La lettre juridique n°421 du 16 décembre 2010 : Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - Décembre 2010

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par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon de Paris

le 04 Janvier 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualités en fiscalité du patrimoine, réalisée par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon de Paris. Au sommaire de cette chronique, l'auteur revient sur un arrêt du Conseil d'Etat, rendu le 27 octobre 2010, ayant trait à l'imposition de l'indemnité de licenciement pour rupture abusive obtenue par voie transactionnelle (CE 3° et 8° s-s-r., 27 octobre 2010, n° 315056, mentionné aux tables du recueil Lebon). Puis, il relève l'arrêt inédit du 9 juillet 2010 selon lequel la question de la non déductibilité par les particuliers de la TVA grevant les honoraires d'avocats n'est pas une question sérieuse pouvant être renvoyée au Conseil constitutionnel (CE 3° et 8° s-s-r., 9 juillet 2010, n° 339398). Par ailleurs, l'auteur traite de l'exonération des produits et plus-values des placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions (PEA) : appréciation du seuil de 10 %, à travers un arrêt du Conseil d'Etat du 8 novembre 2010 (CE 9° et 10° s-s-r., 8 novembre 2010, n° 309746, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, cette chronique est l'occasion de revenir sur la scission artificielle, en deux actes apparemment réguliers, d'une transaction unique de vente au regard de l'abus de droit (CE 3° et 8° s-s-r., 17 novembre 2010, trois arrêts, n° 314291, mentionné aux tables du recueil Lebon, n° 314295 et n° 314296).
  • Imposition de l'indemnité de licenciement pour rupture abusive obtenue par voie transactionnelle (CE 3° et 8° s-s-r., 27 octobre 2010, n° 315056, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1084GDI)

Les indemnités versées lors d'un licenciement irrégulier ou abusif sont totalement exonérées d'impôt sur le revenu lorsqu'elles sont versées dans le cadre d'une procédure judiciaire.

A l'époque des faits, la documentation administrative de base 5 F-1144 précisait que "lorsqu'il y a rupture abusive du contrat de travail, le salarié peut obtenir réparation du préjudice qu'il a subi. Les sommes versées à ce titre ont le caractère d'un versement en capital ; elles ne doivent donc pas être soumises à l'impôt".

Cette doctrine était incluse dans une partie consacrée au licenciement qui, dans son paragraphe n° 4, précisait que la réparation du préjudice subi par le salarié en cas de rupture abusive du contrat de travail était prévue par les anciens articles L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74 ; C. trav., art. L. 1235-12, recod. N° Lexbase : L1359H99) et L. 122-14-5 (N° Lexbase : L5570ACB ; C. trav., art. L. 1235-14, recod. N° Lexbase : L1363H9D) du Code du travail .

Ces articles du code, alors en vigueur, se référaient aux indemnités accordées par une décision judiciaire. Dès lors, un contribuable ne peut se prévaloir de cette tolérance lorsque les indemnités lui ont été accordées sur le fondement d'une transaction ; il en va de même lorsque la transaction a fait l'objet d'un jugement par lequel, à la demande des parties, le conseil de prud'hommes a seulement donné acte des accords transactionnels et constaté l'extinction de la procédure engagée devant lui (CAA Paris, 5ème ch., 11 février 2008, n° 06PA03423 N° Lexbase : A5576D7N).

Dans la présente affaire, le Conseil d'Etat maintient sa jurisprudence. L'exonération des indemnités versées en application de l'ancien article L. 122-14-4 du Code du travail (repris désormais aux articles L. 1235-2 N° Lexbase : L1340H9I, L. 1235-3 N° Lexbase : L1342H9L et L. 1235-11 N° Lexbase : L1357H97 à L. 1235-13 du même Code) ne saurait être revendiquée en cas de transaction amiable (CE Contentieux, 6 janvier 1984, n° 32528 N° Lexbase : A6777ALL, CE Contentieux, 18 novembre 1985, n° 49631 N° Lexbase : A3061AMC).

On notera, néanmoins, que le tribunal administratif de Paris s'est, dans le régime actuel de l'article 80 duodecies du CGI (N° Lexbase : L3036IGK), prononcé en faveur de l'exonération d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse confirmée par un arbitre sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (TA Paris, 5 juillet 2010, n° 06-10965).

  • La question de la non déductibilité par les particuliers de la TVA grevant les honoraires d'avocats n'est pas une question sérieuse pouvant être renvoyée au Conseil constitutionnel (CE 3° et 8° s-s-r., 9 juillet 2010, n° 339398 N° Lexbase : A1409E4X)

Les questions prioritaires de constitutionnalité (introduites par la réforme constitutionnelle de juillet 2008, loi n° 2008-724, 23 juillet 2008 N° Lexbase : L7298IAK ; loi n° 2009-1523, 10 décembre 2009 N° Lexbase : L0289IGS ; décret n° 2010-148, 16 février 2010 N° Lexbase : L5740IGP) ne franchissent pas toujours la barrière du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

1. Le contexte

Dans le cadre d'un litige avec son employeur, un salarié a exposé des frais d'avocat comprenant la TVA en sus. Il estime qu'il existe une inégalité de traitement fiscal entre les justiciables participant à un procès civil ou pénal selon qu'ils sont de simples particuliers ou des entreprises.

En effet, si un procès oppose un particulier à une entreprise à l'occasion duquel chacun se voit facturer des frais d'avocat ou d'experts, chacun des protagonistes ne supporte la même charge. Les entreprises récupèrent la TVA et déduisent les frais de leurs résultats imposables.

Alors que le particulier n'a ni la possibilité de déduire la TVA grevant les frais, ni celle de déduire les frais eux-mêmes de ses revenus imposables.

2. La règle applicable

Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (ordonnance du 7 novembre 1958, art. 23-5 N° Lexbase : L0276AI3). Ces mêmes dispositions prévoient que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. C'est à la lumière de ces critères que le Conseil d'Etat a examiné le pourvoi du requérant.

3. La disposition contestée n'est pas applicable au litige

En matière de TVA, deux instructions sont contestées. L'instruction du 9 mai 2007 (BOI 3 D-1-07 N° Lexbase : X8574ADW) commentant les dispositions du décret n° 2007-566 du 16 avril 2007 (N° Lexbase : L0074HWN), qui a procédé à la refonte de l'annexe II au CGI relative aux droits à déduction (art. 205 N° Lexbase : L3739HZI à 210).

Cette instruction commente seulement des dispositions réglementaires et ne réitère à aucun titre les dispositions législatives de l'article 271 du CGI (N° Lexbase : L0135IK9).

L'instruction du 4 février 2009 (BOI 3 D-2-09 N° Lexbase : X5031AE3) a pour objet de commenter le droit au remboursement de crédits de taxe. Par suite, l'instruction ne réitère pas les dispositions de l'article 271 du CGI relatives au droit à déduction dont l'inconstitutionnalité est dénoncée. En conséquence, les dispositions de l'article 271 ne sont pas applicables au litige (cf., également, CE 9° et 10° s-s-r., 23 mars 2005, n° 264997 N° Lexbase : A3928DHX).

4. La disposition contestée n'est pas sérieuse

L'article 13 du CGI (N° Lexbase : L1050HLH) définit le bénéfice ou revenu imposable comme l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. Entrent donc, notamment, dans le champ de ces dépenses les frais d'avocat exposés en vue d'acquérir ou de conserver un revenu. Ils peuvent alors être déduits du revenu global ou dans le cadre des traitements et salaires (déduction des frais réels ; CGI, art. 83 N° Lexbase : L0093IKN).

Ces dispositions n'attente pas aux droits de la défense ou au droit à un procès équitable.

  • Exonération des produits et plus-values des placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions (PEA) : appréciation du seuil de 10 % (CE 9° et 10° s -s-r., 8 novembre 2010, n° 309746, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8895GGK)

Le PEA permet d'investir en actions, tout en bénéficiant d'une exonération d'impôt sur les revenus (dividendes et les plus-values) à condition de n'effectuer aucun retrait pendant cinq ans. Seuls les particuliers ayant leur domicile fiscal en France peuvent ouvrir un PEA auprès des banques et compagnies d'assurance. Les versements sur le plan, qui doivent être effectués en numéraire, sont plafonnés à 132 000 euros par plan (soit 264 000 euros pour un couple).

Pendant la durée du PEA, les dividendes, plus-values de cession et autres produits de placements ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu à condition d'être réinvestis dans le PEA. Les produits des placements effectués en titres de sociétés non cotées ne bénéficient de l'exonération d'impôt sur le revenu que dans la limite de 10 % du montant de ces placements. Sont concernés par ce plafonnement les produits proprement dits, à l'exclusion des plus-values.

Selon l'administration fiscale, la limite de 10 % s'apprécie annuellement d'après le rapport produit des titres non cotés sur valeur d'inscription des titres non cotés (instruction du 3 juillet 1998, BOI 5 I-7-98, n° 15 N° Lexbase : X0835AA8). Le numérateur tient compte de l'ensemble des produits provenant de titres non cotés qui sont crédités sur le PEA au cours de l'année d'imposition. Au dénominateur, la valeur des placements en titres non cotés correspond selon le cas à la valeur de souscription ou à la valeur d'acquisition des titres. Il s'agit, en pratique, de la valeur d'inscription des titres dans le compte-titres du PEA.

Il résulte des dispositions des articles 157, 5° bis du CGI (N° Lexbase : L8718IMT) et 91 quater H de l'annexe II au CGI (N° Lexbase : L3728HZ4) que, pour l'appréciation de la limite de 10 %, le montant des placements en titres non cotés à retenir par le contribuable s'entend de la valeur historique des titres concernés, c'est-à-dire soit de leur valeur de souscription, soit de leur valeur d'acquisition. Le tribunal administratif de Dijon en avait confirmé l'analyse (cf. TA Dijon 6 février 2007, 2e ch., n° 05 -2918, n° 05-2919, n° 06-940, n° 06-941, n° 06-2378 et n° 06-2379).

Le Conseil d'Etat fait de même aujourd'hui : Selon les juges, le législateur a entendu viser la valeur d'acquisition ou de souscription des titres en cause et non, leur valeur réelle à la date de distribution des produits correspondants.

1. Les faits de l'affaire

La SCI Ram avait acquis la propriété d'un immeuble comprenant un local commercial et plusieurs appartements, pour un prix de 800 000 francs (121 960 euros). Par acte notarié du même jour, son gérant et associé majoritaire a conclu à titre personnel avec le vendeur de l'immeuble un bail commercial stipulant le paiement par le preneur, à l'entrée dans les lieux, d'une indemnité pour dépréciation de l'immeuble d'un montant de 700 000 francs (106 714 euros). Peu de temps après, le droit au bail ainsi acquis était cédé au prix de 700 000 francs.

A l'issue de la vérification de comptabilité de la SCI Ram, l'administration fiscale avait estimé que l'interposition du gérant était purement fictive et que l'opération dissimulait un supplément du prix de vente. Elle a en conséquence majoré les droits d'enregistrement en augmentant le prix de cession de l'immeuble de 700 000 francs.

2. La problématique de l'abus de droit

L'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU), dans sa dernière rédaction, définit l'abus de droit comme suit : "Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles".

Cette définition couvre les situations de fraude à la loi et de fictivité juridique. Selon la jurisprudence, la fraude à la loi en matière fiscale, en général résumée par la recherche d'un but exclusivement fiscal, est constituée toutes les fois que sont réunies cette recherche d'un but exclusivement fiscal et, d'autre part, l'obtention d'un avantage fiscal par une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (CE 3° et 8° s-s-r., 29 décembre 2006, n° 283314 N° Lexbase : A3666DTX), par le recours à un montage juridique et économique artificiel (CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 267087 N° Lexbase : A3517DI4, CE 3° et 8° s-s-r., 18 février 2004, n° 247729 N° Lexbase : A3599DBW et CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 295358 N° Lexbase : A1236EKY). La recherche d'un but exclusivement fiscal peut, notamment, prendre la forme d'une réduction d'une dette d'impôt ou de la perception indue d'un crédit d'impôt ou encore de l'augmentation abusive d'une situation déficitaire.

La fictivité juridique est "constituée par la différence objective existant entre l'apparence juridique créée par l'acte en cause et la réalité, en particulier économique, sous-jacente à cet acte" (cf. définition exprimée dans l'instruction du 9 septembre 2010, BOI 13 L-9-10 N° Lexbase : X7799AGX). C'est cette fictivité juridique qui, aujourd'hui, est relevée. L'acquisition du droit au bail sans volonté pour un preneur d'en jouir ne peut être qu'empreinte de fictivité.

3. La décision du Conseil d'Etat

En effet, pour qualifier d'abus de droit la scission artificielle, en deux actes apparemment réguliers, de la transaction unique de vente, à la SCI Ram, d'un immeuble d'habitation et commercial, les juges font état de plusieurs arguments :

- une communauté d'intérêts manifeste entre la SCI Ram et son gérant ;

- la signature du bail commercial entre le vendeur et le gérant de la SCI, le jour même de la cession de la propriété de l'immeuble à la SCI Ram, ne répondait pas à une pratique ou à un intérêt commercial normal ou habituel ;

- le gérant n'avait jamais manifesté ni justifié son intention d'occuper les locaux pris à bail et avait cédé le bail quelques jours seulement après son acquisition.

Le caractère fictif du bail commercial conclu entre le vendeur et le gérant de la SCI était également attesté par l'absence de versement de tout loyer. L'abus de droit était donc consommé.

Le raisonnement suivi par le Conseil d'Etat est classique. A de nombreuses reprises, Conseil d'Etat et Cour de cassation ont eu à connaître d'affaires dans lesquelles l'administration invoque régulièrement le caractère fictif d'un bail, ce dernier résultant d'un faisceau de présomptions telles que le lien de parenté entre le bailleur et le locataire ou encore le caractère dérisoire du loyer (CE Contentieux, 6 janvier 1993, n° 69943 N° Lexbase : A7965AMX ; CE 8° et 9° s-s-r., 31 juillet 1992, n° 73334 N° Lexbase : A1363B9D ; CE Contentieux, 16 mai 1990, n° 54135 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 949528, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CE Contentieux, 16-05-1990, n\u00b0 54135", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A5046AQX"}}).

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