La lettre juridique n°446 du 30 juin 2011 : Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Juin 2011

Lecture: 14 min

N5892BSZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Juin 2011. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4741007-chronique-chronique-de-droit-penal-fiscal-juin-2011
Copier

par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise

le 30 Juin 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en droit pénal fiscal réalisée par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise. Notre auteur revient, tout d'abord, sur la décision du Conseil constitutionnel selon laquelle l'article 1730 du CGI (N° Lexbase : L1533IPH) est conforme à la Constitution. En effet, la majoration de 10 % des sommes payées en retard, prévue par cet article, est qualifiée de "réparation pécuniaire", et non de "sanction". Ainsi, elle n'a pas à répondre aux exigences de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines, imposées par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (N° Lexbase : L6813BHS) (Cons. const., décision n° 2011-124 QPC du 29 avril 2011). Ensuite, il sera question d'une décision rendue par le Conseil d'Etat, concernant la conformité, à la CESDH et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 1759 du CGI (N° Lexbase : L1751HN8). Cet article dispose que, en cas de distributions occultes, l'administration fiscale peut demander à la société distributrice le nom du bénéficiaire des sommes en cause. En cas d'absence de réponse de sa part, la société est passible de la pénalité prévue par l'article contesté. Le juge décide que celui-ci est conforme aux textes précités, car l'amende qu'il prévoit ne sanctionne pas une infraction pénale et n'oblige pas la personne morale à s'incriminer elle-même (CE 9° s-s., 5 mai 2011, n° 311770, inédit au recueil Lebon). Enfin, sera traitée une annulation d'ordonnance autorisant une visite et une saisie, prévue par l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0549IHS), par le premier président de la cour d'appel de Paris, qui rappelle que l'origine illicite des pièces produites par l'administration fiscale, à l'appui d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire, entache d'irrégularité la procédure (CA Paris, 8 février 2011, n° 10/14507 et n° 10/14508).
  • QPC : la majoration de 10 % des sommes payées en retard est conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2011-124 QPC du 29 avril 2011 N° Lexbase : A2800HPE)

Les sanctions fiscales continuent à faire l'objet d'un examen relatif à leur conformité par rapport aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait déjà été amené à se prononcer sur des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dans le cadre de la majoration de 40 % pour mauvaise foi et de la majoration de 40 % pour défaut de souscription de déclaration (Cons. const., décision n° 2010-103 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8912HC3 ; Cons. const., n° 2010-105/106 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8914HC7). Il s'agit, cette fois-ci, de savoir si la majoration de 10 % pour retard de paiement de l'impôt, prévue par l'article 1730 du CGI, peut être regardée comme une sanction susceptible de porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme, permettant d'invoquer les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines.

Cette majoration de 10 % prévue par l'article 1730 du CGI, issu de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 (ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités N° Lexbase : L4620HDH), s'est substituée à l'ancien article 1761 du CGI (N° Lexbase : L2628HNN). Elle est appliquée au contribuable qui n'a pas procédé, dans le délai requis, au paiement au comptable public des sommes dont il est redevable. Cette majoration concerne donc le recouvrement et non l'assiette de l'impôt. Elle est due, notamment, lorsque les sommes comprises dans un rôle n'ont pas été acquittées dans les 45 jours suivant la date de mise en recouvrement de ce rôle. Elle a vocation à s'appliquer automatiquement à toutes les sommes non réglées dans le délai légal, quel que soit le motif du retard. Ainsi, la circonstance que le contribuable a obtenu des délais pour le paiement de l'impôt est sans incidence sur l'exigibilité de la majoration de 10 % pour paiement tardif (CE 9° et 8° s-s-r., 5 janvier 1994, n° 99616, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3399B7Z).

Il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel a été amené, dans le cadre d'une décision rendue le 10 décembre 2010, à considérer comme étant inconstitutionnelles les dispositions de l'article 1741 du CGI (N° Lexbase : L1670IPK), relatives à l'obligation faite au juge pénal de prononcer une peine accessoire de publication et d'affichage du jugement de condamnation pour fraude fiscale (Cons. const., décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010 N° Lexbase : A7111GMC). Nous avions déjà eu l'occasion de souligner, dans ces chroniques de droit pénal fiscal, que le caractère automatique et l'absence de toute possibilité de modulation laissée au juge pénal avaient conduit le Conseil constitutionnel à juger non conforme cette sanction (lire nos obs., note sous Cons. const., décision n° 2010-103 QPC, 17 mars 2011 N° Lexbase : A8912HC3, Lexbase Hebdo n° 436 du 14 avril 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N9624BRU). Ce texte a donc été considéré comme contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen en ce que "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée".

S'agissant de la majoration de 10 % pour retard de paiement, le Conseil constitutionnel a considéré comme inopérant le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Déclaration de 1789, en considérant que cette majoration ne constitue pas une sanction et qu'elle vise exclusivement à compenser le préjudice de l'Etat du fait du paiement tardif de l'impôt. A ce stade, il est intéressant de noter que le Conseil d'Etat n'avait pas suivi les conclusions du rapporteur public qui proposait de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise. Le rapporteur public avait fait valoir que, au moins dans le cas du contribuable qui a bénéficié du sursis de paiement, ce qui était le cas de l'espèce, cette majoration n'avait pas le caractère d'une sanction ayant le caractère de punition, mais correspondait à une forfaitisation de l'intérêt de retard sur une période d'un an (CE 9° et 10° s-s-r., 24 février 2011, n° 344610, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9964GXC). Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des principes constitutionnels applicables à la matière pénale ne posait pas une question sérieuse.

Cette analyse avait aussi été celle du commissaire du Gouvernement, à propos de la majoration de 10 % alors prévue par l'article 1733 du CGI, plus en vigueur (N° Lexbase : L4195HMC), en cas de retard de déclaration, qui s'appliquait en l'absence de mise en demeure, même si les intérêts de retard n'atteignaient pas ce pourcentage. Mais le Conseil d'Etat avait estimé que, pour cette majoration d'assiette, le taux forfaitaire de 10 % conduisait à un montant d'intérêts de retard supérieur à celui qui serait normalement dû, de sorte que l'existence d'un différentiel faisait de cette disposition une véritable sanction (CE 9° et 7° s-s-r., 17 février 1992, n° 58299, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5067AR4 ; RJF, 4/92, n° 503, avec une chronique de Jérôme Turot, p. 263, concl. contraires de Philippe Martin, Dr. fisc., 45/92, c. 2117).

La problématique est simple puisqu'il s'agit de savoir si la pénalité infligée constitue ou non une sanction. S'il y a sanction, la motivation s'impose et les exigences liées aux sanctions pénales aussi. Il est vrai que les sanctions fiscales ont une nature ambiguë, dans la mesure où elles sont à la fois indemnitaires et répressives. Le Conseil constitutionnel a souligné, dès 1982, la nécessité de distinguer entre les pénalités selon leur objet (Cons. const., décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 N° Lexbase : A8054ACB). Il a été affirmé que les principes posés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 en matière pénale s'appliquent à toute sanction administrative ayant le caractère d'une punition, sous réserve, en matière fiscale, des "majorations de droits et intérêts de retard ayant le caractère d'une réparation pécuniaire". La jurisprudence du Conseil d'Etat allait d'ailleurs souligner la nécessité de motivation des pénalités fiscales. Les jurisprudences administrative et judiciaire ont eu l'occasion de préciser qu'une majoration comporte les caractères d'une sanction lorsqu'elle vise à éviter la réitération des agissements fautifs.

Ainsi, cette majoration de 10 % pourrait parfaitement être regardée comme une sanction. En effet, il peut paraître difficile de parler de réparation pécuniaire si la somme due ne représente pas le loyer de l'argent. Si le Trésor subit, incontestablement, un préjudice du fait que la tâche d'établissement de l'impôt est rendue plus difficile, il convient de souligner que le taux retenu de 10 % semble disproportionné au regard des taux légaux applicables. On pouvait donc s'attendre à ce que le Conseil constitutionnel qualifie cette majoration de sanction, comme cela avait déjà été fait au regard notamment de la majoration de 40 % pour défaut de souscription de déclaration. Toutefois il a été jugé que "la majoration ainsi instituée, qui ne revêt pas le caractère d'une punition, a pour objet la compensation du préjudice subi par l'Etat du fait du paiement tardif des impôts directs". Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 était inopérant, dans la mesure où les principes en découlant n'ont vocation à s'appliquer que dans le cadre de sanctions administratives ayant un caractère de punition. La majoration de 10 % pour paiement tardif n'est pas destinée à punir un comportement fautif. Le but est de parvenir à un recouvrement rapide et régulier des impôts directs. Cette disposition a pour objet de réparer le préjudice subi par le Trésor du fait de l'écoulement du temps et du retard avec lequel il entre en possession des sommes qui lui sont dues. La majoration de 10 % vient donc répondre à une simple abstention de paiement d'une dette après mise en recouvrement. On peut lire, dans les commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel, que "la majoration de 10 % s'insère entre l'intérêt de retard de 0,4 % par mois (dû jusqu'à la mise en recouvrement et qui, aux termes de l'article 1727 du CGI N° Lexbase : L1536IPL, cesse d'être décompté lorsque la majoration prévue à l'article 1730 est applicable) et les intérêts moratoires de 0,4 % par mois (dus, aux termes de l'article L. 209 du LPF N° Lexbase : L7620HEX, entre le premier jour du treizième mois de la date limite de paiement jusqu'au jour du paiement effectif des cotisations)". En ce sens, la majoration de 10 % constitue une sorte de forfaitisation du prix du temps et présente ainsi le caractère d'une réparation pécuniaire.

  • L'article 1759 du CGI n'est pas contraire à la CESDH et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques car l'amende qu'il prévoit ne sanctionne pas une infraction pénale et n'oblige pas la personne morale à s'incriminer elle-même (CE 9° s-s., 5 mai 2011, n° 311770, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0926HQD)

Dans le cadre de la mise en oeuvre d'une perquisition fiscale dans les locaux d'une discothèque de la région grenobloise, les agents de l'administration fiscale allaient découvrir l'existence d'une double billetterie. A l'issue d'une vérification de comptabilité au titre des années concernées, le service vérificateur constatait des sommes réputées distribuées, issues des rehaussements de la société ayant réalisé des actes anormaux de gestion. Ces distributions, qualifiées par la doctrine de distributions "occultes", font l'objet d'une procédure spécifique permettant d'imposer le bénéficiaire occulte. Dans ce cas, les distributions occultes correspondent, le plus souvent, à des dissimulations de recettes (ventes sans facture ou sans billet, par exemple) dont on ignore l'utilisation. D'une façon générale, les distributions occultes bénéficient aux associés. Les sommes en cause ne sont pas déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés dont est passible la société versante. Lorsque cette société n'a pas désigné les bénéficiaires de ces rémunérations et distributions occultes dans les conditions définies à l'article 117 du CGI (N° Lexbase : L1784HNE), elle est passible de la pénalité prévue à l'article 1759 du même code sur les sommes correspondantes. Les dispositions de l'article 117 du CGI trouvent généralement leur application à la suite d'un redressement des résultats déclarés pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, dans la mesure, bien entendu, où les sommes correspondant au redressement ne sont pas restées investies dans l'entreprise (doc. adm. 4 J 1212 n° 67, 1er novembre 1995).

Se référant au paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), selon lequel : "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", le contribuable soutenait que l'amende prévue à l'article 1759 (ancien article 1763 A N° Lexbase : L4402HMY) du CGI est au nombre des sanctions administratives constituant des "accusations en matière pénale" au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la CESDH. Il soutenait que la cour administrative d'appel (CAA Lyon, 2ème ch., 11 octobre 2007, n° 03LY01003, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7293DZ7) avait commis une erreur de droit en lui refusant d'invoquer la méconnaissance de ces stipulations pour contester la procédure d'établissement d'une pénalité fiscale, alors que la mise en oeuvre de cette procédure est susceptible, le cas échéant, d'emporter des conséquences de nature à porter atteinte, de manière irréversible, au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt. Le contribuable invoquait également l'atteinte portée à l'article 14, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (N° Lexbase : L6816BHW), prohibant l'auto-accusation.

Après avoir rappelé le paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, stipulant que "toute personne accusée d'une infraction pénale a droit en pleine égalité au moins aux garanties suivantes : [...] g. à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable", le Conseil d'Etat précise que ces stipulations ont pour objet de protéger les droits des personnes accusées d'une infraction pénale. Par conséquent, le contribuable ne peut s'en prévaloir à l'appui de sa contestation de l'amende fiscale mise à sa charge qui, alors même qu'elle présente le caractère d'une accusation en matière pénale, ne sanctionne pas une infraction pénale. Il est également précisé que les dispositions précitées de l'article 1763 A du CGI ont pour objet et pour effet d'inciter une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés à révéler, à la demande de l'administration présentée sur le fondement de l'article 117 du même code, l'identité des bénéficiaires de l'excédent des distributions auxquelles elle a procédé. Elles "n'obligent pas cette personne morale à s'incriminer elle-même et par suite ne méconnaissent pas les stipulations du 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en tant que ces stipulations sont regardées comme garantissant le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination".

Cette motivation peut paraître surprenante puisque, en l'état du droit européen, l'article 6 de la CESDH astreint les juridictions, agissant en matière pénale, au respect des principes censés garantir le droit à un procès équitable. L'application de ces garanties s'impose, même dans le cadre de sanctions fiscales, si des critères alternatifs sont susceptibles de s'appliquer comme la qualification de l'infraction par le droit national, la nature de l'infraction, ou la nature répressive et préventive plutôt qu'indemnitaire de la sanction (J. Lamarque, O. Négrin, L. Ayrault, Droit Fiscal général, Litec, 2009, p. 974-975). Il ne fait aucun doute aujourd'hui que les sanctions fiscales ayant un caractère de punition entrent dans le champ d'application de l'article 6. Même si le contribuable ne peut contester, sur ce même fondement, le redressement attenant à la sanction, le contentieux de l'assiette ne relevant pas du champ d'application de l'article 6, ces sanctions sont pourtant bien initiées au regard d'un manquement administratif. Il est vrai que, contrairement au droit allemand, la notion d'"infraction administrative" nous est inconnue, mais le manquement à la règle fiscale doit pouvoir suivre la même analyse que celle de la majoration fiscale ayant permis l'assimilation à la matière pénale.

Il convient de ne pas oublier que l'objet même de l'article 117 du CGI est de permettre à l'administration fiscale de demander à la personne morale subissant des rehaussements, des "indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution". Il s'agit de connaître les bénéficiaires des sommes susceptibles d'avoir été distribuées et ne provenant pas de celles déclarées par la personne morale. En cas de refus de réponse dans un délai de trente jours, l'article 1759 permet d'appliquer des pénalités correspondant à ces sommes. Cette quasi-obligation de dénonciation du bénéficiaire de la distribution pose, de manière plus large, le problème du principe de loyauté dans la recherche des preuves par l'administration fiscale, principe reconnu par de nombreux auteurs. Afin d'animer ce principe de loyauté de l'administration, qui risque fort d'être frappé d'inefficience juridique en raison de sa généralité, la cour fait référence à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prévoit l'interdiction de l'auto-accusation. Si ce principe n'était pas susceptible de s'appliquer en la matière, en raison de la présence de personnes distinctes (la personne morale et le bénéficiaire personne physique, même s'il s'agit du dirigeant), il n'en demeure pas moins qu'il appartient à l'administration fiscale, dans ses investigations, de respecter ce devoir de loyauté, et donc de ne pas appliquer cette sanction lorsqu'elle connaît ou détient des informations lui permettant d'attribuer la distribution à des bénéficiaires identifiés (associés ou dirigeant).

  • L'origine illicite des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire entache d'irrégularité la procédure (CA Paris, 8 février 2011, n° 10/14507 N° Lexbase : A2946HLP et n° 10/14508 N° Lexbase : A5043G9N)

Le premier président de la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire en raison de la détention illicite de documents détenus par l'administration fiscale et utilisés par elle pour entraîner la conviction du juge de l'autorisation. Il ressort de ces deux arrêts que, selon le rapport d'enquête (n° 2010-M-062-01) établi par l'Inspection générale des finances à la demande du ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, et rendu public le 11 juillet 2010, la "Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) a transmis à l'administration centrale une liste de contribuables disposant d'un compte en Suisse, dite liste des "3000"". Par conséquent, la DNEF était en possession de cette liste et "l'a exploitée bien avant sa transmission officielle par l'autorité judiciaire en application de l'article L 101 du LPF (N° Lexbase : L7897AE9)", à savoir du droit de communication. Il s'agit, en l'occurrence, de données volées, la réalité de la commission de ce vol ayant été confirmée par le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat de l'époque. Il en ressort que l'origine de ces pièces est donc illicite, que l'administration en ait eu connaissance par la transmission du Procureur de la République ou antérieurement à cette date. Ces pièces, dont l'origine est illicite, ont servi de base pour rendre son ordonnance au juge des libertés et de la détention (JLD) qui les a citées à de très nombreuses reprises, et en l'absence de ces pièces illicites, le juge de l'autorisation ne disposait pas d'éléments suffisants pour présumer la fraude, et devait, en conséquence, rejeter les requêtes de l'administration fiscale. Les opérations de la visite litigieuse ont donc été annulées (1).

Il est intéressant, dans cette affaire, de noter deux choses. Tout d'abord, le juge retient que des pièces, expressément visées par l'appel, sont des données volées à une banque suisse, et que l'origine de ces pièces est donc illicite. Ensuite, l'illicéité étant patente, la constatation de l'irrégularité est immédiate.

En effet, l'administration a reçu des documents utilisés en connaissance de cause. Après avoir constaté que ces pièces ont servi de base au juge des libertés et de la détention pour rendre ses ordonnances d'autorisation, et que ce dernier, en l'absence de ces pièces illicites, ne disposait pas d'éléments suffisants pour constater des présomptions de fraude, le juge retient qu'il aurait dû rejeter les requêtes de l'administration fiscale.

Dans cette affaire, fortement médiatisée pour ses enjeux politiques, le juge retient que les fichiers avaient été volés à Genève par un salarié. Le juge souligne que le vol des documents produits est avéré, tant par les déclarations mêmes du ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat de l'époque, que par la transmission du Procureur de la République. Par conséquent, l'administration en a eu connaissance même avant la transmission du Procureur de la République. La communication, par l'autorité judiciaire, dans le cadre de la procédure de l'article L. 101 du LPF, ne peut avoir un effet de purge des irrégularités connues préalablement par l'administration fiscale. La Chambre criminelle a jugé que la production d'éléments de preuve obtenus par des procédés frauduleux, tels le vol ou le recel, entraîne l'annulation de la procédure (Cass. crim., 28 octobre 1991, n° 90-83.692 N° Lexbase : A3437ACB). La Chambre commerciale a déjà jugé qu'un élément obtenu par un procédé déloyal rend irrecevable sa production à titre de preuve (Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147, FS-P+B N° Lexbase : A9362D8A). La position a été confirmée solennellement par l'Assemblée plénière de la Cour (Ass. plén., 7 janvier 2011, n° 09-14.316, P+B+R+I N° Lexbase : A7431GNK).


(1) Lire Sophie Cazaillet, "L'absence de valeur probante de la liste des trois mille évadés fiscaux volée à une banque suisse", Lexbase Hebdo n° 434 du 30 mars 2011 - édition fiscale (N° Lexbase : N7689BR9).

newsid:425892

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.