La lettre juridique n°385 du 4 mars 2010 : Avocats

[Evénement] e-liberté / e-sécurité ou comment l'institut Présaje et le Barreau de Paris attirent l'attention des avocats sur les dangers d'internet

Lecture: 5 min

N4691BN3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Evénement] e-liberté / e-sécurité ou comment l'institut Présaje et le Barreau de Paris attirent l'attention des avocats sur les dangers d'internet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212498-evenement-i-eliberte-esecurite-i-ou-comment-linstitut-presaje-et-le-barreau-de-paris-attirent-latten
Copier

par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 07 Octobre 2010

"Techniques biométriques, réseaux sociaux... Autant de technologies qui favorisent la collecte et l'exploitation de nos données personnelles. Autant de risques de vols d'identité ou d'images. Comment les maîtriser, se garantir, concilier vie privée et liberté d'expression, instituer un droit personnel à l'oubli ?". C'est en ces termes que fût annoncé le colloque e-liberté / e-sécurité, tenu le 11 février 2010 à la Maison de l'avocat, organisé par l'institut Présage et sponsorisé par le Barreau de Paris. La sortie de l'ouvrage L'identité à l'ère numérique (1), co-écrit par Guillaume Desgens-Pasanau -ancien chef du service des affaires juridiques de la CNIL et expert en droit de la protection des données à caractère personnel- et Eric Freyssinet -Polytechnicien, lieutenant-colonel de gendarmerie, chargé des projets de lutte contre la cybercriminalité et vice-président du groupe de travail européen d'Interpol sur la criminalité liée aux technologies de l'information-, a été l'occasion pour les intervenants -Christiane Feral-Schuhl, avocat au Barreau de Paris, spécialiste en NTIC, Jean-Luc Girot, directeur du consulting au sein de Keyrus et Hervé Schauer, expert de renommée internationale en sécurité des systèmes d'information- de débattre de la révolution que représente l'identité numérique et des dangers y afférents, notamment, au regard des libertés individuelles et de la cybercriminalité. Ils ont, surtout, souhaité attirer l'attention des avocats sur des problématiques auxquelles ils seront de plus en plus confrontés, tant à titre personnel, eu égard à leur communication croissante sur la toile (2), que dans le cadre des dossiers qu'ils traiteront pour leurs clients.

Après que Pierre Lenoir, venu représenter Jean Castelain, Bâtonnier de Paris, ait rappelé l'importance qu'attachait l'Ordre à ce sujet, le modérateur des débats, Michel Rouger, président de l'institut Présaje, a laissé aux deux auteurs le soin de présenter leur ouvrage en introduction de la manifestation.

Ceux-ci ont fait le constat d'une crise de l'identité des personnes physiques et morales depuis l'avènement d'internet. Comment chacun perçoit-il son identité numérique ? Cette perception est-elle juste ? Le citoyen mesure-t-il les conséquences de sa présence sur le web sur sa vie présente et future ? Autant de questions transversales auxquelles l'ouvrage tente de répondre, en abordant successivement les thèmes de la biométrie (le corps-identité), des technologies de la communication (les identités connectées ou le camouflage d'une identité réelle derrière une identité virtuelle) et de l'archivage électronique (l'identité mémorisée). Animé par une ambition pédagogique, l'objectif affiché de Guillaume Desgens-Pasanau et Eric Freyssinet tendait à favoriser une prise de conscience de chacun sur ces nouveaux enjeux.

Régulièrement, les données personnelles sont appréhendées sous un nouvel angle. La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS), reflétait la peur des citoyens vis-à-vis de l'Etat et de l'administration. Le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 (N° Lexbase : L0844HDM), à l'origine de la réforme de la loi, tendait à protéger les personnes physiques contre ceux qui les approchaient à des fins commerciales. Aujourd'hui, à l'heure du web 2.0 (dit web "participatif"), l'enjeu (de taille) est de nous protéger contre nous même : nous livrons de nombreuses informations sur notre intimité sur des blogs et des réseaux sociaux, sans même y être contraints.

Ce constat est préoccupant pour diverses raisons tenant, tant à l'individu, qu'au professionnel qu'il est ou qui l'emploie. D'une part, nos données personnelles sont systématiquement collectées, conservées et utilisées. D'autre part, la responsabilité de l'entreprise et les préjudices sont multiples : responsabilité pénale, administrative, préjudice d'image etc.. La prévention en amont et la réaction en aval sont, quant à elles, très difficiles à mettre en place.

Le travail de sensibilisation est, donc impératif, et, fort heureusement, la prise de conscience est globale et intervient dans les "plus hautes sphères" : les initiatives parlementaires se multiplient, la jurisprudence se réveille, le G29 rend des avis sur l'avenir de la vie privée, etc.. Et, aujourd'hui, deux dispositifs ont fait leurs preuves : la technologie du privacy by design (approche selon laquelle la confidentialité et la conformité à la protection des données sont conçues au sein même des systèmes d'exploitation et sont, donc, garanties dès l'origine) et le correspondant informatique et libertés.

Christiane Féral-Schuhl a attiré l'attention de la salle sur deux constats essentiels, dont nous n'avons, pourtant, pas pleinement conscience, lorsque nous surfons et participons sur le web :

- "internet a une mémoire d'éléphant" et se souviendra de tout, en tout temps ; et
- la toile dissémine toutes les informations au niveau international.

La restitution à l'infini de certaines informations peut interdire, en pratique, de changer de comportement. Certains faits deviennent, alors, d'une certaine façon, imprescriptibles. Et de citer la, désormais célèbre, réplique de Barack Obama sur le premier conseil à donner pour être président des USA : "étudiants, attention à ce que vous postez sur le net". Le message de la spécialiste des NTIC n'était pas différent : Confrères, attention à ce que vous communiquez. Gardez présent à l'esprit que retirer des informations de la toile peut, bien des fois (surtout, lorsque l'opérateur concerné par la conservation des données n'a pas de représentation en Europe), relever de la mission impossible. Pour exemple, un compte Facebook ne disparaît jamais, mais est seulement mis en stand by.

L'intervenante, pour connaître de ces difficultés dans le cadre des dossiers qu'elle traite quotidiennement et des drames humains que l'imprescriptibilité du net engendre, se dit convaincue par la nécessité d'instaurer un droit à l'oubli sur le net, débat qui fait rage actuellement.

Très justement, l'avocate souligne la schizophrénie dont nous faisons tous preuve en matière de sécurité et de nouvelles technologies. D'un côté, nous refusons une surveillance à l'extrême et de l'autre, nous reprochons toute lacune en cas de survenance d'un préjudice. La peur de l'Etat inquisiteur cèdera, alors, la place à l'attente d'un Etat protecteur. La matière est, donc, complexe, ceci, à tous les niveaux. Du point de vue juridique, la particularité d'internet est qu'il impose de repenser tous les fondamentaux du droit.

Alors, faut-il éduquer, responsabiliser ou légiférer ? La réponse est loin d'être évidente. En témoignent les nombreux rebondissements de la saga "Hadopi".

Ce même constat de complexité à apporter une réponse adéquate a été fait par Jean-Luc Girot, qui rappelle que l'accès à internet et le droit d'être informé sont des droits constitutionnels. Mais, les données du problème ont changé et notre dispositif a vieilli. La liberté d'aller et venir sur le net pose un problème majeur : celui de ne pas perdre le "double de nos clefs" ; de ne pas se faire usurper notre identité, dans un contexte où la collecte des données personnelles est omniprésente et réalisée par de nombreux acteurs.

Hervé Schauer s'est, quant à lui, montré moins inquiet sur ces différents sujets, bien qu'il ait admis que de vrais problèmes existent, tels ceux de l'usurpation d'identité et de la sécurité des fichiers contenant les données personnelles connectées. Eu égard aux enjeux en cause, il regrette le vide juridique sur ces problématiques, en particulier en France, mais reconnaît la difficulté de réglementer la matière.

Jean-Marie Cotteret, professeur émérite de l'Université Paris-Sorbonne, a choisi de conclure sur le droit à l'oubli, qui, dans une société démocratique, revêtirait plus opportunément la qualification de "droit au pardon". En attendant qu'un tel droit soit reconnu (le contraire n'étant pas envisageable), il appartient à chacun de se montrer très prudent et de "publier" en toute connaissance de cause et, surtout, en toute conscience des conséquences.


(1) L'identité à l'ère du numérique, Guillaume Desgens-Pasanau et Eric Freyssinet, Dalloz, coll. Présaje, août 2009.
(2) Lire Communication des avocats sur internet - Questions à Christiane Féral-Shuhl, associée du cabinet Féral-Schuhl / Sainte-Marie et Présidente de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), Lexbase Hebdo n° 21 du 5 février 2010 - édition professions (N° Lexbase : N4687BNW).

newsid:384691

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.