Le Quotidien du 13 janvier 2020 : Concurrence

[Brèves] Sanction de Google, par l’Autorité de la concurrence, à hauteur de 150 millions d’euros pour abus de position dominante

Réf. : Aut. conc, communiqué de presse du 20 décembre 2019

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[Brèves] Sanction de Google, par l’Autorité de la concurrence, à hauteur de 150 millions d’euros pour abus de position dominante. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56028656-breves-sanction-de-google-par-lautorite-de-la-concurrence-a-hauteur-de-150-millions-deuros-pour-abus
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par Vincent Téchené

le 08 Janvier 2020

► Google a abusé de la position dominante qu’elle détient sur le marché de la publicité liée aux recherches, en adoptant des règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire Google Ads opaques et difficilement compréhensibles et en les appliquant de manière inéquitable et aléatoire ;
Il lui est en conséquence infligé une sanction de 150 millions d’euros et il lui est enjoint de clarifier la rédaction des règles de fonctionnement de Google Ads, ainsi que la procédure de suspension des comptes.

Tel est, selon un communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence, le sens d’une décision du 20 décembre 2019 (Aut. conc, communiqué de presse du 20 décembre 2019), celle-ci n’étant, pour l’instant, pas publiée.

L’affaire. Une société édite des sites d’informations sur la météo, les données d’entreprises et les renseignements téléphoniques, dont certains offrent des services payants. A la suite de la suspension sans préavis de son compte Google Ads (anciennement AdWords), elle a saisi l’Autorité, par une demande de mesures conservatoires et une saisine au fond pour pratiques anticoncurrentielles. Elle estimait que la procédure suivie par Google et les motifs de la suspension n’étaient pas objectifs, transparents, et non discriminatoires.

Par une décision du 9 septembre 2015 (Aut. conc., décision n° 15-D-13 N° Lexbase : X5397APL), l’Autorité de la concurrence avait rejeté la demande de mesures conservatoires, en estimant que les conditions d’urgence n’étaient pas réunies. Elle avait cependant décidé de poursuivre l’instruction au fond du dossier, laquelle a abouti à la condamnation de Google.

La décision. Le fonctionnement de la plateforme Google Ads est encadré par des règles, définies par Google, qui précisent les conditions dans lesquelles un annonceur peut diffuser de la publicité et que chaque annonceur doit expressément s’engager à respecter pour pouvoir ouvrir un compte. En cas de non-respect de ces règles, Google peut refuser les annonces, bloquer les sites, ou même suspendre les comptes des annonceurs, qui ne peuvent alors plus passer aucune annonce via Google Ads.

Des règles imprécises.

Compte tenu de sa position dominante (plus de 90 % des recherches effectuées en France et probablement plus de 80 % sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches), renforcée par l’existence de très fortes barrières à l’entrée, Google est tenue de définir les règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire de manière objective, transparente et non discriminatoire. Or, pour l’Autorité, la formulation des règles ne repose sur aucune définition précise et stable, ce qui donne toute latitude à Google pour les interpréter selon les situations. Ainsi, la règle sur la «vente d’articles gratuits» interdit, sans autre forme de précision, le fait de «facturer des frais aux utilisateurs pour des produits ou services qui sont normalement gratuits». Or, le caractère «normalement gratuit» d’un service n’est pas aisément déterminable.

Des changements de position dans l’interprétation des règles.

L’Autorité relève également que Google a modifié fréquemment sa position sur l’interprétation des règles, cette instabilité ayant pour effet de maintenir certains annonceurs dans une situation d’insécurité juridique et économique, ces derniers étant exposés à des changements de position de Google, et donc à la suspension de leur site ou même de leur compte, qu’ils ne peuvent pas anticiper. Les équipes d’assistance de Google, avec lesquelles les annonceurs peuvent dialoguer, éprouvent parfois elles-mêmes des difficultés à comprendre la portée et la teneur des règles et ont parfois même été jusqu’à mettre les clients qu’ils accompagnaient en risque vis-à-vis de ces règles.

Des modifications des règles non transmises aux sites.

Par ailleurs, l’Autorité note que le contenu des règles a évolué à de nombreuses reprises au cours de la période couverte par l’instruction, sans que ces changements de contenu n’aient fait l’objet d’une information ou d’une notification auprès des annonceurs concernés. Ainsi, Google n’a pas appliqué ce qu’elle avait pourtant annoncé à l’Autorité dans le cadre de l’affaire «Navx» (Aut. conc., décision 10-D-30 du 28 octobre 2010 N° Lexbase : X3971AHK) examinée par l’Autorité en 2010 qui s’était achevée par une approbation des engagements de Google. Cette instabilité des règles a pour effet de maintenir certains annonceurs dans une situation d’insécurité juridique et économique, ces derniers étant exposés à des changements de position de Google, et donc à la suspension de leur site ou même de leur compte, qu’ils ne pouvaient pas anticiper.

Des règles appliquées de manière discriminatoire.

L’Autorité relève également que, à l’instar de la requérante, plusieurs sites ont été suspendus alors que d’autres, aux contenus similaires, ne l’étaient pas. Google a en outre appliqué ses propres règles de façon incohérente. Ainsi, les équipes commerciales de Google ont pu proposer un accompagnement commercial pour promouvoir des sites précédemment suspendus. Cela a pu conduire à exposer des utilisateurs à des annonces contraires à leurs intérêts.

Des pratiques graves et qui ont pu décourager le développement de sites innovants.

Selon l’Autorité, l’objectif de protection du consommateur, affiché par Google, est parfaitement légitime mais il ne saurait justifier que Google traite de manière différenciée et aléatoire des acteurs dans des situations comparables. Google ne peut pas suspendre le compte d’un annonceur au motif qu’il proposerait des services qu’elle estime contraire aux intérêts du consommateur, tout en acceptant de référencer et d’accompagner sur sa plateforme publicitaire des sites qui vendent des services similaires. En outre, la règle sur la «vente de services gratuits» a pu conduire les sites à favoriser une politique de contenus fondée sur la gratuité couplée à la publicité, modèle très présent dans l’écosystème des produits Google. En effet, afin de ne pas être pris en défaut sur la règle d’interdiction de vente de services gratuits, des sites ont pu revoir leur modèle économique en proposant exclusivement des services non payants pour les utilisateurs, et financés, indirectement, par la vente d’espace publicitaires via la publicité «display» pour laquelle Google propose ses services. Ces pratiques ont nui également aux sites à faible notoriété. Enfin, l’Autorité relève que Google a mis en œuvre ces pratiques alors même qu’elle a été régulièrement alertée sur l’importance du respect des règles de concurrence.

Les sanctions prononcées.

Au vu des éléments du dossier, l’Autorité a prononcé à l’encontre de Google une sanction de 150 millions d’euros. Elle ordonne également à Google de :
- clarifier la rédaction des règles de sa plateforme publicitaire Google Ads et de revoir les procédures d’information concernant les modifications des règles (notification individuelle deux mois avant le changement de règle) ;
- clarifier les procédures de suspension des comptes afin d’éviter que celles-ci ne revêtent un caractère brutal et injustifié ;
- mettre en place des procédures d’alerte, de prévention, de détection et de traitement des manquements à ses règles, afin que les mesures de suspension de sites ou de comptes Google Ads soient strictement nécessaires et proportionnées à l’objectif de protection de consommateur.

A ce titre, Google devra organiser une formation annuelle obligatoire à destination des personnels chargés de l’accompagnement personnalisé des entreprises présentes sur Google Ads afin que les équipes soient suffisamment informées du contenu et de la portée des règles Google Ads, ainsi que des risques que leurs clients et les utilisateurs encourent s’ils ne les respectent pas.

Google devra également communiquer, chaque année, à l’Autorité un rapport précisant notamment le nombre de plaintes déposées à son encontre par les internautes français, le nombre de sites et comptes suspendus, la nature des règles violées et les modalités de la suspension.

Par ailleurs Google devra présenter à l’Autorité :
- dans un délai de 2 mois, un rapport détaillant les mesures et procédures qu’elle compte mettre en œuvre pour se conformer aux injonctions ;
- dans un délai de 6 mois, un rapport détaillant l’ensemble des mesures et procédures qu’elle a effectivement mises en place.

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