La lettre juridique n°192 du 1 décembre 2005 :

[Jurisprudence] Du nouveau sur le sort du cautionnement en cas de fusion-absorption

Réf. : Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-12.896, Société Selectibail SA, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A4830DLH) ; n° 02-18.449, SCI du 75, Champs-Elysées c/ Société Réaumur participations SA, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A4831DLI)

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le 07 Octobre 2010

La Chambre commerciale de la Cour de cassation témoigne d'un changement de cap dans l'une de ses deux décisions rendues le 8 novembre 2005. Lors de la fusion-absorption de la société créancière, le cautionnement est, sauf clause contraire, transmis de plein droit à la société absorbante. Voici l'expression d'une position respectant le principe de la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée vers la société absorbante (C. com., art. L. 236-3 N° Lexbase : L6353AI7), principe constituant, d'ailleurs, le visa de cette décision. Celle-ci nous donne l'occasion de revenir sur le sort du cautionnement en présence d'une modification de la structure sociétaire. En principe, le cautionnement, contrat intuitu personnae, subsiste seulement dans la mesure où les parties, qui y ont consenti, restent les mêmes (V. M.-L Coquelet, La transmission universelle du patrimoine en droit des sociétés à l'épreuve du principe d'intransmissibilité des contrats intuitu personnae, Dr. sociétés, act. prat., 49/2000, p. 20) et le sort du cautionnement dépendra, alors, de la survie ou de l'extinction de la personne morale. Le cautionnement ne devrait donc pas être affecté par la transformation de la forme sociétaire (I), alors qu'il le serait s'agissant d'une scission ou d'une fusion-absorption (II).

I - Le sort de la caution face à une transformation de la forme sociétaire

La transformation de la structure sociétaire n'entraîne pas toujours la dissolution de la société initiale et donc, corrélativement, la création d'une personne morale nouvelle (C. civ., art. 1844-3 N° Lexbase : L2023ABK). Par conséquent, lorsque la personnalité morale de la société n'est pas altérée par cette transformation, il y a continuation des contrats en cours et les engagements des tiers et de ou des caution(s) sont maintenus.

Sur ce principe, la jurisprudence est immuable : l'engagement de la caution demeure en cas de transformation d'une SARL en SA (Cass. com., 3 janvier 1995, Bull. Joly 1995, p. 237 ; Cass. com., 2 octobre 1979, n° 78-10.114, Cotte c/ Banque Internationale de Commerce N° Lexbase : A3431AG8, Bull. civ., IV, n° 240), d'une SNC en SA (Cass. com., 9 avril 1973, n° 72-11027, Société financière Sofal SA c/ Dame Vaccarod N° Lexbase : A7304CEA) ou d'une SNC en SARL (Cass. civ. 1, 18 juin 1991, n° 87-15.537, Amiot c/ SA CCF N° Lexbase : A9506ATA, RJDA 6/92, n° 592). La solution est identique si la modification de la structure aggrave le sort de la caution, position de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, certes, quelque peu sévère pour celle-ci (V. H. Le Nabasque, note sous Cass. com., 20 février 2001, Union pour le financement d'immeubles de sociétés (UIS) c/ M Bobichon et autres N° Lexbase : A3278ART, Bull. Joly 2001, p.611).

Certains auteurs plaidaient, cependant, pour une autre solution : le maintien du cautionnement, lorsque son objet constitue des dettes déterminées et, pareillement, son extinction pour les dettes indéterminées (Ch. Mouly, Les causes d'extinction du cautionnement, Litec, 1979, n° 327 et s.). Une telle solution n'a pas, à ce jour, été consacrée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Mais, la caution peut toujours, par une clause contractuelle, étendre ou restreindre la portée de son engagement. Elle prévoit, alors, expressément, qu'elle cessera d'être tenue en cas de transformation de la société (V. Cass. com., 8 juillet 1970, n° 69-13.855, Oznobichine c/ Beck N° Lexbase : A9701AGE, RTD com. 1970, p. 160).

II - Le sort de la caution face à une fusion-absorption

Deux hypothèses sont à distinguer : la fusion absorption de la société créancière (A) et celle de la société cautionnée et débitrice (B).

A - La fusion absorption de la société créancière

Jusqu'à la décision "Selectibail" du 8 novembre 2005 (Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-12.896, Société Selectibail SA, FS-P+B+I+R) et, en cas de dissolution d'une société par voie de fusion, l'engagement de la caution demeurait pour les obligations nées avant la dissolution de celle-ci (Cass. com., 21 janvier 2003, n° 97-13.027, FS-P N° Lexbase : A7242A4Y, Bull. Joly 2003, p. 414).

Cette solution était retenue en cas d'apport partiel d'actif (CA Paris, 24 octobre 1992, BRDA 1992, n° 22, p.13), de scission soumise au régime des fusions (CA Paris, 24 septembre 1992, 3ème ch., sect. B, 24 septembre 1992, n° 91-003960, Banque populaire c/ Monsieur Rouselle N° Lexbase : A3169A47, Bull. Joly 1992, p. 1283), d'une dissolution par fusion de la société cautionnée (Cass. com., 25 mars 1997, n° 95-12.018, Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Sud-Est c/ M. Serge Didier et autres N° Lexbase : A0015AU4), Bull. Joly 1997, p. 643), d'une liquidation sans dissolution d'une société unipersonnelle (Cass. com., 19 novembre 2002, n° 00-13.662, Caisse fédérale de Crédit mutuel du Nord de la France c/ Société Ediscan N° Lexbase : A0423A4G, D. 2002, p. 3344), de réunion des droits sociaux en une seule main (Cass. com., 19 novembre 2002, précité, D. 2002, p. 3344 ; Contra : CA Douai, 20 janvier 2000, D. 2000, act. jur., p. 139) ou d'une fusion par voie de création d'une personne morale nouvelle (Cass. com., 20 janvier 1987, n° 85-14.035, Consorts Descamps c/ Banque nationale de Paris N° Lexbase : A6495AAS, JCP éd. G, 1987, II, 20844).

Par conséquent et en cas de dissolution de la société cautionnée, l'engagement de la caution prenait fin, mais seulement pour l'avenir. La dichotomie entre obligation de couverture et de règlement était ainsi révélée. Il y avait survie de l'obligation de règlement et extinction de l'obligation de couverture. Et, c'est en ces termes que se prononçait la jurisprudence (Cass. com., 23 mars 1999, n° 96-20.555, Société l'Etoile commerciale c/ Société Fideicomi N° Lexbase : A8037AGR, D. 1999, jur., p. 699).

Le principe semblait acquis : les dettes contractées par la société cautionnée et donc nées avant sa disparition, étaient à la charge de la caution, nonobstant leur date d'exigibilité. Une dette non échue n'est effectivement pas une dette future, c'est-à-dire postérieure à la dissolution et dont la caution pouvait s'exonérer (Cass. com., 21 janvier 2003, précité ; Cass. civ. 1, 12 janvier 1999, n° 96-21.786, Société Allium, venant aux droits des sociétés Agena Méditerranée et c/ Société E et B N° Lexbase : A6951AHW, Joly 1999, p. 531 ; Cass. civ. 3, 12 juin 1999, n° 96-14.047, Epoux Escafit c/ Compagnie générale de crédit-bail N° Lexbase : A0064AYZ, RJDA 3/99, n°342).

La situation était donc la suivante :

- les créances, nées postérieurement à la réalisation de la fusion, n'engageaient pas la caution sauf si elle avait manifesté, expressément, sa volonté de s'engager à l'égard de la société absorbante ;
- les créances, nées antérieurement à la réalisation de la fusion, étaient toujours garanties même après la fusion : survivait donc l'obligation de règlement alors que s'éteignait l'obligation de couverture.

Pourtant, certains juges du fond se faisaient entendre autrement en invoquant la transmission universelle du patrimoine (CA Paris, 19 mars 1996, RD bancaire et bourse 1996, p.104). Celle-ci emporte transmission, suivant l'article L. 236-3 du Code de commerce, du patrimoine dans l'état où il se trouve le jour de l'opération. Dès lors, le cautionnement, en tant qu'accessoire de la créance, devait être transmis. L'absorbante pouvait bénéficier, de plein droit, des obligations de couverture et de règlement (En ce sens, Y. Guyon, note sous Cass. com., 19 mars 1996, n° 93-16.721, Mme Anne-Marie Pena Ruiz, née Dolfini c/ Société Le Comptoir des entrepreneurs N° Lexbase : A8736CWH, Rev. sociétés 1996, p. 357).

Puis, une tendance était amorcée par un arrêt du 6 décembre 2004 de l'Assemblée plénière (Ass. plén., 6 décembre 2004, n° 03-10.713, Société WHBL 7 N° Lexbase : A3249DE3) se prononçant sur le sort du cautionnement en cas de cession de contrat, revenant sur une position fortement critiquée de la Chambre commerciale.

Celle-ci libérait la caution de son engagement de garantie des loyers en cas de vente de l'immeuble loué, "à défaut de volonté de la part de la caution de s'engager envers le nouveau bailleur, le cautionnement souscrit auprès du précédent bailleur ne peut être étendu en faveur du nouveau" (Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-10.755, Société CDR Créances consortium de réalisation c/ Société Groupe Courtaud N° Lexbase : A3580DAT ; Cass. com., 24 septembre 2003, n° 00-12.487, BNP Lease c/ M. François Turpault N° Lexbase : A6153C9R). Le cautionnement n'était donc plus, lors d'une cession de contrat, un accessoire de la créance.

Puis, par une décision de principe, l'Assemblée plénière décidait que l'engagement de la caution survivait à la vente de l'immeuble loué.

Dès lors et en cas de cession de bail, la caution, en tant qu'accessoire de la créance des loyers, suivait alors de plein droit le sort du bail ainsi transmis au nouveau propriétaire. Peu importait donc le changement de créancier : une caution semblait s'engager d'abord en considération de la situation économique du locataire débiteur.

La décision "Selectibail" reprend, aujourd'hui, ces principes en fondant sa décision sur l'étendue du cautionnement (C. civ., art. 2015 N° Lexbase : L2250ABX) et la transmission universelle du patrimoine (C. com., art. L. 236-3) : "en cas de fusion-absorption d'une société propriétaire d'un immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit à la société absorbante".

Le principe est clair. Lorsque la société bénéficiaire du cautionnement est absorbée, la caution est tenue de plein droit par son engagement, sauf volonté contraire exprimée lors de la conclusion du contrat de cautionnement.

La personne du créancier est, il est vrai, moins déterminante -et peu susceptible d'aggraver le sort de la caution- dans l'engagement de la caution que celle du débiteur et c'est en ce sens que le cautionnement est intuitu personnae. D'ailleurs, s'agissant de la fusion-absorption de la société débitrice, la Chambre commerciale n'a pas modifié sa position.

B - La fusion-absorption de la société débitrice et cautionnée

Le sort de la caution peut être aggravé par une modification de la société cautionnée. Il existe un risque de voir s'amoindrir la solvabilité du débiteur et de s'intégrer dans son obligation de règlement des dettes contractées par la société absorbée, non encore échues et qu'elle aurait pu acquitter si elle n'avait pas été absorbée (V. en ce sens, J. Honorat, note sous Cass. com., 19 novembre 2002, précité). Bien entendu, c'est aussi aux cautions d'être prudentes et, semble-t-il, de veiller à ce que le repreneur apure le passif de la société débitrice absorbée (V. J. Honorat, Defrénois, 2003, art. 37739).

Conscient de ce risque, la Chambre commerciale confirme, dans sa deuxième décision du 8 novembre 2005 (Cass. com., 8 novembre 2005, n° 02-18.449, SCI du 75, Champs-Elysées c/ Société Réaumur participations SA, FS-P+B+I+R), sa jurisprudence antérieure : la caution reste tenue des dettes nées avant l'absorption et ce même si elles sont exigibles après, mais son engagement s'arrête là. L'obligation de couverture ne survit pas à la fusion-absorption du débiteur. Seule l'obligation de règlement demeure.

Cette décision est des plus classiques au regard des incidences d'une telle opération sur la personne morale cautionnée. Ce qui l'est moins, c'est l'orthodoxie juridique qui se faisait attendre concernant le sort de la caution en présence d'une fusion-absorption d'une société créancière. A suivre...

Marie-Elisabeth Mathieu
Maître de conférences à l'Université d'Evry - Val d'Essonne
Membre du Centre de formation professionnelle notariale de Paris
Jeantet Associés

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