La lettre juridique n°314 du 24 juillet 2008 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Retour sur les conditions de la confirmation d'un acte nul

Réf. : Cass. civ. 3, 2 juillet 2008, n° 07-15.509, Société Bordeaux International School Scop, FS-P+B (N° Lexbase : A4899D9C)

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N6733BGH

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

Nul n'ignore que la théorie des nullités repose sur une distinction entre nullité absolue et nullité relative, distinction qui n'intéresse pas l'effet à proprement parler de la nullité (qui consiste toujours dans l'anéantissement rétroactif de l'acte), mais plutôt son régime et, notamment, la possibilité de confirmer l'acte annulable : alors, en effet, que l'acte nul de nullité absolue n'est susceptible d'aucune confirmation, l'acte nul de nullité relative est, lui, susceptible d'être confirmé par la ou les personnes qui auraient pu invoquer la nullité. Techniquement, la confirmation est l'acte juridique par lequel une personne qui peut demander la nullité d'un acte renonce à se prévaloir des vices dont celui-ci est entaché. Elle est règlementée aux articles 1338 (N° Lexbase : L1448ABA) à 1340 du Code civil, autrement dit au chapitre IV du titre III du livre III du Code, chapitre intitulé "De la preuve des obligations et de celle du payement", ce qui, au demeurant, peut paraître discutable dans la mesure où il faut certainement distinguer, d'une part, la confirmation envisagée comme un acte juridique de l'acte confirmatif comme acte instrumentaire, d'autre part, qui n'est qu'un mode de preuve de la confirmation (1). Toujours est-il que la confirmation obéit à certaines règles, des conditions, de fond notamment, devant être satisfaites pour qu'il soit ainsi possible de "sauver" l'acte nul. Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 2 juillet dernier, à paraître au Bulletin, permet précisément d'y revenir.

En l'espèce, une société Scop Bis avait donné à une société Log'Immo, agent immobilier, mandat non exclusif de vendre un immeuble au prix de 390 000 euros, comprenant le montant de la commission, fixé à 15 000 euros. Quelques mois plus tard à peine, elle avait donné à une autre société, Immo Demolin, également agent immobilier, mandat non exclusif de vendre le même bien au prix de 401 000 euros, dont 19 000 euros de commission. Cette dernière société avait, le mois suivant, fait parvenir au mandant un compromis de vente au prix de 401 000 euros, signé par le gérant d'une société civile immobilière Audrey, qui se trouvait être également le gérant de la société Immo Demolin. Le mandant, la société Scop Bis, ayant informé la société Immo Demolin qu'il avait finalement retenu une autre offre négociée par son autre mandataire, lui a fait savoir qu'il n'entendait donc pas donner suite à l'offre de la SCI Audrey, et, par suite, qu'il résiliait le mandat. C'est dans ce contexte que la société Immo Demolin l'a assigné en paiement de dommages et intérêts correspondant au montant de la commission. On passera assez vite sur la première branche du premier moyen qui reprochait aux juges du fond d'avoir accueilli cette demande au motif que le mandataire n'était pas l'acquéreur du bien mais que cet acquéreur était la SCI Audrey, personne morale différente de la première même si elles ont toutes les deux le même dirigeant. La Cour de cassation exerce ici sa censure en faisant valoir "qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Immo Demolin, mandataire, dont elle relevait qu'elle avait le même gérant et le même siège social que la SCI Audrey, ne s'était pas portée acquéreur, par personne morale interposée, du bien qu'elle était chargée de vendre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision". Autrement dit, la Cour suprême reproche aux premiers juges une insuffisance de motivation l'empêchant d'exercer son contrôle, étant précisé que, aux termes de l'article 1596 du Code civil (N° Lexbase : L6506HWU), "ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées [...] les mandataires, des biens qu'ils sont chargés de vendre".

Restait alors à trancher la question de savoir, à supposer que l'acte soit effectivement nul, de nullité relative, s'il n'avait pas fait l'objet d'une confirmation. Tel était l'objet de la seconde branche du moyen du pourvoi qui faisait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux d'avoir, pour accueillir la demande, considéré que, à supposer qu'une nullité puisse être encourue, il ne s'agirait que d'une nullité relative qui aurait été couverte par l'acquiescement du mandant qui ne pouvait prétendre ne pas avoir au moins fait le rapprochement entre le nom de l'agence à laquelle il avait donné un mandat de vente et le nom du représentant de son acquéreur, ces deux sociétés ayant au surplus leur siège à la même adresse. L'arrêt est cassé, sous le visa de l'article 1338 du Code civil. Après, en effet, avoir rappelé, en chapeau, la teneur de ce texte, aux termes duquel "l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet une action en nullité ou en rescision, n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée", la Cour décide "qu'en statuant ainsi, alors que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer et que la réalisation de ces conditions ne pouvaient résulter de la connaissance, avant la conclusion de l'acte, de l'identité de dirigeants de la société mandataire et de la société acquéreur, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

La solution ne doit pas surprendre. D'abord, quant au principe, il avait déjà été affirmé, d'une part, que la confirmation d'un acte nul ou lésionnaire exige à la fois la connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer et, d'autre part, que la Cour de cassation contrôle la réalisation de cette double condition (2). Ensuite, quant à la mise en oeuvre du principe, il est assez cohérent que la Cour décide, en l'espèce, que la connaissance, "avant la conclusion de l'acte", de l'identité de dirigeants de la société mandataire et de la société acquéreur ne permettait pas de satisfaire à la réalisation de cette double condition, la jurisprudence, d'ailleurs fidèle aux textes, exigeant en effet que la confirmation ne puisse intervenir "qu'après que le contrat a été conclu". La solution résulte non seulement de l'article 1338, alinéa 2, qui prévoit que l'exécution volontaire vaut confirmation tacite si elle intervient "après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée", mais aussi de l'article 1674 (N° Lexbase : L1784ABP) qui dispose qu'en cas de lésion de plus de sept douzièmes, le vendeur d'immeuble ne peut renoncer "dans le contrat" à son action en rescision. Enfin, la confirmation suppose que le titulaire de l'action en nullité ait connu le vice affectant l'acte et qu'il soit animé par "l'intention de réparer" dit l'article 1338, donc qu'il ait la volonté de renoncer à agir en nullité. Manifestement, ces conditions, quant au moment auquel doit intervenir la confirmation et quant aux qualités de l'acte, n'étaient pas remplies en l'espèce.


(1) Sur cette question, voir not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 398.
(2) Cass. civ. 1, 11 février 1981, n° 79-15857, Dame Ferrand c/ Ferrand (N° Lexbase : A0053CHG), Bull. civ. I, n° 53.

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