Le Quotidien du 27 mars 2024 : Responsabilité

[Brèves] Pas de responsabilité, pas d’action en réparation de l’aggravation d’un préjudice !

Réf. : Cass. civ. 2, 21 mars 2024, n° 22-18.089, F-B N° Lexbase : A24692WD

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 26 Mars 2024

S'il résulte de l'article 2226 du Code civil que l'action en indemnisation de l'aggravation du préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial, en ce qu'un nouveau délai de prescription recommence à courir à compter de la consolidation de l'aggravation, une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage a été reconnue.

Faits et procédure. Le 16 mai 1980, le requérant a chuté alors qu’il tentait de monter dans un train. Il a subi, notamment, l’amputation de sa jambe droite et de son bras droit, diverses fractures, ainsi que l’amputation distale de deux orteils du pied gauche. Un rapport d’expertise médicale du 30 mars 1987 a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 décembre 1982. En 2001, la victime a assigné la SNCF, en responsabilité et indemnisation. Par un jugement irrévocable du 1er octobre 2003, un tribunal de grande instance a déclaré irrecevable son action, considérant qu’elle était prescrite.

Invoquant notamment une aggravation de son état de santé survenue en 2008, la victime a assigné la SNCF, en mai 2010, en présence du RSI Aquitaine, en responsabilité et indemnisation de son entier préjudice. La cour d’appel confirme l’irrecevabilité de la demande (CA Bordeaux, 3 mai 2022, n°19/01216 [LXB= A03677WI]).

Le pourvoi formé devant la Cour de cassation invoque trois arguments principaux. Le premier moyen repose sur la dénaturation des conclusions par les juges d’appel (en n’identifiant pas les préjudices initiaux qui n’étaient pas inclus dans la demande faisant l’objet de la procédure initiale et en considérant qu’elle était saisie de demandes identiques à celles portées devant le tribunal de grande instance de Bordeaux) et l’autorité de la chose jugée (« l'autorité de chose jugée ne peut être opposée à des demandes qui, tendant à la réparation d'éléments de préjudice non inclus dans la demande initiale, avaient un objet différent, peu important que la victime ait ignoré le chef de préjudice qui fait l'objet de la demande complémentaire »). Le second moyen prétend que « l'aggravation est un dommage nouveau, donnant naissance à un droit à réparation distinct, lui-même susceptible d'être mis en œuvre par l'effet d'une action autonome dont l'exercice n'est pas subordonné à la condition que la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage et le préjudice initialement indemnisé aient pu être déterminés ». 

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle procède à un rappel des textes sur lesquels elle se fonde. Selon les articles 1351 (devenu 1355 du Code civil N° Lexbase : L1011KZH) et l’article 480 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2318LUE, l’autorité de la chose jugée s’applique à ce qui a fait l’objet d’un jugement et a été décidé dans son dispositif. L’article 1226 du Code civil N° Lexbase : L0937KZQ dispose que l’action en indemnisation de l’aggravation d’un préjudice corporel est autonome par rapport à l’action en indemnisation du préjudice initial. La Haute juridiction en déduit qu’un nouveau délai de prescription commence à courir à partir de la consolidation de l’aggravation, en revanche une demande de réparation de l’aggravation d’un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l’auteur présumé du dommage a été reconnue.  

En l’espèce, l’arrêt attaqué constate qu’un jugement irrévocable a déclaré prescrite l’action engagée par la victime cherchant à rendre la SNCF responsable de son accident survenu le 16 mai 1980. Il relève qu’en raison de cette prescription, la responsabilité de la SNCF n’a pas été établie et le préjudice initial n’a pas été déterminé avant l’introduction de l’action en aggravation. Par conséquent, l’action en responsabilité et indemnisation, tant du préjudice initial que du préjudice aggravé, est irrecevable comme portant atteinte à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 1er octobre 2003 qui a déclaré l’action prescrite.

Cette solution peut être rapprochée de deux arrêts. L’un, rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, a retenu que « l’action en aggravation d’un préjudice est autonome au regard de l’action en indemnisation du préjudice initial » et qu’en conséquence, « est prescrite l'action tendant à l'indemnisation du préjudice de retraite, dès lors que ce préjudice était connu par la victime dès son accident, celle-ci n'ayant jamais pu reprendre une activité salariée depuis l'accident » (Cass. civ. 2, 31 mars 2022, n° 20-19.992, FS-B N° Lexbase : A72107RH). L’autre, rendu par la première chambre civile, ajoute qu’« une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage et le préjudice initialement indemnisé ont pu être déterminés » (Cass. civ. 1, 14 janvier 2016, n° 14-30.086, F-P+B N° Lexbase : A9379N3R). Se plaçant dans le droit fil de cette décision, la deuxième chambre civile refuse d’opérer un revirement de jurisprudence.

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