Le Quotidien du 22 février 2021

Le Quotidien

Aides d'Etat

[Brèves] Soutien aux compagnies aériennes : conformité au droit de l’UE du moratoire sur le paiement de taxes

Réf. : Trib. UE, 17 février 2021, aff. T-259/20 (N° Lexbase : A18544H7)

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N6506BYM

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par Vincent Téchené

Le 24 Février 2021

► Le moratoire sur le paiement de taxes mis en place par la France pour soutenir les compagnies aériennes, titulaires d’une licence française, dans le cadre de la pandémie de covid-19 est conforme au droit de l’Union ; 

Ce régime d’aide est approprié pour remédier aux dommages économiques provoqués par la pandémie de covid-19 et ne constitue pas une discrimination.

Faits et procédure. En mars 2020, la France a notifié à la Commission européenne une mesure d’aide sous la forme d’un moratoire sur le paiement de la taxe d’aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dues sur une base mensuelle pendant la période allant de mars à décembre 2020.
Ce moratoire, qui bénéficie aux compagnies aériennes titulaires d’une licence française, consiste à reporter le paiement de ces taxes au 1er janvier 2021 et à répartir ensuite les paiements sur une période de 24 mois, à savoir jusqu’au 31 décembre 2022. Le montant exact des taxes est déterminé en fonction du nombre de passagers transportés et du nombre de vols effectués depuis un aéroport français. Par sa décision du 31 mars 2020, la Commission a qualifié le moratoire sur le paiement des taxes d’aide d’État compatible avec le marché intérieur.

La compagnie aérienne Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision.

Décision inédite. Le Tribunal examine, pour la première fois, la légalité d’un régime d’aide d’État adopté en vue d’apporter une réponse aux conséquences de la pandémie de covid-19 au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), du TFUE (N° Lexbase : L2404IPQ). Le Tribunal précise, en outre, l’articulation entre les règles relatives aux aides d’État et le principe de non-discrimination, en raison de la nationalité, consacré à l’article 18, paragraphe 1, du TFUE (N° Lexbase : L2484IPP), d’une part, ainsi que le principe de libre prestation des services, d’autre part.

Appréciation du Tribunal. Le Tribunal confirme, d’une part, que la pandémie de covid-19 et les mesures de restriction de transport et de confinement adoptées par la France en vue d’apporter une réponse à celle-ci constituent, dans leur ensemble, un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), du TFUE qui a causé des dommages économiques aux compagnies aériennes opérant en France. Selon le Tribunal, il n’est pas non plus contestable que l’objectif du moratoire sur le paiement des taxes est effectivement celui de remédier auxdits dommages.

Il constate, d’autre part, que la limitation du moratoire sur le paiement des taxes aux compagnies aériennes en possession d’une licence française est appropriée pour atteindre l’objectif de remédier aux dommages causés par ledit événement extraordinaire. À cet égard, le Tribunal souligne qu’en vertu du Règlement n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 (N° Lexbase : L7127IBL), la possession d’une licence française se traduit, dans les faits, par la présence du principal établissement des compagnies aériennes sur le territoire français et par leur assujettissement à la surveillance financière et d’honorabilité des autorités françaises.

S’agissant du caractère proportionné du moratoire sur le paiement des taxes, le Tribunal souligne, en outre, que les compagnies aériennes éligibles au régime d’aide sont les plus durement touchées par les mesures de restriction de transport et de confinement adoptées par la France. L’extension dudit moratoire à des compagnies non établies en France n’aurait, en revanche, pas permis d’atteindre aussi précisément et sans risque de surcompensation l’objectif de remédier aux dommages économiques subis par les compagnies aériennes opérant en France. Au regard de ces constatations, le Tribunal confirme que l’objectif du moratoire sur le paiement des taxes satisfait aux exigences de la dérogation prévue par l’article 107, paragraphe 2, sous b), du TFUE et que les modalités d’octroi de cette aide ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Ainsi, ledit régime ne constitue pas non plus une discrimination interdite au titre de l’article 18, 1er alinéa, du TFUE.

En deuxième lieu, le Tribunal examine la décision de la Commission au regard de la libre prestation des services énoncée à l’article 56 du TFUE (N° Lexbase : L2705IPU). À cet égard, le Tribunal rappelle que cette liberté fondamentale ne s’applique pas telle quelle au domaine des transports, qui est soumis à un régime juridique particulier, dont relève le Règlement n° 1008/2008. Or, ce Règlement a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services. Cependant, Ryanair n’avait allégué aucune violation dudit Règlement.

En troisième lieu, le Tribunal rejette le moyen selon lequel la Commission aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la valeur de l’avantage attribué aux compagnies aériennes bénéficiant du moratoire sur le paiement des taxes. Il rejette, enfin, comme non-fondé le moyen tiré d’une prétendue violation de l’obligation de motivation et constate qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation des droits procéduraux dérivés de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE.

Autre décision (Suède). Dans une autre décision du 17 février 2021, le Tribunal juge identiquement que le régime de garanties de prêts mis en place par la Suède pour soutenir les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation suédoise dans le cadre de la pandémie de covid-19 et destiné à remédier à la perturbation grave de l’économie de cet État membre est conforme au droit de l’Union (Trib. UE, 17 février 2021, aff. T-238/20 N° Lexbase : A18534H4).

 

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Baux d'habitation

[Brèves] Location de meublé touristique sur une courte durée : validation du dispositif de changement d'usage

Réf. : Cass. civ. 3, 18 février 2020, n° 17-26.156, FP-PR (N° Lexbase : A33354HY), n° 19-13.191 (N° Lexbase : A33364HZ) et n° 19-11.462 (N° Lexbase : A33374H3), FP-P

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N6505BYL

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 24 Février 2021

► Les articles L. 631-7, alinéa 6 (N° Lexbase : L0141LNK), et L. 631-7-1 (N° Lexbase : L2375IBL) du Code de la construction et de l’habitation sont conformes à la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (N° Lexbase : L8989HT4) ;

La location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage qui est soumis à autorisation administrative préalable ;

Le règlement municipal de la Ville de Paris qui prévoit une obligation de compensation est conforme au principe de proportionnalité ; 

► Un formulaire H2 rempli postérieurement au 1er janvier 1970 ne permet pas nécessairement d’établir l’usage d’habitation du bien à cette date.

Faits. Dans les trois arrêts, le propriétaire d’un bien immobilier situé à Paris a été assigné par la Ville de Paris en paiement d’une amende pour l’avoir loué « de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile », sans avoir sollicité l’autorisation de changement d’usage prévue par l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

Procédure. Dans le premier arrêt (n° 17-26.156), condamnée par le juge des référés, puis par la cour d’appel, au paiement d’une amende, elle a, à l’occasion de son pourvoi en cassation, soulevé la non-conformité des articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation aux articles 9 et 10 de la Directive 2006/123/CE (dite « Directive services ») du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

Par un arrêt du 15 novembre 2018 (Cass. civ. 3, 15 novembre 2018, n° 17-26.156, FP-P+B+I N° Lexbase : A1712YLY), la Cour de cassation a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et sursis à statuer dans l’attente de la décision de cette juridiction.

Dans le deuxième arrêt (n° 19-13.191), la demande de la Ville de Paris a été rejetée en première instance et en appel au motif qu’aucun changement d’usage n’était en l’espèce caractérisé, la notion de « courte durée » visée à l’article L. 631-7, dernier alinéa, ne recouvrant pas toute location durée inférieure à un an ou à neuf mois, comme le soutenait la Ville de Paris.

Par un arrêt du 28 mai 2020, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi formé par la Ville de Paris, jusqu’au prononcé de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans les affaires C-724/18 (CJUE, 22 septembre 2020, aff. C-724/18, Cali Apartments SCI N° Lexbase : A43833UU).

Dans le troisième arrêt (n° 19-11.462), la demande a été accueillie en première instance et en appel. Le pourvoi posait notamment la question de la preuve de l’usage d’habitation de ce local au sens de ce texte et plus précisément de la portée qu’il convenait de donner à la déclaration « H2 » remplie par les propriétaires de propriétés bâties à l’occasion de la révision foncière de 1970.

Par un arrêt du 6 février 2020, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi formé par la Ville de Paris, jusqu’au prononcé de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans les affaires C-724/18 et C-727/18.

Dans les trois arrêts, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que, par un arrêt du 22 septembre 2020 (C-724/18 et C-727/18), la CJUE s’est prononcée sur les questions posées.

Questions posées à la Cour de cassation. Les questions posées à la Cour de cassation sont les suivantes :

  • dans le premier arrêt (n° 17-26.156) : les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation sont-ils conformes aux articles 9 et 10 de la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ?
  • dans le deuxième arrêt (n° 19-13.191) : le fait pour un bailleur de donner en location, à deux reprises au cours de la même année, un appartement meublé à usage d’habitation, pour des durées respectives de quatre et six mois, à deux sociétés pour y loger la même personne en qualité de salarié, caractérise-t-il un changement d’usage au sens de l’article L. 631-7, alinéa 6, du Code de la construction et de l’habitation ?
  • dans le troisième arrêt (n° 19-11.462) : le formulaire de l’administration fiscale intitulé « H2 » rempli par le propriétaire d’un local postérieurement au 1er janvier 1970 est-il de nature à établir la preuve de l’usage d’habitation du bien à cette date ?

Réponses de la Cour de cassation. Dans les deux premiers arrêts (n° 17-26.156 et 19-13.191), la Cour de cassation a tout d’abord jugé que les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation sont conformes à la Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Dans le premier arrêt (n° 17-26.156), sur la conformité à l’article 9 de la Directive, l’interprétation de la Directive par la CJUE s’imposant à elle, la Cour de cassation, reprenant les motifs de la juridiction européenne, a jugé que l’article L. 631-7, alinéa 6, qui soumet à autorisation préalable le fait, dans certaines communes, de « louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile », est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et est proportionné à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante (telle que, par exemple, la limitation des nuitées disponibles à la location ou bien encore la mise en place d’une imposition spécifique destinée à rendre moins attrayante économiquement ce type de contrats), notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

Sur la conformité à l’article 10 de la Directive, alors que, sur ce point, la CJUE a laissé à la Cour de cassation le soin de se prononcer après lui avoir toutefois donné quelques « indications de nature à lui permettre de statuer », celle-ci a jugé :

  • d’une part, que l’article L. 631-7, alinéa 6, précité répond aux exigences d’objectivité et de non-ambiguïté prévues par l’article 10 précité, dès lors que, hormis les cas d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018 (N° Lexbase : L8700LM8), d’un bail mobilité d’une durée de un à dix mois et de la location du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, « le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH), constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation. »
    À cet égard, la question centrale portait sur la notion de « courtes durées  », figurant dans l’article L. 631-7, alinéa 6, et considérée comme trop imprécise par la société demanderesse au pourvoi : se référant à la réglementation nationale et en particulier à l’article L. 632-1 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L0189LNC) auquel l’article L. 631-7 renvoie, la Cour de cassation a estimé qu’une location de courte durée devait s’entendre de toute location « inférieure à un an ». Elle en a déduit que ce texte est suffisamment précis, en ce qu’il concerne la location à plus d’une reprise au cours d’une même année d’un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989.
  • d’autre part, que l’article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation (qui confie au maire de la commune de situation de l’immeuble la faculté de délivrer l’autorisation préalable de changement d’usage et attribue au conseil municipal le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées des compensations éventuelles, au regard des objectifs de mixité sociale en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements) prévoit des critères qui sont justifiés par une raison d’intérêt général, qui satisfont aux exigences de clarté, de non-ambiguïté, d’objectivité, de publicité, de transparence et d’accessibilité de la Directive et qui, tels que mis en œuvre par la Ville de Paris dont le règlement municipal prévoit une obligation de compensation, sont conformes au principe de proportionnalité. Autrement dit, le règlement municipal de la Ville de Paris qui prévoit une obligation de compensation est conforme au principe de proportionnalité.

Dans le deuxième arrêt (n° 19-13.191), s’agissant du champ d’application de l’article L. 631-7, dernier alinéa, du Code de la construction et de l’habitation, la Cour a retenu, en raisonnant comme dans le premier arrêt, que les deux locations litigieuses, consenties à deux sociétés, sur une période de moins d’un an, pour des durées respectives de quatre et six mois, donc inférieures à un an, constituaient un changement d’usage, au sens du texte précité, soumis à autorisation préalable.

Dans le troisième arrêt (n° 19-11.462), la Cour rappelle que, pour l’application de la réglementation sur le changement d’usage des locaux d’habitation, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 (CCH, art. 631-7, al. 3).

La Ville de Paris produisait, pour établir l’usage d’habitation du local en cause, la déclaration établie selon le modèle « H2 » fourni par l’administration fiscale, qu’il avait été demandé aux redevables de la contribution foncière des propriétés bâties de souscrire en vue de la révision foncière du 1er janvier 1970.

En l’espèce, ce formulaire avait été rempli par le propriétaire du local en 1978.

La cour d’appel a considéré que ce document établissait l’usage d’habitation du local au 1er janvier 1970 au regard des réponses des propriétaires selon lesquelles le bien était loué en meublé.

Mais ces formulaires comportent les renseignements demandés « à la date de leur souscription », à l’exception du montant du loyer qui est celui en vigueur au 1er janvier 1970 (article 40 du décret d’application du 28 novembre 1969).

La Cour de cassation en a déduit que les renseignements portés dans ce formulaire ne pouvaient être considérés comme décrivant l’usage du bien au 1er janvier 1970 sans qu’il soit précisé en quoi les réponses apportées établissaient l’usage d’habitation du local à cette date.

L’arrêt de la cour d’appel a donc été cassé.

Pour aller plus loin : 

  • un commentaire détaillée est à paraître dans la revue Lexbase Droit privé n° 856 du 4 mars 2021.
  • concernant CJUE, 22 septembre 2020, aff. C-724/18, Cali Apartments SCI (N° Lexbase : A43833UU) : v. X. Demeuzoy, Locations meublées touristiques et dispositif(s) d’autorisation de changement d'usage : analyse de la décision de la CJUE et conduite de la Cour de cassation, Lettre juridique, n° 843, 12 novembre 2020 (N° Lexbase : N5242BYS). 

 

newsid:476505

Contrats et obligations

[Brèves] Attention aux « protocoles » de cession de droits sociaux : le temps ne les prive pas d’efficacité

Réf. : Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 19-13.675, F-D (N° Lexbase : A71924CD)

Lecture: 2 min

N6426BYN

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 17 Février 2021

► L’inertie durable des cessionnaires de droits sociaux ne prive pas d’efficacité le « protocole » dans lequel les parties se sont mises d’accord sur la chose et sur le prix, sauf si une stipulation contractuelle prévoit le contraire. 

Faits et procédure. En l’espèce, aux termes d’un protocole, l’un des quatre associés de deux sociétés (une SCI et une SCM) s’était « irrévocablement » engagé à vendre ses part sociales aux trois autres, lesquels s’étaient, quant à eux, « irrévocablement » engagés à acheter les droits sociaux. Le protocole contenait d’une part une condition suspensive, d’autre part le prix de cession et enfin, un délai pour régulariser les cessions. Les années passèrent, mais elles ne firent pas oublier aux trois associés l’engagement de vendre souscrit par le dernier d’entre eux. Aussi assignèrent-ils celui-ci en exécution du protocole. Les juges du fond (CA Versailles, 7 décembre 2018, n° 17/04981 N° Lexbase : A4343YPK) déclarèrent caduc faute, entre autres, pour les acquéreurs de ne pas avoir informé le cédant de la réalisation de la condition suspensive et d’avoir demandé l’exécution du protocole. En somme, l’inertie des cessionnaires prive d’efficacité le protocole.

Solution. La troisième chambre civile casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1583 du Code civil (N° Lexbase : L1669ABG : la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé »), considérant ainsi que le protocole ne saurait être déclaré caduc dès lors que les parties s’étaient mises d’accord sur la chose et sur le prix, que « les conditions suspensives avaient été levées, et alors que les parties n’avaient pas prévu que le terme fixé pour la régularisation des cessions par les acquéreurs serait sanctionné par la caducité du protocole ». La solution ainsi retenue n’est qu’un rappel des règles du Code civil, qui ont vocation à s’appliquer, sauf disposition contraire, en matière de cessions de droits sociaux. Elle invite également les parties à prévoir les effets de l’inertie de l’une d’entre elles qui s’abstiendrait de demander l’exécution de l’engagement.

newsid:476426

Entreprises en difficulté

[Brèves] Contestation des créances fiscales : la nécessité d’une réclamation contentieuses préalable

Réf. : Cass. com., 3 février 2021, n° 19-20.683, F-P (N° Lexbase : A01274GS)

Lecture: 2 min

N6417BYC

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par Vincent Téchené

Le 04 Mars 2021

► Les créances fiscales ne peuvent être contestées, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, que dans les conditions prévues par le Livre des procédures fiscales, de sorte que doivent être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre.

Faits et procédure. À la suite de l’ouverture d’un redressement judiciaire, un comptable public a déclaré des créances au passif de la procédure et a été avisé par le mandataire judiciaire que la créance était discutée et qu'un rejet serait proposé. Le comptable a répondu au mandataire et a maintenu sa demande d'admission.

La créance ayant été admise par la cour d’appel (CA Reims, 28 mai 2019, n° 19/00138 N° Lexbase : A6494ZCI), le mandataire et le débiteur ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. Énonçant la solution précitée et substituant ce motif de pur droit à ceux critiqués, la Cour de cassation rejette le pourvoi, dès lors que le débiteur n'avait pas présenté de réclamation à l'administration fiscale.  

Observations. La Cour de cassation avait déjà énoncé, dans un arrêt du 11 avril 2018, que les créances fiscales ne peuvent être contestées que dans les conditions prévues au Livre des procédures fiscales. Elle en avait alors déduit que ne relève pas de la compétence du juge saisi de la demande d’ouverture d’une procédure collective formée contre un redevable de se prononcer sur l’existence ou le montant des créances fiscales à inclure dans le passif exigible afin d’apprécier la cessation des paiements de ce redevable (Cass. com., 11 avril 2018, n° 16-23.019, F-P+B+I N° Lexbase : A6988XKZ ; P.-M. Le Corre, Lexbase Affaires, mai 2018, n° 554 N° Lexbase : N4184BXA).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La vérification des créances déclarées, La contestation des créances, in Entreprises en difficulté, Lexbase (N° Lexbase : E0388EXN).

 

newsid:476417

Fiscalité internationale

[Brèves] La loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention fiscale France-Luxembourg publiée au JO

Réf. : Loi n° 2021-68, du 27 janvier 2021, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 20 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (N° Lexbase : L9800LZY)

Lecture: 2 min

N6401BYQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 10 Février 2021

La loi n° 2021-68, du 27 janvier 2021, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 20 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, a été publié au Journal officiel du 28 janvier 2021.

Pour rappel, le 10 octobre 2019, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, et le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ont signé à Luxembourg un avenant amendant la nouvelle convention conclue le 20 mars 2018 entre le Luxembourg et la France en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (N° Lexbase : L1333LWB).

Sous l’ancienne convention, les travailleurs frontaliers résidant en France et exerçant leur activité au Luxembourg sont exonérés de l'impôt français en vertu de la convention en vigueur (méthode de l'exonération progressive).

La nouvelle convention, dans sa formulation initiale, aurait conduit à l’imposition de ces revenus professionnels en France, sous réserve de la déduction de l’impôt déjà payé au Luxembourg par l’imputation d’un crédit d’impôt.

L’avenant abandonne la méthode dite du crédit d’impôt réel pour la remplacer par la méthode dite du crédit d’impôt fictif, c’est-à-dire un crédit d'impôt égal à l'impôt français correspondant à ce revenu à condition que les revenus soient effectivement soumis à l’impôt luxembourgeois.

Avec cet avenant la France revient donc à la situation antérieure en réintroduisant la méthode de l’exemption pour éliminer la double imposition des revenus d’occupation salariée notamment.

Les revenus d’activité sont imposés dans l’État où se déroule l’activité.

newsid:476401

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Dispense de régularisation de TVA et transmission d’entreprises : le bénéficiaire du transfert doit avoir pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise transmis

Réf. : CAA Lyon, 4 février 2021, n° 18LY04564 (N° Lexbase : A10104GI)

Lecture: 3 min

N6503BYI

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par Marie-Claire Sgarra

Le 19 Février 2021

En application de la jurisprudence européenne, la dispense de TVA prévue par l'article 257 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L7414IGP) lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens s'applique à tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, dès lors que le bénéficiaire du transfert a pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise ainsi transmis.

Les faits :

⇒ une SA, qui était propriétaire d'un ensemble immobilier composé de bâtiments à usage de supermarchés, d'une station-service et d'un parking, qu'elle a fait construire puis donnés en location à ses deux filiales, en vertu de baux commerciaux distincts, a déduit la TVA ayant grevé les coûts d'acquisition et de construction de cet ensemble immobilier ;

⇒ la SA a cédé l'ensemble immobilier de ses filiales à une société qui a également acquis les deux fonds de commerce ;

⇒ elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur, estimant qu'elle aurait dû procéder, lors de la vente, à la régularisation de la TVA qu'elle avait déduite au titre de l'acquisition et de la construction, a rappelé la TVA d'un montant de 503 582,80 euros correspondant à une fraction de 14/20ème de la TVA déduite initialement ;

⇒ la SA relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de TVA qui lui ont été réclamés à ce titre et des intérêts de retard correspondants.

La société soutient qu'elle devait être dispensée de la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée sur cette opération de vente immobilière par l'effet de l'article 257 bis, qui vise tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, dès lors que ce transfert s'inscrit dans une logique de transmission d'entreprise.

Solution de la cour administrative d’appel.

📌 Sur l’intention de l’acquéreur :

la société, qui est intervenue en tant que marchand de biens immobiliers, n'a pas acquis l'ensemble immobilier et les fonds de commerce en cause dans l'objectif de les exploiter, mais en vue de leur revente, ainsi que cela résulte des clauses des contrats de cession,

- elle a d'ailleurs revendu le jour-même, d'une part l'immeuble en cause, d'autre part les fonds de commerce.

🔎 La dispense de régularisation de TVA prévue par l'article 257 bis du Code général des impôts ne bénéficiant au cédant qu'au seul regard de l'intention de son cessionnaire direct de poursuivre l'exploitation de l'activité cédée, la circonstance que les activités exploitées jusqu'alors auraient été poursuivies par les acquéreurs ultérieurs de la société est sans incidence, alors même que ces cessions ultérieures auraient eu lieu le jour même.

👉 Dès lors, l'opération de cession entre la société requérante et la société ne peut être regardée comme un transfert entrant dans le champ d'application de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 257 bis du Code général des impôts.

 

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