Le Quotidien du 17 mai 2021

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[Le point sur...] Michel Fourniret est mort mais les enquêtes sur ses victimes se poursuivent

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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

Le 17 Mai 2021

Ville-sur-Lumes, le 26 Octobre 2021 - V. Vantighem.

Évidemment, comme d’habitude, tout le monde a d’abord regardé ses mains. Deux espèces de battoirs disproportionnés par rapport au reste d’un corps sec et noueux. Même entourées de menottes, elles faisaient toujours peur. Mais quand Michel Fourniret est descendu du fourgon pénitentiaire qui l’avait conduit à Ville-sur-Lumes (Ardennes), le 27 octobre 2020, il a fallu admettre qu’il n’avait plus grand-chose de « l’Ogre », comme les médias l’ont surnommé depuis des années.

Certes, le tueur en série a décliné le fauteuil roulant que la juge Sabine Khéris avait prévu. Mais chacun a pu observer son pas ralenti, sa barbe broussailleuse, ses cheveux hirsutes et son pantalon de jogging sale, dissimulant mal ses problèmes de rétention d’eau et d’incontinence. Même ses yeux perçants et glaçants avaient perdu de leur éclat. « C’est simple, il ressemblait plus à un clochard qu’à un tueur », résume un avocat qui a pu l’observer de près. « Il était complètement aux fraises », abonde un autre.

Ce jour-là, la juge Khéris avait décidé de ramener le tueur en série et son ex-femme, Monique Olivier, sur leurs terres ardennaises dans le but de tenter de découvrir le lieu où la petite Estelle Mouzin a été enterrée en janvier 2003. Peine perdue… Michel Fourniret a bien pointé quelques endroits sur une carte, mais le corps de la fillette n’a pas été découvert. Et les enquêteurs ont compris que le tueur ne leur serait, désormais, plus d’aucune utilité pour résoudre l’énigme criminelle. « Il était capable de dire que le café était bon et deux minutes après, il ne se souvenait plus en avoir bu, raconte l’un d’entre eux. Il était tout simplement déjà ailleurs... »

L’histoire retiendra que ce jour-là, il faisait beau et que c’était la dernière sortie à l’air libre du « tueur en série le plus abouti », selon l’expression de l’expert-psychiatre Daniel Zagury. Atteint par des troubles neurologiques, cardiaques et respiratoires, Michel Fourniret est décédé lundi 10 mai, vers 15h à l’Unité hospitalière interrégionale sécurisée de La Pitié – Salpêtrière (Paris, 13e), où il avait été admis en urgence. Il avait 79 ans et purgeait deux peines de réclusion criminelle à perpétuité, dont une incompressible, pour avoir causé la mort de huit jeunes femmes ou adolescentes.

Un procès avec seule Monique Olivier dans le box ?

La liste de ses victimes est sans doute beaucoup plus longue. Lui-même se vantait d’avoir tué, en moyenne, deux fois chaque année entre 1990 et 2000. Sauf qu’il ne pourra plus jamais être condamné pour cela. En France, on ne juge pas les fous – même si le gouvernement souhaite modifier la loi à ce propos – et on ne juge pas les morts. Mais si l’action publique à l’encontre de Michel Fourniret s’est éteinte, les familles des victimes pourront tout de même, dans certains cas, avoir le droit à un procès.

« Par exemple sur le dossier Estelle Mouzin, nous pourrions avoir une audience avec Monique Olivier, seule, dans le box des accusés. Les magistrats pourraient alors s’appuyer sur les déclarations que Michel Fourniret a faites, de son vivant, à la juge Khéris pour tenter d’approcher la vérité », décrypte Corinne Herrmann, l’avocate d’Eric Mouzin, le père de la fillette. Il pourrait en être de même sur les dossiers dédiés à la mort de Joanna Parrish et à la disparition de Marie-Angèle Domèce, dont le corps n’a jamais été retrouvé. Et peut-être aussi à celui portant sur le triste sort subi par Lydie Logé, même si des investigations semblent encore nécessaires à son sujet.

Sur chacun de ses cas, Michel Fourniret est passé aux aveux. Alambiqués, tortueux, cruels… Mais il a bien reconnu sa participation à la mort de ces jeunes femmes. C’est donc désormais à la juge Khéris d’ordonner ou pas la tenue d’un procès d’assises avec les éléments dont elle dispose. En parallèle, la magistrate a également demandé que des comparaisons ADN soient effectuées entre des traces découvertes sur un matelas ayant appartenu à Michel Fourniret et aux empreintes génétiques de victimes dont les disparitions n’ont jamais été élucidées. « C’est quand même dingue qu’il ait fallu attendre aujourd’hui pour effectuer ce travail. Cela aurait dû être fait il y a plus de 15 ans quand Fourniret pouvait répondre de ses actes », commente encore Corinne Herrmann.

L’avocate n’a pas attendu la mort de « l’Ogre » pour réclamer des comptes. Elle a décidé d’assigner l’État français au civil devant le tribunal judiciaire de Paris pour le « dysfonctionnement de la justice » dans la conduite de l’enquête sur la mort d’Estelle Mouzin. Une procédure similaire est également en préparation devant la Cour européenne des droits de l’Homme. La preuve, s’il en fallait, que Corinne Herrmann est celle qui a permis d’établir, ces dernières années, la responsabilité de Michel Fourniret dans la disparition d’Estelle Mouzin. Sans elle, sans la juge Sabine Khéris et, dans une certaine mesure, sans Monique Olivier, Eric Mouzin n’aurait jamais su que sa fillette avait été enlevée par le tueur en série.

Corinne Herrmann, Sabine Khéris, Monique Olivier : trois femmes au cœur de l’enquête sur Michel Fourniret et Estelle Mouzin.

Corinne Herrmann, l’avocate spécialiste des « cold-case »

Dans les forêts ardennaises et les chemins de terre, sa chevelure rousse tranche avec le vert de la nature. Et sert de repères aux photographes de presse qui, téléobjectif en bandoulière, cherchaient à voler quelques clichés de Michel Fourniret et de son ex-femme Monique Olivier lors des fouilles pour retrouver le corps d’Estelle Mouzin.

Aujourd’hui âgée de 59 ans, Corinne Herrmann dispose d’une formation en criminologie qui l’a conduite à se spécialiser, au sein du cabinet Seban, dans les « cold-case ». C’est ce qui lui a permis, très tôt, d’être convaincue de la responsabilité de Michel Fourniret dans la mort d’Estelle Mouzin. Si elle n’a manqué quasiment aucune des récentes campagnes de fouilles, l’essentiel de son travail s’est fait dans l’ombre. D’abord en épluchant le dossier afin d’effectuer des recoupements. Et surtout en œuvrant  pour permettre à la juge Sabine Khéris de récupérer le dossier d’instruction et de reprendre l’enquête. Pour cela, elle n’a pas hésité à aller jusqu’à la Cour de cassation. Son seul regret ? Que cela ait pris autant de temps pour aboutir à ce résultat… Désormais, elle milite pour la création d’un pôle d’instruction spécialisé dans les tueurs en série pour ne plus que cela se reproduise.

Sabine Khéris, la juge qui lisait Dostoïevski

Le déclic a eu lieu le 5 février 2019. Ce jour-là, Monique Olivier est interrogée dans le cabinet de la juge Khéris. C’est là qu’elle lâche qu’elle souhaite désormais « évoquer le dossier Estelle Mouzin ». Voilà comment la doyenne des juges d’instruction au tribunal judiciaire de Paris a relancé l’enquête sur l’une des disparitions les plus retentissantes de ces dernières décennies.

Pour obtenir les aveux de Michel Fourniret, elle n’a pas ménagé sa peine. D’abord en lançant, tous azimuts, des investigations qui n’avaient, étrangement, jamais été faites jusque là. Et surtout en gagnant la confiance de « l’Ogre ». Épaulée par une greffière qualifiée de « Formule 1 » par les avocats en raison de la rapidité de son travail, Sabine Khéris a passé du temps à lire Dostoïevski, l’auteur préféré de Fourniret, afin d’en discuter avec lui et de nouer un rapport privilégié. Surtout, elle a épluché le dossier pour parvenir à le coincer et à obtenir ses aveux. Le 27 novembre 2019, le tueur en série lui rend hommage à sa façon en lui lâchant qu’elle est une bonne « joueuse ». C’est ainsi qu’il finit par reconnaître qu’il est bien à l’origine de la disparition de la fillette de Guermantes (Seine-et-Marne).

Monique Olivier, l’ex-femme balance

En répondant à une petite annonce du Pèlerin (« Prisonnier cherche contact pour rompre solitude »), Monique Olivier ne se doutait alors pas qu’elle deviendrait, tour à tour, la correspondante, puis la muse, puis l’épouse d’un tueur en série. Et encore moins qu’elle serait finalement sa balance. C’est elle, en 2004, au bout du 141e interrogatoire par la police belge qui finit par avouer que son mari, Michel Fourniret, a bien tué des jeunes femmes.

Mal considérée par le tueur qui la qualifiait de « pétrin à modeler » ou « d’idiote n’ayant rien entre les oreilles », Monique Olivier a fini par divorcer en 2010 alors qu’ils étaient tous les deux emprisonnés. Libérée, selon elle, de l’emprise de son mari, elle a fini par livrer des aveux circonstanciés ces deux dernières années dans le dossier Mouzin. Notamment en mettant à bas l’alibi dont il bénéficiait dans ce dossier depuis quinze ans. Puis en révélant, récemment, la zone où la fillette a été enterrée. Mais les enquêteurs ne sont jamais parvenus à retrouver son corps.

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Données personnelles

[Brèves] Avis de la CNIL sur le projet de passe sanitaire pour l’accès aux grands rassemblements de personnes

Réf. : CNIL, délibération n° 2021-054, 12 mai 2021 (N° Lexbase : X8849CMP)

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N7504BYL

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 18 Mai 2021

► Par sa délibération en date du 12 mai 2021, la CNIL s’est prononcée en urgence sur le projet du Gouvernement relatif à la mise en place d’un passe sanitaire conditionnant l’accès à certains lieux publics recevant de grands rassemblements de personnes ; la loi et le règlement devront préciser les modalités concrètes de ce dispositif ainsi que les garanties nécessaires pour éviter tout risque d’atteinte au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles.

Contexte. Afin de permettre la reprise de diverses activités interrompues en raison de la crise sanitaire et la réouverture des lieux fermés en minimisant, dans la mesure du possible, les risques de contamination associés, le Gouvernement envisage de conditionner l’accès à certains lieux, établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes (plus de 1000), à la présentation d’une preuve attestant qu’une personne :

- a été vaccinée contre la Covid-19 ; ou

- a reçu un résultat de test négatif ; ou

- s’est rétabli d’une infection antérieure à la Covid-19.

En pratique, c’est la fonctionnalité « TousAntiCovid-Carnet », développée initialement pour permettre les déplacements nécessitant un contrôle sanitaire dans le cadre du futur « certificat vert numérique » européen, qui pourrait être utilisée pour accéder aux lieux, évènements et établissements concernés.

Compte tenu des enjeux pour les personnes et du caractère inédit d’un tel dispositif, la CNIL exprime le regret d’avoir à se prononcer dans un délai si bref et postérieurement aux débats intervenus, en première lecture, à l’Assemblée nationale, le principe du passe sanitaire ayant pourtant été évoqué de longue date.

Sur le caractère temporaire du dispositif de passe sanitaire

S’il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’utilité scientifique d’un tel dispositif, sur laquelle le Conseil scientifique a rendu un avis positif, la CNIL rappelle que son utilisation ne saurait en aucun cas être maintenue au-delà de la crise sanitaire. En effet, le maintien du dispositif doit être limité à la durée strictement nécessaire à la réponse à la situation sanitaire exceptionnelle et devra, en tout état de cause, prendre fin dès que cette nécessité disparaîtra.

La CNIL demande donc que l’impact du dispositif sur la situation sanitaire soit étudié et documenté de manière fréquente, à intervalle régulier et à partir de données objectives, pour aider les pouvoirs publics à décider ou non de son maintien et demande à ce que ces éléments lui soient transmis.

Sur les garanties à mettre en œuvre en matière de respect des droits et libertés fondamentaux des personnes concernées

  • Une utilisation limitée aux événements rassemblant un grand nombre de personnes

Le Gouvernement a indiqué qu’il limiterait l’usage du passe sanitaire aux seuls événements les plus à risques en raison du grand nombre de personnes présentes, en excluant :

- les lieux qui ont trait aux activités quotidiennes de la population : restaurants, lieux de travail, commerces, etc. ; 

- ceux liés à certaines manifestations habituelles de libertés fondamentales : notamment la liberté de manifester, de réunion politique ou syndicale et la liberté de religion.

La CNIL estime que ces limitations apportent des garanties de nature à minimiser les conséquences du dispositif sur les droits et libertés des personnes.

Elle regrette toutefois l’absence de définition plus précise s’agissant de la nature des lieux, établissements et évènements concernés et considère qu’il est nécessaire d’encadrer, dans la loi :

- le seuil de fréquentation simultanée minimal, et les modalités d’évaluation de celui-ci, au-delà duquel le passe sanitaire pourrait être mis en œuvre ;

- les restrictions d’usage du passe sanitaire en interdisant explicitement la possibilité pour les responsables des lieux qui ne sont pas visés par le dispositif de conditionner, de leur propre initiative, l’accès à la présentation des preuves numériques certifiées.

  • Garantir un niveau de protection des données personnelles particulièrement élevé

La CNIL considère que, compte tenu de son caractère sensible et inédit, la loi et le règlement devront préciser :

- les modalités concrètes de ce dispositif : finalités, nature des lieux concernés, personnes autorisées à vérifier les preuves, etc. ; 

- les garanties nécessaires pour éviter tout risque d’atteinte au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles : absence de conservation des données dans le cadre du processus de vérification, absence de possibilité de réutilisation des données à d’autres fins, etc..

Par ailleurs, la CNIL a rappelé l’importance de limiter strictement la divulgation d’informations privées, relatives à la santé des personnes, lors de la vérification des certificats. Elle invite donc le Gouvernement à mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, une solution qui permettrait de limiter l’accès aux personnes autorisées à vérifier les certificats à un résultat (couleur verte ou rouge), en complément de l’identité de leur titulaire, afin de ne pas révéler s’il a été vacciné, a fait un test ou s’est rétabli d’une infection antérieure à la Covid-19.

  • Maîtriser le risque de discrimination et assurer l’inclusion de chacun dans le dispositif

La CNIL met en avant l’importance d’assurer l’inclusion de l’ensemble de la population dans le dispositif afin d’éviter tout risque de discrimination, en raison de l’état de santé mais également en raison de la capacité d’accès et d’usage des outils numériques telle que l’application « TousAntiCovid ».

Elle souligne, à cet égard, la nécessité d’interdire toute discrimination entre les différents types de preuves et précise qu’un tel dispositif, qui doit s’inscrire dans une stratégie sanitaire globale et cohérente, ne peut se justifier qu’en complément d’une politique d’accès aux tests et aux vaccins active et équitable.

Enfin, la CNIL rappelle que ces certificats doivent également être disponibles en version « papier » afin de s’assurer de l’inclusion de chacun dans le dispositif. Elle invite le Gouvernement à réfléchir au format et au contenu des preuves papier certifiées de sorte à ce qu’elles présentent les mêmes garanties que leur version numérique en matière d’accessibilité et de protection des données personnelles.

La CNIL sera vigilante sur les modalités concrètes de mise en œuvre de ce dispositif et s’assurera que les droits et libertés des personnes sont respectés, notamment en faisant usage du pouvoir de contrôle que le législateur lui a confié.

Pour aller plus loin : 

  • v. M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Certificat vert numérique : adoption d'un avis conjoint par le CEPD et le Contrôleur européen de la protection des données sur la proposition de règlement, Lexbase Droit privé, avril 2021, n° 862 (N° Lexbase : N7213BYS) ;
  • v. M.-L. Hardouin-Ayrinhac, « TousAntiCovid-Carnet » : quelles sont les garanties à respecter ?, Lexbase Droit privé, avril 2021, n° 863 (N° Lexbase : N7294BYS) ;
  • v. ÉTUDE : L'application « TousAntiCovid » (anciennement « StopCovid »)in Recueil Covid-19, Lexbase (N° Lexbase : E69653MW).

 

newsid:477504

Entreprises en difficulté

[Brèves] Clôture pour insuffisance d’actif : quid du recours entre cofidéjusseurs ?

Réf. : Cass. com., 5 mai 2021, n° 20-14.672, F-P (N° Lexbase : A32864R7)

Lecture: 3 min

N7478BYM

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par Vincent Téchené

Le 14 Mai 2021

► L'article L. 643-11, II, du Code de commerce (N° Lexbase : L2445LHZ), qui autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, s'ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d'exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l'article 2310 du Code civil (N° Lexbase : L1209HIM), à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal.

Faits et procédure. Une banque a consenti des prêts à une SCI, pour lesquels deux personnes se sont rendues cautions, ainsi que la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC). La liquidation judiciaire qui avait été prononcée à l'égard d’une société a été étendue à l’une des cautions puis à la SCI. Après l'admission au passif de la liquidation des créances de la banque, la société CEGC a réglé à cette dernière la totalité des sommes garanties. Après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire étendue, la société CEGC a déposé une requête auprès du président du tribunal de la procédure pour obtenir, en application de l'article L. 643-11, II, du Code de commerce, un titre exécutoire contre la caution à laquelle la liquidation avait été étendue. Sa demande ayant été déclarée irrecevable (CA Angers, 28 janvier 2020, n° 18/00214 N° Lexbase : A34963DT), la société CEGC a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. La société CEGC soutenait alors que, « indépendamment de la confusion des patrimoines, le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur au sens de l'article L. 643-11, II, du Code de commerce, soit dans le cadre d'une poursuite engagée au terme d'une procédure de liquidation judiciaire, inclut la caution du débiteur principal ». Ainsi, selon la demanderesse au pourvoi « au cas présent, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de paiement […] aux motifs qu'à défaut de démontrer la confusion des patrimoines de la SCI et de la caution, cette dernière ne pouvait être considérée comme le débiteur au sens de l'article L. 643-11 du Code de commerce ». Ainsi, en ayant exclu cette qualification, en dépit du caractère accessoire du cautionnement dont il résulte une unicité de la dette, la cour d'appel aurait violé les articles L. 643-11 et R. 643-20 (N° Lexbase : L9418ICS) du Code de commerce et l'article 2306 du Code civil (N° Lexbase : L1204HIG).

Décision. Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette le pourvoi, le patrimoine de la caution poursuivie n’étant pas, en l’espèce, confondu avec celui du débiteur principal.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les cautions, garants et coobligés, La poursuite des cautions, garants et coobligés et la clôture de procédure, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3794EXS).

 

newsid:477478

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Pensions alimentaires : les dispositions sur l’impossibilité de déduire la pension versée à un descendant mineur pris en compte dans la détermination du quotient familial du débiteur sont conformes à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-907 QPC, du 14 mai 2021 (N° Lexbase : A69844R4)

Lecture: 4 min

N7510BYS

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par Marie-Claire Sgarra

Le 26 Mai 2021

Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du II de l’article 156 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7514LXL) sont conformes à la Constitution.

Pour rappel, le Conseil d’État a transmis une QPC sur ces dispositions le 24 février 2021 (CE 9° et 10° ch.-r., 24 février 2021, n° 447219, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A22504I8).

🔎 Que prévoient ces dispositions ?

Le 2° du II de l'article 156 du Code général des impôts prévoit que les contribuables ne peuvent déduire les pensions alimentaires versées au profit de leurs descendants mineurs lorsque ces derniers sont pris en compte pour la détermination de leur quotient familial.

👉 Il existe donc une règle de non-cumul entre la majoration du quotient familial et la déduction d’une pension alimentaire.

Saisi d’une QPC portant sur cette exclusion, le Conseil d’État avait jugé que cette question présentait un caractère sérieux.

Pour plus de précisions : v. M.-C. Sgarra, Fiscalité des pensions alimentaires versées en cas de résidence alternée : le Conseil constitutionnel est saisi, Lexbase Fiscal, mars 2021, n° 856 (N° Lexbase : N6607BYD).

📌Solution du Conseil constitutionnel

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques :

✔ L'attribution d'une majoration de quotient familial au titre d'un enfant atténue la progressivité de l'impôt sur le revenu d'un contribuable en fonction de sa situation et de ses charges de famille. D'autre part, la déduction d'une pension alimentaire versée à un enfant mineur prend en compte, dans la détermination du revenu imposable, les sommes versées par un parent pour la contribution à l'entretien et l'éducation d'un enfant.

Dès lors, en refusant la déduction d'une pension lorsque le parent débiteur bénéficie déjà d'une majoration de quotient familial au titre du même enfant, le législateur a entendu éviter un cumul d'avantages fiscaux ayant le même objet.

✔ En second lieu, si le parent qui a la charge partagée d'un enfant en résidence alternée ne peut pas, le cas échéant, déduire de ses revenus la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent, il bénéficie, en tout état de cause, de la moitié de la majoration de quotient familial.

👉 Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi :

✔ En premier lieu, le législateur a entendu prendre en compte fiscalement la contribution d'un parent à l'entretien et l'éducation d'un enfant soit par la déduction de ses revenus de la pension qu'il verse à l'autre parent lorsque l'enfant a sa résidence principale chez ce dernier, soit par une majoration de son quotient familial quand il s'acquitte directement des dépenses nécessaires à l'entretien et à l'éducation de l'enfant qu'il accueille à son domicile de manière principale ou qu'il s'en acquitte directement pour moitié avec l'autre parent lorsqu'il accueille l'enfant de manière alternée.

Or, le parent dont l'enfant réside principalement ou de manière alternée à son domicile contribue de manière différente à l'entretien et l'éducation de l'enfant que le parent dont l'enfant réside de manière principale chez l'autre parent et à qui il verse une pension alimentaire qu'il peut déduire de son revenu.

👉 Dès lors, en attribuant une majoration de quotient familial au parent ayant son enfant en résidence principale ou alternée sans lui permettre, le cas échéant, de déduire la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent, le législateur a établi une différence de traitement fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.

✔ En deuxième lieu, les dispositions contestées ne créent, s'agissant de la prise en compte fiscale de la contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant, aucune différence de traitement entre un parent dont l'enfant réside principalement à son domicile et un parent dont l'enfant y réside de manière alternée dès lors que ni l'un ni l'autre ne peut déduire la pension alimentaire que, le cas échéant, il verse à l'autre parent.

👉 Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi.

Cf. le BOFiP annoté (N° Lexbase : X8823AMQ).

 

 

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique : transposition d’une partie de la Directive

Réf. : Ordonnance n° 2021-580, du 12 mai 2021, portant transposition du 6 de l'article 2 et des articles 17 à 23 de la Directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les Directives 96/9/CE et 2001/29/CE (N° Lexbase : L4550L4B)

Lecture: 6 min

N7507BYP

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par Vincent Téchené

Le 19 Mai 2021

► Conformément à l’article 34 de la loi « DDADUE » (loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 N° Lexbase : L8685LYC), une ordonnance, publiée au Journal officiel du 14 mai 2021, transpose les articles 2, § 6, et 17 à 23 de la Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019, sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les Directives 96/9/CE et 2001/29/CE pour la rémunération des créateurs (N° Lexbase : L3222LQE).

Pour rappel, l'article 15 de cette Directive a d'ores et déjà été transposé dans le cadre de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 (N° Lexbase : L3023LRE ; lire V. Téchené, Lexbase Affaires, septembre 2020, n° 604 N° Lexbase : N0322BYL), qui a ainsi créé un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Les articles 1er à 3 de l’ordonnance transposent respectivement les dispositions relatives au droit d'auteur et aux droits voisins des articles 2, § 6, et 17 de cette Directive. Les articles 4 à 12 contiennent des dispositions transposant les articles 18 à 23 de la même Directive.

L’article 1er crée, d’abord, dans le Code de la propriété intellectuelle (CPI) un article L. 137-1 (N° Lexbase : L4713L4C) qui définit le champ des services concernés par la transposition de l'article 17 de la Directive, c’est-à-dire les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne. Il est également prévu qu'en donnant accès aux œuvres téléversées par ses utilisateurs, un fournisseur de service de partage de contenus en ligne effectue des actes de représentation pour lesquels il doit obtenir une autorisation des titulaires de droits. Ainsi, tout en retenant le principe de la responsabilité du fournisseur de service de partage de contenus en ligne pour contrefaçon en cas d'actes d'exploitation non autorisés, le III du nouvel article L. 137-2 (N° Lexbase : L4714L4D) prend en compte ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation des titulaires de droits, ainsi que pour lutter contre la présence de contenus protégés non autorisés.

Il est aussi prévu que les autorisations accordées par les titulaires de droits aux fournisseurs de services de partage en ligne de contenus pour leurs actes d'exploitation sont réputées couvrir également, dans les conditions fixées par cet article, les actes de représentation des utilisateurs.

L'article L. 137-3 du CPI (N° Lexbase : L4715L4E) prévoit des obligations de transparence à la charge des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne.

Le nouvel article L. 137-4 du CPI (N° Lexbase : L4716L4G) comporte un ensemble de dispositions dans l'intérêt des utilisateurs.

L’article 2 de l’ordonnance reprend au sein du titre unique du livre II de la première partie du CPI, les dispositions mentionnées ci-dessus en les rendant applicables aux droits voisins.

L'article 3 de l'ordonnance confie à la HADOPI le soin de formuler des recommandations sur le niveau d'efficacité des mesures que doivent mettre en place les plateformes de partage de contenus visées à l'article 17 de la Directive et aux articles 1er et 2 de l'ordonnance, sous peine d'engagement de leur responsabilité au titre de la contrefaçon. Elle est par ailleurs chargée d'encourager la collaboration entre titulaires de droits et fournisseurs de services de partage de contenus en ligne en vue d'assurer la disponibilité sur le service des contenus téléversés qui ne portent pas atteinte au droit d'auteur ou aux droits voisins.

L'article 4 de l’ordonnance transpose, pour les auteurs, l'article 20 de la Directive du 17 avril 2019 qui prévoit un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue au contrat, si la rémunération initialement convenue se révèle exagérément faible par rapport à l'ensemble des revenus ultérieurement tirés de l'œuvre.

Les articles 5, 7 et 11 transposent, pour les auteurs, les articles 19, 22 et 23 de la Directive du 17 avril 2019 :

  • obligation de transparence et création, à cet effet, des obligations de reddition des comptes à la charge de tout bénéficiaire d'un contrat d'exploitation par lequel un auteur ou un artiste interprète a cédé tout ou partie de ses droits ;
  • consécration pour tout auteur d’un droit de résiliation de plein droit de tout ou partie du contrat par lequel il a octroyé à un exploitant une cession ou une licence d'exploitation de ses droits à titre exclusif en cas d'absence totale d'exploitation de son œuvre ;
  • consécration du principe selon lequel les contrats ne peuvent déroger aux dispositions relatives aux principes de transparence, de réajustement de la rémunération et d'accès à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges.

Les articles 8 et 9 de l'ordonnance viennent conforter la mise en œuvre du droit à rémunération proportionnelle dans le secteur audiovisuel.

L'article 9 précise qu'en l'absence d'accord collectif relatif à la rémunération des auteurs pour chaque mode d'exploitation des œuvres audiovisuelles dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le pouvoir règlementaire peut fixer tout ou partie des conditions et des modalités de cette rémunération jusqu'à ce qu'un accord entre en vigueur sur les points en question.

L'article 11 de l’ordonnance transpose, pour les artistes-interprètes, l'article 18 de la Directive qui consacre le principe d'une rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes.

L'article 12 transpose, enfin, pour les artistes-interprètes, les articles 19, 20, 22 et 23 de la Directive, à savoir les dispositions relatives à l'obligation de transparence, le mécanisme de réajustement du contrat, le droit de révocation et le caractère d'ordre public de certaines dispositions.

Entrée en vigueur. Il est précisé que les dispositions des articles 1er à 3 de l’ordonnance sont applicables à compter du 7 juin 2021 aux œuvres et objets faisant l'objet d'une protection au titre du droit d'auteur ou des droits voisins à la date du 14 mai 2021, y compris ceux téléversés antérieurement à cette date. Enfin, l’ordonnance repousse au 7 juin 2022, l’entrée en vigueur des dispositions de l'article 5 de l’ordonnance relatives à l'article L. 131-5-1 du CPI (N° Lexbase : L4705L4Z) – possibilité de résiliation de plein droit du contrat par l’artiste en cas de non-exploitation –, et de l'article 12 relatives à l'article L. 212-3-1 du même code (N° Lexbase : L4733L43) – reddition des comptes.

À noter. L’ordonnance sera complétée par l’adoption de deux autres ordonnances transposant les dernières dispositions de la Directive n° 2019/790, ainsi que celles de la Directive n° 2019/789 du 17 avril 2019, établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio (N° Lexbase : L3221LQD), dite « câble-satellite ».

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Régimes matrimoniaux

[Brèves] Prêt souscrit par un époux pour l’acquisition d’un immeuble commun : responsabilité du notaire omettant de solliciter le consentement du conjoint, privant le prêteur du privilège de prêteur de deniers

Réf. : Cass. civ. 1, 5 mai 2021, n° 19-15.072, FS-P (N° Lexbase : A96834QP)

Lecture: 3 min

N7509BYR

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 14 Mai 2021

► Si l'acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de la communauté n'est pas inefficace, la mise en œuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement de son conjoint à l'emprunt ;

Engage dès lors sa responsabilité, le notaire qui, sachant que les époux étaient communs en biens et que l'achat était fait pour la communauté, a omis de solliciter le consentement de l’époux, privant le prêteur de la possibilité d’engager une procédure de saisie immobilière sur le bien commun.

Faits et procédure. En l’espèce, une épouse avait acquis un bien immobilier, pour le compte de la communauté, financé par un prêt de 600 000 euros et garanti à hauteur de 500 000 euros par un privilège de prêteur de deniers inscrit le 25 octobre 2013.

En l'absence de remboursement de la somme prêtée, le prêteur avait, le 7 avril 2015, délivré à l’épouse un commandement de payer valant saisie immobilière de ce bien, lequel avait été annulé, avec les actes subséquents, par un arrêt du 27 mai 2016 devenu irrévocable, au motif que le conjoint n'avait pas donné son consentement à l'emprunt contracté.

Le prêteur a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation. Il obtient gain de cause devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 19 février 2019, n° 17/05715 N° Lexbase : A4354YXK) ; le notaire s’est alors pourvu en cassation. En vain. La Cour de cassation valide la solution retenue par les juges d’appel.

Décision Cour de cassation. La Haute juridiction rappelle, en effet, d’abord, qu’aux termes de l'article 2374, 2°, du Code civil (N° Lexbase : L2351LYQ), les créanciers privilégiés sur les immeubles sont, même en l'absence de subrogation, ceux qui ont fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, pourvu qu'il soit authentiquement constaté, par l'acte d'emprunt, que la somme était destinée à cet emploi et, par quittance du vendeur, que ce paiement a été fait des deniers empruntés.

Ensuite, qu’aux termes de l'article 1413 du Code civil (N° Lexbase : L1544ABS), le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu'il n'y ait eu fraude de l'époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s'il y a lieu. Par exception, l'article 1415 (N° Lexbase : L1546ABU) du même code prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.

C’est après le rappel de ces principes que la Haute juridiction valide le raisonnement des juges d’appel ayant retenu que, si l'acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de la communauté n'est pas inefficace, la mise en œuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement de son conjoint à l'emprunt ; la cour d’appel avait alors justement retenu que, à défaut d’un tel accord, le prêteur ne pouvait engager une procédure de saisie immobilière sur le bien commun.

La Cour suprême en déduit qu'en omettant de solliciter le consentement de l’époux, alors qu’il savait que les époux étaient communs en biens et que l'achat était fait pour la communauté, le notaire avait manqué à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte auquel il avait prêté son concours.

newsid:477509

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Une activité consistant en la vente de plats et de repas prêts à être consommés relève-t-elle de la catégorie des « services de restaurant et de restauration » auxquels peut être appliqué un taux réduit de TVA ?

Réf. : CJUE, 22 avril 2021, aff. C-703/19, J.K. (N° Lexbase : A32414Q4)

Lecture: 6 min

N7403BYT

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par Marie-Claire Sgarra

Le 14 Mai 2021

Relève de la notion de « services de restaurant et de restauration » la fourniture d’aliments accompagnée de services connexes suffisants, destinés à permettre la consommation immédiate de ces aliments par le client final, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ;

Lorsque le client final choisit de ne pas bénéficier des moyens matériels et humains mis à sa disposition par l’assujetti pour accompagner la consommation des aliments fournis, il y a lieu de considérer qu’aucun service connexe n’accompagne la fourniture de ces aliments.

Les faits :

  • le requérant au principal est le franchisé d’une chaîne d’établissements de restauration rapide ; il exerce une activité de vente de repas et de plats préparés, préparés sur place ;
  • dans le cadre de son activité économique, le requérant applique différentes méthodes de vente (produits vendus à l’intérieur du restaurant, à partir des comptoirs extérieurs de ce dernier, à l’intérieur de centres commerciaux dans des zones désignées pour la restauration) ;
  • l'autorité fiscale a procédé à un contrôle des déclarations de TVA du requérant ;
  • à l’issue de ce contrôle, considérant que toutes les activités du requérant au principal devaient être qualifiées de « services de restauration », soumis au taux de TVA de 8 %, et non, comme ces activités avaient été déclarées, de « livraisons de plats préparés », auxquelles s’applique le taux de TVA de 5 %, l’autorité fiscale a rectifié le montant de la TVA due par le requérant ;
  • le tribunal administratif a rejeté le recours introduit par le requérant ;
  • la Cour suprême administrative a décidé de surseoir à statuer.

🖊️ Question préjudicielle : la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’activité d’un assujetti, consistant en la vente, selon diverses modalités, de plats et de repas prêts à être consommés, relève de la catégorie des « services de restaurant et de restauration » auxquels peut être appliqué un taux réduit de TVA.

🔎 Principes.

✔ Un même taux de TVA, à savoir le taux normal fixé par chaque État membre, est en principe applicable aux livraisons de biens et aux prestations de services. Par dérogation à ce principe, il existe la possibilité d’appliquer des taux réduits de TVA.

✔ Il appartient aux États membres, sous réserve de respecter le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA, de déterminer plus précisément parmi les livraisons de biens et les prestations de services incluses dans les catégories de l’annexe III de la Directive TVA (N° Lexbase : L7664HTZ) celles auxquelles le taux réduit s’applique (CJUE, 9 novembre 2019, aff. C-499/16, AZ N° Lexbase : A0035WYX).

Par ailleurs, la Directive TVA ne fait pas obstacle à ce que des livraisons de biens ou des prestations de services faisant partie de la même catégorie de l’annexe III de cette Directive soient soumis à deux taux réduits de TVA différents.

👉 Lorsqu’ils font le choix d’appliquer un ou deux taux réduits de TVA à l’une des 24 catégories de livraisons de biens ou de prestations de services figurant à l’annexe III de la Directive TVA ou, le cas échéant, d’en limiter l’application de manière sélective à une partie des livraisons de biens ou prestations de services de chacune de ces catégories, les États membres doivent respecter le principe de neutralité fiscale.

👉 Ce principe s’oppose à ce que, du point de vue de la TVA, des livraisons de biens ou des prestations de services semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités de manière différente.

✔ Dans le cas d’une opération complexe, constituée d’une série d’éléments et d’actes étroitement liés qui forment objectivement une seule opération économique indissociable, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer si cette opération doit être qualifiée de livraison de biens ou de prestation de services, toutes les circonstances dans lesquelles ladite opération se déroule pour en rechercher les éléments caractéristiques et prédominants.

✔ En particulier, l’opération de restauration est caractérisée par un faisceau d’éléments et d’actes, dont la livraison de nourriture n’est qu’une composante, au sein duquel les services sont largement prédominants et que cette opération doit, par conséquent, être considérée comme étant une « prestation de services ». Lorsque la fourniture d’aliments n’est accompagnée que de la mise à disposition d’installations rudimentaires, à savoir de simples comptoirs de consommation, sans aucune possibilité de s’asseoir, ne permettant qu’à un nombre limité de clients de consommer sur place et en plein air, ce qui ne suppose qu’une intervention humaine négligeable, ces éléments ne constituent que des prestations accessoires minimes qui ne sont pas de nature à modifier le caractère prédominant de la prestation principale, à savoir celui d’une livraison de biens.

Si la préparation du produit final chaud se limite, pour l’essentiel, à des actions sommaires et standardisées, qui, la plupart du temps, ont lieu non pas sur commande d’un client particulier, mais de manière constante ou régulière en fonction de la demande prévisible en général, elle ne constitue pas l’élément prépondérant de l’opération concernée et ne saurait, à elle seule, conférer le caractère de prestation de services à cette opération.

✔ Dans le cas des prestations complexes, l’élément prédominant d’une opération doit être déterminé en se fondant sur le point de vue du consommateur. Or, lorsque ce dernier choisit de ne pas bénéficier des moyens matériels et humains mis à sa disposition par l’assujetti, ces moyens ne sont pas déterminants pour ce consommateur. Partant, dans ce cas de figure, il y a lieu de considérer qu’aucun service connexe n’accompagne la fourniture d’aliments ou de boissons et que l’opération concernée doit être qualifiée de livraison de biens.

Solution de la CJUE.

« Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 98, paragraphe 2, de la Directive TVA, lu en combinaison avec l’annexe III, point 12 bis, de cette Directive et l’article 6 du Règlement d’exécution n° 282/2011 (N° Lexbase : L8640IPP), doit être interprété en ce sens que relève de la notion de "services de restaurant et de restauration" la fourniture d’aliments accompagnée de services connexes suffisants, destinés à permettre la consommation immédiate de ces aliments par le client final, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Lorsque le client final choisit de ne pas bénéficier des moyens matériels et humains mis à sa disposition par l’assujetti pour accompagner la consommation des aliments fournis, il y a lieu de considérer qu’aucun service connexe n’accompagne la fourniture de ces aliments ».

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