La lettre juridique n°797 du 3 octobre 2019 : Avocats/Procédure

[Jurisprudence] D’un courriel, à l’audience, convoqué tu seras

Réf. : Cass. crim., 24 juillet 2019, n° 19-83.412, F-P+B+I (N° Lexbase : A9574ZKS)

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par Frederick Dupuis, Avocat au Barreau de Toulouse et Docteur en droit

le 02 Octobre 2019


Mots-clés : Convocation • Avocat • Courriel• Mail • Preuve de réception


 


Résumé : La convocation de l’avocat du prévenu à une audience correctionnelle portant sur une demande de mise en liberté peut se faire par simple courriel sans justificatif de réception.


 

Une dématérialisation confortée - Les dernières réformes en procédure, tant civile que pénale, s’échinent vers la simplification, selon les dires du législateur, visant à faciliter le déroulement des audiences, leur célérité, l’accès à la Justice, mais aussi à désengorger les juridictions. Il est vrai que ces dernières croulent sous des obligations administratives qui n’aident aucunement le développement durable, et qu’il est enfin temps de faire preuve d’écologie dans nos tribunaux. Pour autant, la simplification à outrance fait perdre de vue certains objectifs et la Cour de cassation vient à nouveau conforter le désintérêt des droits de la défense au profit de la facilité pour les modes de convocation d’un avocat à une audience portant sur la mise en liberté d’un prévenu.

Un palmarès alléchant - Un prévenu fait appel d’une décision du tribunal correctionnel de Fort-de-France en date du 28 novembre 2018 le déclarant coupable et le condamnant par jugement contradictoire à signifier à une peine de douze ans d’emprisonnement, avec une période de sûreté de huit ans des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, contrebande de marchandise prohibée, association de malfaiteurs, blanchiment, faux administratif, détention et usage. Le tribunal décerne également mandat d’arrêt. Le 29 janvier 2019, il est incarcéré en exécution de la peine prononcée. Le 9 mars 2019, le prévenu dépose une demande de mise en liberté. Le 2 mai 2019, la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Fort-de-France rejette la demande de mise en liberté à la suite de débats tenus en présence du prévenu, mais en l’absence de son conseil, et c’est bien là toute la difficulté. L’avocat du prévenu estime que les formalités de convocation le concernant n’ont pas été respectées, fondement du pourvoi en cassation.

Un souci de réception - Le conseil du prévenu a reçu sa convocation par un simple courrier électronique en date du 20 mars 2019. Le dossier ne comporte aucune indication quant au fait que l’avocat l’ait bien reçu. Il invoque donc à l’appui de son pourvoi l’illégalité de sa convocation et la nullité de l’audience qui a eu lieu en son absence.

La Cour de cassation rejette pourtant ses prétentions. Elle estime que les dispositions légales ont été parfaitement respectées puisqu’elle est en mesure de s’assurer, au vu des pièces de la procédure, qu’un avis d’audience a été adressé au conseil par courrier électronique, conformément à l’article 148-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5550DY9). En outre, aucune disposition légale n’exige que figure au dossier un justificatif de la remise de l’envoi à son destinataire, il suffit que soit conservé une trace écrite.

Une modernisation dissonante - Le législateur fait preuve de modernisme pour diversifier les modes de convocation des avocats aux audiences, tenant de faire entrer la Justice dans l’ère du numérique en lui octroyant des flexibilités quant aux possibles modes de transmission des convocations (I). Pour autant, simplifier grâce aux outils technologiques les modes de convocation ne doit pas se faire au détriment d’une certaine sécurité, ce que ne semble pas considérer la Cour de cassation au regard de l’interprétation rigide qu’elle adopte (II).

I - Les prétentions flexibles quant à la transmission de la convocation

Une double finalité orchestrée - La présence des parties est un indispensable à chaque décision, mais également celle de leurs conseils (A), garantissant les droits de la défense. Dès lors, le législateur a dû se creuser les méninges pour présenter des modes de convocation garantissant la présence des conseils, tout en préservant une facilité d’utilisation pour les juridictions, au regard notamment de la modernisation des procédures (B).

A – La présence requise du conseil

Une acteur indispensable - Une audience pénale doit être composée de l’ensemble de ses protagonistes, magistrats, greffiers, mais aussi et surtout parties au procès. Il est donc indispensable que chacun soit correctement convoqué pour s’assurer de sa présence, ce qui n’est pas toujours une sinécure. La convocation des justiciables, tant la partie civile que le prévenu ou l’accusé assure une audience efficace et le respect des droits de chacun, ce qui se trouvera renforcé par la présence des avocats respectifs. Le prévenu ou la partie civile qui se présentent seuls à l’audience, sans leurs conseils, ne peuvent correctement se défendre, ce qui remet en cause foncièrement la qualité de la décision rendue. La juridiction doit donc être particulièrement vigilante quant à la convocation de chacun de ces acteurs.

Des droits garantis - La convocation à l’audience permet à l’avocat de consulter le dossier, le préparer avec son client, et, au besoin, de rédiger des écritures et de réunir des pièces [1]. Il s’agit de «prescriptions essentielles aux droits des parties et doivent être observées à peine de nullité» [2]. D’ailleurs, la Cour de cassation va désormais plus loin, estimant que l’absence de convocation de l’avocat au débat contradictoire porte «nécessairement atteinte aux intérêts» [3], il n’est donc nul besoin de démontrer un quelconque grief [4]. L’avocat a besoin d’un temps certain pour l’ensemble de ces démarches, qui doivent parfois être réalisées dans l’urgence, et, forcément, au détriment d’une bonne préparation.

Des pratiques discutables - La juridiction, ou le ministère public selon la disposition légale, doivent convoquer chacun des acteurs à l’audience à venir. Cette obligation semble facile à respecter, reste à tenir compte des difficultés techniques et de certaines pratiques. Selon le mode retenu par la loi pour la convocation, les juridictions se verront opposer des résistances techniques, reposant parfois sur la vétusté de leur matériel. Mais il existe aussi certains usages qui compliquent grandement les situations. Même si les textes sont clairs, qu’un détenu doit être informé par l’établissement pénitentiaire et signer la convocation auprès du greffe de cet établissement, il est fréquent que ce soit son conseil qui le prévienne, notamment dans le cadre de la phase d’instruction. Sans l’intervention de son avocat, le détenu sera souvent réveillé tôt le matin pour partir avec son convoi, et non préparé, tant psychologiquement que physiquement à l’audience à venir, ce qui pourra se révéler désastreux lors de son audience. Il est courant de rencontrer cette situation pour les auditions devant le juge d’instruction ou devant le juge des libertés et de la détention pour la prolongation de la détention. Les juridictions préviennent les établissements pénitentiaires, outre la demande d’extraction, mais ces derniers «oublient» d’informer le détenu. Si son avocat n’est pas dûment averti de l’audience à venir, il est quasiment certain que le détenu ne le sera pas non plus.

Le cas inverse est également parfaitement vrai. Un détenu averti d’une audience prochaine aura des difficultés à prévenir son avocat si ce dernier ne prend pas soin de venir le visiter régulièrement. Le détenu pourra contacter son conseil s’il a pensé à en solliciter l’autorisation [5], ou pourra lui écrire un courrier, en tenant compte du fait qu’il doit disposer du matériel nécessaire (papier, timbre, enveloppe), et du temps incompressible à la délivrance de la missive. Pour celui qui n’a pas d’avocat, la difficulté est renforcée. Il doit en contacter un, que ce dernier obtienne un permis et qu’il puisse utilement le visiter après avoir consulté le dossier. Le plus souvent, il le fera juste avant l’audience, ayant à sa disposition dans les mêmes locaux le client et le dossier, à condition que l’audience ne se fasse pas en visioconférence…

Et persévérantes - Ces hypothèses ne sont pas des cas d’école. L’affaire soumise à la présente étude en est la parfaite illustration. Bien que la décision ne révèle pas les détails du dossier, il est évident que le détenu, condamné une première fois devant le tribunal correctionnel et en attente de l’audience d’appel, n’a pas pu prévenir son avocat quant à la date de l’audience. Ce dernier ne s’est pas présenté devant la cour d’appel, alors qu’il y avait presque deux mois entre le dépôt de la demande et l’audience, soit que son client n’ait pas été averti de la date d’audience, soit trop tardivement et que ce dernier n’ait pas pu la communiquer à son avocat. Les contingences sont réelles et souvent incompressibles malheureusement.

 

B – Les modalités variables de convocation

Une relative variété - Les moyens de communication ayant considérablement évolué, les procédés de convocation ont suivi le même chemin. Il existe différents procédés disponibles selon la loi, il faut juste déterminer celui ou ceux qui sont visés par les textes. Dans le cas de figure étudié - une demande de mise en liberté - l’article 148-2 du Code de procédure pénale précise que «le prévenu non détenu et son avocat sont convoqués par lettre recommandée, quarante-huit heures au moins avant la date de l’audience».

Remarques préliminaires - En premier lieu, il faut noter que le texte ne semble imposer la convocation de l’avocat que lorsque le prévenu n’est pas détenu. Donc, si l’on s’en tient au texte, et à l’instar du cas visé dans notre espèce, si le prévenu est en détention, l’avocat n’a pas à être convoqué. Il s’agit d’une solution surprenante déjà retenue par la Cour de cassation [6]. Fort heureusement, la Haute Cour est allée plus loin dans son raisonnement. Cette position est fortement critiquable et incompréhensible lorsque l’on connait le fonctionnement des établissements pénitentiaires et les difficultés de communication entre avocat et client. Il faut donc saluer, sur ce point, l’attitude des Hauts conseillers [7].

Il est également important de noter que le délai de convocation peut être très court [8]. Quarante-huit heures, a minima, pour consulter la procédure, préparer les arguments et les pièces, indispensables pour une demande de mise en liberté, pour s’entretenir et préparer le client. Les délais peuvent être extrêmement brefs.

Enfin, il n’y a aucune indication, dans le texte, quant à la convocation de la personne détenue. Il est juste mentionné que si la personne a déjà comparu moins de quatre mois auparavant, le président de la juridiction qui viendra à statuer sur la demande peut refuser la comparution personnelle de l’intéressé par décision motivée insusceptible de recours. La précision laisse entendre que la juridiction peut prévoir une demande d’extraction si le président souhaite l’entendre, dans le cas contraire, il ne lui sera pas communiqué sa date d’audience, il recevra simplement la décision une fois prise. Le législateur souhaite accélérer les procédures et éviter d’encombrer les juridictions sous des audiences fleuves, il n’en demeure pas moins que l’exercice des droits de la défense est un droit qu’il faut préserver pour une Justice décente et équitable.

La forme de la convocation - Concernant les demandes de mise en liberté devant les juridictions de jugement, sur le fondement de l’article 148-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5550DY9), le seul moyen à disposition pour convoquer l’avocat est le courrier recommandé. Il n’est pas mentionné d’autre possibilité dans le texte, ni le fait qu’il faille un accusé de réception. Le législateur limite drastiquement les moyens de convocation. Ce mode de convocation est assez commun, il est également prévu pour les convocations devant la chambre de l’instruction [9], notamment en cas de demande de mise en liberté pour une détention provisoire pendant une information judiciaire. Il s’agit du procédé de convocation privilégié par le législateur. Pourtant, à la différence de l’article 148-2, l’article 197 du Code précise la nécessité de notifier la convocation à la personne détenue, exercée par le chef de l’établissement pénitentiaire. Ce dernier doit adresser au procureur général, le texte précisant « sans délai », l’original ou la copie du récépissé signé par la personne. Pour l’instruction, le législateur a pris soin de viser l’ensemble des situations du mis en cause, contrairement aux demandes de mises en liberté devant les juridictions de jugement, alors qu’il paraît logique que le prévenu ou l’accusé seront également placés en détention...

Fort heureusement, le législateur n’a pas limité les formes de communication au courrier recommandé, mais il faut dénicher au sein du code l’article qui y fait référence. Il s’agit de l’article 803-1 du Code (N° Lexbase : L9513I7H) selon lequel lorsqu’une disposition du Code de procédure pénale indique qu’il est prévu de «procéder aux notifications à un avocat par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la notification peut aussi être faite sous la forme d'une télécopie avec récépissé ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de l'avocat et dont il est conservé une trace écrite». Le législateur élargit ainsi considérablement les modes de convocation.

La juridiction ou le parquet disposent, finalement, de plusieurs possibilités, plus ou moins efficaces. L’emploi du courrier électronique est une évolution logique de notre société, et peut même être utilisé pour les justiciables si ces derniers y ont consenti expressément au cours de la procédure [10].

Un texte à clarifier - La convocation doit respecter les textes, et la Cour de cassation s’en assure tant et si bien qu’elle n’hésite pas à annuler une procédure pour le non-respect de cette convocation [11]. Reste à déterminer les modalités de cette convocation. Dans le cas étudié, le choix s’est porté sur le courrier électronique. La difficulté repose sur la compréhension, dans le texte, de la mention «dont il est conservé une trace écrite». Cette trace doit-elle correspondre à l’envoi uniquement ou peut-elle comprendre la preuve de sa réception ? L’enjeu est de taille, tant en matière de preuve que de vérification du procédé, et ses conséquences ne sont pas négligeables. S’il n’est pas tenu compte de la bonne réception d’une convocation, des dérives évidentes vont apparaître. C’est à cette question que répond clairement la Cour de cassation.  

 

II - L’interprétation rigide quant à la preuve de la réception

Une solution en demi-teinte - La Cour de cassation procède de façon directe dans cette décision et, par une réponse lapidaire, assène sa réponse. Pourtant, la solution retenue, bien qu’en adéquation avec les textes (A), n’est pas forcément exempte de critiques. Il peut paraître indispensable, actuellement et avec le développement des moyens techniques, de s’assurer d’une bonne réception des convocations, a fortiori des avocats (B).

A – La lecture rigoriste des dispositions légales

Une position abrupte - La Cour de cassation avait le choix entre une interprétation stricte des textes ou une position plus souple mais certainement plus sécurisante pour les acteurs de la procédure. Le choix opéré s’est porté sur la première solution.  Dès lors qu’il existe une trace écrite que l’avocat a été averti -et uniquement averti- par courrier électronique de l’audience, les modalités de convocation ont été respectées. La Cour de cassation indique qu’au vu des pièces de la procédure, elle a pu vérifier que les dispositions légales ont été respectées. On peut en déduire que l’adresse électronique de l’avocat était la bonne, et qu’une trace physique de l’envoi a été préservée dans le dossier. Les exigences légales sont respectées, la procédure est régulière. Le moyen du pourvoi qui se fonde sur l’absence de preuve de la réception de la convocation est donc écarté.

Mais logique - Le raisonnement repris par la Cour de cassation respecte bien évidement les textes. En effet, l’article 148-2 du Code de procédure pénale prévoit comme seul mode de convocation le courrier recommandé, mais sans préciser la nécessité d’adjoindre un accusé de réception. Dès lors, le législateur n’exige pas de la juridiction qu’elle prenne le soin de vérifier la bonne réception du courriel. L’article 803-1 (N° Lexbase : L9513I7H) présente la même solution, aucune mention ne concerne la preuve de la réception des convocations. Ce texte mentionne uniquement qu’il est nécessaire que soit conservée trace écrite de l’envoi adressé par un moyen de télécommunication à l’adresse électronique de l’avocat. Pris littéralement, l’article indique que seule la preuve de l’envoi doit être conservée. Il n’est nullement fait mention d’une quelconque trace de réception. La Cour de cassation l’indique clairement. Le texte n’exige pas que «figure au dossier un justificatif de la remise à son destinataire». Elle interprète donc strictement les textes.

Bien que contestable - La Cour de cassation permet ainsi aux juridictions une convocation simplifiée puisqu’un simple courriel suffit pour convoquer le conseil d’une partie. Les services des greffes seront satisfaits de cette décision. Pourtant, bien qu’elle soit juridiquement juste, elle n’en est pas moins contestable. Elle facilite à outrance les modalités de convocations et fait encourir, comme dans le cas d’espèce, le risque que le conseil d’une partie ne soit pas présent. Ce risque est d’autant plus patent dans les situations identiques au cas d’espèce, à savoir lorsque le mis en cause est détenu, ce qui rend plus difficile les contacts avec son conseil, a fortiori lorsque les délais d’audiencement et de convocation sont courts.

La difficulté est renforcée lorsque le prévenu forme lui-même la demande, surtout s’il ne met pas son conseil dans la confidence. Lorsqu’un avocat dépose une telle demande, il est courant qu’il se mette d’accord avec le greffier pour une date d’audience, ce qui facilite bien entendu sa connaissance de la date d’audience et le fonctionnement en bonne intelligence des acteurs du procès. En revanche, lorsqu’une demande est portée directement par le détenu, il est malheureusement fréquent que son conseil ne soit prévenu du recours que lorsqu’il reçoit la convocation [12]. Pourtant, la Cour de cassation sanctionne expressément l’absence de récépissé de notification signé par le détenu au dossier [13]. Elle limite toutefois la portée de la censure lorsque le mis en cause a pu exercer ses droits, par exemple en se présentant à l’audience, avec son avocat, lequel aura pu déposer un mémoire et des observations à l’audience [14]. Par conséquent, le détenu assisté par son avocat, même non averti de l’audience, ne pourra soulever l’irrégularité de la procédure faute de grief [15]. La Cour de cassation insiste néanmoins davantage sur le dépôt d’un mémoire devant la juridiction que sur la simple présence de l’avocat [16], à condition que celui-ci formule des observations en ce sens [17]. L’inconvénient de cette solution concerne le prévenu non assisté à l’audience qui aura peu de chance d’obtenir une telle solution faute pour lui d’être défendu par un professionnel du droit. Il est rare de voir un prévenu connaître suffisamment les détails du Code de procédure pénale pour s’en prévaloir sans conseil à ses côtés [18].

B - La nécessité d’une réception confirmée

Une solution inopportune - La solution retenue par la Cour de cassation est -certes- juridiquement fondée, mais est-elle opportune ? Elle implique, pour l’avocat, une stricte vigilance de ses courriels, sachant le mauvais fonctionnement récurent de ces derniers. Il arrive malheureusement que des messages importants soient retrouvés dans les « spams », ou encore qu’un serveur connaisse des difficultés. Pour des convocations à court terme, il est de même difficile de s’assurer de toutes les avoir vérifiées. Pour des cabinets importants, il est alors indispensable de déterminer le destinataire de la convocation et de s’assurer qu’elle aura bien été prise en compte. Pour un cabinet de moindre envergure, l’avocat, souvent sans secrétariat, devra faire preuve d’une vigilance accrue et espérer disposer d’un peu de temps entre chaque audience, ou de réseau pour son téléphone portable.

Des solutions textuelles différentes - Il est évident qu’une telle solution n’apporte pas les garanties suffisantes et qu’elle porte atteinte aux droits de la défense. Surtout, il est à noter qu’une autre solution pouvait être adoptée. Pour la convocation par télécopie, il faut également que la juridiction présente le récépissé, lequel doit indiquer que la transmission s’est bien déroulée [19]. La Cour de cassation n’hésite pas à sanctionner la procédure dans laquelle la transmission n’a pas été validée [20]. Pourquoi ne pas prendre les mêmes précautions pour les courriers électroniques ?

La Cour de cassation s’appuie sur les textes pour soutenir sa position. Mais ces derniers ne sont pas forcément logiques. En matière de prolongation de la détention provisoire devant le juge des libertés et de la détention, il est réconfortant de noter que le texte exige que la convocation soit transmise par courrier recommandé avec accusé de réception [21]. Cette solution s’applique également pour les convocations devant le juge d’instruction [22]. Dans ce cas, et bien que les textes permettent aussi le simple courrier électronique puisque l’article 802-1 s’applique, il semble évident qu’il faille vérifier la bonne réception de la convocation. Il est discutable de présenter une différence de régime, concernant en outre une même demande, la mise en liberté, mais que les convocations diffèrent selon qu’il s’agisse d’une juridiction de jugement ou d’un JLD. Il serait alors parfaitement logique d’aligner les modalités de convocation, et de retenir celle qui préserve le mieux les droits des parties.

Des solutions pratiques évidentes - Le choix des modalités de convocation des conseils des justiciables est surprenant. Dans une ère qui prône la dématérialisation des procédures et le développement des moyens de communication, d’autres outils sont parfaitement adaptés à cette problématique. Outre les questions d’économies [23], il est indispensable de favoriser la dématérialisation [24]. Encore faut-il que tout le monde puisse y répondre. Lorsque les dates de convocation sont rapprochées, les juridictions répressives préfèrent utiliser les télécopies [25]. Ce moyen peut paraître désuet de nos jours, mais assure à la fois une sécurité de l’envoi, puisque pratiquement impossible à intercepter, et une rapidité indiscutable. Reste qu’il exige de disposer du matériel pour transmettre la télécopie, en fonctionnement [26], mais également que les avocats soient munis de ces mêmes outillages. Le tout représente encore une fois un coût que les cabinets d’avocat et les juridictions doivent assumer, coût dont ils pourraient se dispenser.

Le courrier électronique constitue une mode opératoire discutable. Ses défauts sont considérables, notamment en ce qui concerne cette absence d’assurance de la bonne réception du message. Pourtant, une solution semble à la portée de l’ensemble des acteurs et se développe efficacement en procédure civile : le RPVA. En effet, le Réseau Privé Virtuel des Avocats assure une communication entre les juridictions et les avocats, voire entre ces derniers, qui paraît désormais sûre, l’expérience a fait ses preuves, garantit la bonne réception des transmissions et donc des convocations. En outre, depuis le 1er septembre 2019, l’utilisation du RPVA est obligatoire devant les tribunaux de grande instance [27], et les quelques cabinets qui n’en étaient pas munis ont dû s’y résoudre. Pourtant, l’utilisation du RPVA reste très en retrait en procédure pénale et aléatoire. Certains cabinets d’instruction l’utilisent, des juges des enfants également, mais aucunement les juridictions de jugement. Pourquoi une telle frilosité alors que le procédé est rôdé depuis plusieurs années ? Certains mettent en avant l’absence de garantie de confidentialité et les difficultés relatives à la question de la signature électronique [28], des protocoles de protection devant encore être mis en place [29]. Cette justification est fragile lorsque l’on considère l’utilisation de simples courriels pour transmettre les convocations [30].

Il est donc indispensable pour les juridictions et les cabinets d’avocats de mettre en place les outils nécessaires pour s’assurer le fonctionnement de moyens de communication sécurisés, et le RPVA semble être la solution. En attendant, et si les juridictions prennent à la lettre la décision de la Cour de cassation, les cabinets d’avocat devront être extrêmement vigilants quant aux audiences attendues.

👉 Quel impact dans ma pratique ?

Le praticien doit être très vigilant quant aux convocations et aux communications avec les juridictions en général. Lorsqu’il sait qu’il va recevoir une convocation à une audience, surtout à bref délai comme pour une demande de mise en liberté, il est recommandé de demander la date directement aux services des greffes en amont. Prudence est mère de vertu.

 
 

[1] Ce que n’oublie pas de rappeler la Cour de cassation. Voir, par exemple : Cass. crim., 27 mars 2019, n° 18-86.433, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1577Y7K).

[2] Cass. crim., 15 octobre 1996, n° 96-83320, publié au bulletin (N° Lexbase : A1244AC3).

[3] Voir, par exemple, Cass. crim., 4 décembre 2007, n° 07-86.794, F-P+F (N° Lexbase : A2911D39).

[4] Sur l’ensemble des questions portant sur les nullités, cf. l’Ouvrage «La procédure pénale» (à paraître), Etude F. Dupuis, Le contrôle et la contestation des actes d’investigation, Le bien-fondé de la demande en nullité (N° Lexbase : E3944ZMZ).

[5] Ou par d’autres moyens moins légaux… Ce que le développement des installations de postes fixes dans chaque cellule devrait contribuer à largement diminuer.

[6] Cass. crim., 17 juin 1986, n° 86-91251, publié au bulletin (N° Lexbase : A5358AAP).

[7] Au risque, sinon, de devoir saisir la Cour européenne de la question, encore qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse également être envisagée.

[8] Sans parler des délais d’audience : huit jours pour le tribunal correctionnel pour statuer sur la demande, vingt jours pour la cour d’appel en cas de recours contre cette même décision. Dans le cas d’espèce, le délai est de deux mois pour statuer puisque le prévenu a déjà été condamné par une juridiction en première instance.

[9] C. proc. pén., art. 197 (N° Lexbase : L1217LDG).

[10] C. proc. pén., art. 803-1, II.

[11] Voir, par exemple, sur l’article 197 du Code de procédure pénale : Cass. crim., 6 mai 2015, n° 15-81.033, F-P (N° Lexbase : A8364NIM).

[12] La communication entre l’avocat et le client est parfois difficile, et de nombreux détenus prennent des initiatives, plus ou moins bien conseillés par les codétenus, souvent sans en référer avec leur conseil.

[13] Cass. crim., 23 avril 1991, n° 91-80.890 (N° Lexbase : A2252ABZ) ; Cass. crim., 13 septembre 2017, n° 17-83.853, F-D (N° Lexbase : A7510WSX).

[14] Cass. crim., 27 novembre 1991, n° 91-85237, publié au bulletin (N° Lexbase : A0343ABC) ; V., également, Cass. crim., 9 novembre 1998, n° 98-80752, publié au bulletin (N° Lexbase : A8369CG3).

[15] Cass. crim., 9 décembre 2003, n° 03-85.587, F-P+F ([LXB=A6960DAZ).

[16] Voir par exemple Cass. crim., 23 janvier 2013, n° 12-87.136, F-D (N° Lexbase : A6344I4Q). Dans cette décision une erreur a été commise par la juridiction quant à la délivrance de la convocation du mis en cause. Un avocat était présent pour le représenter à l’audience, pourtant la Cour de cassation a énoncé qu’il avait été porté atteinte aux intérêts du demandeur, eu égard à l’absence de dépôt d’un quelconque mémoire en défense.

[17] Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.279, F-P+F (N° Lexbase : A7659ENY) ; Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.280, F-D (N° Lexbase : A1774EPE) ; Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.280, F-D (N° Lexbase : A1774EPE) ; Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-85.283, F-D (N° Lexbase : A1776EPH). Voir, déjà, Cass. crim., 3 avril 1984, n° 84-90723, publié au bulletin (N° Lexbase : A8250AAS).

[18] Mais il peut exister des cas contraires. Le prévenu, dans l’affaire d’espèce, semble avoir formé le pourvoi lui-même, ce qu’autorise le Code de procédure pénale (C. proc. pén., art. 567-2, 576 et 577).

[19] Cass. crim., 2 octobre 2013, n° 13-85.010, F-P+B (N° Lexbase : A3232KMN).

[20] En effet, si les pièces de la procédure ne font état que de transmissions échouées de la télécopie, la cassation est encourue. Voir, par exemple, Cass. crim., 10 décembre 2008, n° 08-86.668, F-P+F (N° Lexbase : A1646ECX).

[21] C. proc. pén., art. 145-1, al. 2 et 145-2, al. 1.

[22] C. proc. pén., art. 114 al. 2.

[23] Ce qui suppose alors de limiter l’utilisation des courriers recommandés et de les maintenir que pour les audiences les plus importantes.

[24] Voir, notamment, sur la question, Les nouvelles technologies au service de la justice pénale, Dossier, AJ Pénal, n° 4, 2014.

[25] Les cabinets d’instruction et ceux des juges des libertés et de la détention utilisent fréquemment ce mode de convocation pour ces diverses raisons.

[26] On pense, notamment, à une affaire médiatisée concernant la remise en liberté d’un mis en cause faute d’encre dans le fax du parquet de Bobigny en début d’année 2014.

[27] Décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2664LEE) ; C. proc. civ., art. 796-1 (N° Lexbase : L6599LE7).

[28] Voir, S. Sontag Koenig, La signature électronique en procédure pénale : une évolution limitée, AJ Pénal, n° 4, 2014, p. 161 et s..

[29] Alors que l’on pourrait penser l’inverse justement.

[30] Il suffit de voir la difficulté pour les avocats de mettre en place et de respecter le RGPD et les normes de protection recommandée, notamment concernant les communications dématérialisées, et l’on ne parlera pas des juridictions qui ne disposent aucunement des ressources ou même des équipes techniques pour garantir leurs équipements, faute de moyens, encore et toujours.

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