.

Poser quelques balises permettant de circonscrire la faute sur le plan civil représente un intérêt fondamental. La faute intentionnelle de l’avocat ne présentant pas de particularité, nous cantonnerons notre étude à la faute commise de bonne foi. Pour donner un aperçu de celle-ci, j’aborderai successivement les caractéristiques de la faute civile de l’avocat (I) puis la méthode d’appréciation de la faute civile de l’avocat (II).

I. Les caractéristiques de la faute civile de l’avocat

Après avoir étudié la question de la nature de la faute (A), j’examinerai la question de la diversité des fautes retenues en jurisprudence (B).

A. Nature de la faute

La nature de la relation envisagée dicte celle de la faute civile. Dans la relation avec son client, la responsabilité de l’avocat est contractuelle, car elle est la conséquence d’une inexécution contractuelle [9]. Analysée comme un mandat ou un contrat d’entreprise, la convention passée entre le professionnel et son client repose sur la confiance ; ces contrats de service (économique pour le contrat d’entreprise ou juridique pour le mandat) étant d’ailleurs un terrain d’élection de l’intuitu personae [10]. La rémunération de l’avocat y est justifiée – au moins en partie – par « la compétence personnelle » ou « la valeur de celui qui rend service » [11].

Le contrat oscille entre mandat et contrat d’entreprise, chacune des qualifications correspondant mieux à différentes missions de l’avocat. La mission de l’avocat simplement consulté s’apparente à celle de l’entrepreneur du contrat d’entreprise, mais il ne faut pas en pour autant déduire que la représentation en justice et les missions judiciaires de l’avocat relèvent parfaitement du régime du mandat. Plus précisément, l’avocat qui accepte de plaider pour son client, lui rend, comme l’écrit M. Sériaux « le service de la parole. Mais il s’agit au fond d’un service économique qui relève du contrat de louage d’ouvrage ou d’industrie, voire du contrat de travail : le client fait l’économie de l’apprentissage de la parole devant le juge et il fait simplement une mauvaise affaire s’il s’aperçoit qu’il aurait pu parler lui-même aussi bien. Lorsque le même avocat, en vue de réaliser certaines formalités nécessaires à la conduite du procès, se fait donner procuration par son client, il s’agit au contraire d’un service proprement juridique » [12]. La responsabilité de l’avocat sera réglée selon les dispositions relatives à ces contrats spéciaux, ou fondée sur le droit commun de la responsabilité, spécifiquement l’article 1231‐1 du Code civil (N° Lexbase : L0613KZQ).

Il est fréquemment relevé en doctrine que le contenu de convention conclue entre l’avocat et son client échappe en grande partie à la liberté contractuelle des parties, la profession d’avocat étant aujourd’hui précisément réglementée [13]. Les obligations résultant de cette réglementation impérative viennent donc enrichir le contenu du contrat de devoirs d’origine « déontologique » [14] ou plus spécifiquement juridiques (par ex., le droit de la consommation s’applique lorsque le client de l’avocat est un particulier [15], RGPD). La greffe de ces obligations, exogènes à la volonté des parties, conduit certains auteurs à proposer un dépassement du clivage entre les responsabilités contractuelle et délictuelle, d’autant que la distinction est d’un intérêt pratique limité depuis la loi du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I), le délai de prescription de l’action n’étant plus impacté par la nature de la responsabilité de l’avocat. La responsabilité de l’avocat est ici un exemple assez topique des responsabilités professionnelles [16]. Cette intuition est renforcée par l’analyse de la responsabilité de l’avocat envers les tiers.

Envers les tiers, la responsabilité de l’avocat est naturellement délictuelle, fondée sur les articles 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) et suivants du Code civil. Tel est le cas, par exemple, lorsque l’avocat est assigné par un confrère [17], par le créancier de son client [18], par les cautions de son client [19] ou encore la personne qu’il poursuit [20]. On sait qu’en matière délictuelle, les fautes les plus légères peuvent être retenues. Il n’est a priori pas concevable cependant qu’un avocat puisse être tenu plus strictement à l’égard des tiers qu’à l’égard de son client, puisque l’accord génère lui-même des obligations qui, en raison de l’effet relatif des conventions, ne sont dues qu’au bénéfice du client contractant. Ces obligations viennent donc s’« ajouter » aux devoirs de civilité envers autrui sanctionnés par le jeu des articles 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) et 1241 du Code du civil (N° Lexbase : L0949KZ8).

Toutefois, bien que n’étant pas partie au contrat, le tiers, victime d’une inexécution ou d’une mauvaise exécution, peut tirer argument du contenu de celui-ci pour engager la responsabilité de l’avocat. Depuis l’arrêt rendu en Assemblée plénière par la Cour de cassation le 6 octobre 2006 [21], et confirmé récemment [22], on sait que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un « manquement contractuel », dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. La Cour de cassation avait d’ailleurs admis auparavant, qu’un tiers puisse invoquer la faute commise par l’avocat dans l’exécution du mandat le liant à son client [23]. Délictuelle comme contractuelle, la faute civile de l’avocat pourra donc être mesurée à l’aune de la mission spécifiquement confiée à l’avocat.

B. Diversité des fautes

Les fautes retenues sont le reflet des principales missions acceptées par l’avocat. Quantitativement, les manquements sanctionnés le plus souvent en jurisprudence semblent être les erreurs de procédure (principalement le respect des délais pour agir) ; les erreurs lors de la rédaction d’actes et de leurs suites et le manquement au devoir de conseil.

L’avocat est tenu, d’une manière générale, d’un devoir de conseil et d’un devoir de compétence. Le devoir de conseil consiste pour l’avocat à indiquer à son client les procédures à engager, l’informer des risques et de ses réserves au regard de ses prétentions. Le devoir de compétence impose à l’avocat de déployer dans la pratique de son art, toutes ses connaissances techniques et son expérience professionnelle, conformément au droit positif en vigueur – « aux données acquises du droit », comme il est souvent écrit. Il est surtout une traduction « rehaussée » des devoirs de prudence et de diligence qui s’imposent socialement à tout agent, pour les professionnels du droit dans le cadre de l’exercice de leur activité. Ces devoirs de conseil et compétence résultent du déséquilibre de connaissances et d’expérience supposé entre l’avocat et son client (qualités sur la foi desquelles le client est venu le consulter) et aussi par nature de la convention [24] établie entre le professionnel et son client [25].

Cependant, certains devoirs spécifiques dépendent directement du contenu de la mission qu’ont façonné les parties. Ils sont définis au cas par cas par la convention ; il faudra distinguer si l’avocat assume une mission en matière judiciaire ou uniquement en matière de d’assistance juridique et de conseil [26]. En revanche, que la faute soit contractuelle ou délictuelle à l’égard des tiers ne change pas fondamentalement la méthode d’appréciation. Il est généralement enseigné que l’avocat est débiteur d’une obligation de moyens [27] mais il arrive que la qualification d’obligation de résultat soit retenue lorsque des diligences précises et non aléatoires sont mises à la charge de l’avocat [28], comme exercer un recours dans les délais [29].

En matière judiciaire, la mission de l’avocat se dédouble : il assiste (CPC, art. 412 N° Lexbase : L6513H7D) et représente (CPC, art. 411 N° Lexbase : L6512H7C) son client. L’assistance implique un devoir de conseil accessoire, puisque l’avocat est alors sollicité plus généralement pour aiguiller le client dans la conduite d’un procès, ce qui implique l’accomplissement de diverses prestations de services, comme par ex. la rédaction de requêtes, conclusions. L’avocat doit informer son client de toutes les actions et les recours juridiques envisageables, à l’exception des recours abusifs, dilatoires ou voués à l’échec, qu’il est tenu de déconseiller [30]. Il doit déployer sa compétence pour faire en sorte de l’emporter, mais ne garantit pas de gagner le procès : son obligation est de moyens. La représentation est plus exigeante. L’avocat va accomplir des actes de procédure au nom et pour le compte de son client. Dans le cadre de cette mission, le relâchement sera facile à établir : l’avocat doit se présenter à l’audience, respecter les délais pour agir ou exercer des voies de recours conformément à l’état du droit positif en vigueur. Finalement, la réussite de la mission ne dépend pas d’un élément aléatoire, ce qui consacre une obligation de résultat. Les exemples sont nombreux : mauvaise saisine de juridiction [31], omission à diligenter les voies de recours dont il est chargé par le client [32], etc.

L’expertise de l’avocat peut aussi être sollicitée dans le cadre d’une consultation juridique. L’avocat est alors tenu d’un devoir de conseil à titre principal. En principe, la faute de l’avocat devrait être prouvée [33]. Cependant, la jurisprudence a admis que l’avocat débiteur d’un devoir de conseil doit être en mesure d’établir qu’il a délivré à son client un conseil pertinent et précis quant à l’état du droit [34], même lorsque le droit positif était incertain, ce dont il devait faire état [35]. Le conseil doit donc être délivré avec une certaine précision technique. Même si l’avis est erroné, ce que le client doit établir [36] et qui n’est pas forcément retenu à faute, l’obligation de conseil sera réputée accomplie si le renseignement est étayé, avec une référence aux textes de loi ou à la jurisprudence. Si la preuve peut être fournie par tous moyens [37], la forme du conseil est importante, aussi la pré-constitution d’un écrit comme une lettre de reconnaissance de conseil donné, constitue sans doute le moyen le plus sûr de se prémunir de contestations relatives à l’absence de délivrance d’information [38].  

Dans le cadre de la rédaction d’actes, la responsabilité de l’avocat se rapproche de l’obligation de résultat. Outre une obligation de conseil, ici accessoire, l’avocat rédacteur d’acte est tenu d’assurer la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties. Cela implique la réalisation des formalités nécessaires pour faire en sorte que l’acte produise concrètement les effets escomptés, par exemple, en inscrivant les sûretés qui en garantissent l’exécution [39]. La jurisprudence considère que la seule constatation de l’inefficacité de l’acte est de nature à établir la responsabilité de l’avocat, qui doit répondre de ses conséquences dommageables [40] dès lors qu’il a participé à la rédaction l’acte [41], ce qui en fait une obligation particulièrement rigoureuse. L’avocat ne peut, en effet, en échapper qu’en établissant que l’acte litigieux est régulier et efficace [42], ou qu’il a été établi dans l’ignorance d’informations sciemment dissimulées ou de déclarations erronées [43]. Cette dernière constatation, qui permet un effacement de la faute, nous conduit à aborder plus généralement les méthodes d’appréciation de la faute de l’avocat.

II. La méthode d’appréciation de la faute civile de l’avocat

Mesurer la prudence et la diligence, par rapport aux données spécifiques d’une cause, nécessite d’établir au préalable ce que pouvait savoir l’agent. Hier comme aujourd’hui, « la faute est opposée à la diligence, cette dernière étant intimement liée à la prévoyance » [44]. La prudence est aussi, depuis l’Antiquité, la vertu du calcul (de risques, d’opportunité, d’anticipation), qui nécessite des informations précises. Établir la faute d’un avocat, à travers le standard du « bon professionnel », implique donc avant toute chose de vérifier ce qu’il savait ou ce que l’on peut supposer qu’il savait, les connaissances supposées (A), avant de déterminer un niveau de soins exigible (B).

A. Établir les connaissances de l’agent

La faute du professionnel du droit s’apprécie à l’aune de ses connaissances supposées, notamment au regard du droit positif, surtout de la connaissance de l’état de la jurisprudence – laquelle est dépendante de son information. Cette donnée est importante. En effet, dans certains arrêts, la Cour de cassation subordonne l’effectivité d’une jurisprudence nouvelle à la vérification de l’existence d’une publication ou d’une mesure d’information, ainsi que de l’écoulement d’un délai pour en prendre connaissance. Dans un arrêt rendu le 12 octobre 2016, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui, pour retenir la faute d’un professionnel du droit (il s’agissait ici d’un notaire), avait omis de rechercher si « l’arrêt de la Cour de cassation du 31 mai 1988 avait fait l’objet, à la date de l’intervention (de celui-ci), d’une publication ou de toute autre mesure d’information » [45]. Cette décision, qui contredit les analyses classiques relatives à l’application dans le temps d’un revirement de jurisprudence [46], est forte intéressante, car elle découle de la méthode employée par le juge – le standard du bon professionnel dans le cadre de l’appréciation de la faute, de la culpabilité : le caractère occulte de l’information initiale empêche que l’on puisse considérer l’ignorance fautive [47]. Hors faute, s’agissant de la loi, cette exigence est bien connue [48]. On pourrait se demander si la question de la transmission de l’information et du délai pour en prendre connaissance demeurerait essentielle demain, alors que les arrêts sont mis en ligne presque en temps réel, mais certaines expériences récentes, notamment la mise en ligne d’une nouvelle version du site Légifrance, nous conduisent à répondre par l’affirmative.

Sous cette réserve de l’information, il est, en effet, acquis que la jurisprudence doit être prise en compte dans ses derniers développements [49], mais en revanche, l’avocat n’est pas tenu d’anticiper un revirement de jurisprudence [50] ou à plus forte raison, une évolution du droit « imprévisible » [51]. L’ « évolution prévisible » est, en revanche, celle que l’avocat se doit de devancer. Ainsi, l’avocat doit faire valoir tous les moyens possibles, y compris « une évolution jurisprudentielle acquise dont la transposition ou l’extension à la cause dont il a la charge, a des chances de la faire prospérer » [52]. Pareillement, il ne peut se prévaloir de la méconnaissance d’une jurisprudence postérieure à son intervention pour s’exonérer de sa responsabilité, si celle-ci « ne constituait ni un revirement, ni même l’expression d’une évolution imprévisible de la jurisprudence » [53]. Pourtant, l’« évolution prévisible » du droit évoquée nous semble devoir être comprise très strictement. En effet, indépendamment des faits d’une cause, une évolution jurisprudentielle, comme une réforme éventuelle ou même annoncée, n’est jamais certaine tant qu’elle n’est pas intervenue… Il ne peut donc s’agir que de l’extension d’une jurisprudence acquise aux circonstances factuelles du litige dont est saisi l’avocat ou la transposition d’une jurisprudence établie dans une cause où celle-ci a des chances d’être accueillie. Et quand bien même un revirement serait intervenu, faut-il rappeler que les juges ne se prononcent pas au-delà de l’espèce dont ils sont saisis ? Est-ce une faute juridique de se tromper sur une évolution du droit, même prévisible ?

B. Déterminer le degré de soins « raisonnable »

Pour apprécier la faute du professionnel, il est nécessaire de procéder à une appréciation qui dépasse la simple méconnaissance par le professionnel du droit positif. Le relâchement d’attention, l’imprévoyance, la négligence voire la déloyauté d’un avocat ne constituent pas systématiquement une faute juridique. Le juge, saisi d’un écart de conduite, précisément à l’aune des connaissances et de l’expérience de l’avocat, vérifie si cet écart est contraire aux exigences de l’ordre juridique. Outil de la mise en équilibre des intérêts en présence, le standard du bon professionnel, lui fournit une marge d’appréciation [54].

La faute civile est éminemment relative, ce qui signifie qu’elle dépend de l’activité exercée et de la mission définie par la convention [55] – qui pour être menée à bien exige de déployer quelque diligence –, mais également de la relation de confiance qui unit le client avec l’avocat.

Cette dernière ressurgit ainsi sur l’exigence de prudence et de diligence, qui peut être accrue en présence de certaines circonstances objectives. « La comparaison à partir de laquelle sera déterminé in abstracto si le comportement de l’agent est conforme ou non à la loyauté », écrit M. Stoffel-Munck, « devra donc veiller à intégrer ces circonstances si elles se présentent dans la réalité » [56].  Dans cette perspective, l’économie de la convention conclue entre l’avocat et son client peut être une première donnée importante dans la fixation du degré de diligence exigible. On dit quelquefois que la responsabilité de l’avocat est calquée sur celle du mandataire salarié que le code traite plus sévèrement que le mandataire gracieux [57]. C’est ici l’intérêt commun qui relèverait le niveau d’exigence dans l’appréciation des négligences : « quiconque fait des affaires doit être sur ses gardes » [58]. De la même manière, il ne paraît pas inconcevable d’imaginer que l’ancienneté de la relation contractuelle d’un avocat et de son client, au fil des consultations successives, impacte l’étendue des informations exigibles au titre du devoir de conseil. En revanche, le degré de diligence exigé semble moins impacté par des considérations plus subjectives. Ainsi, les compétences personnelles du client ne déchargent pas l’avocat de ses obligations professionnelles [59], de même que l’intervention aux côtés du client d’un autre professionnel du droit [60].

L’exercice de certaines activités spécifiques emporte une soumission à des règles de nature extra-juridiques. Lorsque le juge civil doit déterminer le degré de soin exigible d’un professionnel, il trouvera souvent une indication utile et « positive » en se référant aux corps de règles, de nature variée, qui peuvent s’appliquer à l’activité considérée [61]. Ainsi, les règles déontologiques de l’avocat ont pour finalité spécifique de fixer les devoirs des membres de la profession dans le cadre de son exercice et sont assorties de sanctions disciplinaires. Le règlement du barreau ne saurait générer en principe d’obligation civile ou contractuelle à l’égard du client de l’avocat. Cependant, le « Code de déontologie » des avocats ou « RIN » adopté en 2015 consacre une certaine porosité des fautes civile et déontologique [62]. Récemment, la Cour de cassation a rendu un arrêt dans lequel elle a affirmé que : « Si l’action disciplinaire prévue à l’article 22 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) se distingue de l’action en responsabilité civile, la méconnaissance des dispositions du RIN (Règlement intérieur national) peut être invoquée à l’appui d’une demande indemnitaire » [63]. Le constat d’une faute disciplinaire peut suffire à établir une faute civile et engager la responsabilité civile de son auteur, si elle a causé un préjudice au demandeur.

Plus précisément, l’avocat peut être actionné par son client ou par un tiers, au gré des circonstances, et se voir reprocher des manquements « techniques » ou « éthiques ». Les premiers seront sanctionnés indépendamment de tout reproche disciplinaire : l’oubli d’un délai ou d’une mention obligatoire ne traduit pas un mépris du serment. Les seconds seront sanctionnés civilement parallèlement au contentieux disciplinaire, par ex., si l’avocat dissipe les fonds de son client ou les remet à quelqu’un d’autre qui les détourne, ou encore si l’avocat omet de prévenir son client en temps utile qu’il se décharge du dossier. L’avocat, le professionnel du droit, le joueur sportif, l’homme de l’art, se préserve souvent de l’engagement de sa responsabilité civile [64] s’il observe les usages de sa profession, les règles de l’art ou du sport qu’il pratique. Et certains arrêts déduisent à l’inverse la qualification de faute civile d’un manquement aux règles déontologiques [65]. Mais cela ne doit pas être systématique. Les deux instances, civile et disciplinaire, poursuivent des finalités différentes, de sorte que les fautes civiles et disciplinaires ne se recoupent qu’imparfaitement. Toute entorse à la déontologie ne constitue pas une faute civile [66] et l’absence de poursuites disciplinaires, elle n’exonère pas civilement l’auteur du dommage, c’est ici une autre illustration de la relativité de la faute.

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[1] H. Causse, Consultation juridique sur la faute et la responsabilité de l'avocat (ou autre professionnel du droit). Une mission presque facile ? A propos de quelques arrêts de 2010., 15 novembre 2010, [en ligne].

[2] Une assurance de représentation des fonds garantit le client contre la malhonnêteté de l’avocat, qui pourrait consister en un abus de confiance, dans le cas de figure par exemple ou l’avocat détournerait des fonds de leur usage normal.

[3] R. Bigot, La faute intentionnelle ou le phœnix de l’assurance de responsabilité civile professionnelle, RLDC, 2009, 59, n° 3406, p. 72-77 ; Le radeau de la faute intentionnelle inassurable, bjda.fr, 2018, n° 57.

[4] Cass. civ. 1, 8 janvier 2020, n° 18-19.782 et 18-19.832, F-D (N° Lexbase : A46743AD), Lexbase avocats, 6 février 2020, n° 300, obs. R. Bigot : « […] de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu déduire que M. R... avait eu la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu, commettant ainsi une faute intentionnelle exclusive de la garantie de l’assureur, au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH) ».

[5] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 26 (N° Lexbase : L6343AGZ) dispose que « les instances en responsabilité civile contre les avocats suivent les règles ordinaires de procédure ».

[6] A. Tunc, À propos de la responsabilité civile, RTD civ., 1992, 356, concernant la licéité du contrat d’assurance de responsabilité civile : « on pourra désormais, par une cotisation annuelle, s’éviter l’application de l’article 1382, ne plus répondre du dommage que l’on cause à autrui par sa faute ».

[7] Certains clients, conscients de ces facilités, n’hésitent plus à mettre en cause la responsabilité civile de leur avocat, afin d’obtenir indirectement une compensation du préjudice qu’ils rattachent à la faute de leur avocat.

[8] Y. Avril, La responsabilité civile de l’avocat : première partie, Gaz. Pal., 2002, n° 346, p. 6, spéc. n° 4.

[9] Faute de contrat, la responsabilité de l’avocat désigné par le bâtonnier en suppléance de son confrère est en revanche de nature délictuelle à l’égard du client de ce dernier : Cass. civ. 1, 5 mai 2004, n° 01-15.925, F-P+B (N° Lexbase : A0453DCR).

[10] « Même s’il se voit attribuer une valeur marchande et prend ainsi une coloration économique, un service se prête ou se rend, mais il ne se vend pas, car c’est avant tout la personne qui sert par sa compétence et son savoir-faire, et le travail ne se vend pas. » : A. Sériaux, Contrats civils, coll. Droit fondamental, P.U.F., 1ère éd., 2001, n° 110, p. 261.

[11] Ibidem.

[12] A. Sériaux, op. cit., n° 132, p.  329, note n° 2 ; v. CPC, art. 411 (N° Lexbase : L6512H7C) : « Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. » Ce mandat est appelé mandat ad litem. V. égal., H. Croze, Le partage de responsabilité entre les avocats et les autres auxiliaires de justice (avoués à la cour, huissiers de justice), Justice, 1997, n° 5, p. 79.

[13] F. G’sell, La responsabilité de l’avocat, entre droit commun et droit spécial, in Actes du colloque organisé à la Faculté de Droit, de sciences économiques et de gestion de l'Université de Rouen le 3 octobre 2019 en hommage au Professeur Suzanne Carval, RLDC, 2020, n° 179.

[14] Par ex., avec le décret n° 2005‐790 du 12 juillet 2005 portant règlement intérieur national (N° Lexbase : L6025IGA). Le manquement à certaines de ces obligations déontologiques peut entraîner une responsabilité déontologique et une responsabilité civile de l’avocat si les conditions de cette dernière sont réunies.

[15] CJUE, 15 janvier 2015, aff. C‐537/13, Birute iba c/ Arunas Devenas (N° Lexbase : A1934M9I) : la directive 93/13, relative aux clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (N° Lexbase : L7468AU7) s’applique à des contrats standardisés de services juridiques, conclus par un avocat avec une personne physique qui n’agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle. On peut aussi douter de la validité des clauses élusives ou limitatives de responsabilité insérées par l’avocat professionnel à l’encontre de son client particulier : M. Béhar-Touchais, La responsabilité des professionnels du droit : rapport français, in La Responsabilité, aspects nouveaux, Travaux de l’Association Henri Capitant, Journées panaméennes, t. 1, 1999, spéc. p. 513, n° 16.

[16] V. par ex., G. Viney, Introduction à la responsabilité, in Traité de droit civil, dirigé par J. Ghestin, 4ème éd. 2020, n° 345.

[17] Cass. civ. 2, 7 octobre 2004, n° 02-14.264, F-P+B (N° Lexbase : A5588DDC).

[18] Cass. civ. 1, 6 octobre 1993, n° 91-16.658 (N° Lexbase : A3696ACU).

[19] CA Nîmes, 11 septembre 2007, n° 2007, — n° 34-3804.

[20] Cass. civ. 2, 12 juillet 2007, n° 05-20.715, F-D (N° Lexbase : A4577DXS).

[21] Ass. Plén., 6 octobre 2006, n° 05-13.255 (N° Lexbase : A5095DR7).

[22] Ass. Plén., 13 janvier 2020, n° 17-19.963 (N° Lexbase : A85133AK).

[23] Cass. civ. 1, 18 mai 2004, n° 01-13.844, F-P (N° Lexbase : A1912DCS).

[24] Cf. C. civ., anc. art. 1135 : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » ; comp. la rédaction du nouvel art. 1194 C. civ. (N° Lexbase : L0910KZQ) : « Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi ».

[25] Le décret n° 2005‐790 du 12 juillet 2005, portant « code de déontologie » (N° Lexbase : L6025IGA) prévoit que « l’avocat fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence » (art. 3, al. 3), ce qui introduit une confusion dans la mesure où ces devoirs de compétence et de prudence et diligence sont tout autant, si ce n’est plus, juridiques que proprement déontologiques.

[26] Dans le même sens, v. F. G’sell, art. préc.

[27] Cass. civ. 1, 7 octobre 1998, n° 96‐13.614 (N° Lexbase : A5096CGT). Sur l’appréciation de la faute, v. infra, II.

[28] H. Mazeaud, Essai de classification des obligations : obligations contractuelles et extra-contractuelles ; « obligations déterminées » et l’ « obligation générale de prudence et de diligence », RTD civ., 1936, pp. 1-58, spéc. n° 50 : « on peut dire (…) que chaque fois qu’il s’agit d’une « entreprise aléatoire » (guérison, défense d’intérêts en justice, etc.), l’obligation doit, en principe, être considérée comme une simple obligation générale de prudence et de diligence ».

[29] Cass. civ. 1, 19 juin 2019, n° 18-18.613, F-D (N° Lexbase : A3006ZGG).

[30] Cass. civ. 1, 23 novembre 2004, n° 03-15.090 et n° 03‐16.565 (N° Lexbase : A0372DEI).

[31] Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, n° 09-15.453, F-D (N° Lexbase : A8633GBD).

[32] Cass. civ. 3, 1 décembre 2004, n° 03-14.033, F-S-P+B (N° Lexbase : A1310DEA).

[33] F. Viney, À propos de la preuve de l’exécution de l’obligation d’information, JCP, 2014, 879, spéc. n° 6 s..

[34] Cass. civ. 1, 29 avril 1997, Bull. civ. I, n° 132. – V. C. civ., art. 1112-1, al. 4 (N° Lexbase : L0598KZ8) issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK) : « Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie ».

[35] Cass. civ. 1, 6 février 2013, n° 12‐14.433, F-D (N° Lexbase : A6372I77).

[36] Cass. civ. 1, 24 avril 2013, n° 12-17.627, F-D (N° Lexbase : A6747KCU).

[37] Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I (N° Lexbase : A9962KBL), Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 13-14.598, F-D (N° Lexbase : A0763MKH).

[38] F. Viney, art. préc., spéc. n° 16 et s., M. Béhar-Touchais, art. préc., spéc. n° 13, p. 513.

[39] Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89‐13.528 (N° Lexbase : A4419AH7).

[40] Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, n° 09-13.840, F-P+B (N° Lexbase : A8623GBY).

[41] Cass. civ. 1, 9 mars 2004, n° 01-17.951, F-D (N° Lexbase : A4832DBL).

[42] Cass. civ. 1, 19 mars 2002, n° 99-17.886 (N° Lexbase : A2999AYQ).

[43] Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-70.767, F-P+B+I (N° Lexbase : A3360GLZ), Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-22.665, F-D (N° Lexbase : A5485KIY).

[44] J.-P. Dunand, B. Schmidlin et B. Winiger, Droit privé romain, II, Obligations, Bruylant, Schulthess, 2010, p. 204. – Sur l’appréciation de la faute civile en général, v. F. Viney, La personne raisonnable [Le bon père de famille et le plerumque fit], Contribution à l’étude de la distinction des standards normatifs et descriptifs, thèse, Paris I, (dir.) G. Loiseau, 2013.

[45] Cass. civ. 1, 12 octobre 2016, n° 15-18.659, F-P+B (N° Lexbase : A9748R78) (notaire). V. sur cet arrêt, notre note : Nul professionnel n’est censé ignorer… la jurisprudence ?, Les Petites Affiches, 2017, n° 101, 18.

[46] V. F. Viney, note préc.

[47] V. Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-70.767, F-P+B+I (N° Lexbase : A3360GLZ), Cass. civ. 1, 3 juillet 2013, n° 12-22.665, F-D (N° Lexbase : A5485KIY), précités.

[48] Ainsi, l’entrée en vigueur d’une loi est en principe prévue au lendemain de sa publication au JORF (C. civ., art. 1er), lorsqu’elle est censée être connue des personnes qu’elle intéresse. – Sur ce point, v. F. Viney, note préc.

[49] Cass. civ. 1, 5 février 2009, n° 07‐20.196, F-P+B (N° Lexbase : A9489ECG), Cass. civ. 1, 5 mars 2009, n° 07-21.116 (N° Lexbase : A17564ER).

[50] Cass. civ. 1, 15 décembre 2011, n° 10‐24.550, F-P+B+I (N° Lexbase : A2907H88).

[51] Cass. civ. 1, 5 février 2009, préc (N° Lexbase : A9489ECG).

[52] Cass. civ. 1, 12 octobre 2016, n° 15‐27.234 (N° Lexbase : A9674R7G) et n° 15-18.659 (N° Lexbase : A9748R78), Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-15.899, FS-P+B (N° Lexbase : A9822EGU).

[53] Cass. civ. 1, 22 mai 2008, n° 06-17.080, FS-D (N° Lexbase : A7013D8A).

[54] F. Viney, La personne raisonnable, thèse préc., spéc. part. II, titre II.

[55] V. supra, spéc. IB.

[56] V. Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, thèse, préf. R. Bout, coll. Bibliothèque de droit privé, tome 337, L.G.D.J., 2000, n° 247 p. 215. Pour M. Stoffel-Munck, ces circonstances objectives sont « l’ancienneté dans les rapports d’affaires, de la communauté d’intérêts, et de la situation de dépendance dans laquelle l’un se trouve à l’égard de l’autre » (ibidem).

[57] C. civ., art. 1992 (N° Lexbase : L2215ABN) : « Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion (al. 1er). Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. » (al. 2)

[58] Ihering l’expliquait à merveille à propos des contrats en droit romain : « quiconque veut réaliser des bénéfices doit être sur ses gardes. Pour faire des affaires, il faut déployer le zèle et l’intelligence de l’homme d’affaires (diligens pater familias). Dans tous les contrats onéreux, donc, les deux parties répondent de culpa levis : ce n’est que dans ceux qui établissent ou supposent un certain rapport personnel plus étroit, comme dans la société et la dot, que la culpa levis se tempère jusqu’à la diligentia quam suis rebus. Dans les rapports gratuits, au contraire, celui qui reçoit une libéralité, qui réalise un gain, est tenu de culpa levis, tandis que celui qui fait la libéralité, c’est-à-dire celui qui fait un sacrifice ne doit répondre que de la culpa lata » et a fortiori du dol (dolus) : R. V. Ihering, De la faute en droit privé, in Études complémentaires de l’Esprit du droit romain, traduction O. de Meulenaere, Paris, 1880, spéc. pp. 60-61.

[59] Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-18.968, F-D (N° Lexbase : A1157IQW) ; Cass. civ. 1, 17 janvier 2018, n° 16-28.100, F-D (N° Lexbase : A8823XAZ).

[60] Cass. civ. 1, 9 février 2012, n° 11-10.893, F-D (N° Lexbase : A3668ICT).

[61] N. Dejean de la Bâtie, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, thèse, préf. H. Mazeaud, coll. Bibliothèque de droit privé, tome 57, L.G.D.J., 1965, n° 206 et s.

[62] V. supra, note 25.

[63] Cass. civ. 1, 24 octobre 2019, n° 18-23.858 (N° Lexbase : A6551ZSG).

[64] V. par ex., Cass. Req., 6 janvier 1947, Gaz. Pal., 1947., 1., 119.

[65] Cass. civ. 1, 23 novembre 2004, n° 03-15.090 et 03-16.565, F-P+B (N° Lexbase : A0372DEI).

[66] Cass. civ. 1, 4 mai 1982, D., 1983., IR, 378, Cass. com., 21 juin 1988, Bull. civ. IV, n° 210.

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