Le Quotidien du 25 octobre 2018

Le Quotidien

Assurances

[Brèves] La radiation d’un courtier d’assurance, du registre unique des intermédiaires d’assurance, fait-elle obstacle au paiement des commissions dues par l’entreprise d’assurance sur les contrats en cours ? La réponse est oui

Réf. : Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 16-16.743, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5931YH7)

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N6160BXG

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 24 Octobre 2018

► La rémunération de l’activité d’intermédiation du courtier d’assurance est cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l’ORIAS, y compris lorsque, comme en l’espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l’apport des contrats ;

il en résulte que la radiation d’un courtier du registre unique des intermédiaires d’assurance fait obstacle au paiement des commissions dues par l’entreprise d’assurance sur les contrats en cours.

Tel est l’enseignement délivré par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 24 octobre 2018 (Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 16-16.743, FS-P+B+I N° Lexbase : A5931YH7).

 

En l’espèce, un courtier, immatriculé au registre unique des intermédiaires d’assurance et inscrit dans la catégorie «courtier d’assurance», avait distribué, jusqu’à sa mise en liquidation judiciaire par jugement du 6 novembre 2008, des contrats d’assurance proposés par une entreprise d’assurance ; elle avait été radiée de ce registre pour cessation d’activité, par l’Organisme pour le registre des intermédiaires d’assurances (l’ORIAS), le 6 mars 2009 ; soutenant que les dispositions combinées des articles L. 512-2, alinéa 1 (N° Lexbase : L3948LKG), R. 511-2-I, 1° (N° Lexbase : L5502LKY), et R. 511-3, II (N° Lexbase : L5501LKX), du Code des assurances lui interdisaient, sous peine de sanctions pénales et disciplinaires, de rémunérer un intermédiaire non immatriculé, l’entreprise d’assurance avait suspendu l’activité des deux comptes apporteurs du courtier et interrompu le paiement des commissions dues sur les contrats d’assurance en cours ; le liquidateur judiciaire de ce dernier, avait assigné l’entreprise d’assurance en paiement des commissions devenues exigibles à compter de la date de la radiation. Le liquidateur faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes. Il n’obtiendra pas gain de cause.

 

En effet, ainsi que le rappelle la Cour suprême, les articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1er, du Code des assurances, dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006, applicable en la cause (N° Lexbase : L7053HKG), dont le second renvoie au premier la désignation des intermédiaires autorisés à recevoir une rémunération au titre de l’activité d’intermédiation en assurance, ont été pris en application du IV) de l’article L. 511-1 du même code qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance (N° Lexbase : L5277HDS), a confié à un décret en Conseil d’Etat la détermination des catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer une telle activité.

Le I) de l’article L. 511-1 (N° Lexbase : L3942LK9) assure la transposition, en droit interne, notamment, des points 5 et 6, de l’article 2 de la Directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l’intermédiation en assurance, qui définissent l’intermédiaire d’assurance et l’intermédiaire de réassurance ; ces définitions sont énoncées aux fins d’application du dispositif d’immatriculation obligatoire des intermédiaires institué par l’article 3, point 1, de la Directive, immatriculation que le point 3 du même article subordonne au respect des exigences professionnelles posées par l’article 4, paragraphe 1 ; ces exigences recouvrent l’obligation, pour l’intermédiaire, de posséder les connaissances et aptitudes appropriées, de répondre à certaines conditions d’honorabilité, d’être couvert par une assurance de responsabilité professionnelle et d’offrir des garanties de représentation des fonds qu’il reçoit des assurés ou pour le compte de ceux-ci.

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la Directive, prise dans son ensemble, poursuit, ainsi qu’énoncé aux considérants 6 à 8 de celle-ci, un double objectif, soit, en premier lieu, l’achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l’assurance, par l’élimination des entraves à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, en second lieu, l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine (CJUE, 17 octobre 2013, aff. C-555/11, point 27 N° Lexbase : A9317KMZ) ; une interprétation de ses dispositions qui permettrait à une certaine catégorie de personnes d’offrir des services d’intermédiation en assurance sans remplir les exigences professionnelles prévues à l’article 4, paragraphe 1, porterait atteinte à cette double finalité, d’une part, en créant des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l’assurance, contrevenant ainsi à l’objectif, fixé au considérant 9 de la Directive, de respect de l’égalité de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires, d’autre part, en ne permettant pas d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur ce marché, preneurs d’assurance, qui garantisse que les intermédiaires possèdent les connaissances et les aptitudes appropriées, nécessaires pour effectuer, à titre individuel, l’intermédiation d’assurance, et qu’ils puissent ainsi garantir la qualité d’une telle intermédiation (même arrêt, points 28 à 30).

 

Il en résulte que l’immatriculation est l’instrument d’une vérification des exigences professionnelles que la Directive requiert de tout intermédiaire d’assurance, pour garantir un service d’intermédiation de qualité, dans des conditions financières sécurisées, tout en assurant l’égalité de traitement entre les différents opérateurs aptes à accéder à cette activité et à l’exercer ; qu’il s’ensuit que les dispositions combinées des articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1er, du Code des assurances, qui ont pour seul objet de déterminer les catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer l’intermédiation en assurance, ne sauraient, sans contrevenir aux objectifs de la Directive qu’ils transposent, avoir pour effet de permettre à un courtier d’assurance de percevoir une rémunération après sa radiation du registre unique des intermédiaires, au seul motif qu’il demeure inscrit au registre du commerce et des sociétés pour l’activité de courtage, cette formalité, outre qu’elle ne vise qu’à conférer le droit d’exercer le commerce, ne pouvant bénéficier aux autres catégories d’intermédiaires d’assurance, qui n’y sont pas assujetties.

Aussi après avoir exactement énoncé qu’aux termes de l’article L. 511-1, I, alinéa 2, du Code des assurances, la rémunération constitue un critère de définition de l’intermédiaire d’assurance, c’est à bon droit que la cour d’appel a déduit du rapprochement de ce texte, des dispositions réglementaires prises pour son application et des prescriptions de l’article L. 512-I, que la rémunération de l’activité d’intermédiation du courtier d’assurance était cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l’ORIAS, y compris lorsque, comme en l’espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l’apport des contrats.

newsid:466160

Avocats/Déontologie

[Brèves] Port de décorations sur la robe des avocats : la Cour de cassation lève l’interdiction

Réf. : Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 17-26.166, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5932YH8)

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N6161BXH

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 24 Octobre 2018

►D’abord, un Ordre d’avocat ne peut se pourvoir en cassation contre une décision à laquelle il n’a pas été partie, à moins qu’elle n’ait prononcé une condamnation à son encontre ;

 

►Ensuite, les intérêts professionnels visés par la loi de 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) incluent les intérêts d’ordre privé tant moraux qu’économiques ; dès lors, un avocat décoré des insignes de l’ordre national du Mérite et de l’ordre national de la Légion d’honneur, est recevable à former un recours contre une délibération du règlement intérieur de son barreau prohibant le port de décorations ;

 

►Enfin, lorsqu’un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu’il a reçues, aucune rupture d’égalité entre les avocats n’est constituée, non plus qu’aucune violation des principes essentiels de la profession.

 

Tels sont les enseignements d’un arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 24 octobre 2018, n° 17-26.166, FS-P+B+I N° Lexbase : A5932YH8).

 

Dans cette affaire, le barreau de Toulouse avait modifié son règlement intérieur en prohibant le port de décorations sur la robe des avocats. Un avocat a porté l’affaire devant la cour d’appel, sa réclamation ayant été rejetée par le conseil de l’Ordre. La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt rendu le 13 juillet 2017, a annulé la mention litigieuse. L’Ordre des avocats et le conseil de l’Ordre se sont alors pourvus en cassation. En vain.

 

En effet, la Cour énonce à titre liminaire que le pourvoi, en ce qu’il est formé par l’ordre des avocats au barreau de Toulouse, qui n’est pas partie à l’arrêt attaqué et à l’encontre duquel aucune condamnation n’a été prononcée, n’est pas recevable.

 

Ensuite elle rappelle que les intérêts professionnels visés par les dispositions des articles 19, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 15 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) incluent les intérêts d’ordre privé tant moraux qu’économiques ; ainsi, en ayant relevé que l’avocat était décoré des insignes de l’ordre national du Mérite et de l’ordre national de la Légion d’honneur, la cour d’appel en a justement déduit que le recours par lui formé était recevable.

 

Enfin, la cour d’appel s’est fondée sur les articles R. 66 (N° Lexbase : L7603C84) et R. 69 (N° Lexbase : L7602C83) du Code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire, auxquels renvoie l’article 27 du décret n° 63-1196 du 31 décembre 1963, portant création d’un ordre national du Mérite, textes dont elle a justement déduit le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l’attribution d’une décoration française. Après avoir énoncé, à bon droit, que le principe d’égalité ne s’oppose pas à l’existence de décorations décernées en récompense des mérites éminents ou distingués au service de la Nation, elle a pu retenir que, lorsqu’un avocat porte sur sa robe professionnelle les insignes des distinctions qu’il a reçues, aucune rupture d’égalité entre les avocats n’est constituée, non plus qu’aucune violation des principes essentiels de la profession (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E1051E73).

 

newsid:466161

Collectivités territoriales

[Brèves] Irrégularité de la convocation du comité syndical d'un syndicat mixte : annulation des opérations électorales en vue desquelles le comité a été convoqué

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 18 octobre 2018, n° 421197, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6619YGA)

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N6103BXC

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par Yann Le Foll

Le 24 Octobre 2018

L'irrégularité résultant de la convocation d'un comité syndical d’un syndicat mixte par une autorité incompétente, en vue de procéder à l'élection du président, des vice-présidents et des membres du bureau de ce syndicat, entraîne l'annulation de cette élection. Tel est le principe dont fait application le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 18 octobre 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 18 octobre 2018, n° 421197, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6619YGA).

 

 

Il appartient au syndicat mixte régi par les articles L. 5721-1 (N° Lexbase : L0003ABQ) à L. 5722-11 du Code général des collectivités territoriales de fixer les règles applicables dans ses statuts. En l'espèce, l'article 6 des statuts du syndicat, approuvés par arrêté préfectoral le 7 octobre 2014, prévoit que le comité syndical se réunit au moins une fois par semestre sur convocation de son président ou à l'initiative de la majorité de ses membres.

 

 

Dès lors que la commune dont le président sortant était délégué s'est, en application de l'article L. 5216-7 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1964GUB), retirée du syndicat mixte au 1er janvier 2017 à la faveur de la création de la communauté d'agglomération, il n'appartenait, en l'absence de président, qu'à la majorité des membres du comité syndical, le cas échéant à l'invitation du préfet, de convoquer le nouveau comité. 

newsid:466103

Contrat de travail

[Brèves] Transfert des contrats de travail vers une société nouvellement créée : absence de transfert du règlement intérieur avec ces contrats de travail

Réf. : Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 17-16.465, FS-P+B (N° Lexbase : A9833YGB)

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N6094BXY

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par Blanche Chaumet

Le 24 Octobre 2018

► Le règlement intérieur s'imposant aux salariés avant le transfert de plein droit de leurs contrats de travail, vers une société nouvellement créée, n'est pas transféré avec ces contrats de travail dès lors que ce règlement constitue un acte réglementaire de droit privé dont les conditions sont encadrées par la loi, l'article R. 1321-5 du même Code (N° Lexbase : L1747IAX) imposant à une telle entreprise nouvelle d'élaborer un règlement intérieur dans les trois mois de son ouverture.

 

Telle est la règle dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 octobre 2018 (Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 17-16.465, FS-P+B N° Lexbase : A9833YGB).

 

En l’espèce, la société A, qui a repris l’activité et les salariés de l’une des cinq entités économiques de la société B, a appliqué le règlement intérieur qui avait été élaboré par cette dernière.

 

La cour d’appel ayant suspendu l’application du règlement intérieur de la société A tant que les formalités légales et réglementaires de modification ou d’adoption d’un nouveau règlement intérieur n’étaient pas accomplies et lui ayant fait interdiction de prononcer des sanctions disciplinaires en application de ce règlement intérieur, tant qu’il n’était pas régularisé, la société s’est pourvue en cassation.

 

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage « Droit du travail» N° Lexbase : E2651ETD et N° Lexbase : E2647ET9).

newsid:466094

Expropriation

[Brèves] Projet de liaison ferroviaire directe CDG Express : rejet des recours contre la déclaration d’utilité publique

Réf. : CE, 22 octobre 2018, n°s 411086, 411154, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0150YHZ)

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N6156BXB

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par Yann Le Foll

Le 07 Novembre 2018

Les recours contre la déclaration d’utilité publique du projet CDG Express, entre Paris et l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, sont rejetés, la procédure suivie pour l’adoption de cet arrêté ayant été régulière et l’utilité publique du projet modifié reconnue. Telle est la solution d’une décision rendue par le Conseil d’Etat le 22 octobre 2018 (CE, 22 octobre 2018, n°s 411086, 411154, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0150YHZ).

 

Concernant la légalité externe de l’arrêté, le Conseil d’Etat juge que la procédure suivie pour prendre l’arrêté a été régulière au regard des dispositions des articles L. 121-2 (N° Lexbase : L7933I4L) et L. 121-4 (N° Lexbase : L7935I4N) du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Il écarte notamment les critiques relatives à la nouvelle enquête publique, qui s’est déroulée en juin et juillet 2016. Il relève que le dossier soumis à cette enquête est suffisamment documenté et qu’il a bien été actualisé pour tenir compte à la fois des modifications substantielles apportées au projet et des évolutions significatives du contexte.

 

Concernant la légalité interne de l’arrêté, eu égard aux bénéfices attendus du projet, qui permettra notamment d’améliorer la desserte de l’aéroport international Charles-de-Gaulle et de le doter d’une liaison directe, rapide et assurant un haut niveau de ponctualité, de favoriser le développement économique régional et national, en contribuant à la compétitivité de la région Ile-de-France et de Paris, ainsi qu’à la réussite des Jeux Olympiques de 2024 et de s’inscrire, par un mode de transport plus respectueux de l’environnement limitant le recours aux transports routiers, dans le cadre d’un développement durable, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les modifications apportées à l’arrêté de 2008 seraient de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique.

 

Il en résulte la solution précitée.

newsid:466156

Pénal

[Brèves] Naufrage du Joola : le bénéfice de l’immunité de juridiction déterminé par la nature de l’acte accompli au nom de l’Etat concerné

Réf. : Cass. crim., 16 octobre 2018, n° 16-84.436, FS-P+B (N° Lexbase : A9883YG7)

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N6137BXL

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par June Perot

Le 24 Octobre 2018

► Des actes consistant à confier le commandement et l’encadrement de l’équipage d’un navire à des officiers de la marine nationale sénégalaise, ainsi que sa gestion, au ministère des forces armées, afin d’assurer la continuité territoriale du pays, dont une partie est sous la menace des révoltes armées, dès lors qu’ils sont accomplis par des représentants de l’Etat (chefs d’état-major, directeur de la marine marchande, ministre des transports…) dans l’exercice de l’autorité étatique, sont des actes relevant de la souveraineté de l’Etat permettant de bénéficier de l’immunité de juridiction ;

 

► Par ailleurs, si l’article 96 de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay ([LXB=L5889LM3]), doit être interprété en ce sens que l’interdiction absolue, qu’il prévoit, qu’un Etat exerce sa juridiction en haute mer sur un navire ne battant pas son pavillon ne fait pas obstacle aux poursuites engagées devant une juridiction française, dans les conditions prévues aux articles 113-7 (N° Lexbase : L2307AME) et suivants du Code pénal, à l’encontre de personnes susceptibles d’être reconnues coupables d’infractions commises sur ou au moyen dudit navire et ayant fait des victimes de nationalité française, le grief est inopérant dès lors que la chambre de l’instruction a retenu l’immunité des personnes mises en cause.

 

Telles sont les solutions retenues par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 octobre 2018 (Cass. crim., 16 octobre 2018, n° 16-84.436, FS-P+B N° Lexbase : A9883YG7 ; v. également dans cette même affaire : Cass. crim., 19 janvier 2010, n° 09-84.818, F-P+F N° Lexbase : A4845EQI dans lequel la Chambre criminelle a approuvé la décision de la chambre de l’instruction d’annuler les mandats d’arrêt délivrés à l’encontre du premier ministre et du ministre des forces armées en fonction au moment des faits, au motif que le navire ayant fait naufrage avait été mis en service pour permettre le désenclavement d’une région de cet Etat, qu’il assurait une mission de service public non commercial, qu’il était armé par un équipage militaire et avait le statut de navire militaire).

 

Dans cette affaire, à la suite du naufrage survenu le 26 septembre 2002, du navire «Le Joola», battant pavillon sénégalais, ayant fait au moins 1 863 victimes, parmi lesquelles plusieurs ressortissants français, une information a été ouverte par le procureur des chefs d’homicides et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence et défaut d’assistance à personne en péril. Les juges d’instruction ont constaté que, s’il existait des charges suffisantes contre les personnes mises en examen, une immunité de juridiction faisait obstacle à tout acte de poursuite. Dès lors, ils ont prononcé un non-lieu à suivre. Les parties civiles ont interjeté appel de cette décision.

 

La chambre de l’instruction a confirmé cette ordonnance, pour les mêmes motifs. Les juges ont par ailleurs retenu que la coutume internationale, qui s'oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d'un Etat étranger, s'étend aux organes et entités qui constituent l'émanation de l'Etat ainsi qu'à leurs agents en raison d'actes relevant de la souveraineté de l'Etat concerné (v. aussi, dans l’affaire du naufrage de l’Erika : Cass. crim., 23 novembre 2004, n° 04-84.265, FS-P+F N° Lexbase : A1384DEY). Selon la chambre, le fait de décider d'assurer une liaison maritime entre Ziguinchor et Dakar, dans le but de désenclaver la région Casamance, de confier cette liaison au ministère des forces armées, malgré la demande du ministère des transports et de l'équipement, et de faire protéger cette liaison par des forces militaires en raison des révoltes armées existantes constitue un acte de puissance publique et non pas un acte de gestion, quand bien même la prestation de transport des personnes et des marchandises était une prestation payante et le navire avait les caractéristiques physiques d'un navire marchand.

 

Les juges en ont déduit que l’Etat sénégalais assurait ainsi une mission de service public non commercial qui n’aurait pu exister sans son intervention et ne réalisait donc pas en assurant cette liaison des actes de commerce au même titre qu'un simple particulier. En conséquence, le fait que de nombreuses et graves violations tant des règles internationales sur la navigation et la sécurité en mer que du code sénégalais de la marine marchande, qui ont été relevées par les experts, n'est pas de nature à priver d'effet l'immunité de juridiction.

 

Saisie de la question, et énonçant les solutions susvisées, la Haute juridiction rejette le pourvoi des parties civiles. Elle en déduit par ailleurs qu’en l’Etat du droit international, les infractions pour lesquelles étaient poursuivis les différents représentants de l’Etat sénégalais, quelle qu’en soit la gravité, ne relèvent pas des exceptions au principe de l’immunité de ses représentants dans l’expression de sa souveraineté.

 

Pour mémoire, l’immunité de juridiction est un privilège de juridiction qui a pour effet de faire échapper un Etat ou l’un de ses organes à la compétence des tribunaux d’un Etat étranger. La jurisprudence considère que sont couverts par cette immunité les actes s’analysant en actes de souveraineté et non en actes de gestion (v. par ex. Cass. civ. 1, 17 janvier 1973, n° 71-11.793 N° Lexbase : A8038CH8 ; Cass. civ. 1, 2 mai 1990, n° 88-14.363 N° Lexbase : A3722AHC ; Cass. soc., 2 avril 1996, n° 94-40.199 N° Lexbase : A2565ABM ; Cass. mixte, 20 juin 2003, n° 00-45.629 N° Lexbase : A8752C8N ; cf. l’Ouvrage «Droit pénal général», Les infractions commises hors du territoire de la République contre des Français N° Lexbase : E1442GAN).

 

newsid:466137

Procédures fiscales

[Brèves] Procédure de taxation d’office : précisions sur le délai de réponse à une demande de justification

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 18 octobre 2018, n° 407943, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6616YG7)

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N6082BXK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 24 Octobre 2018

Eu égard à la sanction qui, par l'effet des dispositions de l'article L. 69 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L8559AEQ), est attachée au défaut de production par le contribuable, des justifications qui lui sont demandées sur le fondement de l'article L. 16 (N° Lexbase : L0114IW7) du même livre, dans le délai assigné qui, en vertu de son article L. 16 A (N° Lexbase : L8513AEZ), ne peut être inférieur à deux mois, il appartient à l'administration, dans le cas où, avant l'expiration du délai de réponse qu'elle avait fixé, des documents utiles à cette réponse sont saisis à son domicile dans le cadre d'une visite autorisée sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3180LCR), d'accorder au contribuable un délai de réponse complémentaire à compter de la restitution de ces documents, égal au moins à la durée qui restait à courir pour produire ces justifications au moment où les documents ont été saisis.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 18 octobre 2018 (CE 10° et 9° ch.-r., 18 octobre 2018, n° 407943, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6616YG7).

 

En l’espèce, le requérant a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle qui a portée sur les années 2003 à 2005. Il a été taxé d’office, au titre de l’année 2004, dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée. Le requérant se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative de Marseille (CAA Marseille, 20 décembre 2016, n° 14MA05082 N° Lexbase : A8876S37) qui a rejeté l’appel qu’il avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Nice qui n’avait pas intégralement fait droit à sa demande.

 

Il ressort de l’arrêt que l’administration a adressé au requérant une demande de justifications sur l’origine de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires au cours de l’année 2004. Avant l’expiration du délai de réponse de deux mois qui lui avait été accordé, l’administration a, le 30 mai 2017, dans le cadre de la visite du domicile du contribuable, saisi des documents. Ne contestant pas que ces derniers étaient utiles à la réponse du requérant, l’administration lui a accordé un délai supplémentaire de sept jours courant à compter de la restitution des documents. Le Conseil d’Etat juge que la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que ce délai complémentaire respectait les garanties de procédures prévues par l’article L. 16 A du Livre des procédures fiscales (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8700ALS).

newsid:466082

Surendettement

[Brèves] La situation du marché locatif pris en considération dans le cadre d’une suspension provisoire des mesures d’expulsion d’un logement

Réf. : Cass. civ. 2, 18 octobre 2018, n° 17-19.831, F-P+B (N° Lexbase : A9982YGS)

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par Gözde Lalloz

Le 24 Octobre 2018

► Pour prononcer la suspension provisoire des mesures d'expulsion, les juges peuvent prendre en considération «[…] les chances de trouver un logement moins onéreux permettant d’augmenter les capacités de remboursement» d’une personne en état de surendettement. Telle est la précision apportée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans une décision datée du 18 octobre 2018 (Cass. civ. 2, 18 octobre 2018, n° 17-19.831, F-P+B N° Lexbase : A9982YGS).

 

Il résulte de l'article L. 722-8 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0746K7R) que, pour prononcer la suspension d'une mesure d'expulsion du débiteur de son logement, le juge ne doit prendre en considération que la situation de ce dernier.

 

En l’espèce, bien que la situation financière du débiteur fût favorable et qu’il pouvait retrouver un logement sans trop de difficultés au regard de ses revenus, les juges ont estimé qu’il n’en restait pas moins que le marché locatif était assez tendu, que peu de logements étaient disponibles à l'année dans cette zone et qu'il était peu probable que le débiteur puisse trouver une location moins onéreuse, ce qui ne permettait donc pas d'augmenter sa capacité de remboursement. Au regard de ces considérations, la Cour de cassation a estimé que la suspension provisoire des mesures d’expulsion énoncée par la cour d’appel dans son arrêt du 13 avril 2017 (CA Bordeaux, 13 avril 2017, n° 17/00020 N° Lexbase : A7447U9P) était donc fondée.

 

A travers cette décision, la Cour de cassation élargit le champ d’application de l’article L. 722-8 du Code de la consommation à la situation du débiteur prise dans son contexte socio-économique et géographique, à savoir la situation du marché locatif dans une zone déterminée (cf. l’Ouvrage «Droit bancaire» N° Lexbase : E7073E9T).

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