La lettre juridique n°866 du 27 mai 2021

La lettre juridique - Édition n°866

Sécurité intérieure

[Brèves] La loi sécurité globale à l’épreuve de la Constitution : censure du célèbre « article 24 » et autres dispositifs controversés

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-817 DC, du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés (N° Lexbase : A25374SR)

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N7602BY9

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par Adélaïde Léon

Le 23 Juin 2021

► Saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés ;

Au nombre des censures, on compte le désormais célèbre « ex-article 24 » devenu 52.

I. Censure de l’article 52 relatif à la diffusion malveillante de l’image des forces de l’ordre

Griefs avancés. Outre la saisine des parlementaires, le Premier ministre avait lui-même demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 52 de la loi « sécurité globale » [en ligne].

Pour rappel, cet article crée un délit réprimant de 5 ans et 75 000 euros d’amende « la provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police, d’un agent de douanes lorsqu’il est en opération ».

Il était fait grief à ces dispositions de méconnaître le principe de légalité des délits et des peines en raison de leur imprécision notamment s’agissant des notions d’ « intégrité physique » et de « provocation à l’identification d’un agent ».

Par ailleurs, les députés requérants arguaient d’une méconnaissance de la liberté d’exprimer collectivement ses opinions et la liberté d’expression dès lors que ces dispositions pouvaient justifier l’interpellation de manifestants ou même de journalistes au seul motif que ces derniers seraient en train de filmer les forces de l’ordre.

Enfin, il était fait grief à ces dispositions de contrevenir au principe d’égalité devant la Justice, à celui de proportionnalité des peines ainsi qu’à la « confiance légitime des citoyens vis à vis de la force publique ».

Décision. Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions en cause contraires à la Constitution.

La Haute juridiction estime qu’en précisant que les dispositions sont applicables lorsque les forces de l’ordre sont « en opération », le législateur a érigé un élément constitutif du délit qu’il lui appartenait de définir.

Par ailleurs, en ne précisant pas si « le but manifeste » doit être caractérisé indépendamment de la seule provocation à l’identification, le législateur a laissé planer une incertitude sur la portée de l’intention exigée.

Dès lors, le Conseil estime que, faute d’avoir suffisamment défini les éléments constitutifs dudit délit, le législateur a méconnu le principe de la légalité des délits et des peines.

II. Autres dispositifs censurés

Article 1er confiant des pouvoirs de police judiciaire à certains agents de police municipale et gardes champêtres. Cet article devait permettre, à titre expérimental, aux agents de police municipale et gardes champêtres de certaines communes ou coopérations intercommunales à fiscalité propre d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle. Pour l’exercice de ces compétences, les agents et gardes concernés sont placés en permanence sous l’autorité du directeur de police municipale ou du chef de service de police municipale dûment habilités lesquels sont quant à eux placés, pour l’exercice de ces missions, sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction du siège de leur fonction.

Ces dispositions sont censurées au motif que le législateur n’a pas prévu de contrôle direct et effectif du procureur de la République sur les directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale. Par ailleurs, en confiant des pouvoirs aussi étendus à des agents de police municipale et gardes champêtres, sans les mettre à disposition d’OPJ ou de personnes présentant des garanties équivalentes, le législateur a méconnu l’article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM).

Article 2 durcissant la peine de violation de domicile. Jugeant que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution, le Conseil le déclare contraire à celle-ci.

Article 38 autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance diverses mesures relatives au Conseil national des activités privées de sécurité. Le législateur a indiqué avec précision le domaine d’intervention des mesures qu’il autorisait le Gouvernement à prendre. Toutefois, en utilisant le terme « notamment » pour énoncer les finalités de ces mesures, le législateur a permis au Gouvernement de poursuivre d’autres finalités que celles énoncées. En procédant ainsi, il a méconnu les dispositions de l’article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X) lequel fait obligation au Gouvernement, lorsqu’il sollicite le recours à des ordonnances, d’indiquer avec précision au Parlement, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre.

Article 41 autorisant le placement sous vidéosurveillance des personnes retenues dans les chambres d'isolement des centres de rétention administrative et des personnes en garde à vue. Soulignant que la mesure de placement, prise initialement pour une durée de 48 heures, peut être renouvelée sur la seule décision du chef de service responsable de la sécurité des lieux, et sous l’unique condition d’en informer le procureur de la République, aussi longtemps que dure la garde à vue, laquelle peut durer 6 jours, ou le placement en chambre d’isolement dans un centre de rétention administrative, lequel n’est pas limité dans le temps, le Conseil estime que les dispositions en cause méconnaissent le droit au respect de la vie privée et sont contraires à la Constitution.

Article 47 déterminant les conditions dans lesquelles certains services de l'État et la police municipale peuvent procéder au traitement d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord. Le Conseil constitutionnel souligne que, pour répondre aux objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, le législateur pouvait autoriser la captation, l’enregistrement et la transmission d’images émanant de ces aéronefs aux fins de maintien de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales ou aux fins de maintien de l’ordre et de la sécurité publics.

La Haute juridiction relève toutefois qu’eu égard à leur mobilité et leur périmètre d’action, ces appareils sont susceptibles de capter des images d’un très grand nombre de personnes impliquant que la mise en œuvre d'un tel système de surveillance soit assortie de garanties permettant la sauvegarde du droit au respect de la vie privée.

Toutefois, le Conseil relève les points suivants :

  • en matière de police judiciaire, police administrative et police municipale, le champ de l’autorisation de recours à ce dispositif est extrêmement large ;
  • aucune limite maximale à la durée de l’autorisation de recours à ce système de surveillance n’a été fixée par le législateur, exceptée la durée de six mois lorsque l’autorisation est délivrée à la police municipale ;
  • aucune limite de périmètre dans lequel la surveillance peut être mise en œuvre n’est non plus fixée ;
  • n’est pas fixé le principe d’un contingentement du nombre d’aéronefs circulant, sans personne à bord, équipés d’une caméra pouvant être utilisés, le cas échéant simultanément, pas les différents services de l’État et ceux de la police municipale.

Aux termes de ces constatations, le Conseil juge que le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée. Il censure donc les dispositions de l’article 47 de la loi déférée.

Article 48 permettant aux forces de sécurité intérieure et à certains services de secours de procéder à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras embarquées équipant leurs véhicules, aéronefs, embarcations et autres moyens de transport, à l'exception des aéronefs circulant sans personne à bord.

Sur l’information du public. Le Conseil relève qu’outre une information générale du public par le ministre de l’Intérieur, le législateur n’a prévu pour seule information spécifique du public que l’apposition d’une signalétique lorsque les véhicules sont équipés de caméras. Or, cette information n’est pas donnée lorsque « les circonstances l’interdisent » ou lorsqu’elle « entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis » ce qui permet de déroger largement à l’obligation d’informer. Le Conseil souligne qu’il pourrait notamment être aisément dérogé à cette obligation en matière d’investigations pénales dès lors qu’une telle information est bien souvent en contradiction avec l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et de constatations de ces dernières.

Sur le périmètre de mise en œuvre. Le Conseil relève les cas dans lesquels les dispositifs peuvent être mis en œuvre et souligne notamment que le législateur n’a lui-même fixé aucune limite maximale à la durée d’utilisation du dispositif ni aucune borne au périmètre dans lequel cette surveillance peut avoir lieu.

Sur la procédure d’autorisation. La Haute juridiction souligne que la décision de recourir à des caméras embarquées relève des seuls agents des forces de sécurité intérieure et des services de secours et n’est soumise à aucune autorisation, ni même à l’information d’une autre autorité.

Aux termes de ces constatations, le Conseil constitutionnel juge que le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée et déclare contraire à la Constitution les dispositions en cause.

 

III. Dispositions validées par le Conseil constitutionnel

Article 4

Modifie l’article L. 511-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L2987LH4) afin d’étendre à l’ensemble des manifestations sportives récréatives ou culturelles la possibilité pour les agents de police municipale de procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à des palpations de sécurité

Le Conseil valide cet article en émettant une réserve : la mise en œuvre de ces vérifications ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.

Article 21

Modifie l’alinéa second de l’article L. 634-4 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L1207LD3) afin notamment d’étendre la possibilité d’infliger des pénalités financières à titre de sanction disciplinaire aux personnes physiques salariées exerçant des activités privées de sécurité.

Le Conseil écarte le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines et déclare l’article conforme à la Constitution.

Article 23

Modifie les articles L. 612-20 (N° Lexbase : L7515LZD) et L. 622-19 (N° Lexbase : L7661LZR) du Code de la sécurité intérieure afin d'instaurer une condition de durée de détention d'un titre de séjour pour les étrangers souhaitant exercer une activité privée de sécurité.

Estimant que la différence de traitement contestée est justifiée par une différence de situation et est en rapport direct avec l’objet de la loi, le Conseil rejette le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité et déclare l’article conformé à la Constitution.

Article 29

Modifie l'article L. 613-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L2988LH7) afin d'élargir les cas dans lesquels des agents privés de sécurité peuvent exercer des missions de surveillance sur la voie publique.

Le Conseil valide cet article en émettant une réserve : la mission de surveillance des agents privés de sécurité, si elle peut s’exercer de façon itinérante, ne saurait s’exercer au-delà des abords immédiats des biens dont les agents privés de sécurité ont la garde.

Article 34

Modifie les articles L. 613-2 (N° Lexbase : L2989LH8) et L. 613-3 (N° Lexbase : L8970K7D) du Code de la sécurité intérieure en supprimant l'exigence d'habilitation et d'agrément imposée aux agents privés de sécurité pour pouvoir procéder à des palpations de sécurité.

Rappelant que l’exercice des missions de sécurité privée est subordonné au respect de conditions notamment de probité, moralité et d’aptitude professionnelle attestées par la délivrance d’une carte professionnelle, que le renouvellement de cette carte est subordonné au suivi d’une formation continue et que les palpations ne peuvent être opérées qu’avec le consentement exprès de la personne qui en fait l’objet, le Conseil considère que les dispositions ne privent pas de garanties légales le droit au respect de la vie privée et il valide l’article.

Article 36

Insère dans le Code de la sécurité intérieure un article L. 611-3 autorisant des agents privés de sécurité à détecter des drones.

Considérant que ces dispositions ne délèguent pas des compétences de police administrative générales inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits et ne sont donc pas contraires à l’article 12 de la DDHC (N° Lexbase : L1359A99), le Conseil valide l’article 36 de la loi.

Article 40

Modifie les articles L. 252-2 (N° Lexbase : L5141I3S), L. 252-3 (N° Lexbase : L5291ISR) et L. 255-1 (N° Lexbase : L5302IS8) du Code de la sécurité intérieure de manière à étendre, sous certaines conditions, le champ des images prises par des systèmes de vidéoprotection sur la voie publique auxquelles peuvent accéder les policiers municipaux ainsi que certains agents de la Ville de Paris mentionnés aux articles L. 531-1, L. 532-1 et L. 533-1 du même code.

Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions procèdent à une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée et son conformes à la Constitution sous la réserve suivante : elles ne sauraient permettre aux agents des services de police municipale et les agents de la Ville de Pais d’accéder à des images prises par des systèmes de vidéoprotection qui ne seraient pas mis en œuvre sur le territoire de la commune ou de l’intercommunalité sur lequel ils exercent cette mission.

     

Article 43

Modifie les conditions dans lesquelles les services chargés du maintien de l'ordre peuvent être destinataires d'images de vidéosurveillance réalisées afin d'assurer la protection des parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation.

Estimant que les dispositions procèdent à une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnels et le droit au respect de la vie privée, le Conseil valide l’article 43

Article 44

Introduit un nouvel article L. 2251-4-2 dans le Code des transports afin d'étendre les conditions dans lesquelles les agents des services internes de sécurité de la société nationale SNCF et de la RATP peuvent visionner des images de vidéoprotection prises depuis les véhicules et les emprises des transports publics de voyageurs.

 

Estimant que les dispositions procèdent à une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnels et le droit au respect de la vie privée, et n’ont pas méconnu l’article 12 de la DDHC en soumettant le visionnage des images à l’autorité et la présence des agences de la police ou de la gendarmerie nationale, le Conseil valide l’article 44

Article 45

Modifie les articles L. 241-1 (N° Lexbase : L5061K8X) et L. 241-2 (N° Lexbase : L6163LLT) du Code de la sécurité intérieure relatifs à l'utilisation de caméras individuelles par les agents de la police nationale, les militaires de la gendarmerie nationale et les agents de police municipale.

Le Conseil constitutionnel rejette les griefs tirés de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, des droits de la défense et du droit à un procès équitable et déclare les dispositions de l’article 45 conformes à la Constitution en émettant une réserve : « ces dispositions ne sauraient s'interpréter, sauf à méconnaître les droits de la défense et le droit à un procès équitable, que comme impliquant que soient garanties jusqu'à leur effacement, l'intégrité des enregistrements réalisés ainsi que la traçabilité de toutes leurs consultations. »

Article 46

Prévoit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, que les gardes champêtres puissent, dans l'exercice de leurs missions de police des campagnes, être autorisés par le représentant de l'État dans le département à procéder au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions.

Soulignant que les dispositions n’autorisent pas le transfert en temps réel des images à d’autres agents ni leur consultation directe par les gardes champêtres, le Conseil valide les dispositions de l’article 46 de la loi.

Article 50

Supprimant le bénéfice des crédits de réduction de peine prévus par l'article 721 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3010LUZ) en cas de condamnation pour certaines infractions d'atteintes aux personnes, lorsque ces infractions ont été commises à l'encontre d'un élu, d'un magistrat, de représentants de la force publique ou d'autres personnes dépositaires de l'autorité publique ou à l'encontre de certaines personnes chargées d'une mission de service public.

Le Conseil constitutionnel rejette les griefs tirés de la méconnaissance du principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines et du principe d’égalité devant la loi et valide les dispositions de l’article 50.

Article 53

Prévoyant que l'accès à un établissement recevant du public ne peut pas être refusé à un fonctionnaire de la police nationale ou à un gendarme au motif qu'il porte son arme hors service.

Rejetant les griefs tirés de l’incompétence négative et de la méconnaissance du droit au repos le Conseil constitutionnel valide les dispositions de l’article 53.

Article 61

Autorise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, l'installation de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants des opérateurs de transport public ferroviaire de voyageurs afin de prévenir les accidents ferroviaires.

 

Estimant que le législateur pouvait, sans méconnaître sa compétence, renvoyer à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la fixation des mesures techniques pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images, le Conseil valide les dispositions en cause.

Article 62

Élargit les conditions dans lesquelles les images de vidéoprotection prises depuis les véhicules et les emprises immobilières des transports publics de voyageurs sont transmises aux forces de l'ordre.

Estimant que le législateur a assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée, le Conseil valide les dispositions en cause.

 

IV. Articles censurés d’office comme cavaliers législatifs

Sans que cette décision ne préjuge de la constitutionnalité de leur contenu, les articles 26, 57, 63, 68 et 69 de la loi déférée sont censurés d’office car adoptés selon une procédure contraire aux exigences de l’article 45 de la Constitution (N° Lexbase : L1306A9A).

Pour aller plus loin : S. Fucini, Proposition de loi relative à la sécurité globale : les dispositions controversées et les autres, Lexbase Pénal, décembre 2020 (N° Lexbase : N5709BY4)

 

newsid:477602

Contrats et obligations

[Brèves] Point de départ de la prescription biennale de l’action en paiement d’une facture du solde des travaux

Réf. : Cass. civ. 3, 12 mai 2021, n° 20-12.520 FS-P (N° Lexbase : A10004ST)

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N7671BYR

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux

Le 26 Mai 2021

► Le point de départ de l’action biennale en paiement d’une facture de travaux formée contre un consommateur est, désormais, non pas le jour de l’établissement de la facture mais la date à laquelle le créancier a eu connaissance des faits qui lui permettent d’agir ;
► l’application de la jurisprudence nouvelle ne doit toutefois pas priver l’entreprise, qui ne pouvait raisonnablement anticiper une modification de la jurisprudence, d’un procès équitable si bien qu’il faut lui appliquer l’ancienne jurisprudence.

La question du point de départ de la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) fait, décidément, couler beaucoup d’encre. Cet article, issu de la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I), se trouve dans le prolongement de la courte prescription de l’ancien article 2272 du Code civil (N° Lexbase : L7195IAQ). La prescription biennale vise, désormais, l’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs.

L’article L. 137-2 dispose que l’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.

Toutefois, ce texte ne prévoit rien quant au point de départ de cette prescription biennale. Deux thèses se sont vite opposées : le jour de l’établissement de la facture versus le jour où le créancier a connaissance des faits lui permettant d’agir.

Dans cette affaire, la Haute juridiction procède, selon sa nouvelle méthodologie, à un rappel des thèses applicables et des solutions dégagées. Elle expose ainsi que le point de départ du délai biennal de prescription se situait, en application de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC), au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée (Cass. civ. 3, 16 avril 2015, n° 13-24.024, F-P+B N° Lexbase : A9340NGZ) soit le jour d’établissement de la facture (Cass. civ. 3, 9 juin 2017, n° 16-12.457, FS-P+B+I N° Lexbase : A4426WHE).

Mais que cette jurisprudence n’est plus applicable depuis que l’action en paiement des factures formées contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3), se prescrit à compter de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’agir (Cass. com., 26 février 2020, n° 18-25.036, F-P+B N° Lexbase : A78903GC).

Pour harmoniser ces délais, la Haute juridiction expose ainsi que le point de départ de l’action biennale est la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations.

Tel est le premier apport de l’arrêt rapporté.

Mais, à appliquer cette nouvelle solution, l’entreprise qui sollicite le paiement du solde de ses travaux serait prescrite. La solution, appliquée par la cour d’appel de Poitiers dans un arrêt du 5 novembre 2019 (CA Poitiers, 5 novembre 2019, n° 18/00473 N° Lexbase : A9504ZT8), semble, à juste titre, injuste pour la Haute juridiction.

Elle rappelle que, si la jurisprudence nouvelle s’applique de plein droit à tout ce qui été fait sur la base de l’ancienne jurisprudence, il en va différemment si la mise en œuvre de ce principe affecte irrémédiablement la situation des parties, qui ont agi de bonne foi sur la base de la jurisprudence ancienne.

Tel était le cas en l’espèce puisque l’application de la jurisprudence nouvelle reviendrait à priver d’action l’entreprise, sachant que son action serait prescrite.

La Cour de cassation estime alors qu’appliquer la nouvelle jurisprudence au litige reviendrait à méconnaître le principe d’accès au juge, martelé par l’article 6, § 1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). Il doit donc faire application de l’ancienne jurisprudence.

Tel est le second apport de l’arrêt rapporté.

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Covid-19

[Brèves] Annulation des textes ayant réduit les délais de consultation du CSE pendant la crise sanitaire

Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 19 mai 2021, n° 441031, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A25254SC)

Lecture: 2 min

N7653BY4

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par Charlotte Moronval

Le 26 Mai 2021

► Sont annulés, l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 (N° Lexbase : L7287LWS) ainsi que le décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 (N° Lexbase : L7999LW8), ayant permis le raccourcissement des délais de consultation du CSE au début de la crise sanitaire, dès lors que la loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance ne l’autorisait pas à réduire les délais d’information et de consultation ainsi que les délais applicables aux expertises.

Pour rappel. L'article 9 de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 prévoyait, à titre temporaire, un raccourcissement des délais légaux ou conventionnels de communication aux membres du CSE de l'ordre du jour des séances consacrées aux décisions de l'employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19. Sur le fondement de cette ordonnance, le décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 précisait que ces délais réduits étaient applicables entre le 3 mai et le 23 août 2020.

La position du Conseil d’État. Contestées pour excès de pouvoir par plusieurs syndicats, ces dispositions ont été annulées par le Conseil d'État, même si ces textes ne sont plus applicables. Selon lui, aucune de ces dispositions n'habilitait le Gouvernement à réduire les délais d'information et de consultation des comités sociaux et économiques, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités.

À noter. La Haute juridiction administrative a précisé que l'annulation de l'ordonnance et du décret d'application est rétroactive, ouvrant, potentiellement, la voie à des contentieux sur des décisions fondées sur ces délais abrogés de consultation du CSE ou sur l'impossibilité pour le CSE de se prononcer dans les délais impartis.

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Droit pénal fiscal

[Jurisprudence] Fraude fiscale : nul besoin de démontrer l’appréhension effective des fonds litigieux par le prévenu pour caractériser la fraude

Réf. : Cass. crim., 8 avril 2021, n° 19-87.905, F-P+I (N° Lexbase : A65534NZ)

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N7505BYM

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par Alice Rousseau, Avocate au Barreau de Paris

Le 27 Mai 2021


Mots-clés : délit de fraude fiscale • impôt sur le revenu • omission de déclaration • poursuites pénales

Le fait que la CJUE ait été saisie, dans une autre affaire, d’une question préjudicielle sur la conformité des règles françaises de cumul des sanctions pénales et fiscales ne justifie pas, dans la présente affaire, que le juge pénal sursoit à statuer dans l’attente de la décision de la CJUE.

En cas d’omission de déclarer les rémunérations sujettes à l’IR en application de l’article 155 A du CGI, le juge n’a pas besoin de démontrer l’appréhension effective des sommes par le prévenu pour caractériser la fraude fiscale.


 

Un couple, fondateur et dirigeant d’une société française spécialisée dans la fabrication de produits à base d’huiles essentielles, a cédé à une société anglaise les droits d’exploitation des marques et brevets d’une gamme de produits de la société française, qui étaient auparavant exploités par cette dernière. Le lendemain de cette cession, la société anglaise a concédé à la société française un contrat de licence exclusive d’exploitation de ces marques et brevets.

Cinq ans après la cession, l’administration fiscale a adressé une proposition de rectification au couple. Elle considère que Madame X était la véritable gestionnaire et l’exploitante des marques et brevets cédés à la société anglaise et que les redevances versées à cette société rémunéraient en réalité les prestations réalisées par Madame X. Or, faisant application des dispositions de l’article 155 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2518HLT), l’administration fiscale entendait imposer ces redevances dans les mains de cette dernière, au titre des bénéfices non commerciaux.

En parallèle, l’administration fiscale a déposé une plainte pour fraude fiscale contre le couple au motif que les époux se seraient frauduleusement soustraits à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2011 en ne mentionnant pas sur leur déclaration de revenus les redevances versées par la société française à la société anglaise.

Les époux, relaxés en première instance, ont été condamnés en appel. Ils ont formé le pourvoi en cassation objet du présent arrêt. La chambre criminelle a tout d’abord rejeté les demandes de sursis à statuer des époux avant de confirmer la décision de condamnation.

I. Sur les demandes de sursis à statuer

Comme il est fréquent dans les affaires de droit pénal fiscal, les époux devaient faire face à deux procédures distinctes : une procédure administrative/fiscale par laquelle ils contestaient le redressement fiscal prononcé sur le fondement de l’article 155 A du CGI et une procédure pénale diligentée à leur encontre pour fraude fiscale.

Il est de jurisprudence constante que la décision du juge de l’impôt n’a pas autorité de la chose jugée à l’égard du juge pénal [1] de sorte que le juge pénal n’a pas à surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge fiscal [2]. Cela découle du principe d’indépendance des procédures pénales et fiscales [3].

Toutefois, une brèche avait été portée à ce principe d’indépendance des procédures pénales et fiscales par le Conseil constitutionnel dans ses décisions de 2016. En effet, ce dernier y a affirmé, qu’en application du principe de nécessité des délits et des peines, un contribuable qui avait été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne pouvait être condamné pour fraude fiscale [4].

En septembre 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a maintenu le principe d’absence de sursis à statuer dans l’attente de la décision fiscale. Elle a toutefois assoupli sa position en prévoyant, à titre exceptionnel, la possibilité pour le juge pénal de surseoir à statuer dans l’hypothèse où il existe un risque sérieux de contrariété de décisions entre les instances pénales et fiscales. Cela vise notamment l’hypothèse où il existe une décision non définitive déchargeant le prévenu de l’impôt pour un motif de fond.

La première demande formulée par les époux visait à obtenir du juge pénal le sursis à statuer dans l’attente du prononcé de la décision du Conseil d’État devant lequel leur pourvoi était pendant.

La chambre criminelle a refusé de faire droit à cette demande au motif qu’il n’existait pas de risque sérieux de contrariété entre les décisions des juridictions pénales et administratives. La Cour avait relevé que ni le tribunal administratif initialement saisi ni la juridiction d’appel n’avaient fait droit aux demandes de décharge d’imposition et des majorations fiscales des époux.

Ce refus s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, le sursis à statuer du juge pénal dans l’attente de la décision fiscale reste une mesure exceptionnelle. En l’espèce, l’existence de deux décisions administratives successives de rejet des demandes de décharges compromettait fortement la demande de sursis (sauf peut-être à pouvoir justifier de l’imminence de l’audience administrative).

Par ailleurs, les époux sollicitaient également du juge pénal qu’il sursoie à statuer dans l’attente de la décision à venir de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la conformité des règles françaises de cumul des sanctions pénales et fiscales au principe non bis in idem prévu par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la Charte) qui interdit d’être puni pénalement deux fois pour une même infraction [5].

Pour rappel, en France, la Cour de cassation juge de manière constante que l’interdiction d’une double condamnation en raison des mêmes faits (en application de l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la CEDH) ne trouve à s’appliquer que pour les infractions relevant de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale mais n’interdit pas le prononcé des sanctions fiscales (majorations sur les droits éludés) parallèlement aux peines infligées par le juge pénal [6]

Le Conseil constitutionnel a jugé en 2016 [7] que le cumul des sanctions pénales et des pénalités fiscales était conforme à la constitution sous réserve que : (i) un contribuable déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne puisse être condamné pénalement ; (ii) le cumul ne s’applique qu’aux cas les plus graves de fraude fiscale ; et (iii) le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne peut dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.

Or, en matière de manquements aux règles de TVA, la CJUE a indiqué qu’il n’était possible de limiter le principe non bis in idem (i) qu’en cas de nécessité, dès lors qu’il existe des règles claires et précises permettant au justiciable de prévoir quels comportements sont susceptibles de faire l’objet d’un cumul, et (ii) sous réserve que les règles permettent d’assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées soit limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l’infraction concernée [8].

Récemment, dans l’affaire du 21 octobre 2020 ayant donné lieu au renvoi préjudiciel, un contribuable a soulevé devant la Haute juridiction des moyens visant à contester la conformité des règles françaises de cumul des procédures et des sanctions pénales et fiscales à l’article 50 de la Charte. L’invocation d’une violation de la Charte était rendue possible en raison du fait que le contribuable avait, pour partie, été condamné pénalement et fiscalement pour des manquements aux règles de TVA, régies par le droit de l’Union. La Cour s’est ralliée à l’argumentation du contribuable, en s'interrogeant sur (i) la clarté et la prévisibilité de la législation française concernant le critère de gravité (énoncé dans la 2ème réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel), et (ii) la proportionnalité de l’ensemble des sanctions pouvant être imposées (critère énoncé dans la 3ème réserve d’interprétation). La chambre criminelle de la Cour de cassation a, en conséquence, renvoyé à la CJUE deux questions préjudicielles. 

Toutefois, en l’espèce, la Cour de Cassation a rejeté la seconde demande de sursis à statuer formulée par les époux qui visait à ce que le juge pénal sursoit à statuer dans l’attente de la décision de la CJUE sur la conformité des règles françaises de cumul des sanctions pénales et fiscales au principe non bis in idem prévu par la Charte. Ce refus est justifié par le fait que l’imposition sur le revenu n’entre pas dans le champ d’application du droit de l’Union. Partant, les hauts magistrats semblent considérer que la décision de la CJUE aura des effets limités aux poursuites pour fraude fiscale en matière de TVA.

La position de la Cour de cassation sur ce point interroge. En effet, si l’impôt sur le revenu ne relève, à l’évidence, pas du droit de l’Union, il est difficilement envisageable de concevoir qu’une décision de la CJUE favorable au contribuable aurait des effets limités aux règles de cumul en matière de TVA. Une telle application différenciée des règles de cumul en fonction de l’impôt fraudé pourrait être considérée comme une violation du principe d’égalité devant la loi.

Par ailleurs, la décision de la chambre criminelle surprend puisqu’elle va à l’encontre de la position prise quelques mois plus tôt. En effet, dans la décision du 21 octobre 2020 la Cour avait clairement fait part de ses doutes concernant (i) la clarté des conditions d’application du critère de gravité (qui veut que seuls les cas les plus graves de fraude fiscale puissent donner lieu à un cumul de sanctions), et (ii) le cantonnement des sanctions à ce qui est strictement nécessaire. Or, force est de constater que ces critères de gravité et de proportionnalité s’appliquent indistinctement à l’ensemble des manquements fiscaux susceptibles d’emporter des sanctions fiscales et pénales (et non uniquement aux manquements aux règles de TVA). Aussi, il est difficilement concevable de reconnaitre l’existence de « doutes », quant à l’application des réserves d’interprétation émises par le Conseil constitutionnel, quand il s’agit d’un cumul de poursuites et de sanctions pénales et fiscales en matière de TVA mais d’exclure tout doute raisonnable concernant les autres impôts. C’est pourtant cette position qu’a choisi d’adopter la Cour de cassation. En effet, cette dernière justifie, dans la présente affaire, le refus d’octroyer le sursis à statuer aux époux en raison de la nature de l’impôt éludé : à savoir l’impôt sur le revenu et non la TVA.

II. Sur la caractérisation de la fraude fiscale

En l’espèce, les époux étaient poursuivis pour fraude fiscale pour avoir omis de mentionner sur leurs déclarations les redevances versées par la société française à la société anglaise, dès lors qu’en application de l’article 155 A du CGI ces sommes étaient réputées rémunérer les prestations réalisées par Madame X.

Il convient à titre liminaire de relever qu’il y a très peu d’affaires de fraude fiscale dans lesquelles le manquement frauduleux découle de l’application des règles de l’article 155 A du CGI.

Ce dispositif avait été instauré par la loi de finances pour 1973 afin de répondre à un procédé connu aux États-Unis sous les termes de « Rent a star company » (« société de location de star ») et utilisé au premier chef par les artistes et sportifs. Ce procédé consistait à créer à l’étranger, de préférence dans un État à régime fiscal privilégié, une société qui allait percevoir l’intégralité des cachets de l’artiste ou des droits à l’image du sportif et lui en reverser une faible partie sous forme de salaires. La majeure partie des sommes reçues échappait ainsi à l’impôt français [9].

Afin de déjouer ces montages, l’article 155 A du CGI prévoit que les sommes perçues par une personne physique ou morale domiciliée ou établie hors de France, en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France, sont imposables en France au nom de ces dernières dans les cas suivants : (i) lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement, la personne qui perçoit la rémunération des services ; ou (ii) lorsqu’elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de service ; ou (iii), en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un pays étranger où elle est soumise à un régime fiscal privilégié [10].

Dans la présente affaire, les juges d’appel avaient retenu le délit de fraude fiscale aux motifs que :

  • la cession des marques et brevets à la société anglaise, à un prix très faible, ne se justifiait pas ; la société anglaise ne disposant pas d’une compétence en la matière (et en toute hypothèse cette compétence n’était pas supérieure à celle que détenaient les époux) ;
  • les époux ont retrouvé, le lendemain de la cession, le bénéfice de l’exploitation des marques via la licence concédée à la société française ;
  • alors que le contrat de cession avait prévu un rôle limité de Madame X au sein de la société anglaise (assistance pour le dépôt et la protection des marques, assistance pour la réalisation des formalités administratives, autorisation des factures à régler par la société anglaise), elle s’était en réalité comportée comme la véritable gestionnaire de cette société ;
  • la société anglaise présentait tous les caractères d’une coquille vide ;
  • aucun élément ne démontrait que la société anglaise exerçait de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prétendue prestation de services rémunérée par les redevances litigieuses.

Par ailleurs, la Cour d’appel avait indiqué que les infractions de fraude fiscale reprochées aux époux ne nécessitaient pas d’établir qu’ils avaient directement appréhendé les fonds litigieux, dès lors que leur perception pouvait être dissimulée par des structures écrans.

Les contribuables faisaient grief aux juges d’appel de les avoir condamnés alors que :

  • l’article 155 A du CGI exige qu’il soit établi que la rémunération déclarée correspond à une prestation réalisée en France par une personne qui y est établie. Or, en l’espèce, les contribuables soutenaient que la redevance ne rémunérait aucune prestation réalisée en France ;
  • la Cour d’appel ne pouvait entrer en voie de condamnation sans établir que Madame X avait effectivement appréhendé, au moins indirectement, les fonds en cause.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Dans un premier temps, elle rappelle, à juste titre, que l’article 155 A qui permet d’imposer dans les mains d’un résident fiscal français qui rend les services, la rémunération correspondant à ces services, lorsqu’elle est perçue par une personne établie hors de France, n’est pas subordonnée à la condition que les services aient été rendus en France. Ce n’est, en effet, que lorsque le prestataire (généralement la personne physique) est domicilié hors de France que l’application des dispositions de l’article 155 A est limitée aux sommes rémunérant des services rendus en France.

Dans un second temps, la Cour indique qu’en application de l’article 155 A le contribuable est réputé avoir réalisé lui-même les bénéfices ou revenus tirés de la prestation par la personne morale étrangère chargée de les percevoir. La Cour poursuit en indiquant qu’il appartient, le cas échéant, au contribuable d’apporter la preuve, soit, qu’il n’a pas fourni de telles prestations, soit, que la rémunération litigieuse, qui a pu lui être reversée en tout ou en partie par l’entité étrangère, a été imposée à un autre titre.  En conséquence, le Cour conclut que la caractérisation du délit de fraude fiscale résultant de l’omission de déclarer les rémunérations sujettes à l’impôt en application de ce texte n’implique pas qu’il soit démontré que le prévenu a effectivement appréhendé les sommes en cause.

Il en est de même en matière fiscale : l’imposition du prestataire de service ne requiert pas la démonstration que les sommes ont été effectivement reçues par ce dernier. Toutefois, l’administration fiscale a précisé dans sa doctrine que l’imposition du prestataire de service ne porte que sur les sommes encaissées par le bénéficiaire des rémunérations (c’est-à-dire la société off-shore[11]. En application de ce principe, il a été jugé que l'administration fiscale n'était pas en droit d'imposer au nom d’une personne physique résidente fiscale de France, au titre de bénéfices non commerciaux, des sommes dont elle établissait l'inscription en comptabilité mais pas le versement effectif à la société étrangère assurant, officiellement, la prestation de service [12]. Partant, si l’administration fiscale n’a pas à prouver la perception effective des sommes par la personne physique, elle doit néanmoins démontrer l’encaissement des sommes par le bénéficiaire établi à l’étranger.

Au cas d’espèce, la lecture de l’arrêt ne permet pas de savoir si la preuve de l’encaissement des fonds par la société anglaise a été recherchée et/ ou rapportée. Toutefois, cela ne semble pas avoir été le cas. La cour d’appel considère en effet ne pas avoir à établir l’appréhension des sommes par les époux « leur perception pouvant être dissimulée par des structures écrans ». Aussi, en raison de ce risque hypothétique, la Cour d’appel semble s’être dispensée de tout traçage des fonds. La lecture de l’arrêt de la Cour de cassation ne permet pas non plus de savoir avec certitude si les hauts magistrats se sont attachés au point de savoir si les sommes ont été encaissées par la société étrangère ou non. En effet, à aucun moment cet encaissement par la société anglaise n’est mentionné dans l’arrêt. La Cour de cassation se prononce seulement sur la question de l’appréhension des sommes par le prévenu. A ce sujet elle indique que : « la caractérisation du délit de fraude fiscale résultant de l’omission de déclarer les rémunérations sujettes à l’impôt en application de [l’article 155 A] n’implique pas qu’il soit démontré que le prévenu a effectivement appréhendé les sommes en cause ». Or comme exposé ci-dessus, la démonstration de l’encaissement des sommes par la société est nécessaire pour justifier un redressement fiscal de la personne physique sur le fondement de l’article 155 A du CGI. Aussi, cette preuve de l’encaissement des sommes par la société semble nécessaire à la caractérisation du manquement fiscal de la personne physique, qui est un élément constitutif du délit de fraude fiscale (à côté de l’intention frauduleuse).

Il convient à ce titre de rappeler qu’en principe, en matière pénale, il revient au parquet de démontrer la commission d’une infraction. Or, si en 1972, année de création de l’article 155 A du CGI, l’assistance administrative internationale manquait d’efficacité, force est de constater qu’aujourd’hui, la coopération internationale permet, la plupart du temps, aux administrations tant fiscales que pénales de tracer les fonds afin d’établir l’identité de leurs bénéficiaires. Ainsi, rien ne justifiait qu’il soit fait l’économie de la démonstration de l’encaissement des sommes par la société anglaise.

Cette position de la Cour de cassation est défavorable aux contribuables. Elle illustre une tendance des juridictions pénales à assouplir les conditions de la répression pénale quitte à s’écarter de la stricte lecture des textes.

 

[1] Cass. crim., 13 juin 2012, n° 11-84.092, F-D (N° Lexbase : A8122IQU).

[2] Cass. crim., 24 mai 1967, n° 63-92376, publié au bulletin (N° Lexbase : A8236CIU).

[3] Jurisprudence constante : ex. Cass. crim., 24 mai 1967, n° 63-92376, publié au bulletin (N° Lexbase : A8236CIU).

[4] Cons. const., décision n° 2016-545 QPC, du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0909RU9), Cons. const., décision n° 2016-546 QPC, du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0910RUA), considérants 13.

[5] Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-81.929, FS-P+B+I (N° Lexbase : A31923YU) ; CJUE 28 octobre 2020, aff. C-570/20, Direction départementale des Finances publiques de la Haute-Savoie.

[6] Cass. crim., 20 juin 1996, n° 94-85796, publié au bulletin (N° Lexbase : A2863CIU) ; Cass. crim., 4 juin 1998, n° 97-80620, publié au bulletin (N° Lexbase : A0504CGR).

[7] Cons. const., décision n° 2016-545 QPC, du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0909RU9), Cons. const., décision n° 2016-546 QPC, du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0910RUA), considérants 13.

[8] CJUE, 20 mars 2018, aff. C-524/15, Menci (N° Lexbase : A3533WRB).

[9] Cons. const., décision n° 2010-70 QPC, du 26 novembre 2010 (N° Lexbase : A3870GLW) ; Commentaire de la décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, Les Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 30, page 1.

[10] Ce régime est également applicable aux personnes domiciliées hors de France qui prêtent leur concours à des personnes domiciliées ou établies hors de France, auquel cas la rémunération reçue au titre des services rendus en France est soumise à une retenue à la source (CGI, art. 155 A, II).

[11] BOI-IR-DOMIC-30 du 12 septembre 2012, n° 210 (N° Lexbase : X3766AL3).

[12] TA Lyon, 12 novembre 2013, n° 1103511 (N° Lexbase : A2612KR8) ; TA Marseille 22 décembre 2009 n° 07-3349.

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Droit rural

[Brèves] Rétrocession d’un bien acquis à l’amiable par la SAFER : retour sur l’obligation de motivation de la décision de rétrocession

Réf. : Cass. civ. 3, 20 mai 2021, n° 19-24.899, FS-P (N° Lexbase : A44894S3)

Lecture: 6 min

N7657BYA

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Mai 2021

► La motivation de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable par la SAFER, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, sans que le juge ait à rechercher ces données ;

La seule indication de « consolidation d'une exploitation agricole par apport de parcelle contiguë », ne saurait répondre à cette exigence de motivation.

L’arrêt rendu le 20 mai 2021, s’inscrit dans la lignée d’un précédent arrêt rendu le 18 janvier 2018, par lequel la Cour de cassation, tout en rappelant que les juges ne peuvent procéder qu’à un contrôle de légalité, et non à un contrôle de l’opportunité de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable par la SAFER, retenait la nécessité de procéder à un contrôle de légalité renforcé (cf. Cass. civ. 3, 18 janvier 2018, n° 16-20.937, FS-P+B (N° Lexbase : A8675XAK ; lire Christine Lebel, Lexbase Droit privé, février 2018, n° 729 N° Lexbase : N2563BX9).

On relèvera, en outre, que la Cour de cassation, dans cet arrêt rendu le 20 mai 2021, pose les mêmes critères pour contrôler l’obligation de motivation de la décision de la SAFER, que ceux qu’elle avait retenus à propos de la décision de rétrocession faisant suite à l’exercice du droit de préemption (Cass. civ. 3, 13 décembre 2018, n° 17-18.019, F-D N° Lexbase : A7029YQE), ou à propos de la décision de préemption elle-même (Cass. civ. 3, 17 décembre 1986, n° 85-13.119 N° Lexbase : A6432AAH) : l’une ou l’autre de ces décisions, « qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales ». Ce qui témoigne de la volonté de renforcer le contrôle de légalité des décisions de la SAFER.

Dans cette affaire, la SAFER, bénéficiaire d’une promesse de vente de diverses parcelles, avait procédé aux formalités de publicité en vue de la rétrocession de tout ou partie de ces parcelles par voie de substitution.  Par lettre du 6 octobre 2016, elle avait informé un GFA que sa candidature avait été rejetée et que les parcelles avaient été attribuées pour un peu plus de soixante-six hectares à un autre candidat et pour un peu plus de deux hectares, à encore un autre candidat.

Le GFA avait saisi le tribunal en annulation de ces décisions et réparation de ses préjudices. Il obtient gain de cause sur l’une des deux décisions d’attribution.

  • L’absence de contrôle, par le juge, de l’opportunité de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable

S’agissant de la contestation de la première décision d’attribution, la Cour de cassation approuve la cour d'appel ayant retenu à bon droit que les critiques développées par le GFA quant au choix de privilégier l’installation, comme jeune agriculteur, des intéressés, ayant alors une activité d’entrepreneurs en travaux agricoles et forestiers au sein d’une SARL, relevaient de l'opportunité de la décision d’attribution dont le contrôle échappe au juge judiciaire.

  • Le contrôle (par la Cour de cassation) du contrôle (par les juges du fond) de légalité renforcé de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable

Tout en rappelant, donc, que les juges ne peuvent contrôler l’opportunité de la décision de rétrocession, la Haute juridiction réaffirme la nécessité pour le juge de contrôler la légalité de la décision de rétrocession, ce qui présuppose une obligation de motivation de la décision de rétrocession,  laquelle doit être fondée sur des données concrètes en concordance avec les objectifs poursuivis, et répondant aux exigences de la loi.

En l’espèce, la première décision de rétrocession répondait bien à cette exigence, selon la Cour de cassation. La décision de rétrocession était ainsi motivée : « installation d’une jeune agricultrice qualifiée au sein d’un GAEC familial qui comprendra trois associés, le projet prévoit la conversion à terme de la totalité de l'exploitation en agriculture biologique, ce projet est étroitement lié à la protection d’un captage d’eau présent sur l’exploitation limitant les intrants sur une surface d'environ 40 hectares, le développement de l’exploitation implique l'embauche d’un salarié à plein temps. »

Selon la Haute juridiction, la cour d’appel avait pu en déduire que cette motivation avait été fondée sur des données concrètes en concordance avec les objectifs poursuivis, et répondant aux exigences de la loi.

Tel n’était pas le cas, en revanche, de la seconde décision, contrairement à ce qu’avaient retenu les juges d’appel. Ces derniers avaient en effet retenu que la décision de rétrocession avait été motivée par la consolidation de leur exploitation par l’apport d’une parcelle contigüe de 2 ha 64 a 45 ca et que cette motivation était fondée sur une donnée très concrète qui n’était critiquée par le GFA que pour dire que l’ajout de cette parcelle sur environ 180 hectares exploités n’avait pas pu augmenter « significativement » la performance économique de l’exploitation, mais qu’elle avait ainsi et suffisamment répondu à l’exigence légale de consolidation de l'exploitation et d’amélioration de la répartition parcellaire.

La décision se trouve censurée sur ce point, par la Cour régulatrice, qui énonce que « la motivation de la décision de rétrocession, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, sans que le juge ait à rechercher ces données ». Or, selon la Haute juridiction, tel n’était pas le cas de la décision de rétrocession qui se bornait à énoncer : « Consolidation d’une exploitation agricole par apport de parcelle contigüe ».

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Pensions alimentaires : les dispositions sur l’impossibilité de déduire la pension versée à un descendant mineur pris en compte dans la détermination du quotient familial du débiteur sont conformes à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-907 QPC, du 14 mai 2021 (N° Lexbase : A69844R4)

Lecture: 4 min

N7510BYS

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par Marie-Claire Sgarra

Le 26 Mai 2021

Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du II de l’article 156 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7514LXL) sont conformes à la Constitution.

Pour rappel, le Conseil d’État a transmis une QPC sur ces dispositions le 24 février 2021 (CE 9° et 10° ch.-r., 24 février 2021, n° 447219, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A22504I8).

🔎 Que prévoient ces dispositions ?

Le 2° du II de l'article 156 du Code général des impôts prévoit que les contribuables ne peuvent déduire les pensions alimentaires versées au profit de leurs descendants mineurs lorsque ces derniers sont pris en compte pour la détermination de leur quotient familial.

👉 Il existe donc une règle de non-cumul entre la majoration du quotient familial et la déduction d’une pension alimentaire.

Saisi d’une QPC portant sur cette exclusion, le Conseil d’État avait jugé que cette question présentait un caractère sérieux.

Pour plus de précisions : v. M.-C. Sgarra, Fiscalité des pensions alimentaires versées en cas de résidence alternée : le Conseil constitutionnel est saisi, Lexbase Fiscal, mars 2021, n° 856 (N° Lexbase : N6607BYD).

📌Solution du Conseil constitutionnel

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques :

✔ L'attribution d'une majoration de quotient familial au titre d'un enfant atténue la progressivité de l'impôt sur le revenu d'un contribuable en fonction de sa situation et de ses charges de famille. D'autre part, la déduction d'une pension alimentaire versée à un enfant mineur prend en compte, dans la détermination du revenu imposable, les sommes versées par un parent pour la contribution à l'entretien et l'éducation d'un enfant.

Dès lors, en refusant la déduction d'une pension lorsque le parent débiteur bénéficie déjà d'une majoration de quotient familial au titre du même enfant, le législateur a entendu éviter un cumul d'avantages fiscaux ayant le même objet.

✔ En second lieu, si le parent qui a la charge partagée d'un enfant en résidence alternée ne peut pas, le cas échéant, déduire de ses revenus la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent, il bénéficie, en tout état de cause, de la moitié de la majoration de quotient familial.

👉 Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi :

✔ En premier lieu, le législateur a entendu prendre en compte fiscalement la contribution d'un parent à l'entretien et l'éducation d'un enfant soit par la déduction de ses revenus de la pension qu'il verse à l'autre parent lorsque l'enfant a sa résidence principale chez ce dernier, soit par une majoration de son quotient familial quand il s'acquitte directement des dépenses nécessaires à l'entretien et à l'éducation de l'enfant qu'il accueille à son domicile de manière principale ou qu'il s'en acquitte directement pour moitié avec l'autre parent lorsqu'il accueille l'enfant de manière alternée.

Or, le parent dont l'enfant réside principalement ou de manière alternée à son domicile contribue de manière différente à l'entretien et l'éducation de l'enfant que le parent dont l'enfant réside de manière principale chez l'autre parent et à qui il verse une pension alimentaire qu'il peut déduire de son revenu.

👉 Dès lors, en attribuant une majoration de quotient familial au parent ayant son enfant en résidence principale ou alternée sans lui permettre, le cas échéant, de déduire la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent, le législateur a établi une différence de traitement fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.

✔ En deuxième lieu, les dispositions contestées ne créent, s'agissant de la prise en compte fiscale de la contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant, aucune différence de traitement entre un parent dont l'enfant réside principalement à son domicile et un parent dont l'enfant y réside de manière alternée dès lors que ni l'un ni l'autre ne peut déduire la pension alimentaire que, le cas échéant, il verse à l'autre parent.

👉 Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi.

Cf. le BOFiP annoté (N° Lexbase : X8823AMQ).

 

 

newsid:477510

Marchés publics

[Jurisprudence] Recevabilité de l’appel en garantie contre le maître d’ouvrage par-delà l’intangibilité du décompte

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 27 avril 2021, n° 436820, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A41204QN)

Lecture: 8 min

N7598BY3

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par Elisabeth Fernandez Begault, Avocat associé, spécialiste en droit public et Romain Denilauler, Avocat à la Cour, cabinet Seban Occitanie

Le 26 Mai 2021

 


Mots clés : marchés et contrats administratifs • appel en garantie • décompte général

Le Conseil d’État ouvre ici l’appel en garantie d’un constructeur, poursuivi par un tiers victime de dommages de travaux publics, à l’encontre du maître de l’ouvrage, nonobstant l’intangibilité du décompte général et définitif du marché.


 

Dans le cadre de l’extension du réseau de chauffage urbain, l’Eurométropole de Strasbourg a attribué les travaux relatifs au réseau de chaleur à un groupement d’entreprises solidaires. En raison de la hauteur exceptionnelle des eaux de la nappe phréatique, des pompes ont été installées et surveillées durant toute la durée des travaux. Lors des opérations d'évacuation d'une importante quantité d'eau constatée en fond de fouille d'une tranchée réalisée dans le cadre des travaux, une artère bétonnée enterrée en sous-sol, abritant une liaison haute tension exploitée par la société Electricité de Strasbourg, s'est effondrée.

La société Strasbourg Electricité Réseaux, venant aux droits de la société Electricité de Strasbourg, a introduit un référé provision tendant à la condamnation solidaire du mandataire du groupement d’entreprises en charge de la réalisation des travaux et de l’Eurométropole de Strasbourg. Le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le constructeur à verser une provision de 430 547,66 euros, et l’Eurométropole de Strasbourg a garanti intégralement le constructeur des provisions mises à sa charge. Il rejette en outre les appels en garantie formés par l’Eurométropole contre le constructeur, la société en charge du déploiement et de la surveillance des pompes, et les membres du groupement de maîtrise d’œuvre.

Par un arrêt en date du 3 décembre 2019 [1], la cour administrative d’appel de Nancy a porté le montant de la provision à 497 801,82 euros, et a condamné l’Eurométropole à garantir intégralement le constructeur à hauteur de cette somme.

Saisi sur pourvoi du maître de l’ouvrage et de son assureur, le Conseil d’État confirme l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel.

1. La question de la responsabilité à l’égard de la victime des dommages ne posait guère de difficulté : lorsque les dommages causés à des tiers par l’exécution de travaux publics revêtent un caractère accidentel, la victime est dispensée de faire la preuve d’un préjudice grave et spécial [2]. Cette dernière peut ainsi aisément se prévaloir d’une obligation non sérieusement contestable pour obtenir une provision dans le cadre d’un recours en référé introduit sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2548AQG), sauf pour le maître de l’ouvrage ou le constructeur d’établir, avec un degré suffisant de certitude que les dommages sont imputables à un cas de force majeure ou une faute de la victime.

En l’espèce, l’imputabilité des dommages aux travaux publics ne semblait guère contestable, et le maître de l’ouvrage « n'établissait pas avec un degré suffisant de certitude l'existence d'une faute de la société Strasbourg Electricité Réseaux d'une gravité telle qu'elle serait la cause exclusive des dommages ». Le principe de la responsabilité et de la créance indemnitaire fondant la demande de provision ont donc été admis par les différents degrés de juridiction.

Tout l’intérêt de la décision rendue par le Conseil d’État réside, d’une part, dans l’admission de l’appel en garantie formé par le constructeur à l’encontre du maître de l’ouvrage et, d’autre part, dans le rejet de l’appel en garantie du maître de l’ouvrage à l’encontre des intervenants aux opérations de construction ; c’est-à-dire, dans l’articulation entre les effets de la réception des travaux, et ceux du décompte du marché de travaux, devenu décompte général et définitif et supposé, donc, intangible.

2. Cette articulation des effets de la réception et de ceux du décompte général et définitif découle des principes énoncés dans la décision « Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer », rendue par la section du contentieux du Conseil d’État [3] : « Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ».

En ce qui concerne les dommages causés à des tiers, c’est la réception qui détermine la recevabilité des appels en garantie, et non pas l’établissement du décompte entre les parties.

Appliqués au cas d’espèce, le juge considère : « lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ».

Le constructeur dont la responsabilité est recherchée par un tiers victime de dommages de travaux publics est ainsi fondé à appeler le maître de l’ouvrage en garantie, sous trois conditions : l’absence de clause contractuelle contraire, la réception des travaux sans réserve et l’absence d’engagement de la responsabilité du constructeur sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Et ce, quand bien même le décompte du marché de travaux n’intégrerait aucune réserve relative à l’indemnisation due au tiers victime, et serait devenu le décompte général et définitif.

Cette solution avait déjà été explicitée par le Conseil d’État [4], sans toutefois intégrer la question du décompte général et définitif. En d’autres termes, et c’est là l’apport de la décision commentée, l’intangibilité du décompte ne fait pas obstacle à l’appel en garantie formé à l’encontre du maître de l’ouvrage par le constructeur dont la responsabilité est recherchée par un tiers victime de dommages imputables aux travaux, dès lors que la réception a été prononcée sans réserve.

En miroir, la réception sans réserve prononcée par le maître de l’ouvrage rend irrecevable l’appel en garantie formé par ce dernier à l’encontre du constructeur, suivant la veine jurisprudentielle initiée par la décision « Forrer » [5].

Quel impact dans ma pratique ?

Pour tout dommage aux tiers, seule la réception est essentielle et non le décompte devenu définitif. Le maître de l’ouvrage doit être particulièrement attentif dans le cadre des opérations de réception : seul un ouvrage achevé ou « en état d’être reçu » doit être réceptionné. Pour engager la responsabilité du constructeur, le maître d’ouvrage doit se situer sur le terrain de la garantie décennale ou la garantie de parfait achèvement, pour tout désordre intervenu après la réception et non prévu en réserves.

 

[1] CAA Nancy, 3 décembre 2019, n° 18NC02291 (N° Lexbase : A85873AB).

[2] CE 2° et 7° ch.-r., 10 avril 2019, n° 411961, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8877Y8B).

[3] CE, Sect., 6 avril 2007, n° 264490, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9305DU8).

[4] CE 2° et 7° ch.-r., 6 février 2019, n° 414064, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4992YWS).

[5] CE, Sect., 4 juillet 1980, n° 03433, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2981B7K).

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Procédure civile

[Brèves] Réforme de procédure civile : publication du guide de pré-information du tribunal judiciaire de Paris portant sur la prise de date au sein des services civils

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Mai 2021

► La réforme de la prise de date dans le cadre des procédures écrites avec représentation obligatoire, prévue par les dispositions de l’article 751 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8648LYX), rentrera en vigueur le 1er juillet 2021 ; le tribunal judiciaire de Paris vient de publier sur son site, un guide de pré-information à l’attention des avocats, portant sur la prise de date au sein des services civils.

Les procédures concernées par ce changement devant intervenir le 1er juillet prochain sont :

  • les procédures écrites avec représentation obligatoire ;
  • les procédures accélérées au fond des indivisions et de la copropriété, à l’exclusion de tout autre contentieux.

Il convient de retenir que :

  • la prise de date s’effectuera par l’outil e-Barreau (RPVA)via la fonction « mise au rôle », et en fonction de la nature de l’affaire une liste de sélection sera proposée ;
  • il conviendra d'attendre la confirmation du greffe pour que la réservation de la date soit effective ;
  • le placement, s’effectuera via la fonction « nouveau message civil », et il conviendra de renseigner le numéro provisoire préalablement communiqué ;
  • il conviendra d’être vigilant sur le respect des délais de placement, qui rappelons-le sont prévus sous peine de caducité, leur non-respect pouvant être soulevé d’office par le magistrat (CPC, art 754, al. 2 et 3 N° Lexbase : L8652LY4)
  • à réception du second original, le greffe adressera une confirmation accompagnée du numéro de rôle définitif.

Le guide, comporte également une liste de la nomenclature adoptée par le tribunal judiciaire de Paris, ce qui laisse penser que chaque tribunal judiciaire disposera de sa propre liste.

Par ailleurs, il est indiqué qu'à compter du 1er juillet 2021, les premières dates utiles seront proposées à compter du mois de novembre 2021.

En conclusion, le tribunal judiciaire de Paris, annonce la publication d’un tutoriel complet sur la prise de date prévue dans la seconde quinzaine de juin, accompagnée d’un guide récapitulant la prise de date des différents services de cette juridiction.

Pour aller plus loin : Lexbase organise le 24 juin 2021 de 18h00 à 20h00, un webinaire portant sur la réforme de la procédure civile et notamment la prise de date dans le cadre des procédures écrites avec représentation obligatoire, avec les regards croisés de Frédéric Kieffer et Charles Simon. Inscrivez-vous sans plus attendre ! [lien]

 

 

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Procédure civile

[Brèves] Dispositif des conclusions d’appel : quid de l’application dans le temps de la solution nouvelle de la Cour de cassation ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mai 2021, deux arrêts, n° 20-13.210, F-P (N° Lexbase : A25324SL) et n° 19-22.316, F-P (N° Lexbase : A25334SM)

Lecture: 3 min

N7661BYE

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 04 Juin 2021

► Les arrêts rendus le 20 mai 2021, par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation illustrent un revirement de sa jurisprudence antérieure (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA), dont il résultait que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; afin de ne pas priver les appelants du droit à un procès équitable ; les arrêts du 20 mai 2021, énoncent que l’application immédiate de cette règle de procédure, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de la décision précitée, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Dans la première affaire, un tribunal de commerce a déclaré prescrite l’action du demandeur tendant à la nullité de la cession des parts sociales d’une société et déclaré irrecevable sa demande en paiement des dividendes pour défaut de qualité et d’intérêt à agir. Il a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Il ressort de l’arrêt (CA Bastia, 29 janvier 2020, n° 18/00182 N° Lexbase : A33713D9), que la cour d’appel, pour confirmer le jugement de première instance a retenu que le dispositif des conclusions de l’appelant, tendait à dire et juger que l’acte de cession des parts est nul et de nul effet. Par ailleurs, l'arrêt a constaté que la société défenderesse prise en la personne de sa gérante a renoncé à se prévaloir de la prescription, et a condamné la société à lui payer une certaine somme au titre des dividendes qu’il aurait dû percevoir, ainsi qu’à une condamnation au titre l’article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG), sans préciser, au préalable, qu’il demandait l’infirmation du jugement entrepris.

Dans la seconde affaire, le 6 juillet 2017 des époux ont interjeté un appel à l’encontre d’un jugement rendu par un tribunal de grande instance.

La cour d'appel dans son arrêt (CA Bastia, 10 juillet 2019, n° 17/00544 N° Lexbase : A5848ZIG), a retenu que les appelants se sont abstenus de conclure expressément à la réformation ou à l’annulation du jugement déféré.

Solutions. Énonçant les solutions précitées, aux visas des articles 542 (N° Lexbase : L7230LEI) et 954 (N° Lexbase : L7253LED) du Code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) et selon un moyen relevé d’office, la Cour de cassation censure les raisonnements des juges d’appel. Les Hauts magistrats ont considéré qu’en statuant ainsi, la solution nouvelle, n’était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont interjeté appel, et l’application de cette règle de procédure aboutirait à priver les appelants d'un procès équitable.

La Cour de cassation a annulé les deux arrêts d’appel.

Il convient de noter que la Cour de cassation avait décidé dans son arrêt (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I) de moduler son application dans le temps en énonçant que cette règle ne concernait que les déclarations d’appel postérieures au 17 septembre 2020.

Pour aller plus loin : lire Ch. Simon, Aux délices des procéduriers : obligations de demander formellement l’infirmation dans le dispositif des conclusions d’appel et d’avoir l’autorisation du juge pour faire une mesure conservatoire à un domicile, Lexbase Droit privé, octobre 2020, n° 838 (N° Lexbase : N4668BYK).

Ces arrêts feront l'objet d'un commentaire groupé rédigé par Y. Joseph-Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes - Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble en charge de la prépa ENM - Membre du Centre de Recherches Juridiques, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

 

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Santé

[Jurisprudence] En santé publique, ne trompe pas qui peut - À propos de l’affaire du Mediator

Réf. : TJ Paris, 29 mars 2021

Lecture: 17 min

N7639BYL

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par Ana Zelcevic-Duhamel, maître de conférences HDR, Université de Paris Descartes, faculté de droit, membre de l’IDS

Le 27 Mai 2021

 


Mots-clés : santé publique • Mediator • tromperie aggravée • homicide involontaire • escroquerie • AMM

L’affaire du Mediator est sans doute l’un des plus grands scandales sanitaires français. Commercialisé par les laboratoires Servier comme antidiabétique, mais prescrit comme un coupe-faim, il a provoqué de nombreuses valvulopathies et de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie mortelle.

Le procès a commencé le 23 septembre 2019. Plus de six mille cinq cents personnes se sont constituées parties civiles, réclamant un milliard d’euros de dommages-intérêts. Le jugement, rendu le 29 mars 2021, retient la responsabilité pénale des laboratoires Servier pour tromperie aggravée et homicide involontaire, les condamnant à 2,7 millions d’euros d’amende, mais les relaxant du chef d’escroquerie. Jean-Philippe Sete a été condamné à quatre ans de prison avec sursis pour les mêmes infractions. Quant à l’ANSM, elle a été condamnée à 303 000 euros d’amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, à 225 000 euros d’amende pour homicide involontaire et à 78 000 euros d’amende pour blessures involontaires de nature contraventionnelle.


 

« En santé publique, ne trompe pas qui peut ». Tel pourrait être l'un des premiers messages émis par le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Paris, qui a rendu le 29 mars de cette année un jugement relatif à la responsabilité pénale des différents protagonistes de l’affaire du Mediator. D’une ampleur inédite [1], la décision retient plusieurs qualifications permettant d’appréhender la complexité de cette affaire. Celle-ci nécessite d’abord un rappel des faits qui sont à l’origine de ce qu’on appelle aussi « le scandale du Mediator ».

Dans les années soixante et soixante-dix du siècle dernier, l’industrie pharmaceutique s’est notamment intéressée à un type de médicaments particulier, issu de l’amphétamine, molécule mère, connue depuis 1887. Les principaux effets de l’amphétamine étant surtout la suppression de la sensation de faim et de fatigue, celle-ci est classée stupéfiant par l’Organisation mondiale de la santé (l’OMS) depuis 1971. L’amphétamine, en conséquence, a un intérêt thérapeutique notamment dans le traitement de l’obésité et des troubles du métabolisme. De cette molécule sont issus les anorexigènes, utilisés non seulement dans le traitement des pathologies indiquées, mais encore dans celui du diabète. Les anorexigènes ont pour but la diminution de la prise de nourriture, soit en retardant la sensation de faim, soit en accélérant la sensation de satiété.

Le Benfluorex [2], synthétisé en 1966 et commercialisé sous le nom du Mediator, est un dérivé de l’amphétamine. Auparavant, au début des années soixante, d’autres molécules de la même famille ont été découvertes. Cela est le cas notamment de la Norfenfluramine, de la Fenfluramine, commercialisée sous le nom du Pondéral, et de la D-Fenluramine, commercialisée sous le nom d’Isoméride. Tout comme le Mediator, le Pondéral et l’Isoméride [3] étaient produits par les laboratoires Servier. Ces deux médicaments ont été retirés des marchés américain et français respectivement le 12 et le 15 septembre 1997 par le fabriquant, avant que les autorités de ces deux pays ne leur refusent les autorisations nécessaires. Malgré cela, le Mediator a été maintenu sur le marché français pendant plus de trente ans alors qu’il y avait une parenté chimique avec des molécules interdites.

Conçu comme le successeur du Pondéral, mais d’une efficacité plus faible que celui-ci, le Mediator, avait obtenu son autorisation de mise sur le marché le 16 juillet 1974 en tant que médicament, utilisé dans le cadre du traitement des troubles du métabolisme, en diabétologie et en endocrinologie. Il a été mis en vente à partir de 1976. Depuis, son AMM avait été régulièrement renouvelée de telle sorte que le Mediator a pu rester sur le marché français pendant trente-trois ans, jusqu’au mois de novembre 2009 [4]. Cependant, par décision du 22 avril 1987, la Direction de la pharmacie et du médicament a validé l’AMM du Mediator, mais seulement comme adjuvent du régime adapté dans les hypertriglycéridémies, autrement dit, du traitement du diabète. En pratique, le Mediator était souvent prescrit hors AMM et utilisé comme coupe-faim, en vue d’une perte de poids, en dehors de toute pathologie.

Sa faible efficacité a eu aussi des répercussions sur le remboursement de ce produit. Progressivement, la Commission de la transparence, chargée de l’évaluation des médicaments lors de leur inscription sur la liste des médicaments, a effectué le déremboursement du Mediator. Fixé initialement à 70 %, son taux de remboursement est passé en 1993 à 65 %, puis, de 2000 à 2002, à 35 %, de 2003 à 2006 à 15 %, pour, finalement, être déremboursé jusqu’à son retrait définitif. Il convient de préciser que le taux de remboursement est lié essentiellement à l’efficacité d’un médicament et relève d’une décision du ministère de la Santé.

Par ailleurs, les différents anorexigènes ont été retirés des marchés de nombreux pays, en raison des effets nocifs [5] qui ont pu être constatés. En Suisse, par exemple, le Mediator a été retiré en 1998 en raison des risques cardiaques. En Espagne, le Mediator a été retiré du marché en 2003, à la suite de la publication d’une étude démontrant des troubles cardiaques chez certains patients. En effet, le risque de maladies des valves cardiaques est multiplié par trois en cas d’usage du Mediator. Ce risque était présent surtout chez les personnes dont le traitement dépassait une durée de trois mois. En Italie, le Mediator a fait l’objet d’un retrait en 2004 après la publication en 1999 d’un rapport qui lui a été consacré.

La question qui se pose est de savoir comment le Mediator a pu rester aussi longtemps sur le marché français alors que des mises en garde, en France et à l’étranger, avaient été exprimées. Ainsi, en 1997, la revue Prescrire, tout comme le New England Journal of Medecine, ont dénoncé les effets néfastes du Mediator. La même année, un rapport de l’URCAM de Bourgogne s’interrogeait sur l’utilité du Mediator. Il critiquait également le remboursement de ce médicament en raison de sa faible efficacité. À la suite de ce rapport, une lettre du 21 septembre 1998 de trois médecins de l’assurance maladie mettait en garde l’Agence du médicament contre les risques dus à l’usage du Mediator. À nouveau, en 2006, la revue Prescrire dénonçait les effets nocifs du Mediator.

D’ailleurs, une étude des laboratoires Servier, demandée en été 2009, montrait aussi qu’il existait des liens entre ce médicament et les atteintes des valves. Le 5 octobre 2009, le Professeur Bernard Iung de l’hôpital Bichat, cardiologue, spécialiste des valves, a remis son rapport aux laboratoires Servier. Celui-ci était sans appel et aboutissait à la conclusion qu’il existait un rapport de cause à effet entre la prise du Mediator et les atteintes valvulaires. Or, malgré ces conclusions, le laboratoire n’a pas demandé la suspension de la commercialisation de son médicament. Si, en effet, les autorités sanitaires contrôlent la mise sur le marché et le suivi d’un médicament, le laboratoire est libre de le retirer sans attendre la décision de l’autorité administrative, surtout s’il découvre que sa molécule entraîne des risques pour la santé.

Précisons, enfin, que le premier cas de déclaration de pharmacovigilance, signalant un premier cas de valvulopathie et d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), effectué à Marseille en 1999, n’a pas été pris en compte. En revanche, l’alerte de 2006 du Professeur Jean-Louis Montastruc a été répertoriée. En mars 2009, le CHU de Brest, par la voix de la pneumologue, Irène Frachon, a prévenu les autorités sanitaires françaises de onze cas de valvulopathies directement attribuables au Mediator. En juin 2009, le docteur Frachon s’est rendue à l’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (l’AFSSAPS) [6] pour participer à un groupe de travail intitulé « Plan de gestion des risques et pharmaco-épidémiologie ». Elle faisait part de ses inquiétudes relatives au Mediator  [7]. Le docteur Frachon est considérée comme une lanceuse d’alerte, dont l’action est à l’origine du procès contre les laboratoires Servier et du retrait de l’AMM du Mediator le 30 novembre 2009.

Une première plainte a été déposée en novembre 2010 auprès du tribunal correctionnel de Nanterre pour tromperie aggravée sur la nature, la qualité substantielle et la composition du produit, mise en danger de la vie d’autrui, administration de substances nuisibles et homicide involontaire. D’autres plaintes ont suivi, notamment pour blessures involontaires. Aussi, la caisse d’assurance maladie des travailleurs salariés a déposé plainte pour escroquerie. Parallèlement, une enquête a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) [8]. Enfin, une information judiciaire a été ouverte le 18 février 2011 par le pôle de santé publique du tribunal de Paris.

Sur le plan procédural, une situation inédite s’est produite dans un premier temps : deux juridictions étaient saisies de l’affaire du Mediator – le tribunal correctionnel de Nanterre, en raison du lieu du siège social des laboratoires Servier, et le tribunal de grande instance de Paris, où est situé le pôle de santé publique [9]. Le tribunal de Nanterre était saisi sur citation directe des victimes alors que le tribunal de Paris, pôle de santé publique, instruisait le dossier du Mediator. Le premier s’étant, finalement, dessaisi de l’affaire [10], le tribunal de Paris, en vertu de l’article 387 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3794AZK), permettant d’assurer la bonne administration de la justice, a pu ainsi joindre les différentes procédures relatives au Mediator et rendre son jugement le 29 mars 2021.

L’ampleur de la procédure a nécessairement eu des répercussions sur sa durée. Au cours de l’instruction, en 2014, Jacques Servier, fondateur et dirigeant de la société éponyme, est décédé. Au total, cinq personnes impliquées dans l’affaire du Mediator sont décédées en cours de procédure, dont Éric Abadie, expert à l’AFSSAPS, chargé de la pharmacovigilance, poursuivi pour prise illégale d’intérêts [11]. Le décès, selon l’article 6 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9881IQZ), a pour effet l’extinction de l’action publique à l’égard de la personne poursuivie. In fine, le jugement du tribunal de Paris a condamné les laboratoires Servier, personne morale, Jean-Philippe Sete, son directeur général, l’ancien numéro deux des laboratoires Servier, et l’ANSM.

Le procès a commencé le 23 septembre 2019. Plus de six mille cinq cents personnes se sont constituées parties civiles, réclamant un milliard d’euros de dommages-intérêts. Le jugement, rendu le 29 mars 2021, retient la responsabilité pénale des laboratoires Servier pour tromperie aggravée et homicide involontaire, les condamnant à 2,7 millions d’euros d’amende, mais les relaxant du chef d’escroquerie. Jean-Philippe Sete a été condamné à quatre ans de prison avec sursis pour les mêmes infractions. Quant à l’ANSM, elle a été condamnée à 303 000 euros d’amende pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, à 225 000 euros d’amende pour homicide involontaire et à 78 000 euros d’amende pour blessures involontaires de nature contraventionnelle [12].

Les nombreux aspects que présente l’affaire du Mediator, notamment humain et moral, sont issus, nous semble-t-il, d’une notion qui est au cœur de cette affaire – celle de tromperie. Cette dernière, constitutive d’un délit pénal intentionnel, suppose l’existence préalable d’un contrat. La tromperie, qui est un acte sanctionné indépendamment du dommage, peut intervenir lors de la formation du contrat d’une part, et lors de son exécution, d’autre part. Dans l’affaire du Mediator, la tromperie, a été savamment créée (I) pour, ensuite, être perpétuée (II).

I. Le Mediator, la naissance d’un mensonge

Précisons d’abord que, l’intérêt pratique du recours à la qualification pénale de tromperie aggravée est qu’elle ne nécessite pas la preuve du lien de causalité entre l’acte fautif et la conséquence dommageable, comme cela est le cas de l’homicide involontaire et des blessures involontaires. La preuve de la tromperie est, en conséquence, beaucoup plus aisée à rapporter que celle des deux infractions matérielles précitées.

Selon l’article L. 441-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1042K7Q), dans sa version issue de l’ordonnance de 2016 [13], commet une tromperie quiconque, lors de la formation ou de l’exécution d’un contrat, dit ou suggère à une partie, même par réticence, des informations inexactes et relatives aux qualités substantielles de l’objet de la convention lorsqu’il consiste en un bien mobilier corporel ou une prestation de service [14]. La commercialisation des médicaments, comme cela a été précisé, est soumise à un régime particulier puisqu’elle suppose une autorisation administrative, l’AMM [15]. La condition préalable du délit de tromperie en matière de produits de santé est donc plus complexe que d’ordinaire car, outre la convention, elle suppose aussi la délivrance de l’autorisation administrative.

Certains contrats sont particulièrement imprégnés par les rapports de confiance. Cela est surtout le cas des relations entre les malades et les professionnels de santé. Le contrat permettant à la personne malade de se procurer le médicament dont elle a besoin, suppose qu’un contrôle préalable de ce dernier ait été effectué.  Ce contrôle, dont le rôle n’est pas seulement de garantir la sécurité sanitaire d’un produit, contribue à la création d’un rapport de confiance entre les individus et la collectivité, tout comme entre les professionnels de santé, d’une part, et les malades, d’autre part. Autrement dit, l’utilisateur du médicament doit être rassuré par les contrôles effectués préalablement par les autorités compétentes [16].

Afin de protéger ces rapports de confiance, l’article L. 441-1 du Code de la consommation sanctionne la mauvaise foi contractuelle [17]. La responsabilité pénale est imputable à toute personne. Il n’est pas nécessaire que celle-ci soit partie au contrat stricto sensu. Cette solution permet de viser toutes les personnes impliquées, directement ou indirectement, dans la chaîne contractuelle [18]. On peut ainsi observer que la notion de contrat en matière pénale est conçue de façon plus souple qu’en droit des obligations puisqu’elle a surtout une connotation économique. Le contrat peut porter soit sur un bien meuble, soit sur une prestation de service [19]. Le mensonge constitutif de tromperie peut être exprès ou implicite. En pratique, il s’agit souvent de réticences [20].

En l’espèce, il a été démontré que le Mediator avait été conçu pour remplacer un autre médicament de la même famille, mais plus puissant, à savoir le Pondéral. On peut s’interroger sur l’intérêt d’un laboratoire de mettre en place un produit moins efficace qu’un autre, déjà existant. Il résulte du jugement que la présence du Mediator sur le marché faisait partie d’une stratégie commerciale. Le Mediator était décrit comme « différent des autres médicaments ». En effet, dès 1969, les laboratoires Servier ont exprimé l’envie de créer un produit ayant un effet moindre que les autres médicaments de la même famille, mais que l’on peut proposer aux personnes « soucieuses de leur ligne » [21]. La terminologie choisie par les laboratoires Servier avait pour but d’édulcorer les effets néfastes du Mediator. Le glissement sémantique, consistant à éviter des mots comme « anorexigène » et leur préférer des termes plus neutres, comme « amaigrissant », le fait de ne pas tenir compte des alertes exprimées, de ne pas communiquer les études démontrant le caractère nocif du Mediator, tout comme l’attitude attentiste des autorités administratives ont permis d’occulter la réalité et de tromper les patients [22]. Ces actes ont ainsi caractérisé l’élément matériel de la tromperie, qui est conçu de façon assez large par le législateur français.

La tromperie, cependant, ne doit pas être confondue avec l’escroquerie, prévue à l’article 313-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2012AMH). Ce délit, puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros, suppose, non seulement l’existence d’un contrat, élément préalable, mais encore une remise effective du bien par la victime, grâce à l’emploi de manœuvres frauduleuses [23]. Surtout, contrairement à la tromperie, qui ne comprend pas l’existence d’une conséquence matérielle et un lien de causalité entre l’acte et cette dernière, l’escroquerie nécessite la survenance d’un préjudice, dû à la remise de la chose par la victime. Ces éléments n’ont pas pu être caractérisés dans l’affaire du Mediator. En conséquence, il y a eu relaxe des prévenus quant à cette infraction.

La situation mensongère invoquée a perduré pendant plus de trente ans. Autrement dit, la tromperie a été présente non seulement lors de la formation des contrats avec les victimes, mais encore lors de leur exécution.

II. Le Mediator, la perpétuation d’un mensonge

Il n’est pas rare que les connaissances scientifiques relatives à un médicament évoluent. Traditionnellement, les professionnels de santé ont l’obligation de prodiguer des soins conformes aux données actuelles de la science [24]. Cette obligation a été reprise par les dispositions du Code de la santé publique, qui, dans son article L. 1110-5 (N° Lexbase : L4249KYZ), dispose notamment que toute personne a droit de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire. La jurisprudence civile a également consacré un véritable droit à l’information [25]. Autrement dit, les professionnels de santé sont obligés de fournir aux patients des informations sincères et loyales. Cela signifie, concrètement, que le fabricant d’un médicament doit modifier la notice qui accompagne le produit afin de tenir compte des découvertes scientifiques et en informer les praticiens et les malades. Au besoin, il doit retirer du marché un produit qui n’obéit pas aux exigences prévues par la loi et aux normes scientifiques. Il en est de même des autorités publiques compétentes en matière de sécurité des produits de santé. Les médicaments et les produits de santé en général font l’objet de la pharmacovigilance, ce qui permet de repérer les effets indésirables et nocifs qui apparaissent après leur commercialisation et d’assurer une protection plus efficace de la santé des utilisateurs.

En l’espèce, les laboratoires Servier avaient l’obligation de tenir compte des découvertes relatives au Mediator, parues dans la presse scientifique et dans les rapports publiés à ce sujet, et de mettre en garde les médecins et les malades contre les effets du Mediator. Ce manquement a été également reproché à l’AFSSAPS, qui aurait dû réagir dès la publication des premiers articles dans les revues précitées, en tout cas, au moins dès 1999, à la suite du rapport italien, qui a abouti au retrait du Mediator dans ce pays [26]. Il résulte, en effet, des propos des différents responsables de l’AFSSAPS que la pharmacovigilance avait trop tardé puisque le suivi des effets du Mediator sur le plan cardiaque avait été mis en place seulement en 2006. Surtout, le maintien du Mediator, malgré le retrait de tous les produits de la même famille, résultait d’une politique commerciale du fabricant, permettant d’induire le consommateur en erreur. Les choix sémantiques et le vocabulaire figurant sur la notice, évitant le mot « anorexigène », entretenait la confusion auprès des médecins prescripteurs et, à plus forte raison, auprès des utilisateurs du Mediator. C’est précisément cette attitude qui a permis au Mediator de se maintenir aussi longtemps sur le marché et qui est sanctionnée par la juridiction parisienne.

En conclusion, il a été démontré par les premiers juges qu’il existait une véritable stratégie commerciale, instaurée par les laboratoires Servier présentant le Mediator comme un produit presque anodin. Le choix du délit de tromperie aggravée par les magistrats parisiens, en l’espèce, reflète la réalité, à savoir la banalisation d’un produit dangereux pour la santé humaine. Cette qualification protège l’ensemble des cocontractants contre la fraude et garantit l’intégrité du consentement, tout en assurant la véracité des transactions. De surcroît, elle présente aussi des intérêts pratiques indéniables sur le plan de la preuve. Le jugement du 29 mars 2021 confirme ainsi la tendance jurisprudentielle en matière de santé publique, qui consiste à recourir de plus en plus souvent à  la qualification de tromperie aggravée pour mieux appréhender des pratiques dangereuses.

 

[1] Le jugement du 28 mars 2021 fait 1988 pages.

[2] Il s’agit du dénominateur commun international (DCI) qui permet d’identifier une substance. Le système des dénominateurs communs internationaux a été instauré par l’OMS en 1950. Il permet d’attribuer les noms aux génériques.

[3] Par arrêt du 20 janvier 2011, la cour d’appel de Versailles a alloué 145 000 euros des dommages-intérêts à la famille d’un patient décédé en 1995 en raison de l’usage de l’Isoméride (CA Versailles, 20 janvier 2011, n° 09/08695 N° Lexbase : A0953GRQ). 

[4] Plus précisément, le 12 novembre 2009, l’AMM du Mediator et de ses génériques a été suspendue ; le 30 novembre 2009, elle a été retirée.

[5] Ceux-ci doivent être distingués des effets dits « indésirables », connus au moment où l’AMM est délivrée et signalés dans la notice du médicament.

[6] Créée par la loi n° 98-535 (N° Lexbase : O0623BKB), l’AFSSAPS a remplacé, à partir du 1er juillet 1998, l’Agence du médicament, instaurée par la loi n° 93-5 du 4 janvier 1993 (N° Lexbase : O8115BXT), lors de l’affaire du sang contaminé. Par la suite, l’AFSSAPS a été remplacée, en vertu de la loi n° 2011-2012, du 29 décembre 2011 (N° Lexbase : L5048IRE), par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), mise en place le 1er mai 2012.

[7] Le docteur Frachon publie, par la suite, un livre, intitulé « Mediator – 150 mg, combien de morts ?». Supprimé par le TGI de Brest dans un premier temps, la cour d’appel de Rennes, par arrêt du 25 janvier 2011, rétablit le sous-titre de ce livre. Son combat contre le Mediator a également fait l’objet d’un film, « La fille de Brest », réalisé par Emmanuelle Bercot et sorti en 2016.

[8] Le Figaro, 23 décembre 2010.

[9] Un arrêt de la Cour de cassation décide, cependant, qu’en absence de décisions passées en force de chose jugée et contradictoires entre elles, il n’existe pas de conflit positif de juridictions, v. Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 11-87.302, FS-P+B (N° Lexbase : A5118H83). Par arrêt du 24 août 2012, la Cour de cassation décide de ne pas transmettre au Conseil constitutionnel la QPC relative à la question de compétence des deux juridictions, v. Cass. QPC, 24 août 2012, n° 12-90.041, F-D (N° Lexbase : A9599IRX). 

[10] V. jugement du 18 janvier 2019, cité par la décision du tribunal de Paris du 29 mars 2021, p. 9.

[11] V. notre commentaire de l’arrêt de la Chambre criminelle, confirmant celui de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, renvoyant l’expert devant une juridiction de jugement, Cass. crim., 29 avril 2014, n° 14-80.060, F-D (N° Lexbase : A6850MKW), JDSAM, 2014, n° 3, p. 90. En l’espèce, E. Abadie était mis en cause parce que son épouse avait fourni des prestations d’avocat au groupe Servier.

[12] Nous n’aborderons pas l’aspect civil de cette affaire. Précisons seulement qu’un fonds d’indemnisation des victimes du Mediator a été créé par la loi « Bertrand » du 29 décembre 2011. Le collège d’experts, en charge d’indemniser les victimes, est présidé par Alain Legoux, ancien avocat général la Cour de cassation. Au 1er mars 2021, le fonds a indemnisé 3 884 victimes, attribuant 199,6 millions d’euros de dommage-intérêts.

[13] Ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016, relative à la partie législative du Code de la consommation (N° Lexbase : L0300K7A) ; l’ordonnance a été ratifiée par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 (N° Lexbase : L9754LCA). Ce dispositif remplace celui prévu les anciens articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation, issu de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 (N° Lexbase : L4196ITL).

[14] Les sanctions encourues sont la peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Si la tromperie porte sur les produits dangereux pour la santé, les peines sont aggravées ; selon l’article 454-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9863LCB), les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende.

[15] Régie par l’article L. 5121-8 du Code de la santé publique, l’autorisation de mise sur le marché est, selon une jurisprudence constante, un acte administratif individuel et non règlementaire, v. notamment CE Contentieux, 25 avril 2001, n° 216521 (N° Lexbase : A6887ATA). L’AMM a été créée par l’ordonnance du 23 septembre 1967. Dans un premier temps, elle était connue sous le nom de « visa ». 

[16] V. sur l’éventuelle responsabilité de l’Etat du fait de la délivrance illégale d’une AMM, CE 1° et 6° s-s-r., 27 octobre 2008, n° 300389 (N° Lexbase : A1005EBT).

[17] La qualification de tromperie aggravée a été retenue dans l’affaire du sang contaminé, sur le fondement des anciens articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation, v. Cass. crim., 22 juin 1994, n° 93-83.900 (N° Lexbase : A7961AGX) ; JCP G, 1994, II, 22310, note M.-L. Rassat ; D., 1995, jurispr., p. 65, concl. Perfetti et p. 85, n. Prothais.

[18] Cela est le cas, par exemple, des grossistes, n’ayant pas traité directement avec le consommateur, qui sont désormais considérés comme des auteurs principaux, v. Cass. crim., 12 novembre 1985, D. 1986, IR p. 42, obs. G. Roujou de Boubée ; Cass. crim., 6 décembre 1990, Droit pénal, 1991, comm. 7, note J.-H. Robert ; Cass. crim., 13 janvier 2015, n° 13-88.386, F-D (N° Lexbase : A4570M97). En revanche, n’est pas co-auteur un expert qui délivre un certificat mensonger ; il y a, dans cette hypothèse, seulement complicité de tromperie (Cass. crim., 13 janvier 2004, n° 03-82.285).

[19] Il peut s’agir, par exemple, d’un contrat d’entreprise, de travail ou de transport.

[20] Cass. crim., 29 octobre 1937, Gaz. Pal., 1937, 2, 850 ; Cass. crim., 4 mai 1957, JCP G, 1957, II, 10089.

[21] V. p. 42 du jugement.

[22] Cass. crim., 7 juillet 2005, n° 05-81.119, FP-P+F (N° Lexbase : A9068DIP) ; Bull. crim., n° 206, l’arrêt, relatif à l’affaire de l’hormone de croissance précise que la tromperie, tout en étant un délit instantané et aussi un délit clandestin, ayant pour effet le report du délai de prescription, qui commence à courir à partir du jour où le délit apparaît et peut être constaté dans les conditions permettant l’exercice de l’action publique. 

[23] Cass. crim., 24 septembre 1998, n° 97-84.277, inédit (N° Lexbase : A7100CZY), Bull. crim., n° 236 ; RSC, 1999, 586, obs. R. Ottenhof ; Cass. crim., 4 mai 2016, n° 15-80.770, F-P+B (N° Lexbase : A3478RN7). Cependant, le mensonge ne suffit pas pour caractériser l’escroquerie ; il doit être accompagné de la production d’un écrit de l’intervention d’un tiers ou encore d’une mise en scène (v. Cass. crim., 4 mai 2016, préc.). En l’espèce, les juges du fond ont estimé que dans l’affaire du Mediator ces éléments n’étaient pas suffisamment établis.

[24] Cass. civ. 1, 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Mercier (N° Lexbase : A7395AHD), D. 1936, 1, 8, concl. Matter, rapp. Josserand ; S. 1937, 1, 321, note Breton, JCP, 1936, 1079. Le terme employé dans l’arrêt est celui de données « acquises ».

[25] Cass. civ. 1, 3 juin 2010, n° 09-13.591, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1522EYZ) ; Bull. civ. I, n° 128.

[26] V. Le Figaro du 27 décembre 2010.

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Sociétés

[Brèves] Fusion de sociétés : opposabilité à l’absorbante du délai de forclusion pour saisir la juridiction de renvoi après cassation

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 20-15.098, F-P (N° Lexbase : A25354SP)

Lecture: 4 min

N7630BYA

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par Vincent Téchené

Le 27 Mai 2021

► D’une part, la dissolution d’une personne morale, même assortie d’une transmission universelle de son patrimoine, qui n’est pas assimilable au décès d’une personne physique, même lorsque l’action est transmissible, ne constitue pas une cause d’interruption de l’instance au sens de l’article 370 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2987LWK) ;

D’autre part, la transmission universelle de son patrimoine à une personne morale par une société dissoute étant indissociablement liée à sa dissolution, la perte de sa capacité juridique n’interrompt pas le délai de forclusion pour saisir la juridiction de renvoi après cassation, qui continue à courir ; ce délai devient, par l’effet de la transmission de ses droits par la société absorbée, opposable à la société absorbante, qui acquiert de plein droit, à la date de l’assemblée générale ayant approuvé l’opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée.

Faits et procédure. La société X a interjeté appel du jugement d’un tribunal de commerce (T. com. Nanterre, 23 décembre 2014, aff. n° 2014F00676 N° Lexbase : A3241NAB) qui l’a condamnée au paiement de dommages-intérêts à la société Y. Cette dernière a alors formé un pourvoi contre l’arrêt qui a déclaré irrecevable son action en indemnisation (CA Versailles, 4 octobre 2016, n° 14/09279 N° Lexbase : A8757R44). Cet arrêt ayant été cassé (Cass. civ. 1, 6 septembre 2017, n° 16-26.459, F-D N° Lexbase : A1125WR4), l’arrêt de la Cour de cassation a été signifié à la société X le 26 septembre 2017.

Le 22 novembre 2017, l’associée unique de la société X a constaté le caractère définitif de la dissolution sans liquidation de celle-ci, aucune opposition n’ayant été formulée dans le délai légal.

L’associée unique a alors déposé une déclaration de saisine au greffe de la cour d’appel de renvoi le 5 décembre 2017. La société Y a soulevé l’irrecevabilité de la déclaration de saisine pour tardiveté.

La cour d’appel de renvoi (CA Paris, 7ème ch., 29 janvier 2020, n° 17/22292 N° Lexbase : A08494B3) ayant déclaré irrecevable sa saisine en date du 5 décembre 2017 et, en conséquence, conféré force de chose jugée au jugement rendu le 23 décembre 2014 par le tribunal de commerce, la société X a formé un pourvoi en cassation.

Décision. Énonçant les principes précités, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

En effet, elle retient que la cour d’appel a relevé que l’annonce de la dissolution anticipée sans liquidation de la société X avait été publiée le 19 octobre 2017 et n’avait provoqué, dans le délai de trente jours, aucune opposition. Elle a également constaté que la disparition de la personnalité morale de la société X assortie de la transmission universelle de son patrimoine, composé de l’ensemble de ses droits, à la société absorbante s’était produite le 18 novembre 2017. Dès lors, pour la Haute juridiction, les juges du fond en ont exactement déduit que, si la société X avait la capacité de la saisir entre le 26 septembre 2017 et le 18 novembre 2017, l’associé unique avait recueilli cette capacité dès le 19 novembre 2017, de sorte qu’en déposant la déclaration de saisine au greffe de la cour d’appel après l’expiration, le 26 novembre 2017, du délai de forclusion, qui n’avait pas été interrompu, elle avait agi tardivement.

Observations. Il a déjà été jugé qu’une société absorbée ne peut interjeter appel d'un jugement dès lors que sa personnalité morale a disparu (Cass. com., 11 février 1986, n° 84-12.337, publié N° Lexbase : A3016AAX). De même, le pourvoi en cassation formé, après la date de prise d'effet de la fusion-absorption, par la société absorbée est irrecevable, conformément à l'article 32 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1172H48 – v. Cass. civ. 3, 17 mai 2006, n° 05-10.936, FS-P+B N° Lexbase : A8604DPD). Dès lors, c’est logiquement à la date de prise d’effet de l’opération que l’absorbante a de plein droit qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée (Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-20.213, FS-P+B N° Lexbase : A0342DDZ).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les opérations de fusion de sociétés, La situation de la société absorbante, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase (N° Lexbase : E2426GA4).

 

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Transport

[Jurisprudence] Promenade aérienne gratuite et responsabilité du pilote en cas d’accident : non-application des règles de la responsabilité civile

Réf. : Cass. civ. 1, 8 avril 2021, n° 19-21.842, F-P (N° Lexbase : A13144PD)

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N7672BYS

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par Pascal Dupont, Docteur en droit et Ghislain Poissonnier, Magistrat

Le 27 Mai 2021


Mots clés :  promenade aérienne • vol effectué à titre gratuit • transport aérien • accident aérien • responsabilité aérienne • Convention de Varsovie • Code des transports

Le 8 avril 2021, la Cour de cassation a jugé qu’« une promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit, avec un point de départ et d’arrivée identique, constitue un transport aérien soumis aux seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et que la responsabilité de ce particulier ne peut être engagée que si la victime prouve qu’il a commis une faute ». Ce faisant, elle retient une conception extensive de la notion de transport aérien, qui couvre les vols effectués à titre gratuit dans le cadre des aéroclubs.


L’arrêt rendu le 8 avril 2021 par la première chambre civile de la Cour de cassation illustre une nouvelle fois la complexité de la question de la réparation des dommages corporels liés aux accidents aériens. Ces derniers représentent, pour les seules activités qualifiées de transport aérien, près d’une centaine de morts ou de blessés chaque année en France [1]. Elles génèrent fréquemment des actions en justice engagées à des fins indemnitaires. Compte tenu de l’aspect central de la détermination de la responsabilité, le juge saisi doit alors s’intéresser à la qualification du vol concerné. L’exercice n’est pas toujours aisé, l’activité aéronautique pouvant prendre diverses formes, ayant pour but bien souvent le déplacement de passagers et de marchandises mais aussi la plaisance, l'apprentissage du pilotage, le sport, la prise de photographies, la lutte contre l'incendie, l'épandage d'insecticides, etc. [2].

Le 26 juillet 2007, l’aéronef de l’association aéroclub du bassin d’Arcachon s’est écrasé, provoquant la mort du pilote et de ses trois passagers. L’expertise réalisée dans le cadre de l’information judiciaire ouverte n’a pas mis en évidence de faute commise par l’association aéroclub ou par le pilote. Le 27 mars 2015 (soit près de huit ans après les faits), les ayants-droits de deux des passagers ont assigné en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Bordeaux l’association aéroclub ainsi que la fille du pilote, qui a appelé en la cause l’assureur de ce dernier. Le tribunal a rejeté la demande en indemnisation et les ayants-droits des passagers ont formé appel. Par un arrêt du 27 juin 2019 [3], la cour d'appel de Bordeaux a condamné l’héritière du pilote à leur verser une partie des indemnités réparatrices sollicitées. Elle a considéré, en premier lieu, que le vol litigieux était un vol dit circulaire qui ne pouvait être qualifié de « transport aérien » au sens du Code des transports, aux motifs qu’il n’avait pas pour objet d’amener des passagers d’un point de départ vers un point de destination et qu’il ne s’agissait pas, non plus, d’un baptême de l’air ni d’un vol à titre onéreux. Elle a considéré, en second lieu, que la responsabilité du pilote, en l’absence de faute de sa part, devait être retenue sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L5903LWK devenu C. civ., art. 1242 ­N° Lexbase : L0948KZ7).

Contestant cette décision, l’héritière du pilote se pourvoit en cassation en présentant un argument principal tenant à ce qu’une promenade aérienne, fût-elle effectuée par un particulier, à titre gratuit, avec un point de départ et d’arrivée identique, constitue un transport aérien soumis à la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929 [4] (dite Convention de Varsovie). Ainsi, selon elle, « en ayant jugé que le vol dont s’agissait, dans lequel le pilote et trois passagers avaient trouvé la mort, ne constituait pas un transport aérien, au motif qu’il s’agissait d’un vol circulaire, la cour d’appel a violé l’article L. 322-3 du Code de l’aviation civile (N° Lexbase : L5745HD7), devenu l’article L. 6421-4 du Code des transports (N° Lexbase : L6160INH) ».

Le 8 avril 2021, la première chambre civile casse et annule l'arrêt précité aux motifs qu’« une promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit, avec un point de départ et d’arrivée identique, constitue un transport aérien soumis aux seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et que la responsabilité de ce particulier ne peut être engagée que si la victime prouve qu’il a commis une faute ».

Cette décision présente un double intérêt. D’une part, elle se prononce sur la nature du vol concerné, en retenant qu’il s’agit d’un transport aérien, même si aucun contrat de transport n’a été conclu dans les faits de l’espèce et que le but du vol n’était manifestement pas – stricto sensu – d’acheminer des passagers à un point de destination, s’agissant d’une promenade aérienne effectuée à titre gratuit (I). D’autre part, elle écarte le régime de la responsabilité de droit commun prévu par le Code civil au profit de celui de la responsabilité aérienne (II). La Cour de cassation retient ainsi une conception plutôt extensive de la notion de transport aérien, qui s’inspire des spécificités propres à l’activité aéronautique.

I. Une promenade aérienne effectuée à titre gratuit constitue un transport aérien

En cas d’accident aérien, la qualification d’un vol est essentielle en ce qu’elle conditionne le régime de responsabilité associé à la réparation des dommages corporels ou matériels subis. Le vol qualifié de transport aérien se voit alors appliquer les règles du droit aérien, tandis que celui qualifié d’opération de non-transport se voit appliquer la réglementation de droit commun. L’article L. 6400-1 du Code des transports (N° Lexbase : L6183INC), définit « le transport aérien » comme consistant « à acheminer par aéronef d’un point d’origine à un point de destination, des passagers, des marchandises ou du courrier ».

À cet égard, on considère en général que le transport aérien est le principe et que les opérations de non-transport sont l'exception [5]. Aussi, la victime d'un accident qui désire se voir appliquer le régime de droit commun terrestre, souvent plus favorable que celui du droit aérien, est-elle tenue de faire la preuve qu'il s'agissait bien d'une opération de non-transport.

Pour autant, il existe des catégories de vols qui ne s’analysent pas comme des transports aériens. Tel est le cas des vols circulaires ou locaux mentionnés par le Code de l’aviation civile qui désignent des vols sans escale [6] qui ont pour caractéristiques d’être internes (par opposition aux vols internationaux) ou domestiques et d’entrer dans le champ d’application de la Convention de Varsovie.

Dans cette affaire, le tribunal de grande instance de Bordeaux avait considéré le vol comme un transport aérien soumis à l’article L. 6400-1 du Code des transports.

À l’inverse, et suivant en cela l’argumentaire des ayants-droits des passagers, la cour d’appel de Bordeaux a jugé que, au regard des éléments de l’expertise réalisée après la chute de l’aéronef, le vol concerné ne pouvait être qualifié de transport aérien aux motifs qu’il n’avait pas pour objet d’amener des passagers d’un point de départ vers un point de destination. Elle a estimé qu’il ne s’agissait pas non plus d’un vol circulaire effectué autour de l'aérodrome ou d’un baptême de l’air.

La distinction faite par la cour d’appel entre baptême de l’air et vol circulaire n’était guère convaincante. Seuls deux types de vol sont définis avec précision par les codes de l’aviation civile et des transports : d’un côté, les vols qualifiés de transports aériens, et d’un autre, les vols dits circulaires ou locaux, effectués à titre onéreux au sein d’un aéroclub. Ces derniers sont définis par l'article. D. 510-7 du Code de l'aviation civile (N° Lexbase : L4403AWY), selon lequel « afin d'encourager le développement de l'aviation légère, un aéroclub peut faire effectuer, en avion ou en hélicoptère, par des membres bénévoles, des vols locaux à titre onéreux au profit de personnes étrangères à l'association, aux conditions fixées ci-après. Le vol local est, pour l'application du présent article, un vol de moins de trente minutes entre le décollage et l'atterrissage, n'impliquant pas de transport entre deux aérodromes et durant lequel l'aéronef ne s'éloigne pas à plus de 40 kilomètres de son point de départ ».

La cour d’appel notait cependant de manière plus convaincante que le vol litigieux avait été réalisé à titre gracieux par un pilote bénéficiant de l'usage de l'aéronef en tant que membre de l'aéroclub et emmenant des passagers à titre amical, conditions qui sont exclusives de la notion de transport aérien et de celles de vol local donc du régime de la Convention de Varsovie qui lui est associé pour ce qui concerne la réparation des dommages subis au cours d’un accident [7].

En somme, selon elle, la gratuité et le caractère amical du vol sont des éléments déterminants. Il est vrai qu’en droit aérien, la qualité de passagers suppose normalement la conclusion d’un contrat de transport aérien [8] qui faisait défaut en l’espèce. Ainsi, l’article 1er de la Convention de Varsovie – tout comme le même article dans la Convention de Montréal [9] – vise les opérations de transport international des passagers et de leurs bagages par une entreprise de transport aérien contre rémunération. Ne satisfait pas à la première condition de transport par une entreprise de transport aérien le déplacement à bord d’un aéronef appartenant à un aéroclub [10]. La seconde condition qui veut que le transport soit effectué contre rémunération exclut les transports bénévoles, mais encore ceux pour lesquels aucun prix n’a été versé [11]. Les vols de loisirs tels les baptêmes de l’air [12], ou encore les promenades aériennes [13] sont traditionnellement assimilés à des contrats de transport dans la mesure où ils s’effectuent en contrepartie d’une rémunération [14]. Mais la notion de passager s’étend à d’autres activités que celle des compagnies aériennes à condition que le déplacement constitue l’objet du vol. Pour les vols effectués dans des aéroclubs où les activités peuvent être très diverses, la qualité de transporteur aérien n'implique pas nécessairement un trajet d'un point d'origine à un point de destination et englobe les déplacements circulaires, c’est-à-dire ceux qui comportent un même point de départ et d’arrivée. Néanmoins, la qualification de transport aérien peut être écartée dans l'hypothèse où le passager participe de façon active au pilotage ou aux vols techniques d'essai [15].

En décidant qu’une promenade aérienne – donc un vol d’agrément – effectuée par un particulier à titre gratuit constitue un transport aérien, la première chambre civile se livre à une interprétation extensive de la définition du transport aérien telle qu’elle résulte de l’article L. 6400-1 du Code des transports. Dans cette définition, l’absence de relation contractuelle entre les parties au litige n’entre pas en ligne de compte.

La réponse donnée par le juge de cassation s’inscrit dans le prolongement de différentes décisions rendues à l’occasion de contentieux relatifs à des accidents aériens, décisions qui appliquent de manière plutôt extensive la règlementation aérienne.

La Cour de cassation a ainsi jugé en 2007 que le vol d’agrément d'un aéronef appartenant à l'aéro-club de Bastia pouvait constituer un transport aérien soumis aux dispositions de l’article L. 322-3 du Code de l’aviation civile qui régit la responsabilité du transporteur lorsque le transport aérien est effectué à titre gratuit [16]. En 2011, elle a considéré que « tout transport aérien de personnes, même effectué à titre gratuit, est soumis en application de l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile aux dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 » [17]. Elle a validé un arrêt d’appel n’ayant pas retenu la qualification de transport aérien pour un vol d’ULM dont l’objet principal était la réalisation d’un travail aérien et non un simple déplacement d’un point à un autre, qui n’avait pu donner lieu à la conclusion d’un contrat de transport aérien avec l’aéroclub [18]. Enfin, en 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans le cadre de poursuites engagées contre le pilote privé d'un avion d'aéroclub ayant emmenés trois passagers à titre gratuit en vue d'effectuer une promenade aérienne au-dessus du bassin d'Arcachon et qui s'était écrasé peu après le décollage, occasionnant des blessures au quatre occupants de l'appareil, a retenu qu'il se déduit de l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile devenu L. 6421-4 du Code des transports, qu'une promenade aérienne, fût-elle effectuée par un particulier, à titre gratuit, avec un point de départ et d'arrivée identique, constitue un transport aérien soumis à la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et que l'action en réparation d'un tel accident aérien échappe à la compétence matérielle des juridictions répressives [19].

II. En cas d’accident, les règles la responsabilité du droit commun ne s’appliquent pas

Dans cette affaire, les parties soutenaient que deux régimes de responsabilité radicalement différents étaient susceptibles de s’appliquer : celui de la responsabilité aérienne ou celui du droit commun de la responsabilité civile (qui résulte du Code civil). Rappelons que le régime spécial de la responsabilité aérienne actuellement en vigueur résulte de la loi n° 57-259, du 2 mars 1957, relative à la responsabilité du transporteur en cas de transports aériens. La Convention de Varsovie constitue souvent un pôle d’attraction pour les législateurs nationaux [20]. Tel a été le cas en France, où la loi du 2 mars 1957 a rendu applicables, aux transports aériens internes français, les dispositions du chapitre III de la Convention de Varsovie intitulé « Responsabilité du transporteur ».  Ces dispositions ont été reprises à l’article L. 322-3 du Code de l’aviation civile [21]. Cet article, applicable à la date des faits de cette affaire, a été abrogé par l'ordonnance du 28 octobre 2010, relative à la partie législative du Code des transports [22], et est devenu l'article L. 6421-4 du Code des transports.

En l’espèce, la distinction entre ceux deux régimes est capitale, dans la mesure où aucune faute commise, soit par l’aéroclub, soit par le pilote, n’avait pu être rapportée par l’expertise.

Dans la première hypothèse défendue par l’héritière du pilote, l’article 17 de la Convention de Varsovie pose le principe de la responsabilité du transporteur aérien pour un « dommage survenu en cas de mort, de blessure ou de toute autre lésion corporelle subie par un voyageur lorsque l’accident qui a causé le dommage s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement et de débarquement ». En d’autres termes, le passager qui subit un dommage est dispensé de rapporter la preuve de la faute du transporteur. En cas d’accident aérien, la règle ici posée est généralement appliquée, car la plupart des transports aériens sont effectués à titre onéreux. La mise en œuvre de la responsabilité du transporteur aérien en application de la Convention de Varsovie est fondée, en toute hypothèse, sur une faute présumée et ne dépend pas ici de l’étendue du dommage invoqué par la victime. La jurisprudence se montre particulièrement exigeante pour admettre que la présomption de faute puisse être renversée [23]. Ainsi en cas de dommage d’origine inconnue, elle estime que le transporteur demeure responsable [24].

Toutefois, le législateur français a souhaité alléger le régime strict de la responsabilité du transporteur lorsque le passager profite de la gratuité d’un vol. L’article L. 6421-4 du Code des transports (qui a remplacé l’article L. 322-3 du Code de l’aviation civile) précise ainsi que « la responsabilité du transporteur effectuant un transport gratuit ne sera engagée, […] que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés ». Il est donc nécessaire, en matière de transport aérien gratuit, d’établir une faute du transporteur pour que le dommage subi par le passager puisse être réparé. C’est ce que la Cour de cassation a ainsi résumé dans un arrêt rendu en 2007 : « Attendu d'une part, que la responsabilité du transporteur aérien de personnes est régie par les seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ; que d'autre part et selon l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile, les transports aériens sont soumis au plafond de l'article 22 de la Convention de Varsovie et que, s'agissant d'un transport gratuit, la victime doit prouver la faute » [25].

À l’inverse, dans la deuxième hypothèse (une opération de non transport) défendue par les ayants-droits des passagers décédés, c’est le droit commun de la responsabilité civile qui s’applique, et notamment les dispositions des articles 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) et 1384, alinéa 1er, devenus 1241 (N° Lexbase : L0949KZ8) et 1242, du Code civil relatives à la responsabilité du fait des choses. En appel, les ayants-droits des passagers tués dans l’accident avaient ainsi obtenu la condamnation de l’héritière du pilote à leur payer diverses indemnités sur le fondement de la responsabilité civile du pilote. L’association gérant l’aéroclub ayant été mise hors de cause et la garde de l’aéronef ayant été transférée par l’aéroclub au pilote, la cour d’appel a estimé que le pilote en avait, pendant le vol, l'usage, le contrôle et la direction. Ainsi, sa responsabilité civile du fait des choses (responsabilité objective du fait de la garde de l’aéronef) pouvait être engagée, responsabilité dont il ne pouvait s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable, preuve non rapportée en l'espèce. Il n’était donc pas nécessaire d’établir une faute du transporteur pour que l’indemnisation du préjudice subi par le passager soit versée.  

En indiquant qu’« il résulte de l’article L. 322-3 du Code de l’aviation civile alors en vigueur, qu’une promenade aérienne effectuée par un particulier à titre gratuit, avec un point de départ et d’arrivée identique, constitue un transport aérien soumis aux seules dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et que la responsabilité de ce particulier ne peut être engagée que si la victime prouve qu’il a commis une faute », la Cour de cassation ne fait que rappeler les règles de la responsabilité aérienne s’appliquant à la fois aux vols internes [26] et aux vols domestiques à titre gratuit [27]. La règle est que la responsabilité du transporteur est subordonnée à la preuve de la faute du transporteur [28]. En matière de transport aérien gratuit, l’article L. 6421-4 du Code des transports précise bien que « la responsabilité du transporteur aérien ne peut être recherchée que dans les conditions et limites prévues par le présent article, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir ».

L’expertise réalisée n’ayant établi aucune faute ni du pilote, ni de l’aéroclub, la Cour de cassation aurait pu casser l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, sans renvoyer l’affaire. Elle a cependant fait le choix de renvoyer l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse. Il est probable que le juge d’appel toulousain soit obligé de débouter les ayants-droits des passagers, s’agissant d’un transport aérien au cours duquel aucune faute du pilote n’est prouvée. Sans doute la Cour de cassation a-t-elle voulu, par prudence, permettre de nouveaux débats, au moins sur le fond de l’affaire (au besoin avec une nouvelle expertise ou une nouvelle discussion sur celle qui a été déjà réalisée).

 

[1] Commissariat général au développement durable, Les chiffres clés du transport, édition 2019.

[2] L. Peyrefitte, JCl. Transport, Fascicule 905 : « Transport aérien – Généralités », 20 décembre 1998, n° 64, p. 29.

[3] CA Bordeaux, 27 juin 2019, 18/05010 (N° Lexbase : A0294ZHD).

[4] Publiée par décret du 12 décembre 1932 (JORF du 27 décembre 1932) et entrée en vigueur le 13 février 1933. Cette convention continue à s’appliquer aux États qui ne sont pas parties à la Convention de Montréal de 1999.

[5] L. Peyrefitte, JCl. Transport, Fascicule 905 préc., n° 73.

[6] Cf. Code de l’aviation civile, Règles de l’air, Annexe I, Chapitre 1e, Appendice 5 : « un vol local est un vol circulaire sans escale effectué :
- à l'intérieur des limites latérales d'une zone de contrôle (CTR) associée à un aérodrome ;
- ou, en l'absence de zone de contrôle, à 12 kilomètres (6,5 milles marins) au plus de l'aérodrome ».

[7] Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 07-21.636, FS-P+B (N° Lexbase : A4104EIT), D., 2009, AJ 1826, obs. X. Delpech ; JCP E, 2010, n° 1080, note Ch. Paulin ; Gaz. Pal., 4 février 2010, p. 21, note Cayrol.

[8] Cass. civ. 1, 12 mai 2004, n° 01-14.259 et 01-14.931, FS-P (N° Lexbase : A1561DCS) : la qualité de transporteur aérien n’implique pas nécessairement un trajet d’un point d’origine à un point de destination et englobe les déplacements circulaires.

[9] Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai 1999 (dite Convention de Montréal), JOCE L 194 du 1er juillet 2001 ; publiée par décret n° 2004-578 du 17 juin 2004 (N° Lexbase : O6621AW7).

[10] Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 03-16.683, FS-P+B (N° Lexbase : A4068DU9), Rev. Dr. com. mar. aérien trans., 2007, p. 48.

[11] O. Cachard, Le transport international aérien de passagers, Académie de droit international de La Haye, décembre 2015, n°61 a, p. 66.

[12] Cass. civ. 2, 30 mars 1965, n° 62-11.700, publié (N° Lexbase : A88424SB), D., 1965, p. 441, note P. Chauveau – Cass. civ. 2, 18 juillet 1967, n° 66-10.889, publié (N° Lexbase : A88434SC), D., 1968, p. 297, note P. Chauveau ; RFDA, 1967, 443 ; en droit aéronautique, le baptême de l'air désigne la première expérience d'une personne à bord d’un aéronef.

[13] Cass. civ. 2, 5 mars 1964, n° 62-11.392, publié (N° Lexbase : A7509DYR), JCP G, 1964, II, 13696, note M. de Juglart ; RFD aérien, 1964, 385 – Cass. civ., 2, 19 décembre 1966, RFD aérien, 1967, 26 – Cass. civ. 1, 2 mars 1971, n° 68-12.375, publié (N° Lexbase : A7164CE3) – Cass. civ. 1, 15 mai 1973, RFD aérien, 1973, 419.

[14] L. Peyrefitte, JCl. Transport, Fascicule 905 préc., n° 71 et 72. La rémunération dans ce type de vol vise à couvrir les frais de vol (main-d’œuvre, coût du carburant et des frais d’utilisation de l’aéronef).

[15] Cass. civ. 1, n° 01-14.259 et 01-14.931, FS-P (N° Lexbase : A1561DCS) : la qualification de transport aérien ne peut, par ailleurs, être écartée que dans l'hypothèse où le passager participe de façon active au pilotage ou aux vols techniques d'essai.

[16] Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 03-16.683, préc., RJDA, 2007, n° 724 ; RD transp., 2007, n° 89, obs. Ph. Delebecque : la responsabilité de l'aéroclub qui met un appareil à disposition de ses membres dont il est démontré qu'il était en parfait état de vol à son décollage ne peut être retenue sur le fondement de l'article 1384 du Code civil.

[17] Cass. civ. 1, 28 avril 2011, n° 09-67.729, FS-D (N° Lexbase : A5367HPH) :  la Cour de cassation casse ainsi l'arrêt d’appel qui avait retenu à tort « que la Convention de Varsovie, lorsqu'il s'agit d'un transport à titre gratuit, ne peut s'appliquer que s'il est effectué par une entreprise de transport aérien ». 

[18] Cass. civ. 1, 15 janvier 2014, n° 12-12.159, F-P+B (N° Lexbase : A8043KT3).

[19] Cass. crim., 10 septembre 2019, n° 18-83.858, F-P+B+I (N° Lexbase : A7911ZMX), D., 2019, Actu 1708 ; RTD com., 2019, 1026, obs. B. Bouloc ; JT, 2019, n° 224, p.11, obs. X. Delpech ; Gaz Pal., 17 septembre 2019, p.33, obs C. Berlaud.

[20] L. Peyrefitte, JCl. Transport, Fascicule 905 préc., n° 64, p. 31.

[21] « La responsabilité du transporteur de personnes est régie par les dispositions de la Convention de Varsovie comme prévu aux articles L. 321-3, L. 321-4 et L. 321-5. ».

[22] Cf. ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, art. 7 (N° Lexbase : L2799INY).

[23] N. Rias, Les effets du contrat de transport par air, in Droit du transport de passagers, Larcier, février 2016, p.235.

[24] En ce sens, CA Paris, 12 décembre 1961, JCP, 1962, II, 12596, note M. de Juglart.

[25] Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 03-16.683, préc..

[26] Cass. civ. 1, 20 mars 2001, n° 99-13.511, P (N° Lexbase : A1446ATQ), RTD com., 2001, 570, obs. Ph. Delebecque.

[27] Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 07-21.636, préc..

[28] Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 03-16-683, préc..

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