La lettre juridique n°942 du 13 avril 2023

La lettre juridique - Édition n°942

Droit pénal spécial

[Textes] Non aggravé, l'outrage sexiste ou sexuel devient une contravention de 5e classe

Réf. : Décret n° 2023-227, du 30 mars 2023, relatif à la contravention d'outrage sexiste et sexuel N° Lexbase : L3248MHR

Lecture: 2 min

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par Adélaïde Léon

Le 26 Avril 2023

► Le décret du 30 mars 2023 tire les conséquences des modifications apportées par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur s’agissant de l’outrage sexiste et sexuel aggravé.

L’outrage sexiste et sexuel est constitué par le fait d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

La loi n° 2023-22, du 24 janvier 2023, d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur N° Lexbase : L6260MGX a modifié la nature de l’outrage sexiste aggravé. Cette contravention de 5e classe est ainsi devenue un délit lorsqu’il est commis dans certaines circonstances :

  • 1° par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
  • 2° sur un mineur ;
  • 3° sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;
  • 4° sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
  • 5° par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
  • 6° dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou au transport public particulier ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
  • 7° en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ;
  • 8° par une personne déjà condamnée pour la contravention d'outrage sexiste et sexuel et qui commet la même infraction en étant en état de récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 132-11.

En cohérence, le décret du 30 mars 2023 vient tout d’abord élever de la 4e à la 5e l’outrage sexiste et sexuel non aggravé (C. pén., art. R. 625-8-3 N° Lexbase : L3437MHR).

Le texte modifie également la partie réglementaire du Code de procédure pénale pour prévoir également que la procédure de l’amende forfaitaire s’applique à cette contravention (C. proc. pén., art. R. 48-1 N° Lexbase : L3457MHI)

Enfin, le décret du 30 mar 2023 introduit un nouvel article dans le Code de procédure pénale afin de fixer le montant de l’amende forfaitaire minorée applicable aux contraventions de la 5e classe (C. proc. pén., art. 49-6-2 N° Lexbase : L3458MHK).

Pour aller plus loin : retrouvez le dossier spécial consacré à la LOPMI dans la revue Lexbase Pénal du mois de mars 2023 N° Lexbase : N4730BZ9.

newsid:484938

Sécurité intérieure

[Textes] Analyse des dispositions procédurales et substantielles de lutte contre la cybercriminalité dans la LOPMI

Réf. : Loi n° 2023-22, du 24 janvier 2023, d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur N° Lexbase : L6260MGX

Lecture: 19 min

N4652BZC

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par Anne-Sophie Chavent-Leclere, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin (Lyon 3), HDR, Équipe Louis Josserand, EA 3707, Directrice du Master 2 sécurité intérieure, avocate

Le 13 Avril 2023

Mots-clés : cyberattaques • cyberpatrouilleurs • atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données • STAD • rançongiciel • saisie spéciale • avoirs criminels • cryptoactifs • actifs numériques • enquête sous pseudonyme • plateforme en ligne.

La loi n° 2023-22, du 24 janvier 2023, d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, dite loi «LOPMI», apporte des modifications substantielles ayant pour objectif de lutter plus efficacement contre la cybercriminalité dont l’importance et les conséquences apparaissent de plus en plus nocives. Aussi, d’un point de vue processuel, la loi facilite la saisie des avoirs numériques et amplifie les enquêtes sous pseudonyme. L’arsenal des infractions est élargi par la création de deux délits spéciaux visant les plateformes malveillantes et les peines relatives aux atteintes au système de traitement automatisé de données sont significativement relevées.


 

Le 14 septembre 2021, le Président de la République annonçait en clôture du Beauvau de la sécurité, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur  (dite « LOPMI »). Le but est, pour la première fois depuis dix ans, d’augmenter les moyens humains de ce ministère et d’en moderniser les méthodes, notamment en plaçant le numérique au centre des préoccupations.

En effet, les cybermenaces sont devenues une réalité incontournable tant pour les particuliers et les entreprises, que pour les administrations. Le rapport annexé à la loi n° 2023-22, du 24 janvier 2023, d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur N° Lexbase : L6260MGX, rappelle que « la cyberdélinquance est en constante augmentation depuis plusieurs années, avec des taux de progression des faits constatés allant de 10 % à 20 % d’une année sur l’autre selon le type d’infraction » et il souligne que le ministère de l’Intérieur joue le rôle de « chef de file de la lutte contre la cybercriminalité ».

Il souligne qu’aujourd’hui « plus de deux tiers des escroqueries trouvent leur origine ou sont facilitées par Internet. En 2019, la moitié des individus de 15 ans ou plus déclaraient avoir connu des problèmes de cybercriminalité au cours de l’année précédente (notamment renvoi vers un site frauduleux). En 2020 une entreprise sur cinq déclare avoir subi au moins une attaque par rançongiciel au cours de l’année et 58 % des cyberattaques ont eu des conséquences avérées sur l’activité économique, avec des perturbations sur la production dans 27 % des cas » [1].

Pour mieux lutter contre ces cyberinfractions, le ministère a entendu investir dans des technologies nouvelles, former et recruter des cyberpatrouilleurs pour disposer de compétences pointues, et mettre l’accent sur la prévention, en lien avec l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information notamment. Le rapport annexé prévoit à ce titre que le renseignement sera développé au sein des services spécialisés du ministère de l’Intérieur pour mener une politique d’entrave systématique des cyberattaquants. Parallèlement, il est prévu l’installation d’un pôle de cyberdéfense, la mise en place d’une école de formation cyberinterne au ministère de l’Intérieur.

De surcroît, de nombreuses mesures visant la transformation numérique du ministère sont prises pour améliorer l’accessibilité des services publics dématérialisés.

La présente étude se propose d’analyser spécifiquement les dispositions visant à lutter contre l’accroissement des menaces « cyber », à l’exception des aspects préventionnels et assurantiels qui feront l’objet d’études distinctes.

Aussi, au titre d’un chapitre 1er intitulé « Lutte contre la cybercriminalité », la loi n° 2023-22, du 24 janvier 2023, d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur  prévoit plusieurs dispositions s’intéressant d’une part aux aspects procéduraux et d’autre part à des aspects plus substantiels de la lutte contre la cybercriminalité que nous nous proposons d’analyser.

I. Le renforcement de moyens procéduraux de lutte contre la cybercriminalité

A. L’extension de la saisie pénale aux actifs numériques

La saisie conservatoire avant condamnation est relativement récente puisqu’elle a été introduite dans notre procédure pénale française par les lois n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : O4569BAH en matière de stupéfiants (C. proc. pén., art. 706-24-2 N° Lexbase : L2150LH4) et n° 2001-1062, du 15 novembre 2001, relative à la sécurité quotidienne N° Lexbase : O7072BBK en matière de terrorisme (C. proc. pén., art. 706-24-2 N° Lexbase : L2150LH4). Elle a été largement étendue par la loi n° 2010-768, du 9 juillet 2010, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale N° Lexbase : L7041IMQ (C. pén., art. 131-21 N° Lexbase : L7984MBC) et permet au procureur de la République, au juge d’instruction ou, avec leur autorisation, à l’officier de police judiciaire de faire procéder à la saisie d’un bien dans le cadre d’une procédure pénale pour la grande majorité des infractions.

Si jusqu’à présent la saisie de sommes versées sur un compte de dépôt pouvait facilement faire l’objet d’une saisie spéciale (C. proc. pén., art. 706-154 N° Lexbase : L6563MG8), en revanche la saisie d’un bien incorporel ne pouvait se réaliser qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) (C. proc. pén., art. 706-153 N° Lexbase : L7453LPQ). Or les actifs numériques appartiennent à la catégorie des biens incorporels.

En effet, l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7609LQU définit les actifs numériques, plus communément désignés sous les termes de cryptoactifs, cryptomonnaies, tokens ou monnaies virtuelles comme des biens incorporels (C. mon. fin., art. L. 552-2 N° Lexbase : L7517LQH).

À ce titre, la saisie des actifs numériques devait, jusqu’à la présente loi, faire l’objet d’une ordonnance préalable d’un juge et ne pouvait bénéficier de la saisie rapide prévue en matière de sommes d’argent.

L’étude d’impact, précédant le projet de loi, relevait que les actifs numériques présentaient la caractéristique d’être « aussi rapidement transférables, et donc dissipés, que les fonds détenus sur un compte bancaire », et que de ce fait, ils étaient « massivement utilisés dans le cadre d’extorsion par rançongiciel pour les demandes de rançon » [2], voire pour commettre des infractions de type cryptojacking.

En pratique, c’est souvent au cours de l’enquête, et notamment d’une perquisition, qu’est découvert un portefeuille de cryptoactifs ; le temps de rechercher le mot de passe et d’obtenir une ordonnance du JLD qui doit être motivée par la mention du montant disponible, la saisie est souvent vouée à l’échec, d’autant que la connexion de l’enquêteur entraînera une alerte pour un tiers qui pourra alors en dissiper le contenu.

À ce titre, l’article 3 de la LOPMI étend l’article 706-54 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1583MAU aux actifs numériques et a pour conséquence de permettre au procureur de la République de se passer de l’ordonnance du JLD pour saisir. Bien entendu, et comme pour les saisies de sommes d’argent, il reviendra ensuite au JLD, saisi par le procureur de la République ou par le juge d’instruction, de se prononcer, dans un délai de dix jours, sur le maintien ou la mainlevée de la saisie. Un appel (non suspensif) est alors ouvert, devant la chambre de l’instruction, au ministère public, au propriétaire de l’actif numérique et, s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur cet actif.

De surcroît, il est évident que la saisie d’avoirs numériques restera plus complexe que la saisie de liquidités, notamment parce que les opérations seront réalisées sur des portefeuilles que l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aura ouverts auprès de divers intermédiaires de cryptomonnaie qu’il faudra identifier, ce qui prendra d’autant plus de temps lorsque les saisies auront lieu sur des plateformes situées à l’étranger puisque la voie de l’entraide judiciaire sera rendue nécessaire.

B. L’élargissement de l’enquête sous pseudonyme

L’enquête sous pseudonyme a été introduite dans notre procédure pénale par la loi n° 2007-297, du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance N° Lexbase : L6035HU3 d’abord pour les infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme et d’atteintes aux mineurs. Progressivement, elle a été étendue à d’autres infractions et a été généralisée par la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC aux « crimes et […] délits punis d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction le justifient » (C. proc. pén., art. 230-46 N° Lexbase : L6547MGL).

Jusqu’à présent, le dispositif permettait à un enquêteur de participer à des échanges électroniques, d’extraire et de conserver des données et, après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction d’acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite ou transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites.

L’autorisation de la loi n’était ainsi pas expressément accordée à l’enquêteur qui agissait sous pseudonyme en qualité de complice par fourniture de moyens notamment financiers, et qui portait assistance au délinquant.

Or il s’avère que l’enquête sous pseudonyme est un moyen efficace de lutter contre les crimes et délits commis sur internet, « qu’il s’agisse de la vente de drogue ou d’armes sur le dark web ou de la vente de biens volés sur des plateformes en ligne » [3].

Aussi, même si la modification de l’article 230-46 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6547MGL, issue d’un amendement de la commission du Sénat, n’est pas spécifiquement destinée à lutter contre la cybercriminalité, elle en constitue un levier important.

Désormais, il est ainsi prévu que les cyberpatrouilleurs puissent, « après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits, en vue de l’acquisition, de la transmission ou de la vente par les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, mettre à la disposition de ces personnes des moyens juridiques ou financiers ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication ».

Il est à noter que le Conseil constitutionnel a censuré la version initiale du texte qui dispensait les enquêteurs d’une autorisation d’un magistrat lorsque les acquisitions ou transmissions de contenus avaient un objet licite [4].

Quoiqu’il en soit, cet élargissement de l’enquête sous pseudonyme devrait permettre aux enquêteurs de mieux appréhender les diverses mises en vente sur des plateformes de vente en ligne d’objets illicites, leur permettant par exemple de contacter les vendeurs, en se faisant passer pour des acheteurs, pour organiser une réunion afin de procéder à leur interpellation en flagrant délit de recel.

II. Le renforcement de moyens substantiels de lutte contre la cybercriminalité

A. La création de deux nouveaux délits visant les plateformes en ligne

Absente du projet de loi, la création de deux délits spéciaux relatifs aux plateformes en ligne est apparue tardivement dans le processus parlementaire.

Il ressort de la circulaire du 2 février 2023 [5] le constat selon lequel le traitement d’un nombre croissant de procédures judiciaires a mis au jour l’augmentation du nombre de plateformes de vente d’objets illicites sur le darknet, qu’il s’agisse d’armes, de stupéfiants, de faux papiers ou de tout autre produit ou donnée dont la vente est illégale ou qui sont eux-mêmes issus de la commission d’une infraction pénale.

À ce titre, la loi du 24 janvier 2023 a créé deux délits offrant la possibilité d’incriminer et de réprimer des comportements relevant d’une activité d’administration de plateformes de transactions d’objets illicites ou d’intermédiation ou de séquestre destinée à permettre ou à faciliter la cession de produits illicites.

1) Le délit d’administration d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits illicites

À la suite des atteintes aux systèmes de traitements automatisés de données, est créé un article 323-3-2 du Code pénal N° Lexbase : L6508MG7 qui incrimine le fait, pour un opérateur de plateforme en ligne mentionné à l’article L. 111-7 du Code de la consommation N° Lexbase : L4973LAG, de permettre sciemment la cession de produits, de contenus ou de services dont la cession, l’offre, l’acquisition ou la détention sont manifestement illicites, lorsque cette plateforme :

  • restreint son accès aux personnes utilisant des techniques d’anonymisation des connexions ;
  • contrevient aux obligations que la loi n° 2004-575, du 21 janvier 2004, pour la confiance dans l’économie numérique, dite loi « LCEN » N° Lexbase : L2600DZC leur impose.

Il s’agit finalement de sanctionner un individu qui administre une plateforme dont il sait qu’elle véhicule des services manifestement illicites. La complicité à titre principal par fourniture de moyens est ainsi incriminée à titre autonome. Le législateur s’assure néanmoins de la mauvaise foi de l’administrateur en conditionnant la réalisation du délit soit à une restriction de l’accès à la plateforme à des utilisateurs ayant recours à un dispositif d’anonymisation d’adresses IP tel qu’un VPN, soit à une violation des obligations que la loi lui impose.

En effet, l’article 6 VI de la loi n° 2004-575, du 21 juin 2004, oblige tout opérateur à mettre en œuvre un dispositif permettant aux utilisateurs d’une plateforme en ligne de signaler les contenus illicites qu’ils identifient, de l’obligation d’informer promptement les autorités publiques compétentes des activités illicites qui leur ont été signalées, ou encore de l’obligation de conserver les données de nature à permettre l’identification des personnes ayant contribué à la création d’un contenu diffusé.

 

Le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende et devrait rendre efficace la lutte contre les sites du dark web dédié à la circulation de biens et données illicites, même s’il nous semble surprenant que le Conseil constitutionnel n’ait émis aucune protestation sur un délit obstacle dont l’imputation est assez indirecte. Il apparaît par ailleurs surprenant que ces délits soient positionnés dans le chapitre relatif aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD) dans la mesure où le comportement ne se réfère à aucune atteinte à la propriété numérique.

2) Le délit d’intermédiation ou de séquestre pour faciliter la cession de produits illicites

Est puni des mêmes peines, « le fait de proposer, par l’intermédiaire de ces plateformes ou au soutien de transactions qu’elles permettent, des prestations d’intermédiation ou de séquestre qui ont pour objet unique ou principal de mettre en œuvre, de dissimuler ou de faciliter les opérations ».

Ce second délit consiste à incriminer ici à titre autonome le blanchiment de l’infraction d’administration illicite, en sanctionnant finalement tout type d’intermédiation qui aurait pour seul but de dissimuler la circulation de ces produits ou données illicites.

Il est à noter que les deux délits sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis en bande organisée.

Par ailleurs, dans la mesure où l’article 4 de la LOPMI intègre ces deux nouveaux délits à la liste de l’article 706-73-1 du Code de procédure pénale (C. proc. pén., art. 706-73-1, 12° N° Lexbase : L6561MG4), il en ressort non seulement que le recours aux techniques spéciales d’enquêtes est permis, mais également que les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) disposent d’une compétence concurrente pour traiter de ces nouvelles infractions, sous réserve qu’elles présentent un critère de grande ou de très grande complexité (C. proc. pén., art. 706-75 N° Lexbase : L0563LTZ).

La circulaire précitée précise à ce titre que « la JUNALCO doit pouvoir bénéficier d’une remontée d’informations pertinente par le mécanisme de la double information qui doit être mise en œuvre à son profit par les offices centraux et services à compétence nationale ainsi que par les JIRS, à la lumière des critères supra énoncés » [6].

B. L’augmentation de la répression des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD)

1) Augmentation du quantum des peines prévues à l’article 323-1 du Code pénal

Le législateur, pour la troisième fois depuis 1988, date de la création des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD), augmente significativement la répression de ces infractions, ayant pour objectif de lutter plus efficacement contre les cyberattaques dont l’amplification a été rappelée en propos introductif.

Il élève ainsi à trois ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende (contre deux ans et 60 000 euros), les délits d’accès et de maintien dans un STAD, portant à cinq ans et 150 000 euros d’amende (contre trois ans et 100 000 euros) la peine lorsqu’il en est résulté une altération ou une modification de données. Lorsque les infractions sont commises à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à sept ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende (contre cinq ans et 150 000 euros).

La LOPMI calque ainsi les peines du délit d’accès sur les autres délits d’entrave, considéré jusqu’à présent plus graves et a pour effet domino d’augmenter la contrainte au stade des investigations aux délits punis d’au moins trois ans.

2) Généralisation de la circonstance aggravante de bande organisée

Le nouvel article 323-4-1 du Code pénal N° Lexbase : L6509MG8 étend la circonstance de bande organisée à l’ensemble des atteintes à un STAD, portant ainsi la peine à dix ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

La prévision de cette circonstance était jusqu’alors limitée aux seules atteintes commises sur les systèmes étatiques.

Cela a donc pour conséquence d’intégrer à l’article 706-73-1 du Code de procédure pénale (1°) tous les délits d’atteintes à un système de traitement automatisé de données à la délinquance organisée dans la mesure où ils seraient commis en bande organisée.

3) Création d’une circonstance aggravante de mise en danger d’autrui à l’occasion d’une atteinte à un STAD

Prenant acte du fait que les cyberattaques visent régulièrement des établissements de santé [7] (hôpitaux, centres de recherche médicale, EPHAD, etc.), la LOPMI introduit une nouvelle disposition qui prend en compte les conséquences désastreuses pour la santé de patients subissant une suspension temporaire de l’activité médicale et entraînant un retard de prise en charge, voire un arrêt des soins (transfert de patients, arrêt des systèmes monitoring, arrêt des systèmes de numéros d’urgences, etc.)

Aussi, le nouvel article 323-4-2 du Code pénal N° Lexbase : L6510MG9 introduit une nouvelle circonstance aggravante de mise en danger d’autrui appliquée aux STAD et dispose que « lorsque les infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 [du Code pénal] ont pour effet d’exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ou de faire obstacle aux secours destinés à faire échapper une personne à un péril imminent ou à combattre un sinistre présentant un danger pour la sécurité des personnes, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende ».

Alors que dans le délit de risque causé à autrui de l’article 223-1 du Code pénal N° Lexbase : L3399IQX aurait parfaitement pu trouver à s’appliquer de façon autonome dans un cas d’exposition immédiat à un risque de mort ou de blessures et se cumuler avec les délits d’atteinte aux STAD, le législateur fait le choix de la sévérité en créant une telle circonstance aggravante, puisque la peine encourue est portée à dix ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Sur le modèle des infractions involontaires qui peuvent également être aggravées par la mise en danger, il doit être précisé que si le danger redouté se produit, les infractions matérielles d’homicide ou de violences, involontaires, voire volontaires selon le contexte, pourront s’appliquer et se cumuler aux atteintes aux STAD.

La circulaire d’application de la LOPMI en date du 2 février 2023 apporte des précisions importantes sur la compétence des juridictions selon le type d’attaque dès lors que la circonstance aggravante de mise en danger de la vie d’autrui aura vocation à être retenue [8]. Prenant appui sur les dépêches du 10 mai 2017 [9] et du 9 juin 2021 [10] elle distingue :

  • les attaques commises au moyen d’un dispositif de type rançongiciel qui entraînera une centralisation du traitement judiciaire par la juridiction parisienne [11] ;
  • les attaques commises sans rançongiciel relèveront des compétences concurrentes des juridictions locales, des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et du tribunal judiciaire de Paris qui s’articuleront en fonction de la nature et du degré de complexité de l’affaire (nombre d’auteurs ou de victimes, technicité des moyens employés, mode opératoire mis en place, dimension nationale ou transnationale des faits, importance du préjudice, etc.).

4) La compétence du tribunal statuant à juge unique pour les atteintes à un STAD

Dans une optique de simplification du droit et d’une forme de rapidité et de certitude de la sanction, la LOPMI modifie la liste des infractions prévues par l’article 398-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6549MGN et étend ainsi le champ de compétence de la procédure de jugement correctionnel à juge unique prévue par l’article 398 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0539LT7 aux délits d’accès et de maintien frauduleux dans un STAD prévus au premier alinéa de l’article 323-1 du Code pénal N° Lexbase : L6507MG4.

Logiquement, cette extension a pour autre conséquence de permettre au procureur de la République d’orienter ces infractions vers la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale [12], notamment en cas de simple « piratage d’un compte de messagerie électronique ou d’un réseau social » [13], lorsque la personnalité de l’auteur, l’ampleur du préjudice ou la qualité de la victime le justifieront.

 

[1] Rapport annexé au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, NOR : INTD2204555/Bleue-1, p. 6, citant « Données Opinion Way pour le Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique (Dec ’20 – Jan ’21) » [en ligne].

[2] Étude d’impact du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, NOR : IOMD2223411L/Bleue-1, 6 septembre 2022, p. 30 [en ligne].

[3] Rapport Sénat n° 19, par MM. Marc-Philippe Daubresse et Loic Hervé, 5 octobre 2022, p. 34 [en ligne].

[4] Cons. const., décision n° 2022-846 DC, du 19 janvier 2023, cons. 45 N° Lexbase : A936588D.

[5] Circ. DACG, n° 2023-02, du 3 février 2023, p. 11 N° Lexbase : L7741MGS.

[6] Circ. DACG, n° 2023-02, du 3 février 2023, p. 12 .

[7] Le rapport 2021 de l’Observatoire des signalements d’incidents de sécurité des systèmes d’information pour le secteur santé fait état de 733 incidents signalés, soit pratiquement le double par rapport à 2020 [en ligne].

[8] Circ. DACG, n° 2023-02, du 3 février 2023, p. 14

[9] Dépêche n° 2017/0058/MI2C, du 10 mai 2017, concernant la mise en œuvre opérationnelle de la compétence nationale concurrente du parquet de Paris en matière d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD) et de traitement judiciaire des « rançongiciels ».

[10] Dépêche n° 2020/0064/MI2C, du 9 juin 2021, relative à la lutte contre la cybercriminalité.

[11] Les procureurs de la République locaux sont invités à prendre attache avec la section J3 du parquet de Paris par courriel adressé à l’adresse structurelle ci-après cyber.pr.tj-paris@justice.fr, aux fins d’engager une démarche concertée destinée à apprécier l’opportunité d’un dessaisissement à son profit.

[12] C. proc. pén., art. 495 à 495-6 N° Lexbase : L7516LP3.

[13] Circ. DACG, n° 2023-02, du 3 février 2023, p. 15 .

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Assurances

[Brèves] Assureur ayant effectué, sur exécution forcée, des paiements excédant le plafond de garantie : pas de recours contre la victime

Réf. : Cass. civ. 2, 30 mars 2023, n° 21-18.488, F-B N° Lexbase : A53149LE

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 14 Avril 2023

► L’assureur ayant, sur exécution forcée, effectué des paiements excédant le plafond de garantie au profit de la victime, ne peut exercer de recours contre la victime ; le recours ne peut être exercé que contre l’assuré, vrai bénéficiaire du paiement.  

Faits et procédure. En l’espèce, un assureur avait été condamné à payer à une victime une somme supérieure au plafond de garantie ; les paiements excédant le plafond de garantie avaient été effectués sur exécution forcée. Ces paiements valaient-ils renonciation de l’assureur à se prévaloir du plafond de garantie ? Si tel n’est pas le cas, contre qui l’assureur peut-il exercer un recours : l’assuré ou la victime ? Les juges du fond avaient refusé de caractériser une renonciation de l’assureur à se prévaloir du plafond de garantie et condamné la victime à restituer les sommes perçues excédant le plafond de garantie (CA Paris, 24 février 2021, n° 17/13038 N° Lexbase : A34034IU).

Solution. Si la deuxième chambre civile de la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que la renonciation de l’assureur à se prévaloir du plafond de garantie n’était pas caractérisée, elle casse en revanche l’arrêt d’appel, au visa de l’ancien article 1376, devenu l’article 1302-1 du Code civil N° Lexbase : L0643KZT, relatif à la répétition de l’indu, pour avoir condamné la victime à restituer les sommes excédant le plafond de garantie.

S’agissant de la renonciation à se prévaloir du plafond de garantie : à défaut de volonté « non équivoque » de renoncer à ce plafond, sa caractérisation est impossible. L’exigence fait contrepoids avec l’unilatéralité de la renonciation (rappr. D. Houtcieff, Rép. civ., V° « Renonciation », 2017, n° 18). Or, une telle volonté ne saurait être déduite du versement des sommes par l’assureur dès lors que celui-ci était fondé sur l’exécution forcée (rappr. Cass. civ. 3, 4 juillet 2001, n° 00-10.089, inédit N° Lexbase : A1122AU4).

Dès lors, surgissait la question d’un éventuel recours de l’assureur, lequel n’avait pas renoncé au bénéfice du plafond de garantie. Point de recours contre la victime, car elle était créancière : « celui qui reçoit d’un assureur le paiement d’une indemnité à laquelle il a droit, ne bénéficie pas d’un paiement indu ». Seul un recours contre l’assuré est possible. La Cour poursuit précisant que « le bénéficiaire de ce paiement (est) celui dont la dette se trouve acquittée par quelqu’un qui ne la doit pas ». Seul l’assuré était le bénéficiaire du paiement indu. Ce n’est donc que contre lui que l’assureur doit se retourner (rappr. Cass. civ. 1, 23 septembre 2003, n° 01-14.101, publié au bulletin N° Lexbase : A6264C9U).

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Autorité parentale

[Brèves] Enlèvement international d’enfant et communication électronique obligatoire : le formalisme excessif sanctionné

Réf. : Cass. civ. 1, 5 avril 2023, n° 22-21.863, FS-B N° Lexbase : A61659MB

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N5064BZL

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 13 Avril 2023

► En faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par le père sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par le père en qualité d'appelant incident, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et a, partant, violé les textes susvisés.

Faits et procédure. En l’espèce, à l'issue des fêtes de fin d'année 2019, qui s’étaient déroulées à l’île Maurice où la famille était installée depuis décembre 2014, la mère, qui était partie avec les enfants en France, s'était opposée à leur retour à l'Île Maurice. Le 15 janvier 2020, le père avait saisi l'autorité centrale de l'Île Maurice en vue d'obtenir le retour immédiat des enfants, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants N° Lexbase : L0170I8S.

Le 10 juillet 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens avait saisi, à cette fin, le juge aux affaires familiales. Le père était intervenu volontairement à l'instance.

Par ordonnance de référé du 10 juillet 2020, le juge aux affaires familiales avait constaté que le non-retour des enfants à l'Île Maurice était illicite et rejeté la demande de retour, au motif qu'il existait un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.

Décision CA. Le ministère public avait interjeté appel de cette décision. Pour déclarer irrecevable l'appel du ministère public, l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens, après avoir énoncé qu'il résultait des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel, que la communication électronique avec le greffe s'impose au ministère public lorsqu'il est partie principale, celui-ci n'étant autorisé à établir la déclaration d'appel sur support papier qu'en cas d'impossibilité de la transmettre par voie électronique pour une cause étrangère, avait retenu que tel n'était pas le cas en l'espèce, la déclaration d'appel n'ayant été formalisée le 7 août 2020 que sur support papier, sa transmission le même jour au greffe par voie électronique ayant échoué en raison d'une « erreur du ministère public sur le type d'adresse accepté par le réseau privé virtuel des avocats ».

Cassation. Comme indiqué en introduction, ce faisant, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif. La Cour régulatrice censure alors sa décision au visa de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et l'article 1210-4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6128LT7, dont elle rappelle la teneur des dispositions.

Elle en déduit que le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

C’est ainsi que la Cour suprême, fait référence à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme, « Henrioud c/ France »  (CEDH, 5 novembre 2015, Req. 21444/11 N° Lexbase : A7326NUU, concernant également une procédure engagée dans le cadre d’un enlèvement international d’enfant) qui avait retenu qu'au vu des conséquences entraînées par l'irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l'irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye, le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge. En effet, le requérant n'avait pu voir examiner par la Cour de cassation l'argument principal soulevé, à savoir qu'il n'existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l'article 13 a) de la Convention de La Haye, alors que la procédure de retour d'enfants est susceptible d'avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.

C’est donc en considération de la jurisprudence de la CEDH que la Cour de cassation a estimé qu’en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par le père, le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par le père en qualité d'appelant incident, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et a, partant, violé les textes susvisés.

On relèvera que cette décision doit également être mise en perspective avec un autre arrêt de la CEDH, rendu le 9 juin 2022, qui ne concernait pas une procédure d’enlèvement international d’enfant, mais par lequel la Cour européenne avait condamné la France pour formalisme excessif, également en matière de communication électronique obligatoire (CEDH, 9 juin 2022, Req. 15567/20 N° Lexbase : A07327Z7, comm. M. Dochy, Lexbase Droit privé, n° 913, 7 juillet 2022 N° Lexbase : N2114BZC).

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] La cession du bail avec déspécialisation ne fait pas obstacle au déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail

Réf. : Cass. civ. 3, 15 février 2023, 21-25.849, FS-B N° Lexbase : A24169DT

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N5026BZ8

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par Sarah Andjechaïri-Tribillac, Maître de conférences à l’Université de Perpignan Via Domitia, Membre du CDEDys, UR n° 421

Le 12 Avril 2023

Mots clés : bail commercial • cession-déspécialisation • fixation du loyer du bail renouvelé déplafonnement • modification notable de la destination des lieux • renonciation

La cession du droit au bail dans les conditions de l'article L. 145-51 du Code de commerce emporte, malgré une déspécialisation, le maintien du loyer jusqu'au terme du bail, mais ne prive pas le bailleur du droit d'invoquer le changement de destination intervenu au cours du bail expiré au soutien d'une demande en fixation du loyer du bail renouvelé. Il ne peut être déduit une renonciation du bailleur à solliciter le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail du non-exercice du droit de rachat prioritaire ou de son absence d'opposition en justice à la déspécialisation.


 

L’arrêt du 15 février 2023 est l’occasion pour la troisième chambre civile de rappeler les conditions de l’article L. 145-51 du Code commerce N° Lexbase : L0348LT3 et de préciser les effets de la cession-déspécialisation sur le prix du bail au moment du renouvellement.

En l’espèce, les bailleurs ont donné en juillet 2008, un local à bail à usage de commerce de gravures, reliures, encadrements, maroquinerie, décoration ou similaire. Un peu plus de deux ans après la conclusion du bail, la cession dudit bail avec déspécialisation en application des dispositions de l’article L. 145-51 du Code de commerce a été signifiée aux bailleurs. Le bail venant à expiration, les bailleurs ont délivré congé avec offre de renouvellement du bail moyennant le paiement d'un loyer fixé selon la valeur locative, puis ont saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande en fixation du nouveau loyer.

Or, le locataire, d’accord sur le principe du renouvellement, soutenait que les bailleurs ne pouvaient invoquer la déspécialisation pour obtenir la modification du loyer lors du renouvellement du bail.

Mais les juges du fond ont fait droit à la demande des bailleurs. Ils ont retenu que le loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative et ont désigné, avant dire droit, un expert afin de déterminer la valeur locative des locaux.

Le locataire s’est alors pourvu en cassation invoquant le fait que le loyer du bail renouvelé devait être plafonné, peu important que la déspécialisation soit intervenue à l’occasion de la cession du droit au bail dans les conditions de l’article L. 145-51 du Code de commerce.

I. La cession-déspécialisation du bail en cas de départ à la retraite ou d’invalidité du locataire, rappel des conditions de mise en œuvre

La clause de destination est une des clauses essentielles du bail commercial en ce qu’elle définit l’activité sur laquelle le bailleur et le locataire se sont entendus pour qu’elle soit exercée dans les lieux loués, qu’il s’agisse d’une activité spécifique ou d’une clause « tous commerces », sous réserve qu’aucune disposition législative, stipulation contractuelle ou de règlement de copropriété ne s’y oppose.

À  cet égard, l’article 1728 du Code civil N° Lexbase : L9302I3W impose au locataire d’user de la chose suivant la destination donnée par le bail. Cette destination est en principe immuable, le locataire ne peut donc modifier son activité sauf à obtenir l’accord du bailleur. Il est ainsi tenu de respecter la destination des lieux loués telle qu’elle est prévue au bail [1], sous réserve des clauses « tous commerces » et des activités dites incluses – implicitement dans la destination contractuelle – sous peine que l’exercice d’une activité irrégulière dans les locaux loués constitue une infraction au bail et expose le locataire à différentes sanctions [2].

Cette obligation d’user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail se justifie par le fait que, d’une part, un changement de la destination conduirait à créer un déséquilibre entre les obligations et les droits de chacune des parties au contrat de bail, notamment du fait que le montant du loyer a été fixé en considération de la seule activité pouvant être autorisée ; et que, d’autre part, le respect de la destination des lieux imposée par le bail confère au bailleur une certaine protection de son bien immobilier contre un changement d’activité préjudiciable pour l’usage ultérieur des lieux.

Mais en raison des effets quelque peu néfastes d’une destination intangible et de son incompatibilité avec l’évolution de l’économie, le statut des baux commerciaux prévoit un assouplissement à ce principe d’intangibilité en autorisant la déspécialisation du bail commercial codifiée aux articles L. 145-47 et suivants N° Lexbase : L0347LTZ du Code de commerce. Par ce mécanisme de déspécialisation, le locataire peut modifier la destination initialement convenue en réalisant une extension d'activité, et en pareil cas on parlera de déspécialisation restreinte ou partielle [3], ou en réalisant une transformation complète de l’activité, et l’on parlera de déspécialisation plénière ou totale [4].

Afin de garantir l’efficacité du mécanisme de déspécialisation, qu’elle soit partielle ou plénière, le législateur a conféré à ces dispositions le caractère d’ordre public [5].

Le législateur offre également une troisième voie de déspécialisation, prévue par l’article L.  145-51 du Code de commerce, qui est la cession-déspécialisation. Par cette procédure spécifique, le locataire qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou qui été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité [6], peut céder son bail seul avec changement d’activité au profit d’un tiers, sous réserve que la nature de l’activité envisagée soit compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble. Cette cession du droit au bail, qui admet la modification de l’activité, permet au locataire-cédant se trouvant en difficulté dans la recherche d’un acquéreur « d’élargir son offre de vente » [7].

La mise en œuvre de la cession-déspécialisation exige du locataire de signifier à son propriétaire ainsi qu’aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé. Dans l’arrêt rapporté, cette exigence a été respectée.

À compter de la signification, le bailleur dispose d’un délai de deux mois pour exercer son droit de priorité de rachat du bail aux conditions fixées dans la signification. Pour le dire autrement, le bailleur qui souhaite s'opposer à l'opération de cession-déspécialisation dispose d’un droit de préemption. À défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est alors réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal judiciaire.

Dans l’arrêt sous étude, le bailleur s’est abstenu de répondre pendant le délai légal, ce qui implique qu’il a tacitement accepté le changement d’activité intervenu au cours de la cession du bail envisagée par le locataire.

Toutefois à cet égard, le locataire soutenait que le non-exercice de la faculté de rachat ainsi que l'absence d'opposition à la déspécialisation du bail valent renonciation du bailleur à se prévaloir de la déspécialisation lors du renouvellement du bail comme cause de déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

Il est vrai qu’il est de principe que lors du renouvellement du bail, en l’absence d’accord entre les parties, le loyer est fixé par le juge des loyers qui va en principe appliquer la règle du plafonnement selon la variation d’un indice de référence et qui, bien souvent, tend à protéger le locataire contre une hausse trop élevée du loyer. Le plafonnement du loyer renouvelé doit ainsi s’appliquer lorsque la valeur locative est supérieure au loyer en cours. Cependant, le plafonnement du loyer renouvelé peut être écarté au profit du déplafonnement dans des cas limitativement énumérés par l’article L. 145-34 du Code de commerce N° Lexbase : L5035I3U [8], de sorte que le montant du bail devra correspondre à la valeur locative du bien.

Quoi qu’il en soit, la Cour régulatrice, approuvant la décision des juges du fond, rappelle dans un premier temps, même si cela n’était pas l’objet même du litige [9], que dans cette procédure de cession-déspécialisation, les droits du bailleur se trouvent limiter par le fait qu’il ne peut exiger une modification du prix du bail au moment de la cession-déspécialisation [10], à la différence de la déspécialisation plénière pour laquelle le bailleur peut, aux termes de l'article L. 145-50 du Code de commerce N° Lexbase : L5778AIT, demander au moment de la transformation, la modification du prix du bail sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-39 du même code. En effet, les Hauts conseillers rappellent cette limite. Ainsi, et nonobstant le fait que l’article L. 145-51 soit silencieux en la matière, à la différence des articles L. 145-47 et L. 145-50, le bailleur ne peut réclamer à l'occasion de la cession, une modification du prix [11]. Mais la Haute Cour précise néanmoins qu’il n’est pas interdit au bailleur d'invoquer le changement d'activité à l'occasion du renouvellement du bail.

En effet, l'article L. 145-51 du Code de commerce a pour objet, rappelons-le, de faciliter la cession au locataire désireux de prendre sa retraite ou répondant au régime d’invalidité. Il importe donc de maintenir, malgré le changement d'activité autorisé, le loyer au montant antérieur durant le temps restant à courir du bail.

Pourtant, au soutien de sa demande, la locataire a invoqué la renonciation des bailleurs à solliciter le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail résultant du non-exercice du droit de rachat prioritaire et de l’absence d'opposition en justice à la déspécialisation.

Il convient de rappeler que la renonciation à un droit est un acte juridique unilatéral qui « a pour seul effet d’éteindre un droit ou une obligation » [12]. Cet acte abdicatif, irrévocable et unilatéral, repose sur l'unique volonté du titulaire du droit abandonné [13]. La renonciation à un droit ne se présume pas. Elle doit être certaine [14] et résulter d'une manifestation de volonté non équivoque de renoncer [15].

C’est ce qu’a retenu la Cour régulatrice dans l’arrêt du 15 février 2023 lorsqu’elle énonce qu’il « ne pouvait être déduit du non-exercice par les bailleurs de leur droit de rachat prioritaire ou de l'absence d'opposition en justice à la déspécialisation, leur renonciation à solliciter, lors du renouvellement du bail, le déplafonnement du loyer ».

II. Les effets de la cession-déspécialisation du bail sur le loyer du bail renouvelé

Dans l’arrêt du 15 février 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère que la cour d’appel de Paris a énoncé, à bon droit, que « la cession du droit au bail, dans les conditions de l’article L. 145-51, ne privait pas les bailleurs du droit d’invoquer le changement de destination intervenu au cours du bail expiré à l’occasion du renouvellement du bail ».

La Cour régulatrice approuve les juges d’appel d’avoir mis en exergue le fait que l’article L. 145-51 du Code de commerce, ni aucune autre disposition du même code, du reste, n’interdisent au bailleur d'invoquer le changement d'activité autorisé à l'occasion du renouvellement du bail pour solliciter le déplafonnement du loyer dès lors que les conditions d'un déplafonnement fondé sur un changement de destination sont réunies. Comme l’a souligné la cour d’appel, les dispositions de l'article L. 145-51 ne sont pas exclusives de l'application des articles L. 145-33 du Code de commerce N° Lexbase : L5761AI9.

Il est vrai qu’au regard des décisions d’appel, la jurisprudence était divisée sur la question du loyer déplafonné au moment du renouvellement du bail, en raison des nouvelles activités exercées. Pour certaines cours d’appel, la déspécialisation ne devait pas permettre au bailleur de solliciter le déplafonnement [16], tandis que d'autres étaient favorables à ce que le loyer renouvelé puisse être fixé en considération des nouvelles activités [17].

Par l’arrêt rapporté, la Cour de cassation est venue trancher le débat.

Le déplafonnement peut donc intervenir lors du renouvellement du bail expiré, et la déspécialisation peut constituer un motif de déplafonnement lorsque la modification de la destination des locaux, postérieure à la prise d'effet du bail à renouveler, est suffisamment notable [18].

Les parties au bail pourront néanmoins à l’occasion de la révision triennale revoir le loyer du bail en cours.

Enfin, la Haute Cour conclut le litige en rappelant que la propriété commerciale [19] du locataire d'un bail commercial s'entend du droit au renouvellement du bail commercial [20] consacré par les articles L. 145-8 N° Lexbase : L5735IS9 à L. 145-30 du Code de commerce, et en précisant que l'atteinte alléguée, qui ne concerne que le prix du loyer du bail renouvelé, n'entre pas dans le champ de cette protection.

 

[1] Cass. ass. plén., 3 mai 1956, Gaz. Pal,. 1956, 1, p. 394

[2][2] Cass. civ. 3, 5 mars 2013, n° 11-27.773, F-D N° Lexbase : A3077I9T, Destination du bail et accord tacite, AJDI, 2013, p. 672, note V. Zalewski-Sicard. Les sanctions peuvent aller de la mise en œuvre de la clause résolutoire à la résiliation judiciaire, en passant par le refus de renouvellement. Toutefois, ces sanctions relèvent pour la majorité de l’appréciation souveraine des juges.

[3] C. com., art. L. 145-47 N° Lexbase : L0347LTZ.

[4] C. com., art. L. 145-48 N° Lexbase : L5776AIR.

[5] C. com., art. L. 145-15 N° Lexbase : L5032I3R.

[6] Sont concernés l'associé unique d'une EURL, le gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une SARL lorsque celle-ci est titulaire du bail.

[7] Dalloz Actualité, 13 mars 2023, obs. Th. Brault sous Cass. civ. 3, 15 février 2023, 21-25.849, F-B.

[8] En ce sens, v. C. com., art. L. 145-33 N° Lexbase : L5761AI9.

[9] T. Brault, op. cit.

[10] CA Paris, 16ème ch., sect. A ,3 décembre 1991, n° 90/9767 N° Lexbase : A9696A7A, D., 1992, somm. 361, obs. Rozès ; Loyers et copr., 1992, n° 123, obs. Brault

[11] CA Paris, 5-3, 20 mai 2020, n° 18/19050 N° Lexbase : A91263LL, Loyers et copr., 2020, n° 86, obs. E. Chavance ; Gaz. Pal., 2020. 3583, obs. S. Chastagnier.

[12] D. Houtcieff, Rép. civ. 2021, V° Renonciation, n° 1 et 54

[13] Ibid.

[14] Cass. civ. 3, 18 janvier 2012, n° 11-10.389, FS-P+B N° Lexbase : A1370IBD, D., 2012, 353, obs. Y. Rouquet

[15] Cass. civ. 3, 30 mai 2007, n° 06-12.853, F-D N° Lexbase : A5563DWX.

[16] CA Paris, 25 octobre 2007, Loyers et copr. 2008, comm. 66

[17] CA Paris, 18 mars 2009, n° 08/07028 N° Lexbase : A5496EEB, AJDI, 2009, p. 614, note J.-P. Blatter ; Administrer, 12/2008, 56, obs. D. Lipman-W. Boccara ; Loyers et copr., 2009, no 66, obs. Ph.-H. Brault ; CA Paris, 20 mai 2020, préc.

[18] C. com., art. L. 145-34 N° Lexbase : L5035I3U.

[19] Protégée par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

[20] Cass. civ. 3, 11 mars 2021, n° 20-13.639, FS-P+L N° Lexbase : A01574LE, RTD com., 2021, 297, comm. F. Kendérian ; RTD civ., 2021, 435, note P.-Y. Gautier ; Loyers et copr., 2021, repère 4 , obs. J. Monéger ; JCP E, 2021, 1481, n° 25, B. Brignon, comm., Lexbase Affaires, avril 2021, n° 672 N° Lexbase : N7105BYS ; Rev. loyers, 2021, p. 224 , obs. Ch. Lebel ; D., 2021, p. 1514, obs. Y. Strickler ; Dalloz Actualité, 1er avril 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac .

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Collectivités territoriales

[Jurisprudence] Les principes de redevance pour service rendu appliqués à la redevance d’assainissement non collectif

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 8 mars 2023, n° 451725, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A77859HS

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N4986BZP

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par Christophe Otero, Maître de conférences en droit public, Université de Rouen et Gaëtan Tréguier, Avocat au barreau de Rouen

Le 12 Avril 2023

Mots clés : redevances • assainissement • service rendu • contrepartie • prestation

Dans un arrêt rendu le 8 mars 2023, le Conseil d’État applique les principes de redevance pour service rendu à la redevance particulière d’assainissement non collectif. Après en avoir rappelé le principe, selon lequel la redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service, la Haute juridiction administrative s’attache à la proportion entre, d’une part, la redevance exigée et, d’autre part, l’ensemble des charges du service et la valeur économique de la prestation pour ses bénéficiaires.


 

Par une délibération 27 mars 2010, la communauté de communes de La Terre de Randon, devenue depuis lors Randon-Margeride, a créé un service public d’assainissement non collectif (SPANC) géré en régie dont la mission était limitée à celle obligatoire de contrôle des installations d’assainissement non collectif, excluant ainsi les prestations facultatives d’entretien de ces installations. La communauté de commune a eu recours, dans le cadre d’un marché public, aux services d’une société qu’elle a chargée d’une partie des prestations de ce service public. Par une délibération du 10 février 2011, la communauté de communes de la Terre de Randon a approuvé le règlement du service public d’assainissement non collectif de Randon.

Premièrement, par des délibérations du 20 novembre 2015 et du 14 avril 2016, le conseil communautaire de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) a modifié le règlement de ce service.

Deuxièmement, par une autre délibération du 14 avril 2016, le même organe a modifié les conditions d’attribution de l’aide incitative accordée aux usagers ayant procédé à la vidange de leur fosse.

Troisièmement, par des délibérations du 3 mars 2017, la communauté de communes a approuvé un nouveau règlement du service de l’assainissement non collectif et fixé le montant des redevances dues par les usagers. L’association « les Spanqués » - en référence à l’acronyme du service public en cause - a sollicité la juridiction administrative aux fins d’obtenir l’annulation de ces délibérations, celle des règlements du service de l’assainissement non collectif, ainsi que celle des factures émises à l’encontre des usagers à compter du mois de novembre 2015. Par un jugement du 27 novembre 2018, le tribunal de Nîmes [1] a rejeté cette demande pour incompétence s’agissant des factures, et en se prononçant sur le fond pour l’ensemble des autres demandes.

Appel ayant été interjeté, la cour administrative d’appel de Marseille [2] a, quant à elle, annulé partiellement le jugement du tribunal, ainsi que certaines délibérations notamment en ce qu’elles fixent le montant et les modalités d’appel de la redevance relative aux contrôles périodiques de fonctionnement des installations existantes. La communauté de communes se pourvoit devant le Conseil d’État contre l’arrêt d’appel. Après avoir retenu implicitement sa compétence pour l’ensemble du litige la Haute juridiction se prononce sur le fond et annule avec renvoi l’arrêt attaqué. Cette espèce témoigne après en avoir posé le fondement (I) d’une application des principes de redevance pour service rendu à la redevance particulière d’assainissement non collectif (II).

I. La jurisprudence applicable : compétence et principe de la redevance

Les services publics de l’assainissement non collectif (SPANC) sont des services publics industriels et commerciaux (SPIC) par détermination de la loi [3]. Or, par principe et contrairement aux services publics administratifs où il y a lieu de distinguer selon la personne publique ou privée gestionnaire, il existe dans ce domaine un bloc de compétence juridictionnelle appartenant au juge judiciaire. C’est la raison pour laquelle le Tribunal administratif de Nîmes avait, en l’espèce, jugé que « les relations entre un service public industriel et commercial et ses usagers sont régies par le droit privé ; qu’ainsi, les litiges nés dans le cadre de ces relations ressortissent à la compétence non pas de la juridiction administrative mais des tribunaux de l’ordre judiciaire ; que les services de l’assainissement qui font l’objet d’une facturation périodique à l’usager, même gérés en régie, constituent des services publics industriels et commerciaux ». En effet pour la juridiction nîmoise, le critère matériel – c’est-à-dire le service public en cause – l’emporte sur le critère organique – c’est-à-dire la nature juridique de personne gestionnaire – quand bien même elle serait une personne publique.

À l’inverse, tant la cour administrative d’appel de Marseille, qu’ici le Conseil d’État ont reconnu la compétence du juge administratif, en vertu d’une jurisprudence constante [4], pour connaître de l’ensemble du litige dans la mesure où par exception, le juge administratif est compétent pour connaître des conclusions, même lorsqu’elles sont présentées par un usager, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des mesures relatives à l’organisation d’un tel service, comme les tarifs [5], le règlement du service [6] ou les règles de priorité dans l’usage des installations [7]. S’agissant du principe de la redevance la cour marseillaise avait laconiquement retenu que « les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial, qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers ».

Le Conseil d’État se fait, quant à lui, plus explicite et plus précis en reprenant la motivation connue de sa jurisprudence de 2007 relative aux redevances pour service rendu [8] dans laquelle est assouplie la règle du plafonnement par le coût. Aux termes de celle-ci : « une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l’utilisation d’un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l’objet du paiement que l’administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n’en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s’ensuit que le respect de la règle d’équivalence entre le tarif d’une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d’égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence ».

Deux éléments méritent, à ce sujet, d’être relevés : le premier a trait à la formulation du considérant de principe et le second se rapporte à une logique jurisprudentielle. Premièrement, sur la forme, de manière presque anecdotique mais pas tant que cela, il y a une absence de la référence que l’on trouve dans de nombreux arrêts, au fait que ladite redevance doit présenter ces caractéristiques « pour être légalement établi » [9]. Deuxièmement, sur le fond, le Conseil d’État avait déjà appliqué cette jurisprudence en 2010 à une redevance d’assainissement, celle d’un service public d’assainissement collectif [10] et il est plus que logique, dans une perspective de cohérence jurisprudentielle, que le régime applicable et appliqué soit identique et ce quelle que soit l’hypothèse, c’est-à-dire que le service d’assainissement soit collectif ou, comme en l’espèce, qu’il ne le soit pas.

II. La jurisprudence appliquée : les modalités de calcul

Les SPANC sont gérés comme des services à caractère industriel et commercial (SPIC) et se doivent d’équilibrer leurs recettes et leurs dépenses au moyen de redevances perçues auprès de leurs bénéficiaires, conformément aux dispositions des articles L. 2224-11 N° Lexbase : L2274MGC et L. 2224-12-3 N° Lexbase : L3873HWD du Code général des collectivités territoriales. En effet, en vertu de ce dernier article « les redevances d’eau potable et d’assainissement couvrent les charges consécutives aux investissements, au fonctionnement et aux renouvellements nécessaires à la fourniture des services, ainsi que les charges et les impositions de toute nature afférentes à leur exécution ».

D’ailleurs, comme le rappelle le rapporteur public Thomas Pez-Lavergne dans cette affaire, la redevance d’assainissement non collectif comprend : une part obligatoire représentative des opérations de contrôle (de la conception, de l’implantation et de la bonne exécution et du bon fonctionnement) des installations, qui peut donner lieu à une tarification forfaitaire, et une part facultative représentative des prestations d’entretien des installations qui n’est due qu’en cas de recours au service d’entretien par l’usager [11].

Le Code général des collectivités territoriales prévoit, en outre, que le produit des redevances d’assainissement est affecté au financement des charges du service d’assainissement qui comprennent notamment « les dépenses de fonctionnement du service, y compris les dépenses de personnel » [12]. Le juge administratif se fonde ici sur un des grands principes du droit des services publics : le prix doit avoir une contrepartie directe dans le service rendu aux usagers et le juge administratif en assure le respect en appréciant la proportionnalité de la redevance payée par les usagers par rapport justement au service rendu [13]. La Cour de comptes en tant que juge de la comptabilité publique, par le biais de ses chambres régionales des comptes, ne manque pas de recommander régulièrement qu’il convient d’ajuster le montant de la redevance aux besoins – réels - de l’exploitation du SPANC. Ainsi, il a été relevé par la chambre régionale des comptes Nouvelle Aquitaine que « de façon prospective, compte tenu des remboursements de frais de personnel qui seront dorénavant à effectuer et du niveau de trésorerie disponible plus modeste, il appartiendra à la collectivité d’être vigilante pour ajuster au mieux le montant de la redevance aux besoins de l’exploitation du service. Cet ajustement doit se faire selon une jurisprudence constante : les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial, qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers » [14].

Or, c’est justement sur les charges de personnel que les appréciations de la cour administrative d’appel de Marseille et du Conseil d’État divergent. Pour la première, il convenait de les exclure dans la mesure où selon elle « les explications fournies par la collectivité ne justifient pas » de les prendre en charge en considérant que la communauté de communes ne justifiait pas de l’augmentation de la redevance « dès lors qu'elle ne faisait état d’aucun déficit au titre des années antérieures, et qu’elle n’apportait pas d’explication justifiant les sommes importantes imputées à compter de 2016 au budget du service au titre de salaires du personnel ». À l’inverse, pour le second, il convenait d’inclure ces dépenses de personnel qui loin d’être anodines justifiaient l’augmentation de la redevance exigible et exigée.  C’est la raison pour laquelle la Haute juridiction administrative retient qu’en « ne recherchant pas si, compte tenu des dépenses de personnel restant ainsi à la charge de la communauté de communes, le montant des redevances demandées aux usagers était proportionné au regard de l'ensemble des charges du service et de la valeur économique de la prestation pour ses bénéficiaires, la cour a commis une erreur de droit ». L’espèce montre de la sorte que dans le calcul de la redevance pour service rendu, ici appliquée à la redevance d’assainissement non collectif, il convient - encore et toujours – d’intégrer l’ensemble des charges, celles de personnelles incluses.

 

[1] TA Nîmes, 27 novembre 2018, n° 1603161.

[2] CAA Marseille, 15 février 2021, n° 19MA00387 N° Lexbase : A14444HX.

[3] Loi n° 2018-702 du 3 août 2018, relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes N° Lexbase : L6142LL3.

[4] CE, 3 octobre 2003, n° 242967 N° Lexbase : A6477C9R.

[5] CE, 2 juillet 2009, n° 298470 N° Lexbase : A1052EK8.

[6] CAA Versailles, 14 janvier 2021, n° 19VE02198 N° Lexbase : A48834CT.

[7] CAA Lyon, 14 avril 2005, n° 99LY02486 N° Lexbase : A3457DKA.

[8] CE, 16 juillet 2007, n° 293229 N° Lexbase : A4716DXX.

[9] CE, 7 octobre 2009, n° 309499 N° Lexbase : A8618ELR ; CAA Paris, 27 janvier 2023, n° 18PA03739 N° Lexbase : A50439AZ.

[10] CE, 21 mai 2010, n° 309734 N° Lexbase : A4039EXU.

[11] CGCT, art. R. 2224-19-5 N° Lexbase : L9795HZS.

[12] CGCT, art. R. 2224-19-10 N° Lexbase : L9800HZY.

[13] CE, 30 septembre 1996, n° 156176 N° Lexbase : A0836APN.

[14] Chambre régionale des comptes, Nouvelle-Aquitaine, Rapport d’observations définitives, Communauté de communes Porte Océane du Limousin, 29 mars 2022, p. 51.

newsid:484986

Cotisations sociales

[Brèves] Solidarité financière : l’Urssaf doit produire le procès-verbal de travail dissimulé devant le tribunal

Réf. : Cass. civ. 2, 6 avril 2023, n° 21-17.173, F-B N° Lexbase : A83709MX

Lecture: 2 min

N4991BZU

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par Laïla Bedja

Le 12 Avril 2023

► Si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre et la sanction d’annulation des réductions et cotisations sociales (CSS, art. L. 133-4-5) ne sont pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de Sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.

Les faits et procédure. À la suite d’un procès-verbal de travail dissimulé établi à l’encontre de son sous-traitant, une société s’est vu notifier deux lettres d’observations par l’Urssaf, l’avisant, d’une part, de la mise en œuvre à son encontre de la solidarité financière prévue par l’article L. 8222-2 du Code du travail N° Lexbase : L3605H9E et, d’autre part, de l’annulation des réductions ou exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au cours de cette même période (2005).

Le donneur d’ordre a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour rejeter le recours du donneur d’ordre, la cour d’appel retient que la régularité de la procédure résultant de la mise en œuvre de sa solidarité financière n'est pas subordonnée à la production du procès-verbal de constat du travail dissimulé et que le respect du principe du contradictoire est assuré par l'envoi au donneur d'ordre de la lettre d'observations.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. L’Urssaf doit produire devant la juridiction le procès-verbal de travail dissimulé établi à l’encontre du sous-traitant dont le donneur d’ordre contestait l’existence.

newsid:484991

Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal (juin 2022 - mars 2023)

Lecture: 1 min

N4996BZ3

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par Renaud Salomon, Avocat général à la Cour de cassation, Professeur associé à l’université de Paris Dauphine PSL, Membre associé de l’institut de criminologie et de droit pénal de l’université Panthéon-Assas

Le 12 Avril 2023

Mots-clés : droit pénal fiscal • infractions • procédure • visites domiciliaires • répression

La présente chronique traite des décisions rendues par le juge pénal en matière de droit fiscal, sur les aspects tant substantiels que procéduraux de la matière, sous la plume de Renaud Salomon, Avocat général à la Cour de cassation, Professeur associé à l’Université de Paris Dauphine PSL, Membre associé de l’Institut de criminologie et de droit pénal de l’Université Panthéon-Assas.

Une dizaine de décisions ont été sélectionnées par l'auteur pour cette nouvelle chronique, couvrant la période de juin 2022 à mars 2023.


 

Sommaire :

I. Les infractions du droit pénal fiscal

A. Éléments constitutifs des délits fiscaux

  • Cass. crim., 8 mars 2023, n° 22-82.404, F-D

B. Répression des délits fiscaux

  • Cass. crim., 5 janvier 2023, n° 22-81.981, F-D
  • Cass. crim. 7 septembre 2022 n° 21-86.515, F-D
  • Cass. crim. 7 septembre 2022 n° 22-81.739, F-D
  • Cass. crim. 22 juin 2022 n° 21-83.360, F-D
  • Cass. crim. 7 septembre 2022 n° 21-84.325, F-D

II. Les règles procédurales en droit pénal fiscal : les visites domiciliaires

A. Une autorisation judiciaire

  • Cass. com., 15 février 2023, n° 20-20.599, F-D
  • Cass. com., 15 février 2023, n° 21-13.288, F-D

B. Une autorisation judiciaire à portée limitée

  • Cons. const., décision n° 2022-1031 QPC, du 19 janvier 2023
  • Cass. com., 6 juillet 2022, n° 21-13.571, F-D

I. Les infractions du droit pénal fiscal

A. Éléments constitutifs des délits fiscaux

  • Cass. crim., 8 mars 2023, n° 22-82.404, F-D N° Lexbase : A28769HY : en l'absence de notification régulière à l'administration fiscale, une SCI ne peut être regardée comme ayant valablement exercé l'option prévue par l'article 239 du Code général des impôts N° Lexbase : L9083LNQ en faveur de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, de sorte qu’elle ne peut commettre le délit de fraude fiscale pour avoir omis de déclarer à l’administration une plus-value résultant de la vente d'un bien immobilier dont elle était propriétaire.

Si les SCI ne sont pas en principe soumises à l’impôt sur les sociétés, les associés des sociétés mentionnées à l'article 206, 3 du Code général des impôts N° Lexbase : L8926MCL peuvent cependant, en application de l'article 239 du même Code, opter pour ce régime, ce qui leur permet de n’avoir à acquitter l'impôt sur le revenu sur les bénéfices sociaux mis en réserve qu'au moment de la distribution de ces réserves (CGI, art. 162 N° Lexbase : L2670HLH). Bien entendu cet impôt n'atteint pas les distributions prélevées sur les bénéfices des exercices clos avant la date à laquelle l'option a pris effet ou sur des réserves constituées au moyen de ces bénéfices, qui ont déjà supporté cet impôt au moment de leur réalisation. Les rémunérations allouées aux associés deviennent déductibles des bénéfices sociaux dans les conditions prévues à l'article 211 du CGI N° Lexbase : L2355IBT et passibles de l'impôt sur le revenu entre les mains des bénéficiaires, en application de l'article 62 du même Code N° Lexbase : L2354IBS.

Au cas présent, l’administration fiscale a considéré qu’une SCI avait opté pour un assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Son dirigeant a fait valoir que tel n’était pas le cas en l’absence de notification de l’option par la société aux services des impôts.

La jurisprudence fiscale s'attache, s'agissant d'une option qui est irrévocable et qui modifie le régime d'imposition des associés des sociétés civiles concernées, à faire respecter un certain formalisme, tenant, par exemple, au fait que l'option doit être signée par tous les associés (CE 9° et 7° ssr., 15 décembre 1986, n° 48700 et n° 48701, « SCI de Saint-Maur » N° Lexbase : A4598AMA : Dr. fisc. 1987, n° 52, comm. 2344 ; RJF, 1987, n° 146, concl. Ph. Martin, p. 79).

À ce dernier égard, ce formalisme s’impose en toute hypothèse, que l’irrégularité de l’option soit invoquée par le contribuable ou par l’administration.

Tirant les conséquences de cette jurisprudence, la chambre criminelle, dans son arrêt du 8 mars 2023, juge qu’en l'absence de notification régulière à l'administration fiscale, une SCI ne peut être regardée comme ayant valablement exercé l'option prévue par l'article 239 du Code général des impôts en faveur de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, de sorte que son dirigeant ne peut se voir reprocher le délit de fraude fiscale pour avoir omis de déclarer à l’administration une plus-value résultant de la vente d'un bien immobilier dont elle était propriétaire.

B. Répression des délits fiscaux

1) Règles de fond

  • Cass. crim., 5 janvier 2023, n° 22-81.981, F-D N° Lexbase : A153187T : il se déduit de l'article 1800 du Code général des impôts N° Lexbase : L3199LCH qu'en matière de contributions indirectes, le tribunal, s'il peut modérer le montant des amendes et pénalités encourues, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, ne saurait en dispenser totalement ce dernier. Encourt la cassation la cour d'appel qui ne prononce à l'encontre des prévenus, reconnus coupables d'infractions à la législation sur les contributions indirectes, que des amendes douanières alors qu'elle ne pouvait dispenser ceux-ci de toute pénalité proportionnelle, fût-elle d'un montant symbolique.

Dans cette affaire, l’administration des douanes et des droits indirects a formé un pourvoi contre un arrêt en ce qu’il a omis de prononcer une pénalité proportionnelle pour les cinquante-huit infractions qu’il a retenues.

Il était soutenu en substance qu’en matière de contributions indirectes, en application des articles 1791 N° Lexbase : L3046I7X et 1794 N° Lexbase : L0076LZT du Code général des impôts, toute infraction encourt, non seulement une amende, mais également une pénalité proportionnelle.

L’article 1800 du Code général des impôts permet au juge de « modérer » le montant des amendes et pénalités jusqu'à un montant inférieur à leur montant minimal, ce qui ne signifie pas qu’il les autorise à ne pas les prononcer. C’est au regard de cette faculté de modération que la chambre criminelle a jugé que l’article 1791 du Code général des impôts n’était pas contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (Cass. crim., 22 février 2006, n° 05-81.066).

Cela étant, le législateur fait clairement la différence entre « modérer » le montant et « libérer » le contrevenant d’une sanction. Or l’article 1800 du Code général des impôts permet au juge de libérer le contrevenant de la confiscation, mais pas des amendes ou pénalités que le juge peut seulement modérer.

Dès lors, par un arrêt du 5 janvier 2023, la chambre criminelle censure la cour d'appel qui ne prononce à l'encontre des prévenus, reconnus coupables d'infractions à la législation sur les contributions indirectes, que des amendes douanières, alors qu'elle ne pouvait dispenser ceux-ci de toute pénalité proportionnelle, fût-elle d'un montant symbolique.

  • Cass. crim. 7 septembre 2022 n° 21-86.515, F-D N° Lexbase : A68298HE : le prononcé par le juge correctionnel de la solidarité fiscale prévue à l'article 1745 du Code général des impôts N° Lexbase : L1736HNM, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public et non une peine au sens de l'article 132-1 du Code pénal N° Lexbase : L9834I3M, n'est pas soumis aux prescriptions des articles 485-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7241LPU ni, le cas échéant, au contrôle du caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé.

C’est à l’unisson que les juges constitutionnels, judiciaires et administratif jugent que la solidarité fiscale constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor Public, et non une peine, au sens de l’article 8 de la Déclaration de 1789, de sorte que le principe de proportionnalité des délits et des peines ne lui est pas applicable (Décision n° 2010-90 QPC, du 21 janvier 2011 N° Lexbase : Z59706KW ; Cass. QPC, 12 septembre 2012, n° 12-80.574, F-D N° Lexbase : A2493ITI : Dr. sociétés 2012, comm. 146, obs. J.-H. Robert; Dr. pén. 2013, chron. 9, S. Detraz; Dr. fisc. 2012, chron. 493, R. Salomon ; Cass. crim., 23 mars 2016, n° 14-88.507, FS-D N° Lexbase : A3552RAS : Dr. fisc. 2016, chron. 321, R. Salomon ; Cass. crim., 23 février 2021, n° 21-81.161, F-B N° Lexbase : A75207NT : RJF, 6/22 ; CE, 3° et 8° ch.-r., 8 décembre 2017, n° 414303, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0787W7B : Dr. fisc. 2018, comm. 214, concl. R. Victor).

Loin de remettre en question cette jurisprudence fortement ancrée, le demandeur au pourvoi a proposé d’introduire une exception à cette règle, dès lors que l’action récursoire est devenue impossible du fait du placement en liquidation judiciaire de la société redevable de l’impôt. En pareil cas le juge répressif devrait motiver sa décision en prenant en considération la gravité des faits, la personnalité de leur auteur et sa situation personnelle, comme il le fait classiquement lorsqu’il prononce une peine.

Mais, c’est faire abstraction de ce qu’une mesure prononcée par une juridiction pénale est soit de nature pénale, soit de nature civile, mais ne peut changer de nature selon que la personne condamnée solidairement au paiement de l’impôt a ou non la faculté de faire jouer l’action récursoire.

Or, la mesure de solidarité passive, prévue à l’article 1745 du Code général des impôts, présente une autonomie marquée à l’égard tant de la solidarité pénale de droit commun (CPP, art. 480-1 N° Lexbase : L9921IQI) que des mécanismes de solidarité prévus en cas de fraude à la TVA (CGI, art. 283, 4 bis et 4 ter N° Lexbase : L8936MCX) auxquels elle s’ajoute (S. Detraz et R. Salomon, Précis de droit pénal fiscal, LexisNexis, coll. Précis fiscal 2021, n° 827 .- Pour une application : Cass. crim., 24 septembre 2008, n° 07-87.488).

C’est en considération de la nature sui generis de la mesure de solidarité passive que la Cour de cassation a au cas présent jugé non-fondé le grief aux motifs que le prononcé par le juge correctionnel de la solidarité fiscale prévue à l'article 1745 du Code général des impôts, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public et non une peine au sens de l'article 132-1 du Code pénal, n'est pas soumis aux prescriptions des articles 485-1 du Code de procédure pénale ni, le cas échéant, au contrôle du caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé.

  • Cass. crim. 7 septembre 2022 n° 22-81.739, F-D N° Lexbase : A99788HZ : la question prioritaire de constitutionnalité, selon laquelle l’article 1745 du Code général des impôts méconnaîtrait l’exigence de motivation des décisions de justice, ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la mesure de solidarité prévue par ce texte ne revêt pas le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Dans cette affaire, les demandeurs à la question prioritaire de constitutionnalité soutenaient que la solidarité, prononcée à leur encontre en application de l’article 1745 du Code général des impôts, ne peut s’analyser que comme une punition, lorsque celui qui s’est acquitté du paiement des impôts fraudés et de pénalités correspondantes ne dispose pas d’une action récursoire effective contre le débiteur principal, notamment dans les hypothèses où ce dernier est insolvable. Ils rappellent qu’ils ont été condamnés solidairement avec la société, dont ils assuraient la gérance, au paiement de impôts fraudés et des pénalités afférentes mais qu’au jour où le juge a statué, l’action récursoire était manifestement insusceptible de prospérer puisque leur société avait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif. Selon eux, c’est au regard du risque de non-recouvrement de la dette fiscale auprès du débiteur principal que l’obligation de motivation devrait être imposée au juge pénal.

Un tel raisonnement était voué à l’échec, dès lors que la solidarité fiscale n’a d’autre but que de rétablir les droits du Trésor public. La fraude a empêché le Trésor public d’exiger les sommes dues ou de prendre des garanties. Ce mécanisme de solidarité permet d’y pallier, de sorte qu’il s’agit ici d’un mécanisme légal de garantie de paiement, et non d’une pénalité. Dans ces conditions, il serait incompréhensible de faire varier sa nature selon la possibilité ou non pour le débiteur de faire valoir son action récursoire.

La chambre criminelle en conclut que, dans la mesure où la solidarité constitue une telle garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public, même en cas de défaillance du redevable légal de l'impôt, la personne condamnée qui s'est acquittée du paiement des impôts fraudés et des pénalités afférentes, dispose d'une action récursoire contre, le cas échéant, les codébiteurs solidaires, et conserve le pouvoir de contester tant sa qualité de débiteur solidaire que le bien-fondé et l'exigibilité de la dette et de s'opposer aux poursuites devant les juridictions compétentes.

2) Règles de forme

  • Cass. crim. 22 juin 2022 n° 21-83.360, F-D N° Lexbase : A166878B : Ne méconnait pas le principe ne bis in idem la cour d'appel qui déclare un prévenu concomitamment coupable des délits de fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et d'omission d'écritures en comptabilité, qui répriment des faits nécessairement distincts, dès lors que l'article 1741 du Code général des impôts sanctionne la souscription d'une déclaration fiscale minorée, tandis que l'article 1743 du même Code sanctionne l'omission, pour tout contribuable soumis à l'obligation de tenir une comptabilité, de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires.

La chambre criminelle a été conduite à appliquer pour la première fois au droit pénal fiscal son nouveau critère appréciation du principe ne bis in idem, dégagé par un arrêt de principe du 15 décembre 2021(Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-81.864, F-D N° Lexbase : A17417GL ; JCP G, 2022, 132, note D. Rebut; D. 2022, p. 154, note G. Beaussonie; AJ pén. 2022, p. 34, note C.-H. Boeringer et G. Courvoisier-Clément).

Avec bonheur, elle a, par cet arrêt de revirement, rompu avec sa solution, difficilement applicable par les juges du fond, selon lequel le principe d’unicité de qualification en cas d’action unique gouvernée par une seule intention coupable en énonçant que « les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes » (Cass. crim., 26 octobre 2016, n° 15-84.552, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3230SCM ; JCP G, 2017, 16, note N. Catelan ; D. actu., 7 nov. 2016, obs. Fucini; Gaz. Pal. 2017, p. 413, obs. S. Detraz; Dr. pén. 2017, comm. 4, obs. P. Conte). Le nouveau critère d’appréciation du principe ne bis in idem est le suivant : « outre la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, un ou des faits identiques ne peuvent donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité concomitantes contre une même personne lorsque l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes :

Dans la première, l'une des qualifications, telle qu'elle résulte des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue.

Dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale ».

Au cas présent, la chambre criminelle était conduite à se pencher sur le cumul des délits de fraude fiscale (CGI, art. 1741) et d’omission d’écriture en comptabilité (CGI, art. 1743).

Les juges d’appel - après avoir caractérisé la fraude dans son montant et ses modalités, à savoir le fait d’avoir dissimulé des recettes sur trois exercices successifs, en ne déclarant pas les sommes issues de rétrocessions, ces dernières étant versées sur des comptes bancaires non mentionnés en comptabilité – ont relevé que « la minoration déclarative de résultats imposables constitue enfin un fait distinct de l’omission en comptabilité des recettes constituées par les rétrocessions trimestrielles puis mensuelles sur les forfaits techniques scanner de la clinique à la SEARL ; les omissions comptables n’étaient pas en effet nécessaires à la réalisation de la fraude fiscale, mais elles permettaient à la SEARL, si elle était contrôlée, de restreindre le pouvoir de contrôle de l’administration, ce que celle-ci a considéré et retenu ».

Par ces motifs, la cour d’appel a, selon la Haute juridiction, parfaitement justifié sa décision de non-cumul. Elle a en effet démontré que les deux infractions sanctionnaient des faits distincts, et cette seule circonstance suffit à exclure l’application du principe ne bis in idem.  C’est donc en toute logique que la chambre criminelle rejette le grief aux motifs que « les faits réprimés par le délit de fraude fiscale par dissimulation, d'une part, et le délit d'omission d'écritures en comptabilité, d'autre part, sont nécessairement distincts dès lors que l'article 1741 du Code général des impôts sanctionne la souscription d'une déclaration fiscale minorée, tandis que l'article 1743 du même code sanctionne l'omission, pour tout contribuable soumis à l'obligation de tenir une comptabilité, de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires ».

  • Cass. crim. 7 septembre 2022 n° 21-84.325, F-D N° Lexbase : A68258HA : en s’abstenant de rechercher, préalablement au prononcé de toute peine de nature à réprimer les faits commis, si la répression pénale était justifiée au regard de la gravité des faits retenus, alors qu'il était justifié de ce que le prévenu avait fait l'objet d'une pénalité fiscale sur le fondement de l'article 1729 du Code général des impôts, la cour d'appel a méconnu la portée de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. Pour autant, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure, car, au regard des éléments de fait souverainement constatés par la cour d'appel, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer de la gravité des faits retenus à l'encontre du prévenu tenant au montant des droits éludés.

Après le coup d’arrêt, mis en 2014, par la Cour européenne des droits de l’Homme aux cumul des sanctions pénales et administratives (CEDH, 4 mars 2014, n° 18640/18, Grande Stevens et a. c/ Italie : Dr. sociétés 2014, comm. 87, note S. Torck), le Conseil constitutionnel a été conduit à s’interroger sur le point de savoir un tel cumul en matière fiscale porte atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines (Cass. crim., 30 mars 2016, n° 16-90.001, FS-P+B+I [LXB=A5104RAB : Bull. crim. 2016, n° 113 ; Dr. fisc. 2016, comm. 268, note R. Salomon ; D. 2016, p. 788, note N. Catelan).

Un tel cumul a été jugé conforme à la Constitution, sous trois réserve d’interprétation (Cons. const., décision n° 2016-545 QPC N° Lexbase : A0909RU9 et n° 2016-546 QPC N° Lexbase : A0910RUA, du 24 juin 2016 : Dr. fisc. 2016, comm. 405, note S. Detraz ; Dr. fisc. 2016, chron. 439, R. Salomon).

La seconde réserve, examinée dans l’arrêt ici commenté de la chambre criminelle, porte sur la nécessité de réserver les poursuites pénales pour fraude fiscale, en plus des sanctions fiscales, aux cas les plus graves, cette gravité, selon la Haute juridiction, pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention (Cass. crim., 11 septembre 2019, n° 18-84.144 N° Lexbase : A9086ZMH, n° 18-81.067 N° Lexbase : A9082ZMC et n° 18-81.040 N° Lexbase : A9081ZMB, P+B+I+R: JCP G, 2019, 1086, note E. Dezeuze et S. Detraz; Dr. fisc. 2019, chron. 437, R. Salomon ; Cass. crim., 23 février 2021, n° 21-81.366, F-D N° Lexbase : A04717P7 : RJF, 7/22, n° 682 ; JCP E, 2022, chron. 1258, R. Salomon). La Cour de cassation a ainsi forgé un véritable mode d’emploi judiciaire de la condition de gravité.

Au cas présent, la Haute juridiction, faisant application de cette réserve d’interprétation, sauve l’arrêt d’appel par motifs substitués.

Il est vrai qu’en s’abstenant sans rechercher, préalablement au prononcé de toute peine de nature à réprimer les faits commis, si la répression pénale était justifiée au regard de la gravité des faits retenus, alors qu'il était justifié de ce que le prévenu avait fait l'objet d'une pénalité fiscale sur le fondement de l'article 1729 du Code général des impôts, la cour d'appel a méconnu la portée de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

Pour autant, l’arrêt d’appel n’encourt pas la censure, car, au regard des éléments de fait souverainement constatés par la cour d'appel, la chambre criminelle est en mesure de s'assurer de la gravité des faits retenus à l'encontre du prévenu tenant au montant des droits éludés.

II. Les règles procédurales en droit pénal fiscal : les visites domiciliaires

A. Une autorisation judiciaire

En application de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L0419LTP, le juge des libertés et de la détention doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise par l’administration fiscale est bien fondée (Cass. ch. mixte, 15 décembre 1988 : Bull. civ. 1988, ch. mixte, n° 4 ; JCP G, 1989, II, 21263, note Dugrip ; Dr. fisc. 1989, comm. 9, p. 330 ; D. 1990, somm. p. 109, obs. C. Gavalda et F. Lucas ; Cass. crim., 28 mars 2007, n° 06-81.099 ; Cass. crim., 17 octobre 2007, n° 06-87.091 ; Cass. com., 7 mars 2000, n° 97-30.392 et n° 97-30.393: Bull. civ. 2000, IV, n° 53). À cet égard, il doit obligatoirement indiquer les éléments de fait et de droit qu’il détient et qui laissent présumer l’existence des agissements frauduleux, dont la preuve est recherchée (Cass. com., 7 mars 2000, n° 97-30.392 et n° 97-30.393 : Bull. civ. 2000, IV, n° 53). Ce fondement se traduit par des présomptions de fraude en raison de certains agissements précis mentionnés dans la demande. Ainsi, l’ordonnance qui autorise l’administration à effectuer des visites et des saisies de documents dans les locaux d’un établissement bancaire, sans préciser en quoi ces locaux étaient susceptibles de contenir des documents permettant d’apprécier l’existence de présomptions d’agissements frauduleux de la part d’un contribuable, n’est pas régulière (Cass. crim., 7 mai 2002, n° 00-30.223, n° 00-30.196, n° 00-30.197, n° 00-30.198).

Si l’appréciation de la valeur probante des éléments produits par l’administration relève du pouvoir souverain des juges du fond, ces derniers doivent toutefois apprécier seulement l’existence de présomptions d’agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée, sans être tenus d’établir l’existence de ces agissements (Cass. crim., 29 juin 2005, n° 04-85.120 ; Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-83.770). À cet égard, ni l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ni la jurisprudence de la chambre commerciale et de la chambre criminelle n’exigent des infractions d’une particulière gravité, mais seulement l’existence de présomptions de fraude à l’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ou de fraude à la TVA (Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-14.601, F-D N° Lexbase : A5362IMK ; Cass. com., 3 avril 2012, n° 11-15.325 N° Lexbase : A1313IIH, n° 11-15.327 N° Lexbase : A1085IIZ et n° 11-15.329 N° Lexbase : A1278II8. – Cass. crim., 30 octobre 2002, n° 01-84.260 ; Cass. com., 30 mai 2000, nos 98-30.254 et s.).

Par un arrêt du 9 mars 2010, la chambre commerciale a jugé que « pour annuler l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’ordonnance du premier président retient que les éléments apportés par l’administration fiscale ne démontraient pas d’indices précis, graves et suffisamment concordants pour faire présumer l’existence d’une fraude fiscale commise en France. En statuant ainsi, alors que l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales exige de simples présomptions, le premier président a ajouté à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas » (Cass. com., 9 mars 2010, n° 09-13.829).

C’est ce principe fondamental que viennent rappeler ici avec force les deux arrêts publiés, rendus par la chambre commerciale, le 15 février 2023.

On notera que l’arrêt « Maschino », rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, le 16 octobre 2008, conforte cette position de la Cour de cassation, lorsqu’il retient que « tout porte à considérer » que la procédure prévue par l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales a été respectée, « dès lors que l’ordonnance, dûment motivée […], indique les éléments de fait et de droit retenus par le juge et sur lesquels reposent les soupçons d’agissements frauduleux dont la preuve devait être recherchée » (CEDH, 16 octobre 2008, n° 10447/03, pt 34 N° Lexbase : A7387EAT).

  • Cass. com., 15 février 2023, n° 21-13.288, F-D N° Lexbase : A820248B : une société de droit étranger est tenue, lorsqu'elle exerce une activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, aux obligations résultant des articles 54, 209 et 286, I, 3°, du Code général des impôts, qui exigent la passation d'écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables en France, de sorte que lorsqu'elle a méconnu ses obligations déclaratives, elle peut être présumée avoir omis sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou avoir passé ou fait passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

Dans cette affaire, le premier président, qui a conformé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, ayant ordonné la visite domiciliaire et les saisies, a retenu des présomptions fondées sur de nombreux constats de l’administration fiscale, analysés à la lumière des règles relatives à la territorialité de l’impôt.

À cet égard, on rappellera que, s’agissant de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés, les Etats membres de l’union européenne conservent leur souveraineté fiscale et les conventions bilatérales qu’ils signent entre eux ont pour finalité d’éviter les doubles impositions. Il s’en déduit que les règles de droit interne prévalent et qu’il ne peut y être dérogé qu’en cas de double imposition expressément visée par une convention.

Au cas présent, en application de l’article 209, I- alinéa 1er du Code général des impôts, les sociétés étrangères sont, quelle que soit leur nationalité, imposables à l'impôt sur les sociétés en France à raison des profits tirés de leurs entreprises exploitées en France.

Par ailleurs, lorsqu'une prestation de services est réputée se situer en France, elle entre dans le champ d'application de la TVA française et est donc imposable en France. En application de l'article 259, 1 du Code général des impôts, le lieu des prestations de services est en principe situé en France lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel, qui a en France soit le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis, soit un établissement stable auquel les services sont fournis ; ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle.

C’est en application de l’ensemble de ces règles que la Haute juridiction énonce, dans son arrêt du 15 février 2023, qu’une société de droit étranger est tenue, lorsqu'elle exerce une activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, aux obligations résultant des articles 54, 209 et 286, I, 3°, du code général des impôts, qui exigent la passation d'écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables en France, de sorte que lorsqu'elle a méconnu ses obligations déclaratives, elle peut être présumée avoir omis sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou avoir passé ou fait passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

En conséquence, elle approuve sans réserve le premier président d'une cour d'appel :

  • qui, s'agissant d'une société domiciliée dans un autre État membre de l'Union européenne exerçant une activité taxable en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, déduit de l'existence de présomptions qu'elle a omis de comptabiliser les recettes provenant de cette activité et de souscrire les déclarations fiscales correspondantes, l'existence de présomptions d'omissions comptables entrant dans le champ d'application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales,
  • et qui retient que la mise en œuvre de ce texte n'entraîne pas la violation des principes de liberté d'établissement et de non-discrimination des sociétés au sein de l'Union européenne, dès lors qu'il ne constitue pas une mesure fiscale interdisant, gênant ou rendant moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement, en ce qu'il n'impose aucune obligation particulière aux contribuables, et qu'aucune disposition nationale n'exige d'une telle société qu'elle tienne une comptabilité complète en France, établie selon la réglementation nationale et conservée sur le territoire national.

B. Une autorisation judiciaire à portée limitée

  • Cons. const., décision n° 2022-1031 QPC, du 19 janvier 2023 N° Lexbase : A936488C : constitutionnalité sous réserve des dispositions combinées des articles 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1314MAW et L. 16 B du Livre des procédures fiscales autorisant en matière fiscale les perquisitions et les visites domiciliaires ainsi que les saisies au cabinet ou au domicile d’un avocat.

Aux termes de cette question prioritaire de constitutionnalité, transmise en raison de son caractère sérieux par la Cour de cassation (Cass. crim., 25 octobre 2022, n° 22-83.757 N° Lexbase : A21268R8), il était soutenu que l’application combinée des articles 56-1 du Code de procédure pénale et L. 16 B du Livre des procédures fiscales porte atteinte au principe d’impartialité des juridictions en ce qu’elle conduit, lors d’une perquisition au cabinet ou au domicile d’un avocat en matière fiscale, le même juge, à savoir le juge des libertés et de la détention (JLD), à être, successivement, le juge qui autorise la saisie, celui qui l’effectue et celui qui se prononce sur sa régularité lorsqu’une contestation est élevée par le bâtonnier, alors même que dans le cadre d’une perquisition fiscale qui ne concerne pas les locaux d’un avocat, la contestation de saisie est portée devant le premier président de la cour d’appel. En outre, le JLD, officiant comme juge de la contestation, doit entendre le juge des libertés et de la détention qui a réalisé la saisie et qui l’a maintenue en dépit de l’opposition du bâtonnier. Ce magistrat est donc tout à la fois juge de la régularité de la saisie et partie à la procédure en tant que juge saisissant.

En réponse à la question posée, les Sages de la rue de Montpensier ont affirmé tout d’abord que le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une perquisition statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion par un autre juge des libertés et de la détention.

Mais ils ont aussitôt posé une réserve en énonçant que les articles 56-1 du Code de procédure pénale et L. 16 B. du Livre des procédures fiscales ne sauraient, sans méconnaître ce principe d’impartialité, être interprétées comme permettant qu’un même juge des libertés et de la détention effectue une saisie et statue sur sa contestation.

En raison de l’exigence d’impartialité objective, le Conseil constitutionnel déclare de longue date inconstitutionnelles les dispositions législatives qui permettent qu’un magistrat exerce successivement, dans la même affaire, les fonctions d’instruction puis de jugement (Cons. const., décision n° 2011-147 QPC, du 8 juillet 2011 N° Lexbase : A9354HUY ; Cons. const., décision n° 2021-893 QPC, du 26 mars 2021 N° Lexbase : A40334MC ; Cons. const., décision n° 2012-280 QPC, du 12 octobre 2012 N° Lexbase : A2619IUK ; Cons. const., décision n° 2016-616/617 QPC, du 9 mars 2017 N° Lexbase : A6457TUP).

Plus précisément encore, le Conseil a été saisi d’une critique en des termes assez similaires de ceux employés dans la présente question prioritaire de constitutionnalité. Elle portait sur les dispositions de l’article 802-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7201LPE, issues de l’article 49-V de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019 N° Lexbase : L6740LPC, ouvrant, à toute personne ayant fait l’objet d’une perquisition ou d’une visite domiciliaire en application des dispositions du Code de procédure pénale et n’ayant pas été poursuivie devant une juridiction d’instruction ou de jugement au plus tôt six mois après cet acte, un recours devant le JLD. tendant à l’annulation de cet acte. Le Conseil a affirmé que le magistrat qui a pris une décision d’autorisation de perquisition ou de visite domiciliaire ne saurait être le même qui statue ensuite, le cas échéant, sur la demande d’annulation de la perquisition (Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : A5079Y4U).

  • Cass. com., 6 juillet 2022, n° 21-13.571, F-D N° Lexbase : A43649DY: le premier président, qui constate que l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations de visite et de saisies, qui s'est absenté du local où elles se déroulaient, est demeuré à proximité de ce local et à tout moment joignable, qu'aucun incident n'a été soulevé à ce propos et que le procès-verbal a été signé sans que des observations soient formulées, en déduit à bon droit qu'il n'y pas lieu d'annuler les opérations de visite et de saisies dès lors que n'est invoquée aucune atteinte aux intérêts que l'officier de police judiciaire a pour mission de protéger, rendue possible par ses absences.

Lorsqu’il décide, à la demande de l’administration fiscale, d’autoriser une visite domiciliaire et des saisies, le juge désigne un officier de police judiciaire (OPJ) chargé d’assister aux opérations et de le tenir informé de leur déroulement (LPF, art. L. 16 B, II). Cet OPJ est notamment chargé de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense, conformément aux dispositions du 3ème alinéa et l’article 56 du Code de procédure pénale (S. Detraz et R. Salomon, Précis de droit pénal fiscal, préc., n° 1425). Ainsi, en sa qualité d’interface entre les personnes dont les lieux sont visités ou les objets saisis et le juge ayant accordé l’autorisation, l’OPJ peut tenir informé ce juge des incidents survenant au cours des opérations et le saisir (Cass. crim., 9 mars 2016, n° 14-84.566, FS-P+B N° Lexbase : A1673Q74 : Bull. crim., n° 76).

La Cour de cassation ne se montre pas excessivement pointilleuse, s’agissant du contrôle des opérations de visite et de saisies par l’OPJ.

Elle a en effet jugé qu’il ne peut lui être reproché d’être resté passif en l’absence de difficultés durant les opérations et de remarques des parties intéressées avant la signature des procès verbaux (Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-28.168, F-D N° Lexbase : A3330RNN ; Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-28.169, F-D N° Lexbase : A3369RN4 ; Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-28.170 N° Lexbase : A3331RNP ; Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-27.960 N° Lexbase : A3395RN3). Par ailleurs, selon la Haute juridiction, « aucun texte n’interdit de conduire plusieurs saisies de manière simultanée dans les mêmes locaux en présence d’un seul OPJ » (Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-21.944 N° Lexbase : A5809KGA et n° 12-21.949 N° Lexbase : A5809KGA), de sorte qu’elle n’exige pas qu’il supervise dans tous leurs détails chacune des saisies.

C’est dans la logique de ces précédents que la chambre commerciale, dans son arrêt publié du 6 juillet 2022, juge que le premier président, qui constate que l'OPJ chargé d'assister aux opérations de visite et de saisies, qui s'est absenté du local où elles se déroulaient, est demeuré à proximité de ce local et à tout moment joignable, qu'aucun incident n'a été soulevé à ce propos et que le procès-verbal a été signé sans que des observations soient formulées, en déduit à bon droit qu'il n'y pas lieu d'annuler les opérations de visite et de saisies dès lors que n'est invoquée aucune atteinte aux intérêts que l'officier de police judiciaire a pour mission de protéger, rendue possible par ses absences.

Cette jurisprudence est confortée par celle de la chambre criminelle, qui statuant en matière de visites domiciliaires et de saisies en droit de la concurrence (C. com., art. L. 450-4, a validé   les opérations de visites domiciliaires et de saisies, malgré l’absence, non pas seulement momentanée, mais prolongée de l’OPJ (Cass. crim., 5 décembre 2018, n° 17-85.332, F-D N° Lexbase : A7884YPP ; Cass. crim., 20 janvier 2021, n° 19-84.292, F-D {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 64862379, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. crim., 20-01-2021, n\u00b0 19-84.292, F-D, Rejet", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A25014ED"}}).

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Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Appréciation du caractère déductible d’une prestation compensatoire au titre de l’ISF

Réf. : Cass. com., 5 avril 2023, n° 21-11.827, F-B N° Lexbase : A61729MK

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N5025BZ7

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 14 Avril 2023

► Dans la lignée jurisprudentielle passée, par un arrêt rendu le 5 avril 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue trancher un litige relatif à la déductibilité d’une prestation compensatoire au titre de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (ISF).

Par un arrêt rendu le 19 avril 2005 (Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-11.750, FS-P+B N° Lexbase : A9567DHS), la Cour de cassation a jugé que la prestation compensatoire versée en cas de divorce sous forme de rente viagère était privée de valeur patrimoniale et devait être assimilée aux créances alimentaires en raison de son caractère insaisissable et incessible. Sa valeur de capitalisation n’entre ainsi pas dans l’assiette du patrimoine taxable à l’impôt de solidarité sur la fortune du crédirentier.

Rappel des faits

  • Deux époux ont engagé une procédure de divorce en 2011. Les époux ne se sont accordés que sur le principe de la prestation compensatoire mais pas sur son montant. Par un jugement rendu le 4 février 2016, le juge a fixé le montant de la prestation compensatoire à 7,5 millions d’euros.
  • En conséquence, l’époux a demandé à l’administration fiscale le dégrèvement partiel de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2014 et 2015. L’époux estimait en effet que sa dette était devenue certaine et pouvait être déductible de ses revenus au titre de son imposition à la fortune immobilière.

 

Procédure

  • À la suite du refus de sa demande par l’administration fiscale, le contribuable a assigné l’administration fiscale en vue d’obtenir l’annulation de cette décision et la restitution de l’impôt acquitté.
  • Par un arrêt rendu le 17 novembre 2020, les juges du fond ont débouté l’époux de ses prétentions.
  • Un appel est interjeté. Par un arrêt rendu le 17 novembre 2020, la cour d’appel de Riom déboute l’époux de ses prétentions et juge que la dette de l’époux au titre de la prestation compensatoire était restée incertaine jusqu’au jugement du 4 février 2016. Les juges d’appel refusent ainsi de déduire cette dette de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2014 et 2015.
  • Un pourvoi en cassation est formé par l’époux. Au soutien de ses prétentions, l’époux s’oppose à l’appréciation des juges d’appel et considère que sa dette était devenue certaine dans son principe avant le jugement du 4 février 2016 et devait ainsi être déductible de ses revenus.

 

Question de droit. Était posée à la Chambre commerciale de la Cour de cassation la question suivante : La prestation compensatoire versée par un époux dont le montant a été arrêté postérieurement au fait générateur de l’ISF est-elle déductible de l’assiette de l’imposition ?

 

Solution

À cette question, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle tout d’abord que pour être déductible de l’assiette de l’ISF, une dette doit être certaine au jour du fait générateur de l’impôt, soit au 1er janvier de l’année d’imposition.

Selon l’article 270 du Code civil N° Lexbase : L2837DZ4, le droit à une prestation compensatoire naît à la date à laquelle la décision prononçant le divorce est devenue irrévocable.

Les juges du quai de l’Horloge en déduisent qu’une dette de prestation compensatoire dont le montant a été arrêté postérieurement au fait générateur de l’ISF ne peut être rétroactivement déduite de l’assiette de cet impôt qu’à condition que le divorce ait été prononcé par une décision devenue irrévocable avant cette date, peu importe qu’un accord des parties sur le principe du versement d’une prestation compensatoire ait existé au jour du fait générateur.

Par conséquent, la Cour de cassation estime que la dette de prestation compensatoire n’était pas née en 2014 et 2015 et ne pouvait être déductible de l’assiette de l’ISF au titre de ces années.

newsid:485025

Licenciement

[Brèves] Délai de quinze jours accordé à l’employeur pour préciser le motif économique de la rupture à compter de l’adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle

Réf. : Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-18.636, FS-B N° Lexbase : A61699MG

Lecture: 3 min

N4988BZR

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par Charlotte Moronval

Le 17 Avril 2023

► Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, le document par lequel l'employeur informe celui-ci du motif économique de la rupture envisagée peut être précisé par l'employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans le délai de quinze jours suivant l'adhésion de ce dernier au dispositif.

Faits et procédure. Après avoir été convoquées par lettres du 3 septembre 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 21 septembre 2018, deux salariées ont adhéré, le 27 septembre 2018, au contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait alors été proposé, de sorte que la rupture de leur contrat de travail est intervenue le 12 octobre 2018.

Elles saisissent la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de leur contrat de travail.

Pour rappel. La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer le motif économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de son acceptation.

Par ailleurs, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement (C. trav., art. L. 1235-2 N° Lexbase : L8071LGZ).

À noter que dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose alors d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement (C. trav., art. R. 1233-2-2 N° Lexbase : L6229LH8).

La cour d’appel (CA Agen, 27 avril 2021, n° 20/00165 N° Lexbase : A39514QE) déboute les salariées de leurs demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que l'employeur avait, de sa propre initiative, précisé que les difficultés économiques invoquées dans les documents d'information remis aux salariées, le 21 septembre 2018, avaient pour conséquence la suppression de leur poste de travail, par lettre du 9 octobre 2018, soit dans les quinze jours courant à compter de leur acceptation, le 27 septembre 2018, du contrat de sécurisation professionnelle.

La solution de la Cour de cassation. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale approuve le raisonnement des juges du fond.

Pour aller plus loin :

  • v. infographie, INFO606, La procédure de demande de précision des motifs de licenciement, Droit social N° Lexbase : X7380CNN ;
    • v. aussi ÉTUDE : Les procédures de licenciement pour motif économique, La possibilité de préciser a posteriori le motif de licenciement, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2282GAR.

newsid:484988

Marchés publics

[Brèves] Obligations de l'acheteur public ayant recours à un marché de substitution

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 5 avril 2023, n° 463554, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A10519NA

Lecture: 2 min

N5050BZ3

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par Yann Le Foll

Le 14 Avril 2023

► L'administration doit dans tous les cas notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié. Toutefois, elle n'est tenue de lui communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu'à la condition d'être saisie d'une demande en ce sens.

Faits. Le 11 janvier 2007, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (Simmad) a conclu avec la société Iveco France un marché ayant pour objet l'acquisition de véhicules de dégivrage et d'antigivrage pour aéronefs. Par une décision du 24 avril 2008, la Simmad a résilié le marché aux torts de cette société.

En cause d’appel.  Pour juger que la Simmad n'avait pas mis la société Iveco France à même de suivre l'exécution du marché de substitution, la cour administrative d’appel  a estimé que la société avait entendu vérifier la réalité des prestations exécutées en contestant par des mémoires en réclamation les deux décomptes provisoires qui lui avaient été adressés (pour rappel, le droit de suivi du titulaire initial du marché s'exerce sur l'ensemble des prestations du marché de substitution, sans qu'il y ait lieu de distinguer celles de ces prestations qui auraient pu faire l'objet de contrats conclus sans mise en régie préalable, CE, 2°-7° ch. réunies, 27 avril 2021, n° 437148, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A41214QP).

Décision CE. En statuant ainsi, sans rechercher si la société avait saisi la Simmad d'une demande de communication de pièces justifiant de la réalité des prestations, la cour a commis une erreur de droit. 

Précision. Le cocontractant défaillant de l'administration ne saurait utilement soutenir, à l'appui de sa demande contestant le montant du marché de substitution, que ce marché aurait été attribué en méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats à un contrat de la commande publique (pour rappel, seule une faute lourde commise par la collectivité dans la conclusion de ce marché de substitution est de nature à diminuer la condamnation du titulaire défaillant à supporter les frais résultant de ce marché, CE, 5 novembre 1982, n° 19413 N° Lexbase : A9613AKA).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'exécution du marché public, La résiliation du marché, in Droit de la commande publique, (dir. N. Lafay, E. Grelczyk), Lexbase N° Lexbase : E4522ZL3.

newsid:485050

Procédure civile

[Jurisprudence] L’exécution de condamnations exécutoires et non-exécutoires ne vaut pas renonciation à recours

Réf. : Cass. civ. 2, 23 mars 2023, n° 21-20.289, F-B N° Lexbase : A39519KK

Lecture: 14 min

N5003BZC

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par Charles Simon, Avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’Association des avocats et praticiens des procédures et de l’exécution (AAPPE) et de Droit & Procédure

Le 12 Avril 2023

Mots-clés : acquiescement à jugement • renonciation à recours • exécution provisoire

La Cour de cassation sécurise le droit au recours contre un jugement en posant que l’exécution volontaire de celui-ci ne vaut pas renonciation à recours alors même que certains chefs de condamnation exécutés n’étaient pas exécutoires. Mais le sommaire de l’arrêt que la Cour de cassation propose sur son site web et certains passages de l’arrêt lui-même contredisent la jurisprudence antérieure et les textes et fragilise, au moins en apparence, le caractère exécutoire des condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.


 

Dans cet arrêt publié au bulletin de la Cour de cassation revient sur le problème classique de la renonciation à recours par l’effet de l’exécution du jugement. Le cas d’espèce présentait cependant une particularité : certaines condamnations exécutées étaient exécutoires, d’autres non. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui avait jugé que l’exécution du jugement dans son entier valait renonciation à appel. Elle confirme ainsi, sur un nouveau fondement, une jurisprudence en réalité déjà établie (I). Mais, de façon incidente, l’arrêt et le sommaire que la Cour de cassation en propose sur son site web font naître un doute à la fois sur l’interprétation des textes applicables et le caractère exécutoire des condamnations à article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM et aux dépens (II).

I. L’exécution volontaire du jugement ne vaut pas acquiescement et renonciation à recours

L’arrêt commenté s’inscrit dans un problème classique (A). Il confirme et élargit la jurisprudence antérieure protégeant le droit au recours du justiciable dans le cas où une partie des condamnations du jugement dont recours n’étaient pas exécutoires et ont pourtant été exécutées (B).

A. Le problème classique de l’exécution du jugement dont recours

En l’espèce, une partie avait été condamnée en première instance et avait formé appel du jugement. Mais, en parallèle, elle avait exécuté le jugement. Se prévalant du fait que certains chefs de condamnation exécutés n’étaient pas exécutoires, l’intimé avait alors contesté la recevabilité de l’appel. En effet cette exécution volontaire de chefs de condamnation non exécutoires aurait valu acquiescement au jugement et donc renonciation de l’appelant à son droit au recours.

La cour d’appel avait suivi l’intimé et déclaré l’appel irrecevable. La Cour de cassation casse, aux motifs que l’acquiescement de l’appelant aurait été incertain.

Juridiquement, les éléments du problème étaient les suivantes :

  • l’article 409 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6510H7A prévoit que « l’acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours » ;
  • l’article 410 du même Code N° Lexbase : L6511H7B prévoit que « l’acquiescement peut être exprès ou implicite ». Son alinéa 2 précise que « l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis ».

C’est l’application de l’alinéa 2 de l’article 410 du Code de procédure civile qui fait difficulté ici.

Cet alinéa amène à distinguer deux cas, selon que le jugement est exécutoire ou non :

  • si le jugement est exécutoire, son exécution, même sans réserve ne peut valoir acquiescement et donc renonciation à recours (Cass. civ. 3, 5 juillet 1989, n° 88-70.165 N° Lexbase : A0120AB3 ; Cass. civ. 2, 12 février 2004, n° 02-12.392, F-P+B N° Lexbase : A2716DB9 ;
  • si le jugement n’est pas exécutoire, son exécution sans réserve vaut acquiescement et renonciation à recours, y compris lorsqu’un recours a été formé au préalable (Cass. civ. 2, 2 février 2012, n° 10-28.103, F-D N° Lexbase : A8871IB8) et que des conclusions ont été déposées devant la cour d’appel (Cass. soc., 21 janvier 2014, n° 12-18.427, FS-P+B N° Lexbase : A0066MDS). Le juge n’a même pas à rechercher si la partie qui a exécuté le jugement avait ou non l'intention d'y acquiescer (Cass. civ. 2, 14 décembre 1992, n° 91-13.193 N° Lexbase : A5848AH3 ; Cass. civ. 2, 7 janvier 1998, n° 95-10.949 N° Lexbase : A8865CNN). Car l’exécution vaut, en soi, acquiescement, sans qu’aucune autre condition objective ou subjective ne soit requise.

En pratique, le cas d’espèce s’écartait cependant de cette dichotomie simple. Ici, le jugement était bien exécutoire mais l’intimé prétendait qu’il ne l’était pas intégralement. En effet, les condamnations accessoires aux dépens et à « l’indemnité de procédure », non susceptibles d’exécution provisoire selon lui, avaient aussi été exécutées. C’est cette exécution de chefs de condamnation non exécutoires aux côtés de chefs de condamnation exécutoires qui justifiait l’irrecevabilité prononcée par la cour d’appel.

B. La confirmation et l’élargissement de la protection dont le droit au recours bénéficie en cas d’exécution d’un jugement partiellement exécutoire

Là encore, le cas de figure n’est pas inédit. L’arrêt d’appel cassé cite d’ailleurs deux arrêts de la Cour de cassation jugeant que l’exécution des condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, non exécutoires, à côté d’autres condamnations exécutoires, vaut acquiescement au jugement et donc renonciation à appel (Cass. civ. 2, 21 juin 1989, n° 88-12.708 N° Lexbase : A0040AB4 ; Cass. civ. 2, 26 novembre 1990, n° 89-14.873 N° Lexbase : A4499AH4). La cour d’appel qualifiait même ces précédents vieux de plus de trente ans de « jurisprudence établie » (CA Versailles, 8 juin 2021, n° 20/01184 N° Lexbase : A60004UR). Au vrai, la cour d’appel aurait aussi pu citer au moins un autre précédent, plus récent que les deux qu’elle cite puisqu’il date de 1994 (Cass. civ. 2, 23 février 1994, n° 92-18.816 N° Lexbase : A9606CYG) !

Mais la réalité est que cette jurisprudence « établie » selon la cour d’appel n’est plus d’actualité depuis au moins 1997, soit vingt-cinq ans. En effet, par un premier arrêt (Cass. civ. 2, 26 février 1997, n° 95-13.876 N° Lexbase : A0433ACZ), la Cour de cassation a jugé que les articles 410 et 458 N° Lexbase : L5910MBI, sur la renonciation, du Code de procédure civile ne sont pas applicables en cas d’exécution des condamnations aux dépens et aux sommes allouées en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Cour ne s’étend pas sur le raisonnement derrière ce revirement qu’elle a renouvelé trois mois plus tard, dans les mêmes termes (Cass. civ. 2, 14 mai 1997, n° 95-20.130 N° Lexbase : A1346CTZ).

La solution pratique de l’arrêt commenté n’est donc pas nouvelle : le fait d’avoir exécuté, sans réserve, des condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens n’entraîne pas acquiescement au jugement et, consécutivement, renonciation à appel.

L’apport de l’arrêt commenté est cependant que le raisonnement juridique a évolué de 1997 à aujourd’hui.

Alors que, en 1997, la Cour de cassation posait, sans plus d’explication, qu’en particulier l’article 410 du Code de procédure civile n’était pas applicable aux condamnations à article 700 du même code et aux dépens, la Cour de cassation admet son applicabilité dans l’arrêt commenté. Car ce qui fonde la solution désormais, c’est le caractère équivoque de l’exécution.

La Cour de cassation estime ainsi que l’exécution de condamnations exécutoires d’une part et non susceptibles d’exécution provisoire d’autre part ne démontre pas, avec évidence et sans équivoque, l’intention de l’appelant d’acquiescer au jugement et donc de renoncer à son droit d’appel. Le raisonnement ne s’attache ainsi plus à la nature de la condamnation non exécutoire exécutée (condamnation à article 700 du Code de procédure civile et dépens) mais aux circonstances de son exécution (concurremment à l’exécution de condamnations bénéficiant de l’exécution provisoire). On est là dans l’appréciation classique des conditions de l’acquiescement implicite à un jugement, nécessitant la démonstration d’actes manifestant de façon non équivoque la volonté de renoncer à exercer des recours et de se soumettre à la décision (en ce sens, cf. N. Fricero, fasc. 850-45 : Acquiescement in JCl Procédure civile, 57.).

La solution devrait donc être transposable hors des cas où l’exécution concerne des condamnations non exécutoires autres qu’à l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens. La Cour de cassation étend ainsi la protection accordée à l’appelant maladroit qui exécute en même temps des chefs de condamnation exécutoires, ce qui ne remet pas en cause son droit d’appel, et non exécutoires, ce qui le remet en cause.

II. Le doute que l’arrêt et son sommaire sèment

Au-delà de l’avancée qu’il représente pour la protection du droit au recours, l’arrêt commenté n’est cependant pas sans poser de sérieuses difficultés sur deux autres points : d’abord, son sommaire fait penser que l’exécution de tous les jugements de première instance ne vaudrait jamais acquiescement, ce qui est faux (A) ; ensuite, son rappel de l’arrêt dont pourvoi, reproduit dans son sommaire, peut faire croire que les condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ne seraient pas susceptibles d’exécution, ce point n’étant pas critiqué. Or, la jurisprudence dit le contraire pour les premières depuis près de vingt-deux ans et les textes qui disaient cela pour les secondes ont été modifiés il y a plus de dix-huit ans (B)

A. L’exécution des jugements continue de valoir acquiescement lorsqu’il n’est pas exécutoire

Sur le premier point, le sommaire de l’arrêt commenté que la Cour de cassation a diffusé indique que « la seule exécution d'une décision d'un premier juge ne [peut], en elle-même, valoir acquiescement » [1]. Mais ce n’est pas ce que la Cour de cassation dit dans son arrêt.

En effet, dans son arrêt, la Cour de cassation parle de « la seule exécution de cette décision du premier juge ». Cette décision, ce n’est pas toutes les décisions d’un premier juge comme l’emploi de l’adjectif indéfini « une » dans le sommaire pourrait le faire penser. « Cette décision » correspond à un cas particulier ainsi qu’il a été vu puisqu’elle contenait, selon la Cour d’appel, des chefs de condamnation exécutoires et d’autres non susceptibles d’exécution provisoire.

La nuance est de taille : même si, aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9080LTH, l’exécution provisoire est désormais, par principe, de droit pour les décisions de première instance, il existe des exceptions. On continue donc aujourd’hui de rencontrer des décisions de première instance qui ne sont pas exécutoires à titre provisoire, soit que l’exécution provisoire ait été interdite par un texte dans la matière considérée soit que le juge l’ait écartée, en application de l’article 514-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9081LTI.

Or, l’alinéa 2 de l’article 410 du Code de procédure civile continue aussi d’exister. En conséquence, l’exécution sans réserve de décisions intégralement non exécutoires vaudra acquiescement aujourd’hui comme hier. Le sommaire de l’arrêt que la Cour de cassation propose est donc trompeur en généralisant la solution qu’il pose dans un cas particulier à l’ensemble des décisions de première instance.

B. Les condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens sont parfaitement exécutoires

De façon plus fâcheuse, il nous semble, la Cour de cassation reprend également in extenso, à la fois dans son arrêt et dans son sommaire, le raisonnement de la Cour d’appel qu’elle censure sur le caractère non susceptible d’exécution provisoire des condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, sans critiquer ce raisonnement. Certes, n’ayant manifestement pas été saisie sur ce point, la Cour de cassation n’avait pas à y répondre. Mais la reprise telle quelle de l’arrêt d’appel jette le trouble sur un point réglé depuis plus de dix-huit ans : les condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens sont bien susceptibles d’exécution provisoire contrairement à ce que la cour d’appel en a dit.

La Cour de cassation l’a d’abord jugé en 1998 pour les condamnations à article 700 du Code de procédure civile résultant d’un jugement bénéficiant de l’exécution provisoire de droit (Cass. civ. 2, 24 juin 1998, n° 96-22.851 N° Lexbase : A5154ACU). Elle l’a confirmé en 2001, en généralisant la solution à tous les jugements bénéficiant de l’exécution provisoire, de droit ou ordonnée, dans les termes suivants (Cass. civ. 2, 31 mai 2001, n° 99-13.712 N° Lexbase : A5733ATI) :

  • « attendu que l’interdiction édictée par l'article 515, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ne vise que les seuls dépens. »

En effet, le texte faisant difficulté était l’alinéa 2 de l’article 515 du nouveau Code de procédure civile N° Lexbase : L9088LTR qui disposait :

  • « l’exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation. En aucun cas, elle ne peut l’être pour les dépens. »

Contrairement à ce que la cour d’appel a retenu et à ce que la Cour de cassation a repris sans l’interroger, cela fait donc près de vingt-deux ans qu’on sait que les condamnations à article 700 du Code de procédure civile sont susceptibles d’exécution provisoire, faute de texte l’interdisant. Seules les condamnations aux dépens pouvaient poser difficulté, en raison des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 515 du Code de procédure civile interdisant cette exécution provisoire en ce qui les concernaient.

Mais ces dispositions ont fait l’objet d’une modification par le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 portant modification de la procédure civile N° Lexbase : L0896GTD, entré en vigueur le 1er janvier 2005, soit il y a plus de dix-huit ans. Il n’existe plus désormais de dispositions interdisant l’exécution provisoire des condamnations à dépens. En conséquence, ces condamnations doivent pouvoir en bénéficier, d’autant plus dans un système où l’exécution provisoire est de droit.

En l’espèce, l’arrêt d’appel ayant donné lieu à l’arrêt commenté concernait une instance introduite devant le premier juge le 26 mars 2019. Nous sommes donc avant la réforme ayant fait de l’exécution provisoire le principe [2]. Mais nous sommes aussi largement après les arrêts de la Cour de cassation et la modification textuelle qui ont balayé la jurisprudence antérieure, vieille d’alors plus de trente ans, dont la cour d’appel se prévaut pour juger non susceptibles d’exécution provisoire les condamnations à article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Les textes propres à l’indemnisation de l’expropriation, cas de l’espèce, n’y changent rien. L’article R. 311-25 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique N° Lexbase : L2156I7Y indique, au contraire, que l’appel du jugement fixant les indemnités n’est pas suspensif.

Nous avons donc là :

  • une cour d’appel qui a pris une mauvaise décision, sur la base d’une jurisprudence « établie » qui, au contraire, avait été renversée de longue date ;
  • et un arrêt de la Cour de cassation qui, certes, formellement, répond à la seule question qui lui  était posée mais crée le doute en reprenant telle quelle la mauvaise décision de la cour d’appel sur un point qui aurait mérité d’être contesté.

Cet arrêt, en particulier son sommaire, doit donc être manié avec la plus grande précaution, car il est source de confusion.

 

[1] Cass. civ. 2, 23 mars 2023, n° 21-20.289, F-B N° Lexbase : A39519KK.

[2] Article 55 II. du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile N° Lexbase : L8421LT3, les dispositions du décret concernant l’exécution provisoire se trouvant à son article 3 et n’étant donc applicables qu’aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.

newsid:485003

Santé et sécurité au travail

[Jurisprudence] Le médecin du travail ne deviendrait-il pas le nouveau DRH des entreprises ?

Réf. : Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-15.472, F-B N° Lexbase : A39289L3

Lecture: 6 min

N5012BZN

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par Guillaume Bossy, Avocat Associé chez CMS Francis Lefebvre Avocats

Le 12 Avril 2023

Mots-clés : télétravail • médecine du travail • DRH • reclassement • aménagement de poste de travail • prescriptions médicales • avis • contestation

Dans un arrêt récent du 29 mars 2023, la Cour de cassation précise qu’il appartient à l'employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Doit être approuvée la cour d'appel qui, après avoir relevé que le médecin du travail avait précisé, dans l'avis d'inaptitude puis en réponse aux questions de l'employeur, que le salarié pourrait occuper un poste en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié, en a déduit, sans être tenue de rechercher si le télétravail avait été mis en place au sein de la société dès lors que l'aménagement d'un poste en télétravail peut résulter d'un avenant au contrat de travail, que l'employeur n'avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement. 


Le médecin du travail ne deviendrait-il pas le nouveau DRH des entreprises ? À la lecture de nombreuses décisions ou d'avis de médecins du travail contenant des prescriptions médicales pour des salariés, on peut sérieusement se poser la question. Le sujet devient de plus en plus crispant dans les entreprises, celles-ci se sentant de temps en temps dépossédées de leur pouvoir d’organisation de l’entreprise. Nul ne souhaite remettre en cause l’objectif louable et nécessaire de préserver la santé des salariés et de tout faire pour maintenir dans l’emploi les salariés victimes d’accidents de la vie voire d’accidents dus au travail.

Pour autant, il nous parait essentiel de bien concilier deux impératifs : le droit à l’emploi et à la santé du salarié et la liberté d’entreprise et son corollaire du pouvoir de direction et d’organisation de l’employeur. Mais le balancier entre ces deux principes fondamentaux ne serait-il pas en train de se déséquilibrer ?

La pratique nous donne de nombreux exemples. Notamment, un médecin du travail peut rendre des attestations de visite avec des prescriptions médicales nombreuses et répétées consistant à indiquer qu’un salarié travaillant en équipe alternante du matin et de l’après-midi est apte, mais uniquement à travailler au sein de l’équipe de l’après-midi. La multiplicité de ce type de restrictions médicales conduit à désorganiser l’organisation de l’usine et sa production. Au gré des restrictions médicales, les salariés sur le même poste de travail ne travaillent plus en équipes, ce qui complique sérieusement l’organisation dudit travail en équipe. Et il peut s’avérer que ces restrictions ne soient pas liées à des raisons médicales, mais uniquement à des finalités de conciliation vie personnelle et vie professionnelle. Et très souvent, les restrictions médicales préconisées conduisent à de quasi-inaptitudes. Tout ceci ne faisant qu’augmenter les velléités de contestations des avis médicaux devant le conseil de prud’hommes. Nous pouvons d’ailleurs noter une augmentation de ce type de contentieux. Est-ce forcément à l’entreprise de supporter ceci ?

Un dernier et récent exemple est donné dans l’arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2023. Une salariée engagée en qualité de secrétaire médicale par une association gérant un service de santé au travail exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante-coordinatrice d'équipe pluridisciplinaire. À l'issue de deux examens médicaux des 3 et 17 février 2016, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 7 décembre 2016.

Le médecin du travail avait précisé dans l'avis d'inaptitude puis en réponse aux questions de l'employeur que le salarié pourrait occuper un poste en télétravail. Cependant, le télétravail n’ayant pas été mis en place au sein de l'entreprise à l’époque des faits, le salarié avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d’appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du non-respect de l’obligation de reclassement par l’employeur. L'arrêt retient encore que la salariée occupait en dernier lieu un poste de « coordinateur », que les missions accomplies et non contestées par l'employeur, d'une part, ne supposaient pas l'accès aux dossiers médicaux et, d'autre part, étaient susceptibles d'être pour l'essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail.

Dans son pourvoi, l’employeur soutenait que l'obligation de reclassement du salarié déclaré inapte à son poste de travail ne porte que sur des postes disponibles existant au sein de l'entreprise, l'employeur n'étant pas tenu de créer spécifiquement un poste adapté aux capacités du salarié. L'employeur soutient qu’il ne peut dès lors se voir imposer de reclasser le salarié sur un poste en télétravail que si le télétravail a été mis en place au sein de l'entreprise. L’employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'il n'existait aucun poste en télétravail au sein de l'association et qu'une telle organisation n'était pas compatible avec son activité qui requiert le respect du secret médical. L’employeur soutenait enfin qu’en affirmant que l'aménagement de poste du salarié par sa transformation en un emploi à domicile faisait partie intégrante de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur pour juger que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement en n'aménageant pas le poste occupé par la salariée en télétravail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le télétravail avait été mis en place au sein de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-9 N° Lexbase : L2077MA8 et L. 1226-10 N° Lexbase : L8707LGL du Code du travail.

Malgré tout, la Cour de cassation approuve la cour d’appel qui en a déduit que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement. Elle ajoute que la cour d’appel n’avait pas à rechercher, comme le demandait l’employeur, si le télétravail avait été mis en place au sein de l’entreprise, dès lors que l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail.

Moralité : une entreprise peut se voir imposer le télétravail par un médecin du travail. Le télétravail revient à externaliser du lieu de l’entreprise un emploi. En l’imposant à l’employeur, les tribunaux ne vont-ils pas un peu trop loin ? Sommes-nous toujours dans le cadre des prescriptions des textes du Code du travail qui évoque des « mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ». Transformer un poste de travail en présentiel en télétravail relève-t-il de la notion de « postes existants » ? Nous n’en sommes pas, certains d’autant plus que les textes précisent que « l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ». Quelle sera la prochaine étape ? Il nous semble que recourir ou non au télétravail est un choix qui doit in fine relever d’un choix assumé de l’employeur. À défaut, cela revient à imposer un mode d’organisation du travail que l’employeur ne souhaiterait pas et qui ne serait pas forcément adapté. Et pour le moment, selon le Code du travail, le choix de recourir au télétravail relève de l’employeur (hors le cas que nous souhaitons voir rester exceptionnel et appartenir au passé de la pandémie avec confinement…).

Le plus savoureux dans cette affaire ? L’employeur était un service de santé au travail dont l’activité est de gérer les services de santé au travail des entreprises adhérentes… Un employeur de médecins du travail victime des préconisations médicales d’un médecin du travail… Savoureux, quand on connait les débats parfois houleux que les entreprises peuvent avoir avec les services de santé au travail avec des restrictions médicales qu’elles estiment excessives. L’arroseur arrosé.

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Sûretés

[Brèves] Mention manuscrite prévoyant que la caution s’engage sur ses revenus ou ses biens : le cautionnement est nul !

Réf. : Cass. com., 5 avril 2023, n° 21-20.905, FS-B N° Lexbase : A61559MW

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par Vincent Téchené

Le 12 Avril 2023

► La formule écrite de la main de la caution prévoyant que celle-ci s'engage sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, modifie le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier. L’engagement de la caution est donc nul.

Faits et procédure. Une banque a consenti à une société un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce. Le 30 novembre 2011, M. W s'est rendu caution solidaire de la société, en garantie du remboursement de ce prêt.

La société ayant cessé de régler les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution. Cette dernière a alors invoqué la nullité de son cautionnement, au motif que sa mention manuscrite ne respectait pas les exigences légales imposées par le Code de la consommation.

La cour d’appel a condamné la caution au paiement. Elle a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel qui avait retenu que les minimes altérations de la formule légale n'ont pas modifié la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement et en avait déduit que la demande de nullité du cautionnement ne pouvait être accueillie.

Or en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s'engageait sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, ce qui en modifiait le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 341-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L5668DLI, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 (devenu C. consom., art. L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B).

Observations. Pour les cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022, on sait qu’est nul l'engagement, pris par acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention prévue par le Code de la consommation (v. not., Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-11.616, FS-P+B N° Lexbase : A6490EGH ; Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 07-21.506, FS-P+B N° Lexbase : A4103EIS). Il en est de même lorsque l'altération de la mention manuscrite est telle qu’elle modifie la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement (v. par ex. pour l’absence de désignation du débiteur garanti : Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-24.400, FS-P+B N° Lexbase : A5375XPR, V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2018, n° 554 N° Lexbase : N4234BX4  ; pour une mention jugée inintelligible : Cass. com., 7 février 2018, n° 16-20.586, F-D N° Lexbase : A6691XCS, G. Piette, Lexbase Affaires, mars 2018, n° 545 N° Lexbase : N3101BX7).

En revanche, la Cour de cassation admet certains assouplissements : la nullité ne sera pas prononcée si les imperfections peuvent être considérées comme de simples erreurs matérielles qui n'affectent ni le sens, ni la portée de l'engagement. En outre, certaines erreurs n'emporteront pas non plus la nullité du cautionnement, mais auront pour effet de limiter le gage du créancier ou l'étendue du cautionnement. Tel est le cas notamment lorsque la caution s'engage seulement « sur ses revenus » et non « sur ses revenus et ses biens ». En effet, dans ce cas, la Haute juridiction estime que cette rédaction n'a pour conséquence que de limiter le gage du créancier aux revenus de la caution et qu’elle n'affecte pas la validité du cautionnement (Cass. com., 1er octobre 2013, n° 12-20.278, FS-P+B N° Lexbase : A3277KMC, G. Piette., Lexbase, Affaires, 2013, n° 358 N° Lexbase : N9310BTY).

Enfin, rappelons que pour les cautionnements souscrits après le 1er janvier 2022 et donc soumis aux textes issus de l’ordonnance de réforme du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192 N° Lexbase : L8997L7D), l’exigence d’une mention de la caution est désormais prévue par l’article 2297 du Code civil N° Lexbase : L0171L8T qui assouplit grandement les règles. En effet, la mention doit simplement être apposée par la caution (elle n'a donc plus obligatoirement à être manuscrite). Par ailleurs, la caution n’a plus à respecter un modèle légal. Le texte prévoit simplement qu'elle doit indiquer que le signataire s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres.

Pour aller plus loin :

  • pour les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Les conditions de formation du cautionnement, La sanction de principe : la nullité du cautionnement ou l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de la solidarité, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E7187E93 ;
  • pour les cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Le cautionnement, Le formalisme du cautionnement, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8597B48.

 

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