La lettre juridique n°476 du 8 mars 2012

La lettre juridique - Édition n°476

Éditorial

Alcools et santé publique : l'hypocrisie publicitaire

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N0608BTP

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la pein
e".

Apollinaire, le mal aimé, ou plus certainement le mal aimant, n'avait pas besoin d'être assailli par la publicité, malgré les premières affiches l'environnant de Jules Chéret, d'Henri de Toulouse-Lautrec, de Leonetto Cappiello, pour sombrer dans les vapeurs d'alcools, durant quinze ans, et pour exprimer, ainsi, son spleen, renouvelant la poésie, en hommage à Baudelaire. Si la publicité est un "art", dont l'objectif premier est d'inciter le consommateur, l'utilisateur, l'usager, voire l'électeur, à adopter un comportement souhaité, à acheter un produit ou un service précis, les stimuli de l'ivresse du poète furent assurément plus la peine, la douleur, l'échec amoureux qu'un bon slogan vinicole, qu'une affiche licencieuse.

A en croire Andy Warhol, "l'art, c'est déjà de la publicité. La Joconde aurait pu servir de support à une marque de chocolat, à Coca-Cola ou à tout autre chose". Brûlez le déjeuner des Canotiers qui semble lier la consommation de vin au plaisir, à la joie de Paul Lhôte, d'Aline et de leurs acolytes, sur cette terrasse des bords de Seine. Renoir n'était pas politiquement correct. Pourtant, Georges de la Tour annonçait, déjà en 1635, la couleur, avec son Tricheur à l'as de carreau, dénonçant les trois tentations contraires à la morale : le jeu, le vin et la luxure. Le peintre lorrain était annonciateur de la loi "Evin" de 1991 qui, pour la première fois, encadrait la publicité sur la consommation d'alcool, en combinant les intérêts commerciaux à l'objectif salutaire de santé publique. Et, Louis le Nain d'aller encore plus loin, en 1642, avec son Repas des paysans qui n'offre pas vraiment "une image de convivialité associée aux vins [...] de nature à inciter le consommateur à absorber les produits vantés", pour paraphraser la Cour de cassation et son arrêt rendu le 23 février 2012, promis, lui, à la plus haute publicité.

En l'espèce, la première chambre civile a jugé contraire aux dispositions du Code de la santé publique, la campagne publicitaire menée par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), en 2005. La cour d'appel de Paris avait, pourtant, retenu que les affiches litigieuses n'étaient pas, par elles-mêmes, de nature à inciter à une consommation abusive et excessive d'alcool, étant observé que, par essence, la publicité s'efforce de présenter le produit concerné sous un aspect favorable pour capter la clientèle et non pour l'en détourner. Mais, la décision est censurée par la Cour suprême qui estime que ces affiches comportaient des références visuelles étrangères aux seules indications énumérées par l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique et visaient à promouvoir une image de convivialité associée aux vins de Bordeaux de nature à inciter le consommateur à absorber les produits vantés.

Résumons nous : exit la publicité persuasive et informative qui s'adresse un être rationnel dont l'acte d'achat dépend d'un jugement mûrement réfléchi. Ce dernier connaît les dangers d'une consommation excessive d'alcool et les désagréments de la gueule de bois des lendemains matins. Exit la publicité projective ou intégrative, puisqu'il n'est pas question de représenter un groupe homogène de personnes -en costume-cravate, par exemple- et conférant au produit, ou à la marque, les signes d'un groupe valorisant. Exit la publicité mécaniste, puisque la consommation d'alcool ne peut pas être associée à produit moins licencieux, afin de créer un automatisme d'achat. Exit, donc, la publicité suggestive qui, par l'image, la connotation, tente d'influencer l'inconscient du consommateur.

La Cour de cassation est on ne peut plus claire. Ni plaisir, ni fantasme, ni projection, ni identification, la publicité sur l'alcool doit se contenter du strict minimum codifié à l'article L. 3323-4 du Code la santé publique : elle est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Mieux, la publicité en faveur de boissons alcooliques doit être assortie d'un message de caractère sanitaire précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé -ce qui, par paradoxe ou antithèse, procède de la publicité suggestive en application du principe associatif "plaisir de la transgression-déplaisir de ces conséquences"-. La réclame n'est pas la publicité ; la publicité en faveur de boissons alcooliques n'existe pas ; la fraude des mots, la tyrannie, Platon : tout cela a des airs d'entendu. In vino veritas, alors comment voulez vous que publicité et vin fassent bon ménage ?

L'on ne sait pas si c'est la seule perspective de boire un verre de vin qui rend joyeux le Violoniste de Gérard van Honthorst dont le verre est manifestement encore plein, ou s'il en est déjà à sa cinquième tournée... Mais, le pourpre de ses joues témoigne assurément que son ça, le plaisir de boire, semble souvent l'emporter sur son surmoi, la loi éthique, pour satisfaire au réalisme des besoins de son moi, contrarier ses douleurs et ses peines, surtout lorsque :

"Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Sein
e".

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Avocats/Statut social et fiscal

[Le point sur...] Le régime d'assurance vieillesse des avocats

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N0614BTW

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par Xavier Berjot, Avocat Associé, Ocean Avocats

Le 08 Mars 2012

Qu'ils exercent leur profession en qualité de salarié ou de professionnel libéral, les avocats sont soumis à un régime de retraite spécifique, géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, de revenir sur ce régime avec Xavier Berjot, avocat au barreau de Paris. I - Affiliation à la CNBF

A - Obligation générale d'affiliation

Selon l'article L. 723-1, alinéas 1er et 2, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7561HBN) : "Sont affiliés de plein droit à une caisse privée, dite Caisse nationale des barreaux français, dotée de la personnalité civile, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et tous les avocats et avocats stagiaires en activité dans les barreaux de la métropole et des départements mentionnés à l'article L. 751-1 [ndlr. Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion].
Sont également affiliés le conjoint associé et le conjoint collaborateur mentionnés à l'article L. 121-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2370IBE)".

Ainsi, la CNBF est la caisse de référence de l'ensemble des avocats et ce, tant des professionnels libéraux que des salariés.

En effet, l'article L. 311-3, 19°, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2976IQB) prévoit que les avocats salariés relèvent du régime général sauf pour les risques gérés par la CNBF, à l'exception des risques invalidité-décès.

Seuls les avocats salariés, qui avant le 1er janvier 1992, exerçaient en tant que salariés la profession de conseil juridique, continuent de dépendre du régime général de la Sécurité sociale (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 42 N° Lexbase : L6343AGZ, modifié loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, art. 19 N° Lexbase : L7803AIT).

Toutefois, ces derniers ont vocation à être affiliés de plein droit à la CNBF s'ils entreprennent une activité libérale.

B - Modalités pratiques d'affiliation

Les modalités pratiques d'affiliation sont régies par l'article R. 723-31 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7686G7S).

Avant le 1er mars de chaque année, chaque Bâtonnier doit adresser à la CNBF la liste, arrêtée au 1er janvier de la même année, des avocats et des personnes morales inscrits au tableau ou admis au stage, précisant leur domicile professionnel ainsi que :

- pour les avocats, outre leur date de naissance, celle de l'inscription au tableau, le mode d'exercice et, le cas échéant, les coordonnées de l'employeur ;

- pour les personnes morales, leur dénomination, leur structure juridique et la liste de leurs associés.

Tout changement intervenant en cours d'année doit être signalé sans délai à la Caisse par le Bâtonnier.

L'affiliation à la CNBF prend effet à la date à laquelle l'avocat est inscrit au tableau et la radiation prend effet à la date à laquelle il cesse d'y figurer (CSS, art. R. 723-31).

Pour ce qui concerne le conjoint collaborateur, le même texte prévoit que leur affiliation prend effet à la date de la réception, par le centre de formalités des entreprises, de la déclaration du conjoint collaborateur, mentionnée au 1° et 2° de l'article R. 121-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L9736HYA).

Quant à leur radiation, elle prend effet à la date de réception, par le centre de formalités des entreprises, de la déclaration de radiation du conjoint collaborateur, mentionnée au 3° du texte susvisé.

C - Cas particulier de l'adhésion volontaire

Les avocats exerçant leur profession dans un territoire français d'outre-mer, ainsi que les avocats français exerçant dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, peuvent cotiser volontairement à la CNBF.

Cette faculté est offerte par l'article L. 723-24 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5623ADM), et ses modalités pratiques fixées à ce jour par le décret n° 72-127 du 10 février 1972.

II - Ressources de la CNBF

Les ressources de la CNBF proviennent de trois mécanismes de financement distincts :

- les droits de plaidoirie et la contribution équivalente ;
- la cotisation forfaitaire ;
- la cotisation proportionnelle aux revenus professionnels.

Les règles, fixées par le Code de la Sécurité sociale, dépendant du caractère salarié ou non de l'exercice de la profession d'avocat.

A - Droits de plaidoirie et contribution équivalente

1 - Droits de plaidoirie

Les droits de plaidoirie, dont l'objet est de participer au financement de la retraite de base des avocats, tirent leur origine d'une ordonnance royale de 1667.

Ils sont alloués aux avocats, par leurs clients, pour leur plaidoirie devant certaines juridictions, en contrepartie de la contribution du barreau français au service public de la justice.

Les droits de plaidoiries ne sont pas dus devant les conseils de prud'hommes, les tribunaux d'instance statuant en matière prud'homale, les tribunaux de police statuant en matière de contraventions des quatre premières classes et les juridictions statuant en matière de contentieux de la Sécurité sociale ou de contentieux électoral, ni devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pour les affaires dispensées du ministère d'avocat (décret n° 95-161 du 15 février 1995, art. 1er N° Lexbase : L2666IR8).

L'article L. 723-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5624ADN) prévoit que les sommes recouvrées au titre des droits de plaidoirie et de la contribution équivalente doivent couvrir le tiers des charges du régime d'assurance vieillesse de base de l'année courante.

Les droits de plaidoirie sont recouvrés auprès de chaque avocat non salarié ou société d'avocats par l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et par chaque barreau et sont versés à la CNBF, sans préjudice de la faculté, pour chaque avocat ou société d'avocats, de les verser directement à la caisse (CSS, art. L. 723-3, alinéa 1er).

2 - Contribution équivalente

La contribution équivalente aux droits de plaidoirie est due par les avocats dont l'activité principale n'est pas la plaidoirie, afin qu'ils participent néanmoins aux ressources correspondantes.

L'article L. 723-3, alinéa 2, du Code de la Sécurité sociale prévoit ainsi que, lorsque leur activité principale n'est pas la plaidoirie, les avocats non salariés et les sociétés d'avocats dont au moins un associé ou un salarié est affilié à la CNBF versent "une contribution équivalente aux droits de plaidoirie".

L'alinéa 3 de ce texte précise que sont réputés ne pas avoir pour activité principale la plaidoirie ceux dont l'activité, déterminée en fonction de leurs revenus professionnels d'avocats complétés des rémunérations nettes versées aux avocats salariés affiliés à la CNBF, donne lieu à un nombre de droits de plaidoirie inférieur à un minimum fixé par la Caisse.

B - Cotisation forfaitaire

Selon l'article L. 723-5, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4442IRX), la CNBF perçoit "une cotisation annuelle obligatoire pour tous les avocats, à l'exception de ceux qui en sont exonérés. Elle peut être graduée suivant l'âge lors de la prestation de serment et l'ancienneté d'exercice depuis la prestation de serment".

Le montant de la cotisation forfaitaire des avocats est fixé chaque année par l'assemblée générale de la CNBF statuant à la majorité simple des membres présents ou représentés, sur proposition de son conseil d'administration. Dans le cas où cette majorité n'est pas réunie, la cotisation est, de plein droit, égale à celle de l'année précédente (CSS, art. R. 723-18 N° Lexbase : L4979IRT).

Pour ce qui concerne les avocats salariés, la cotisation forfaitaire est répartie à raison de 60 % pour l'employeur et 40 % pour le salarié (CSS, art. D. 723-2 N° Lexbase : L0120AE8).

C- Cotisation proportionnelle aux revenus professionnels

Celle-ci figure à l'article L. 723-5 du Code de la Sécurité sociale, duquel il résulte que la CNBF perçoit une cotisation assise sur les revenus professionnels, dans la limite d'un plafond fixé par décret.

Le revenu professionnel pris en compte est celui fixé par les articles L. 131-6 (N° Lexbase : L4428IRG) et suivants du Code de la Sécurité sociale. En d'autres termes, il s'agit du revenu qui sert de base au calcul des cotisations d'allocations familiales, d'assurance maladie-maternité des travailleurs non salariés non agricoles et d'assurance vieillesse des artisans, industriels et commerçants.

Les cotisations dues par les avocats se calculent de façon définitive sur la base du revenu professionnel de l'avant-dernière année d'exercice professionnel (CSS, art. R. 723-19 N° Lexbase : L7765G7Q).

Pour ce qui concerne les avocats salariés, la cotisation professionnelle est assise sur la rémunération brute soumise à cotisations sociales (CSS, art. L. 723-6-1, alinéa 1er N° Lexbase : L5628ADS).

La quote-part de la cotisation à la charge de l'avocat salarié, précomptée par l'employeur, est fixée à 40 % (CSS, art. D. 723-2).

III - Prestations de la CNBF

A - Pension de retraite de l'avocat

1 - Age de liquidation de la retraite

Il résulte de l'article L. 723-10-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4502IR8) que la liquidation de la pension peut être demandée à partir de 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.

Par ailleurs, selon l'article L. 161-17-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4506IRC), l'âge d'ouverture du droit à la pension de retraite est fixé, pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1954, de manière croissante :

- à raison de quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 ;
- à raison de cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954.

Des dérogations à la condition d'âge sont prévues en faveur des avocats ayant commencé à travailler très jeunes et de ceux qui sont handicapés.

L'attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l'activité d'avocat (CSS, art. L. 723-11-1 N° Lexbase : L3121ICL).

Pour mémoire, rappelons que la CNBF prévoit des possibilités de cumul emploi-retraite.

2 - Age requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein

Selon la CNBF (Guide pratique), le taux plein est accordé à l'avocat si, selon sa date de naissance :

- il a atteint l'âge d'attribution du taux plein (entre 65 et 67 ans) ;
- il a atteint l'âge légal de départ en retraite (entre 60 et 62 ans) et dispose de la durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein (entre 160 et 165 trimestres) du fait de son affiliation dans un ou plusieurs régimes d'assurance vieillesse de base à raison d'un maximum de quatre trimestres par année civile.

Par dérogation, le taux plein peut être accordé :

Entre 60 et 62 ans

- si l'intéressé est reconnu atteint d'une incapacité physique d'exercer la profession ;
- si l'intéressé justifie d'un taux d'incapacité permanente de 20 % ;
- aux grands invalides, anciens déportés, internés et prisonniers de guerre.

Avant 60 ou 62 ans

- dans des conditions particulières, aux personnes ayant débuté leur activité avant 16 ans et ayant eu une longue carrière.

Le montant de la retraite entière est fixé chaque année par l'Assemblée générale de la CNBF, sur proposition du Conseil d'administration (CSS, art. R. 723-43 N° Lexbase : L7699G7B).

Comme dans le cadre du régime général, les avocats ont la faculté d'augmenter leur durée d'assurance dans le régime, en rachetant certaines périodes non cotisées, dans la limite totale de douze trimestres d'assurance.

B - Pension de réversion du conjoint survivant

Si l'avocat décède en activité ou pendant sa retraite, son conjoint survivant ou divorcé non remarié peut prétendre, sous certaines conditions, à une pension de réversion égale à la moitié de la pension dont bénéficiait l'assuré (CSS, art. R. 723-46 N° Lexbase : L7702G7E).

Le service de la pension de réversion cesse en cas de mariage, mais profite aux enfants jusqu'à 21 ans.

A défaut de conjoint survivant ou d'ex-époux bénéficiaire d'une pension de réversion, l'enfant ou les enfants d'un avocat qui vient de décéder ont droit, jusqu'à l'âge de vingt et un ans, à la pension de réversion dans les conditions prévues pour le conjoint survivant ou l'ex-époux (CSS, art. R. 723-47 N° Lexbase : L7703G7G).

IV - Retraite complémentaire de la CNBF

Il convient de distinguer le régime complémentaire obligatoire du régime supplémentaire optionnel.

A - Régime complémentaire obligatoire

Selon l'article L. 723-19 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5618ADG), le régime complémentaire est régi par un règlement établi par la CNBF et approuvé par arrêté interministériel.

1 - Cotisations

Le régime complémentaire est financé exclusivement par les cotisations des assurés, assises sur leurs revenus dans la limite d'un plafond.

Le règlement du régime complémentaire de la CNBF prévoit que les revenus soumis à cotisations sont divisés en deux tranches délimitées annuellement par décision de l'assemblée générale de la caisse qui fixe le taux d'appel des cotisations applicable à chacune d'elles.

Ce taux d'appel des cotisations est fixé par référence à un taux de base de 3 % sur la première tranche et de 6 % sur la deuxième tranche.

2 - Prestations

Le droit à la retraite complémentaire est acquis à tout avocat affilié à la CNBF, lorsqu'il remplit les conditions d'âge et de durée d'assurance prévues par la réglementation du régime de base, pour l'ouverture du droit à la retraite.

Le montant de la retraite complémentaire versée à chaque avocat correspond au produit de la valeur du point fixée pour l'année en cours par le nombre de points figurant à son compte.

Au décès d'un avocat titulaire d'une pension de retraite complémentaire ou en droit d'en obtenir une, le conjoint survivant non remarié ou à défaut les enfants mineurs, reçoivent à compter du jour du décès, une pension de réversion égale à 60 % du montant de celle dont l'avocat décédé bénéficiait ou dont il aurait pu obtenir le bénéfice.

B - Régime supplémentaire optionnel

L'article 2-1 du règlement du régime complémentaire de la CNBF prévoit que les avocats dont les revenus professionnels sont compris "dans la deuxième tranche" peuvent choisir d'acquitter une cotisation supplémentaire aux cotisations complémentaires obligatoires.

1 - Cotisations

La CNBF a ainsi créé trois classes de cotisations, dont le taux d'appel est fixé annuellement par l'assemblée générale des délégués, par référence à un taux de base de :

- 2,60 % pour la première classe ;

- 6,40 % pour la deuxième classe ;

- 9,20 % pour la troisième classe.

L'adhésion optionnelle au régime supplémentaire a un caractère définitif.

Les adhérents peuvent toutefois décider, à l'expiration de chaque période de cinq années, d'opter pour une classe supérieure.

Cette adhésion optionnelle est ouverte tant aux avocats salariés qu'aux avocats non-salariés.

2 - Prestations

Les points acquis par les avocats et les conjoints collaborateurs ayant adhéré à l'une des classes supplémentaires optionnelles sont attribués sur la base de la valeur du point fixée chaque année par l'assemblée générale, et ajoutés au compte individuel de chaque intéressé pour former un montant total de points acquis donnant droit au service de la retraite.

Les points correspondant aux cotisations versées dans les première, deuxième ou troisième classes représentent respectivement 35 %, 85 % ou 135 % des points acquis à titre obligatoire en deuxième tranche.

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Congés

[Jurisprudence] Report des congés payés en cas d'absence liée à l'état de santé : jusqu'où ira l'extension ?

Réf. : Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-21.300, FS-P+B (N° Lexbase : A8674ICA)

Lecture: 8 min

N0627BTE

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 08 Mars 2012

Les congés payés et les congés octroyés au salarié en cas de maladie ou d'accident, d'origine professionnelle ou non, n'ont pas le même objectif. Alors que les premiers sont destinés à compenser les temps de travail, à octroyer du repos au salarié pour se détendre ou s'adonner à ses loisirs, les seconds ont pour finalité de lui permettre de se soigner, de se rétablir, d'être à nouveau apte à travailler. Compte tenu des finalités différentes de ces deux types de congés, le bénéfice de l'un ne devrait pas permettre de priver le salarié du bénéfice de l'autre. C'est sur cette règle que revient la Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 16 février 2012. Ainsi, le salarié privé du bénéfice des congés payés en raison d'un arrêt de travail lié à un accident du travail, y compris en cas de rechute lui ayant permis de reprendre le travail quelques jours, doit bénéficier d'un report de ses congés (I). Cette solution, qui prolonge une tendance déjà engagée depuis quelques années, mérite d'être saluée pour les précisions qu'elle apporte s'agissant des caractères de l'impossibilité subie par le salarié de prendre ses congés, cela même s'il est vrai que la décision ne permet pas d'envisager clairement quelles seront les limites de l'extension du domaine de ce droit à report des congés payés (II).
Résumé

Lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévus par le Code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail. Ceux-ci doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre l'intégralité des congés payés acquis en raison d'une rechute d'accident du travail.

Commentaire

I - Le droit au report des congés payés en cas d'impossibilité d'en bénéficier

  • L'hypothèse du report du bénéfice des congés payés

Quoiqu'il puisse faire l'objet d'aménagements conventionnels, le système légal français de congés payés fonctionne par année. Un salarié acquiert, au fur et à mesure des semaines passées à travailler, un certain nombre de jours de congés dont il pourra bénéficier l'année suivante, durant une période de prise de congés qui peut être déterminée par voie conventionnelle (1). En principe, le salarié comme l'employeur ne peuvent décider du report de ces congés acquis : le salarié doit en bénéficier au cours de la période sans pouvoir y renoncer au profit d'une indemnité s'ajoutant à sa rémunération, sans pouvoir exiger un report de ces congés à une période ultérieure (2).

Il arrive pourtant que le salarié ne puisse bénéficier de ses congés durant la période de référence, non parce que l'une des parties au contrat de travail souhaite ce report mais parce que le salarié a été dans l'impossibilité de bénéficier de ces congés. Le Code du travail ne prend que rarement en considération une telle impossibilité, si l'on fait exception de la règle tirée de l'article L. 3141-2 (N° Lexbase : L0554H9E) organisant le maintien des droits à congés pour les salariés de retour d'un congé de maternité ou d'un congé d'adoption (3).

Pour d'autres types d'impossibilités, liées essentiellement à la dégradation de l'état de santé du salarié placé en arrêt de travail, c'est surtout la jurisprudence de la Cour de cassation, sous l'influence du droit de l'Union européenne, qui en a déterminé le régime.

  • Report des congés : la Cour de cassation sous l'influence de la CJUE

La Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8) s'intéresse notamment aux droits à congés annuels qui doivent être octroyés aux travailleurs de l'Union. Ainsi, l'article 7 de cette Directive dispose que "les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines [...]" et que "la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière". A partir de ce minimum prévu par la Directive, la Cour de justice juge de manière constante que "le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la Directive 93/104 elle-même" (4). Concrètement, on pouvait déduire de ces décisions que "le salarié en congé maladie ne peut perdre son droit aux congés annuels et il devra pouvoir être indemnisé, s'il ne peut les prendre" (5).

Cette litanie immuable de la Cour de justice tranchait avec la position de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Pendant longtemps, en effet, la Chambre sociale refusa que le salarié puisse bénéficier d'un report ou d'une indemnité compensant les congés payés dont il avait été privé en raison d'un arrêt de travail lié à son état de santé (6). Ce n'est qu'en 2007 s'agissant d'un arrêt de travail pour accident du travail (7), puis en 2009 s'agissant d'un arrêt de travail pour maladie ordinaire (8), que la Chambre sociale a pris acte du caractère fondamental du droit à repos et accepta le report au-delà de la période de référence du congé dont le salarié avait été privé.

C'est à nouveau à propos de la faculté d'obtenir le report de congés payés que la Chambre sociale de la Cour de cassation était saisie.

  • L'espèce

Un salarié, engagé en qualité de chauffeur, fut victime d'une agression sur son lieu de travail. Placé en arrêt de travail pendant près d'un an (avril 2005 à mars 2006), le salarié repris le travail avant d'être victime, quelques jours plus tard, d'une rechute qui suscita un nouvel arrêt de travail, à nouveau pour une durée avoisinant une année (mars 2006 à février 2007). Le salarié repris définitivement le travail en février 2007 mais saisit le conseil de prud'hommes d'une demande tendant au paiement de sommes en indemnisation de congés payés non pris avant l'arrêt de travail initial et acquis en 2005.

L'employeur fut condamné par la cour d'appel de Douai à s'acquitter d'une indemnité compensant ces congés dont le salarié n'avait pu bénéficier, ce que l'employeur contesta en formant un pourvoi en cassation. Au soutien de son pourvoi, l'employeur relevait que, si la Directive 93/104/CE du Conseil de l'Union européenne du 23 novembre 1993 prévoit bien le report des congés payés lorsque le salarié n'a pu en bénéficier en raison d'un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, ce report ne peut intervenir qu'une fois, si bien que le salarié ne pouvait les reporter après sa rechute. L'employeur ajoutait que le salarié aurait pu bénéficier de ces jours de congés entre le premier et le second arrêt de travail.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 16 février 2012, rejette le pourvoi. Pour justifier cette décision, la Cour énonce "d'abord qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le Code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail" et que "ceux-ci doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre l'intégralité des congés payés acquis en raison d'une rechute d'accident du travail". La Haute juridiction en conclut que, puisque "le salarié avait été dans l'impossibilité de prendre l'intégralité de ses congés pour 2005, en raison, d'une part, du planning décidé par l'employeur organisant son temps de travail au cours de la première période de reprise du travail du mois de mars 2006, et, d'autre part, de l'opposition de ce dernier de reporter la prise des congés restant à l'expiration du nouvel arrêt de travail suite à une rechute d'accident du travail", c'est à bon droit que la cour d'appel avait condamné l'employeur à ces indemnités. La Chambre sociale procède donc à l'extension du droit à report des congés payés lorsque l'arrêt de travail a été renouvelé en raison d'une rechute.

II - Une faculté de report précisée mais dont le domaine reste mal déterminé

  • Précisions quant à l'impossibilité du salarié de bénéficier de ses congés

A l'occasion de cette extension, la Chambre sociale apporte d'abord des indices précieux sur ce qu'il faut entendre par l'impossibilité pour le salarié de prendre l'intégralité de ces congés. En effet, dans l'espèce sous examen, cette impossibilité était liée à deux circonstances.

La première découle évidemment de la rechute du salarié à la suite de son arrêt de travail initial. On retrouve ici la logique qui présidait aux affaires antérieures : si le salarié n'a pu bénéficier de ses congés, ce n'est pas par choix mais bien en raison de son état de santé. S'il est vrai que la Chambre sociale n'accepte pas toujours de voir dans la maladie du salarié une impossibilité assimilable à un cas de force majeure (9), il est tout du moins certain que la maladie ou l'accident n'implique en rien sa volonté de voir le congé reporté.

La seconde, elle aussi liée à l'absence de volonté du salarié, résulte du fait que l'employeur n'ait pas permis au salarié de bénéficier de ses congés au retour de son congé initial. Plus précisément, l'employeur s'était opposé à ce que le salarié bénéficie de ces congés à ce moment. Certainement peut-on y voir une entorse au principe selon lequel les dates de prise des congés relèvent du pouvoir unilatéral de direction de l'employeur (10). Pour autant, l'exception à cette règle n'est en réalité que très modérée puisque l'employeur ne peut imposer le report des congés payés : si l'employeur a le choix des dates auxquelles les congés doivent être pris, ce n'est donc qu'à l'intérieur des limites posées par la période de référence. Si les congés, par l'effet d'une impossibilité antérieure, ne peuvent être pris durant la période de référence, l'employeur n'a plus le choix et doit faire bénéficier le salarié de ces congés aussi tôt que possible.

A contrario, il peut en être déduit que si l'employeur propose au salarié de prendre ses congés à son retour d'arrêt de travail mais que celui-ci refuse la proposition faite, le droit à congés sera probablement perdu.

  • Extension du domaine de l'obligation de reporter les congés : quelles limites ?

Par cette décision, la Chambre sociale procède donc à une légère extension du droit dont peut bénéficier le salarié au report de ses congés payés en cas d'absence liée à une dégradation de son état de santé. Après avoir accepté ce report en cas de maladie simple et d'arrêt pour accident de travail, la Chambre sociale avalise ce report en cas de rechute, laquelle implique nécessairement que l'arrêt de travail pour accident du travail ait été interrompu. La reprise temporaire du travail induite par cette interruption de l'arrêt de travail ne fait pas obstacle au report des congés.

On pourra regretter que la Chambre sociale n'aille pas formellement plus loin dans cette logique. En effet, si la motivation liée aux finalités de la Directive de 1993 reste identique à celle adoptée en 2007 et en 2009, la Chambre sociale persiste dans sa volonté de construction de ce régime par à coups (11). La généralité de la formule relative aux finalités de la directive semble pourtant permettre d'adopter une formule plus générale qui, dès lors, serait applicable à toute impossibilité subie par le salarié de prendre ces congés.

Il faut, dès lors, se demander quelles pourront être les limites de cette extension. En effet, outre des questions purement procédurales (12), le cantonnement à une méthode d'extension progressive du droit au report des congés peut s'expliquer par la volonté de la Chambre sociale de garder la main sur le domaine de la faculté de report. Une telle démarche trouve d'ailleurs un grand soutien dans une décision que vient de rendre la Cour de justice de l'Union européenne et qui juge que la faculté de report ne peut être ouverte indéfiniment. En particulier, lorsque le salarié est frappé d'incapacité, les législations internes peuvent organiser la perte du droit à congé dont les finalités de protection du repos ne sont plus assurées (13).

En gardant une ligne prudente quant à la détermination du domaine de la faculté de report, la Chambre sociale se ménage ainsi la possibilité, ultérieurement, de délimiter les causes privant le salarié du report -causes essentiellement liées à sa volonté- et la durée au-delà de laquelle le report ne pourra plus être envisageable.


(1) C. trav., art. L. 3141-13 (N° Lexbase : L0563H9Q) et s..
(2) Le Code du travail autorise parfois le report de la prise de congé au-delà de la période de référence, en particulier lorsque le temps de travail du salarié est annualisé, v. C. trav., art. L. 3141-21 (N° Lexbase : L3855IBE).
(3) V. déjà, avant l'introduction de ce texte dans le Code du travail par la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8129HHK), Cass. soc., 2 juin 2004, n° 02-42.405, publié (N° Lexbase : A5182DCW).
(4) CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99 (N° Lexbase : A1717AWI), pt. 43 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI), pt. 29, RJS, 2004, p. 439, note J.-Ph. Lhernould ; CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 (N° Lexbase : A6372DNC), JCP éd. S, 2006, nº 1308, p.23, note G. Vachet ; CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et C-520/06 (N° Lexbase : A3596EC8), RJS 2009, p. 263, note J.-Ph. Lhernould. En dernier lieu, v. CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10 (N° Lexbase : A9722HZ4) et les obs. de Ch. Willmann, Directive 2003/88/CE : une réglementation nationale peut autoriser l'extinction du droit aux congés payés non pris pour le salarié en incapacité de travail, Lexbase Hebdo n° 465 du 8 décembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9160BS3).
(5) S. Laulom, Droit aux congés annuels : une évolution nécessaire de la Cour de cassation, SSL, 2009, n° 1388, p. 12.
(6) V. not. Cass. soc., 13 janvier 1998, n° 95-40.226, publié (N° Lexbase : A2501ACM).
(7) Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 05-42.293, FP-P+B+R (N° Lexbase : A5775DYK) ; RDT, 2007, p. 732, note M. Véricel.
(8) Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44.488, FS-P+B (N° Lexbase : A3973EDI) et les obs. de G. Auzero, Report des congés payés non pris du fait de la maladie : la Cour de cassation confirme et étend sa jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 341 du 11 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7759BI9) ; RDT, 2009, p. 241, obs. M. Véricel.
(9) On se souviendra, ainsi, que la maladie du salarié ne peut constituer un cas de force majeure justifiant la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée (par ex. Cass. soc., 12 février 2003, n° 00-46.660, F-P+B N° Lexbase : A0129A7W), règle dont la portée a été nettement atténuée par l'effet de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9) ayant introduit l'inaptitude comme cause de rupture anticipée de ce contrat (C. trav., art. L. 1243-1 dans sa nouvelle rédaction N° Lexbase : L2987IQP).
(10) V. not. C. trav., art. L. 3141-14 ([LXB=L0564H9]).
(11) Relevant déjà ce phénomène, v. G. Auzero, préc..
(12) La Cour de cassation n'étant pas tenue de répondre à des questions qui ne lui sont pas posées, elle n'avait nullement l'obligation de poser une règle générale applicable à toute impossibilité de prendre un congé.
(13) CJUE, 22 novembre 2011, préc..

Décision

Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-21.300, FS-P+B (N° Lexbase : A8674ICA)

Rejet, CA Douai, 28 mai 2010, n° 09/02174 (N° Lexbase : A8031E49)

Textes cités : Directive 2003/88 du 4 novembre du Parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM)

Mots-clés : congés payés, accident du travail, arrêt de travail, rechute, report des congés.

Liens base :

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Internet

[Jurisprudence] En matière de contenu sur internet, tronquer c'est éditer

Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 15 décembre 2011, n° 10/01515 (N° Lexbase : A0907H9H)

Lecture: 9 min

N0620BT7

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par Antoine Casanova, avocat à la cour, Cabinet Danièle Véret

Le 08 Mars 2012

A l'origine, la question de la détermination des conditions permettant à un opérateur de bénéficier de la qualité d'hébergeur semblait simple. Vu les nombreuses décisions rendues à ce sujet, elle n'est apparemment pas aussi évidente qu'on aurait pu le penser. Et pourtant... le jeu de la discussion en valait-il réellement la chandelle jurisprudentielle et doctrinale ? La question du bénéfice de la qualité d'hébergeur a souvent été débattue en jurisprudence et rares sont les arrêts et les décisions qui permettent d'apprendre ce que l'on ne sait déjà sur ce sujet. Pourtant, le jugement rendu par la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris le 15 décembre 2011 apporte quelques pistes intéressantes.
Dans cette affaire, la société J.M. Weston, s'apercevant que la saisie de sa célèbre marque de chaussure pour homme au sein du moteur de recherche du site internet "www.shopping.com" faisait apparaître une proposition d'achat en faveur de chaussures de marque Ypson's, accompagnée du slogan "si vous aimez Weston, elles sont pour vous", a assigné la société Shopping Epinions International, qui exploite le site en question, pour des faits de contrefaçon. La procédure concernait plusieurs parties et le jugement rendu aborde de nombreuses questions juridiques, mais c'est uniquement celle relative à la qualité reconnue à la société Shopping Epinions International qui nous intéressera ici. Comme premier élément de défense, la société Shopping Epinions International avançait que le site internet "www.shopping.com" est un site de référencement de produits et services vendus par des tiers sur leur propre site et non un site classique de vente en ligne. La société Shopping Epinions International avançait également que le modèle de son service était basé sur le remplissage des fiches des produits référencés par les utilisateurs de son service eux-mêmes, sans contrôle de sa part. Dès lors, le débat s'est évidemment porté sur le point de savoir si la société Shopping Epinions International pouvait se prévaloir du statut d'hébergeur quant aux fiches-produits du site "www.shopping.com". 1 - Hésiter n'est pas jouer

Lorsque la qualité d'hébergeur est reconnue à un opérateur, l'article 6, I, 2° de la loi n° 2004-575, pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC dite "LCEN"), lui accorde un régime privilégié de responsabilité. Ainsi, aux termes de la loi, l'hébergeur ne peut voir sa responsabilité engagée que dans deux cas bien déterminés. Soit l'hébergeur avait une connaissance effective du caractère illicite du contenu publié sur le site ou de circonstances faisant apparaître ce caractère, soit le caractère illicite du contenu lui a été notifié et il n'a pas agi promptement pour le retirer ou en rendre l'accès impossible.

La question a été débattue à de nombreuses reprises par la jurisprudence. Alors qu'elle semblait réglée et que les critères d'attribution de la qualité d'hébergeurs semblaient bien définis, la Cour de cassation a semé le trouble en rendant un arrêt en rupture totale avec la voie que les juridictions du fond avaient prise (1). En effet, dans cet arrêt, la Cour de cassation estime, mais sous l'empire de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 (N° Lexbase : L1233AII), que le régime de responsabilité des hébergeurs ne peut bénéficier à l'opérateur, en l'espèce la société Tiscali Media, qui avait offert aux internautes de créer des pages personnelles et qui avait permis à des annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires dont elle assurait la gestion.

Cette décision fut vivement critiquée par la doctrine, et cela à juste titre, tant elle est en rupture avec la lettre de la loi. En effet, tant la loi du 1er août 2000 que la "LCEN" précisent que l'hébergeur assure ses prestations " à titre gratuit ou onéreux". Cette solution fut immédiatement abandonnée par la première chambre civile de la Cour de cassation, elle-même, dans son arrêt du 17 février 2011, rendu cette fois au regard de la "LCEN" (2).

La détermination du bénéfice du statut d'hébergeur et de son régime de responsabilité, repose sur une simple et unique question : l'opérateur en question a-t-il, à un moment donné, eu connaissance ou eu un pouvoir de détermination du contenu devant être mis en ligne ? En effet, à partir du moment où un opérateur a contrôlé le contenu, c'est-à-dire qu'il a eu le choix, en connaissance de cause, de mettre le contenu dans sa version litigieuse en ligne, cela exclut qu'il puisse bénéficier du régime prévu par l'article 6 de la "LCEN". Dans ce cas, les conditions posées par la loi ne sont tout simplement pas remplies.

L'hébergeur est un opérateur qui stocke des informations. Il ne décide pas de les mettre à disposition du public. Il en permet l'accès à partir du moment où un autre opérateur, appelé l'éditeur par référence au droit de la presse, décide de diffuser au public l'information en question. Le statut d'hébergeur et sa responsabilité associée sont incompatibles avec la connaissance effective du contenu ou avec le pouvoir de mise en ligne. Bien sûr les responsabilités du fait des contenus doivent être distribuées selon l'action effectuée par l'opérateur sur le contenu appréhendé, de sorte qu'il est tout à fait possible qu'il soit considéré comme hébergeur pour certains contenus tout en ayant une responsabilité de droit commun pour d'autres. Il est donc juridiquement plus que souhaitable que le bénéfice du régime spécifique de responsabilité des hébergeurs ne soit lié qu'au seul point de savoir si l'opérateur a eu, à un moment quelconque avant la mise en ligne, un pouvoir de contrôle ou de détermination du contenu publié ou connaissance de ce contenu.

Il ne semble en effet pas pertinent que d'autres critères rentrent en ligne de compte, d'une part parce que le législateur de 2004 ne l'a pas prévu ainsi et, d'autre part, car cela serait prendre trop de distance avec la logique de fond du droit de la communication qui associe la responsabilité à la décision de mise à disposition du public d'une information donnée. De plus, dans la plupart des cas il s'avérera extrêmement difficile de concilier la distributivité des responsabilités avec la prise en compte de critères tels que, comme certaines décisions l'ont retenu la présence de publicité sur le site (3), ou encore la structuration globale de ce dernier.

Dans leur décision rendue le 15 décembre 2011, les juges de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris commencent par balayer d'un revers de main les nombreux critères que des jurisprudences antérieures ont déjà rejetés à de nombreuses reprises puis se montrent extrêmement pédagogues quant à la détermination des critères à prendre en compte pour déterminer ce qui doit être considéré comme une action éditoriale excluant le bénéfice du statut d'hébergeur. A cet effet la décision comporte quelques précisions intéressantes qui méritent d'être détaillées.

2 - Corréler n'est pas éditer

J.M. Weston avance que la société Shopping Epinions International "a mis en place sur son site un service d'annonces publicitaires pour des annonceurs tiers en fonction de mots-clés tapés sur le moteur de recherche et qui implique une mise en relation directe avec les annonces présentes sur le site shopping.com ainsi qu'un choix desdites annonces".

Les juges ont alors considéré que :
"Le fait que la société Shopping Epinions International tire profit de son site au moyen d'annonces publicitaires n'exclut pas la qualification d'hébergeur puisque la distinction entre hébergeur et éditeur ne repose pas sur l'absence d'exploitation commerciale des contenus mais sur la maîtrise que le prestataire de service peut exercer sur ces derniers, l'éditeur se définissant comme la personne qui détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu'elle a créé ou dont elle a la charge.
Par ailleurs, les pièces produites ne suffisent pas à établir que la société Shopping Epinions International a une connaissance préalable des contenus afin de corréler annonces publicitaires et résultats dès lors que le choix d'un lien entre une annonce publicitaire et un contenu peut être effectué par l'annonceur à partir des mots-clés des internautes et qu'il n'est pas démontré qu'il serait réalisé par la société Shopping Epinions International elle-même
".

La motivation contenue dans le premier paragraphe n'étonnera pas et correspond à la motivation reprise dans la plupart des décisions jurisprudentielles dans la matière -excepté l'incident "Lucky Comics" (Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 06-18.855, FS-P+B (N° Lexbase : A2918EQ7)-.

Celle du second paragraphe est plus intéressante. A suivre les juges, a contrario, dès lors que la corrélation entre l'annonce publicitaire et le contenu est effectuée par l'opérateur et que, pour ce faire, il a connaissance du contenu, il ne se contente plus d'héberger. En conséquence, selon les juges de la troisième chambre du TGI de Paris, corréler sans connaissance du contenu n'est pas éditer, c'est héberger.

La question est alors de savoir s'il est possible pour un opérateur de corréler une annonce à un résultat sans avoir une connaissance préalable du contenu. La corrélation de l'annonce avec les résultats de recherche pourrait, par exemple, être uniquement effectuée à partir d'un programme informatique sans intervention intellectuelle (mis à part son paramétrage préalable) fonctionnant à partir d'une sélection de mots-clés. Dans ce cas, faut-il considérer que l'opérateur a une connaissance préalable du contenu qui l'empêche de bénéficier du statut d'hébergeur ou, au contraire, considérer qu'il n'en a pas eu connaissance ?

Il semble préférable de considérer que la connaissance préalable du contenu qui doit être retenue est une connaissance intellectuelle, c'est-à-dire effective, de ce dernier et qu'elle ne peut être purement informatisée et donc purement mécanique.

3 - Tronquer n'est pas héberger

Dans un second temps, et c'est ce qui empêchera la reconnaissance du statut d'hébergeur à la société Shopping Epinions International, la société J.M. Weston faisait valoir que cette dernière se livrait à une sélection des informations présentes dans les fiches-produits et qu'ainsi elle ne se contentait pas de les reproduire à l'identique.

Les juges relèvent alors que, la société Shopping Epinions International "opère un tri dans le contenu fourni par les annonceurs en ne mettant pas en ligne l'intégralité des informations. La société Shopping Epinions International ne se contente donc pas d'effectuer des recherches et des extractions purement techniques sur la base des fichiers-produit établis par les annonceurs mais elle opère une sélection des informations qui vont apparaître sur le site shopping.com, ce qui suppose une prise de connaissance et un contrôle préalable du contenu".

Cette motivation met en avant deux points essentiels.

Premièrement, la sélection d'informations au sein d'un contenu élaboré par un tiers est considérée par les juges comme une action éditoriale. Il ne peut en être autrement dans la mesure où cela correspond à la notion même de la détermination des contenus mis à disposition du public. Si je sélectionne, je contrôle nécessairement ce qui sera publié et ce qui ne le sera pas. En conséquence, on ne peut que considérer que je détermine directement l'information à laquelle le public accèdera. Dès lors je ne fais pas qu'héberger. Je tronque donc j'édite puisque je détermine.

Deuxièmement, les juges s'attachent, avec soin, à préciser que les extractions opérées par la société Shopping Epinions International ne sont pas purement techniques. Il faut donc considérer que seules les extractions reflétant une réelle opération intellectuelle de sélection sont des actions éditoriales. Les extractions imposées par des considérations purement techniques ne sont donc pas concernées. Mais qu'est ce qu'une extraction purement technique ? Dans son arrêt rendu le 17 février 2011 la première chambre civile de la Cour de cassation a déjà donné quelques pistes puisqu'il a alors été jugé que le ré-encodage d'un contenu ou encore son formatage à des fins d'optimisation de la capacité d'intégration sur le serveur sont des opérations techniques n'induisant pas une sélection du contenu mis en ligne (4). Il est évident que le ré-encodage ou une simple opération de formatage, c'est-à-dire, d'un point de vue technique la transcription d'une information existante d'un certain format informatique à un autre n'est pas une action éditoriale dans la mesure où, lorsque la jurisprudence s'intéresse à la question de la détermination du contenu, c'est au sens de sa substance et non de la forme technique qu'il revêt.

Pour fonder leur décision les juges se sont livrés à une appréciation très concrète. Ils ont notamment pris en considération le fait qu'au sein de ses conditions générales d'utilisation Shopping Epinions International se voit conférer le droit "de sélectionner, modifier et adapter le contenu de l'annonceur". Les juges en déduisent que "dès lors que la société Shopping epinions International se reconnaît le droit de sélectionner les informations fournies par les fichiers-produits des annonceurs, de les adapter et de les modifier, elle ne limite pas ses prestations à celles d'un hébergeur mais elle joue un rôle actif dans le choix des informations qu'elle porte à la connaissance de internautes". Les juges ont ainsi considéré que la société Shopping Epinions International ne devait pas bénéficier du statut d'hébergeur et de son régime de responsabilité.

Cette conclusion a de quoi surprendre. En effet, il semble qu'elle soit trop abstraite car elle pourrait laisser entendre que dès lors qu'un opérateur se voit conférer un droit d'intervenir sur un contenu, il ne peut plus bénéficier du statut d'hébergeur quant à ce dernier. Pourtant, ce n'est pas parce qu'un opérateur se fait contractuellement reconnaître un tel droit qu'il l'exerce. Ce qui doit uniquement être pris en compte c'est l'action concrète et effective qu'a eu l'opérateur sur le contenu en question et non celle qu'il pourrait avoir car un contrat le lui permet.

En réalité, la prise en considération des droits que se fait contractuellement (en l'espèce dans les conditions générales d'utilisation de son service) reconnaître un opérateur sur un contenu n'est qu'un indice à prendre en compte mais ne doit jamais supplanter l'action réelle de ce dernier sur le contenu mis en ligne. Il semble d'ailleurs que ce soit dans ce sens que les juges de la troisième chambre du TGI de Paris aient utilisé la référence aux conditions d'utilisation du service proposé par Shopping Epinions International.  En effet, il faut relever que le fait que cette dernière se livrait à une sélection des informations au sein des fiches-produits avait été démontré à partir d'une attestation émanant d'une salariée de cette société et que les juges précisent que le droit conféré dans les conditions d'utilisation "confirme que la défenderesse [Shopping Epinions International] ne se livre pas à une simple mise en ligne des informations qui lui sont fournies".

Se basant sur ces différents points, les juges en déduisent que Shopping Epinions International ne peut se voir reconnaître la qualité d'hébergeur et ne peut donc pas bénéficier de son régime aménagé de responsabilité. La présente décision vient donc s'ajouter aux nombreux arrêts qui débattent des conditions du bénéfice de la qualité d'hébergeur et permet de mieux délimiter les contours de l'action d'hébergement par rapport à l'action éditoriale.


(1) Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 06-18.855, FS-P+B (N° Lexbase : A2918EQ7).
(2) Cass. civ. 1, 17 février 2011, n° 09-67.896, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1445GXS).
(3) Cf. notamment, Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 06-18.855, FS-P+B, préc..
(4) Cf. Cass. civ. 1, 17 février 2011, n° 09-67.896, FS-P+B+R+I, préc. : "le ré-encodage de nature à assurer la compatibilité de la vidéo à l'interface de visualisation, de même que le formatage destiné à optimiser la capacité d'intégration du serveur en imposant une limite à la taille des fichiers postés, sont des opérations techniques qui participent de l'essence du prestataire d'hébergement et qui n'induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne".

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Procédure pénale

[Chronique] Chronique de procédure pénale - Mars 2012

Lecture: 13 min

N0622BT9

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par Guillaume Beaussonie, maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de Tours (EA 2116) et du laboratoire Wesford, et Madeleine Sanchez, docteur en droit, membre de l'IDP de Toulouse (EA 1920)

Le 02 Août 2012

Lexbase Hebdo - édition privée vous invite à retrouver la chronique de procédure pénale de Guillaume Beaussonie, maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de Tours (EA 2116) et du laboratoire Wesford, et Madeleine Sanchez, docteur en droit, membre de l'IDP de Toulouse (EA 1920). Un aboutissement, un revirement et deux précisions au programme de cette chronique centrée sur la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Faisant la synthèse de deux précédents arrêts, celle-ci confirme, tout d'abord, la nature juridique très particulière du rappel à la loi (Cass. crim., 17 janvier 2012, n° 10-88.226, F-P+B). Allant, ensuite, à l'encontre de la jurisprudence "Mathéron" et de ses propres positions, la Cour n'accepte plus qu'une personne mise en cause puisse soulever la nullité de la garde à vue qu'une autre personne mise en cause a subie (Cass. crim., 14 février 2012, n° 11-84.694, FS-P+B+R+I). A propos de la décision d'homologation dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, elle indique encore qu'il s'agit alors d'instaurer un débat au fond, et en tire toutes les conséquences (Cass. crim., 22 février 2012, n° 11-82.786, F-P+B). Enfin, en matière d'extradition, la Cour de cassation souligne, en vertu de la Convention de Dublin, l'indifférence de la prescription de l'action publique selon le droit de l'Etat requis (Cass. crim., 8 février 2012, n° 11-88.044, FS-P+B). I - Rappel à la loi : troisième acte
  • La victime d'une infraction peut citer directement devant une juridiction pénale une personne qui a préalablement fait l'objet d'un rappel à la loi à raison des mêmes faits (Cass. crim., 17 janvier 2012, n° 10-88.226, F-P+B N° Lexbase : A8997IBT)

Confrontée de nouveau à une personne ayant fait l'objet d'une mesure de rappel à la loi puis, pour les mêmes faits et dans le cadre de la même procédure, d'un renvoi devant le tribunal de police et d'une condamnation par ce dernier, la Chambre criminelle de la Cour de cassation confirme sa position de principe selon laquelle il résulte de l'article 41-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7207IMU) que "le Procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, prescrire l'une des obligations prévues par ce texte, sans que l'exécution de cette obligation éteigne l'action publique" (1).

Pour la Cour de cassation, il n'existe définitivement pas d'obstacle à ce que soient cumulées l'une des mesures de l'article 41-1 du Code de procédure pénale et l'action pour l'application des peines. On pourrait alors se dire que les choses sont désormais claires et, qu'en conséquence, il n'apparaît plus vraiment nécessaire de s'y intéresser. La situation dans laquelle s'inscrit cette solution de principe permet cependant de progresser encore un peu dans l'appréhension de la nature juridique du rappel à la loi.

En effet, en l'espèce, il est notable que le mis en cause à qui les obligations légales ont été rappelées a, à la suite de cela, bien logiquement bénéficié d'un classement sans suite. Ce n'est alors que parce que la victime l'a cité directement devant le tribunal de police qu'il a, malgré le signal pénal déjà reçu, fini par être renvoyé devant cette juridiction puis, à l'issue, par être condamné.

Pour la Cour de cassation, il ne s'agit que de tirer toutes les conséquences de l'inaptitude du rappel à la loi à éteindre l'action publique, puisque celle-ci "implique que le plaignant peut [encore] mettre celle-ci en mouvement".

Le rappel à la loi, ainsi que toutes les autres obligations contenues par l'article 41-1 du Code de procédure pénale, n'est donc pas exclusivement une mesure destinée à préparer la décision qui sera prise par le ministère public de poursuivre ou de classer sans suite. Il l'est sans doute en majeure partie (2) et, en principe, son effectivité doit plutôt conduire à opter pour le classement sans suite, ce qui a été le cas en l'espèce. Toutefois, il ne faut pas oublier que ces mesures ont aussi leurs buts propres : "assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou contribuer au reclassement de l'auteur des faits" précise l'article 41-1 du Code de procédure pénale.

Dès lors, n'est-ce pas la seule référence à ces buts -déterminés et définis par la loi- qui devrait commander la suite procédurale à octroyer à un dossier lorsque le choix a préalablement été fait, par le ministère public, de recourir à ces mesures ? Plus encore, n'est-ce pas à partir de ces buts que l'on devrait, dès le départ, faire le choix, à la fois, de recourir à l'une des mesures de l'article 41-1 du Code de procédure pénale et de retenir la mesure la plus appropriée au dossier ?

En l'occurrence, c'est-à-dire dans une affaire où des violences sont en cause, la victime sanctionne en quelque sorte le mauvais choix fait par le ministère public, qui aurait peut-être dû privilégier une mesure de nature réparatrice à une mesure purement moralisatrice. Ne disposant plus que de la possibilité de déclencher le procès pénal pour parvenir à cette fin, -du moins si elle souhaite emprunter la voie pénale, ce qui est son droit-, la victime a fini par le faire, rien ne l'en empêchant juridiquement. Le but de réparation a fini par être atteint, mais pas celui de rendre la justice pénale plus rapide.

Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, CRDP Tours (EA 2116), Laboratoire Wesford

II - Vers une autonomisation des règles relatives à la garde à vue ?

  • Nul n'a qualité pour soulever la nullité de la garde à vue d'autrui (Cass. crim., 14 février 2012, n° 11-84.694, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3688ICL)

Il devient difficile d'écrire sur la garde à vue, tant la réforme du 14 avril 2011 (N° Lexbase : L9584IPN) paraît susciter plus de questions qu'elle n'a apporté de solutions. Seule certitude : il existe désormais un droit propre à la garde à vue qui conduit, de plus en plus, à autonomiser cette dernière de toutes les autres mesures d'enquête, fussent-elles également restrictives de liberté. L'un des effets néfastes de cette disjonction du droit de la garde à vue des autres règles relatives à l'enquête est de ne plus savoir si ce qui vaut pour celles-ci vaut également pour celui-là, et inversement.

En l'espèce, une telle interrogation s'est posée à propos de la jurisprudence "Mathéron", en vertu de laquelle une personne est en droit de soulever la nullité d'un acte d'enquête qu'elle n'a pas personnellement subi, mais dont elle a démontré qu'il lui causait un grief. La règle ainsi posée, inspirée par le notoire arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme "Mathéron contre France", rendu le 29 mars 2005 (CEDH, 29 mars 2005, req. 57752/00 N° Lexbase : A6255DH7), a été assez rapidement reçue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, qui l'a appliquée depuis dans de nombreux arrêts, à commencer par un arrêt du 7 décembre 2005 (3).

Pour autant, doit-elle être effective en ce qui concerne la nouvelle garde à vue ?

Dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt du 14 février 2012, condamné en première instance, un voleur interjetait appel et soulevait, à cette occasion, la nullité de la garde à vue de son receleur. Le recours apparaissait pertinent puisque, d'une part, l'audition de son co-prévenu l'avait incriminé et, d'autre part, ce dernier n'avait bénéficié ni de l'assistance d'un avocat, ni de la notification de son droit au silence. Il n'était donc guère étonnant que la cour d'appel ait fini par donner raison au requérant, du moins si l'on considère que le droit positif est resté dans la droite ligne de la jurisprudence "Mathéron", aucun arrêt récent de la Cour de cassation n'inclinant à penser autrement.

Au visa des articles 171 (N° Lexbase : L3540AZ7) et 802 (N° Lexbase : L4265AZY) du Code de procédure pénale -le premier de ces articles n'ayant même pas été invoqué par l'auteur du pourvoi- la Cour de cassation sanctionne pourtant la cour d'appel, au motif que "la méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est subordonnée la garde à vue ne peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation d'acte ou de pièce de procédure que par la partie qu'elle concerne".

Il s'agit sans aucun doute d'un revirement, la Cour de cassation mobilisant autrefois ces mêmes articles -il est vrai avec le puissant renfort normatif de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme- pour dire exactement le contraire : "le requérant à la nullité peut invoquer l'irrégularité d'un acte de la procédure concernant un tiers si cet acte, illégalement accompli, a porté atteinte à ses intérêts" (4).

La seule question qui demeure est donc celle de la portée de ce revirement.

D'un côté, en effet, il peut être avancé que ce revirement se limite à la garde à vue : l'attendu de principe ne se réfère qu'à cette mesure, et les droits du mis en cause -notamment ses droits au silence et à une assistance- trouvent une intensité si particulière durant cette mesure, que l'on pourrait croire qu'ils ne s'appliquent qu'à cette rétention et que durant cette rétention, ce qui est faux. Une telle interprétation a pour intérêt, à la fois, de limiter l'atteinte portée à la jurisprudence "Mathéron" et d'expliquer en quoi tout autre que le gardé à vue ne peut disposer de la qualité à agir en nullité de sa garde à vue, puisqu'il ne peut être considéré comme le titulaire des droits en question. La Cour de cassation ne dit pas autre chose lorsqu'elle conclut que "le demandeur était sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d'un droit qui appartient en propre à une autre personne".

D'un autre côté, cependant, les règles visées en l'occurrence par la Chambre criminelle de la Cour de cassation sont les plus générales qui soient, et l'on ne trouve pas en leur sein une règle propre à la garde à vue. Au surplus, au-delà des considérations qui précèdent, une personne peut avoir tout autant d'intérêt à annuler la garde à vue d'autrui, que la perquisition ou les écoutes téléphoniques subies par quelqu'un d'autre. Dès lors, interdire son action relativement à l'une quelconque de ces procédures conduit, bien logiquement, à le faire pour l'ensemble de ces procédures.

Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, CRDP Tours (EA 2116), Laboratoire Wesford

III - Précisions sur l'homologation d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

  • L'homologation d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité instaurant un débat au fond, toute personne est forclose à présenter postérieurement une exception de nullité de la procédure antérieure (Cass. crim., 22 février 2012, n° 11-82.786, F-P+B N° Lexbase : A3094IDX)

A la différence de son homologue civil, le Code de procédure pénale n'a pas vraiment bénéficié de la plume pédagogue de quelques grands juristes et, en conséquence, il ne contient pas de définitions et de classifications des différents actes qui jalonnent le procès qu'il encadre. Il n'est alors pas toujours facile d'identifier la nature et le régime juridiques de certains grands mécanismes procéduraux propres au droit pénal sauf, précisément, à les comparer avec ceux qui paraissent propres au droit civil.

Un tel problème se pose notamment pour la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité et, en son sein, à propos de son homologation nécessaire par le juge (5).

En l'espèce, une personne comparaissait suivant cette procédure devant le président du tribunal correctionnel lequel, par ordonnance, homologuait la peine proposée par le procureur de la République. Le prévenu et le ministère public interjetaient alors appel de cette ordonnance, le premier soulevant, à cette occasion, la nullité de sa garde à vue, ce qu'il n'avait pas fait lors de l'homologation. La cour d'appel considérait néanmoins que cette exception de nullité était recevable, la simple audition du prévenu assisté de son avocat par le juge ne pouvant, selon elle, être assimilée à une défense au fond, au sens de l'article 385 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3791AZG). Dès lors, les juges d'appel en déduisaient qu'il leur appartenait de se prononcer sur les moyens de nullité ainsi soulevés devant eux avant toute défense au fond et, se prononçant, en concluaient qu'il convenait d'annuler la garde à vue et, conséquemment, de relaxer le prévenu.

La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement, précisant que "s'instaure un débat au fond devant le président du tribunal correctionnel, lequel, après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, s'il décide d'homologuer la proposition du Procureur de la République, constate notamment que la personne, en présence de son avocat, reconnaît les faits reprochés et accepte la ou les peines proposées".

Autrement dit, même si l'office du juge pénal se trouve nécessairement atténué lors d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité -c'est d'ailleurs un peu le but d'une telle procédure- la comparution devant le juge du siège dans l'optique d'une homologation n'en instaure pas moins un véritable débat au fond, dont l'objet est de vérifier, à la fois, la légalité et l'opportunité de l'accord passé entre les parties (6).

A l'instar d'une procédure gracieuse, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité fait intervenir un juge qui accomplit un acte de juge : "d'une part, le juge du siège vérifie la conformité de la procédure dont il est saisi aux exigences du Code de procédure pénale. Dès lors, il s'assure de la concordance de la situation factuelle à la règle de droit. D'autre part, cette ordonnance, émanant d'un juge tiers, est indispensable au succès de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité" (7).

En conséquence, en vertu de l'article 385 du Code de procédure pénale, il n'est plus possible, en appel, de faire droit à une demande de nullité d'un acte de procédure antérieur à l'ordonnance d'homologation.

Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé, CRDP Tours (EA 2116), Laboratoire Wesford

IV - Quelques précisions en matière d'extradition

  • Obligation pour l'avocat de présenter des observations en français lors de l'audience et indifférence de la prescription de l'action publique selon le droit de l'Etat requis (Cass. crim., 8 février 2012, n° 11-88.044, FS-P+B N° Lexbase : A8787ICG)

Le mandat d'arrêt européen étant aujourd'hui l'une des traductions de principe de la coopération judiciaire entre les Etats membres de l'Union européenne, les demandes d'extradition entre lesdits Etats se raréfient.

Néanmoins, en France, le mandat d'arrêt européen n'est pas applicable aux faits commis antérieurement au 1er novembre 1993, pour lesquels seule la procédure d'extradition peut permettre la remise, par un Etat requis, d'une personne poursuivie ou condamnée par un Etat requérant. Compte tenu de l'ancienneté des faits concernés dans de telles situations, le débat porte alors parfois sur la question de la prescription de l'action publique ou de la peine.

Tel est justement l'un des problèmes soulevés par l'affaire soumise à l'appréciation de la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 8 février 2012.

Deux textes relatifs à la prescription sont susceptibles de recevoir application et se contredisent.

D'une part, l'article 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, adoptée par le Conseil de l'Europe, prévoit que "l'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise".

D'autre part, la Convention de Dublin du 27 septembre 1996, adoptée par les instances de l'Union européenne afin de renforcer la coopération entre les Etats concernés, en accélérant et en simplifiant les procédures d'extradition des résidents sur le territoire de l'Union européenne, complète les silences de la Convention européenne d'extradition, et s'y substitue pour les points déjà envisagés par la première. Or, l'article 8 de la Convention de Dublin dispose que l'extradition ne peut pas être refusée au motif qu'il y a prescription de l'action ou de la peine selon la législation de l'Etat membre requis. La prescription de l'Etat requérant doit, seule, être prise en considération. L'entrée en vigueur de cette convention étant tributaire des diligences des Etats membres de l'Union européenne, la Convention de Dublin n'est entrée en vigueur en France que le 1er juillet 2005, et en Pologne, Etat requérant dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, le 18 juillet 2006.

En l'espèce, les faits reprochés à la personne faisant l'objet de la demande d'extradition consistaient en un meurtre, commis le 30 octobre 1992 en Pologne, et en un vol avec effraction et un recel, commis dans la nuit du 5 au 6 novembre 1992 dans le même Etat. Devant la chambre de l'instruction, la défense du suspect arguait de ce qu'en l'absence d'acte interruptif de prescription entre le 7 novembre 1998 et le mois de mars 2002 (8), selon la loi française, la prescription de l'action publique était acquise le 7 novembre 2001 pour les deux délits. Elle était donc largement acquise lorsque entrait en vigueur la Convention de Dublin dans les rapports entre la France et la Pologne, soit le 18 juillet 2006. Or, en vertu de la règle selon laquelle une loi nouvelle ne peut faire renaître une prescription déjà acquise (9), l'article 8, alinéa 1er, de ladite Convention, qui oblige désormais à ignorer les règles de prescription de l'Etat requis, ne pouvait recevoir application en l'espèce.

Cette solution, pourtant justement argumentée, a été rejetée par la chambre de l'instruction. Cette dernière a rendu un avis favorable à l'extradition au motif que "ne peut pas être opposé à l'application de cette disposition le principe de la non rétroactivité de la loi pénale, dès lors que les effets défavorables d'une modification d'un régime de prescription ne peuvent s'analyser en une peine au sens de l'article 7 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme". Ce faisant, la chambre de l'instruction fait rétroagir la loi nouvelle, alors que celle-ci ne s'applique en principe qu'aux situations en cours au jour de son entrée en vigueur. On ne peut considérer comme encore en cours une situation qui s'est achevée par l'effet des règles de prescription.

Dans l'arrêt du 8 février 2012, la Cour de cassation ne s'intéresse pas à cette divergence d'interprétation. Elle déclare irrecevable le pourvoi fondé sur ce moyen, l'article 696-15, alinéa 5, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0815DYT) réservant à une hypothèse unique l'ouverture du pourvoi en cassation. En effet, selon ce texte, "le pourvoi formé contre un avis de la chambre de l'instruction ne peut être fondé que sur des vices de forme de nature à priver cet avis des conditions essentielles de son existence légale". Le sens retenu pour l'expression "vices de forme" laisse peu de place à la critique des avis rendus par les chambres d'instruction sur les demandes d'extradition qui leur sont soumises. L'intervention judiciaire est ainsi fortement encadrée dans un domaine qui relève en principe du politique.

L'autre problème posé par cette même décision était celui de l'intervention d'un avocat étranger au soutien de la défense de son client, également étranger. Etant accompagné d'un avocat français, l'avocat étranger a cru pouvoir s'exprimer à l'audience dans sa langue maternelle, considérant que ses propos seraient traduits par l'interprète présent pour son client. La Cour de cassation rejette cette possibilité et rappelle, en s'appuyant sur de nombreux fondements, que le français est la seule langue de procédure admise devant les juridictions répressives françaises. Le bénéfice de l'interprète ne profite qu'aux particuliers.

Madeleine Sanchez, docteur en droit, IDP UT1 (EA 1920)


(1) Cass. crim., 21 juin 2011, n° 11-80.003, F-P+B (N° Lexbase : A5150HUB), nos obs. in Chronique de procédure pénale - Juillet 2011, Lexbase Hebdo n° 450 du 28 juillet 2011 - édition privée (N° Lexbase : N7203BSL) ; Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 11-80.419, F-P+B (N° Lexbase : A1988H4E), nos obs. in Chronique de procédure pénale - Janvier 2012, Lexbase Hebdo n° 468 du 12 janvier 2012 - édition privée (N° Lexbase : N9557BSR).
(2) C'est la raison pour laquelle, notamment, la prescription de l'action publique est suspendue durant la procédure alors mise en oeuvre : cf. C. pr. pén., art. 41-1 (N° Lexbase : L7207IMU). On suspend le temps durant lequel aucune décision n'a encore à être prise.
(3) Cass. crim., 7 décembre 2005, n° 05-85.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A1792DMC]. Voir cependant, précédemment, Cass. crim., 15 janvier 2003, n° 02-87.341 (N° Lexbase : A8209A4S) : "toute personne mise en examen dont les conversations téléphoniques ont été enregistrées et retranscrites a qualité, au sens de l'article 171 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3540AZ7), pour contester la régularité de ces mesures".
(4) Cass. crim., 6 septembre 2006, n° 06-84.869 (N° Lexbase : A3669DRC).
(5) C. pr. pén., art. 495-7 et suivants (N° Lexbase : L3860IRE).
(6) Voir les Directives du Conseil constitutionnel à cet égard, dont la Cour de cassation tire en l'espèce toutes les conséquences : il appartient au juge de l'homologation "de vérifier la qualification juridique des faits et de s'interroger sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur" ; "il pourra refuser l'homologation s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire" (Cons. const., décision n° 2004-492, du 2 mars 2004, loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, § 107 N° Lexbase : A3770DBA).
(7) A. Botton, Contribution à l'étude de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, Bibl. sc. crim., t. 49, LGDJ, 2010, n° 301.
(8) Les actes interruptifs de prescription à prendre en considération sont ceux accomplis par les autorités compétentes de l'Etat requérant. En effet, la personne en fuite est en principe cachée sur le territoire de l'Etat requis, qui ignore les soupçons dont elle fait l'objet. Il est donc dans l'impossibilité de procéder à des actes interruptifs, et n'en aurait de toute façon pas compétence dans la plupart des hypothèses concernées. Or, le mécanisme de la prescription sanctionne l'inertie fautive, non l'ignorance d'une situation dissimulée. Elle ne peut donc sanctionner que l'éventuel défaut de diligence des autorités compétentes, c'est-à-dire celles de l'Etat requérant.
(9) C. pén., art. 112-2, alinéa 4 (N° Lexbase : L0454DZT).

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Mars 2012

Lecture: 11 min

N0600BTE

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III

Le 08 Mars 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en procédures fiscales réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Est commenté, tout d'abord, un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, par lequel le juge judiciaire précise dans quel cas il est considéré que la déclaration de succession ne précise pas suffisamment le contenu du patrimoine transmis. Cette précision est d'importance pour connaître le délai de prescription dont bénéficie l'administration pour rectifier cette déclaration : trois ans si tous les éléments de contrôle sont dans la déclaration, dix ans si l'administration doit rechercher, en externe, des informations complémentaires (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-10.934, F-P+B). Ensuite, l'auteur revient sur l'instauration d'une procédure d'appel contre une ordonnance autorisant des visites et saisies. Tirant les conséquences de l'arrêt "Ravon" rendu par la CEDH, le législateur français a créé une procédure d'appel de ces ordonnances devant le premier président de la cour d'appel. La loi "LME" a modulé les effets dans le temps de cette institution. Le Conseil d'Etat valide cette disposition (CE 8° et 3° s-s-r., 1er février 2012, n° 339387, publié au recueil Lebon et n° 339388, inédit au recueil Lebon). Enfin, cette chronique revient sur l'affaire "HSBC", dans laquelle la banque, sise à Genève, a subi un vol de pièces qui ont été transmises au parquet, qui les a lui-même envoyées à l'administration fiscale, qui a, sur leur fondement, pratiqué des visites et saisies chez les contribuables désignés par ces pièces. Allant plus loi que les premiers juges, la Chambre commerciale de la Cour de cassation décide que les ordonnances prises sur leur fondement ne sont pas valables, les pièces n'ayant pas une origine licite, peu importe qu'elles proviennent du procureur de la République (Cass. com., 31 janvier 2012, 2 arrêts, n° 11-13.097, FS-P+B et n° 11-13.098, F-D).
  • Prescription : le délai allongé s'applique en cas de dissimulation de la consistance du patrimoine objet de la succession dans la déclaration servant au paiement des droits d'enregistrement afférents (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-10.934, F-P+B N° Lexbase : A8844IB8)

Un contribuable, décédé le 24 juin 2000, laisse comme héritiers trois filles et un petit-fils venant en représentation de son fils. Une déclaration de succession a été déposée le 29 décembre 2000.

Le 29 septembre 2005, l'administration a réintégré dans l'actif successoral taxable deux donations dont les héritiers avaient bénéficié quelques jours avant le décès. L'administration a notifié une proposition de rectification dans ce sens, elle a mis en recouvrement les droits correspondants avec les intérêts de retard et une majoration de 80 % pour abus de droit. Toutes choses que contestent les héritiers.

Ceux-ci font valoir que les donations apparaissaient "de manière directe et certaine" dans la déclaration de succession. Dans cet acte il était, en outre, porté la date des donations, les montants transmis ainsi que la part revenant à chaque bénéficiaire. L'administration soutenait que la déclaration de succession ne permettait pas, à elle seule, de connaître la consistance des biens dépendant de l'hérédité.

Les héritiers voulaient se prévaloir du 1er alinéa de l'article L. 180 du LPF (N° Lexbase : L8953IQN) qui dispose que "pour les droits d'enregistrement [...] le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration...". L'administration se fondait sur le 2ème alinéa du même article, lequel prévoit que "ce délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures". Cette dernière disposition est affaire de circonstances, les recherches devant être faites en dehors de l'administration (Cass. com., 15 juillet 1992, n° 90-15.980 N° Lexbase : A7342CT4 ; LPA, 1992, 87, note B.V. pp. 5 -6).

Une succession s'ouvre par le décès qui constitue le fait générateur de l'impôt (Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14.353, FS-PB N° Lexbase : A2176EYA ; RJF, 2010, 10, comm. 968).

Le droit de reprise est régi par la prescription décennale, ayant pour point de départ la date du décès, tant pour les droits d'enregistrement que pour les pénalités accessoires, lorsque le contribuable n'a pas fait figurer certains biens dans la déclaration de succession (Cass. com., 16 décembre 1997, n° 96-11.596, inédit N° Lexbase : A5075CUI ; RJF, 1998, 4, comm. 485).

Autre exemple, la déclaration de succession sur laquelle l'héritier a fait figurer la moitié du solde créditeur d'un compte joint n'ouvre pas droit au délai abrégé du droit de reprise car, l'administration doit procéder à des recherches ultérieures qui lui sont extérieures pour rétablir la déclaration souscrite (Cass. com., 27 juin 1995, n° 93-19.898, publié N° Lexbase : A1296ABM ; Defrénois, 1997, art. 36496, note Chappert). D'une façon générale, l'indication inexacte dans une déclaration de succession du solde du livret d'épargne peut faire l'objet d'une rectification dans un délai de prescription de dix ans à compter du jour du décès (Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-11.303, publié N° Lexbase : A5541ABT ; JCP, 1993, éd. N, 27, note Destame, pp. 193 - 194).

En revanche, la prescription abrégée est opposable à l'administration, en cas de déchéance du paiement différé à la suite de la cession d'un immeuble successoral (Daniel Faucher, Déchéance du bénéfice du paiement différé et délai de prescription, JCP éd. N, 1998, n° 52, pp. 1847 - 1848).

En l'espèce il est établi que le de cujus a fait deux remises d'argent, deux jours avant le décès, soit le 22 juin 2000, date à laquelle a été dressé, à 21h30, un acte de donation. Tout ceci traduit une certaine précipitation. Il fut nécessaire que l'administration procède à des investigations particulièrement développées pour démontrer l'utilisation frauduleuse d'une procuration générale. De plus il fallut que l'administration investigue pour démontrer que c'est sur les fonds du de cujus que les droits de donation avaient été payés, de sorte que les donations comprenaient en réalité, en plus des sommes données, les droits réglés à cette occasion.

En outre l'administration a remis en cause l'existence des donations litigieuses en se fondant sur le fait que celles-ci résulteraient d'un usage abusif d'un mandat de gestion confié à l'un des héritiers. L'administration a souhaité faire application de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU) ; selon lequel "ne peuvent être opposés à l'administration des impôts des actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses [...] qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus [...]. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse". Il est à noter que les contribuables n'ont pas demandé la saisine pour avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (LPF, art. L. 64).

Les héritiers sur ce point faisaient valoir qu'indépendamment de la validité du mandat, il convenait de rechercher s'il existait un "animus donandi" qui résulterait des faits, permettant d'établir que le défunt souhaitait, par une volonté librement consentie et affirmée, transmettre ses biens à titre gratuit. A l'évidence ce moyen n'était pas dénué de fondement. La cour d'appel a entaché sa décision de défaut de réponse en violation de l'article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2694AD7).

Mais la Cour de cassation a jugé que le grief fondé sur l'article L. 64 précité n'était pas de nature à permettre l'admission du pourvoi qui, finalement, a fait l'objet d'un rejet.

  • Visites et saisies : une nouvelle fois, la mise en place de la procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel et son application rétroactive est validée (CE 8° et 3° s-s-r., 1er février 2012, deux arrêts, n° 339387, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6670IBN et n° 339388, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6671IBP)

Une SARL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et son gérant de fait, salarié de l'entreprise, a subi un examen contradictoire de situation fiscale personnelle. A l'occasion de l'examen des comptes bancaires de ce dernier, il a été découvert que des recettes de la société y avaient été encaissées. L'administration a regardé ces sommes comme étant des revenus imposables entre les mains du gérant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Le contribuable n'a pas contesté les faits. Il s'est limité à faire valoir que l'administration aurait due procéder à l'examen critique des comptes bancaires. Ce qui semble avoir été fait par l'administration.

La société a fait l'objet d'une procédure de visite domiciliaire et de saisie, au sens de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2813IPU), qui est contestée. Plus précisément c'est la rétroactivité de la procédure d'appel, prévue par la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), qui est mise en cause.

Le gérant manifeste son désaccord concernant les rehaussements au motif que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société ainsi que l'opération de visite domiciliaire, dont il conteste les modalités de l'appel, rendraient inopérants les rehaussements à son encontre.

C'est l'occasion pour le Conseil d'Etat de rappeler qu'après l'arrêt "Ravon" de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 21 février 2008, req. n° 18497/03 N° Lexbase : A9979D4D ; Droit fiscal, 2008, 12, comm. 227, note Ravon et Louit) le législateur a introduit par l'article 164 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 des modifications substantielles à l'article L. 16 B. Il est prévu pour les opérations pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis, ou réceptionné, antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours. Les ordonnances rendues par ce dernier sont susceptibles d'un pourvoi en cassation.

La loi du 4 août 2008 a introduit la possibilité d'un appel devant le premier président de la cour d'appel, elle ne constitue pas une immixtion du législateur dans un litige en cours et ne contrevient pas à la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales (Cass. com., 9 mars 2010, n° 09-14.707, F-P-B N° Lexbase : A1858ETY ; RJF, 2010, 6, comm. 601).

La loi a prévu que l'appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et saisie ayant permis, comme dans l'affaire qui nous est soumise, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies. L'article précité fait obligation à l'administration d'informer les personnes, visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite, de l'existence de ces voies de recours, et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, éventuellement, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations. A souligner que cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces procédures.

Le législateur a créé, à titre transitoire, la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visites, ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 précité, sans priver les contribuables d'aucune espérance légitime et, par conséquent, sans porter atteinte à un bien au sens de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1625AZ9).

C'est à bon droit que la Cour de cassation a jugé que la loi de modernisation de l'économie ne constitue pas une loi de validation des procédures fondées sur l'article L. 16 B du LPF dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi (Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-15.014, F-D N° Lexbase : A5324HPU). Pour la Cour, la tardiveté de l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure d'appel des ordonnances autorisant l'exercice du droit de visite et de saisie ne fait pas obstacle au droit au recours effectif (Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-15.888, FS-P+B N° Lexbase : A4043HMP).

En conséquence, c'est sans surprise que le Conseil d'Etat valide la mise en place de la procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel, et son application rétroactive par la loi de modernisation de l'économie.

Dans ces conditions, le pourvoi de la SARL et celui de son gérant ont été rejetés.

  • Vol de pièces bancaires : annulation de l'ordonnance de visites et saisies motivée par ces pièces, même si elles ont été transmises à l'administration par le ministère public (Cass. com., 31 janvier 2012, deux arrêts, n° 11-13.097, FS-P+B N° Lexbase : A9002IBZ et n° 11-13.098, F-D N° Lexbase : A8843IB7)

La Cour de cassation vient de mettre un point final à une affaire de fichiers volés qui fit grand bruit. Des fichiers informatiques appartenant à la banque "HSBC Private Bank Genève" après avoir été volés en 2006 et en 2007, ont été saisis, puis transmis par le parquet à l'administration fiscale, en application de l'article L. 101 du LPF (N° Lexbase : L7897AE9), qui fait obligation à l'autorité judiciaire de communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle a pu recueillir de nature à faire présumer une fraude.

L'autorité judiciaire est tenue, en application de ces dispositions, de communiquer à l'administration les renseignements en sa possession (CE 9° et 8° s-s-r., 28 novembre 1980, n° 14858, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8892AI8 ; Droit fiscal, 1981, comm. 1121). Celle-ci apprécie souverainement si les renseignements et les pièces qu'elle détient sont, ou non, au nombre des informations qui sont de nature à faire présumer une fraude fiscale (CE 8° et 9° s-s-r., 10 juin 1998, n° 168322, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7339ASM ; Droit fiscal, 1998, comm. 780, concl. Bachelier, Bulletin des conclusions fiscales, 1998, 4).

La nullité éventuelle de pièces ou d'actes établis dans une procédure de droit commun, mais régulièrement communiqués à l'administration fiscale en application de l'article L. 101 susvisé et versés dans une procédure de fraude fiscale ne peut pas être utilement invoquée (Cass. crim., 19 janvier 2000, n° 98-86.728, publié N° Lexbase : A0944CIS ; RJF, 2000, 6, comm. 855).

L'administration a présumé l'existence d'une fraude fiscale, par des clients résidents français, de nature à justifier des visites domiciliaires. Le juge des libertés et de la détention a délivré une ordonnance en ce sens le 15 juin 2010. Mais, par une ordonnance du 8 février 2011, le premier président de la cour d'appel l'a annulée.

Rappelons que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée. L'appréciation souveraine du juge conduit à écarter le moyen tiré de ce que le juge a ignoré certaines pièces, qu'il n'a pas jugé indispensables pour autoriser la visite domiciliaire et la saisie (Cass. com., 22 février 2000, n° 98-30.234, inédit au Bulletin N° Lexbase : A5131CYP ; Revue de jurisprudence fiscale, 2000, 5, comm. 640).

Les contribuables concernés sont parvenus à démontrer que l'administration avait exploité des fichiers informatiques avant que le parquet ne lui transmette, tout à fait officiellement, les informations.

Le premier président a motivé sa décision de la façon suivante : "qu'en tout état de cause, il s'agit de données volées, la réalité de la commission de ce vol ayant été confirmée par le ministre du Budget [...] ; que l'origine de ces pièces est donc illicite, que l'administration en ait eu connaissance par la transmission du procureur de la République ou antérieurement à cette date" (CA Paris, pôle 5, ch. 7, 8 février 2011, n° 10/14507 N° Lexbase : A2946HLP, note D. Ravon, A. Marsaudon, Le premier président de la cour d'appel de Paris sonne le glas de l'aventure des fichiers volés HSBC, Droit fiscal, 2011, 12, p. 3).

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de préciser les choses. Lorsqu'il est saisi en appel d'une ordonnance autorisant une visite domiciliaire, le premier président doit vérifier que toutes les pièces produites par l'administration, dans sa demande d'autorisation, ont une origine licite, si toutefois ce moyen est invoqué. Le cas échéant, il doit prononcer l'annulation de l'ordonnance lorsqu'il apparaît qu'il y a eu production de pièces illicites. Tel est le cas lorsque les pièces ont été obtenues par le recours irrégulier au droit de communication (Cass. com., 7 avril 2010, n° 09-15.122, FS-P+B+R N° Lexbase : A5903EU8 ; Droit fiscal, 2010, 22, comm. 355, note Ravon). La Cour a déjà décidé que le juge ne peut se référer qu'aux documents produits par l'administration demanderesse et détenus par elle de manière apparemment licite (Cass. com., 27 novembre 1991, n° 90-10.607, n° 90-1198.090 et n° 90-10.608, publié N° Lexbase : A7019C8H ; Dalloz, 1992, 122, concl. Jeol, note Texidor). Le moyen qui ne précise pas quelle pièce, parmi celles visées par l'ordonnance, n'aurait pas une origine apparemment licite est irrecevable (Cass. com., 24 mai 1994, n° 92-20.017 N° Lexbase : A6162CZA, n° 92-20.018 N° Lexbase : A6163CZB et n° 92-20.019 N° Lexbase : A6164CZC ; RJF, 1994, 1994, 10, comm. 1089). Autrement dit, il suffit que l'ordonnance dresse la liste des pièces sur lesquelles elle se fonde et mentionne leur origine apparemment licite.

En l'espèce, la Cour de cassation a confirmé l'ordonnance rendue par le premier président de cour d'appel de Paris. En effet, elle a jugé que c'est à bon droit qu'après avoir constaté que les documents produits par l'administration avaient une origine illicite, car ils provenaient d'un vol, que le premier président a annulé les autorisations obtenues, confirmant qu'il importait peu que l'administration en ait eu connaissance par la transmission du procureur de la République ou antérieurement.

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