La lettre juridique n°378 du 14 janvier 2010 : Sécurité sociale

[Textes] LFSS pour 2010 : une réforme des prestations a minima

Réf. : Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, de financement de la Sécurité sociale pour 2010 (N° Lexbase : L1205IGQ)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

le 07 Octobre 2010

Plus que jamais, en période de déficit des comptes sociaux, le législateur, avec la LFSS pour 2010, a entendu poursuivre sa politique de maîtrise des dépenses d'assurance maladie. L'objectif de progression des dépenses (Ondam) est ainsi poursuivi et amplifié en 2010 avec une augmentation de l'objectif limitée à 3 %. La LFSS réforme, par ailleurs, les droits à retraite des mères de famille : la majoration de durée d'assurance de deux ans par enfant dans le régime général est maintenue, mais des ajustements sont apportés afin de répondre à la jurisprudence de la Cour de cassation (1). Une majoration de quatre trimestres est accordée aux mères assurées sociales au titre de la grossesse et de la maternité. Elle est complétée par une majoration de quatre trimestres accordée aux couples au titre de l'éducation de l'enfant. En matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP), la loi instaure un système de "bonus-malus" pour renforcer l'intérêt des entreprises à s'engager dans une démarche de prévention des risques professionnels. La politique de la famille, dans le cadre de la LFSS pour 2010, a également fait l'objet de plusieurs aménagements, mais le Conseil constitutionnel a censuré quatre des cinq articles de la loi (2). Enfin, la politique de lutte contre les fraudes est renforcée, dans le prolongement de la réforme initiée par la précédente LFSS pour 2009 (3). La LFSS pour 2010 met, notamment, l'accent sur la lutte contre les arrêts de travail injustifiés qui restent nombreux malgré les efforts fournis ces dernières années. Un dispositif est créé pour lutter contre la succession d'arrêts de travail abusifs. La loi généralise, en outre, après expérimentation, le dispositif de "contre-visite" de l'employeur : il s'agit de faire en sorte que les caisses d'assurance maladie tiennent compte de l'avis du médecin mandaté par l'entreprise pour contrôler son salarié, soit en effectuant un nouveau contrôle, soit en suspendant immédiatement le versement des indemnités journalières. I - Risque santé

Pour 2010, les prévisions de recettes s'élèvent à 164,6 milliards d'euros et 179,1 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit annoncé de 14,5 milliards d'euros ; pour la branche AT-MP, 12,1 milliards d'euros de recettes et 12,9 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit mesuré de 0,8 milliards d'euros (LFSS pour 2010, art. 27 et 28). Le montant de l'Ondam pour 2010 est fixé à 162,4 milliards d'euros, soit 4,5 milliards d'euros de plus que le montant de l'Ondam pour 2009.

Les dispositions portant sur le risque maladie sont comprises aux articles 34 à 64, le Conseil constitutionnel ayant censuré les articles 36, 38, 50 et 51, 57 (décision du Conseil constitutionnel n° 2009-596, préc.) (4).

En effet, les articles 36 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (limitant les droits du titulaire d'un droit de propriété intellectuelle protégeant l'apparence et la texture des formes orales d'une spécialité pharmaceutique), 38 (supprimant l'attribution systématique au médecin traitant de la surveillance et du suivi biologique de la contraception locale ou hormonale prescrite par une sage-femme), 50 (autorisant la diffusion, sur les sites informatiques des établissements de santé, d'informations relatives aux tarifs et honoraires des professionnels de santé qui y exercent), 51 (procédant à la coordination de la rédaction des articles L. 6111-3 N° Lexbase : L5083IEY et L. 6323-1 N° Lexbase : L5082IEX du Code de la santé publique) et 57 (validant les reclassements intervenus en application de la rénovation de la convention collective nationale du 31 octobre 1951) n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Aussi, selon le Conseil constitutionnel, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale ("cavaliers sociaux").

A - Assurance maladie

Les dispositions relatives aux dépenses d'assurance maladie (LFSS pour 2010, art. 34 à 64) portent sur de très nombreux points, dont l'intérêt et la portée varient considérablement (5). La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 contient des dispositions relatives à l'Ondam (non prise en compte des dépenses liées à la pandémie grippale pour l'évaluation du risque de dépassement de l'Ondam pour 2010) ; aux dépenses de soins de ville (exonération du "ticket modérateur" pour les examens de suivi réalisés après la sortie du régime des affections de longue durée ; médicaments génériques présentant la même forme galénique que le priceps ; transparence des tarifs et honoraires des professionnels de santé exerçant en établissements ; transmission aux organismes complémentaires du code identifiant de présentation des médicaments ; compétence des sages-femmes pour la surveillance et le suivi biologique d'une contraception ; obligation, pour les praticiens exerçant à honoraires libres, d'effectuer au moins un tiers de leurs actes à tarifs opposables ; développement de la prescription dans le répertoire des génériques ; information des assurés par les organismes complémentaires d'assurance maladie ; contrôle des arrêts de travail dans les collectivités publiques ; régulation des dépenses de transport sanitaires ; expérimentation relative à la chirurgie extra-hospitalière ; développement de la dialyse à domicile) ; et à l'hôpital et aux cliniques privées (report à 2018 de la convergence tarifaire intersectorielle des établissements de santé et prise en charge des soins effectués dans des hôpitaux établis hors de France (6) ; objectifs quantifiés nationaux relatifs aux activités de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation ; modalités de versement des contributions des régimes obligatoires d'assurance maladie aux agences régionales de santé pour 2010 ; affiliation des conjoints-collaborateurs des professionnels libéraux aux régimes d'assurance invalidité-décès).

Deux réformes introduites par la LFSS pour 2010 justifient une analyse détaillée, eu égard à leur importance : la création des agences régionales de santé (ARS) et la mise en place d'un dispositif de suivi post-affection de longue durée attractif.

  • Mise en place des agences régionales de santé

L'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (N° Lexbase : L5035IE9) (7), a institué des agences régionales de santé, chargées de mettre en oeuvre, dans chaque région, la politique de santé publique et de réguler, d'orienter et d'organiser l'offre de services de santé et de services médico-sociaux. Les agences régionales de santé sont, ainsi, chargées de piloter les actions de santé publique et de prévention, d'organiser les soins hospitaliers, de réguler l'offre de soins de ville, de piloter une partie du secteur médico-social et d'exercer certaines missions de veille et de sécurité sanitaires.

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 59) prévoit que les régimes obligatoires d'assurance maladie verseront, en 2010, deux dotations aux agences régionales de santé, dont une visant à financer une partie de leurs dépenses d'installation. En principe, les contributions des régimes d'assurance maladie aux agences régionales de santé devraient être fixées par la loi de financement de la Sécurité sociale, comme le prévoit l'article L. 1432-6 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5423IEL, tel qu'il ressort de l'article 118 précité de la loi ° 2009-879 du 21 juillet 2009). Toutefois, le montant des crédits de fonctionnement dont auront besoin les agences régionales de santé pour l'année 2010 dépend de la date à laquelle elles reprendront les personnels et les missions des divers organismes auxquels elles se substituent. Or, cette date n'est pas encore connue avec certitude, l'article 131 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 laissant au Gouvernement jusqu'au 31 juillet 2010 pour y procéder.

Aussi, la LFSS pour 2010 propose que la contribution de l'assurance maladie au financement des agences régionales de santé pour 2010 comprenne, outre la dotation visant à couvrir une partie de leurs frais d'installation, une dotation compensant les dépenses afférentes aux emplois et aux missions qui leur sont transférés, dont le montant sera fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé, de la Sécurité sociale et de l'Agriculture.

  • La création d'un régime spécifique d'exonération du ticket modérateur post-affection de longue durée

Le régime des affections de longue durée (ALD) constitue une exception au principe (CSS, art. L. 322-2 N° Lexbase : L4702H9Z) suivant lequel un ticket modérateur, c'est-à-dire une fraction du tarif servant de base au calcul des remboursements d'assurance maladie, est laissé à la charge de l'assuré. L'exonération prévue pour ces personnes vise à neutraliser le "reste à charge", qui serait particulièrement élevé pour eux, dans la mesure où ils ont besoin de soins plus fréquents et plus coûteux que la moyenne des assurés.

Fin 2008, les travaux parlementaires (8) ont évalué l'effectif total de bénéficiaires du régime des ALD à 8,3 millions pour le régime général et à 9,7 millions pour l'ensemble des régimes, soit 15 % des assurés. Les entrées dans le régime des ALD ont connu une croissance soutenue de 5,9 % par an en moyenne entre 2006 et 2008. Les progrès thérapeutiques ont accru l'espérance de vie de ces malades, ce qui a pour effet d'allonger la durée moyenne du bénéfice du régime des ALD. Aussi, les dépenses liées aux patients en ALD progressent à un rythme de 5,9 % par an en moyenne entre 2006 et 2008. En conséquence, ces affections absorbent une part de plus en plus prépondérante des dépenses d'assurance maladie : les dépenses d'ALD concentrent, en effet, 65 % des remboursements, et leur progression explique la quasi-totalité de la croissance des dépenses d'assurance maladie.

Compte tenu de la place de plus en plus importante des dépenses d'ALD dans nos dépenses d'assurance maladie, le législateur (LFSS pour 2010) a entendu veiller à ce que le régime des ALD soit appliqué de façon pertinente. Dans cette optique, les pouvoirs publics ont engagé des réflexions sur le bien-fondé des critères d'admission et de maintien dans ce régime. La loi n° 2009-1646 institue un régime spécial d'exonération du ticket modérateur doublement ciblé sur les seuls assurés qui ne sont plus admis à bénéficier du régime d'exonération lié à l'une des 30 ALD énumérées à l'article D. 322-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4416GU4) ; les seuls actes médicaux et examens biologiques nécessaires au suivi de l'affection au titre de laquelle ces assurés ont bénéficié du régime des ALD.

B - Santé au travail (AT-MP)

L'année 2008 enregistre à la fois une diminution de 2,2 % du nombre d'accidents du travail avec arrêt par rapport à l'année 2007 et une augmentation de l'activité salariée, avec une hausse des effectifs de 1,3 %, ce qui conduit à une diminution de l'indice de fréquence, qui atteint un niveau inédit de 38 accidents avec arrêt pour 1 000 salariés en 2008. Après avoir diminué en 2003 et 2004, le nombre d'accidents de trajet avec arrêt est en augmentation pour les années 2005 à 2008, avec, en 2008, une augmentation de 2,8 % par rapport à 2007. Le nombre de maladies professionnelles reste en augmentation en 2008, avec une hausse maintenue de 3,6 % par rapport à 2007.

Les dispositions de la LFSS pour 2010 relatives aux dépenses d'accidents du travail et de maladies professionnelles portent sur les dispositions d'incitation financière en matière de tarification des accidents du travail ; la contribution au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ; la modification du système d'accès au FCAATA ; la création d'une filière individualisée d'accès au FCAATA ; et, enfin, le versement au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Pour 2010, le législateur a fixé à 12,9 milliards d'euros l'objectif de dépenses de la branche AT-MP pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et à 11,4 milliards d'euros l'objectif de dépenses de la branche pour le seul régime général (LFSS pour 2010, art. 78). La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 met délibérément l'accent sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

De la LFSS pour 2010, on retiendra l'article 74, ayant pour objet d'instaurer un système de "bonus-malus" pour inciter davantage les entreprises à s'engager dans une démarche de prévention des accidents du travail, en renforçant l'efficacité ou en généralisant les dispositions d'incitation financière existantes. En dehors du dispositif stricto sensu de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles (qui poursuit également une visée d'incitation à la prévention), il existe parallèlement toute une gamme d'incitations financières, visant à ce que les entreprises améliorent la sécurité au travail. Les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, qui se substitueront aux caisses régionales d'assurance maladie le 1er janvier 2010, en vertu de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, peuvent accorder des ristournes soit sur la cotisation accidents du travail/maladies professionnelles, soit sur la majoration forfaitaire accident de trajet pour tenir compte des mesures de prévention qui ont été prises. Elles peuvent également imposer des cotisations supplémentaires, pour tenir compte des risques exceptionnels présentés par l'activité de l'établissement ou accorder des avances aux entreprises. Selon les travaux parlementaires (9), à l'exception du dispositif expérimental des aides financières simplifiées, les dispositifs d'incitation financière sont soit assez peu efficaces, soit peu ou mal utilisés.

Le dispositif des cotisations supplémentaires prévu par la loi n'étant pas assez dissuasif pour les entreprises, la LFSS pour 2010 le renforce en modifiant les articles L. 242-7 (N° Lexbase : L1500IGN) et L. 422-4 (N° Lexbase : L1488IG9) du Code de la Sécurité sociale, qui prévoient ses conditions de mise en oeuvre. L'article 74 de la loi n° 2009-1646 complète le deuxième alinéa de l'article L. 242-7 afin de prévoir la fixation d'un montant minimal pour les cotisations supplémentaires. Les conditions générales dans lesquelles ces cotisations supplémentaires peuvent être imposées sont aujourd'hui fixées par l'arrêté interministériel du 16 septembre 1977 (N° Lexbase : L8448AIQ), qui ne prévoit pas de montant plancher pour la cotisation supplémentaire. La modification proposée par le 1° vise à prévoir qu'un arrêté déterminera, désormais, le taux, la durée pendant laquelle elle est due et, surtout, le montant forfaitaire minimal de la cotisation supplémentaire. L'expérience a, en effet, montré que ces cotisations supplémentaires conduisent souvent à des montants financiers très faibles (non incitatifs), puisqu'elles sont calculées en fonction de la durée pendant laquelle les risques exceptionnels ont été constatés. En prévoyant un plancher minimal de cotisation supplémentaire, il s'agit de rendre ces cotisations supplémentaires réellement dissuasives.

Le législateur a entendu donner une base législative à l'octroi par les caisses de retraite et de santé au travail d'aides financières simplifiées, sous forme de subventions directes aux petites entreprises dans le cadre d'enveloppes limitatives. Il s'agit de tirer les conséquences d'un dispositif expérimental qui a fait ses preuves. La réussite du dispositif tient au fait que ces aides financières en faveur des entreprises qui réalisent des actions de prévention sont simples à mettre en oeuvre pour être adaptées au public des plus petites d'entre elles. Elles prennent, en effet, la forme de subventions directes, à la différence des contrats de prévention classiques, qui passent préalablement par des avances financières et nécessitent surtout la signature de conventions nationales d'objectif. Afin de généraliser l'octroi de subventions, la LFSS pour 2010 complète ainsi l'article L. 422-5 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1349IG3) relatif aux avances pour y ajouter un alinéa relatif aux subventions. Les entreprises qui seront éligibles aux programmes nationaux de prévention définis par la CNAMTS ou aux programmes locaux définis par une caisse régionale d'assurance maladie, pourront se voir accorder des subventions par une caisse régionale, dans des conditions qui seront précisées par arrêté.

II - Risques vieillesse et dépendance

Pour 2010, les prévisions de recettes s'élèvent à 182,4 milliards d'euros et 195 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit annoncé de 12,6 milliards d'euros pour la branche vieillesse (LFSS pour 2010, art. 27). Les dispositions portant sur le risque vieillesse sont comprises aux articles 65 à 73 de la loi.

A - Majoration de durée d'assurance vieillesse

La majoration de durée d'assurance pour enfants a pour fonction première de compenser, en partie, les inégalités de carrière subies par les femmes en raison de l'arrivée des enfants (10). La LFSS pour 2010 vise plusieurs objectifs : sécuriser le dispositif juridiquement et mettre un terme aux contentieux qui risquent de se généraliser et compenser les effets pénalisant de l'arrivée d'enfants sur la carrière professionnelle des parents. Le nouveau dispositif doit donc continuer de bénéficier aux femmes, tout en respectant les principes de non-discrimination rappelés par la Cour de cassation. Enfin, le législateur a fait le choix de conserver le système de majoration de la durée d'assurances en raison des enfants, c'est-à-dire l'octroi de trimestres gratuits permettant de compenser le déficit de trimestres cotisés dont souffrent souvent les femmes (d'autres options étaient possibles, comme la majoration de pension).

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 65) réécrit l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1517IGB), en prévoyant l'attribution (comme c'est le cas aujourd'hui) de huit trimestres par enfant. Ces huit trimestres sont, désormais, divisés en deux blocs : quatre trimestres liés à l'accouchement et à la maternité et quatre trimestres liés à l'éducation. Point commun à ces deux blocs, l'octroi de ces trimestres n'est à aucun moment conditionné à une interruption d'activité conformément à l'objectif d'éviter, pour les femmes, un éloignement trop prolongé du monde du travail. Par ailleurs, cette absence de condition de cessation d'activité permet de préserver les droits de toutes les femmes ayant des enfants avant de commencer à travailler, qui auraient pu se voir pénalisées par une telle exigence.

  • Une majoration de quatre trimestres par enfant pour la maternité

L'article L. 351-4-I du Code de la Sécurité sociale prévoit l'attribution automatique d'une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres aux femmes assurées sociales pour chacun de leurs enfants. Le fait générateur de cette attribution est l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement. Ce fait générateur permet à la fois d'écarter les hommes du bénéfice de cette majoration, mais aussi de poser un principe : ce ne sont pas seulement les effets de la grossesse et de l'accouchement sur la vie professionnelle que cette majoration entend compenser (d'où l'importance du "notamment"), mais bien, plus généralement, les incidences de la maternité même, c'est-à-dire le fait pour une femme qui travaille d'avoir des enfants.

Est donc reconnue par la loi cette réalité sociologique bien établie qu'une femme est désavantagée dans sa vie professionnelle par le simple fait qu'elle est femme et qu'elle est donc susceptible d'avoir des enfants : désavantage à l'embauche, avant même qu'il y ait enfant ; puis désavantage dans le déroulement de la carrière, en termes de salaires et de promotions.

  • Une majoration de quatre trimestres pour l'éducation

Le législateur (CSS, art. L. 351-4, alinéas 3 à 9) attribue quatre trimestres aux parents de l'enfant au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. Le fait générateur est ici l'éducation de l'enfant, biologique ou adopté. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (supra), ce droit est ouvert de façon égale au père et à la mère. La quatrième année révolue, le couple dispose d'une période de six mois au cours de laquelle il peut indiquer à la caisse d'assurance vieillesse la répartition de ces quatre trimestres.

  • Le cas des enfants adoptés

S'agissant des enfants adoptés, la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 prévoit (comme aujourd'hui) l'attribution de huit trimestres par enfant. La répartition des huit trimestres est, néanmoins, différente pour les enfants adoptés : les quatre trimestres liés à l'adoption valent aussi bien pour les enfants biologiques que pour les enfants adoptés, la seule différence étant que la période pendant laquelle le choix de répartition des trimestres est effectué est les six mois suivant le quatrième anniversaire de l'adoption et non de la naissance. En revanche, il n'était pas possible d'attribuer les quatre trimestres liés à la maternité aux parents adoptants. C'est pourquoi le III (alinéas 10 à 13) de l'article L. 351-4 prévoit une majoration spécifique de quatre trimestres pour les parents adoptants dont le fait générateur est l'incidence sur la vie professionnelle de l'accueil de l'enfant et des démarches préalables à celui-ci.

B - Cumul d'un emploi avec une pension d'invalidité

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 supprime une restriction au travail des personnes bénéficiant d'une pension d'invalidité, restriction devenue d'autant plus pénalisante que la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a libéralisé les possibilités de cumul emploi-retraite (11). En application de l'article L. 341-15 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3136IC7), la pension d'invalidité se transforme en pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail. L'assurance-vieillesse prend donc le relais de l'assurance-maladie avec des règles de liquidation spécifiques : le taux plein est accordé quelle que soit la durée d'assurance et le salaire annuel moyen est calculé à partir des dix meilleures années civiles précédant l'invalidité.

Ce basculement vers l'assurance-vieillesse à 60 ans, automatique, pose des problèmes pour les personnes invalides de catégorie 1 qui exercent une activité professionnelle. Ils sont, en effet, confrontés à cette alternative : renoncer temporairement à la pension de vieillesse substituée afin de poursuivre leur activité professionnelle (mais la perte de la pension d'invalidité se traduit alors par une baisse significative de leurs revenus) ; ou liquider leur pension de vieillesse et tenter de la cumuler avec une activité professionnelle (12).

La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 supprime le caractère automatique de la transformation de la pension d'invalidité en pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail pour les personnes invalides exerçant une activité professionnelle. Cette transformation ne s'opère que si l'assuré la demande (auparavant, il pouvait s'opposer à cette transformation et choisir de renoncer à sa pension d'invalidité et à sa pension de vieillesse). Désormais, en cas de silence de l'assuré, la pension d'invalidité continue d'être servie.

III - Branche famille

Pour 2010, les prévisions de recettes s'élèvent à 50,1 milliards d'euros et 54,5 milliards d'euros de dépenses, soit un déficit annoncé de 4,4 milliards d'euros. Les articles 79 à 84 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 portent sur la branche famille. Mais le Conseil constitutionnel ayant censuré les articles 80 à 83 (décision du Conseil constitutionnel n° 2009-596, préc.), seul l'article 79 reste en vigueur.

Les articles 80 de la LFSS pour 2010 (précisant le régime d'autorisation des établissements et services gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans ainsi que les conditions d'agrément des assistants maternels et assistants familiaux), 81 (prévoyant la possibilité de délivrer, pour ces établissements, des agréments fixant des capacités d'accueil variables dans le temps), 82 (élargissant les missions des "relais assistants maternels") et, enfin, 83 (fixant à deux le nombre d'enfants susceptibles d'être accueillis par un assistant maternel lors de son premier agrément et modifiant les conditions de formation initiale et continue des assistants maternels) n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ne trouvant pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale, ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

L'article 79 de la LFSS pour 2010 vise à étendre le bénéfice du prêt pour l'amélioration de l'habitat aux assistants maternels, afin de leur permettre d'accueillir les jeunes enfants dans de meilleures conditions (13). La loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 modifie, ainsi, l'article L. 542-9 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1451IGT), en vue d'ajouter aux actuels bénéficiaires des prêts destinés à l'amélioration de l'habitat les assistants maternels. L'article L. 542-9 dispose que les régimes de prestations familiales sont autorisés à accorder à leurs allocataires des prêts destinés à l'amélioration de l'habitat dans des conditions et des limites fixées par décret. Le nouveau dispositif prévu par la LFSS pour 2010 s'inspire du prêt existant, en assouplissant certaines clauses, afin de le rendre plus attractif. Un décret devra modifier les articles D. 542-35 (N° Lexbase : L9651ADS), D. 542-36 (N° Lexbase : L9652ADT), D. 542-37 (N° Lexbase : L9653ADU) et D. 542-38 (N° Lexbase : L9654ADW) du Code de la Sécurité sociale, qui fixent respectivement la liste des allocataires bénéficiaires du prêt pour l'amélioration de l'habitat, le plafond du prêt, l'échéancier de remboursement, ainsi que les règles applicables en cas de déménagement du bénéficiaire. Ce décret serait pris début 2010.

Il s'agit donc d'un dispositif complémentaire à la prime à l'installation prévue par la convention d'objectifs et de gestion signée entre la CNAF et l'Etat pour la période 2009-2012. Cette prime, d'un montant de 300 à 500 euros, vise à aider l'assistant maternel dans l'achat de matériel de puériculture destiné à l'accueil des enfants et dans l'équipement nécessaire à son activité, tandis que le prêt permettra de financer des travaux dans le logement.


(1) Cass. civ. 2, 21 décembre 2006, n° 04-30.586, Caisse régionale d'assurance maladie d'Aquitaine (CRAMA), FP-P+B+R (N° Lexbase : A0838DT9), Bull. civ. II, n° 364, p. 335 et les obs. de N. Mingant, Majoration de la durée d'assurance vieillesse pour enfant à charge : application du principe de non-discrimination par la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7806A9Y). Cass. civ. 2, 19 février 2009, 2 arrêts, n° 07-20.668, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) des Pays de la Loire, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3935ED4) et n° 07-21.426, Caisse nationale d'assurance vieillesse, FS-P+B (N° Lexbase : A3947EDK) et nos obs., Assurance vieillesse : majoration de carrière ou rachat de cotisation ne doivent pas être discriminatoires au sens de l'article 14 CESDH, Lexbase Hebdo n° 341 du 12 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7797BIM).
(2) Cons. const., décision n° 2009-596 DC du 22 décembre 2009, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010 (N° Lexbase : A8381EP4).
(3) Y. Bur, J.-P. Door, D. Jacquat et M. Pinville, Application de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, Rapport Assemblée nationale n° 1865, 2009-2010, p. 26-31. Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8) et lire nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, Lexbase Hebdo n° 332 du 7 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT). Lire, également, Fraude aux assurances sociales : nouveau régime de sanctions, Lexbase Hebdo n° 362 du 9 septembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7444BLB, décret n° 2009-982 du 20 août 2009, relatif aux pénalités financières prévues à l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1323IG4) et à diverses mesures intéressant la lutte contre la fraude N° Lexbase : L6550IEC).
(4) Les Cahiers du Conseil constitutionnel, cahier n° 28.
(5) J.-P. Door, Rapport Assemblée nationale n° 1994, tome II, Assurance maladie et Accident du travail (2009-2010) ; v. aussi, pour une synthèse, A. Vasselle, © Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable

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