La lettre juridique n°593 du 4 décembre 2014 : Éditorial

Le jour où "Lexbase" est devenu un nom commun

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N4891BUP

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 04 Décembre 2014


Dans un arrêt du 21 octobre 2024, la cour d'appel de Paris retient qu'une société éditrice d'un hebdomadaire engage sa responsabilité à l'égard du titulaire d'une marque en utilisant la marque déposée pour constituer un mot composé dans un titre, ou tel un nom du langage courant dans le texte de divers articles (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 21 octobre 2024, n° 23/08736 N° Lexbase : A1183HMY). La cour juge en effet :

"Considérant que le principe de liberté de la presse ne saurait exonérer la société LE POINT DU JOUR, qui en sa qualité de professionnelle ne peut ignorer l'importance économique d'une marque fut-elle notoire pour une société commerciale telle que la société LEXBASE, de son obligation de prudence pour éviter qu'un signe soit perçu par de nombreux lecteurs (d'autant plus nombreux que les articles papier ont été mis en ligne), non comme une marque déposée, mais comme une métaphore ou un terme évocateur usuel, synonyme de noms communs du langage courant ; qu'au surplus la société LE POINT DU JOUR, quoique clairement alertée à plusieurs reprises par le titulaire de la marque de la nécessité de défendre son droit de propriété intellectuelle, a poursuivi l'utilisation détournée, conférant au signe protégé de la société LEXBASE une apparence d'emploi commun de nature à générer un processus de vulgarisation contre lequel le titulaire est légitime à réagir ;

Considérant, en définitive, qu'un tel usage, qui diffuse de manière réitérée, dans le contexte d'articles certes ponctuels mais très divers, dans des tournures de style, le terme 'lexbase' ou plus généralement 'Lexbase' sans veiller à ce qu'indication soit faite qu'il s'agit d'une marque déposée, au détriment des droits de propriété intellectuelle de la société LEXBASE, ne répond à aucun but légitime, ni besoin nécessaire d'expression en matière de presse ; qu'il renvoie, au contraire, fautivement à l'idée d'un signe conceptualisant tout type de produits d'un même genre, ce qui est par nature préjudiciable au titulaire de la marque, le caractère distinctif de cette dernière résultant de la perception qu'en a le public ;

Qu'il en résulte que la responsabilité de la société LE POINT DU JOUR à l'égard de la société LEXBASE est engagée, et que la décision entreprise ne peut qu'être infirmée en ce qu'elle a estimé que les conditions de l'article 1382 du Code civil n'étaient pas réunies ;

Considérant que le comportement de la société LE POINT DU JOUR a imposé à la société LEXBASE l'engagement de frais pour préserver ses droits, qui seront pris en compte dans l'appréciation de l'article 700 du Code de procédure civile, mais également causé, par l'utilisation indue de la marque dans les 12 articles mis en ligne, un préjudice moral qui ne peut qu'être aggravé par le fait que le terme 'Lexbase' y est souvent employé pour suggérer une documentation juridique pléthorique, précise et complexe, ce qui ne correspond pas nécessairement au fort pouvoir attractif de la marque (couvrant de l'information juridique réactive, pratique et intelligible) que la société LEXBASE entend préserver ; que le préjudice ainsi subi sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 30 000 euros, la présente condamnation emportant intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt".

J'ai fait un rêve... Celui dans lequel les éditions juridiques Lexbase suivent la trajectoire populaire de la société Meccano, fondée en 1913, après avoir breveté son système de jeu en 1901 et déposé la marque mondialement connue en 1907 ; celui dans lequel, malgré les épreuves (deux Guerres mondiales, l'effort de guerre des usines britanniques, les scissions, fusions, acquisitions, la contrefaçon... pour la société Meccano / l'éclatement de la bulle internet, la frilosité sur le "tout numérique" juridique, l'agressivité d'une concurrence copiante mais toujours arrogante), la popularité de LEXBASE et son utilisation quotidienne, comme le "frigidaire", marque déposée en 1918, deviennent un nom commun pour signifier ce qu'il y a de plus innovant, réactif, pratique et actualisé en matière d'information et documentation juridiques ; celui dans lequel 'Lexbase' évoque le "Journal officiel" de la jurisprudence française et, pourquoi pas, francophone et continentale.

Aujourd'hui, ce nom commun est déjà l'apanage d'une marque séculaire dont les codes rouges raisonnent dans l'inconscient collectif comme le summum de l'excellence légistique ; souvent copié, jamais égalé, même à l'heure d'internet et du livre numérique. Mais, "un exemple n'est pas forcément un exemple à suivre", prévient Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Il faut savoir se servir de sa nostalgie, pour penser l'avenir et inventer la modernité documentaire, pour paraphraser librement l'auteur.

A l'inverse de Paul Valéry, je fais le rêve que, lorsque le mythe "Lexbase" sera toute chose qui est inséparable du langage, il lui emprunte toutes ses vertus avec une contrepartie ; l'obligation d'écouter ses lecteurs et néanmoins utilisateurs, dans leurs attentes, leurs besoins, leurs contraintes et de leur ouvrir de nouvelles perspectives pour exercer leur profession en concurrence, mais à armes égales, parce que l'accès au droit commence déjà par l'accès aux sources du droit.

"En vérité, le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout" nous encourage encore Camus. Comme Sisyphe, nous remonterons le rocher en haut de la montagne au sein du Tartare pour être vu et connu de tous, mais le rocher redescendra inexorablement pour être lu et su par le plus grand nombre.

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