Le Quotidien du 30 octobre 2025 : Bancaire

[Observations] Avis de la Cour de cassation à propos des clauses de déchéance du terme en matière de crédit à la consommation

Réf. : Cass. civ. 1, avis, 8 octobre 2025, n° 25-70.016, FS-B N° Lexbase : B9133B4Z

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N3105B3E

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[Observations] Avis de la Cour de cassation à propos des clauses de déchéance du terme en matière de crédit à la consommation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/125915602-observationsavisdelacourdecassationaproposdesclausesdedecheancedutermeenmatieredec
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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

le 29 Octobre 2025

Mots-clés : crédit à la consommation • clause de déchéance du terme • déchéance du droit aux intérêts • clause abusive • clause illicite

D’une part, la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation conclu à compter du 1er mai 2011, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l’emprunteur dans ses remboursements, n’est pas illicite et n’emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts.

D’autre part, une clause de déchéance du terme est abusive et réputée non écrite notamment si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt ne dépend pas de l’inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, ce qu’il appartient au juge d'apprécier.


 

Les clauses de déchéance du terme suscitent, régulièrement, des interrogations en matière de crédit immobilier. Or, des incertitudes apparaissent aussi avec le crédit à la consommation.

Un magistrat a ainsi récemment demandé à la Cour de cassation son avis sur les deux points suivants : la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements est-elle, pour les contrats conclus à partir du 1er mai 2011, abusive et /ou illicite ? Est-elle sanctionnée par son caractère réputé non écrit, par la déchéance du droit aux intérêts ou par les deux ?

Ces questions sont utiles. On se souvient que des clauses de déchéances du terme ont pu être qualifiées, par le passé, d'illicites et/ou d'abusives lorsque leur fondement n’était pas la défaillance de l’emprunteur.

Des précisions sont alors données par la Cour de cassation dans son avis du 8 octobre 2025 tant concernant les clauses illicites qu’à propos des clauses abusives.

I. Rappel sur les clauses illicites

La Haute juridiction commence par indiquer qu’une clause est illicite lorsqu’elle est formellement prohibée par la loi.

Il est ensuite rappelé qu’en matière de crédit à la consommation, l’article L. 341-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L1602LRR prévoit que la remise par le prêteur d’un contrat qui ne satisfait pas aux conditions fixées par les articles L. 312-18 N° Lexbase : L9594LGG, L. 312-21 N° Lexbase : L1341K7S, L. 312-28 N° Lexbase : L9593LGE, L. 312-29 N° Lexbase : L9592LGD et L. 312-43 N° Lexbase : L9588LG9 emporte déchéance du droit aux intérêts.

Cependant, antérieurement à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation N° Lexbase : L5797MSI (c’est-à-dire la « loi Lagarde »), entrée en vigueur, s’agissant des dispositions pertinentes, le 1er mai 2011, l’ancien article L. 311-13 du Code de la consommation prévoyait que « L'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation ».

Or, la jurisprudence en déduisait que les modifications des mentions imposées par le contrat-type, qui aggravaient la situation de l'emprunteur, étaient illicites et emportaient donc déchéance du droit aux intérêts [1].

Toutefois, la réforme du crédit à la consommation issue de la loi du 1er juillet 2010 précitée a supprimé les modèles-types.

Aujourd’hui, l’article L. 312-28 du Code de la consommation continue d’exiger, sous la sanction, prévue par l'article L. 341-4 du même code, de la perte du droit aux intérêts, que les contrats de crédit contiennent certaines informations, mais l’article R. 312-10 N° Lexbase : L9730LBY auquel il renvoie se borne à indiquer les points sur lesquels une information doit être donnée sans donner de directive sur le contenu des obligations stipulées. En particulier, l’article R. 312-10, 6°, c) de ce code, ne précise pas les hypothèses de résiliation et se borne à exiger que soit donné un avertissement relatif aux conséquences d'une défaillance de l'emprunteur.

Dès lors, aucune disposition textuelle spéciale ne prohibant, désormais, les clauses qui prévoient que la défaillance du terme peut être encourue pour d'autres causes que le non-respect des échéances de l'emprunt, de telles clauses ne peuvent être qualifiées d'illicites et emporter déchéance du droit aux intérêts.

II. Rappel sur les clauses abusives

Aux termes de l’article L. 212-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L3278K9B, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

De telles clauses sont réputées non écrites (C. consom., art. L. 241-1 N° Lexbase : L1415K7K). Le contrat, pour sa part, reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses.

La Cour de cassation rappelle alors que par un arrêt du 26 janvier 2017 [2], la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 3, §1,de la Directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs N° Lexbase : L2807IRE, doit être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif d'une clause de déchéance du terme prononcée en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner, notamment, « si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause ».

C’est ainsi que la Haute juridiction a eu l’occasion de juger, par le passé, qu’est abusive une clause prévoyant la déchéance du terme en raison de circonstances extérieures au contrat de crédit, telles que le défaut de remboursement d’un autre emprunt [3] ou, s'agissant d’un prêt consenti par l'employeur, la démission du salarié-emprunteur [4].

En revanche, la qualification de clause abusive a été écartée, non seulement dans l'hypothèse de défaut de règlement des échéances, pour autant que l'emprunteur avait été mis en demeure de régulariser dans un délai raisonnable, mais également dans les cas suivants : 

  • déclaration inexacte des emprunteurs sur des éléments essentiels ayant déterminé l'accord de la banque ou pouvant compromettre le remboursement du prêt, sans exclure le recours au juge [5] ;
  • emploi des fonds à un autre usage que celui qui était prévu par le contrat pour autant que la clause ne prive pas l'emprunteur de recourir à un juge pour en contester l'application [6].

III. Solutions de la Cour de cassation

Deux solutions sont alors dégagées par la Haute juridiction dans son avis.

En premier lieu, la clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation conclu à compter du 1er mai 2011, date d'entrée en vigueur de la « loi Lagarde » du 1er juillet 2010, prévoyant la déchéance du terme pour un motif autre que celui relatif à la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, n'est pas illicite et n'emporte donc pas déchéance du droit aux intérêts.

Cette solution est logique, puisque, depuis lors, il n’est plus nécessaire pour le prêteur de respecter scrupuleusement des modèles types ; la présence de certaines mentions est simplement requise (C. consom., art. R. 312-10).

En second lieu, une clause de déchéance du terme est abusive et réputée non écrite notamment si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt ne dépend pas de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, ce qu'il appartient au juge d'apprécier.

On notera, pour finir, que ces illustrations concernent le crédit immobilier. Cela démontre alors que la Haute juridiction ne souhaite pas distinguer, sur cette question, entre le droit du crédit à la consommation et le droit du crédit immobilier. Voilà qui est important pour le délai de préavis à respecter en la matière (d’au moins 30 jours pour le crédit immobilier) [7]

 

[1] Cass. civ. 1, 1er décembre 1993, n° 91-20.894 N° Lexbase : A5333AB7 – Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-71.022, F-D N° Lexbase : A7600GL3 – Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-13.641, F-D N° Lexbase : A7022MKB.

[2] CJUE, 26 janvier 2017, aff. C-421/14, Banco Primus N° Lexbase : A9995TM7.

[3] Cass. civ. 1, 1er février 2005, n° 01-16.733, FS-P+B N° Lexbase : A6166DGH.

[4] Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 16-12.519, FS-P+B+I N° Lexbase : A2447ZDY.

[5] Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-21.625, F-D N° Lexbase : A9253YNZ.

[6] Cass. civ. 1, 24 janvier 2024, n° 22-12.222, F-D N° Lexbase : A22312H4.

[7] Pour un délai de 15 jours jugé insuffisant, Cass. civ. 1, 29 mai 2024, n° 23-12.904 N° Lexbase : A84075DQ.

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