La lettre juridique n°584 du 25 septembre 2014 : Avocats/Institutions représentatives

[Textes] Réforme de la commission de contrôle des CARPA

Réf. : Décret n° 2014-796 du 11 juillet 2014, relatif au contrôle des caisses des règlements pécuniaires des avocats (N° Lexbase : L7103I3H)

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 25 Septembre 2014

L'exercice de la profession d'avocat lui imposant de recevoir des fonds pour le compte de ses clients nécessitait le dépôt sur un compte particulier. En 1957, le conseil de l'Ordre de Paris créait la première caisse autonome de règlements pécuniaires des avocats et, progressivement, chaque barreau se dotait d'une CARPA, de sorte que, depuis 1986, les fonds maniés par les avocats pour le compte de tiers doivent être obligatoirement déposés auprès de ces CARPA. Puisqu'elles sont amenées à manier de nombreux fonds, les CARPA font l'objet de contrôle d'une part, par un commissaire aux comptes attaché à chacune d'elle, et, d'autre part, par une commission de contrôle. Et c'est ce dernier organisme qui vient d'être réformé par un décret en date du 11 juillet 2014 et qui entrera en vigueur à compter du 1er octobre 2014. I - Le fonctionnement actuel de la Commission de contrôle

Aux termes de la loi n° 71-1130 (N° Lexbase : L6343AGZ) et de son article 53, les avocats qui reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent, sauf lorsqu'ils agissent en qualité de fiduciaire, dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux et en effectuent le règlement (loi n° 71-1130, art. 53 9°). Les articles 235-1 et suivants du décret n° 91-1197 (N° Lexbase : L8168AID) précisent que les produits financiers des fonds, effets ou valeurs doivent être affectés exclusivement au financement des services d'intérêt collectif de la profession, et notamment des actions de formation, d'information et de prévoyance, ainsi qu'aux oeuvres sociales des barreaux ; ou à la couverture des dépenses de fonctionnement du service de l'aide juridictionnelle et au financement de l'aide à l'accès au droit. Il fait expressément interdiction à l'avocat de recevoir une procuration ayant pour objet de leur permettre de disposer de fonds déposés sur un compte ouvert au nom de leur client ou d'un tiers, autre que l'un des sous-comptes prévus par le texte. En effet, les écritures afférentes à l'activité de chaque avocat sont retracées dans un compte individuel ouvert à son nom. Chaque compte individuel est lui-même divisé en autant de sous-comptes qu'il y a d'affaires traitées par l'avocat. Tout mouvement de fonds entre sous-comptes est interdit, sauf autorisation spéciale, préalable et motivée du président de la caisse. Aucun sous-compte ne doit présenter de solde débiteur.

Afin d'opérer le contrôle de ces fonds, le conseil de l'Ordre auprès duquel est instituée la CARPA doit désigner pour une durée de six ans un commissaire aux comptes chargé de veiller au respect par la caisse de l'ensemble des règles et obligations fixées par le décret n° 91-1197.

Néanmoins, à la suite de dérégulation dans le fonctionnement de certaines CARPA ayant entraîné des sinistres, il a été mis en place une commission de contrôle chargée de veiller, elle aussi, aux respects des règles édictées par les textes.

Cette commission est, à ce jour, composée du président du Conseil national des barreaux, du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, du président de la Conférence des Bâtonniers, du président de l'Union nationale des caisses d'avocats. Chacun d'eux désigne un suppléant choisi au sein de l'organisation qu'il représente.

Cette commission peut, à tout moment, au vu notamment des rapports établis par les commissaires aux comptes, émettre des avis ou recommandations à l'attention des caisses.

Elle peut également, à tout moment, soit d'office, soit sur demande du Bâtonnier ou du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est établi le siège d'une caisse, procéder ou faire procéder, par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs avocats qu'elle désigne à cet effet, au contrôle des caisses.

Les avocats ainsi désignés ne peuvent être membres du ou des Ordres auprès desquels est instituée la caisse. A l'issue de leurs investigations, ils dressent un rapport.

Lorsque le rapport révèle des manquements aux règles et obligations imposées, la commission peut prendre l'une des mesures prévues à l'article 241-6 du décret n° 91-1197. A cet égard, elle peut émettre des avis et des recommandations, enjoindre aux CARPA de mettre fin aux manquements constatés, ou, encore, en cas de carence des organes de gestion de la caisse, de risque de non-représentation des fonds, effets et valeurs déposés ou de manquement aux règles d'affectation des produits financiers, désigner, pour une durée maximale d'un an renouvelable une fois, un avocat aux fins d'assister le président de la caisse. Enfin, si l'urgence le requiert, la commission de contrôle peut suspendre le fonctionnement de la caisse et en organiser l'administration provisoire.

II - Les réformes en vigueur à compter du 1er octobre 2014

Le décret du 11 juillet 2014 prévoit, d'une part, la création d'une commission de régulation des caisses des règlements pécuniaires des avocats ayant le pouvoir d'émettre des avis et recommandations aux CARPA relativement aux maniements de fonds et, d'autre part, la modification de la composition de la commission de contrôle des CARPA et l'augmentation de ses pouvoirs, notamment en matière de sanction des caisses.

  • La commission de régulation des CARPA

Cette commission sera chargée, dès le 1er octobre 2014, d'observer d'orienter et de contrôler CARPA et de définir le programme annuel de contrôle de ces caisses. La commission de régulation sera composée du président du Conseil national des barreaux, du président de la Conférence des Bâtonniers et du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, chacun d'eux désignant un suppléant choisi au sein de l'organisation qu'il représente. Au vu du rapport annuel établi par la commission de contrôle, la commission de régulation recevra compétence pour émettre des avis et recommandations applicables aux caisses dont elle assurera l'évaluation. En outre, le décret la charge de mettre en oeuvre une formation adaptée pour les contrôleurs de CARPA.

  • La commission de contrôle version 2014

La commission de contrôle sera composée de douze membres, avocats en exercice. Trois seront désignés par le président du Conseil national des barreaux, trois par le président de la Conférence des Bâtonniers, trois par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et trois par le président de l'Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats.

Il est précisé que les présidents de ces institutions ou associations ne pourront être désignés pour siéger à la commission de contrôle, ce qui est au demeurant logique puisqu'ils siègeront à la nouvelle commission de régulation.

Le mandat des membres de la commission de contrôle sera de trois ans, renouvelable une fois.

Le renouvellement des membres de la commission s'opérera par tiers. Chaque année, le président du Conseil national des barreaux, le président de la Conférence des Bâtonniers, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris et le président de l'Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats désigneront un nouveau membre de la commission de contrôle. Le président de la commission de contrôle sera élu parmi les membres désignés par les instances précitées.

La nouvelle commission de contrôle travaillera conjointement avec la commission de régulation. L'article 13 du décret du 11 juillet 2014 (décret n° 91-1197, art. 241-4, modifié) prévoit, en effet, que ses contrôles seront mis en oeuvre chaque année, selon un programme élaboré par l'instance normative. Ils pourront, en outre, être diligentés à la demande de l'un des membres de la commission de régulation, du ou des Bâtonniers concernés ou du procureur général près la cour d'appel dans le ressort dans laquelle est établi le siège de la caisse visée.

Les modalités du contrôle vont également évoluer. En effet, aux termes de l'article 14 du décret (décret n° 91-1197, art. 241-5, modifié) sur proposition du président du CNB, du président de la Conférence des Bâtonniers, du Bâtonnier de Paris et du président de l'UNCA, la commission de contrôle pourra désigner un ou plusieurs contrôleurs, avocats en exercice ou avocats honoraires, pour une mission de trois ans renouvelable. Pour la mener à bien, les contrôleurs pourront solliciter l'UNCA aux fins d'obtenir tous les éléments d'information relatifs à la caisse qui fait l'objet de leur diligence. En outre, la commission désignera en son sein un ou plusieurs rapporteurs chargés de porter à sa connaissance les conclusions du ou des contrôleurs et de formuler, le cas échéant, une proposition de sanction.

Lorsqu'un manquement de la caisse visée par une mesure de contrôle sera constaté, la commission pourra désigner, pour une durée maximale d'un an renouvelable une fois, un avocat aux fins d'assister le président de la caisse. L'avocat désigné, qui ne sera pas membre du ou des Ordres auprès desquels est instituée la caisse, pourra donner au président de la caisse tous avis, conseils et mises en garde et tiendra régulièrement informé le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est établi le siège de la caisse ainsi que la commission de contrôle.

L'article 18 du décret du 11 juillet 2014 insère au décret n° 91-1197 un nouvel article 241-8 qui réforme les mesures que la commission de contrôle pouvait prendre jusqu'alors.

La commission de contrôle pourra désormais prononcer trois types de sanctions : l'injonction de faire, la suspension des organes d'administration de la caisse et, enfin, et c'est là la nouveauté essentielle, la mise en oeuvre de la délégation de gestion.

L'injonction de faire consiste à inviter la caisse à régulariser sa situation en lui impartissant un délai de régularisation qui est inférieur ou égal à six mois. A l'issue du délai qu'elle a fixé, la commission de contrôle doit vérifier si la difficulté a disparu.

La suspension des organes d'administration de la caisse et son administration provisoire peuvent être prononcées en cas d'urgence ou en cas de manquement caractérisé ou réitéré de la caisse à ses obligations. Elle peut également être prononcée si la régularisation de la situation de la caisse n'est pas intervenue dans le délai fixé lors du prononcé de l'injonction de faire. La commission de contrôle désigne alors, pour une durée maximum d'un an, un avocat pour exercer les fonctions d'administrateur de la caisse qui remplace les organes de direction de la caisse dans leurs fonctions relatives à l'administration de la caisse.

L'avocat ainsi désigné, qui peut être soit un avocat en exercice, soit un avocat honoraire, ne peut être membre du ou des ordres auprès desquels est instituée la caisse.

La suspension prend fin soit par le retour de la caisse à un fonctionnement normal, soit par la convocation d'une assemblée générale afin de désigner de nouveaux organes de direction de la caisse.

La délégation de gestion.En cas de manquement grave ou réitéré, ou de manquement se traduisant par une carence de gestion de la caisse ou de risques de non-représentation de fonds, effets ou valeurs, la commission de contrôle peut inviter le barreau qui assume la responsabilité de la caisse à mettre en oeuvre un regroupement dans le délai qu'elle détermine.

A défaut de mise en oeuvre par le barreau du regroupement dans le délai imparti, la commission de contrôle notifie à la caisse une convention de délégation de gestion des maniements de fonds, effets ou valeurs en désignant la caisse qui deviendra mandataire de la caisse défaillante.

La décision de la commission de contrôle s'imposera à la caisse et au(x) conseil(s) de l'Ordre de la caisse délégante auxquels elle est notifiée.

La commission de contrôle statuera après avoir entendu le président de la CARPA visée, éventuellement assisté d'un conseil de son choix et, le cas échéant, le ou les Bâtonniers, le procureur général et tout individu dont l'audition lui semble nécessaire. Ses décisions, exécutoires par provision, devront être motivées et notifiées au président de la caisse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et seront susceptibles d'être attaquées devant la cour d'appel de Paris dans un délai d'un mois à compter de leur notification.

Cette réforme de la commission de contrôle des CARPA, qui avait été demandée dès décembre 2010 en assemblée générale du Conseil national des barreaux, procède ainsi au renforcement des process et moyens de contrôle d'une institution maniant des fonds importants et pour laquelle la déclaration de soupçon n'était pas envisageable.

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