La lettre juridique n°365 du 1 octobre 2009 : Bancaire

[Textes] Aperçu du nouveau dispositif normatif relatif aux activités de paiement en France

Réf. : Ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement (N° Lexbase : L4658IEA)

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N9413BL9

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par Alexandre Bordenave, Avocat, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan

le 07 Octobre 2010

Preuve supplémentaire des efforts conséquents déployés par la France en matière d'application des normes communautaires (1), l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement (ci-après l'ordonnance) (2) transpose à la date prévue, soit le 1er novembre 2009 (3), les dispositions de la Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (N° Lexbase : L5478H3B) (ci-après la "Directive") en droit français.
La Directive est souvent reliée (voire confondue) à l'initiative "SEPA" (4). Lancé en 2002, par un comité ad hoc rassemblant les principales banques et fédérations bancaires européennes, l'European Payments Council (5) (l'EPC), le projet "SEPA" se veut le prolongement de l'introduction de l'euro sous forme fiduciaire (pièces et billets). Le souhait exprimé, soutenu par l'Eurosystème (6), est qu'il soit possible pour les "utilisateurs" de monnaie unique européenne d'effectuer des paiements de détail en euros dans les mêmes conditions de fiabilité, de rapidité et de prix partout dans la zone euro, aussi facilement que dans leur pays. La Directive participe à la construction du "SEPA", sans y être, ni complètement, ni nécessairement, assimilée : d'ailleurs, elle affiche fermement une volonté de contredire, le cas échéant, les positions de "l'EPC" (7). De manière remarquable, la Directive introduit dans l'ordre juridique communautaire deux notions qui se fondaient jusqu'alors dans des catégories plus larges : la notion de "service de paiement" (8) et la notion d'"établissement de paiement". Au-delà, elle aspire à renforcer les droits et la protection des utilisateurs (9). Et, bien qu'elle retienne globalement une approche d'harmonisation totale, la Directive laisse sur ces sujets des marges de manoeuvre de transposition substantielles aux Etats membres.

Après avoir consulté les principaux acteurs intéressés, la France a donc pu retenir des choix de transposition "équilibrés" (10), qui visent, tout en assurant le développement de la concurrence et la baisse des coûts, à :
- garantir la stabilité et la solidité du système de paiement français, et en ce sens, n'a pas été utilisée l'option permettant d'exempter un établissement de paiement lorsque le volume d'opérations de paiement exécutées représente moins de 3 millions d'euros par mois sur un an (Directive, art. 26.1 (a)) -à vrai dire, l'époque se révèle peu propice à de telles souplesses- ;
- favoriser l'attractivité de la France pour l'installation des établissements de paiement ;
- maintenir un niveau élevé de protection des consommateurs, notamment en choisissant de prohiber le "surcharging" (11) (Directive, art. 52.3 ; ordonnance, art. 2 modifiant l'article L. 112-12 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L4697IEP) ;
- faciliter des transferts de fonds des migrants (12).

Au-delà des objectifs affichés par le Gouvernement français, restent l'effort d'harmonisation des règles applicables à différents instruments de paiement et les innovations issues de l'ordonnance qui englobent les opérations de paiement en euro ou dans une devise de l'Espace économique européen (l'"EEE") entre deux prestataires situés dans cet espace : elles affectent tant les acteurs (I) que les services (II) liés au paiement.

I - Les nouveaux acteurs du paiement

L'ordonnance introduit une typologie nouvelle au sein de l'ordre bancaire et financier français : les prestataires de services de paiement (A), parmi lesquels les établissements de paiement (B).

A - Les prestataires de services de paiement

L'article 11 de l'ordonnance crée la notion de prestataires de services de paiement. Il s'agit d'un vaste ensemble regroupant les établissements de crédit et les établissements de paiement (13) (C. mon. fin., art. L. 521-1 I N° Lexbase : L4702IEU). En ce sens, la construction de cette catégorie nouvelle s'inspire (en filigrane) de la méthode retenue pour les prestataires de services d'investissement : ces derniers rassemblent également la catégorie générale des établissements de crédit et une catégorie plus spécifique, celle des entreprises d'investissement (C. mon. fin., art. L. 531-1 N° Lexbase : L9338DYI (14)).

Les prestataires de services de paiement jouissent d'un monopole, organisé par l'article L. 521-2 (N° Lexbase : L4851IEE) : ils sont seuls à pouvoir fournir des services de paiement (15). A la réflexion, comme nous le constaterons par la suite, ce monopole n'est inédit qu'en apparence : de manière générale, les activités qu'il recouvre participaient au monopole des établissements de crédit.

Parallèlement aux prestataires de services de paiement, l'ordonnance fait apparaître une figure accessoire : les agents des prestataires de services de paiement (C. mon. fin., art. L. 523-1 N° Lexbase : L4756IEU et s.). Chaque agent doit être enregistré auprès du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (le CECEI) par le prestataire de services de paiement qui le mandate : il s'agit de s'assurer qu'il répond à des exigences minimales en termes de déontologie financière (16). La consultation française préalable à la transposition de la Directive avait fait apparaître que ce statut d'agent pouvait s'avérer trop lourd vis-à-vis de personnes assurant déjà un service de délivrance de monnaie au nom d' un établissement de crédit pour les seuls clients dudit établissement. Le sujet semblait particulièrement crucial en zone rurale (17). Aussi, à l'initiative du Gouvernement, l'article L. 523-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4750IEN) ménage cette hypothèse en accordant à de tels mandataires (18) un statut dérogatoire allégé, sans contrôle a priori (19).

Mais, à l'évidence, c'est bel et bien l'introduction des établissements de paiement qui suscite la curiosité.

B - L'apparition des établissements de paiement

L'article L. 522-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4871IE7) définit les établissements de paiement comme les "personnes morales, autres que les établissements de crédit et autres que les personnes mentionnées au II de l'article L. 521-1, qui fournissent à titre de profession habituelle les services de paiement". Pour autant, leur champ d'intervention n'est pas limité à la pure fourniture de services de paiement.

Tout d'abord, au titre des services de paiement, les établissements de crédit sont habilités à ouvrir des comptes de paiement. Il s'agit de comptes bancaires utilisés pour effectuer des opérations de paiement (C. mon. fin., art. L. 314-1 I N° Lexbase : L4861IER) ; ce ne sont pas des comptes d'épargne (C. mon. fin., art. L. 522-4 I N° Lexbase : L4808IES) et les fonds transitant sur ces comptes ne sont pas à la libre disposition de l'établissement (id., II) (20) ;

Ensuite, est prévue l'hypothèse d'établissements "hybrides", à savoir des entités n'ayant pas pour unique profession habituelle la fourniture de services de paiement (C. mon. fin., art. L. 522-3 N° Lexbase : L4853IEH). Cette possibilité est encadrée, de sorte que l'exercice de l'autre activité ne nuise pas à la fourniture des services de paiement. Cela pourrait laisser libre cours à l'imagination commerciale au nom de laquelle, par exemple, des franchiseurs tiendraient lieu d'établissements de paiement au sein de leur réseau.

Enfin, les établissements de paiement peuvent proposer des services connexes, tels des services de change, de garde, voire des opérations de crédit (21) (C. mon. fin., art. L. 522-2 N° Lexbase : L4870IE4). Ces dernières sont limitativement délimitées et nécessairement liées aux opérations de paiement. Un établissement de paiement ne saurait donc être le factor ou être cessionnaire d'un bordereau Dailly.

Les établissements de paiement sont soumis à des règles ressemblant à s'y méprendre à celles applicables aux établissements de crédit.
Ainsi, l'accès à la profession est soumis à la délivrance d'un agrément par le CECEI (C. mon. fin., art. L. 522-6 I N° Lexbase : L4836IET) (22). Cet agrément est délivré en tenant compte, notamment, du montant de capital social de l'établissement, de la solidité de son système de gouvernance ou de la qualité de ces dirigeants.
Ensuite, les établissements de paiement font l'objet de règles prudentielles a minima (C. mon. fin., art. L. 522-14 N° Lexbase : L4836IET et s.). Outre le fait qu'elles prévoient un niveau de fonds propres minimal, ces dispositions organisent la protection des fonds reçus des utilisateurs des services de paiement. Cela a du sens dans la mesure où les établissements de paiement sont exclus du mécanisme de garantie des déposants (23). Pour cette raison, le texte prévoit que les fonds des utilisateurs doivent faire l'objet d'un cantonnement (24) ou d'une assurance (C. mon. fin., art. L. 522-17 I N° Lexbase : L4869IE3) (25).
Les établissements de paiement doivent, par ailleurs, respecter un secret professionnel fort proche du très débattu "secret bancaire" (C. mon. fin., art. L. 522-19 I N° Lexbase : L4683IE8) (26). 
Ils doivent, en outre, observer les règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes (C. mon. fin., art. L. 561-21 N° Lexbase : L4979IE7).
Enfin, ils sont placés sous la tutelle du ministère chargé de l'Economie (C. mon. fin., art. L. 611-1-1 N° Lexbase : L5007IE8), du CECEI (C. mon. fin., art. L. 612-2 N° Lexbase : L4992IEM) et de la Commission bancaire (C. mon. fin., art. L. 613-1-1 N° Lexbase : L4983IEB).

Le constat est clair : les règles nouvellement introduites relativement aux établissements de paiement se démarquent moins de celles applicables aux établissements de crédit par leur nature que par leur intensité. Tel était l'objectif affiché dans la Directive : soumettre ces entités d'un genre particulier à des exigences "proportionnées aux risques opérationnels et financiers auxquels elles sont exposées" (Directive, considérant n° 11). Ce qui est recherché, c'est également un accroissement de la concurrence sur le marché des services financiers (au sens large) : en imposant des barrières normatives à l'entrée moins contraignantes, le législateur communautaire espère tendre un peu plus vers la condition généralement admise d'atomicité de l'offre de la théorie de la concurrence pure et parfaite (27). Plus généralement, il paraîtrait contre-productif d'imposer aux établissements de paiement une réglementation aussi rigoriste que celle concernant les établissements de crédit compte tenu du fait qu'ils proposent des services plus restreints et plus spécialisés, générant des risques plus circonscrits.

Précisément, la Directive ne se limite pas à régir le sort des seuls dispensateurs de services de paiement. Elle modifie, également, les règles applicables aux services eux-mêmes ; l'ordonnance fait, bien sûr, de même.

II - Les nouvelles règles du paiement

L'ordonnance consacre le périmètre du monopole réservé aux établissements de paiement : les services de paiement (A). Elle s'attèle, également, à renforcer la protection de leurs utilisateurs (B).

A - L'apparition des services de paiement

Pleine du feu sacré communautaire, l'ordonnance (et plus précisément son article 3) franchit un Rubicon en remodelant certaines des notions cardinales du droit bancaire, afin de faire une place aux services de paiement :
- elle modifie la notion d'opération de banque, en substituant les "services bancaires de paiement" à "la mise à disposition de la clientèle/gestion de moyens de paiement" (C. mon. fin., art. L. 311-1 N° Lexbase : L4711IE9) ;
- elle définit ce qu'est "la mise à disposition de la clientèle/gestion de moyens de paiement" en précisant qu'elle comprend les services bancaires de paiement et les "services de paiement" (C. mon. fin., art. L. 311-3, al. 2 N° Lexbase : L4804IEN) et on déduit de cette définition que les services bancaires de paiement sont tous les services qui consistent en de la mise à disposition de la clientèle ou de la gestion de moyens de paiement sans pour autant être des services de paiement ;
- elle ajoute à la liste des opérations connexes aux opérations de banque les "services de paiement" (C. mon. fin., art. L. 311-2, 7° N° Lexbase : L4823IED).

A ce stade, relevons également que l'ordonnance prévoit deux exceptions au champ d'application de la mise à disposition de la clientèle/gestion de moyens de paiement (C. mon. fin., art. L. 311-4 N° Lexbase : L4781IES). Ainsi, par principe, sont des activités libres :

- "la réalisation d'opérations de paiement exécutées au moyen d'un appareil de télécommunication ou d'un autre dispositif numérique ou informatique, lorsque l'opérateur du système de télécommunication numérique ou informatique n'agit pas en seule qualité d'intermédiaire", cela offrant une solide assise juridique à la création de services "kiosque" dont les opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d'accès à internet sont souvent friands (28) ;

- "les opérations de paiement entre une entreprise mère et sa filiale", ou entre sociétés d'un même groupe, "sans qu'aucun autre prestataire de services de paiement qu'une entreprise du même groupe ne fasse office d'intermédiaire". Compte tenu des enjeux en présence, c'est louable. Au fond, il s'agit, peu ou prou, du pendant en matière d'opérations de paiement de la dérogation de l'article L. 511-7, 3° relative aux opérations de crédit.

Coeur de la nouveauté, les services de paiement font l'objet d'une liste exhaustice à l'article L. 314-1 II du Code monétaire et financier (complétée par une "liste négative") (29). Ces services sont ceux auxquels il est recouru pour réaliser des opérations de paiement. On comprend de ce nouvel article du Code monétaire et financier que, pour être ainsi qualifiée, une opération de paiement doit donner lieu à un ordre de paiement dont le traitement est dématérialisé et transiter par un compte de paiement ouvert dans l'EEE et concerner un prestataire de service de paiement et un de ses clients (30). Il faut en tirer comme conséquences principales que les services de paiement :

- excluent, notamment, les paiements en monnaie fiduciaire, les paiements "papier" (titres restaurants, chèques emploi-service universels...) et les instruments privatifs (31) (cartes cadeaux et alli. (32)) ;

- n'englobent, au contraire, que les prélèvements, les paiements par cartes et les virements. Rien d'étonnant à cela : il s'agit des trois moyens de paiement concernés par le "SEPA" (33).

B - Le renforcement de la protection offerte aux utilisateurs

La protection des utilisateurs de services de paiement (qu'ils soient payeurs ou bénéficiaires) figure parmi les objectifs assignés par la Directive aux législations nationales (Directive, considérant n° 20 et s.). En ce sens, l'ordonnance impose un principe général de protection qu'elle décline vertement ; nous nous attacherons à en dégager les lignes principales.

A titre liminaire, remarquons que, en pratique, il y a fort à parier que seuls les consommateurs bénéficieront des mesures protectrices. En effet, l'article L. 133-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4849IEC) énonce a contrario qu'il peut être dérogé à la plupart des dispositions protectrices chaque fois que l'utilisateur n'est pas une personne physique agissant pour des besoins non professionnels.

Au premier chef, la protection porte sur les ordres et instruments de paiement. A cet égard, elle s'articule autour de trois axes principaux.

  • Les conditions d'exécution des ordres de paiements (34).

Toute opération doit recueillir le consentement de l'utilisateur (35) ; à défaut elle est non autorisée (C. mon. fin., art. L. 133-7 N° Lexbase : L4829IEL) et ouvre un droit à remboursement "immédiatement" (36) (C. mon. fin., art. L. 133-18 N° Lexbase : L4679IEZ). Est réaffirmé le principe d'irrévocabilité de l'ordre de paiement (C. mon. fin., art. L. 133-8 N° Lexbase : L4721IEL), principe déjà connu en matière de cartes de paiement (par exemple). Le principe est que le moment de la réception de l'ordre de paiement est le jour ouvré où est passé l'ordre (C. mon. fin., art. L. 133-9 N° Lexbase : L4717IEG). Egalement, le payeur est assuré de voir l'intégralité du montant de l'ordre versé au bénéficiaire (C. mon. fin., art. L. 133-11 N° Lexbase : L4749IEM). Concrètement, cela signifie que les éventuels frais à la charge du payeur doivent faire l'objet d'une facturation ou d'un prélèvement séparé : il ne peut donc y avoir de déperdition défavorable à l'opération de paiement (37).

  • Les délais d'exécution des ordres de paiement

Par principe, le délai d'exécution ne saurait être supérieur à un jour entre le moment de la réception de l'ordre de paiement (en euro) par le prestataire du payeur et le crédit sur le compte du prestataire du bénéficiaire (C. mon. fin., art. L. 133-13 N° Lexbase : L4770IEE (38)). Comme un auteur l'a fait remarquer (39), cette précision n'a d'intérêt que pour les paiements opérés par voie de virements : en matière de paiements par carte bancaire et de prélèvements, la date de règlement interbancaire correspond à la date de réception de l'ordre.

Quant à la date de valeur de l'opération, elle ne peut être postérieure à la date à laquelle le montant correspondant est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire, ni antérieure à la date à laquelle ce même montant est débité sur le compte du prestataire de services de paiement du payeur (C. mon. fin., art. L. 133-14 N° Lexbase : L4843IE4). Détail d'extrême importance : lesdits délais sont d'ordre public et ne font pas partie des dérogations autorisés à l'article L. 133-2. La jurisprudence française s'est longuement et richement attardée sur la question des dates de valeur et de disponibilité des fonds (40). Nul doute que la nouvelle législation contribuera à éclaircir la question.

  • La sécurisation des instruments de paiement

Les prestataires de services de paiement sont tenus de sécuriser les instruments en mettant en place des "dispositifs de sécurité personnalisés" -éventuellement complétés par des "identifiants uniques" (41)- (C. mon. fin., art. L. 133-15 N° Lexbase : L4859IEP) et se trouvent débiteurs d'une obligation supplémentaire d'information en cas "de perte, de vol, de détournement ou d'utilisation non autorisée d'un instrument de paiement" (id.). A notre sens, l'obligation est plutôt sévère. Et, là où le droit prévoyait que l'utilisateur d'une carte de paiement supporte les pertes avant mise en opposition (à laquelle succède "l'information aux fins de blocage") jusqu'à 400 euros en ayant soixante-dix jours pour procéder à l'opposition, l'ordonnance abaisse le plafond à 150 euros (C. mon. fin., art. L. 133-19 N° Lexbase : L4809IET) et augmente le délai de forclusion à treize mois à compter de la date de débit (C. mon. fin., art. L. 133-24 N° Lexbase : L4687IEC).

En second lieu, la protection des utilisateurs s'incarne dans des prescriptions additionnelles concernant certains contrats qui peuvent être conclus pour recourir à des services de paiement.

  • La convention de compte de dépôt

Dorénavant, sa conclusion doit faire l'objet d'une information précontractuelle détaillée qui va au-delà de la simple information sur "les caractéristiques essentielles du bien ou du service" (42) (C. mon. fin., art. L. 312-1-1 N° Lexbase : L4719IEI). Comme cela a été mis en évidence (43), se ménager la preuve de ce que cette obligation a été observée ne sera possible que si le prospect s'est mué en client.
complétant les dispositions de l'ordonnance, un arrêté du 29 juillet 2009 (44) est venu préciser les stipulations devant obligatoirement figurer dans les conventions de compte de dépôt.
Sur un autre sujet lié, l'ordonnance modifie légèrement les règles concernant la conclusion d'avenants à une convention de compte de dépôt : notamment, le délai de réflexion laissé au client est ramené à deux mois pleins (45).

  • La convention-cadre de services de paiement

Genre contractuel nouveau inauguré par l'ordonnance, cette convention est obligatoirement conclue lorsqu'est proposé un service de paiement lié à un compte de paiement qui ne fait pas l'objet d'une convention de compte de dépôt (C. mon. fin., art. L. 314-12 N° Lexbase : L4739IEA). En pratique, cela signifie que, dans la plupart des cas, les établissements de paiement seront seuls à conclure des conventions de ce type. Les règles applicables à la convention-cadre de services de paiement reprennent celles relatives à la convention de dépôt.

Signalons aussi que la protection de l'utilisateur est assurée par une obligation d'information ante (C. mon. fin., art. L. 312-1-1 V) et post (arrêté du 29 juillet 2009, préc.) exécution de l'ordre de paiement (46) ; ou encore par l'ouverture de la médiation bancaire aux clients des établissements de paiement (C. mon. fin, art. L. 315-1 N° Lexbase : L4819IE9).

Enfin, à titre de principe, l'ordonnance organise une véritable police des frais bancaires. Ainsi, on peut citer l'interdiction de facturation des frais relatifs à la production d'informations obligatoires destinées à la clientèle (C. mon. fin., art. L. 314-7 I N° Lexbase : L4733IEZ) et aux mesures préventives et correctrices à la disposition du client (C. mon. fin., art. L. 133-26 I N° Lexbase : L4776IEM). Intention louable, mais quelque peu naïve puisque cette disposition ne peut en aucun cas empêcher une augmentation des frais bancaires généraux (qui n'aurait rien d'illogique, compte tenu du surplus d'obligations mises à la charge des prestataires de services de paiement).

A l'image du projet SEPA, dont elle est l'héritière au deuxième degré, ou comme d'autres réalisations liées au SEPA - telle la plateforme TARGET247- l'ordonnance est d'essence éminemment technique. Simplement, en contribuant à libéraliser les services de paiement tout en assurant qu'ils soient fournis dans des conditions de sécurité technique et juridique d'un niveau équivalent dans toute l'Union Européenne, elle a le mérite de venir parachever l'introduction de l'euro. Dans les milieux bancaires, un temps durant au moins, l'ordonnance devrait surtout générer une multiplication ou un renforcement des processus "qualité" afin de palier les risques opérationnels qu'elle induit. Les opportunités qu'elle ouvre sont sans doute plus lointaines et plutôt favorables à des acteurs non-bancaires (48), susceptibles de devenir de nouveaux concurrents pour les établissements de crédit. Lourde de conséquences pour la sphère bancaire, presque inodore pour les utilisateurs : une lame de fer pour une révolution de velours ?


(1) Volonté affirmée dans des textes tels que la circulaire du 27 septembre 2004, relative à la procédure de transposition en droit interne des Directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes et le décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005, relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes (N° Lexbase : L0427HD8), et dont l'efficacité a été soulignée par le Conseil d'Etat dans son étude "Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national" (2007) et la Commission européenne elle-même. Cette dernière, dans son dernier tableau d'observation consacré à la question, observe que "sur les dix-sept Etats membres ayant atteint l'objectif précédent de 1 %, dix sont parvenus à réduire davantage leur déficit", parmi lesquels la France (même si notre déficit de transposition demeure au quatrième rang communautaire).
(2) A l'instar de nombreux textes récents, l'ordonnance est prise sur le fondement de l'article 152 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR). Il convient déjà de lui associer un premier décret d'application : le décret n° 2009-934 du 29 juillet 2009, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement (N° Lexbase : L5897IE7).
(3) Dans la présente publication, pour plus de commodité, nous anticipons sur l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Aussi, les références aux articles du Code monétaire et financier doivent-elles s'entendre comme des références aux articles en vigueur à compter du 1er novembre 2009.
(4) Pour Single Euro Payments Area (Espace unique de paiements en euros).
(5) Cf. le site internet de l'EPC.
(6) L'Eurosystème regroupe la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des Etats membres qui ont adopté l'euro.
(7) Puisque que la Directive considère qu'"il est crucial d'établir, au niveau communautaire, un cadre juridique moderne et cohérent pour les services de paiement -que ces services soient ou non compatibles avec le système résultant de l'initiative du secteur financier en faveur d'un espace unique de paiement en euros" (Directive, considérant n° 4). Ajoutons aussi que contrairement au projet SEPA, la Directive ne concerne pas les membres de l'Association européenne de libre échange.
(8) Notion qu'elle utilise d'ailleurs afin de délimiter (pour l'essentiel) son champ d'application (Directive, art. 2).
(9) On peut se référer à la volonté affichée en la matière dans le communiqué de presse du 12 décembre 2007.
(10) V. rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement, JORF du 25 juillet 2009.
(11) Le surcharging consiste à facturer au client, utilisateur d'un service de paiement, des frais correspondant au coût d'utilisation de l'instrument de paiement donné par le commerçant.
(12) Sur ces objectifs, voir rapport au Président de la République, préc..
(13) Nous reviendrons plus amplement sur cette notion un peu plus loin. A cette liste, il convient d'ajouter -comme à l'habitude- la Banque de France, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, la Caisse des dépôts et consignations et le Trésor Public (C. mon. fin., art. L. 521-1 II N° Lexbase : L4702IEU).
(14) A ceci près que, s'agissant des prestataires de services d'investissement, les établissements de crédit doivent avoir reçu l'agrément adéquat pour fournir ces services
(15) "Il est interdit à toute personne autre que celles mentionnées à l'article L. 521-1 de fournir des services de paiement au sens du II de l'article L. 314-1 (N° Lexbase : L4861IERà titre de profession habituelle". Une fois encore, on peut remarquer le classicisme de la formulation de l'interdiction à la lumière de ce que la loi française prévoit déjà en matière d'opérations de banque et de services d'investissement (respectivement aux articles L. 511-5 N° Lexbase : L9481DYS et L. 531-10 N° Lexbase : L3050HZY du Code monétaire et financier).
(16) Notamment que l'agent en question ne cherche pas à se "recycler" dans une activité alternative à celle pour laquelle il a pu faire l'objet d'une condamnation sur le fondement de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6187IC7).
(17) Par exemple, on peut penser au rôle joué par les "points jaunes" de la Banque Postale.
(18) Qui, d'ailleurs, peuvent exercer une autre profession (qui doit, pour autant, demeurer "accessoire et non significative" selon les termes de l'alinéa 5 de l'article L. 523-6 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L3056HZ9).
(19) En contrepartie, cet agent a minima est intégré dans le périmètre du système de contrôle interne de l'établissement mandant.
(20) Ce qui constitue une différence fondamentale par rapport aux établissements de crédit.
(21) Mais, dans ce dernier cas, seulement à des conditions strictes, notamment une échéance d'un maximum de douze mois (C. mon. fin., art. L. 522-3 N° Lexbase : L4853IEH).
(22) Au surplus, une option de conversion est ouverte sur simple notification du CECEI jusqu'au 25 décembre 2009 aux établissements de crédit qui souhaiteraient adopter le statut allégé d'établissement de paiement (ordonnance, art. 18).
(23) Ce qui est, au demeurant, logique puisque les établissements de paiement ne reçoivent pas (stricto sensu) de dépôts (C. mon. fin., art. L. 522-4 I N° Lexbase : L4808IES).
(24) Faisant réapparaître le spectre du patrimoine d'affectation.
(25) La Directive permettait aux Etats transposant de ne retenir une protection qu'au-delà de 600 euros (Directive, art. 9.4). La France a choisi de ne pas recourir à cette possibilité.
(26) A comparer avec ce que prévoit l'article L. 511-33 (N° Lexbase : L2778IBI) en matière d'établissement de crédit.
(27) L'objectif d'une plus grande concurrence sur ce secteur est affiché à de très nombreuses reprises dans l'introduction de la Directive ; il est repris dans l'ordonnance. La Directive à peine transposée, la réalité de l'objectif suscite déjà des doutes (cf. P. Bouteiller, La transposition en droit français des dispositions européennes régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement, JCP éd. E, 2009, 1897, p. 23, n° 92).
(28) L'état du droit jusqu'alors en vigueur avait conduit le groupe France Télécom à créer un établissement de crédit destiné à fournir de tels services, France Télécom Encaissements.
(29) Liste qui reprend celle figurant en annexe de la Directive :
- les services permettant le versement d'espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d'un compte de paiement ;
- les services permettant le retrait d'espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d'un compte de paiement ;
- l'exécution des opérations de paiement suivantes associées à un compte de paiement, à savoir (peu ou prou) les prélèvements, les paiements par carte et les virements ;
- l'exécution des mêmes opérations, mais liées à une ouverture de crédit ;
- l'émission d'instruments de paiement et/ou l'acquisition d'ordres de paiement ;
- des services de transmission de fonds ;
- et l'exécution d'opérations de paiement, lorsque le consentement du payeur est donné au moyen de tout dispositif de télécommunication, numérique ou informatique et que le paiement est adressé à l'opérateur du système ou du réseau de télécommunication ou informatique, agissant uniquement en qualité d'intermédiaire entre l'utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services.
(30) Les opérations pour compte propre sont donc exclues (C. mon. fin., art. L. 314-4 N° Lexbase : L4741IEC).
(31) C. mon. fin., art. L. 531-3 (N° Lexbase : L4747IEK) : "une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l'acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d'un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services".
(32) L'exemption concernant les cartes cadeaux se fonde actuellement sur l'article L. 511-7 II 3 (N° Lexbase : L4822IEC) (rapport 2006 du Comité de établissements de crédit et des entreprises d'investissement). A notre sens, le nouvel article L. 521-3 (N° Lexbase : L4747IEK) permet de servir les mêmes intérêts dans des cas légèrement différents.
(33) On parle volontiers de la trilogie SCT (pour SEPA Credit Transfer), SDD (SEPA Direct Debit) et SCF (SEPA Card Framework). L'ordonnance permet également aux établissements de paiement d'encaisser des chèques (C. mon. fin., art. L. 131-45 N° Lexbase : L4723IEN et L. 131-71 N° Lexbase : L4832IEP).
(34) Définie à l'article L. 133-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4786IEY) comme "une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, ordonnée par le payeur ou le bénéficiaire".
(35) Le payeur dans la grande majorité des cas, mais on peut penser à des situations où il revient au bénéficiaire de consentir (en matière de prélèvements, par exemple).
(36) C'est optimiste, d'autant qu'il est légitime d'estimer que l'établissement en cause souhaitera vérifier les allégations de son client avant de rembourser le montant du paiement.
(37) Les frais éventuels ne peuvent être prélevés que par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire.
(38) Avec une tolérance à trois jours ouvrés jusqu'en 2012.
(39) P. Bouteiller, op cit., p. 15 n° 31.
(40) Nota., Cass. com., 27 juin 1995, n° 93-10.179, Epoux Schiettecatte c/ Union de banques et autres, publié (N° Lexbase : A8209ABN), Bull. civ. IV, n° 192.
(41) Ils fleurissent à l'occasion des paiements en ligne, qui requièrent de plus en plus fréquemment de renseigner une clé cryptée.
(42) Formule sacramentelle de l'article L. 111-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1842IEX).
(43) P. Bouteiller, op. cit., p. 18, n° 55.
(44) Arrêté du 29 juillet 2009, relatif aux relations entre les prestataires de services de paiement et leurs clients en matière d'obligations d'information des utilisateurs de services de paiement et précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt et les contrats-cadres de services de paiement (N° Lexbase : L6065IED).
(45) Au lieu d'un étrange délai mixte de deux/trois mois.
(46) Ante : délai d'exécution maximal et frais ; post : informations relatives à l'autre partie, montant, date de valeur, taux de change (le cas échéant), etc..
(47) TARGET2 (pour Trans-european Automated Real-time Gross settlement Express Transfer System) est le nouveau système de paiement de montant élevé de l'Eurosystème. En France, il est en place depuis février 2008.
(48) Les établissements de crédit étant de plein droit (et de facto !) des prestataires de services de paiement, on peut raisonnablement parier qu'ils n'utiliseront qu'a minimal le nouveau statut d'établissement de paiement. Ce dernier devrait surtout intéresser des grands groupes industriels et commerciaux.

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