Le Quotidien du 9 février 2021

Le Quotidien

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Passerelle « juriste/avocat » : les huit années d’exercice doivent être postérieures à l’obtention du diplôme de Master 1

Réf. : CA Aix-en-Provence, 26 janvier 2021, n° 19/13559 (N° Lexbase : A64254DC)

Lecture: 3 min

N6302BY3

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par Marie Le Guerroué

Le 03 Février 2021

► Si le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) admet la prise en considération combinée des activités de juriste d'entreprise et de juriste salarié d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoués ou d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour être dispensé de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, c'est à la condition que ces périodes d'activité soient postérieures à l'obtention d’une maîtrise en droit ou de titre ou diplôme reconnu comme équivalent.

Textes. La cour rappelle les dispositions de l’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 dispose que : « Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :
[…] 6° Les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoué ou d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, justifiant de 8 ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l'obtention du titre ou du diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) ». C’est-à-dire « 2° Être titulaire sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la Directive 2005/36/CEE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée ([LXB=L6201HCN), et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise en droit ou de titre ou diplôme reconnu comme équivalent pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la Justice, et du ministre chargé des Universités ».
Argumentation de l'appelante. L’appelante fait valoir qu'elle a débuté son exercice professionnel le 2 décembre 2002, jusqu'au 11 février 2009, soit 6 années pleines, en qualité de juriste-collaborateur au sein du département « Corporate & Litigation » de la société Price Waterhouse Coopers (PWC) et que du 2 février 2012 jusqu'au 23 novembre 2014, soit deux années pleines, elle a occupé les fonctions de responsable juridique au sein du service juridique du groupe EMERA.
Réponse de la cour. Mais la cour relève que l’appelante ayant obtenu son Master en droit en 2017, elle ne justifie pas de la condition de l'article 98-6° relative aux 8 années de pratique postérieure à l'obtention du diplôme exigé. Elle fait sienne l’argumentation de l'Ordre des avocats qui fait valoir que si le décret précité admet la prise en considération combinée des activités de juriste d'entreprise et de juriste salarié d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoués ou d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, c'est à la condition que ces périodes d'activité soient postérieures à l'obtention du diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi de 1971, de sorte que n'ayant obtenu son diplôme qu'en 2017, l’appelante ne peut prétendre au bénéfice du 6° de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991.
Confirmation. La délibération du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Grasse qui a refusé de la dispenser de l'examen du CRFPA est donc confirmé.

Pour aller plus loin : V. ETUDE : Les passerelles d'accès à la profession d'avocat, Les juristes salariés des avocats et des anciens avoués, in La profession d'avocat, Lexbase (N° Lexbase : E33503RI).

 

newsid:476302

Construction

[Brèves] Le principe de réparation intégrale du préjudice par l’assureur DO nécessite d’inclure les frais de souscription d’une police DO pour les travaux de reprise

Réf. : Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 19-16.434, F-D (N° Lexbase : A24974E9)

Lecture: 3 min

N6357BY4

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 08 Février 2021

► L’assureur dommages-ouvrage doit préfinancer le coût des travaux de reprise des désordres de nature décennale ;
► lorsque les travaux de reprise impliquent la souscription d’une assurance dommages-ouvrage et des frais de maîtrise d’œuvre, l’assureur dommages-ouvrage doit les prendre en charge.

Le but du mécanisme dit « à double détente » de l’assurance dommages-ouvrage est d’assurer la rapidité et l’efficacité de la réparation des dommages les plus graves que peuvent subir un maître d’ouvrage après la réception des travaux : ceux qui sont de nature décennale. Les articles L. 243-2 (N° Lexbase : L1826KGQ) et suivants du Code des assurances précisent, en effet, que l’assureur dommages-ouvrage indemnise le maître d’ouvrage du coût de réparation des dommages de nature décennale qu’il subit puis, subrogé dans les droits du maître d’ouvrage, se retourne contre les constructeurs présumés responsables en application des articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et 1792-1 (N° Lexbase : L1921ABR) du Code civil ainsi que leur assureur de responsabilité civile décennale.

Les modalités d’appréciation de ce droit à réparation du préjudice matériel subi par le maître d’ouvrage par l’assureur dommages-ouvrage relèvent du droit commun. Autrement dit, il est fait application du principe de réparation intégrale du préjudice. Il n’est donc pas étonnant que la jurisprudence ait pu y inclure les frais de maîtrise d’œuvre, de contrôle technique ou encore, comme c’est le cas en l’espèce, le coût de l’assurance dommages-ouvrage qui devrait être souscrite pour les travaux de reprise. Ces coûts sont, en effet, considérés comme un dommage direct qui ne peut être dissocié du coût des travaux réparatoires.

Pour reprendre l’expression utilisée par la Cour de cassation, la victime de désordres devant être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’immeuble avait été livré sans vices (Cass. civ. 3, 9 octobre 1991, n° 87-18.226 N° Lexbase : A2061ABX ; Cass. civ. 3, 15 mai 2001, n° 99-18.088 N° Lexbase : A5379ATE).

En l’espèce, l’arrêt d’appel a rejeté la demande d’indemnisation du montant de l’assurance dommages-ouvrage et des frais de mission de maîtrise d’œuvre nécessaires à la réalisation des travaux de reprises des désordres au motif que le maître d’ouvrage n’avait pas souscrit d’assurance pour les travaux d’origine et qu’il n’était pas prouvé que le maître d’œuvre avait été payé. La Haute juridiction censure. Ces motifs sont impropres à exclure ces frais de l’indemnité versée par l’assureur dommages-ouvrage.

La solution est, à cet égard, confirmative d’une décision rendue par cette même chambre le 8 avril 2009 (Cass. civ. 3, 8 avril 2009, n° 07-21.910, FS-P+B N° Lexbase : A4975EGD) aux termes de laquelle la Haute juridiction a considéré que :

« Mais attendu qu’ayant relevé qu’eu égard à la nature des travaux à effectuer les époux X auraient l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage, la cour d’appel a pu retenir que la dépense correspondante n’était pas dissociable du coût des travaux et constituait un dommage direct indemnisable ».

L’application du principe de réparation intégrale du préjudice est fréquemment rappelée en cas de mise en œuvre de la responsabilité décennale des constructeurs (pour exemple, Cass. civ. 3, 29 juillet 2020, n° 19-18.954, F-D N° Lexbase : A11173RS ; Cass. civ. 3, 30 janvier 2020, n° 19-10.038, F-D N° Lexbase : A89733CC) moins pour l’indemnisation de l’assureur dommages-ouvrage, raison pour laquelle cet arrêt mérite un peu de mise en lumière.

newsid:476357

Covid-19

[Brèves] Centres pénitentiaires et vaccination contre la Covid-19 : l’absence d’inscription des détenus dans la première phase de la campagne ne révèle pas de carence grave et manifestement illégale

Réf. : CE référé, 5 février 2021, n° 449081 (N° Lexbase : A95864ER)

Lecture: 5 min

N6399BYN

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par Adélaïde Léon

Le 10 Février 2021

► La décision de ne pas inscrire l’ensemble des personnes détenues dans les centres pénitentiaires parmi les publics prioritaires susceptibles de recevoir une injection dès la première phase de la campagne vaccinale ne révèle pas, compte tenu des priorités retenues pour la vaccination et des caractéristiques de ces personnes, de carence grave et manifestement illégale justifiant que le juge des référés ordonne de compléter l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020 relative à la planification de l’étape 1 du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19 pour y inclure les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.

Rappel des faits. Par une instruction interministérielle du 15 décembre 2020, le ministre des Solidarités et de la Santé et le ministre de l’Intérieur ont planifié le cadre de la première étape du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19. Se fondant sur un avis public de la Haute Autorité de santé du 30 novembre 2020, l’instruction désignait comme personnes prioritaires les individus susceptibles de développer des formes graves de la maladie (personnes âgées résidant dans des établissements et hébergements de longue durée et professionnels de santé exerçant dans ces établissements et présentant eux-mêmes un risque accru de forme grave ou de décès). Dans le courant du mois de janvier, cette priorité a été étendue notamment aux personnes de plus de 75 ans et à celles présentant certaines pathologies.

Par une requête enregistrée le 25 février 2021, l’association Robin des Lois (association de défense des droits des personnes détenues), a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’ordonner au Premier ministre de modifier l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020 afin d’y inclure l’ensemble des personnes détenues dans les centres pénitentiaires.

Motifs de la requête. L’association Robin des lois considérait qu’il existait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la santé et au principe d’égalité en raison de l’absence de prise en compte, dès la première phase de la stratégie vaccinale, de la population carcérale « dont tant l’état sanitaire général que les conditions de détention, caractérisées par un fort risque de propagation du virus, imposent une vaccination urgente ». Justifiant le choix de la procédure de référé, l’association soutenait qu’il existait une nécessité de protéger les personnes détenues dans les meilleurs délais.

Mémoire en défense. Le ministre des Solidarités et de la Santé concluait quant à lui au rejet de la requête en soutenant qu’il n’était porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

Décision. Le Conseil d’État rejette la requête de l’association Robin des Lois.

Le Conseil précise tout d’abord que l’absence de mention des personnes détenues dans l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020 n’a pas conduit à une impossibilité pour ce public de bénéficier d’une vaccination dans le cadre de la première phase de la campagne. La Haute juridiction relève en effet que l’administration a produit une fiche témoignant de l’organisation d’une campagne de vaccination au sein des établissements pénitentiaires, dont la première phase vise en priorité les détenus de plus de 75 ans puis, en cas de doses surnuméraires, d’autres personnes détenues y compris si elles relèvent de phases postérieures de la campagne. Le Conseil en conclut que la situation des détenus a été prise en compte à égalité avec le reste de la population dans le cadre de la campagne vaccinale.

La Haute juridiction soutient ensuite qu’il ne résulte pas de carence grave et manifestement illégale de l’absence d’inscription de l’ensemble des personnes détenues parmi les publics prioritaires susceptibles de recevoir une injection dès la première phase de la campagne vaccinale. Le Conseil rappelle que le critère retenu pour identifier ce public prioritaire est la probabilité de développer des formes graves de la maladie ce qui a conduit à dégager des critères d’âge et d’état de santé. Or, il ne résulte pas de l’instruction que les personnes détenues présentent, dans leur ensemble, un risque particulier de développer des formes graves ou mortelles.

S’agissant des risques particuliers de transmission invoqués par l’association, la Haute juridiction relève qu’il n’existe pas « en l’état actuel des connaissances scientifiques » de certitude sur l’efficacité du vaccin s’agissant de la réduction des risques de transmission de la maladie.

Enfin, le Conseil d’État souligne que des dispositions ont été prises au sein des établissements pénitentiaires (distribution de masques, mesures de confinement, dépistages) pour limiter la propagation du virus et que la situation de l’ensemble des personnes détenues fait l’objet d’une prise en compte particulière. Elles sont, comme les autres personnes vivant en collectivité et prioritairement à la population sans facteur de risque identifié, inscrites dans la quatrième phase de vaccination.

Le Conseil d’État conclut que la situation des détenus justifie une vigilance particulière mais que la décision de ne pas inscrire ces personnes parmi les publics prioritaires de la première phase de vaccination ne révèle pas, compte tenu des priorités retenues et des caractéristiques de ces personnes, de carence grave et manifestement illégale justifiant que le juge des référés ordonne la mesure demandée.

newsid:476399

Distribution

[Brèves] Incompatibilité du statut d’agent commercial avec l’activité de courtage en prêts immobiliers et résiliation du contrat pour faute grave

Réf. : Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-26.497, F-D (N° Lexbase : A16934EG)

Lecture: 3 min

N6316BYL

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par Vincent Téchené

Le 04 Février 2021

► Le courtage en prêts immobiliers étant devenu une activité incompatible avec le statut d'agent commercial, celui qui se maintient dans ce statut fait courir, par son attitude négligente et passive, un risque de sanctions graves à l’égard du mandant constituant une faute grave qui justifie la résiliation du contrat sans indemnité, ni préavis pour l’agent commercial.

Faits et procédure. Une société (la mandante), qui a pour activité le courtage en prêts immobiliers, a conclu le 1er décembre 2010, pour une durée d'un an, tacitement reconductible, un contrat d'agence commerciale avec une mandataire. L'entrée en vigueur en janvier 2013 d'une nouvelle réglementation, d'ordre public, concernant l'activité d'intermédiaire en opération de banque et de service de paiement (IOBSP) a rendu incompatible le statut d'agent commercial. Invoquant le refus de l'agent commercial d'accomplir, en dépit de plusieurs relances, les formalités pour changer de statut au profit de celui de mandataire d'IOBSP, la mandante a résilié le contrat qui les liait pour faute grave.

Contestant l'existence d'une telle faute, l'agent commercial l'a assignée en paiement de diverses indemnités.

Arrêt d’appel. La cour d’appel fait droit à cette demande et condamne la mandante à payer à son agent commercial des indemnités compensatrices de préavis et de résiliation ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale du contrat. Pour accueillir la demande, elle retient qu'aucune des pièces produites par la mandante ne fait référence à la gravité de la faute qu'aurait constituée pour elle un défaut de régularisation du statut dans un bref délai. Par ailleurs, elle ne justifie pas de l'envoi d'une mise en demeure à son agent de justifier d'un changement de statut sous peine de remettre en cause définitivement la poursuite de leurs relations contractuelles compte tenu de la gravité de la situation, avant la lettre de résiliation définitive du contrat. Dès lors, selon les juges du fond, la preuve que la gravité de l'attitude de l’agent commercial, telle qu'elle rendait impossible la poursuite du contrat, n’est pas rapportée.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 134-11 (N° Lexbase : L5659AIG) et L. 134-13 (N° Lexbase : L5661AII) du Code de commerce : « En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le courtage en prêts immobiliers était devenu une activité incompatible avec le statut d'agent commercial et que dans sa lettre de résiliation du contrat pour faute grave, le mandant reprochait à son agent de lui faire courir, par son attitude négligente et passive, un risque de sanctions graves, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Observations. La loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière (N° Lexbase : L2090INQ) a en effet créé un statut d'intermédiaire en opération de banque et de service de paiement (IOBSP) auquel appartiennent les courtiers en prêt. Les professionnels visés disposaient alors d’un délai de trois mois à compter de la date de mise en place du registre spécial créé par le texte. Un arrêt, publié au Journal officiel du 26 décembre 2012 (arrêté du 20 décembre 2012, fixant la date de mise en place du registre unique des intermédiaires mentionné à l'article L. 546-1 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7650IUU), a fixé la date de création du registre au 15 janvier 2013. Les IOBSP avaient donc jusqu’au 15 avril 2013 pour se mettre en conformité avec la législation et, le cas échéant, sortir du statut d’agent commercial.  

newsid:476316

Environnement

[Jurisprudence] De l’obligation pour les communes d’effectuer des travaux de raccordement au réseau d’eau potable

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 26 janvier 2021, n° 431494, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A57544DH)

Lecture: 8 min

N6387BY9

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par Stéphanie Gandet, Avocate associée, spécialiste en droit de l’environnement, Green Law Avocats

Le 10 Février 2021

 


Mots clés : réseau d’eau potable • raccordement • obligation

L’affaire tranchée par le Conseil d’État se prononce de façon nuancée sur l’obligation pour les communes de procéder aux travaux de raccordement au réseau d’eau potable, en rappelant que les communes doivent délimiter, dans le respect du principe d'égalité devant le service public, les zones de desserte dans lesquelles elles sont tenues, tant qu'elles n'en ont pas modifié les délimitations, sous certaines conditions, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement.


 

Les faits étaient les suivants : ayant acheté une nouvelle maison au sein d’une commune rurale, les requérants ont découvert que le pavillon n’était pas raccordé à l’eau potable. Ils ont alors effectué plusieurs demandes auprès du maire. Celles-ci ont abouti à un refus définitif. Les requérants ont saisi la juridiction administrative [1] d’une demande d’annulation de la décision de refus et d’une demande d’injonction pour obliger le maire à réaliser des travaux de raccordement.

Après que le tribunal administratif a fait droit à leurs demandes, la commune a interjeté appel devant la cour administrative d’appel qui a censuré l’analyse du tribunal. Les requérants se sont alors pourvus en cassation devant le Conseil d’État.

Examinant la légalité du refus du maire de réaliser des travaux de raccordement à l’eau potable, le Conseil d’État, dans sa décision du 26 janvier 2021, est venu préciser les conditions de l’obligation de raccordement en présence d’un schéma de distribution d’eau potable (II). Jusqu’ici, ce dernier ne bénéficiait pas encore d’une portée juridique certaine. Par cette décision, le Palais-Royal a alors permis sa valorisation (I).

I. La valorisation de la portée juridique du schéma de distribution d’eau potable

Instituée par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, sur l’eau et les milieux aquatiques (N° Lexbase : L9269HTH) (loi « LEMA »), les schémas de distribution d’eau potable ont pris place au sein du Code général des collectivités territoriales et plus précisément au sein de l’article L. 2224-7-1 (N° Lexbase : L1440LWA). Depuis, les communes sont tenues d’arrêter un tel schéma afin de déterminer les zones desservies par le réseau de distribution d’eau potable.

Toutefois et contrairement à ce qui est prévu en matière de schéma d’assainissement collectif, la loi « LEMA » est muette s’agissant des conséquences de l’adoption d’un schéma de distribution d’eau potable. En effet, s’agissant de l’assainissement, l’article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9222IMI) dispose qu’à l’intérieur du périmètre de la zone d’assainissement collectif déterminée par le schéma d’assainissement collectif, la commune ou l’établissement public de coopération doit assurer la collecte des eaux usées. L’article L. 2224-7-1 ne prévoit quant à lui aucune conséquence à la suite de l’adoption d’un schéma de distribution d’eau potable.

Palliant le silence de la loi, le Conseil d’État a alors précisé la portée juridique assignée à ce schéma de distribution d’eau potable. À cet effet, les juges de Palais-Royal ainsi que le rapporteur public lui-même [2] se sont basés à la fois sur une lecture a contrario des travaux parlementaires de la loi sur l’eau de 2006 et sur l’appréciation de cette loi par les acteurs eux-mêmes.

S’agissant d’une part des travaux parlementaires, le rapporteur public rappelle que l’exposé des motifs de la loi de 2006 indique que « l’introduction de la notion de schéma de distribution d’eau permet de tenir compte de l’existence éventuelle de zones non desservies par la commune, afin de ne pas créer d’obligation de desserte par celle-ci, pour l’ensemble du territoire communal » [3]. Par une lecture a contrario du rapporteur public, ce motif équivaudrait à l’intention d’assortir l’adoption d’un schéma d’une obligation incombant aux communes à l’intérieur de la zone déterminée par celui-ci.

S’agissant d’autre part de l’appréciation de la loi de 2006 par les acteurs eux-mêmes, le rapporteur public dans ses conclusions évoque deux interprétations de la disposition législative par l’AMF [4] et l’AdCF [5]. Ces deux acteurs essentiels considèrent que l’adoption d’un schéma de distribution d’eau potable a pour effet d’imposer à la charge de la collectivité une obligation de desserte au sein de la zone identifiée.

Ainsi, il est désormais certain via cette décision du Conseil d’État qu’un schéma de distribution d’eau potable n’est pas seulement un document de planification dépourvu de valeur contraignante, mais au contraire un document à réelle portée juridique.

II. Un guide d’application de l’obligation de raccordement à l’eau potable ?

Consacré au sein de l’article L. 210-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L4387HWE), le droit à l’eau potable ne confère cependant pas un droit absolu et général au raccordement au réseau de distribution d’eau potable à l’égard des habitants d’une commune aboutissant à lui imposer une obligation en ce sens. Néanmoins, si la commune décide d’arrêter un schéma de distribution d’eau potable, une obligation de raccordement lui est assignée.

Une différence est alors à opérer en fonction de la zone délimitée.

La décision du Conseil d’État apporte à ce stade de l’analyse des nuances importantes.

En effet, à l’intérieur de la zone définie dans le schéma de distribution d’eau potable, il existe une obligation de raccordement à l’eau potable si le demandeur a sa propriété se situant à l’intérieur de celle-ci. Par extension, cette obligation aboutit à une obligation à la charge de la commune de réalisation de travaux de raccordement mais ceux-ci doivent s’effectuer dans un délai raisonnable tenant compte « notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux ».

Attention, le point de départ de ce délai raisonnable ne court pas à compter de la demande de raccordement mais à compter de l’adoption du schéma comme le précise le rapporteur public dans ses conclusions.

La seule limite à cette obligation concerne l’irrégularité de la construction.

En dehors de la zone délimitée par le schéma de distribution d’eau potable ou en l’absence d’un tel schéma, il n’existerait a priori pas d’obligation de raccordement à l’eau potable et par extension pas d’obligation de réalisation des travaux pour permettre à un tel raccordement. Cependant, la commune est tenue d’apprécier une demande d’exécution de ce type de travaux « dans le respect du principe d’égalité devant le service public, en fonction, notamment de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable ». Le cas échéant, le juge pourra annuler le refus en exerçant un contrôle restreint. Dans ces conditions, il est donc fait obligation à la commune d’examiner la demande des propriétaires pour être raccordé au réseau d’eau potable.

Dès lors, l’obligation de raccordement à l’eau potable est déterminée par l’existence ou non d’un schéma de distribution d’eau potable. C’est d’ailleurs la première vérification que le juge doit opérer : existe-t-il ou pas un tel schéma en l’espèce ? C’est pour ne pas avoir opéré ce contrôle que l’arrêt de la cour administrative d’appel est censuré en cassation car si le juge ne procède pas de cette manière, il commet une erreur de droit.

En l’absence d’un tel schéma, le juge doit ensuite vérifier si le propriétaire pouvait bénéficier d’un tel raccordement et si la commune devait réaliser des travaux pour le permettre en fonction des critères posés par la décision du Conseil d’État. Telle est la méthode à opérer selon le mode d’emploi découlant de cet arrêt important.

À retenir :

- les communes ont l’obligation d’établir des schémas de distribution d’eau potable, qui peut déterminer ensuite si des travaux de raccordement au réseau sont à la charge de la collectivité ;

- en l’absence d’un tel schéma ou en dehors de la zone délimitée par le schéma, le propriétaire peut parfois bénéficier d’un tel raccordement et la commune réaliser des travaux en fonction des critères posés par le Conseil d’État, dont leur coût, l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable.

 

[1] Relevons au demeurant que bien que le service public d’eau et d’assainissement soit considéré comme un service public industriel et commercial d’après l’article L. 2224-11 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3864HWZ) et que dès lors un litige opposant un SPIC et un usager soit de la compétence du juge judiciaire, il reste que ceux à propos du refus de réaliser des travaux pour permettre le raccordement à l’eau potable sont considérés comme des litiges de travaux publics relevant de la compétence du juge administrative (CE, 26 novembre 1986, n° 65814, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5192AMA ; CE, 8 juin 2015, n° 362783, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8989NK7).

[2] Conclusions de L. Cytermann sous l’arrêt rapporté.

[3] Exposé des motifs de la loi n° 2006-1772 cité par L. Cytermann dans ses conclusions.

[4] AMF, Le service public d’eau potable, juillet 2014, 14-7-16  / DP.

newsid:476387

Expropriation

[Brèves] Existence de la présomption d’urgence en cas de demande de suspension d'un arrêté de cessibilité

Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., n° 437237, 27 janvier 2021, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A65404DL)

Lecture: 2 min

N6332BY8

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par Yann Le Foll

Le 04 Février 2021

► Eu égard à l'objet d'un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d'urgence à laquelle est subordonné l'octroi d'une mesure de suspension en application de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) doit être regardée, en principe, comme remplie, sauf à ce que l'expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s'attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'expropriation. Il en va ainsi alors même que l'ordonnance du juge de l'expropriation procédant au transfert de propriété est intervenue.

Faits. Par un arrêté du 27 juin 2019, le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique le projet de réalisation de la zone d'aménagement concerté du centre-ville du Poiré-sur-Vie ayant pour objet la « revitalisation » du centre-bourg de cette commune. Par un arrêté du 19 septembre 2019, le préfet a déclaré cessibles au profit de l'établissement public foncier de Vendée les immeubles dont l'acquisition serait nécessaire à la réalisation du projet, dont une parcelle cadastrée pour une superficie de 1703 m². Ses propriétaires ont alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 27 juin 2019 et de celui du 19 septembre 2019 en tant qu'il concerne leur parcelle.

Solution.  Le juge des référés, en retenant en l'espèce l'urgence à suspendre les arrêtés litigieux après avoir relevé que la parcelle en cause, sur laquelle se trouvait une partie du jardin de la maison des requérants, était destinée à accueillir la construction de logements, que l'ordonnance d'expropriation, intervenue le 4 décembre 2019, n'était pas devenue définitive, que le bénéficiaire n'avait pas encore fait usage du bien pour y entamer les travaux de construction projetés et que les maisons devant être édifiées sur la parcelle en cause ne représentaient qu'une part très minoritaire du programme de logements envisagé, n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis, ni entaché son ordonnance d'une erreur de droit (voir déjà pour la même solution, CE 1° et 6° s-s-r., 3 décembre 2014, n° 369522, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9062M4E et lire le commentaire de P. Tifine dans Chronique de droit de l’expropriation – février 2021, Lexbase éd. pub. n° 614 N° Lexbase : N6285BYG).

newsid:476332

Procédure civile

[Brèves] Procédure de renvoi après cassation : pas d’application des délais de distance au bénéfice du demandeur demeurant à l’étranger

Réf. : Cass. civ. 2, 4 février 2021, n° 19-23.638, F-P+I (N° Lexbase : A81604EX)

Lecture: 2 min

N6388BYA

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 10 Février 2021

► L’augmentation, au profit des personnes domiciliées à l’étranger, des délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation énoncée par l’article 643 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6758LEZ) ne s’applique pas au délai dans lequel doit intervenir la saisine de la juridiction de renvoi après cassation ; en effet, il résulte des dispositions de l’article 631 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6792H7P), qu’en cas de renvoi après cassation l’instance se poursuit devant la juridiction de renvoi.

Faits et procédure. Dans cette affaire, la défenderesse ayant été déboutée en première instance de sa demande de condamnation au titre de dommages et intérêts, a interjeté appel à l’encontre du jugement. Le 17 mai 2018, à la suite d’un arrêt rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 19 octobre 2017, n° 16-11.266, F-P+B N° Lexbase : A4603WWE), l’appelante a saisi la cour d’appel de renvoi.

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d’appel de Metz, d’avoir déclaré irrecevable sa déclaration de saisine de la cour d’appel après renvoi. L’intéressée indique que « le délai de distance de deux mois s’applique au demandeur résidant à l’étranger qui doit saisir la cour de renvoi ».

En l’espèce, pour déclarer irrecevable la déclaration d'appel valant déclaration de saisine de la cour d'appel, les juges d’appel ont constaté que la juridiction avait été saisie plus de deux mois après la signification de l’arrêt de cassation.

Réponse de la Cour. Énonçant la solution précitée, les Hauts magistrats valident le raisonnement de la cour d’appel et rejettent le pourvoi. Ils relèvent que depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 (N° Lexbase : L2696LEL), le délai de saisine de la juridiction de renvoi est fixé à deux mois à compter de la notification de l’arrêt de cassation. La notification doit indiquer de manière très apparente le délai et les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être saisie. En conséquence, les dispositions du législateur poursuivent le but légitime d’assurer la célérité de l’efficacité de la procédure et ne sont pas, par elles-mêmes, une entrave au droit d’accès au juge, garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le pourvoi en cassation, La saisine de la juridiction de renvoi, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E3920EUQ)

 

newsid:476388

Représentation du personnel

[Brèves] Application de l’accord collectif sur la mise en place du comité de groupe se référant aux anciennes IRP pour la désignation de ses membres

Réf. : Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-24.400, F-P+I (N° Lexbase : A65104DH)

Lecture: 3 min

N6352BYW

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par Laïla Bedja

Le 03 Février 2021

► Demeurent applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des IRP qui n’entrent pas dans les prévisions de l’article 9, VII de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7628LGM) (Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-18.401, FS-P+B N° Lexbase : A60443K3) ; lorsqu’une clause de ces accords se réfère aux termes « comité d’entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d’y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en oeuvre de cette clause.

Les faits et procédure. La société BNP Paribas a conclu, le 14 novembre 2003, un accord sur la mise en place d’un comité de groupe, prévoyant que les membres seraient désignés tous les trois ans par les organisations syndicales représentatives parmi les élus aux comités d’entreprise, d’établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe. En mai 2019, l’employeur a invité les organisations syndicales représentatives à désigner les membres du comité de groupe au regard des résultats des dernières élections.

Contestant les désignations des membres du comité de groupe, la Fédération française des syndicats CFDT des banques et sociétés financières a saisi le tribunal d’instance d’une requête en annulation le 12 juillet 2019.

Le pourvoi. Le tribunal d’instance ayant rejeté la demande, le syndicat a formé un pourvoi en cassation rappelant les stipulations de l’article 4 de l’accord collectif du 14 novembre 2003 « les représentants du personnel au comité de groupe en sont membres après avoir été ’’désignés par chaque organisation syndicale représentative nationalement parmi les élus aux comités d’entreprise, d’établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe’’ » ; cet accord, qui n’a pas été révisé en vue de la mise en place des nouveaux comités sociaux et économiques, ne prévoit pas la possibilité de désigner des membres parmi ces nouveaux comités. Il avance aussi que « la loi nouvelle, même d’ordre public, ne s’applique pas, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, aux conditions de l’acte juridique conclu antérieurement ». En vain.

Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Le tribunal d’instance a constaté que l’accord instituant le comité de groupe au sein de la société BNP Paribas prévoyait la désignation des membres du comité de groupe par les organisations syndicales représentatives au sein des élus des comités d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, conformément aux dispositions de l’article L. 2333-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8698LGA) dans sa rédaction alors applicable. Relevant que l’article L. 2333-2 avait été modifié par l’article 4 de l’ordonnance du 23 septembre 2017 pour remplacer les mots « comité d’entreprise » et « délégation unique du personnel » par les mots « comité social et économique », il en a exactement déduit que l’accord collectif pouvait continuer à recevoir application en effectuant la même modification de vocabulaire.

Pour en savoir plus : ÉTUDE : Le comité de groupe, Les membres du comité de groupe, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E2098ETU)

newsid:476352

Télécoms

[Brèves] Autorisation administrative préalable à l'exploitation des équipements de réseaux 5G : le Conseil constitutionnel valide la loi « anti-Huawei »

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-882 QPC, du 5 février 2021 (N° Lexbase : A71954E9)

Lecture: 6 min

N6384BY4

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par Vincent Téchené

Le 08 Février 2021

► Dans sa décision du 5 février 2021, le Conseil constitutionnel valide des dispositions législatives soumettant à autorisation préalable l'exploitation des équipements de réseaux 5G.

Il avait été saisi, le 19 novembre 2020, par le Conseil d'État (v. CE 2° et 7° ch.-r., 18 novembre 2020, n° 442120, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A268437K) d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de plusieurs articles du Code des postes et communications électroniques, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-810 du 1er août 2019, visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles (N° Lexbase : L7816LRW), que certains ont appelé loi « anti-Huawei ».

Dispositions litigieuses. Les dispositions litigieuses soumettent à autorisation du Premier ministre l'exploitation de certains équipements de réseaux radioélectriques mobiles. Le troisième alinéa du même paragraphe I de l'article L. 34-11 de ce Code des postes et télécommunications électroniques (N° Lexbase : L5988LR9) précise que la liste de ces équipements est fixée par arrêté du Premier ministre pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). En application de l'article L. 34-12 du même code (N° Lexbase : L5989LRA), le Premier ministre refuse l'octroi de l'autorisation en cas de risque sérieux d'atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Pour l'appréciation de ce risque, il prend en considération le niveau de sécurité des appareils, leurs modalités de déploiement et d'exploitation envisagées par l'opérateur et, en vertu des dispositions contestées de cet article, le fait que l'opérateur ou l'un de ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d'ingérence d'un État non-membre de l'Union européenne.

Les critiques formulées. Selon les sociétés requérantes et intervenantes, ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'entreprendre. Elles faisaient notamment valoir que si ces dispositions s'appliquent théoriquement aux seuls équipements dédiés aux réseaux de cinquième génération (dite « 5G ») de communication mobile, elles obligeraient en pratique certains opérateurs souhaitant offrir des services relevant de cette nouvelle technologie, en cas de refus d'autorisation, à procéder au remplacement de tout ou partie de leurs équipements déjà installés au titre des réseaux des générations précédentes, en raison de contraintes techniques liées à l'absence d'interopérabilité des appareils. Ceci leur occasionnerait des charges excessives. De surcroît, ces dispositions auraient en réalité pour seul objet d'interdire aux opérateurs de se fournir en appareils 5G auprès de la société chinoise Huawei, ce qui les restreindrait dans le choix de leurs équipementiers et pénaliserait ceux d'entre eux ayant eu recours à cette société pour leurs équipements plus anciens.

Il était également reproché à ces dispositions de méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques et la garantie des droits, en venant s'ajouter au régime d'autorisation prévu à l'article 226-3 du Code pénal (N° Lexbase : L8547LXT).

Décision

  • Sur l’atteinte à la liberté d’entreprendre

Sur le terrain de la liberté d'entreprendre, le Conseil constitutionnel retient qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, prémunir les réseaux radioélectriques mobiles des risques d'espionnage, de piratage et de sabotage qui peuvent résulter des nouvelles fonctionnalités offertes par la cinquième génération de communication mobile. Ce faisant, ces dispositions mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

En outre, le champ de l'autorisation contestée est circonscrit, dès lors notamment que l'autorisation ne concerne que les entreprises qui, exploitant un réseau de communications électroniques au public, ont été désignées par l'autorité administrative comme opérateurs d'importance vitale au motif.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel juge également que, en prévoyant que, pour apprécier ce risque, le Premier ministre prend notamment en considération le fait que l'opérateur ou son prestataire est sous le contrôle ou soumis à des actes d'ingérence d'un État étranger, le législateur n'a visé ni un opérateur ou un prestataire déterminé ni les appareils d'un fabricant déterminé.

Enfin, le Conseil constitutionnel juge que si la mise en œuvre des dispositions contestées était susceptible d'entraîner des charges pour les opérateurs, liées à la nécessité de remplacer certains anciens équipements afin de les rendre matériellement compatibles avec les appareils dont l'exploitation est subordonnée à l'autorisation contestée, de telles charges résulteraient des seuls choix de matériels et de fournisseurs initialement effectués par les opérateurs, lesquels ne sont pas imputables à l'État.

Il en déduit que l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions contestées n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

  • Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques

Sur le terrain du principe d'égalité devant les charges publiques, le Conseil juge que la sécurisation des réseaux de communication mobile, par l'autorisation préalable de l'exploitation de certains appareils, est directement liée aux activités des opérateurs qui utilisent et exploitent ces réseaux afin d'offrir au public des services de communications électroniques. Dès lors, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a, en tout état de cause, pas reporté sur des personnes privées des dépenses qui, par leur nature, incomberaient à l'État.

  • Sur l’atteinte à la garantie des droits

Enfin, en réponse au grief tiré de l'atteinte à la garantie des droits, le Conseil constitutionnel juge notamment que, si, au moment de l'adoption des dispositions contestées, les opérateurs de communications électroniques étaient soumis au régime d'autorisation applicable à la détention et à l'utilisation de certains appareils, prévu à l'article 226-3 du Code pénal, ils ne pouvaient, sur le seul fondement de ce régime d'autorisation, légitimement s'attendre à ce que ne soient pas instituées des règles d'exploitation des appareils permettant la connexion aux réseaux de nouvelles générations, à des fins de protection de la défense et de la sécurité nationale.

Les dispositions contestées sont ainsi jugées conformes à la Constitution.

newsid:476384

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