La lettre juridique n°344 du 2 avril 2009 : Sociétés

[Jurisprudence] Retour sur la nature juridique des dividendes : l'usufruitier qui vote une mise en réserve des bénéfices ne consent aucune donation au nu-propriétaire

Réf. : Cass. com., 10 février 2009, n° 07-21.806, Directeur général des finances publiques, FS-P+B (N° Lexbase : A1249EDM)

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par Philippe Emy, Maître de conférences, Université Montesquieu-Bordeaux IV, membre du CERDAC

le 07 Octobre 2010

Afin de confirmer la décision d'une cour d'appel invalidant un redressement fiscal, la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 10 février 2009, reprend une jurisprudence désormais classique, selon laquelle les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant que l'assemblée générale ne décide de les distribuer.
Il est possible de résumer brièvement les faits de l'espèce. Une mère de famille décide de constituer avec ses trois enfants une SCI. Chaque enfant reçoit une seule part, et les 1 197 parts restantes reviennent à la mère. Quelques mois plus tard, la mère fait donation à ses enfants de la nue-propriété de ses 1 197 parts. Pendant plusieurs années, les assemblées générales successives affectent les bénéfices à des comptes de réserve. L'administration fiscale opère un redressement, considérant qu'il y a là une donation indirecte, portant sur les bénéfices non-distribués, consentie par l'usufruitière des parts sociales au profit des nus-propriétaires. La cour d'appel de Lyon, tout en reconnaissant que le but de l'opération est bien d'augmenter l'actif de la société afin d'en faire in fine profiter les nus-propriétaires, refuse néanmoins de voir dans les décisions de mise en réserve des donations indirectes des bénéfices distribuables. Selon la cour d'appel, cette qualification n'est en effet pas recevable, dans la mesure où il manque ici un élément essentiel, à savoir le caractère irrévocable de la donation. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l'administration fiscale, en opérant une substitution de motifs. Par un attendu de principe, elle rappelle que les dividendes n'ont aucune existence juridique tant qu'aucune décision de distribution n'est prise par l'assemblée générale. Parce qu'ils sont ainsi dépourvus d'existence, elle en déduit que ces dividendes ne peuvent pas faire l'objet d'une donation indirecte. L'arrêt rapporté mérite donc d'être commenté sur deux points : d'une part, le rappel d'une position de principe concernant la nature juridique des dividendes (I), et, d'autre part, la déduction qui en est faite, en l'espèce, à savoir l'impossibilité de qualifier de donation la mise en réserve de bénéfices décidée par l'usufruitier (II).

I - Une jurisprudence classique : la réaffirmation de la position de la Cour de cassation relative aux dividendes

Cet arrêt vient prolonger une jurisprudence désormais bien installée, selon laquelle les dividendes doivent s'analyser comme des fruits qui n'ont d'existence juridique qu'à partir de la décision de les distribuer (A), ce qui permet d'en déduire un régime spécifique (B).

A - Les dividendes analysés comme des fruits

La solution est plus que classique en jurisprudence (1) : les dividendes constituent des fruits attachés aux actions ou parts sociales, en conséquence de quoi ils reviennent à l'usufruitier. Cette qualification doit être retenue, alors même que les dividendes ne présentent pas les caractères de fixité et de périodicité habituellement reconnus aux fruits. La loi en a tiré toutes les conséquences, notamment en attribuant à ce même usufruitier le droit de vote concernant la répartition des bénéfices (2).

Si la qualification de fruits n'a jamais été discutée, la Cour de cassation a, pendant longtemps, privilégié celle de fruits civils. Or, classiquement, les fruits civils s'acquièrent au jour le jour, et la Cour en tirait, là encore, toutes les conséquences, notamment en décidant qu'en cas de cession des parts sociales, les dividendes de l'année devaient être répartis prorata temporis entre le cédant et le cessionnaire. Cette qualification de fruits civils étant pour le moins contestable, la Cour de cassation a procédé sur ce point à un revirement de jurisprudence : si les dividendes doivent être analysés comme des fruits, ce ne sont pas pour autant des fruits civils (3). A partir de là, la Cour de cassation a écarté la répartition prorata temporis prévue par l'article 586 du Code civil (N° Lexbase : L3167ABW) et applicable aux seuls fruits civils (4). Pour ce faire, elle a estimé que "c'est la décision de l'assemblée générale de distribuer tout ou partie des bénéfices réalisés au cours de l'exercice sous forme de dividendes qui confère à ceux-ci l'existence juridique". Cet attendu de principe, qui a par la suite quelque peu évolué, est désormais déduit de la qualification de fruits dans les derniers arrêts de la Cour de cassation (6). Notre arrêt confirme de façon très claire le lien existant entre la qualification de fruits reconnue aux dividendes et la naissance de ces dividendes, par une formule déjà utilisée : "les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé".

On ne peut qu'approuver la solution retenue par la Cour de cassation. En effet, rien n'empêche de considérer que les fruits naturels d'un bien incorporel puissent prendre la forme de créances de sommes d'argent, ces créances n'étant pas l'apanage des fruits civils. De plus, si on définit les fruits civils comme les revenus tirés d'un contrat dont le capital est l'objet, on comprend bien que cela ne concerne pas les dividendes qui constituent les fruits naturels des parts sociales, mais plutôt des revenus comme ceux tirés de la location de parts sociales.

B - L'application d'un régime spécifique

On l'aura compris, la qualification retenue par la Cour, même si elle présente un intérêt théorique incontestable, permet avant tout de déterminer un certain nombre de solutions pratiques. De ce que les parts sociales sont des biens frugifères, la Cour de cassation en déduit que l'article 1652 du Code civil (N° Lexbase : L1763ABW) est applicable à la cession de parts sociales, et que les intérêts sont donc dus jusqu'au paiement du capital (7). De ce que ces fruits n'ont d'existence qu'une fois que l'assemblée générale a décidé de leur affectation et de leur attribution, on en déduit que les dividendes sont versés à celui qui a la qualité d'associé à cette date. Cela signifie qu'en cas de cession de parts sociales aucune répartition prorata temporis n'est effectuée : il convient de déterminer qui du cédant ou du cessionnaire est associé à la date considérée. La règle posée par la Cour a également son utilité en droit patrimonial de la famille. Ainsi, en matière de régimes matrimoniaux, les parts sociales émises à la suite d'une augmentation de capital par incorporation de réserves constituent un accroissement des parts déjà possédées, et doivent donc être considérées comme des biens propres sans que la communauté puisse se prévaloir d'un droit à récompense (8). De même, en matière de successions, l'administration fiscale ne peut prétendre intégrer à l'actif successoral la fraction courue des dividendes sociaux au jour du décès, à partir du moment où la mise en distribution est postérieure au décès (9).

On regrettera, ici, que la Cour de cassation n'ait pas saisi l'occasion que lui offraient les termes mêmes du pourvoi afin d'apporter une précision concernant l'attribution des dividendes en cas de distribution de réserves. On explique parfois (10) que les bénéfices de l'exercice constituent des dividendes revenant à l'usufruitier, alors que les bénéfices tirés de réserves disponibles devraient profiter au nu-propriétaire. Les réserves devant être assimilées au boni de liquidation, c'est-à-dire à des produits du capital et non à des fruits, elles ne devraient être distribuées, en cas de démembrement, qu'au seul et unique nu-propriétaire ou éventuellement à l'usufruitier en considérant que lesdites sommes font l'objet d'un quasi-usufruit. Cet argument est d'ailleurs mobilisé, en l'espèce, par le pourvoi. Cependant, cette proposition ne va pas de soi, car elle ne repose que sur une décision bien ancienne de la Cour de cassation, rendue à une époque où la technique des démembrements de droits sociaux comme technique de gestion patrimoniale était loin d'être monnaie courante (11). De plus, il faut distinguer entre les réserves classiques et le report bénéficiaire, qui est intégré de plein droit dans le nouveau bénéfice (12). Ensuite, les mêmes ouvrages qui invitent à distinguer entre les dividendes enseignent que les réserves peuvent également être utilisées pour distribuer un dividende classique, c'est-à-dire profitant à l'usufruitier, en l'absence d'un bénéfice suffisant. Il est dit, aussi, que si l'assemblée générale décide de procéder à un partage anticipé de l'actif, ce partage devrait bénéficier au seul nu-propriétaire. Inutile de dire que l'on cherche alors le critère qui va permettre de séparer clairement les deux hypothèses (13). Pour ce qui est du fondement juridique, on ne voit pas pourquoi les bénéfices distribués à partir de réserves libres auraient la nature de fruits. Il y a ici une confusion à laquelle l'actuelle jurisprudence de la Cour de cassation apporte une réponse : les bénéfices et les réserves ne sont ni des fruits, ni des produits des parts sociales. Ce sont donc des éléments du patrimoine de la société, et c'est au moment de la décision de distribution que les bénéfices se transforment en dividendes et deviennent des fruits. A ce moment-là, on ne voit pas pourquoi on devrait établir une différence entre les dividendes issus de réserves et les dividendes issus du bénéfice annuel. La loi ne le fait pas (14), la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation non plus. La différence se fait avec d'autres techniques, comme l'amortissement de l'action, dont le montant doit effectivement revenir au nu-propriétaire.

II - Une incidence nouvelle : la qualification de donation indirecte impossible à retenir s'agissant d'une décision de mise en réserve des bénéfices

Lors d'une délibération sociale relative à la distribution des bénéfices, le droit de vote revient à l'usufruitier. L'administration fiscale considère, en l'espèce, que le refus de distribuer des dividendes est la décision de la mère, usufruitière de la quasi-totalité des parts. Par cette décision, cette dernière compte indéniablement maintenir les bénéfices au sein de l'actif social jusqu'à la fin de l'usufruit, afin qu'ils reviennent in fine aux enfants nus-propriétaires. Il n'en faut pas plus pour que l'administration fiscale y voit une donation indirecte. Cependant, les caractères essentiels de la donation font ici défaut (A), et il n'est même pas certain que l'opération puisse être sanctionnée sur le fondement de l'abus de droit (B).

A - L'introuvable donation indirecte

L'administration fiscale estime qu'en l'espèce l'opération réalise une donation indirecte. A partir du moment où elle met en cause les décisions de mise en réserve des bénéfices, il faut comprendre que la donation indirecte porte sur les bénéfices et non sur l'usufruit des parts sociales. L'existence d'une décision de mise en réserve ne fait pas obstacle à une qualification concomitante de donation : c'est le principe même de la théorie de la donation indirecte que de caractériser un acte juridique qui, sans aucune simulation et sans qu'il soit remis en cause, revêt accessoirement le caractère d'une libéralité. Si tel est le cas, cette donation indirecte doit effectivement faire l'objet de droits d'enregistrement.

La cour d'appel de Lyon, tout en reconnaissant que la mise en réserve a été réalisée dans le seul but de favoriser les enfants nus-propriétaires, a refusé de voir dans l'opération une donation indirecte, au motif qu'il manquait ici un élément essentiel, à savoir l'irrévocabilité de la donation. L'argument est, en effet, de bon sens, car rien n'empêche juridiquement la mère usufruitière de décider ultérieurement de la distribution des réserves libres (15).

Pour autant, c'est par une substitution de motifs que la Cour de cassation a choisi de rejeter le pourvoi, coupant ainsi court à toute discussion. Selon elle, il n'y a pas donation, non pas simplement parce que la condition d'irrévocabilité ferait défaut, mais bien parce que la donation se trouve sans objet. Pour parvenir à cette solution, elle rappelle que les dividendes n'ont pas d'existence juridique tant que l'assemblée des associés n'a pas décidé de leur distribution. Avant cet évènement, il n'y a que les bénéfices réalisés par la société, qui par définition sont la propriété de la personne morale, dont le patrimoine est totalement distinct de celui de ses associés. Ainsi, l'usufruitière n'a juridiquement pas pu transférer à titre gratuit les bénéfices de la société aux usufruitiers, tout simplement parce qu'elle n'en a jamais été propriétaire. Suivant le même raisonnement, il serait totalement vain d'analyser la décision de l'assemblée comme une renonciation -au sens strict du terme- aux dividendes par l'usufruitière. En effet, il n'y a pas ici de remise de dette, tout simplement parce que, avant toute décision de l'assemblée des associés, l'usufruitier ne dispose d'aucun droit de créance concernant les bénéfices. De même, il n'est pas possible de voir dans l'opération un lointain parent de la renonciation in favorem (16), qui s'analyse, en réalité, comme une acceptation de droits suivie de leur transmission, tout simplement parce que l'associé n'a aucun droit de créance auquel il pourrait renoncer. En résumé, il n'existe donc aucune opération patrimoniale, ni positive (transfert de propriété), ni négative (renonciation à un droit), et donc aucune donation. Sauf texte spécial, le droit fiscal ne peut invoquer une quelconque autonomie ou encore son soi-disant réalisme pour éluder les règles de qualification du droit civil, qui s'imposent à lui.

Quelques remarques de bon sens sont susceptibles de confirmer le fait qu'il n'y a eu, en l'espèce, aucune donation. Tout d'abord, il est toujours possible que la société fasse de mauvaises affaires à l'avenir et que ses réserves soient utilisées pour absorber un éventuel passif : on voit bien ici que les nus-propriétaires ne profiteraient aucunement des bénéfices, ce qui contredit l'hypothèse d'une libéralité. Ensuite, l'administration fiscale aurait-elle demandé des droits d'enregistrement si les bénéfices avaient été investis pour acheter de nouveaux biens (immeubles, valeurs mobilières, etc.) ? Rien n'est moins certain, et pourtant les nus-propriétaires auraient tout autant bénéficié de ces biens à la fin de l'usufruit.

B - Les interrogations subsistantes au regard de l'abus de droit en matière fiscale

L'administration fiscale a choisi de fonder son redressement sur l'existence d'une donation indirecte, et donc sur l'interprétation de l'article 894 du Code civil (N° Lexbase : L0035HPY). En conséquence, elle n'a pas choisi, au vu de la décision commentée, de se placer sur le terrain de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4668ICU), relatif à l'abus de droit, ce qui peut paraître étonnant. On peut se demander si une action fondée sur cet article aurait eu davantage de chances de prospérer. L'hypothèse n'a rien d'invraisemblable, d'autant plus que le pourvoi insiste fortement sur le caractère fictif de la société et sur le but réel de l'opération, à savoir la transmission des bénéfices aux enfants. On pourrait, en effet, soutenir que l'opération aurait dû être doublement imposée : tout d'abord, lors de la perception des bénéfices par la mère, puis lors de la donation portant sur les sommes d'argent correspondantes. Certes, l'opération est juridiquement licite, comme on a pu l'établir, mais la technique de l'abus de droit en matière fiscale permet de rendre inopposables à l'administration des actes "qui peuvent être regardés comme ayant pour seul but d'éluder les droits dont était passible l'opération réelle" (17), et donc de passer outre la qualification juridique apparente.

Il faut également signaler que, depuis quelques années, la Cour de cassation semble appliquer l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales avec une sévérité certaine à l'endroit des contribuables (18). Ainsi, de récents arrêts ont pu sanctionner des montages assez proches de notre espèce, qui semblaient relever, de l'avis des spécialistes de la matière, de l'habileté fiscale. Dans ces montages, des biens (immeubles ou valeurs mobilières) sont apportés en nue-propriété à une société civile par des parents, qui font ensuite donation des parts sociales en pleine propriété à leurs enfants. La Cour de cassation a approuvé les conclusions de l'administration caractérisant la présence d'un abus de droit. Cependant, il nous semble difficile d'établir un raisonnement par analogie entre ces décisions et notre cas de figure, car, d'une part, ce type de raisonnement est généralement proscrit en droit fiscal, et d'autre part, il n'y a, en l'espèce, aucune tentative d'évitement d'une règle comparable à l'article 669 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7730HLU).

La question reste de savoir si un abus de droit peut être décelé dans la décision prise par un usufruitier de mettre systématiquement en réserve les bénéfices de la société, dans le but entendu d'en faire profiter les nus-propriétaires. Le premier critère de l'abus de droit est celui de l'acte fictif, mais on ne voit pas bien en quoi la délibération de la société pourrait être considérée comme fictive. Le second critère est celui de l'acte qui a pour seul et unique but d'éluder l'impôt. Or, le but de l'opération est ici avant tout de constituer une sorte de patrimoine d'affectation qui reviendra aux enfants à la mort de l'usufruitier, tout en permettant de gérer ce patrimoine dans l'attente du funeste évènement. Le fait d'échapper à l'impôt n'est pas forcément recherché -on pourrait tout au plus y voir une habileté fiscale- et n'est qu'une conséquence de cette opération patrimoniale. Remarquons qu'un récent arrêt de la Cour de cassation a refusé de requalifier, en vertu de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, une location-gérance considérée comme fictive par l'administration en une cession de fonds de commerce, tout simplement parce que le contrat de location gérance n'avait pas transféré la propriété du fonds (19). Ainsi, même si la théorie de l'abus de droit permet de sanctionner certains montages, on ne peut cependant faire fi de certaines réalités juridiques. Dans le même esprit, on pourrait donc dire, avec la Cour de cassation et en reprenant les enseignements de notre arrêt, que les dividendes ne peuvent jamais être transmis tant qu'ils ne sont pas constatés par une décision de l'assemblée des associés, et que la théorie de l'abus de droit n'y pourrait rien changer.

Admettons, enfin, que soit remise en cause l'ensemble de l'opération, de la constitution de la société -que l'administration fiscale juge en partie fictive- jusqu'à son terme -le décès de l'usufruitière-. L'opération, en elle-même, n'est alors pas fictive, et ne cherche pas non plus uniquement à éluder des règles de nature fiscale, sans quoi ce sont toutes les utilisations de la société comme technique de gestion du patrimoine familial qui se verraient proscrites.

Si cette décision doit avoir un intérêt pratique, c'est peut-être de rassurer quelque peu les spécialistes de l'optimisation fiscale, en leur assurant que le recours à l'abus de droit connaît toujours des limites et donc que leur savoir-faire peut encore trouver à s'exprimer.


(1) Cass. civ., 21 octobre 1931, DP, 1933, 1, 100 ; Cass. civ., 7 juillet 1941, DH, 1941 p. 370.
(2) C. civ., art. 1844 (N° Lexbase : L2020ABG). Dans les sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-110 N° Lexbase : L5981AID), la compétence de l'usufruitier est plus large puisqu'elle englobe toutes les décisions qui relèvent de la compétence d'une assemblée générale ordinaire, ce qui comprend notamment la distribution des bénéfices.
(3) Cass. com., 23 octobre 1984, n° 82-12.386, Mme Caillol c/ Molinier, Viviani, publié (N° Lexbase : A3717AGR), Bull. Joly, 1985, p. 97, Rev. sociétés, 1986, p. 97, obs. J.-J. Daigre ; Cass. com. 5 décembre 2000, n° 98-12.913, M. Michel Pentecost c/ M. Honoré Pantaloni (N° Lexbase : A9321ATE), Dr. Sociétés, 2001, n° 45, note F.-X. Lucas, RJDA, 2001, n° 327.
(4) Un arrêt isolé de la Cour a, de nouveau, retenu implicitement la qualification de fruit civil, en visant l'article 586 du Code civil (N° Lexbase : L3167ABW), mais sans en déduire pour autant l'application de la répartition prorata temporis : Cass. com., 5 octobre 1999, Mme Benoist et M. et Mme Boissezon c/ Société anonyme L'Eterlou, publié (N° Lexbase : A8136AGG), Bull. civ IV, n° 163, D., 1999, AJ p. 69, note M. Boizard, Bull. Joly, 1999, p. 1104, note A. Couret, Dr. Sociétés, 2000, chr. n° 1, p. 4, note Th. Bonneau, RDBB, 1999, p. 249, note M. Germain et M.-A. Frison-Roche, JCP éd. E, 2000, p. 29, note A. Viandier et J.-J. Caussain, Defr., 2000, p. 40, note P. Le Cannu, Banque et droit, 2000, n° 62, RTDCom., 2000, p. 138, obs. M. Storck, JCP éd. E, 2000, p. 612, note R. Besnard-Goudet.
(5) Cass. com. 23 octobre 1990, n° 89-13.999, Directeur général des Impôts c/ M. Morin, publié (N° Lexbase : A4197AGK), Bull civ IV, n° 247, JCP éd. E, 1991, II,127, note P. Serlooten, D., 1991,173, obs. Y. Reinhard, RTDCiv., 1991, p. 361, obs. F. Zénati, JCP éd. N., 1991, II, p. 97 note M. Marteau-Petit. Confirmation par Cass. com. 9 juin 2004, n° 01-02.356, M. Marc Desray c/ Société Cifex, F-D (N° Lexbase : A6051DC4), JCP éd. E, 2004,1132, Bull. Joly, 2004, 1403, note H. Le Nabasque, Dr. Sociétés, 2004, n° 204, note F.-G. Trébulle, Dr. et patr., 2005, 132, note D. Poracchia ; Cass. com., 19 septembre 2006, n° 03-19.416, M. El Hadi Nesri, F-D (N° Lexbase : A2937DR9), Dr. Sociétés, 2006, n° 185, note J. Monnet.
(6) Cass. com. 28 novembre 2006, n° 04-17.486, M. Alexis Saurat, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A6407DS4), Bull. civ. IV, n° 235, D., 2007, 1305, obs. R. Salomon, D., 2006, 3055, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2007, 1361, note F. Deboissy, JCP éd. G, 2007, II, 10008, note D. Gallois-Cochet, Bull Joly, 2007, 403, note Th. Revet ; Cass. civ. 1, 12 décembre 2006, n° 04-17.486, M. Alexis Saurat, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A8997DSZ), Bull. civ I, n° 536, D, 2007, 318, Droit des sociétés, 2007, n° 32 note J. Monnet, Joly, 2007,363, note Th. Revet, JCP éd. E., 2007,1877, n° 2, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker.
(7) Cass com., 5 octobre 1999, op. cit., et Cass. com., 5 décembre 2000, op. cit..
(8) Cass. civ. 1, 12 décembre 2006, op. cit..
(9) Cass. com., 23 octobre 1990, op. cit..
(10) Mémento Lefebvre, Sociétés commerciales, n° 25119 ; Lamy, Sociétés commerciales, n° 2201.
(11) Cass. civ., 5 février 1890, DP, 1890.1.300. Il est délicat de s'appuyer sur cet arrêt. Il valide, en effet, la décision du conseil de mettre en réserve certains bénéfices, sans que cela corresponde à des réserves statutaires ou légales et sans que l'assemblée générale des associés ne puisse s'y opposer ! De plus, cet arrêt commet une confusion dans les qualifications de fruit et de capital, que la récente jurisprudence de la Cour de cassation permet justement d'éviter.
(12) C. com., art. L. 232-11 (N° Lexbase : L6291AIT).
(13) Cf. M. Petot-Fontaine, JurisClasseur sociétés, fasc. 147-20, Gestion financière, capitaux propres, distribution, n° 176-177, qui fait référence à un "bénéfice normal". On voit bien aujourd'hui, en ces temps de corporate governance et de crise financière, qu'il est bien délicat de déterminer ce qu'est un "bénéfice normal".
(14) C. com., art. L. 232-11.
(15) Sur la question de savoir qui de l'usufruitier ou du nu-propriétaire doit bénéficier de ces dividendes, cf. supra.
(16) C. civ., art. 783 (N° Lexbase : L9856HND).
(17) Cass. com., 10 juin 1997, n° 95-13.799, Société Béton chantier du Lot c/ Directeur général des impôts et autre, publié (N° Lexbase : A1817ACB), Bull. civ. IV, n° 182.
(18) Cass. com., 15 mai 2007, deux arrêts, n° 06-14.262, Mme Béatrice Saunier, épouse Streck, F-P+B (N° Lexbase : A2567DWY) et n° 06-14.264, M. Jean-Adrien Saunier, F-D (N° Lexbase : A6407DS4). Cf. Th. Jany, Apport, cession et abus de droit : prudence, Les nouvelles fiscales n° 984, p. 13. Cf., également, la réaction très critique de B. Hatoux, L'insécurité juridique érigée en principe ?, RJF, 2007, p. 710.
(19) Cass. com., 13 janvier 2009, n° 07-14.835, Société Rentokil initial, FS-P+B premier moyen (N° Lexbase : A3387ECG).

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