La lettre juridique n°147 du 16 décembre 2004 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] L'intangibilité de la rémunération minimale forfaitaire du VRP engagé à titre exclusif

Réf. : Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-44.635, M. Didier Lory c/ M. Angelo Demilito, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0944DEP)

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par Nicolas Mingant, Ater en droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

L'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 a institué une rémunération minimale forfaitaire au profit des VRP engagés, à titre exclusif, par un seul employeur. La Cour de cassation fait régulièrement application de ce texte pour attribuer des rappels de salaire aux VRP exclusifs à qui leur employeur n'a pas versé, sur un trimestre, 520 fois le taux horaire du Smic (Cass. soc., 13 novembre 2002, n° 00-46.705, F-D N° Lexbase : A7381A3R). Mais, en cas de non-versement de la rémunération minimale, la jurisprudence applique également l'article L. 122-42 du Code du travail (N° Lexbase : L5580ACN) pour donner à la situation juridique la qualification de "sanction pécuniaire illicite". L'arrêt commenté du 30 novembre 2004 s'inscrit dans le cadre de cette jurisprudence, en réaffirmant que tout manquement à l'obligation de verser la ressource minimale forfaitaire est une "sanction pécuniaire illicite" (1). L'espèce commentée est, en outre, l'occasion pour la Cour de cassation de mettre en lumière toutes les conséquences attachées à la qualification retenue (2).
Décision

Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-44.635, M. Didier Lory c/ M. Angelo Demilito, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0944DEP)

Rejet (CA Aix-en-Provence, 18ème chambre sociale, 6 mai 2003).

Mots clef : statut du VRP ; ressource minimale forfaitaire ; conséquence de la nature de sanction pécuniaire illicite des retenues.

Textes visés : C. trav., art. L. 122-42 (N° Lexbase : L5580ACN) ; C. trav., art. L. 751-1 (N° Lexbase : L6774ACU) ; article 5-1 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975

Lien bases :

Faits

M. Demilito a été engagé le 1er mars 1994 par la société générale et de diffusion en qualité de VRP exclusif, une clause de ce contrat précisant qu'il devait réaliser au minimum 25 "argumentations" par semaine, c'est-à-dire des entretiens avec des clients potentiels, pour conserver le bénéfice du régime du temps plein. Lorsqu'il ne respectait pas ce quota, la société ne payait pas à M. Demilto chaque trimestre l'intégralité de la ressource minimale forfaitaire, instituée par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 .

Il a, alors, intenté une action devant le conseil de prud'hommes pour demander un rappel de salaires au titre de la ressource minimale forfaitaire. Dans un arrêt du 6 mai 2003, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a accueilli cette demande et calculé le rappel de salaire en fonction de chaque trimestre au cours duquel ce dernier n'avait pas perçu la ressource minimale, sans déduire les sommes excédant cette ressource versées par la société au cours des trois trimestres suivants. La société estime que, pour calculer le rappel de salaire, il fallait, conformément à l'article 5-1 (6°) de l'accord, tenir compte des rémunérations excédant la ressource minimale versées au cours des trois trimestres suivants.

Problème juridique

Faut-il, en cas de non-versement de la ressource minimale forfaitaire trimestrielle du VRP, déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants ?

Solution

1. Rejet

2. "Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, qu'un VRP engagé à titre exclusif a droit à la ressource minimale forfaitaire instituée par l'article 5-1 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, d'autre part, que toute retenue pratiquée par l'employeur sur cette ressource minimale constitue une sanction pécuniaire illicite ; que lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de cette ressource, il ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par le 6° de l'article 5-1 précité, de déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants".

Commentaire

1. Les caractères du droit du VRP à la ressource minimale forfaitaire

1.1. La ressource minimale forfaitaire : un droit d'ordre public

L'article 5-1 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 prévoit que "lorsqu'un représentant de commerce est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire qui, déduction faite des frais professionnels, ne pourra être inférieure à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance". Dès l'instant qu'il a la qualité de VRP exclusif, le salarié doit bénéficier de la rémunération minimale garantie.

Une clause contractuelle prévoyant une rémunération inférieure à cette rémunération conventionnelle serait totalement inopérante (Cass. soc., 25 octobre 1995, n° 93-46.041, Société SNC SPCL France Loisirs c/ M. Michel Monno, inédit N° Lexbase : A2613AGU). De la même manière, les résultats obtenus par le VRP, s'ils peuvent constituer un motif de licenciement, ne peuvent pas être pris en compte pour l'application de la ressource minimale forfaitaire (Cass. soc., 9 octobre 1996, n° 93-45.477, Société générale d'édition et de diffusion (SGED) c/ Mme Maryse Paillat, inédit N° Lexbase : A2629AGH ; Cass. soc., 20 mai 1998, n° 95-42.124, M. Jean-Claude Raussin c/ Société Primext, société anonyme, inédit N° Lexbase : A2849AGM).

En l'espèce, le contrat de travail de M. Demilito ne pouvait prévoir qu'il ne percevrait le bénéfice du "temps plein" que s'il réalisait un certain nombre d'"argumentations". La condamnation de la société à lui payer des rappels de salaire était donc inévitable.

1.2. Le non-paiement de la ressource minimale forfaitaire : une sanction pécuniaire illicite

La Cour de cassation, confirmant sa jurisprudence antérieure (Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 02-41.028, Mme Anita Villalon c/ Société en nom collectif (SNC) Certified Laboratories, F-P+B N° Lexbase : A6837DDL) fait application de l'article L. 122-42 du Code du travail (N° Lexbase : L5580ACN) et précise que "toute retenue pratiquée par l'employeur sur cette ressource minimale constitue une sanction pécuniaire illicite".

Le lien ainsi établi entre la sanction pécuniaire prohibée et le respect de la rémunération minimale peut surprendre (voir N. Mingant, La stabilité du droit des VRP à une rémunération minimale forfaitaire, Lexbase Hebdo n° 142 du 11 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3502ABC). Le droit à une rémunération minimale et le droit à ne pas être sanctionné pécuniairement sont, en effet, deux prérogatives bien distinctes du salarié.

La licéité de la sanction au regard de l'article L. 122-42 du Code du travail est, en principe, appréciée au regard de ce qu'elle a pour objet de sanctionner, et non au regard de son incidence sur la rémunération du salarié (voir, par exemple, Cass. soc., 7 mai 1991, n° 87-43.350, Société Sonacotra c/ M. Lecoustre et autre, publié N° Lexbase : A9107AAK).

Certes, on sait que, de manière générale, la mauvaise exécution de ses obligations par le salarié ne peut justifier une retenue sur le salaire (Cass. soc., 20 février 1991, n° 90-41.119, SNCF c/ M. Basset et autres N° Lexbase : A3713AAR). La qualification de sanction pécuniaire illicite n'était donc pas contestable en l'espèce.

Mais, on peut s'interroger sur la nécessité de recourir à une telle qualification puisque, de toutes les manières, le salarié peut obtenir, par la seule application de l'article 5-1 de l'accord, les rappels de salaires.

2. Les conséquences de la qualification de sanction pécuniaire prohibée

Dans l'espèce commentée du 30 novembre 2004, la Cour de cassation affirme que "lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de cette ressource, il ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par le 6° de l'article 5-1 précité, de déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants".

Dans l'arrêt précité du 24 octobre 2004, la qualification de "sanction pécuniaire illicite" n'emportait pas de conséquences pratiques. Le salarié avait droit aux rappels de salaire en application du seul accord collectif, et la référence à l'article L. 122-42 pouvait paraître superfétatoire.

L'arrêt de principe (FS-P+B+R+I) commenté du 30 novembre permet de mieux comprendre l'intérêt de la qualification opérée. Une telle qualification permet, en effet, de rendre le comportement de l'employeur illicite en lui-même et pas seulement au regard des dispositions du droit conventionnel. La retenue sur salaire est illicite, en elle-même, "à la source". Il devient donc impossible pour l'employeur d'invoquer certains arguments tenant au contexte de fait et de droit dans lequel s'est produite la retenue sur la rémunération minimale forfaitaire.

En affirmant d'autorité que la retenue sur salaire est une sanction pécuniaire prohibée, la Cour de cassation rend inopérante l'exception prévue à l'article 5-1, 6° de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. Celui-ci énonce qu'il est possible de déduire de la rémunération à percevoir, au titre de la rémunération minimale forfaitaire, le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants. L'application de ce texte de manière isolée aurait certainement conduit la Cour de cassation à déduire des rappels de salaire dus à M. Demilito les sommes versées "en trop" au cours des trois trimestres suivants.

Mais, la qualification de "sanction pécuniaire prohibée" interdit d'appliquer l'exception. Les rappels de salaire sont dus non seulement parce que la rémunération perçue était inférieure à la ressource minimale forfaitaire, mais aussi parce que la situation juridique était qualifiée de sanction pécuniaire illicite. Or, il n'existe aucune exception à l'obligation de restituer les salaires lorsque l'employeur a prononcé une sanction pécuniaire illicite.

Le respect par l'employeur de son obligation de verser la ressource minimale forfaitaire ne peut donc être apprécié que sur un trimestre et non sur une période plus longue, comme le prévoit l'article 5-1, 6° de l'accord national interprofessionnel. Si, au cours d'un trimestre, un employeur n'a pas payé la rémunération minimale à un VRP entrant dans le champ d'application du texte, il ne pourra jamais se libérer de son obligation de verser des rappels de salaire.

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