La lettre juridique n°527 du 16 mai 2013

La lettre juridique - Édition n°527

Éditorial

Un "Super procureur financier" : cet autre Grand inquisiteur des Frères Karamazov ?

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N7002BTI

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


L'instauration d'un "Super procureur financier", à la compétence nationale, gage d'efficacité contre la corruption, selon le Gouvernement, a de quoi faire grincer les dents des magistrats, soucieux d'une plus grande efficacité des institutions et services déjà présents et sceptiques sur une indépendance encore proclamée, mais toujours assujettie à la nomination gouvernementale. "La centralisation dans les mains d'un seul magistrat de l'ensemble des poursuites dans les dossiers nécessairement sensibles que constituent les atteintes à la probité en matière financière, est particulièrement inquiétante", peut-on entendre sur les bancs de certaines organisations représentatives de la magistrature... Un lecteur amoureux de Dostoïevski, et ils sont nombreux parmi les professionnels de la Justice, aurait tôt fait de versifier un poème à la fois absurde et philosophique pour montrer combien la Démocratie pourrait finir par "gêner" l'action de ce "Super procureur financier" et comment ce dernier aurait tout intérêt à l'enfermer pour qu'elle ne déjoue pas ses plans pour le "bonheur" de l'Humanité...

"Un préambule est nécessaire au point de vue littéraire" -pour ainsi paraphraser le Livre V des Frères Karamazov-. L'action se passe ainsi au XXVème siècle. A cette époque, il est alors d'usage de faire intervenir dans les logorrhées politiques les puissances et mânes de la République. En France, les gouvernants donnent ainsi des représentations télégéniques où l'on met en scène la vertu, la transparence, l'efficacité et la probité publiques. Ce sont des spectacles naïfs. Mais, c'est aussi l'époque de la plus terrible "Inquisition financière" ; chaque jour s'allument des bûchers à la gloire de la morale publique et, dans de superbes autodafés médiatiques, on brûle d'affreux hérétiques coupables tantôt de malversations ou d'abus de confiance, tantôt de détournements de fonds ou d'abus de faiblesse...

Un jour, la Démocratie se faisant chair descend vers les rues brûlantes de la ville, où justement, la veille, en présence de l'Autorité exécutive, de ses courtisans, de ses suiveurs et des officiers ministériels, le Super procureur financier a condamné une centaine d'hérétiques ad majorem Virtutis gloriam. Elle est apparue doucement, sans se faire remarquer, et -chose étrange- tous la reconnaissent, même dépourvue de son bonnet phrygien, et cachant ce sein que l'on ne saurait désormais voir en ces temps de chasteté politique. Attiré par une force irrésistible, le peuple se presse sur son passage et s'attache à ses pas. Le Grand inquisiteur de la morale publique et financière fronce ses épais sourcils et ses yeux brillent d'un éclat sinistre. Il la désigne alors du doigt et ordonne aux gardes de la saisir. Si grande est sa puissance et le peuple est tellement habitué à se soumettre, à lui obéir en tremblant, que la foule s'écarte devant les sbires ; au milieu d'un silence de mort, ceux-ci l'empoignent et l'emmènent, avant d'être condamnée à mourir le lendemain.

La nuit venue, le Magistrat suprême visite l'illustre prisonnière et lui explique les raisons de sa séquestration -privée désormais du soutien moral des Soeurs du Dépôt du palais de justice, elles qui avaient accompagné les prostituées de Bordeaux, puis qui avaient officié à Rennes, en centrale, auprès de femmes condamnées à de lourdes peines, et enfin à Paris-. Et, le Super procureur financier de soumettre la Démocratie, en personne, à la question : "C'est Toi, Toi ?" Ne recevant pas de réponse, il ajoute rapidement : "Ne dis rien, tais-toi. D'ailleurs, que pourrais-tu dire ? Je ne le sais que trop. Tu n'as pas le droit d'ajouter un mot à ce que tu as dit jadis au sein du Bloc constitutionnel. Pourquoi es-tu venue nous déranger ? Car tu nous déranges, tu le sais bien"...

"N'as-tu pas dit bien souvent : Je veux vous rendre libres' Eh bien ! Tu les a vus, les hommes libres'", ajoute le Magistrat d'un air sarcastique. "Oui, cela nous a coûté cher", poursuit-il en la regardant avec sévérité, "mais nous avons enfin achevé cette oeuvre en ton nom. Il nous a fallu quatre siècles de rude labeur pour instaurer la morale publique, gage de la liberté démocratique ; mais c'est fait, et bien fait. Tu ne le crois pas ? Tu me regardes avec douceur, sans même me faire l'honneur de t'indigner ? Mais sache que jamais les hommes ne se sont crus aussi empreints de probité qu'à présent, et pourtant, leur conscience politique, comme leur liberté, ils l'ont humblement déposée à nos pieds. Cela est notre oeuvre, à vrai dire ; est-ce la morale publique que tu rêvais ?"

Et, le Super procureur financier de se vanter d'avoir ainsi supprimé le libre arbitre entre le bien et le mal, condition de l'existence même d'une quelconque morale qu'elle soit publique ou privée, dans le dessein de rendre les hommes heureux, en traquant et condamnant sans relâche, ni clémence, au nom de l'ordre public, le plus petit écart à la transparence financière, au point d'annihiler tout esprit critique, toute conscience politique. "As-tu donc oublié que l'homme préfère la paix et même la mort à la liberté de discerner le bien et le mal ? Il n'y a rien de plus séduisant pour l'homme que le libre arbitre, mais aussi rien de plus douloureux. Et au lieu de droits, garanties et libertés solides qui eussent tranquillisé pour toujours la conscience humaine, tu as choisi des notions vagues, étranges, énigmatiques, sujettes à l'interprétation des Sages ; tout ce qui dépasse la force des hommes, et par là tu as agi comme si tu ne les aimais pas, toi, qui étais venue donner ta vie sur les barricades des Trois glorieuses, pour eux ! Tu voulais être librement aimée, volontairement suivie par les hommes charmés. Au lieu de la dure loi ancienne, l'homme devait désormais, d'un coeur libre, discerner le bien et le mal, n'ayant pour se guider que ton image, mais ne prévoyais-tu pas qu'il repousserait enfin et contesterait même ton image et ta vérité, étant accablé sous ce fardeau terrible : la liberté de choisir ? Ils s'écrieront enfin que la vérité n'était pas en toi, autrement tu ne les aurais pas laissés dans une incertitude aussi angoissante avec tant de soucis et de problèmes insolubles. Tu as ainsi préparé la ruine de ton royaume ; n'accuse donc personne de cette ruine. Cependant, était-ce là ce qu'on te proposait ? Il y a trois forces, les seules qui puissent subjuguer à jamais la conscience de ces faibles révoltés, ce sont : le miracle, le mystère, l'autorité ! Tu les as repoussées toutes trois, donnant ainsi un exemple. Tu as, d'abord, rejeté le miracle en t'attachant à la laicité de ton action ; puis exclu le mystère, en éclairant par la Raison et les Lumières tes lois fondamentales, ton corpus juridique et finalement l'ensemble des rapports sociaux ; enfin, tu es la contrariété vivante et étincelante du despotisme, même éclairé, de l'autocratie, même sacralisée". "Démocratie, tu es l'oraison funèbre de la solitude de mon action, de l'impérialisme de la morale à tous les étages de la vie publique, de la transparence castratrice du libre arbitre et de la conscience politique !"

"Aussi, jours après jours, depuis ce printemps français 2013 qui m'a vu naître, je me suis révolté pour ne plus servir une cause insensée. Je suis revenu me joindre à ceux qui ont corrigé ton oeuvre. J'ai quitté les fiers, je suis revenu aux humbles, pour faire leur bonheur. Ce que je te dis s'accomplira et notre empire s'édifiera. Je te le répète, demain, sur un signe de moi, tu verras ce troupeau docile apporter des charbons ardents au bûcher où tu monteras, pour être venu entraver notre oeuvre. Car si quelqu'un a mérité plus que tous le bûcher, c'est toi. Demain, je te brûlerai. Dixi"...

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Avocats/Champ de compétence

[Evénement] Les assurances et garanties de l'avocat fiduciaire - Compte rendu de la Commission ouverte "Patrimoine et fiducie" du barreau de Paris du 9 avril 2013

Lecture: 4 min

N7064BTS

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef

Le 27 Mars 2014

Le 9 avril 2013, la Commission ouverte "Patrimoine et fiducie" de l'Ordre des avocats au barreau de Paris et ses co-responsables, Hugues Letellier, Martine Blanck-Dap et Silvestre Tandeau de Marsac, recevaient Caroline Decanter, Directrice commerciale et Roxane Aguilar, Directrice d'agence, BNP Paribas, sur le thème des assurances et garanties de l'avocat fiduciaire. En effet, le 22 novembre 2012, l'Ordre et la banque BNP Paribas ont signé une convention de partenariat visant à promouvoir une offre de garantie dédiée aux avocats fiduciaires. Cette convention est la première de ce type-là. L'agence "Place Dauphine" de la BNP (20 rue de Harlay, 75001 Paris) propose donc aux avocats souhaitant exercer l'activité de fiduciaire l'émission d'une garantie inédite. Alors que la fiducie a été instituée il y a quelques temps déjà (loi n° 2007-211 du 19 février 2007, instituant la fiducie N° Lexbase : L4511HUM), et ouverte aux avocats depuis 2009 (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR ; ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie N° Lexbase : L6939ICY ; décret n° 2009-1627 du 23 décembre 2009, relatif à l'exercice de la fiducie par les avocats N° Lexbase : L1259IGQ ; décret n° 2010-219 du 2 mars 2010, relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Registre national des fiducies" N° Lexbase : L6060IGK ; loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière N° Lexbase : L2090INQ), sa mise en oeuvre était difficile, faute pour les avocats fiduciaires d'obtenir la garantie légale. Ainsi, tout avocat exerçant en qualité de fiduciaire doit avoir souscrit une assurance ou une garantie financière propre à cette activité, garantissant la restitution des biens, droits ou sûretés transférés dans le patrimoine fiduciaire (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID). Les contrats d'assurance/les garanties financières ne doivent pas comporter une limite de garantie inférieure à 5 % de la valeur des biens immobiliers et à 20 % de celle des biens mobiliers. Or, les assureurs et certains banquiers affichaient une réticence par rapport à cette garantie, car il s'agit d'une garantie-caution. BNP Paribas a pu mettre en place, dans le cadre d'un partenariat avec l'Ordre des avocats au Barreau de Paris, un modèle de garantie spécifique en faveur de l'avocat fiduciaire. Les modalités de signature du contrat appellent, notamment, la fourniture d'informations relatives à l'avocat fiduciaire, ainsi qu'au constituant et au bénéficiaire de la fiducie.

Exercer l'activité d'avocat fiduciaire entraîne une rupture du lien de conseil, puisque la déontologie de la profession interdit tout conflit d'intérêts. Or, l'avocat fiduciaire ne se fait plus conseil de son client, mais intervient véritablement dans une relation dans laquelle son client et lui sont parties. Il n'est plus son support, mais son partenaire contractuel. En principe, l'avocat fiduciaire ne peut plus être l'avocat "conseil" de son client. En outre, devenir fiduciaire contraint l'avocat à sortir de son champ de compétence professionnelle, puisqu'il sera amené à gérer des biens. Dès lors, il devra s'entourer de conseils extérieurs. C'est donc une toute nouvelle casquette qu'offre la fiducie à l'avocat. Devenant une sorte de "chef d'orchestre" de la gestion des droits, l'avocat fiduciaire peut, au travers de la fiducie, réaliser des engagements, garantir des droits, isoler des biens, permettre une continuité, sans avoir recours au droit des contrats classique, qui n'est pas toujours adapté.

  • L'offre sur l'émission de garantie fiduciaire

Le 22 novembre 2012, une convention de partenariat a été signée entre l'Ordre des avocats au barreau de Paris et la BNP Paribas, afin de proposer une offre dédiée aux avocats fiduciaires.

L'engagement de la banque est un engagement de caution qui couvre les risques de non-restitution des biens. La caution porte sur toute créance ayant pour origine un versement de fonds ou une remise d'effets ou de valeurs effectué à l'occasion de chaque contrat de fiducie.

La garantie couvre les risques de non-restitution, mais pas les risques de mauvaise gestion du patrimoine fiduciaire.

Elle est souscrite pour chaque contrat de fiducie de manière unitaire, c'est-à-dire que, pour chaque opération de fiducie, la garantie doit être constituée en fonction des spécificités du contrat considéré. Elle ne couvre donc pas d'une manière globale l'activité de l'avocat fiduciaire.

  • Les justificatifs à présenter pour exercer l'activité d'avocat fiduciaire

La garantie, objet de la convention du 22 novembre 2012, est émise en faveur de l'avocat fiduciaire personne physique qui est seul habilité par les textes en vigueur à exercer l'activité de fiduciaire (et non pas le cabinet d'avocats, personne morale). En conséquence, le client doit avoir un compte professionnel ouvert dans la banque à titre individuel. Cela signifie qu'il ne suffit pas, pour un avocat appartenant à une structure, que cette dernière ait elle-même un compte. L'avocat, personne physique, doit détenir un compte professionnel en son nom.

Les justificatifs à présenter sont les suivants :

- une assurance responsabilité civile professionnelle propre à cette activité ;
- une garantie financière ;
- une déclaration provenant de l'Ordre des avocats, obtenue par lettre adressée au Bâtonnier, justifiant de la RCP et de la garantie financière. Cette déclaration ne doit pas être renouvelée à chaque contrat de fiducie. La banque doit recevoir l'accusé de réception de la demande au Bâtonnier dans un délai de quinze jours calendaires.

Pour l'instant, cette offre est réservée aux avocats de l'Ordre des avocats au barreau de Paris.

  • Les documents à produire pour ouvrir un compte d'avocat fiduciaire

Si l'avocat fiduciaire est déjà client de la banque, il devra fournir les documents suivants :

- la carte d'identité de l'avocat fiduciaire ;
- un recueil d'informations économiques et financières ;
- le contrat ou projet de contrat de fiducie ;
- les documents justifiant de la provenance des fonds ou de la propriété des biens mis en fiducie ;
- les justificatifs d'identité et de domicile du constituant et du bénéficiaire.

L'avocat qui n'est pas encore client doit, en outre, justifier de trois ans d'expérience. Si l'avocat exerce en à titre individuel, il doit présenter ses trois dernières déclarations n° 2035 ; s'il exerce dans une structure, il produit les trois dernières liasses fiscales de la société.

  • L'émission de la garantie : caractéristiques

Le montant de la garantie est de 5 % de la valeur nominale (à la date de la transmission) de l'immeuble, et de 20 % de celle d'un bien meuble.

La garantie est accordée pour une durée d'un an renouvelable, ou pour la durée du contrat de fiducie.

  • La constitution de la contre-garantie

Une contre-garantie peut être demandée par la banque. Son montant est identique à celui de la garantie. Celle-ci peut revêtir la forme soit d'une garantie sur espèces, soit d'un nantissement de compte de titres financiers (Sicav monétaire).

En conclusion, il est important de dresser un contrat de fiducie le plus complet et précis possible.

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Baux commerciaux

[Chronique] Chronique d'actualité jurisprudentielle en droit des baux commerciaux

Lecture: 11 min

N6996BTB

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 16 Mai 2013

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, une chronique de droit des baux commerciaux revenant sur les dernières décisions en la matière, réalisée par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris et Directeur scientifique de l’Ouvrage "baux commerciaux". Ce dernier a choisi de revenir sur trois arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Dans le premier, en date du 6 mars 2013 et promis aux honneurs du Bulletin, la Haute juridiction énonce que pour la fixation du prix du bail renouvelé, la variation indiciaire prévue par l'article L. 145-34 du Code de commerce doit être appliquée au loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d'effet du bail à renouveler, nonobstant la fixation dans le bail expiré d'un loyer progressif par paliers (Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 12-13.962, FS-P+B). Dans le deuxième arrêt commenté, rendu le 23 avril 2013, la Cour régulatrice rappelle que la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce n'est pas soumise à la contestation du droit du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction et le délai de prescription, interrompu par la saisine aux fins d'expertise du juge des référés, recommence à courir à compter du prononcé de l'ordonnance désignant un expert (Cass. civ. 3, 23 avril 2013, n° 12-15.836, F-D). Enfin, le dernier arrêt de cette chronique, également rendu le 23 avril 2013, est l'occasion pour la troisième chambre civile de juger que le bailleur ne peut réclamer au preneur le remboursement de travaux rendus nécessaires par un défaut d'entretien sans avoir sollicité préalablement une autorisation judiciaire pour exécuter ces travaux aux lieux et place du locataire (Cass. civ. 3, 23 avril 2013, n° 11-27.798, F-D).

Solution : pour la fixation du prix du bail renouvelé, la variation indiciaire prévue par l'article L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L5732IS4) doit être appliquée au loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d'effet du bail à renouveler, nonobstant la fixation dans le bail expiré d'un loyer progressif par paliers.

Faits : en l'espèce, un preneur avait, par acte du 22 avril 1998, demandé le renouvellement de son bail commercial qui lui avait été consenti le 14 décembre 1989. Les bailleurs avaient assigné le locataire en acquisition de la clause résolutoire et subsidiairement en fixation d'un loyer déplafonné. Après avoir, le 11 mars 2003, conclu une transaction aux termes de laquelle le bailleur avait notamment renoncé à solliciter le bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire et accepté le renouvellement du bail pour neuf années à compter du 1er octobre 1998, en contrepartie de quoi le preneur avait accepté la fixation d'un loyer progressif par paliers, les parties ont signé, le 7 septembre 2006, un nouveau bail reprenant les termes de cet accord. Par acte du 22 février 2007, le bailleur avait délivré congé pour le 30 septembre 2007 avec offre de renouvellement à compter du 1er octobre 2007. Les parties ne s'étant pas accordées sur le prix du bail renouvelé, le juge des loyers commerciaux a été saisi.

Les juges du fond avaient considéré que le prix du loyer du bail renouvelé devait être déplafonné au motif que la modalité de fixation du loyer par paliers dans le bail à renouveler, qui exclut la fixation d'un loyer de base, fait obstacle à l'application de la règle du plafonnement et impose d'apprécier le loyer lors du renouvellement à sa valeur locative. Le preneur s'est pourvu en cassation.

Observations : aux termes de l'article L. 145-34 du Code de commerce, le loyer en renouvellement du bail d'une durée qui n'est pas supérieure à neuf ans est, en principe, plafonné en fonction de la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, sauf modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce (N° Lexbase : L5761AI9) ou lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans. L'article L. 145-34 du Code de commerce ne précise pas le loyer de référence, c'est-à-dire le loyer qui doit être pris en considération pour calculer le montant du loyer plafonné.

La détermination du loyer de référence peut poser une difficulté lorsque les parties ont prévu une variation du loyer sur plusieurs années, soit qu'elles aient prévu un montant de loyer initial auquel des franchises s'appliqueront pendant un certain temps, soit qu'elles aient prévu un loyer augmentant par paliers pendant une certaine période.

S'agissant de la première hypothèse, consistant à fixer le loyer annuel à un certain montant et à prévoir une franchise dégressive les premières années, la Cour de cassation a précisé que le loyer à prendre en considération pour calculer le montant du loyer plafonné était le loyer annuel initial (Cass. civ. 3, 17 mai 2006, n° 05-11.685, FS-P+B N° Lexbase : A8611DPM).

S'agissant de la seconde hypothèse, soit un loyer dont les augmentations sont prévues à l'avance, les juges du fond avaient considéré dans l'espèce rapportée que la modalité de fixation du loyer par paliers dans le bail faisait obstacle à la règle du plafonnement en l'absence de fixation d'un loyer de base. Retenir une telle solution aurait conduit à admettre que les parties mettent à l'écart la règle du plafonnement en stipulant des loyers à paliers, ce qui était envisageable dès lors que le plafonnement n'est pas une règle d'ordre public et que les parties peuvent prévoir, dès la conclusion du bail, les modalités de fixation du loyer en renouvellement (Cass. civ. 3, 27 octobre 2004, n° 03-15.769, FS-P+B N° Lexbase : A7412DDU).

La Cour de cassation rejette toutefois ce raisonnement (voir déjà en ce sens, CA Paris, 12 octobre 2005, n° 04/12935 N° Lexbase : A7231DYH). Elle affirme, dans son arrêt du 6 mars 2013, non seulement que la fixation du loyer par paliers ne fait pas obstacle au plafonnement, mais également que le loyer de référence qui doit être pris en considération pour calculer le montant du loyer plafonné est le loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d'effet du bail à renouveler.

Les conséquences de cette décision sont favorables au preneur et corrélativement préjudiciables au bailleur si la valeur locative est supérieure au loyer plafond, dans la mesure où le loyer initial est inférieur au loyer que le preneur doit régler une fois le dernier palier atteint, ce qui pourra conduire, sauf motif de déplafonnement ou variation importante des indices à la hausse, à la fixation d'un loyer renouvelé inférieur au loyer annuel acquitté avant le renouvellement. Retenir le loyer initial pour calculer le montant du loyer plafonné peut paraître à cet égard peu conforme aux objectifs de la règle du plafonnement qui ne semble justifiable qu'autant qu'elle prend en compte dans sa globalité le prix que les parties ont entendu fixer.

En présence d'un loyer à paliers ou avec des abattements ou franchises, il est préférable, en tout état de cause, de prévoir dès la rédaction du bail quel loyer les parties entendent prendre en considération pour calculer le montant du loyer plafonné.

Il doit enfin être souligné que la fixation d'un loyer par paliers ne semble pas pouvoir constituer en elle-même un motif de déplafonnement dès lors que la modification du loyer en cours de bail a été prévu dès l'origine (CA Reims, 1ère ch. civ., 13 mars 2006, n° 04/01855 N° Lexbase : A6198DY9).

  • Sur la prescription de l'indemnité d'éviction (Cass. civ. 3, 23 avril 2013, n° 12-15.836, F-D N° Lexbase : A6897KCG)

Solution : la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID) n'est pas soumise à la contestation du droit du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction et le délai de prescription, interrompu par la saisine aux fins d'expertise du juge des référés, recommence à courir à compter du prononcé de l'ordonnance désignant un expert.

Faits : en l'espèce, le propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail avait donné congé au preneur avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction pour le 29 septembre 2006. Par ordonnance du 27 octobre 2006, le juge des référés avait, à la demande du bailleur, désigné un expert pour évaluer le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation. Avant dépôt du rapport de l'expert, le 6 mai 2008, le bailleur avait assigné le preneur pour faire fixer le montant de l'indemnité d'occupation. Par conclusions du 26 février 2009, le locataire avait demandé reconventionnellement le paiement de l'indemnité d'éviction.

Les juges du fond ayant jugé prescrite l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, le preneur s'est pourvu en cassation.

Observations : l'indemnité d'éviction est l'indemnité due, en principe, au locataire qui, pouvant prétendre à un droit au renouvellement, se voit refuser le renouvellement de son bail (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII). L'action en paiement de l'indemnité d'éviction étant fondée sur une disposition du statut des baux commerciaux, elle est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce. Il faut rappeler, à ce titre, qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), et dans la mesure où le congé dans l'espèce rapportée avait été délivré avant cette date, qu'à cette prescription biennale s'ajoutait un délai de forclusion de deux années (C. com., art. L. 145-9, anc. N° Lexbase : L5737AIC et art. L. 145-10, anc. N° Lexbase : L5738AID).

La Cour de cassation avait cependant restreint le champ d'application de la forclusion de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction en l'excluant pour les congés qui, comme en l'espèce, portaient offre de payer une indemnité d'éviction (voir par exemple, Cass. civ. 3, 3 juillet 1984, n° 83-11.500 N° Lexbase : A0793AAM ; Cass. civ. 3, 29 septembre 1999, n° 97-21.171, publié N° Lexbase : A8140AGL). En présence d'un tel congé, l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était soumise à la prescription biennale, même si, dans cette hypothèse, le droit du preneur à une indemnité d'éviction n'était pas contesté (Cass. civ. 3, 31 mai 2007, n° 06-12.907, FS-P+B N° Lexbase : A5133DWZ ; Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-13.962, FS-P+B N° Lexbase : A7288EIR, nos obs., De la prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, Lexbase Hebdo n° 361 du 30 juillet 2009 - édition privée N° Lexbase : N1464BLS).

Il avait été jugé que l'assignation en référé tendant à faire désigner un expert aux fins d'évaluation du montant de l'indemnité d'éviction interrompait le délai de prescription de deux ans et qu'un nouveau délai de deux ans commençait à courir à compter de l'ordonnance de référé désignant l'expert (Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-13.962, FS-P+B, préc. ; Cass. civ. 3, 5 septembre 2012, n° 11-19.200, FS-P+B N° Lexbase : A3644ISR, nos obs. Référé-expertise et prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction, Lexbase Hebdo n° 310 du 27 septembre 2012 - édition affaires N° Lexbase : N3682BTK). Avant la réforme de la prescription en 2008, la Cour de cassation considérait, en effet, que l'effet interruptif résultant d'une action en justice se prolongeait jusqu'à ce que le litige trouve sa solution (Cass. civ. 1, 24 juin 1997, n° 95-15273, publié N° Lexbase : A6570AHS) et que l'instance introduite par une assignation qui ne tend qu'à l'organisation d'une mesure d'instruction en application de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) trouvait sa solution par l'ordonnance de référé qui désigne l'expert judiciaire (Cass. civ. 3, 5 septembre 2012, n° 11-19.200, FS-P+B, préc. et les obs. préc.).

L'arrêt rapporté rappelle ces solutions : l'ordonnance de référé désignant l'expert judiciaire avait été rendue le 27 octobre 2006, faisant courir un nouveau délai de deux ans qui expirait le 27 octobre 2008, soit avant que le preneur effectue un acte susceptible d'interrompre la prescription, à savoir ses conclusions du 26 février 2009, dans lesquelles il a formé une demande reconventionnelle en paiement de l'indemnité d'éviction dans le cadre de l'instance en paiement de l'indemnité d'occupation introduite par le bailleur.

La Cour de cassation écarte donc l'argument du bailleur qui consistait à soutenir qu'en l'absence de signification de l'ordonnance de référé ayant désigné l'expert, l'effet interruptif de l'assignation s'était prolongé au-delà de cette ordonnance. Il est vrai qu'il avait été affirmé que "le délai d'appel et l'appel produisant un effet suspensif, l'interruption de prescription résultant de l'assignation subsiste après le jugement tant que celui-ci n'est pas devenu définitif" (Cass. civ. 2, 29 janv. 1992, n° 90-17.243 N° Lexbase : A3178ACP).

Le régime de la prescription en présence d'une mesure d'expertise a été modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile. Il résulte désormais de l'article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS), dans sa rédaction issue de cette réforme, que "la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription ne recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, qu'à compter du jour où la mesure a été exécutée". Ce nouveau texte n'est pas applicable lorsque l'ordonnance de référé a été rendue avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, même si le délai de prescription n'était pas expiré à cette dernière date (Cass. civ. 3, 5 septembre 2012, n° 11-19.200, FS-P+B, préc. et nos obs. préc.).

  • Sur l'obligation du bailleur de solliciter une autorisation judiciaire pour exécuter aux lieu et place du locataire les travaux rendus nécessaires par un défaut d'entretien (Cass. civ. 3, 23 avril 2013, n° 11-27.798, F-D N° Lexbase : A6976KCD)

Solution : le bailleur ne peut réclamer au preneur le remboursement de travaux rendus nécessaires par un défaut d'entretien sans avoir sollicité préalablement une autorisation judiciaire pour exécuter ces travaux aux lieux et place du locataire.

Faits : en l'espèce, une société à donné à bail des locaux à usage commercial et d'habitation. Elle a assigné la société locataire en condamnation au paiement d'une certaine somme au titre de divers travaux qu'elle avait fait réaliser, en invoquant un manquement de la locataire à son obligation d'entretien de l'immeuble. La bailleresse, déboutée de ses demandes, a formé un pourvoi en cassation.

Observations : les parties au bail commercial sont libres de déterminer, dans une certaine limite, les réparations devant être effectuées ou dont le coût doit être pris en charge par le preneur (Cass. civ. 3, 14 décembre 1988, n° 87-12.636 N° Lexbase : A6761AHU ; Cass. civ. 3, 7 février 1978, n° 76-14214 N° Lexbase : A7236AG4).

En l'espèce, le bail prévoyait que le preneur "aura à sa charge toutes les réparations et réfection de quelque nature qu'elles soient, sans aucune exception, y compris même celles afférent à la toiture et aux gros murs et celles concernant le clos et le couvert". La jurisprudence reconnaît la licéité de telles clauses (Cass. civ. 3, 15 janvier 1971, n° 69-12.547 N° Lexbase : A6631AGP), même si elle y a apportée certaines limites (Cass. civ. 3, 9 juillet 2008, n° 07-14.631, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5449D9P). Le bail stipulait également, au paragraphe "impôts et charges", que le preneur était tenu de s'acquitter de "toutes charges même autre que celles prévues de telle sorte que le loyer soit net pour le propriétaire, sans aucune exception ni réserve". Le bailleur estimait que les travaux qu'il avait effectués incombaient au preneur aux termes de ces clauses.

Toutefois, l'article 1144 du Code civil (N° Lexbase : L1244ABP) dispose que "le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution".

Le bailleur a été débouté de sa demande de remboursement au motif qu'il ne disposait pas de cette autorisation préalable. En outre, le caractère nécessaire de certains travaux n'était pas établi.

La Cour de cassation rejette ainsi l'argumentation du bailleur qui consistait à soutenir que l'application d'une disposition contractuelle relative à la répartition des charges entre le propriétaire et le locataire serait indépendante de la mise en oeuvre de la faculté de remplacement édictée par l'article 1144 du code précité.

Il apparaît ainsi nécessaire, tant au bailleur qu'au preneur qui souhaiterait effectuer des travaux qu'il estime incomber à l'autre partie, d'obtenir préalablement une autorisation judiciaire d'effectuer ces travaux à ses frais avancés s'il entend obtenir ensuite le remboursement de ces derniers.

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Fiscalité internationale

[Le point sur...] Transfert de la France vers l'étranger : incidences sur la fiscalité du patrimoine

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N7027BTG

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par Julie Lamoure, Avocat, Dixit causa

Le 16 Mai 2013

Le départ d'une personne hors de France peut entraîner le transfert de son domicile fiscal à l'étranger. Cela n'est toutefois pas toujours le cas, chaque situation devant s'analyser à la lecture du droit fiscal français et des dispositions des conventions fiscales internationales éventuellement applicables, dans l'hypothèse où un "conflit de résidence" survient.

Le traitement fiscal de chaque catégorie de revenus "professionnels" n'est pas abordé de manière exhaustive dans le présent article, dans la mesure où chaque type de revenu (salariés, dirigeants non salariés, professions indépendantes, enseignants, agents diplomatiques ou consulaires, artistes ou sportifs, étudiants, retraités...) et chaque pays peut comporter des règles fiscales particulières, suivants les dispositions du droit français et des conventions fiscales internationales éventuellement applicables. Au regard de la législation fiscale française et du réseau de conventions fiscales conclues avec la France, il convient de noter qu'il existe trois principales catégories de pays en cas de transfert à l'étranger : les pays de l'Union européenne et les Etats membres de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (Norvège et Islande à l'exception du Liechtenstein), les Etats et territoires non coopératifs (ETNC) et le reste du monde. Pour exemple, les taux d'imposition français applicables en matière de plus-value immobilière pourront être différents selon que le contribuable bénéficiaire réside dans l'une de ces trois catégories de pays.

Conformément à l'article 238-0 A du CGI (N° Lexbase : L3333IGK), sont considérés comme non coopératifs les Etats et territoires non membres de l'Union européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'OCDE et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention.

La liste initiale des Etats et territoires non coopératifs a été fixée par un arrêté du 12 février 2010 (N° Lexbase : L5743IGS). A compter du 1er janvier 2011, la liste desdits Etats est mise à jour au 1er janvier de chaque année (la dernière mise à jour résulte d'un arrêté du 4 avril 2012 N° Lexbase : L7578ISH).

L'étendue de l'imposition française diffère selon que le contribuable est considéré résident ou non-résidentfiscal français.

En effet, conformément à l'article 4 A du CGI (N° Lexbase : L1009HLX), un résident fiscal doit déclarer en France l'ensemble de ses revenus mondiaux, incluant ses revenus professionnels ou privés de source étrangère (sous réserve de l'application des conventions fiscales internationales).

En vertu du même article, un non-résidentfiscal français est soumis à une obligation fiscale limitée. Il est imposable sur ses seuls revenus de source française, tels que définis à l'article 164 B du CGI (N° Lexbase : L3278IGI) (et imposables en France en vertu des conventions fiscales internationales).

Chaque pays a sa propre législation et notamment ses propres critères de détermination de la résidence fiscale.

Si un salarié est considéré domicilié en France en vertu de l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY), il peut, dans le même temps, être considéré comme domicilié dans un autre pays, en vertu de la législation interne dudit pays.

Dans un tel scénario, il conviendra de se référer à la convention fiscale éventuellement conclue entre l'Etat de résidence et l'Etat d'exercice de l'activité, afin de trancher le conflit de résidence

En tout état de cause, un transfert d'une personne emporte des conséquences particulières au regard de sa fiscalité personnelle et patrimoniale.

Toutefois, les enjeux peuvent être différents selon qu'il y a ou non transfert du domicile fiscal hors de France, et les commentaires ci-après concernent les contribuables considérés non-résidents fiscaux français à la suite de leur départ de France, situation la plus communément considérée.

I - L'impôt de solidarité sur le fortune des non-résidents

Par principe, les non-résidents peuvent être assujettis à l'ISF, dans les conditions définies ci-après.

A - L'appréciation de la qualité de non-résident

Les critères de domiciliation fiscale, prévus à l'article 4 B du CGI sont les mêmes en matière d'impôt sur le revenu qu'en matière d'ISF.

Toutefois, les périodes de référence pour appliquer les critères précités sont différentes concernant ces deux impositions.

L'administration fiscale précise en effet que, en matière d'ISF, qui taxe un patrimoine au 1er janvier de l'année, date du fait générateur de l'impôt, la territorialité est appréciée uniquement à cette date.

La Cour de cassation a eu l'occasion de confirmer cette analyse, à savoir que le domicile fiscal s'apprécie au 1er janvier de chaque année d'imposition, date du fait générateur de l'impôt, et que le changement de domicile en cours d'année ne peut avoir une influence qu'au titre de l'ISF dû au 1er janvier de l'année suivante (Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-23.136, F-D N° Lexbase : A5193HUU).

B - Les particularités propres aux non-résidents

L'article 885 A du CGI (N° Lexbase : L0138IWZ) précise que sont soumises à l'ISF, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à 1 300 000 euros, "les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France".

De même que pour les contribuables fiscalement domiciliés en France, les conditions d'assujettissement à l'ISF sont appréciées au 1er janvier de chaque année.

L'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables à l'ISF dont le contribuable non-résidentest propriétaire (CGI, art. 885 E N° Lexbase : L8780HLR).

Selon l'administration fiscale, le périmètre des biens français soumis à l'ISF est le même qu'en matière de mutations à titres gratuit, suivant les dispositions de l'article 750 ter, 2° du CGI (N° Lexbase : L9528IQX) (BOI-PAT-ISF-20-10-30, n° 30 N° Lexbase : X6218ALU).

Par ailleurs, l'article 14 de la première loi de finances rectificative pour 2011 (loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L0278IRQ) a aménagé les règles de territorialité qui figurent à l'article 750 ter du CGI, afin de les étendre aux biens ou droits composant un trust, y compris les produits capitalisés.

Les biens français au regard de l'ISF sont principalement : les biens meubles ayant une assiette matérielle en France, ainsi que les immeubles ou droits réels immobiliers possédés directement ou indirectement en France, et les créances détenues sur un débiteur domicilié en France.

C - L'exonération des placements financiers

En application de l'article 885 L du CGI (N° Lexbase : L8815HL3), les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers.

1 - Le champ d'application des placements financiers

L'administration fiscale considère que les placements financiers comprennent l'ensemble des placements effectués en France par une personne physique et dont les produits de toute nature (sauf les gains en capital) relèvent ou relèveraient de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Il s'agit notamment des dépôts à vue ou à terme en euros ou en devises, des comptes courants d'associés détenus dans une société ou une personne morale qui a en France son siège social ou le siège de sa direction effective, des bons et titres de même nature, obligations, actions et droits sociaux, des contrats d'assurance-vie ou de capitalisation souscrits auprès de compagnies d'assurances établies en France (BOI-PAT-ISF-30-40-50 n° 40 N° Lexbase : X9188ALU).

2 - Les titres n'ayant pas le caractère de placement financier

a - Les titres représentatifs d'une participation

L'administration fiscale considère comme tels les titres qui permettent d'exercer une certaine influence dans la société émettrice (BOI-PAT-ISF-30-40-50).

Sont ainsi présumés comme des titres de participation, les titres qui représentent au moins 10 % du capital d'une entreprise. Cette qualité n'est présumée que lorsque les titres ont été soit souscrits à l'émission, soit conservés pendant un délai de deux ans minimum.

Au surplus, la preuve que les titres détenus dans ces conditions ne sont pas des titres de participation peut, en toute hypothèse, être rapportée par le redevable.

Par ailleurs, dans le cas où l'administration est amenée à constater qu'afin de conférer l'apparence de valeurs étrangères à des titres de participation détenus dans des sociétés françaises par des non-résidents et permettre ainsi à ceux-ci d'échapper à l'ISF, une société holding détenant essentiellement une ou des participations dans des sociétés françaises lui assurant le contrôle de celles-ci, a été installée à l'étranger, elle est en droit, sur le fondement de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU), de considérer comme françaises les parts de la holding en cause.

b - Les actions ou parts détenues par des non-résidents dans une société dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français

En application des dispositions du second alinéa de l'article 885 L du CGI, les actions ou parts détenues par des non-résidents dans une société ou personne morale française ou étrangère dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits réels immobiliers situés sur le territoire français ne sont pas considérées comme des placements financiers, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société.

Elles sont donc comprises dans l'assiette de l'ISF à concurrence de la proportion existant entre la valeur des immeubles situés sur le territoire français et celle de l'actif social total situé tant en France qu'à l'étranger.

Conformément à la documentation fiscale précitée, sont considérées comme françaises les actions et parts de sociétés ou personnes morales non cotées en bourse dont le siège est situé hors de France et dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce, à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société (BOI-PAT-ISF-30-40-50).

Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les immeubles situés sur le territoire français et affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale (BOI-PAT-ISF-20-10-30, n° 20).

D'une part, pour déterminer si la société est à prépondérance immobilière, il convient de comparer à la valeur totale de l'actif social situé en France la valeur des immeubles et droits réels immobiliers appartenant à la société et situés dans notre pays, autres que les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale.

Si la valeur des immeubles situés en France représente plus de 50 % de la valeur de l'actif social situé en France, la société est à prépondérance immobilière. Elle ne l'est pas dans l'hypothèse inverse.

D'autre part, les titres ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger, ni figurer au marché Alternext.

Cette règle comporte une exception en ce qui concerne les sociétés immobilières pour le commerce et industrie (SICOMI). En effet, il convient de considérer que les titres de SICOMI non cotés sont assimilés à des titres cotés.

3 - Les immeubles ou droits immobiliers détenus indirectement

Les actions, parts ou droits permettant à des non-résidents de détenir indirectement des immeubles ou droits immobiliers sont soumis à l'ISF.

Deux conditions principales doivent être réunies pour ne pas considérer ces actions, parts ou droit comme des placements financiers :
- d'une part, la société doit détenir à son actif un ou plusieurs immeubles (ou droit(s) immobilier(s)) situés en France qui ne sont pas affectés à sa propre exploitation ;
- d'autre part, le non-résident doit détenir directement ou indirectement plus de la moitié des actions, parts ou droits de cette société.

L'administration a précisé qu'il n'est pas nécessaire de rechercher, à cet égard, si la personne morale ou l'organisme est à prépondérance immobilière ou non.

D - La suppression de la possibilité pour un non-résident d'utiliser une société civile immobilière (SCI) pour échapper à l'ISF

Avant la première loi de finances rectificative pour 2011, précitée, les non-résidents avaient la possibilité de se soustraire au paiement de l'ISF grâce à l'utilisation d'une SCI.

Le mécanisme était le suivant : une société civile immobilière achète la ou les habitations du non-résident associé. Pour ce faire, l'associé non-résident versait une part minimum du prix d'acquisition dans le capital de la société, le reste se trouvant dans un compte courant d'associé. L'achat de l'immeuble était donc largement financé par le compte courant d'associé, et la société s'était alors endettée auprès de son associé, qui détient de ce fait une créance sur elle.

Cet associé échappait à l'ISF puisque seules les parts d'une SCI faisaient partie des biens susceptibles d'être imposés à ce titre (ceux-ci ayant une faible valeur, le non-résident de dépassait pas le seuil d'imposition à l'ISF), tandis que les comptes courants d'associés étaient considérés comme des placements financiers donc exclus de la base de calcul de l'ISF.

A compter du 1er janvier 2012, l'article 885 T ter du CGI (N° Lexbase : L8905IQU) prévoit que les créances détenues par des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France sur une société à prépondérance immobilière ne sont pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que ces personnes détiennent dans la société.

Ces dispositions sont applicables que les créances soient détenues directement ou par l'intermédiaire de sociétés interposées.

Par conséquent, les créances détenues par l'associé non-résidentau titre du compte courant d'associé doivent être prises en compte pour le calcul de l'ISF.

II - Incidence de la détention d'immeubles en France

A - Le principe : imposition liée à l'immeuble détenu en France

L'article 164 C du CGI (N° Lexbase : L2839HLQ) prévoit que les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt.

La doctrine administrative est venue préciser que l'article 164 C du CGI s'applique aux personnes domiciliées dans un Etat non lié à la France par une convention fiscale (D. adm. 5 B 7121).

Concernant les résidents de Monaco, l'administration a, par ailleurs, accordé une exonération par résidence secondaire située en France, à la condition que ladite résidence soit localisée dans la région Provence-Alpes Côte d'Azur. Cette exonération concerne les nationaux monégasques et les nationaux français titulaires du certificat de domicile à Monaco.

B - Exonérations envisageables

Le deuxième alinéa de l'article 164 C du CGI prévoit deux possibilités d'exonération :
- les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas aux contribuables de nationalité française qui justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu'ils auraient à supporter en France sur la même base d'imposition.
- De même, elles ne s'appliquent pas, l'année du transfert du domicile fiscal hors de France et les deux années suivantes, aux contribuables de nationalité française qui justifient que ce transfert a été motivé par des impératifs d'ordre professionnel et que leur domicile fiscal était situé en France de manière continue pendant les quatre années qui précèdent celle du transfert.

Le non-résident doit détenir la nationalité française. L'administration fiscale a, de même, admis que l'exonération s'applique aux nationaux des pays ou territoires ayant conclu avec la France un accord de réciprocité comportant une clause d'égalité de traitement fondée sur la nationalité applicable en matière d'impôt sur le revenu.

C - Les taxes locales liées à la détention d'un immeuble

Un non-résident propriétaire d'un immeuble en France est redevable des impôts locaux tout comme les résidents, notamment la taxe d'habitation et la taxe foncière ou, s'il y a lieu, la taxe sur les logements vacants.

Les règles d'exigibilité et de calcul de ces taxes peuvent être modifiées compte tenu d'un transfert hors de France.

1 - Taxe d'habitation

Dans le cas où l'immeuble est loué au premier janvier de l'année, la taxe d'habitation est en principe due par le locataire, occupant du logement.

Toutefois, lorsque l'immeuble n'est pas loué, le propriétaire est en principe tenu de régler la taxe d'habitation même si, en tant que non-résident, il n'occupe jamais le logement. Dans ce cas, la taxe d'habitation serait due au titre d'une résidence secondaire (et le montant final peut s'en trouver impacté), la résidence principale du contribuable n'étant par définition plus localisée en France.

2 - Taxe foncière

En tant que non-résident propriétaire d'un immeuble, celui-ci reste soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties (CGI, art. 1399 N° Lexbase : L9951HL7). Contrairement à la taxe d'habitation, le propriétaire est seul redevable de cette taxe, peu important que le logement soit loué ou vacant.

3 - Taxe sur les logements vacants

L'article 232 du CGI (N° Lexbase : L0143IW9) prévoit une taxe assise sur les logements qui ne sont pas occupés depuis plus de deux ans au premier janvier de l'année d'imposition.

Cette taxe n'est toutefois pas appliquée par toutes les communes. En effet, selon l'article précité, cette taxe est applicable dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant.

Toutefois, les communes dans lesquelles cette taxe ne s'applique pas gardent la possibilité de voter l'application d'une telle taxe concernant les logements vacants depuis plus de cinq années au 1er janvier de l'année d'imposition.

La loi de finances pour 2013 (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7971IUR) modifie par ailleurs quelque peu le régime de taxation sur les logements vacants.

En effet, l'article 1407 du CGI (N° Lexbase : L1121ITP) prévoyant, sous certaines conditions, l'application de la taxe d'habitation aux logements vacants prévoit, désormais, que les logements y sont assujettis s'ils ont été vacants pendant deux années consécutives (au lieu de cinq années précédemment).

Le régime de la taxe sur les logements vacants et sur les friches commerciales a également été réformé à cette occasion.

Les nouvelles mesures sont applicables à compter de 2013 concernant les locaux d'habitation et de 2014 concernant les locaux commerciaux (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, art. 16, 83 et 106).

III - Imposition des plus-values immobilières

A - Le principe : la vente d'immeuble en France (CGI, art. 244 bis A N° Lexbase : L0108IWW)

Selon l'article 164 B du CGI, est considérée comme un revenu de source française, la plus-value réalisée lors de la cession d'un bien immobilier situé en France.

Les modalités de calcul des plus-values sont les mêmes que pour les personnes domiciliées en France, seul le taux d'imposition ainsi que les exonérations envisageables changent.

1 - Taux d'imposition

Le taux d'imposition de droit commun est fixé par l'article 244 bis A du CGI par renvoi à l'article 219 du CGI (N° Lexbase : L0156IWP) et s'élève à 33,1/3 %.

Toutefois, ce taux peut être ramené à 19 % lorsque la plus-value est réalisée par des personnes non-résidentes de France ayant transféré leur domicile dans un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Le taux peut être porté à 75 % (antérieurement fixé à 50 %), lorsque les plus-values sont réalisées par les personnes ou organismes domiciliés, établis ou constitués hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI.

2 - Nouvelles dispositions concernant les prélèvements sociaux

La loi de finances rectificative pour 2012, du 16 août 2012 (loi n° 2012-958 N° Lexbase : L9357ITQ), prévoit, par ailleurs, que les personnes physiques domiciliés hors de France sont redevables des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à raison des plus-values immobilières de source française (taux actuel de 15,5 %).

B - Exonération spécifique aux non-résidents (CGI, art. 150 U, II, 2° N° Lexbase : L5179IRA)

L'article 150 U, II, 2° du CGI prévoit une exonération spéciale pour les non-résidents qui réalisent une plus-value à l'occasion d'une cession d'immeuble d'habitation en France.

Pour pouvoir prétendre à l'application de cette exonération, le non-résident doit répondre à certaines conditions :
- il doit avoir transféré son domicile fiscal dans un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;
- le non-résident doit être en mesure de justifier qu'il était fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession ;
- le bien vendu doit constituer l'habitation en France du contribuable non-résident qui doit en avoir la libre disposition au moins depuis le 1er janvier de l'année précédant l'année de la cession. Cette libre disposition du bien s'entend de la possibilité pour le cédant de pouvoir occuper le logement à tout moment ;
- l'exonération ne peut s'appliquer qu'une seule fois.

IV - Les prélèvements sociaux

A la suite de la loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-958 du 16 août 2012), les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France sont désormais assujetties aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à raison de leurs revenus fonciers ou de leurs plus-values immobilières de source française.

Les prélèvements sociaux (CSG, CRDS et autres contributions additionnelles) s'élèvent à 15,5 % au jour de la rédaction de cet article.

A - Les revenus fonciers

Ces revenus sont visés à l'article 164 B du CGI et concernent plus généralement les revenus provenant de location d'immeubles situés en France.

Lorsqu'ils sont perçus par un non-résident, lesdits revenus sont soumis, d'une part, au barème progressif de l'impôt sur le revenu français (avec application du taux minimum de 20 % spécifique aux non-résidents fiscaux français), et d'autre part, aux contributions sociales additionnelles (taux actuel de 15,5 %).

B - Les plus-values immobilières

De même, lorsqu'un non-résident décide de céder une ou des habitations qu'il possède en France, la plus-value immobilière sera, d'une part, imposée par prélèvement d'impôt selon un taux d'imposition déterminé en fonction du lieu du domicile fiscal du contribuable et, d'autre part, soumise aux prélèvements sociaux au taux actuel de 15,5 %.

V - Arsenal législatif : "exit tax"

La particularité de ce dispositif est qu'il concerne spécialement les personnes qui ont décidé de transférer leur domicile fiscal hors de France.

L'article 167 bis du CGI (N° Lexbase : L0127IWM), créé par la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 impose à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux certaines plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits.

Les personnes concernées : cette imposition ne concerne que les non-résidents au sens de l'article 4 B du CGI qui ont été fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix dernières années précédant le transfert du domicile à l'étranger.

Les titres concernés : ce sont les valeurs mobilières, les droits sociaux et titres cités aux articles 118 du CGI, 1° (N° Lexbase : L2103HLH) et 120 du CGI, 6° et 7° (N° Lexbase : L9527IQW), et des droits portant sur ces valeurs ainsi que des titres représentatif de ces valeurs.

Les seuils de détention : ces titres sont imposables lorsqu'au moment du transfert à l'étranger, le redevable détient, avec les membres de son foyer fiscal,

  • une participation directe ou indirecte d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux de la société ;
  • ou une ou plusieurs participations directes ou indirectes dans des sociétés atteignant la somme de 1,3 million d'euros.

Le montant de la plus-value latente : elle est déterminée grâce à la différence entre la valeur des titres à la date du transfert de domicile hors de France et le prix payé par le contribuable au moment de l'acquisition du titre.

Abattement : le montant de cette plus-value peut être réduite d'un abattement pour durée de détention dans les conditions de l'article 150-0 D ter du CGI (N° Lexbase : L0129IWP).

Taux d'imposition : les plus-values latentes seront taxées en vertu du barème progressif de l'impôt sur le revenu, auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 15,5 %.

Les possibilités d'un sursis de paiement : normalement, l'impôt est immédiatement exigible ; pourtant le redevable peut bénéficier d'un sursis de paiement. Le sursis est de droit lorsque le contribuable transfert son domicile fiscale dans un pays de l'Union européenne ou en Norvège ou en Islande. Le sursis est sur option lorsque le contribuable transfère son domicile dans un Etat autre que ceux mentionné pour le sursis de droit. Ce sursis de paiement est alors octroyé lorsque le contribuable déclare les plus-values imposables, désigne un représentant fiscal établi en France et constitue des garanties auprès du service des impôts des particuliers non-résidents. Le sursis de paiement a pour effet de suspendre l'exigibilité de l'impôt.

Dégrèvement et restitution de l'impôt : l'impôt sur le revenu qui avait été constaté au titre des plus-values latentes lors du départ de France est dégrevé d'office ou restitué au non-résident à l'expiration d'un délai de huit ans à la suite du transfert, si les titres sont restés dans le patrimoine du contribuable. Toutefois, les prélèvements restent dus.

La troisième loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7970IUQ) modifie le régime de l'"exit tax" prévu à l'article 167 bis du CGI, principalement concernant les transferts de domicile hors de France à compter du 1er janvier 2013.

A la suite de la réforme du régime d'imposition des plus-values de valeurs mobilières entérinée par la loi de finances pour 2013, le régime d'imposition des plus-values latentes en cas de transfert de domicile hors de France est adapté.

Les plus-values latentes prévues à l'article 167 bis du CGI sont réduites de l'abattement pour durée de détention applicable aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013 et soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. A cette fin, le transfert du domicile fiscal est assimilé à une cession à titre onéreux.

Entre autres dispositions, la loi précise également le montant de la garantie devant être constituée en cas de demande de sursis de paiement (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, art. 22).

VI - Les comptes bancaires détenus par les non-résidents

A - Détention de comptes et placements en France

1 - Les comptes pouvant être conservés

A la suite d'un départ à l'étranger ayant entraîné transfert du domicile fiscal hors de France, le contribuable non-résident peut garder certains de ses comptes et placements ouverts en France (livret A et B, plans d'épargne logement, contrats d'assurance-vie ou contrats de capitalisation, etc.).

Le contribuable doit en principe informer l(es)' établissement(s) bancaire(s) français de son changement de domicile fiscal, afin qu'il soit tenu compte de son statut de non-résident fiscal français et que le(s) compte(s) bancaire(s) français soient gérés en conséquence.

Les revenus distribués par une société française à un non-résident fiscal français font, en principe, l'objet d'une retenue à la source. Le taux applicable, tel que défini à l'article 187 du CGI (N° Lexbase : L0113IW4), varie de 15 % à 30 % selon la nature du revenu.

La loi française prévoit toutefois certains cas d'exonération de retenue à la source, notamment concernant les dividendes versés à une société mère établie dans un Etat de l'Union européenne si les conditions légales sont réunies (CGI, art. 199 ter N° Lexbase : L0476IPC). Les conventions fiscales peuvent également prévoir des réductions, voire des suppressions des taux de retenue à la source applicables en France.

En outre, donnent lieu à une retenue à un taux majoré s'élevant à 75 %, certains produits payés dans un Etat ou territoire non coopératif (CGI, art. 187).

2 - Les comptes pouvant soulever difficulté

Certains comptes ne peuvent toutefois être détenus que par des résidents fiscaux français et doivent donc, en principe, être clôturés en cas de transfert de domicile fiscal hors de France (tels les livrets de développement durable, le livret jeune ou les livrets d'épargne populaire...).

Selon une instruction du 3 mars 1993, le transfert du domicile fiscal à l'étranger entraîne la clôture du plan d'épargne en actions (PEA) (BOI 5 I-1-93 N° Lexbase : X0568AAB).

Toutefois, par un arrêt du 2 juin 2006 (CE 3° et 8° s-s-r., 3 juin 2006, n° 275416, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7263DPP), le Conseil d'Etat n'a pas fait application des dispositions des instructions administratives prévoyant l'assujettissement aux prélèvements sociaux (notamment CSG/CRDS sur les revenus du patrimoine) du gain net résultant de la clôture immédiate d'un PEA de plus de cinq ans dans le cadre du transfert du domicile fiscal de leur détenteur hors de France.

Afin de tenir compte de cet arrêt, et de se conformer au droit communautaire, une instruction du 8 mars 2012 prévoit désormais que le transfert hors de France du domicile fiscal du titulaire d'un PEA n'entraîne plus la clôture automatique du plan, peu importe que le domicile soit transféré dans un Etat membre de l'Union européenne ou non (instruction du 8 mars 2012, BOI 5 I-3-12 N° Lexbase : X2005AKH).

La seule exception étant toutefois le cas du transfert du domicile fiscal dans un ETNC tel que défini à l'article 238-0 A du CGI.

B - Transfert de fonds de ou vers l'étranger

Conformément à l'article L. 152-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1153IWM), les personnes physiques qui transfèrent vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, d'un établissement de monnaie électronique, ou autre établissement de paiement, doivent en faire la déclaration pour chaque transfert, à l'exclusion des transferts dont le montant unitaire est inférieur à 10 000 euros.

Outre l'amende prévue en matière douanière, l'article 1649 quater A CGI (N° Lexbase : L4680ICC) prévoit que, lorsque l'obligation déclarative n'a pas été respectée, les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.

Un décret du 23 octobre 2012 (décret n° 2012-1182 du 23 octobre 2012, modifiant les livres Ier et VII de la partie réglementaire du Code monétaire et financier N° Lexbase : L2536IUH) a, par ailleurs, récemment précisé les modalités de la déclaration devant être établie en cas de transfert de fonds en provenance ou à destination de l'étranger, en vertu des dispositions du Code monétaire et financier.

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Pénal

[Jurisprudence] La médiation pénale, entre droit pénal et droit civil

Réf. : Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 02-13.672, F-P+B (N° Lexbase : A2728DBN)

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N7029BTI

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par Romain Ollard, Maître de conférences à l'université Montesquieu - Bordeaux IV, Institut de sciences criminelles et de la justice (ISCJ : EA 4601)

Le 16 Mai 2013

Procédure reposant sur l'accord de tous les intéressés, parquet y compris, la médiation pénale, forme de réconciliation par le dialogue, participe d'une forme de "justice restaurative" au sein de laquelle les personnes concernées par une infraction, auteur et victime, décident ensemble de la réaction à apporter à l'infraction, sous le contrôle d'un tiers habilité par la Justice pénale (1). Objet de nombreux espoirs, invitant à repenser la manière de concevoir le procès pénal, la médiation pénale demeure, aujourd'hui encore, un "objet juridique mal identifié" (2), ce dont témoigne encore un arrêt récent du 10 avril 2013, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, qui qualifie expressément le contenu de la médiation pénale de transaction, soumise en tant que telle, indépendamment de ses conséquences pénales, au droit civil de l'exécution forcée. Le développement des alternatives aux poursuites. Nées de la pratique des parquets, qui ne voulaient pas se laisser enfermer dans l'option binaire entre poursuites et classement sans suite, les alternatives aux poursuites furent légalisées, à titre expérimental, par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 (N° Lexbase : L8015H3A). La loi n° 99-515 du 23 juin 1999, renforçant l'efficacité de la procédure pénale (N° Lexbase : L2004ATE), rationnalisa et institutionnalisa la figure des alternatives aux poursuites pénales en instituant notamment la médiation pénale et en créant la composition pénale. Ces procédures alternatives aux poursuites constituent donc désormais une "troisième voie", alternative, entre le classement sans suite "sec" et les poursuites, destinées à traiter les infractions d'une gravité relative sans saisir pour autant les tribunaux, déjà encombrés. Ces "circuits de dérivation", qui impliquent une forme de déjudiciarisation du droit pénal, ont pour point commun de reposer sur le consentement des parties et participent donc d'une certaine forme de justice pénale négociée. Essentiellement développées pour alléger la charge des tribunaux et permettant le cas échéant une indemnisation plus rapide des victimes, les alternatives aux poursuites ont connu ces dernières années un développement quantitatif considérable (3).

Les différentes procédures alternatives aux poursuites. Plusieurs procédures alternatives aux poursuites sont prévues aux articles 41-1 (N° Lexbase : L7207IMU) et 41-2 (N° Lexbase : L3348IQ3) du Code de procédure pénale qui peuvent être distinguées selon leur finalité et leur objet. Tandis que le premier texte comprend des mesures de type réparatrices, le second ne vise que la seule composition pénale qui comprend pour sa part des mesures exclusivement punitives (4).

Les mesures réparatrices de l'article 41-1. S'agissant des seules mesures réparatrices, le procureur de la République peut ainsi, aux termes de l'article 41-1 du Code de procédure pénale, préalablement à sa décision sur l'action publique, procéder à un "rappel à la loi" (1°) ; orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, pouvant consister notamment dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un stage ou d'une formation (2°) ; demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements (3°) ; lui demander à de réparer le dommage résultant des faits (4°) ; ou enfin faire procéder à une mission de médiation pénale entre l'auteur et la victime (5°).

Objet de la médiation pénale. Mesure phare de l'article 41-1 du Code de procédure pénale, puisée dans la pratique des procureurs qui l'avaient expérimenté grâce à la figure des classements sans suite sous condition, la médiation pénale, conduite sous l'égide d'un tiers -le médiateur du procureur (5)-, est envisagée lorsque les poursuites n'apparaissent pas, compte tenu des relations entre l'auteur et la victime, comme le meilleur moyen de prévenir la réitération de l'infraction. Quoique le texte n'en dise mot, le recours privilégié à la médiation pénale se situe en effet dans le domaine des relations suivies entre l'auteur et la victime, dans les rapports de famille, de voisinage ou de travail, notamment lorsque l'auteur et la victime sont amenés à se côtoyer après l'infraction, de sorte que la médiation consensuelle paraît préférable à des poursuites pénales qui crispent nécessairement les relations à venir.

Finalités et domaine de la médiation pénale. Aussi la médiation pénale a-t-elle un objet strictement défini quant à ses finalités. Comme les autres mesures prévues à l'article 41-1 du Code de procédure pénale, le procureur de la République peut y recourir s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, ces différentes finalités n'étant plus désormais, depuis la loi du 23 juin 1999, cumulatives. Contrairement à la composition pénale dont le champ d'application est restreint aux seuls délits punis d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans ou à certaines contraventions, le domaine de la médiation pénale n'est nullement limité quant aux infractions. Toutefois, au regard des finalités énumérées par la loi, seules les infractions de gravité relative semblent pouvoir donner lieu à médiation, à l'exclusion des crimes, ainsi que semble venir le confirmer la pratique (6).

Issue de la médiation. Quant à l'issue de la médiation, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 (N° Lexbase : L1768DP8) est venue légaliser une pratique consistant pour le procureur de la République ou le médiateur, en cas de réussite de la médiation, à en dresser procès-verbal, signé du procureur et des parties. Ce procès-verbal constitue en quelque sorte la charte des obligations devant être respectées par l'agent, charte qui conditionne la réussite ou l'échec de la médiation.

Succès de la médiation : exécution des mesures. Si l'article 41-1 du Code de procédure pénale érige la médiation en cause de suspension de l'action publique, cet article ne prévoit pas que la bonne exécution des mesures imposées à l'auteur des faits emporte extinction de l'action publique. D'ailleurs, ni la médiation pénale, ni les autres mesures prévues par l'article 41-1 ne sont visées par l'article 6 du code (N° Lexbase : L9881IQZ) parmi les causes d'extinction de l'action publique. En théorie, l'auteur n'est donc pas à l'abri de poursuites ultérieures pour les mêmes faits, ainsi qu'en témoigne un arrêt du 21 juin 2011 (7). Sans doute, l'exercice de poursuites ultérieures ne tombent-elles pas sous le coup de la règle non bis in idem dès lors que la médiation a une finalité réparatrice là où l'action publique vise au prononcé d'une peine (8). Il n'en demeure pas moins gênant qu'un individu puisse être poursuivi alors qu'il a consciencieusement accompli les obligations auxquelles il était astreint en vertu de la médiation ; malgré la finalité réparatrice des mesures, il y a là une distorsion avec le régime de la composition pénale peu justifiable, laquelle, si elle est exécutée, éteint l'action publique (9).

Echec de la médiation : non-exécution de la mesure. Assez fréquente à en croire les praticiens (10), l'inexécution des obligations définies par le procès-verbal de médiation génère une double réaction, à la fois civile et pénale.

Suites pénales de l'inexécution. Au plan pénal, la loi du 9 mars 2004 décide qu'en cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, "met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites". De la même manière qu'en cas de non respect des obligations afférentes à la mesure de composition pénale (11), pour laquelle le procureur est tenu de mettre en mouvement l'action, le pouvoir d'opportunité des poursuites est donc, ici aussi, bridé : pouvant seulement opter pour une composition pénale ou des poursuites, à l'exclusion d'un classement sans suite, le procureur de la République a une compétence liée pour sanctionner la non-exécution des mesures négociées. Décidée par le procureur "préalablement à sa décision sur l'action publique", la médiation pénale ne fait donc que "différer" les poursuites (12) en fonction de la réussite ou de l'échec de la mesure, échec pouvant être d'autant plus préjudiciable pour l'auteur des faits que les déclarations faites au cours de la médiation pourront être utilisées contre lui, la médiation postulant implicitement la culpabilité de l'agent (13).

Suites civiles de l'inexécution. Au plan civil, la loi du 9 mars 2004 a prévu, afin de garantir l'exécution des mesures de médiation, que si l'auteur s'est engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, en se fondant sur le procès-verbal de médiation, en demander le recouvrement selon la procédure d'injonction de payer telle que prévue par le Code de procédure civile.

Décision du 10 avril 2013. C'est précisément dans ce contexte qu'est intervenu un arrêt du 10 avril 2013 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation (14). A la suite d'une plainte pour violences et extorsion de fonds déposée par une femme contre son concubin, ceux-ci avaient signé, à l'occasion d'une médiation pénale, un procès-verbal aux termes duquel, en contrepartie de la renonciation de la concubine à sa plainte, l'auteur des faits s'obligeait à lui verser une certaine somme, "toutes causes de préjudices confondues", à prendre en charge deux crédits bancaires et à annuler une reconnaissance de dette qu'elle lui avait consentie. Condamné en appel à exécuter l'ensemble de ses engagements, l'auteur des faits forma un pourvoi en cassation. Ce pourvoi est rejeté par la première chambre civile au motif que "le procès-verbal établi et signé à l'occasion d'une médiation pénale, qui contient les engagements de l'auteur des faits incriminés, pris envers sa victime en contrepartie de la renonciation de celle-ci à sa plainte et, le cas échéant, à une indemnisation intégrale, afin d'assurer la réparation des conséquences dommageables de l'infraction et d'en prévenir la réitération par le règlement des désaccords entre les parties, constitue une transaction qui, en dehors de toute procédure pénale, tend à régler tous les différends s'y trouvant compris et laisse au procureur de la République la libre appréciation des poursuites en considération du comportement du mis en cause". Inédite quant à la qualification de transaction retenue à l'endroit du contenu de la médiation pénale, cette décision est particulièrement digne d'intérêt, tant au regard du domaine de la médiation qu'au regard des conséquences -civiles et pénales- de l'inexécution des engagements en résultant.

Extension de l'objet de la médiation pénale au-delà de la seule réparation du dommage résultant des faits. En premier lieu, le demandeur au pourvoi faisait valoir que la médiation pénale ne peut contenir que le seul engagement de l'auteur de réparer le préjudice résultant de l'infraction de sorte qu'en retenant que la mesure pouvait avoir pour objet des actes totalement étrangers à l'infraction (annulation d'une reconnaissance de dettes antérieure aux faits, prise en charge de divers crédits), la cour d'appel aurait violé l'article 41-1 du Code de procédure pénale. Quoi que pertinent en apparence, l'argument n'en était pas moins pas moins voué à l'échec en ce qu'il procédait d'une confusion entre deux mesures prévues par l'article 41-1 du code, la médiation pénale (5°), d'une part, et la réparation du dommage résultant des faits (4°), d'autre part. En effet, si cette dernière mesure implique une réparation pécuniaire des conséquences de l'infraction par l'auteur, ce qui postule un lien de corrélation entre la somme remise à la victime et les faits commis ("réparer le dommage résultant des faits"), l'objet de la médiation pénale est plus large, pouvant consister aussi bien en une satisfaction matérielle qu'en une satisfaction morale de la victime (15). Aussi bien, cette extension de l'objet de la médiation pénale au-delà de la seule réparation du dommage résultant des faits apparaît conforme aux finalités dégagées par l'article 41-1 du Code de procédure pénale puisque si la mesure peut avoir pour objet d'assurer la réparation du dommage causé à la victime ou de mettre fin au trouble résultant de l'infraction, elle peut encore "contribuer au reclassement de l'auteur des faits", ces différentes finalités n'étant plus cumulatives. Or, l'engagement à des actes étrangers à l'infraction, comme tel était le cas en l'espèce, peut parfaitement, sinon réparer les conséquences de l'infraction, du moins participer du reclassement de l'auteur des faits. Ainsi comprend-t-on que la Chambre criminelle ait pris le soin de préciser que la médiation avait pour objet en l'espèce d'assurer non seulement la réparation des conséquences dommageables de l'infraction mais encore d'en prévenir la réitération par le règlement des désaccords entre les parties.

La dualité de régime de la médiation pénale. En second lieu, et c'est là l'apport essentiel de la solution, la Cour de cassation qualifie expressément les engagements, contenus dans le procès-verbal de médiation, de transaction au sens de l'article 2044 du Code civil, soumise en tant que telle aux règles du droit civil de l'exécution. L'intérêt de la qualification de transaction est considérable car si la loi du 9 mars 2004 prévoit que la victime peut demander le recouvrement des dommages et intérêts consentis dans la médiation selon la procédure d'injonction de payer telle que prévue par le Code de procédure civile, cette procédure est inapte à garantir l'exécution des engagements autres que des dommages et intérêts. La qualification de transaction permet ainsi de garantir l'exécution de toutes les mesures de médiation, qu'il s'agisse de dommages et intérêts ou, comme en l'espèce, d'engagements de nature différente. La médiation pénale emporte ainsi deux sortes de conséquences autonomes, les unes de nature pénale relative à l'action publique, les autres de nature civile justifiant l'exécution forcée de la transaction en découlant. Du point de vue de l'action publique d'une part, la médiation pénale "laisse au procureur de la République la libre appréciation des poursuites en considération du comportement du mis en cause" ; du point de vue du droit civil, le contenu de la médiation pénale est qualifié de transaction dotée d'une force obligatoire en vertu de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), qui "en dehors de toute procédure pénale", tend à régler tous les différends s'y trouvant compris, justifiant l'exécution forcée de la transaction. Ainsi en l'espèce, indépendamment de la décision du procureur de la République quant à l'exercice de l'action publique, la cour d'appel pouvait-elle décider de condamner l'auteur des faits à exécuter la transaction dès lors qu'il n'avait pas justifié s'être libéré de ses engagements ni n'avait établi que la victime y eût renoncé.

Garanties procédurales et justice négociée. L'espèce invite implicitement à s'interroger sur le point de savoir si la médiation pénale, qui peut emporter des conséquences pécuniaires importantes, est entourée de garanties suffisantes, en l'absence d'intervention juridictionnelle, que ce soit quant à l'exercice des droits de la défense ou quant à l'intégrité du consentement de celui à qui est proposé une mesure de médiation pénale sous la menace de l'exercice de l'action publique. Car si la justice négociée peut être vue comme un progrès, c'est à la double condition que les droits de la défense soient garantis et que la volonté de ceux qui s'engagent soit libre et éclairée. Plus largement, c'est l'ensemble de ce mouvement de "contractualisation" de la Justice pénale qui peut laisser songeur en ce qu'il conduit à une "déjuridictionnalisation" de la réponse pénale : que l'on songe par exemple au développement de la composition pénale -qui fait certes intervenir un juge pour homologation, mais qui ne fait bien souvent qu'entériner la mesure- ou à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui éclipse purement et simplement la compétence du tribunal correctionnel ; et même lorsque ce dernier est saisi, ce peut être au moyen de procédures simplifiées, telle que l'ordonnance pénale, se déroulant hors de toute audience publique, orale et contradictoire. Si ces différentes procédures continuent d'organiser une réponse pénale aux faits constitutifs d'infractions, c'est au prix d'un glissement sensible d'un traitement juridictionnel des infractions vers un traitement judiciaire de la délinquance, bref au prix d'un changement de nature de la réponse pénale (16).


(1) J. Pradel, Procédure pénale, Cujas, 16ème éd., 2011, n° 595.
(2) E. Dreyer, La médiation pénale, objet juridique mal identifié, JCP éd. G, 2008, I, 131.
(3) Tandis qu'en 1998, les procédures alternatives aux poursuites s'élevaient à 3,6 % des affaires traitées, elles atteignaient 37,5 % des affaires en 2009, in Les chiffres clés de la Justice, Ministère de la Justice, 1998, 2010.
(4) S. Guinchard, J. Buisson, Procédure pénale, Lexis-Nexis, 7ème éd., 2011, n° 1455.
(5) C. pr. pén., art. R. 15-33-30 (N° Lexbase : L7341A4N).
(6) S. Guinchard, J. Buisson, op. cit., n° 1469.
(7) Cass. crim., 21 juin 2011, n° 11-80.003, F-P+B (N° Lexbase : A5150HUB), Bull. crim. n° 141.
(8) C. pr. pén., art. 1er (N° Lexbase : L9909IQ3).
(9) C. pr. pén., art. 41-2, al. 9 (N° Lexbase : L3348IQ3).
(10) Le taux d'inexécution serait d'environ 45 % (chiffre cité par J. Pradel, op. cit., n° 595).
(11) C. pr. pén., art. 41-2, al. 6.
(12) S. Guinchard, J. Buisson, op. cit., n° 1468.
(13) Cass. crim., 12 mai 2004, n° 03-82.098, FS-P+F (N° Lexbase : A5247DCC), Bull. crim. n° 121.
(14) Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 02-13.672, F-P+B (N° Lexbase : A2728DBN).
(15) S. Guinchard, J. Buisson, op. cit., n° 1464.
(16) F. Fourment, Procédure pénale, Larcier, 13ème éd., 2012, n° 321. Adde, F. Debove, La justice pénale instantanée, entre miracles et mirages, DP, 2006, Etude 19, p. 4.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Du rétablissement de l'égalité de traitement

Réf. : Cass. soc., 24 avril 2013, jonction, n° 12-10.219 et n° 12-10.196, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5202KCN)

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N7016BTZ

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 16 Mai 2013

L'application du principe d'égalité de traitement n'en finit décidément pas de faire la une de l'actualité judiciaire, comme le démontre ce nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 25 avril 2013 et promis à la plus large publicité. Dans cette décision inédite, la Haute juridiction affirme que l'employeur est en droit d'harmoniser "par le haut" les droits des salariés et d'accorder à ceux qui ne bénéficient pas du maintien des avantages individuels acquis, par le biais d'engagements unilatéraux, les mêmes avantages que ceux qui figuraient dans l'ancien accord dénoncé (I). La Haute juridiction affirme également, dans cette même décision, qu'elle n'entend pas modifier sa jurisprudence concernant la composition des minimums conventionnels sous prétexte qu'elle a entrepris de revoir sa jurisprudence s'agissant du Smic (II).
Résumé

Le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à ce que l'employeur fasse bénéficier, par engagement unilatéral, les salariés engagés postérieurement à la dénonciation d'un accord collectif d'avantages identiques à ceux dont bénéficient, au titre des avantages individuels acquis, les salariés engagés antérieurement à la dénonciation de l'accord.

Les avantages individuels acquis et le complément de rémunération ne faisant pas partie, dans l'accord instituant une rémunération annuelle minimale conventionnelle, des éléments exclus de l'assiette de comparaison pour déterminer cette rémunération, il n'y a pas lieu de les en exclure.

I - Egalité de traitement et situation des salariés postérieurement à la dénonciation de l'accord d'entreprise

Situation du problème. La dénonciation de l'accord d'entreprise laisse aux partenaires sociaux un délai d'un an, à l'expiration du préavis, pour conclure un nouvel accord qui se substituera à l'ancien, à défaut de quoi les salariés conserveront le bénéfice des avantages individuels acquis sur la base de l'accord dénoncé (1).

Les salariés présents à l'effectif avant l'expiration du délai de préavis se retrouvent dans une situation relativement privilégiée par rapport à ceux qui ont été embauchés après puisqu'ils bénéficieront, de manière concurrente, des avantages individuels acquis sur le fondement de leur ancien statut et de ceux qui résultent du statut collectif en vigueur dans leur nouvelle entreprise (2).

La Cour de cassation a considéré que le maintien de ces avantages ne portait pas atteinte au principe "à travail égal, salaire égal", dans la mesure où les salariés concernés n'étaient pas placés dans la même situation, au regard de l'avantage concerné qui a pour objet de compenser les préjudices résultant de la perte des droits conventionnels (3).

Du désir d'harmonisation "par le haut" postérieur au transfert. Cette situation n'est pas des plus simples à gérer pour l'employeur car les salariés qui ne bénéficient pas du maintien de ces avantages conventionnels, peuvent en éprouver une certaine amertume dans la mesure où ils accomplissent, dans la nouvelle entreprise, le même travail, mais pour un "salaire" moindre. Dans la loi "Aubry II" (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 N° Lexbase : L0988AH3), le législateur avait d'ailleurs considéré que tous les salariés de l'entreprise devaient percevoir un salaire minimum d'un même montant, dès lors qu'ils travaillaient tous 35 heures par semaine sur un emploi équivalent, ce qui avait eu pour conséquence de généraliser le maintien du Smic "39 heures" pour les salariés les moins payés, et ce quelle que soit leur date d'embauche (4).

C'est dire si l'employeur peut avoir intérêt à harmoniser le traitement de ses salariés au plus vite pour éviter que ne s'instaure un climat social délétère. Il peut alors décider d'une harmonisation "par le bas" en concluant un accord de remplacement qui supprime les avantages (mais quel syndicat prendrait le risque de signer un tel accord ?), au risque d'entrer en conflit avec les anciens salariés, ou "par le haut" en faisant bénéficier l'ensemble des salariés des avantages qui, jusque là, ne profitaient qu'à certains. Ce faisant, et de manière assez surprenante, il risque de se trouver en but à l'hostilité des salariés dont les avantages ont été maintenus et qui pourront considérer avoir perdu un "privilège"...

C'est précisément à cette question que répond cet arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 24 avril 2013.

L'affaire. Il s'agissait ici de salariés de la caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin qui avaient bénéficié du maintien d'avantages individuels acquis après la dénonciation des accords applicables dans leur caisse et l'échec des négociations de remplacement. Un nouvel accord avait été conclu ultérieurement qui instaurait une rémunération annuelle minimale. Cet accord avait été complété par deux engagements unilatéraux collectifs par lesquels la caisse d'épargne s'engageait à maintenir les modalités d'évolution de la gratification de fin d'année, devenue un avantage individuel acquis, prévues par l'accord dénoncé (5), et, à accorder aux salariés engagés postérieurement une prime de treizième mois répondant aux mêmes conditions d'ouverture, de calcul et de règlement.

Les salariés bénéficiant du maintien de la prime de treizième mois, au titre des avantages individuels acquis, avaient alors considéré qu'ils devaient également bénéficier de l'avantages accordé aux nouveaux arrivants et saisi la juridiction prud'homale en ce sens. Ils avaient été déboutés de leurs demandes, ce que confirme le rejet du pourvoi sur ce point.

La solution. Pour la Cour de cassation, en effet, "le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à ce que l'employeur fasse bénéficier, par engagement unilatéral, les salariés engagés postérieurement à la dénonciation d'un accord collectif d'avantages identiques à ceux dont bénéficient, au titre des avantages individuels acquis, les salariés engagés antérieurement à la dénonciation de l'accord".

Cette solution, inédite, doit être approuvée.

Une solution justifiée. La solution retenue pourrait à première vue surprendre et sembler paradoxale, puisque la Cour de cassation avait, par ailleurs, affirmé que l'application de la règle du maintien des avantages individuels acquis ne portait pas atteinte au principe d'égalité salariale, les salariés qui bénéficiaient de l'accord avant sa dénonciation ne se trouvant pas dans la même situation que ceux qui ont été embauchés postérieurement (6). Or, on sait qu'une inégalité de traitement peut résulter soit du fait de traiter différemment des personnes placées dans une même situation, soit de traiter de la même manière des personnes placées dans des situations différentes (7). Dès lors, en traitant de la même manière l'ensemble des salariés de l'entreprise, sans tenir compte du fait qu'ils sont placés dans une situation différente, on pourrait croire que l'employeur porte atteinte au principe d'égalité de traitement.

L'analogie ainsi suggérée est toutefois trompeuse.

Le propre d'un principe est, en effet, d'avoir vocation à s'appliquer lorsqu'il n'existe aucun motif d'y déroger (8). Dire qu'il existe dans l'entreprise un principe d'égalité de traitement impose donc de rechercher l'égalité en droits, toutes les fois que celle-ci est possible, et de n'admettre d'exceptions que dans des cas strictement limités.

Lorsqu'il s'est agi de déterminer si l'application de la règle du maintien des avantages individuels acquis pouvait justifier une dérogation au principe d'égalité, une réponse positive a été donnée compte tenu du fait qu'il s'agissait ici de compenser le préjudice causé aux salariés par la dénonciation, ou la mise en cause, de leur statut collectif. Dans ce cas, un avantage était exceptionnellement maintenu, les salariés n'en bénéficiant pas n'ayant pas vocation à en profiter compte tenu de leur situation personnelle au sein de l'entreprise (9).

Mais en prévoyant le même avantage au bénéfice de l'ensemble des salariés de l'entreprise, l'employeur cherche non pas à priver les anciens salariés d'un droit, qu'ils conservent, mais à rétablir l'égalité de traitement en conférant un même droit à l'ensemble du personnel. Comme l'avait d'ailleurs observé justement la cour d'appel, le fait de reconnaître aux nouveaux salariés la prime de treizième mois ne privait pas les anciens d'un droit, dont ils bénéficiaient déjà, et qui, présentant le même objet et la même cause, ne pouvait se cumuler. Il en irait bien entendu différemment si l'employeur reconnaissait aux nouveaux salariés une autre prime, ayant un autre objet et une autre cause, car dans cette hypothèse la mise à l'écart des "anciens" salariés ne pourrait être justifiée, la jurisprudence refusant, pour le moment, de raisonner globalement lorsqu'elle compare le traitement réservé aux salariés de l'entreprise.

II - Détermination des sommes entrant dans l'assiette d'un minimum conventionnel

Situation du problème. Les partenaires sociaux peuvent mettre en place une rémunération minimum conventionnelle, soit mensuelle, soit annuelle. Dès lors qu'elle est supérieure au Smic, cette rémunération minimum peut être constituée des éléments que les partenaires sociaux décident d'y intégrer.

Deux pratiques peuvent être observées.

Certains accords énumèrent tout d'abord les composantes de la rémunération qui entrent dans l'assiette ; dès lors, tout ce qui n'est pas visé doit être payé en sus de ce minimum (10).

D'autres préfèrent poser comme principe que toutes les sommes versées au salarié entrent dans l'assiette du minimum, à l'exclusion de celles qu'ils énumèrent ; dans cette hypothèse, tout ce qui n'est pas exclu doit être intégré dans les sommes composant le minimum (11).

Quel que soit le cas de figure, et dès lors que le respect du Smic n'est pas en cause, la jurisprudence veille à ce que les intentions des partenaires sociaux soient respectées et que le principe conventionnel posé (exclusion ou inclusion de principe dans l'assiette) soit appliqué.

C'est ce que confirme également cet arrêt.

L'affaire. L'article 2 de l'accord collectif national de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance sur la rémunération annuelle minimale du 11 décembre 2003, dont l'application était ici en cause, prévoit que "la rémunération brute annuelle, en dehors des sommes éventuellement versées au titre de la participation, de l'intéressement ou de la part variable de chaque salarié à temps complet, doit être au moins égale à la rémunération brute annuelle minimale du niveau de classification de l'emploi occupé".

Les salariés avaient considéré que leur prime conventionnelle de treizième mois ne devait pas être prise en compte pour la vérification du respect de la rémunération minimum conventionnelle dans la mesure où elle qui ne sont pas la "contrepartie directe de la prestation de travail", et avaient obtenu gain de cause en appel.

L'arrêt est logiquement cassé dans la mesure où il ne s'agissait pas ici de vérifier le respect du Smic par l'employeur, mais seulement celui du minimum conventionnel que les partenaires sociaux sont libres de mettre en place, d'en déterminer le montant et les sommes qui doivent être prises en compte pour vérifier son respect.

Dans la mesure où l'accord en cause avait opté pour une énumération des sommes exclues de l'assiette, il convenait donc de faire masse de toutes les autres sommes perçues, même si ces dernières doivent être exclues en cas de vérification du Smic.

Les turbulences ayant affecté l'assiette du Smic ces derniers mois (12) n'ont donc aucune incidence sur cette jurisprudence ancienne, et constante.


(1) C. trav., art. L. 2261-10 (N° Lexbase : L3731IBS).
(2) Cass. soc., 10 février 2010, n° 08-44.454, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7753ERL), v. nos obs., Cession d'entreprise et détermination des accords applicables aux salariés : la Cour de cassation fait la leçon, Lexbase Hebdo n° 384 du 25 février 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2474BNX) ; D., 2010, Actualité jurisprudentielle, p. 586, note L. Perrin ; JCP éd. S, 2010, n° 1171, p. 29, note A. Martinon ; RLDA, 2010, n° 2834, p. 50, note F. Canut.
(3) Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 03-15.258, FS-D (N° Lexbase : A0211DGW), Dr. soc., 2005, p. 323, obs. Ch. Radé ; D., 2005, p. 323, note A. Bugada. Sur ces questions notre ouvrage, Discriminations et inégalités de traitement dans l'entreprise, éditions Liaisons, coll. Droit vivant, 232 p., 2011, sp. n° 286 s..
(4) V. notre chron., Smic et réduction du temps de travail : la politique des petits pas, Dr. soc., 1999, pp. 986-995.
(5) On sait, en effet, que si le montant de la rémunération constitue un avantage individuel acquis, les règles de révision et de progression sont des avantages collectifs qui ne sont pas maintenus : Cass. soc., 12 février 1991, n° 89-45.314, publié (N° Lexbase : A4265AA9), Bull. civ. V, n° 62 ; Cass. soc., 22 avril 1992, n° 88-40.921, publié (N° Lexbase : A1512AAA), Bull. civ. V, n° 296 ; Cass. soc., 24 novembre 1992, n° 89-20.427, publié (N° Lexbase : A4674ABQ), Bull. civ. V, n° 567 ; Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-44.712, FS-P+B (N° Lexbase : A2927DGI), Bull. civ. V, n° 32.
(6) Cass. soc., 11 janvier 2005, n° 03-15.258, FS-D, préc..
(7) V. notre ouvrage préc., n° 19.
(8) Que ce motif d'y déroger soit d'ailleurs le même motif qui trouve à s'exprimer de manière plus satisfaisante dans l'exception que dans le principe (d'où l'adage "l'exception confirme la règle"), soit qu'il s'agisse d'un autre motif à la légitimité supérieure.
(9) Cette situation tenant à la date de leur engagement, postérieure à la date où la dénonciation de l'accord devient effective. La même règle vaut en cas de mise en cause d'un accord pour les salariés embauchés postérieurement à la cession de l'entreprise.
(10) Cass. soc., 22 mai 2001, n° 98-45.645, publié (N° Lexbase : A4880ATW), Dr. soc., 2001, p. 766, et nos obs..
(11) Cass. soc., 7 mai 2002 , n° 00-40.354, publié (N° Lexbase : A6077AYQ), Dr. soc., 2002, p. 776, et les obs..
(12) Dernièrement Cass. soc., 14 novembre 2012, n° 11-14.862, FS-P+B (N° Lexbase : A0339IXT), v. nos obs., Assiette du Smic : vers le grand chambardement ?, Lexbase Hebdo n° 507 du 29 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4628BTL).

Décision

Cass. soc., 24 avril 2013, jonction, n° 12-10.219 et n° 12-10.196, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5202KCN)

Cassation partielle sans renvoi (CA Riom, 8 novembre 2011, n° 10/03316 N° Lexbase : A0077H4M)

Textes visés et principes concernés : principe d'égalité de traitement, article 2 de l'accord collectif national de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance sur la rémunération annuelle minimale du 11 décembre 2003

Mots-clés : égalité de traitement, rémunération annuelle minimale

Liens base : (N° Lexbase : E2385ETI)

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Urbanisme

[Jurisprudence] Chronique de droit de l'urbanisme - Mai 2013

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 16 Mai 2013

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Le premier arrêt commenté (CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 350209, mentionné aux tables du recueil Lebon) précise la notion de "bâtiment existant" au sens de certaines dispositions des POS. En imposant une conception restrictive de cette notion, qui ne s'apprécie pas uniquement au regard de la notion de "travaux sur existant", il contribue à limiter la constructibilité en zone agricole. Le deuxième arrêt (CE 1° et 6° s-s-r., 13 mars 2013, n° 346916, mentionné aux tables du recueil Lebon) contribue à définir les relations entre les "cours communes" et les règlements des plans d'occupation des sols. Le troisième arrêt (CE 1° et 6° s-s-r., 17 avril 2013, n° 348311, mentionné aux tables du recueil Lebon) rappelle et précise les modalités de la concertation lors de l'élaboration et de la révision des PLU.
  • Un bâtiment situé en zone agricole et constitué seulement de piliers supportant un toit ne constitue pas un "bâtiment existant" au sens d'une disposition du POS permettant la création de gîtes ruraux (CE 1° et 6° s-s-r., 20 mars 2013, n° 350209, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8562KAD)

L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 20 mars 2013 apporte, sans mauvais jeu de mots, une pierre à la définition de la notion de "bâtiment existant". La question posée était de savoir si un immeuble constitué d'un toit supporté par des piliers était susceptible d'être légalement transformé en gîte rural dans une zone NC. La réponse du juge de cassation n'est ni générale, ni absolue, puisqu'elle repose sur l'interprétation du règlement du POS applicable dans l'espèce. Toutefois, elle n'en constitue pas moins une contribution intéressante à la notion de "bâtiment existant", qui pourra être utilement reprise par les rédacteurs de règlements de PLU en cours. Après avoir admis le pourvoi incident du requérant initial (1), le Conseil exclut de cette notion l'immeuble concerné dans l'affaire (2).

1 - Pourvoi incident et erreur matérielle du juge d'appel

Le Conseil d'Etat est dans l'obligation, dans un premier temps, de clarifier les demandes respectives des parties. Par arrêté du 4 avril 2008, le maire avait opposé aux pétitionnaires un refus de permis de construire portant sur la transformation d'un séchoir à noix en bâtiment d'habitation en vue de créer un gîte rural. Le 9 juin suivant, le maire avait retiré ce refus et leur avait délivré le permis de construire qu'ils sollicitaient. Le recours présenté par un tiers avait été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 avril 2009. La cour administrative d'appel (1), saisi par le requérant de première instance, a annulé ce jugement par un arrêt du 12 avril 2011. Cette annulation a été prononcée par l'article 1er de la décision. Toutefois, pour des motifs qui ne sont pas explicités par le Conseil d'Etat, la cour avait également annulé l'arrêté du 4 avril 2008, portant refus du permis de construire.

Les deux articles du dispositif sont, en apparence, contradictoires. Cette apparence pourrait ne porter que sur le fond du droit. Le seul fait qu'une décision accordant une autorisation soit illégale, et, par conséquent, annulée par le juge administratif, ne fait pas obstacle à ce que ce dernier annule, également, une décision antérieure refusant la même autorisation. Les motifs d'annulation sont, en effet, de nature différente. L'illégalité d'une autorisation ne démontre pas de manière mécanique, la légalité du refus antérieur de la même autorisation. La différence d'appréciation peut s'expliquer aussi bien par les moyens retenus par le juge que par le fait que le pétitionnaire peut avoir modifié sa demande en fonction des motifs du refus initial. En tout état de cause, les deux articles du dispositif ont donné à chacune des deux parties à avoir un intérêt à agir en cassation contre l'arrêt d'appel. Le Conseil d'Etat est donc amené à préciser que les conclusions des pétitionnaires ne sont dirigées que contre l'article 1er de l'arrêt, tandis qu'il relève que le pourvoi du pétitionnaire est dirigé contre l'article 2.

Toutefois, cette situation ne s'explique pas, en l'espèce, par une contradiction, mais par une erreur matérielle commise par la cour, circonstance suffisamment rare pour être soulignée. En effet, l'appel était porté contre le jugement du 30 avril 2009 dans lequel le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté la requête tendant à l'annulation de la décision en date du 9 juin 2008 par laquelle le maire avait retiré le refus de permis de construire du 4 avril 2008 et délivré un permis de construire. Par une invraisemblable erreur, la cour, après avoir énoncé les motifs juridiques qui, selon elle, justifient l'annulation du permis, en conclut que l'arrêté du 4 avril 2008 a méconnu les dispositions du POS, alors, que, précisément, ce premier arrêté refusait l'autorisation sollicitée par les pétitionnaires. Cette erreur matérielle s'est transmise au dispositif qui annule, dans son article 2, un acte qui, non seulement, ne faisait l'objet d'aucun recours juridictionnel, mais encore, qui était contraire à l'acte attaqué.

Cette erreur a, cependant, permis au requérant de bénéficier d'un intérêt à agir pour exercer un pourvoi incident. Une telle voie de recours permet au défendeur de contester, sans être contraint par un délai de recours, et à la condition de ne pas soulever un litige distinct de celui du pourvoi principal, les éléments de l'arrêt d'appel qui lui sont préjudiciables. Il n'est pas inutile, en effet, de rappeler que l'intérêt à agir s'apprécie au regard du dispositif de la décision ce qui interdit, en principe, à la partie qui a obtenu gain de cause d'exercer une voie de recours. Afin de garantir la cohérence de la situation, le Conseil d'Etat admet, cependant, le pourvoi incident qui est fondé sur l'erreur matérielle commise par la Cour et dont l'objet est précisément de faire disparaître cette erreur.

2 - La notion de "bâtiment existant"

Le Conseil va confirmer l'analyse de la cour administrative d'appel en interprétant de manière restrictive la notion de "bâtiment existant" dans le cadre des dispositions du POS de la commune. En l'occurrence, l'article NC 2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune interdisait, de manière très classique, dans la zone NC, "zone de richesses naturelles à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres", toutes constructions, installations, occupations et utilisations du sol à l'exception de celles énumérées à l'article NC 1. Ce dernier article prévoyait que "sont admis sous conditions [...] la transformation des bâtiments existants en gîtes ruraux sans changement de volume".

Il faut relever que, dans de nombreuses communes rurales, beaucoup de propriétaires sont tentés de transformer leurs biens en gîte rural afin de se procurer un supplément de revenu. C'est notamment le cas des agriculteurs. Dans la quasi-totalité des cas, les immeubles à transformer sont situés en zone NC qui sont réservées, en principe, aux activités agricoles. Il n'est pas rare que les règlements des documents d'urbanisme ne prévoient pas expressément une telle modification de destination. Il faut, également, relever que les services de l'équipement sont parfois désarmés devant ces demandes et éprouvent une certaine difficulté à trouver des fondements juridiques valables à leur refus ce qui les conduit, dans certains cas, à recourir à un argument assez original pour refuser ces changements de destination. Il est, en effet, parfois opposé à la demande de certificat d'urbanisme ou de permis de construire, les dispositions de l'article 15 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, urbanisme et habitat (N° Lexbase : L6770BH9), codifié à l'article L. 123-3-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1949DKE), qui dispose que, "dans les zones agricoles, le règlement peut désigner les bâtiments agricoles qui en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'exploitation agricole". Cet article est appuyé par l'interprétation erronée d'un arrêt du Conseil d'Etat du 12 juillet 2002 (2), dont l'administration soutient qu'il déclarerait illégal tout règlement de la zone NC d'un POS autorisant un tel changement de destination. Or, d'une part, l'article L 123-3-1 permet, au contraire, lorsque le POS ne le prévoit pas expressément, qu'une modification du plan intervienne pour désigner les bâtiments pouvant faire l'objet d'un changement de destination. D'autre part, dans l'arrêt du 12 juillet 2002, le Conseil d'Etat fait application du règlement du POS et apprécie l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité d'un permis de construire du fait de sa contrariété avec les dispositions de l'article NC2 du POS. Contrairement à ce que soutient parfois l'administration, le Conseil d'Etat ne déclare pas illégal tout règlement de zone NC autorisant un tel changement de destination. Bien au contraire, il affirme que les dispositions du règlement de la zone NC s'opposent, dans cette espèce, au changement de destination autorisé par le permis de construire en cause.

Il faut relever, que, dans l'espèce commentée, les rédacteurs du règlement du POS ont eu la sagesse de prévoir le cas des gîtes ruraux dont la création est autorisée, à la condition de ne pas modifier les volumes du bâtiment existant. La difficulté, en l'occurrence, venait de ce que le bâtiment en question se limitait à un toit supporté par des piliers. Il convenait donc de déterminer s'il s'agissait d'un "bâtiment existant" au sens des dispositions du POS. La cour administrative d'appel avait estimé, à propos des dispositions du POS, "qu'en formulant cette règle, il doit être admis que les auteurs du règlement du plan d'occupation de sols ont entendu autoriser de façon restrictive les transformations des bâtiments existants". Elle en avait conclu que le projet des pétitionnaires modifiait le volume du séchoir à noix puisqu'il s'agissait de construire des murs et d'aménager le sol qui était dépourvu de tout aménagement. Le Conseil d'Etat confirme cette analyse. Il estime, en effet, "qu'eu égard aux finalités de ces dispositions, qui ont pour objet, rapprochées des autres dispositions du même article, d'empêcher toute extension de volume des bâtiments existants, un bâtiment s'entend d'une construction couverte et close".

Il faut noter, qu'à notre connaissance, le Conseil d'Etat n'avait pas encore eu l'occasion de statuer de manière explicite sur les relations entre la notion de bâtiment et les critères qu'il relève, en l'espèce, à savoir le caractère couvert et clos de l'immeuble. Simultanément, on imagine assez mal la Haute juridiction administrative adopter une position contraire. D'une part, en effet, il est assez logique de soutenir que la création de murs entre des piliers soutenant un toit et ne délimitant donc qu'un espace ouvert à tous vents, ce qui est assez normal pour un séchoir, opère une modification du volume de l'immeuble. Même en supposant que les murs ne débordent pas de l'emprise du toit, leur création a pour effet de modifier de manière radicale la nature de l'immeuble, ainsi que son insertion dans le paysage avoisinant. En ce sens, le volume de la construction est donc modifié, même si son volume pris dans une acception strictement géométrique n'est pas modifié. D'autre part, si un toit supporté par des piliers peut être modifié d'une manière aussi radicale et transformé en bâtiment à usage d'habitation, sous réserve que le POS ne s'y oppose pas et contienne des dispositions similaires à celles du règlement de la présente espèce, c'est la porte ouverte à toutes les dérives. Il faut, en effet, rappeler que de très nombreux hangars agricoles sont ouverts à tous vents et sont constitués par une structure sommaire d'un toit soutenu par des piliers. Il est impossible, si l'on veut leur conserver la destination agricole des zones dans lesquelles ils sont implantés, d'en interdire la transformation en immeuble à usage d'habitation.

Le Conseil d'Etat en conclut que, par suite, "en relevant qu'une partie de la construction litigieuse, recouverte d'un toit supporté par de simples piliers mais non close, ne pouvait être regardée comme incluse dans le volume d'un bâtiment existant au sens des dispositions précitées, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit". Statuant au fond, il confirme donc l'annulation de l'arrêté accordant le permis de construire.

  • Le juge est bien fondé à prendre en considération l'existence d'une cour commune pour en déduire l'application des règles définies par le règlement du POS (CE 1° et 6° s-s-r., 13 mars 2013, n° 346916, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9902I9M)

L'arrêt rendu le 13 mars 2013 par le Conseil d'Etat précise les relations entre les prescriptions des règlements des documents d'urbanisme et les servitudes dites de "cour commune". En l'occurrence, la mairie de Paris avait accordé un permis de construire à une SCI pour l'édification d'un immeuble situé en fond de parcelle. Annulant le jugement de première instance, la cour administrative d'appel de Paris (3) a annulé le permis de construire en se fondant simultanément sur l'insuffisance du dossier de permis de construire et sur la méconnaissance des dispositions du règlement du POS. Le Conseil d'Etat rejette le pourvoi et confirme partiellement l'arrêt d'appel. Il fait ici application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2399ATZ) (1) et complète le régime des relations entre "cour commune" et règlement du POS (2).

1 - Une application de l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme

Le juge administratif fonctionne, de manière générale, sur le principe de l'économie de moyens. Ainsi que le résume le Professeur Chapus, "quand il n'y a pas matière à relever d'office un moyen d'ordre public, le juge est en droit de se limiter, et se limite effectivement, de façon générale, à faire apparaître le bien-fondé d'un seul des moyens invoqué" (4). Lorsque le juge fait droit aux demandes du requérant, il n'est donc pas tenu d'analyser l'ensemble des moyens soulevés par ce dernier. Toutefois, le législateur a imposé au juge de l'excès de pouvoir l'abandon de cette règle dans le contentieux de l'urbanisme. C'est, en effet, dans cette matière que l'inconvénient de la règle de l'économie des moyens était la plus sensible puisque les parties ignoraient si l'un des autres moyens soulevés était de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains (N° Lexbase : L9087ARY), a donc introduit, dans le Code de l'urbanisme, l'article L. 600-4-1 qui dispose que, "lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier". L'objectif de cette mesure, qui s'applique, notamment, à toutes les décisions statuant sur des demandes d'autorisation d'urbanisme, vise à sécuriser le contentieux afin d'identifier l'ensemble des moyens soulevés contre la décision et susceptible de conduire à son annulation en donnant, ainsi, au juge un rôle indirect de conseil. Toutefois, il n'est pas certain que cet objectif puisse être pleinement atteint, ne serait-ce que parce qu'un contentieux ne saurait servir de modèle complet pour un contentieux ultérieur.

En l'occurrence, la cour ayant décidé d'annuler l'acte, sans pour autant annuler le jugement sur un motif de régularité formelle, se trouvait donc dans l'obligation de statuer sur l'ensemble des moyens susceptibles de justifier l'annulation du permis de construire. Les deux moyens retenus était, d'une part, l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire au regard des dispositions de l'article R. 421-2 du Code de l'urbanisme alors applicables (N° Lexbase : L7450HZX) et, d'autre part, de ce que la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article UL 8 du règlement du POS de la ville de Paris.

Il convient de souligner que la cour avait, cependant, estimé que les deux motifs d'illégalité ainsi retenus n'affectaient pas le projet du pétitionnaire dans son intégralité. Elle avait donc fait application des dispositions de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1048HPI) qui permet au juge de ne prononcer qu'une annulation partielle de l'autorisation. Une telle décision permet alors à l'autorité compétente de prendre, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive. L'annulation étant, notamment, prononcée sur le fondement d'une disposition du POS prescrivant une distance minimale entre les immeubles, une demande de permis modificatif était donc susceptible de régulariser la situation. Un récent arrêt du Conseil d'Etat est, d'ailleurs, venu préciser récemment que cette annulation partielle peut intervenir en cas de divisibilité des éléments du projet mais, également, "dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet". Dans ce cas, le juge peut assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'autorisation modificative afin de régulariser l'autorisation partiellement annulée (5).

L'annulation prononcée par le Conseil d'Etat n'emporte, d'ailleurs, aucune conséquence évidente sur ce point et il n'est pas certain qu'elle en limite même les effets à l'égard du pétitionnaire. Le motif d'annulation le plus contraignant pour ce dernier étant jugé illégal par le Conseil d'Etat, l'annulation partielle du permis se retrouve confirmée pour ce qu'elle a de moins important, à savoir la composition du dossier de demande de permis de construire. S'il n'est plus nécessaire de modifier l'implantation du projet au regard du critère de la distance minimale de six mètres entre les immeubles, la demande de permis n'ayant pas à être appréciée en fonction de l'article UL 8-2°du règlement du POS, il reste, en revanche, au pétitionnaire à modifier éventuellement son projet afin de respecter les dispositions de l'article UL-8-1°, ce moyen étant retenu par le Conseil pour censurer partiellement l'arrêt d'appel.

Le juge de cassation confirme, en effet, le second moyen d'annulation retenu par le juge d'appel. Il relève que ce dernier "n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que les documents graphiques et photographiques joints à la demande de permis de construire ne permettaient pas de situer la construction autorisée en fond de parcelle dans son environnement proche et lointain et d'apprécier son insertion dans son environnement et que le dossier joint à la demande était, dès lors, insuffisant au regard des dispositions de l'article R. 421-2". Ce faisant, il fait application d'une jurisprudence on ne peut plus classique. D'une part, l'appréciation de la conformité d'un dossier de demande de permis de construire aux exigences réglementaires relève du pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond, sauf le cas de dénaturation, le juge de cassation ne contrôlant donc pas la qualification juridique des faits retenue par les juges du fond (6). D'autre part, si le dossier de demande doit être apprécié de manière globale, sans que l'absence formelle d'un document conduise à reconnaître l'illégalité du permis, en revanche, l'administration doit toujours statuer sur un dossier matériellement complet au regard des exigences du Code de l'urbanisme. Le dossier doit donc permettre de situer et d'apprécier l'insertion de la construction dans son environnement (7).

2 - Règlement d'urbanisme et servitude de cour commune

Les dispositions applicables du règlement du POS de Paris ne se caractérisent pas par leur extrême clarté, comme souvent dans ce genre de circonstances. L'article UL 7 du règlement prévoyait que l'édification des constructions en limite d'une cour commune relève de l'application des règles définies à l'article UL 8. Selon ce dernier article, "indépendamment des modifications projetées sur des bâtiments existants, aucune construction nouvelle ne peut être édifiée en élévation en dehors des zones constructibles définies au plan annexe [...] dans le cas où deux zones constructibles sont indiquées au plan annexe en vis-à-vis sur un même terrain, la partie verticale des façades des constructions à édifier en vis-à-vis doit être implantée sur le périmètre des zones constructibles [...] dans le cas où une zone constructible permet la réalisation de plusieurs constructions en vis-à-vis sur un même terrain, leurs façades ou parties de façades, lorsqu'elles comportent des vues principales, doivent être édifiées de telle manière que la distance de l'une d'elle au point le plus proche d'une autre soit au moins égale à 6,00 m [...]".

Le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de se prononcer sur les relations entre les règlements des POS et les cours communes qui sont prévues à l'article L. 471-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4590IRG) qui dispose que "lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites de cours communes', peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret. Les mêmes servitudes peuvent être instituées en l'absence de document d'urbanisme ou de mention explicite dans le document d'urbanisme applicable".

Le Conseil d'Etat considère qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que les règles et servitudes édictées sur le fondement des règlements des POS régissent des situations qui font, par ailleurs, l'objet d'une réglementation en vertu des dispositions du Code civil (8). De même, il appartient aux juges du fond de prendre en compte l'acte authentique instituant la servitude pour décider de l'application du règlement du POS, ce qui ne les empêche pas de relever l'existence d'un doute sur l'étendue de la servitude de cour commune (9). En revanche, le recours à une servitude dans les formes imposées par la loi est nécessaire pour créer un effet juridique. Le Conseil d'Etat a, ainsi, jugé que l'existence d'une cour à usage commun est sans influence sur l'application des dispositions des règlements d'urbanisme relatives aux marges de reculement si cette cour n'est pas grevée d'une servitude de cour commune (10).

Lorsque cette condition est remplie, l'implantation des immeubles peut se faire en limite séparative. A défaut d'accord amiable avec les propriétaires du terrain voisin, une partie peut saisir le président du tribunal de grande instance d'une demande tendant à ce que soit créée la servitude. L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, d'ailleurs, subordonner son autorisation à la création de cette servitude. Dès lors que cette servitude a été instituée par ordonnance, le maire pouvait légalement regarder comme remplie la condition qu'il avait précédemment fixée et délivrer le permis de construire demandé (11). Il faut, également, préciser que la circonstance que l'ordonnance instituant la servitude ait été frappée d'appel ne peut empêcher le maire de délivrer le permis de construire. L'arrêt de la cour administrative d'appel prescrivant qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance n'a pas pour effet d'entraîner rétroactivement l'illégalité de la décision du maire (12).

En l'occurrence, le Conseil d'Etat va censurer l'appréciation portée par la cour sur la disposition applicable au litige. Il relève, tout d'abord, l'existence d'un traité de cour commune prévoyant, pour les signataires et les futurs acquéreurs le maintien d'une servitude "non aedificandi" sur ladite cour. Il relève, ensuite, que le plan annexe du règlement de la zone indique, sur la parcelle en question, l'existence de deux zones constructibles en vis-à-vis. Il note, enfin, qu'une maison d'habitation existante est implantée sur l'une d'elle, tandis que le permis litigieux autorise la construction d'un nouveau bâtiment sur l'autre. Le Conseil en conclut que c'est l'article UL 8-1°, et non l'article UL 8-2°, qui est applicable en l'espèce.

Il faut relever que la cour administrative d'appel n'avait pas jugé utile de justifier l'application de l'article UL 8-2° et n'avait pas même cité le 1° de cet article. L'erreur commise par la cour est finalement assez surprenante car, dans les circonstances de l'espèce, on avait à faire à deux zones constructibles et non une seule. L'on se trouvait donc bien dans le cas prévu par l'article UL 8-1° du POS. Il n'est pas inutile de souligner, qu'à notre connaissance, c'est la première fois que le juge de cassation est conduit à se prononcer sur la portée exacte de ces dispositions du POS de Paris.

Le Conseil en profite pour confirmer sa jurisprudence antérieure en précisant que la cour administrative d'appel "était fondée à prendre en considération l'existence d'une cour commune pour en déduire l'application des règles définies à l'article UL 8, dès lors que le règlement d'urbanisme applicable en faisait découler des prescriptions particulières". Il censure, cependant, l'arrêt d'appel pour erreur de droit. Le second moyen retenu par l'arrêt étant cependant fondé, le pourvoi est rejeté et la censure partielle du permis de construire est donc maintenue.

  • Le conseil municipal doit délibérer sur les grandes orientations avant toute concertation lors de l'élaboration ou de la révision du PLU (CE 1° et 6° s-s-r., 17 avril 2013, n° 348311, mentionné aux tables du recueil Lebon [LXB=A1388KCE ])

Afin d'assurer une information adéquate de la population, l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7124IRB) prévoit la mise en oeuvre d'une procédure de concertation. La loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY) a, d'ailleurs, élargi l'obligation de concertation en matière de documents d'urbanisme dont le champ d'application était auparavant plus restreint. L'arrêt du 17 avril 2013 vient préciser les modalités de la procédure et détermine, en particulier, les modalités d'intervention exactes du conseil municipal. En l'occurrence, la cour administrative d'appel de Marseille (13) avait annulé la délibération du 18 mars 2006 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune, Après avoir rappelé les grandes lignes de la procédure d'élaboration du PLU (I), on évoquera les précisions apportées par l'arrêt (II)

1 - L'élaboration du PLU : une procédure soumise à de multiples concertation

Depuis la loi "Grenelle II" (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN), l'élaboration intercommunale du PLU est devenu le principe. La compétence intercommunale n'ayant cependant pas été adoptée, la commune n'intervient qu'à défaut d'EPCI compétent. L'article L. 123-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6952IRW) prévoit donc désormais que le plan "est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de l'établissement public de coopération intercommunale lorsqu'il est doté de la compétence en matière de plan local d'urbanisme, en concertation avec les communes membres". Dans les autres cas, le plan "est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune, le cas échéant en concertation avec l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre".

Les services de l'Etat sont associés à la procédure d'élaboration à l'initiative du président de l'EPCI ou du maire ou à la demande du préfet. Il convient de souligner qu'ils peuvent exiger de participer aux réunions. La loi "SRU" a modifié les conditions de l'intervention des autres personnes publiques qui sont informés de l'élaboration ou de la révision du PLU dès le début de la procédure. Les régions, les départements et les organismes consulaires, les autorités compétentes en matière d'organisation des transports urbains et les autres organismes concernés sont donc consultés à leur demande à tout moment pendant la durée de l'élaboration ou de la révision. Leur avis est joint au dossier soumis à l'enquête.

La consultation de la population constitue le second volet de l'aspect "concertation" de l'élaboration du PLU. Avant la loi "SRU", cette concertation n'intervenait qu'en cas de révisions ou de modifications destinées à ouvrir à l'urbanisation des zones urbanisables à terme. Désormais, la concertation doit intervenir dès le début de la procédure d'élaboration du PLU. Il convient de souligner que le conseil municipal doit délibérer sur les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Le fait de ne pas respecter cette formalité substantielle vicie la procédure (13).

2 - La délibération préalable à la procédure ou à la révision du PLU

L'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme, dans ses dispositions applicables au litige tranché par l'arrêt, prévoyait que "le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées [...] avant [...] toute élaboration ou révision [...] du plan local d'urbanisme".

Ni le législateur, ni le pouvoir réglementaire n'ont pris le soin de définir les modalités de la concertation. La jurisprudence a donc déjà apporté plusieurs précisions à ce sujet. D'une part, le juge administratif considère que celle-ci doit au moins comprendre un volet portant sur l'information autour du projet et une phase au cours de laquelle la collectivité recueille les observations du public. D'autre part, sur un plan plus technique, le juge a également fixé certaines conditions de la légalité de la délibération prescrivant la concertation. Un arrêt du 10 février 2010 relève, ainsi, "qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal doit porter, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser un document d'urbanisme, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées [...] cette délibération constitue, dans ses deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité le document d'urbanisme approuvé, alors même que la concertation aurait respecté les modalités définies par le conseil municipal" (14). Il convient de noter que depuis l'ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012, portant clarification et simplification des procédures d'élaboration, de modification et de révision des documents d'urbanisme (N° Lexbase : L6278IRX), entrée en vigueur le 1er janvier 2013, l'article L. 126-3 précise que la délibération fixe "les objectifs poursuivis", ce qui intègre, ainsi, la jurisprudence du 10 février 2010 dans le cadre législatif.

L'arrêt du 17 avril 2013 vient compléter ce cadre. Après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 123-6 relatives à la consultation des autres personnes publiques et au sursis à statuer, le Conseil d'Etat précise, en effet, tout d'abord, "qu'il résulte de ces dispositions que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser un document d'urbanisme, d'autre part, sur les modalités de la concertation". La délibération doit donc précéder tout autre opération. L'arrêt reprend ici la jurisprudence du 10 février 2010. Ensuite, et toujours dans la suite de cette jurisprudence, le Conseil précise que "la méconnaissance de cette obligation est de nature à entraîner l'illégalité du document d'urbanisme approuvé".

Enfin, le Conseil apporte une souplesse supplémentaire aux collectivités en autorisant l'intervention de deux délibérations successives. Il faut noter que l'article L. 300-2 ne précisait pas, et ne précise toujours pas, dans sa version actuelle, le nombre de délibérations possibles. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose, toutefois, de statuer par une seule délibération et les modalités de la concertation peuvent, ainsi, être adoptées à une autre date que la définition des objectifs poursuivis par la collectivité. Cette dissociation, qui est permis par le silence des textes, est, d'ailleurs, assez logique puisqu'elle porte sur un élément de fond et un élément de procédure. Le Conseil précise donc que, "si les deux volets sont en principe adoptés simultanément, la décision du conseil municipal peut prendre la forme de deux délibérations successives, notifiées conformément aux dispositions de l'article L. 123-6 du Code de l'urbanisme".

Cette possibilité est, cependant, limitée par le souci d'éviter tout détournement de procédure. Le fait de recourir à deux délibérations successives ne doit pas, en effet, avoir pour conséquence "de priver d'effet utile la concertation organisée sur les objectifs poursuivis par l'élaboration du plan local d'urbanisme". Cette précision était nécessaire, car il est bien évident que la concertation ne peut avoir lieu que si les objectifs poursuivis par le projet ont été définis et portés à la connaissance du public. Le juge doit donc analyser l'intégralité de la procédure afin de vérifier si les exigences globales de l'article L. 300-2 ont bien été remplies.

En l'espèce, la cour administrative d'appel, après avoir relevé que la délibération prescrivant l'élaboration du PLU et fixant les modalités de la concertation n'avait pas défini les objectifs poursuivis, lesquels avaient été définis par une délibération ultérieure, avait annulé la procédure au motif que la concertation avait débuté avant la définition de ces objectifs. Le Conseil d'Etat censure l'arrêt pour erreur de droit au motif que la cour n'a pas recherché "si, après l'adoption, par les deux délibérations du conseil municipal, d'une décision complète prise en application des dispositions de l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme, une concertation effective avait eu lieu sur les objectifs poursuivis par la commune". Concrètement, la concertation peut donc être initiée avant la définition des objectifs, malgré le caractère incohérent d'une telle démarche, dès lors qu'elle se poursuit de manière effective après cette définition. Cette approche matérielle et pragmatique offre ainsi aux collectivités ayant maladroitement démarré leur procédure, la possibilité éventuelle de revenir dans la légalité.


(1) CAA Lyon, 1ère ch., 12 avril 2011, n° 09LY01505, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4029HTE).
(2) CE 4° et 6° s-s-r., 12 juillet 2002, n° 233335, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1560AZS).
(3) CAA Paris, 1ère ch., 16 décembre 2010, n° 08PA01721, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9912I9Y).
(4) R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13ème éd., Montchrestien, 2008, n° 1083.
(5) CE 1° et 6° s-s-r., 1er mars 2013, n° 350306, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9297I8T).
(6) CE 5° et 7° s-s-r., 10 octobre 2001, n° 208663, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1906AXU).
(7) Voir, par exemple, CE 9° et 10° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 332257, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1150IWI).
(8) CE 3° et 8° s-s-r., 10 février 2006, n° 259837, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8299DMC).
(9) CE 2° et 6° s-s-r., 5 mai 1999, n° 158216, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4448AXZ).
(10) CE 8° et 9° s-s-r., 20 juin 1997, n° 136743, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0082AER).
(11) CE 3° et 5° s-s-r., 1er octobre 1993, n° 106290, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0734ANI).
(12) CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1977, n° 01341, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3716B87).
(13) CE 1° et 6° s-s-r., 10 février 2010, n° 327149, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7583ERB).
(14) CE 1° et 6° s-s-r., 10 février 2010, n° 327149, préc..

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