Le Quotidien du 27 juillet 2020 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Quelle sanction pour l’avocat qui fabriquait des fausses décisions de Justice ?

Réf. : CA Aix-en-Provence,10 juillet 2020, n° 19/19864 (N° Lexbase : A02983RH)

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par Marie Le Guerroué

le 02 Septembre 2020

► Est adaptée et proportionnée la sanction de l'interdiction temporaire d'exercer la profession d'avocat pour une durée de trois ans dont un an avec sursis à l’encontre de l’avocat qui avait fabriqué deux fausses décisions de Justice (CA Aix-en-Provence, 10 juillet 2020, n° 19/19864 N° Lexbase : A02983RH).

Faits/procédure. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nice avait saisi le conseil régional de discipline de la cour d'appel d'Aix-en-Provence de poursuites disciplinaires à l'encontre d’un avocat pour avoir fabriqué deux fausses décisions de Justice :

  • un jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice ;
  • une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice.

Lors de son audition par le rapporteur disciplinaire, il avait spontanément reconnu être l'auteur des deux décisions en cause. Il avait déclaré que son client était persuadé qu'il avait engagé la procédure en fixation d'astreinte et qu'ayant été débouté de la procédure de référé engagée en 2017, il lui avait demandé des explications, de sorte qu'il avait fabriqué les deux décisions pour les lui remettre. L’avocat indiquait avoir fabriqué lui-même les deux fausses décisions en inventant les noms du magistrat et du greffier et en s'inspirant de décisions rendues en la matière. Il avait également fabriqué le faux tampon du greffe en procédant à un copier-coller d’une vraie décision. Il déclarait avoir bien eu conscience de faire des faux mais s'être senti acculé sous la pression de son client, ce qui l'avait amené à commettre « l'irréparable ». Il avait remis ces décisions à son client mais ne les avait pas communiquées à l'avocat qui avait pris sa suite et n'avait demandé aucuns honoraires pour ces fausses procédures. Le conseil régional de discipline a retenu que l’avocat avait manqué aux principes essentiels de la profession d'avocat énoncés à l'article 1.3 du réglement interieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) et avait prononcé contre lui la sanction d'interdiction temporaire d'exercer la profession d'avocat pendant une période de trois ans dont un an avec sursis. L’avocat avait formé appel de cette décision. Devant la cour, il ne remet pas en cause sa culpabilité pour les faits poursuivis et sanctionnés mais conteste la sanction prononcée qu'il juge trop lourde.
Réponse. La cour rappelle qu’en application des articles 183 et 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), toute contravention aux lois et règlements, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extra-professionnels, expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions suivantes :

  • l'avertissement ;
  • le blâme ;
  • l'interdiction temporaire qui ne peut excéder trois années ;
  • la radiation du tableau des avocats.

Elle note que les faits commis par l’avocat sont d'une extrême gravité de la part d'un avocat, s'agissant de la fabrication de faux, a fortiori de fausses décisions de Justice, dans le but de tromper son client. Une telle faute représente, outre une violation de la loi pénale, un manquement grave aux obligations de dignité, conscience et probité auxquelles est tenu un avocat en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 et aux termes de son serment, ainsi qu'aux principes de loyauté, de délicatesse et de prudence qui constituent les principes essentiels de la profession d'avocat en application de l'article 1.3 du RIN. Elle porte atteinte à la confiance que doit avoir le justiciable dans les auxiliaires de justice et au crédit que celui-ci doit accorder aux décisions de Justice. Même si l’avocat indique que ce qu'il a fait ne correspond pas à sa personnalité, il n'en demeure pas moins qu'après avoir menti à deux reprises à son client, en 2015 et en 2017, sur l'existence des deux procédures, il a ensuite procédé en 2018 à ces deux falsifications avec une grande minutie et en pleine conscience de l'organisation d'une tromperie à l'égard de son client. Le fait qu'il ne lui ait pas demandé d'honoraires pour ces fausses procédures ne constitue pas une circonstance atténuante. Seule la sanction de l'interdiction temporaire qui a été prononcée est appropriée à la gravité des fautes. En l'assortissant pour partie du sursis, le conseil régional de discipline a tenu compte de la personnalité de celui-ci, du fait qu'il n'avait jamais été sanctionné au cours de ses vingt-deux années d'exercice professionnel et de la circonstance qu'il a pu s'être senti en situation de détresse financière et psychologique au moment des faits.
La sanction prononcée pour une durée de trois ans dont un an avec sursis apparaît, pour la cour, tout à fait adaptée et proportionnée et que la décision critiquée est confirmée.

Pour aller plus loin : Etude : Le régime disciplinaire de la profession d'avocat, La procédure d'interdiction provisoire d'exercice de la profession d'avocat, in La profession d’avocat, Lexbase (N° Lexbase : E6920ETH).

 

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