La lettre juridique n°758 du 18 octobre 2018

La lettre juridique - Édition n°758

Droit pénal spécial

[Textes] Libres propos sur la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes *

Réf. : Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (N° Lexbase : L6141LLZ)

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N5938BX9

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par Audrey Darsonville, Professeur agrégé de droit privé à l'Université de Lille

Le 18 Octobre 2018

Mots-clés : violences sexuelles • loi du 3 août 2018 • outrage sexiste • défaut de consentement • harcèlement sexuel

Adoptée au cœur de l’été après une procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 21 mars 2018, la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [1] a connu une histoire législative très chaotique [2]. Tout démarre à l’automne 2017 avec la médiatisation de deux affaires judiciaires dans lesquelles la qualification de viol n’avait pas été retenue faute d’avoir pu établir le défaut de consentement des deux mineures victimes âgées de onze ans lors des faits. Ces procès, qui ont suscité un émoi collectif légitime, expliquent [3] que le Gouvernement se soit attelé à une nouvelle réforme de la législation sur les infractions sexuelles. Les ambitions du Gouvernement étaient très élevées et des propositions fortes ont été promptement annoncées. Or, ces ambitions se sont rapidement heurtées à de nombreux obstacles juridiques, obligeant le Gouvernement à revoir sa copie à de multiples reprises, suscitant l’inquiétude d’associations de soutien aux victimes. Ainsi, l’adoption le 16 mai 2018 en première lecture par l’Assemblée nationale de l’article 2 du Projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles avait entraîné de très nombreuses critiques [4]. Devant de telles réactions, le secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes avait été contraint de mettre en ligne un rappel du contenu des quatre articles qui composaient le texte de loi et avait adressé une note explicative aux rédactions des organes de presse [5]. Une tension s’est cristallisée autour du projet de loi et s’est poursuivie jusqu’à l’adoption définitive de la loi qui a été assortie d’une nouvelle salve de critiques [6] et de soutiens au dispositif législatif [7]. En présence d’une telle crispation entre les opposants et les tenants de la loi, une appréhension juridique de celle-ci s’avère opportune.

 

Au titre d’une analyse juridique de la loi, il est intéressant de s’interroger sur le fait de savoir si cette dernière va endiguer efficacement la criminalité endémique liée aux violences sexuelles. En effet, les violences sexuelles représentent un contentieux judiciaire massif contre lequel les dernières lois ont semblé impuissantes. Selon les chiffres d’Infostat, entre 2007 et 2016, il y a eu près de 69 000 condamnations pour violences sexuelles (entre 6 000 et 8 000 condamnations par an), entendues comme des condamnations pour des faits de viols, agressions sexuelles, atteintes sexuelles sur mineur et harcèlements sexuels [8]. Sur cette période, les viols représentent près d’une condamnation sur cinq, soit environ 13 000 condamnations [9]. Par conséquent, l’ampleur de ce contentieux judicaire, nécessairement sous-évalué puisqu’il ne concerne que les faits portés à la connaissance des autorités et ignore les violences sexuelles non dénoncées, oblige à penser la loi autour de cette problématique de son efficacité, entendue comme sa propension à favoriser une répression de ces actes sous les qualifications idoines et, partant, à éviter une correctionnalisation judiciaire du viol [10]. Cette finalité est d’ailleurs énoncée dans la circulaire d’application du 3 septembre 2018 [11] qui précise que la loi vise à «réprimer de façon plus efficace toutes les formes de violences sexuelles et sexistes, et spécialement celles dont les femmes et les enfants continuent d’être aujourd’hui trop fréquemment victimes». Le décor est planté, la loi du 3 août 2018 doit assurer une lutte «efficace» contre les violences sexuelles et sexistes. Diverses modifications de la législation pénale sont introduites à cette fin comme l’allongement de la prescription de l’action publique de vingt à trente ans pour les crimes sexuels commis sur les mineurs, la réécriture de l’incrimination des délits de harcèlement sexuel ou moral pour les étendre aux hypothèses de cyber-harcèlement (qualifié aussi de «raids numériques») ou encore la création d’un délit dit de «voyeurisme» au sein de l’article 226-3-1 du Code pénal [12]. Cette nouvelle incrimination s’explique puisque, jusqu’à présent, le fait de filmer ou photographier à son insu les parties intimes d’une victime dans une cabine d’essayage ou des toilettes publiques par exemple ne répondait à aucune qualification précise [13]. Il ne pouvait s’agir d’agression sexuelle, faute de contact physique, ni d’atteinte à la vie privée par captation d’images à caractère sexuel car les faits se déroulent dans un lieu public. La qualification retenue par les juridictions était souvent les violences volontaires par choc émotif dont on perçoit qu’elle n’est pas adaptée notamment si la personne ne s’est pas aperçue qu’elle était filmée et n’a donc pas subi de choc émotif [14].

 

Hormis ces modifications, la loi du 3 août 2018 propose une réponse pénale peu adéquate aux violences sexistes (I), des avancées dans la lutte contre les violences sexuelles (II) et une redéfinition maladroite du défaut de consentement (III).

 

I - Une réponse pénale inadéquate aux violences sexistes

 

L’article 15 de la loi du 3 août 2018 crée une nouvelle infraction sanctionnant l’outrage sexiste, qualifié également de harcèlement de rue dans le projet de loi présenté par le Gouvernement le 21 mars 2018 [15]. Dans l’étude d’impact relative au projet de loi en date du 19 mars 2018, il est précisé que cette incrimination vise à réprimer le sexisme ordinaire subi par les femmes dans l’espace public notamment dans les transports en commun [16]. Ce phénomène est décrit comme «des comportements verbaux (commentaires dégradants sur l’attitude vestimentaire ou l’apparence) ou d’attitudes non verbales (regards insistants, sifflement, poursuites dans la rue). Il emprunte tantôt à l’injure, tantôt au harcèlement, sans pour autant que ces qualifications pénales ne puissent nécessairement être retenues» [17]. La loi vise donc une sorte de «zone grise» des comportements sexistes qui ne relevaient auparavant d’aucune qualification pénale.

Désormais, l’article 621-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6207LLH) définit l’outrage sexiste comme le fait «hors les cas prévus aux articles 222-13,222-32,222-33 et 222-33-2-2, d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante». Les critiques à l’encontre de ce nouvel article du Code pénal sont multiples [18]. D’abord, on peut déplorer l’absence de lisibilité, et donc de respect des exigences de la légalité criminelle, de la rédaction de l’incrimination. Le texte use de la technique du renvoi, afin d’éviter pour un même comportement des doublons d’incriminations [19], ce qui en rend l’application fort complexe. Il appartiendra au juge de vérifier qu’aucun des textes cités ne s’applique avant de pouvoir opter pour l’outrage sexiste. Ensuite, la démonstration de l’élément matériel de l’infraction risque de s’appuyer sur le ressenti de la victime. Comment établir par exemple qu’un comportement «porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant» sans avoir recours à la perception qu’a eu la victime de l’acte perpétré ? On rappellera que les actes visés ne doivent pas franchir les limites de l’injure ou de l’agression sexuelle mais être des actes tels que des sifflements dans la rue. L’appréciation de ces comportements comme porteurs d’atteinte à la dignité met la victime et son ressenti personnel au cœur du dispositif. L’incrimination repose donc sur une appréhension subjective de ses éléments constitutifs, ce qui est source d’insécurité juridique. En outre, une critique sur la mise en œuvre de la répression pénale peut être formulée. Comment cette infraction sera-t-elle sanctionnée ? Hormis hypothèse dans laquelle le comportement serait réalisé devant les forces de l’ordre, la preuve sera très difficile à rapporter ce qui risque d’entraîner, en cas de dépôt de plainte d’une victime, de nombreux classements sans suite.

Enfin, la dernière critique concerne non plus le texte en lui-même mais l’usage de la loi pénale par le Gouvernement. En effet, une interrogation subsiste quant à la valeur sociale protégée par le nouveau texte. Au regard de la rédaction de ce dernier, on peut penser que l’infraction d’outrage sexiste assure la protection de la dignité de la victime (le mot dignité figure d’ailleurs dans le texte), de la liberté sexuelle et encore de l’égalité entre les hommes et les femmes. Une autre piste serait peut-être, de façon plus pragmatique, de garantir la liberté de circulation des femmes dans l’espace public. La loi viserait à éviter que certains lieux dans lesquels les femmes sont confrontées à des comportements sexistes (comme par exemple les transports publics) ne soient plus désertés par celles-ci. La loi assurerait une réappropriation de l’espace public par les femmes.

Autant de valeurs sociales fortes et pourtant, la lecture du texte ne semble pas du tout en adéquation avec ces valeurs. Pour quelle raison ? Parce que l’outrage sexiste est sanctionné par une contravention de la 4ème classe. On défendrait la dignité, la liberté d’aller et venir par une simple contravention ? Ce serait dévaluer de telles valeurs sociales si une contravention de 4ème classe était la peine proportionnée à la gravité de l’atteinte subie par la victime.

En réalité, il est probable que la valeur sociale recherchée soit toute autre. L’étude d’impact du projet de loi [20] est d’ailleurs éclairante sur ce point. Dans le paragraphe 2.2 intitulé «objectifs poursuivis» par l’incrimination de l’outrage sexiste, le projet énonce, «Le harcèlement de rue se place d’une certaine façon dans une ‘zone grise’ en ce qu’il constitue un comportement socialement réprouvé sans relever nécessairement du droit pénal» (nous soulignons). L’étude admet que l’outrage sexiste n’est pas un comportement qui devrait relever du droit pénal mais qu’il est «socialement réprouvé». Le Gouvernement semble utiliser le droit pénal à des fins pédagogiques, dans le but de transmettre un message de prohibition des comportements sexistes à destination de la population. L’interdit pénal a valeur symbolique pour marquer la désapprobation sociétale envers les actes sexistes. Il s’agit presque d’éduquer la société en usant de l’interdit pénal afin que cet interdit soit marqué du sceau de l’impératif, de la fermeté. Le Gouvernement tente donc d’éduquer les citoyens par le biais de la loi pénale et cela explique alors le choix de la peine contraventionnelle. Si le législateur réprime les atteintes à la dignité, une contravention est trop faible, mais s’il est juste un pédagogue, la contravention se justifie.

On peut noter de surcroît que le législateur de 2018 a utilisé une technique étrange, à savoir la création par la loi d’une contravention dont la source habituelle est le pouvoir règlementaire [21]. Cette «contravention de nature légale» [22] trouve sa place dans le nouveau Livre VI du Code pénal qui regroupe deux contraventions crées par la loi : celle d’outrage sexiste mais aussi celle de la pénalisation des clients de personnes prostituées (C. pén., art. 611-1 N° Lexbase : L6968K79). Les deux seules contraventions d’origine légale dans le Code pénal sont deux textes qui semblent assez proches dans leur finalité : faire œuvre de pédagogie envers les citoyens. Démarche pédagogique renforcée par les créations de peines complémentaires de stages de sensibilisation aux réalités de la prostitution pour la contravention de recours à la prostitution et de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes pour l’outrage sexiste (C. pén., art. 621-1, IV, 1°).

La création de l’infraction d’outrage sexiste interroge sur l’usage du droit pénal par le législateur. Certes, «incriminer peut avoir une fonction essentiellement symbolique» [23] et avec la loi du 3 août 2018, le législateur use de la loi pénale pour rappeler aux citoyens son attachement à certaines valeurs.

 

II - Des avancées dans la lutte contre les violences sexuelles

 

La loi du 3 août 2018 porte deux avancées utiles dans la lutte contre les violences sexuelles, l’une relative à la surqualification d’inceste et l’autre relative à l’incrimination de viol.

En premier lieu, l’article 2 de la loi du 3 août 2018 supprime la référence à la minorité de la victime en cas d’inceste. Cela met fin à une véritable incongruité juridique relative à l’inceste. En effet, lors de la loi du 8 février 2010 [24] qui avait inscrit l’inceste dans le Code pénal, le législateur avait limité l’application de la qualification d’inceste aux seules victimes mineures. Une victime majeure d’une agression sexuelle commise par un membre de sa famille se voyait privée de la qualité de victime d’acte incestueux du seul fait de sa majorité. Or, l’inceste suppose un lien familial entre la victime et l’auteur, l’âge de la victime lors des faits n’ayant aucune importance. Cette exclusion des victimes majeures avait été maintenue dans la loi du 14 mars 2016 [25] adoptée après abrogation du texte de 2010 sur l’inceste par deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) du 16 décembre 2011 et du 17 février 2012 [26]. La loi du 3 août 2018 met enfin un terme à cette situation injuste en supprimant à la fin de l’intitulé du paragraphe 3 de la section 3, les mots «commis sur les mineurs».

Ainsi, faute de mention spécifique sur la minorité de la victime, l’article 222-31-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6216LLS) pourra s’appliquer à toutes les victimes d’inceste sans distinction d’âge [27]. La circulaire d’application du 3 septembre 2018 [28] précise en outre que cette modification est immédiatement applicable, y compris aux faits commis avant son entrée en vigueur, dès lors qu’il ne s’agit que d’une surqualification juridique sans conséquence sur la peine encourue. Cette affirmation peut être discutée car la surqualification d’inceste, par son caractère stigmatisant, est perçue comme une qualification plus sévère que la qualification de viol aggravé qui ne véhicule pas le même rejet dans la population. Juridiquement la loi n’est donc pas plus sévère car la peine encourue reste inchangée, mais symboliquement la surqualification n’est pas neutre.

En second lieu, l’article 2 de la loi du 3 août 2018 propose une extension de l’incrimination du viol. En effet, l’article 222-23 du Code pénal (N° Lexbase : L6217LLT) définit désormais le viol comme «Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol» (nous soulignons). Le législateur a étendu la définition du viol pour inclure des actes de pénétration commis sur l’auteur par la victime, par exemple quand un mineur est contraint de subir une fellation faite par l’auteur. Dans une telle hypothèse, c’est l’auteur de la contrainte qui est pénétré. Or, la jurisprudence refusait d’appliquer le viol dans cette hypothèse en interprétant strictement le viol comme l’acte de pénétration d’autrui [29]. Pourtant, l’extension du viol à tous les cas de pénétrations sexuelles non consenties est pertinente.

En effet, la valeur sociale protégée par le viol est la liberté sexuelle, la liberté de consentir à un acte de pénétration sexuelle. Cette liberté est bafouée que la victime dénuée de consentement soit pénétrée ou pénètre un tiers. La nouvelle rédaction permet par conséquent d’élargir le champ d’application du viol à toute pénétration non consentie tout en respectant la ratio legis de l’incrimination.

 

III - Une redéfinition maladroite du défaut de consentement

 

Le défaut de consentement commun aux agressions sexuelles est défini à l’article 222-22 du Code pénal (N° Lexbase : L7222IMG) comme : «toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise». Le constat qui s’impose en jurisprudence depuis de nombreuses années est que la contrainte morale et la surprise sont des modalités de défaut de consentement qui soulèvent de réels problèmes probatoires, problèmes encore accrus quand la victime est mineure [30]. La violence physique et la menace sont plus aisément démontrées.

Pour comprendre le dispositif résultant de la loi du 3 août 2018, il convient de repartir de la réforme précédente, celle de la loi du 8 février 2010 qui avait rédigé une nouvelle définition de la contrainte morale imposée aux victimes mineures [31]. L’article 222-22-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6218LLU), dans sa version de 2010, exposait que «La contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime». Ce texte instaurait donc deux critères cumulatifs pour établir la contrainte morale, une différence d’âge et l’exercice d’une autorité de droit ou de fait sur la victime. Or, ces deux critères de la contrainte morale ne manquaient pas de soulever des critiques. Le critère d’un écart d’âge entre la victime et l’auteur des faits n’apparaissait pas convaincant faute de savoir quelle différence précise d’âge pouvait être un élément démontrant la contrainte. En outre, l’exigence d’une autorité de droit ou de fait comme critère de la contrainte morale provoquait une confusion entre l’élément constitutif du défaut de consentement et la circonstance aggravante de l’infraction de viol (C. pén., art. 222-24, 4° N° Lexbase : L6222LLZ). Dès lors, la reconnaissance de l’autorité de droit ou de fait sur la victime comme élément constitutif de la contrainte morale empêchait son usage au titre de la circonstance aggravante, puisqu’un même fait ne peut pas servir d’élément constitutif et de circonstance aggravante. La répression pénale risquait alors de s’en trouver affectée, ce qui peut surprendre au regard de la finalité de la loi de 2010 visant à renforcer la protection des mineurs.

En dépit de ces faiblesses, l’article 222-22-1 du Code pénal a été déclaré conforme à la Constitution par la une décision QPC du 6 février 2015 (Cons. const., décision n° 2014-448 QPC, du 6 février 2015 N° Lexbase : A9202NA3[32]. Le Conseil énonce que «la seconde phrase de l'article 222-22-1 du Code pénal a pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie peut se fonder pour apprécier si, en l'espèce, les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte ; qu'elle n'a en conséquence pas pour objet de définir les éléments constitutifs de l'infraction» (cons. 7).  Ainsi, l’article 222-22-1 du Code pénal ne définirait pas l’élément constitutif de la contrainte morale des agressions sexuelles mais fournirait au juge des circonstances factuelles permettant de caractériser cette contrainte morale. Ces exemples factuels pouvant ou non être utilisés par le juge, puisque le texte précise bien «peut résulter». Le texte n’a donc aucune portée normative comme l’admet lui-même le Conseil constitutionnel et se contente d’être un «guide» à destination des juges [33]. Cette interprétation laisse dubitatif car la place dans le Code pénal du texte, au fronton de la section III relative aux agressions sexuelles et avant la description des différentes incriminations, traduisait au contraire la volonté législative de définir la contrainte morale pour toutes les agressions sexuelles.

Intervient ensuite le projet de loi à l’automne 2017. Rapidement, la piste d’une présomption de défaut de consentement pour les mineurs a été émise par le Gouvernement [34]. L’idée était séduisante, tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur en dessous d’un certain âge [35] entraînait une présomption de défaut de consentement et permettait au juge, déchargé du fardeau de la preuve du défaut de consentement, de retenir les qualifications de viol en cas de pénétration sexuelle ou d’agression sexuelle en l’absence d’acte de pénétration. Toutefois, cette présomption de non consentement est contraire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans son avis du 15 mars 2018 [36]. Le Conseil d’état a donc formulé une proposition différente, celle d'ajouter à l’article 222-22-1 du Code pénal une disposition selon laquelle «lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes» (§ 27). Le Conseil d’Etat, respectant en cela la décision du Conseil constitutionnel de 2015, se contentait de proposer de nouveaux éléments factuels pour aider le juge à caractériser la contrainte ou la surprise, mais sans émettre une nouvelle définition. En effet, le Conseil d’Etat prend bien soin de ne pas soumettre une rédaction formulée de façon impérative mais de reprendre la formule «peuvent résulter» pour éviter une inconstitutionnalité puisque la minorité de 15 ans et la vulnérabilité sont des circonstances aggravantes du viol (C. pén., art. 222-24).

Or, la proposition du Conseil d’Etat ne sera que partiellement reprise par le législateur en 2018. La nouvelle version de l’article 222-22-1 du Code pénal dispose dorénavant que : «La contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 peut être physique ou morale.

Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l'article 222-22 peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur.

Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes».

Ce texte suscite plusieurs remarques. D’abord, le découpage en trois alinéas laisse perplexe. Le premier alinéa énonce que la contrainte peut être physique ou morale pour ensuite ne plus s’attacher qu’à définir la contrainte morale. Exit la contrainte physique alors que celle-ci aurait mérité une définition pour tenter de la distinguer de la violence physique dont elle est proche. La structure du texte est complexe également car l’alinéa 2 concerne tous les mineurs et l’alinéa 3 seulement ceux de 15 ans. Mais, est-ce à dire que les mineurs de 15 ans sont à présent soumis à l’application cumulée des alinéas 2 et 3 ou seulement du troisième ? La première hypothèse serait alors un alourdissement de la preuve pour le juge et donc contraire à la protection des mineurs.

Ensuite, la seconde remarque concerne l’usage du présent «sont caractérisées». L’emploi de ce verbe au lieu de «peuvent», comme à l’alinéa 2 et comme le suggérait le Conseil d’Etat, crée une indication positive pour le juge. Peut-on imaginer que dès lors que le juge aura prouvé l’abus de vulnérabilité du mineur de 15 ans la contrainte sera automatiquement établie ? On pourrait presque être tenté de considérer que de façon indirecte le législateur a instauré une forme de présomption de défaut de consentement du mineur de quinze ans. La seule preuve de l’abus de vulnérabilité permettant au juge d’en déduire l’existence d’une contrainte morale ou d’une surprise et le déchargeant de facto du fardeau de la preuve de cet élément constitutif du viol. L’application qu’en feront les juges à l’avenir sera déterminante.

Enfin, la nouvelle rédaction de l’article 222-22-1 du Code pénal encourt un risque de contrariété avec les exigences constitutionnelles. Le Conseil d’Etat, dans son avis du 15 mars 2018, avait en effet souligné que : «le Conseil constitutionnel n’a écarté le grief d’atteinte au principe de légalité des délits et des peines qu’en considérant que cette précision avait ‘pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie peut se fonder pour apprécier si, en l’espèce, les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte’. Il se déduit a contrario de sa décision qu’une disposition prévoyant ‘qu’un des éléments constitutifs du viol ou de l’agression sexuelle est, dans le même temps, une circonstance aggravante de ces infractions’ serait contraire au principe de légalité des délits et des peines» (§ 25). Or, l’emploi du verbe «sont caractérisées» reflète une volonté législative d’imposer une définition des éléments constitutifs du viol et non plus d’être un simple guide à usage des juges comme lors de la loi de 2010. Cette définition légale de la contrainte morale repose sur l’usage de la circonstance de la minorité de quinze ans et de l’abus de faiblesse, circonstances aggravantes du viol et des agressions sexuelles (articles 222-24, 222-29 N° Lexbase : L6226LL8 et 222-29-1 N° Lexbase : L6284IXZ du Code pénal). Il y a donc un cumul entre les éléments constitutifs et les circonstances aggravantes et partant un risque d’inconstitutionnalité.

Mais, ce n’est pas le seul motif d’inquiétude concernant la protection pénale des mineurs victimes d’agressions sexuelles. En effet, la loi du 3 août 2018 a également prévu, dans son article 2, une augmentation de la peine encourue pour le délit d’atteinte sexuelle, prévu à l’article 227-25 du Code pénal (N° Lexbase : L6215LLR). Ce texte sanctionne le fait pour un majeur d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans. La peine était auparavant de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, elle passe à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Pourquoi une telle augmentation de la sanction pénale suscite-t-elle de la méfiance voire une franche inquiétude ? Pour répondre à cette interrogation, il faut rappeler que l’article 227-25 du Code pénal ne figure pas parmi les agressions sexuelles mais dans le chapitre relatif aux atteintes aux mineurs et à la famille, dans la section «mise en péril des mineurs». Ainsi, l’atteinte sexuelle ne punit pas une atteinte à la liberté sexuelle mais une atteinte à une autre valeur sociale qui est la morale publique. Il s’agit de sanctionner un majeur qui entretient des relations sexuelles avec un mineur de 15 ans dans l’hypothèse où ce mineur est consentant (s’il n’était pas consentant ce serait alors du viol). Le texte consacre un interdit moral, une atteinte aux mœurs [37].

Or, cette qualification est dévoyée puisqu’elle est fréquemment utilisée par les juges comme mode de correctionnalisation des agressions sexuelles lorsque le défaut de consentement du mineur n’est pas clairement établi. Le législateur a pleinement conscience de cette dérive de correctionnalisation, puisqu’il a augmenté les peines encourues du chef d’atteinte sexuelle dans la loi du 3 août 2018. Une telle peine de 7 ans d’emprisonnement ne peut pas être celle de la prohibition d’un interdit moral, ce serait une peine excessive pour des partenaires consentants. La peine correspond à une volonté d’accroître la répression en cas de correctionnalisation d’un viol. Cette analyse de l’augmentation de la peine de l’atteinte sexuelle pour amoindrir les effets de la correctionnalisation des viols est confortée par plusieurs indices issus de la loi et de sa circulaire d’application. La loi du 3 août 2018 prévoit dans un unique article 2 d’une part, l’augmentation de la peine de l’atteinte sexuelle et d’autre part, la modification de l’article 351 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6214LLQ) qui prévoit dorénavant en son alinéa 2 que : «Lorsque l’accusé majeur est mis en accusation du chef de viol aggravé par la minorité de quinze ans de la victime, le président pose la question subsidiaire de la qualification d’atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans si l’existence de violences, d’une contrainte, menace ou surprise a été contestée au cours des débats». Le même article envisage donc un renforcement des peines de l’atteinte sexuelle et l’obligation pour le président de la Cour d’assises de soulever cette qualification délictuelle si le défaut de consentement a été contesté durant l’audience. Le lien est patent : la qualification d’atteinte sexuelle est la qualification fondement de la correctionnalisation des viols commis sur les mineurs, ce qui explique sa sévérité renforcée.

En outre, la circulaire d’application [38] précise que le délit d’atteinte sexuelle a été partiellement réécrit puisqu’il ne dispose plus que le délit est constitué lorsque l’atteinte est exercée «sans violence, contrainte, menace ou surprise» mais qu’il est réalisé «hors le cas de viol ou de toute agression sexuelle». Selon la circulaire : «cette nouvelle rédaction ne modifie aucunement sur le fond les éléments constitutifs du délit, mais elle évite de donner l’impression que ces faits impliquent nécessairement une forme de consentement du mineur». Cette précision est pour le moins étonnante puisque justement l’atteinte sexuelle réprime l’acte sexuel consenti entre le mineur de quinze ans et le majeur, en cas de relation sexuelle non consentie, seules les qualifications d’agression sexuelle devraient être applicables. La circulaire expose en réalité que l’atteinte sexuelle va être utilisée comme qualification de correctionnalisation des viols dans des hypothèses dans lesquelles le défaut de consentement du mineur semble crédible mais n’a pas pu être prouvé. La loi du 3 août 2018 conforte donc le processus de correctionnalisation judiciaire en incitant la Cour d’assises à poser la question de l’atteinte sexuelle en cas de débat sur le défaut de consentement, en augmentant la peine pour que la gravité de l’infraction réellement commise soit prise en considération et en soulignant que ce délit n’implique pas un plein consentement du mineur.

La nouvelle définition du défaut de consentement des mineurs devait favoriser la lutte contre les crimes sexuels en facilitant la démonstration de cet élément constitutif. Or, la loi conforte la correctionnalisation judiciaire sur le fondement de l’atteinte sexuelle ce qui laisse penser que le législateur n’a pas pleine confiance dans sa réforme de l’article 222-22-1 du Code pénal et anticipe le recours à l’atteinte sexuelle. Si le législateur lui-même doute de son texte, peut-être est-ce le signe que les réformes relatives aux incriminations d’agressions sexuelles ne sont pas encore achevées. Une réforme en profondeur de la définition des quatre modalités du défaut de consentement, pour les majeurs et les mineurs, reste donc à construire.

 

 

[1] Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, JORF n° 0179 du 5 août 2018, Texte n° 7. V. Tellier-Cayrol, Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, AJ Pénal, 2018.400 ; Ph. Bonfils, Entre continuité et rupture : la loi du 3 août 2018 sur les violences sexuelles et sexistes, JCP éd. G, n° 39, 24 Septembre 2018, 975.

[2] CNCDH, Déclaration sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, Assemblée plénière du 19 juin 2018 (adoption à l'unanimité), JORF n° 0150 du 1 juillet 2018 
texte n° 25. Paragraphe 2 : «La CNCDH déplore une nouvelle fois, d'une part, que, comme trop souvent, le Gouvernement ait déposé un projet de loi dans un contexte émotionnel et, d'autre part, qu'il ait engagé la procédure accélérée dans une matière aussi sensible pour les droits et libertés. Cette procédure restreint considérablement le temps de réflexion et de maturation nécessaire au débat démocratique. La CNCDH est consternée par les approximations notamment juridiques que ce projet de loi recèle. Par ailleurs, elle s'inquiète des confusions que suscite ce dernier dans l'opinion publique. Enfin, elle regrette l'incohérence d'un texte mêlant des sujets fort différents».

[3] Pontoise, Melun, il est temps d’affirmer qu’un enfant de 11 ans ne consent pas librement à des relations sexuelles !, J.-P. Rosenczveig, blog, 12 novembre 2017.

[4] Communiqué de presse du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 14 mai 2018, Examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : le HCE appelle à revoir l’article 2 ; Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : NON à l’article 2 !, Les effronté·es, le 14 mai 2018, #LeViolestUnCrime : retirez l'article 2 !, La Marche mondiale des femmes, le 14 mai 2018 ; Projet de loi renforçant la protection des mineur.es contre les violences sexuelles, Planning familial, le 15 mai 2018 ; Après l'article 2, l'article 4. La déqualification continue, Le Groupe F, le 16 mai 2018, etc. La pétition «Le viol est un crime, pas un délit» atteignait, elle, les 50 000 signataires en quelques heures.

[5] Note aux rédactions- Au-delà de la désinformation, le projet de loi est un des piliers d’un arsenal inédit pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, site du Secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes.

[6] Tribune : Loi Schiappa, la protection de l’enfance en berne, JDD du 19 août 2018.

[7] Tribune : 84 députés et sénateurs En Marche soutiennent la loi Schiappa contre les violences sexuelles, JDD du 26 août 2018.

[8] Infostat Justice, numéro 164, septembre 2018, Les condamnations pour violences sexuelles, p. 1.

[9] Infostat Justice, art. préc., p. 1.

[10] Les viols dans la chaîne pénale, HAL ; S. Grunvald, La correctionnalisation de l’infraction de viol dans la chaîne pénale, AJ Pénal, 2017, 269 ; S. Lavric, C. Ménabé et M. Peltier-Henry, Enjeux et perspectives de la correctionnalisation judiciaire, AJ Pénal, 2018. 188.

[11]  Circ. min., NOR: JUSD1823892C, du 3 septembre 2018, Présentation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (N° Lexbase : L4567LM4), p. 3.

[12] Article 226-3-1 du Code pénal (N° Lexbase : L6208LLI) : «Le fait d'user de tout moyen afin d'apercevoir les parties intimes d'une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu'il est commis à l'insu ou sans le consentement de la personne, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende».

[13] Circulaire d’application préc., p. 8.

[14] Circulaire d’application préc., p. 8.

[15] Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes n° 778, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2018.

[16] Etude d’impact du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, 19 mars 2018, p. 43.

[17] Etude d’impact préc., p. 43.

[18] V. Tellier-Cayrol, Réflexions sur la contravention d’outrage sexiste, Dalloz Actualité, 14 mai 2018 ; V. Tellier-Cayrol, Non à l’outrage sexiste !, D., 2018, 425 ; Ph. Conte, Le tocsin de la loi, Dr. Pénal, n° 2, février 2018. Repère 2 ; M.-L. Rassat, Harcèlement de rue - De la création d’un «outrage sexiste et sexuel», Dr. Pénal, n° 4, avr. 2018. Etude 7.

[19] V. Malabat, Les infractions inutiles. Plaidoyer pour une production raisonnée du droit pénal, in La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, opinio doctorum, sous la direction de V. Malabat, B. de Lamy et M. Giacopelli, Dalloz, 2009, p. 71 et spéc. p. 76.

[20] Etude d’impact préc., p. 49.

[21] Lors de son audition devant la commission des lois, le 11 juin 2018, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, en réponse au président de la commission des lois qui faisait valoir le caractère réglementaire de ces mesures, a observé que le projet de loi créait une nouvelle peine, l'obligation de suivre un stage de lutte contre le sexisme, et qu'à ce titre l'intervention du législateur était nécessaire. 

[22] A. Casado, Prostitution - Brèves remarques à la lecture de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, Droit pénal n° 6, juin 2016, étude 12, § 7 et 8 : «Cette infraction semble donc être une contravention de nature légale. Il s'agit là d'un oxymore juridique au sens de l'article 111-2 du Code pénal ;  la loi détermine les crimes et délits... le règlement détermine les contraventions’».

[23] P. Lascoumes, P. Poncela, P. Lenoel, Au nom de l’ordre, une histoire politique du Code pénal, Hachette, 1989, p. 12.

[24] Loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux (N° Lexbase : L5319IG4), JO 9 février 2010, p. 2265. A. Lepage, Réflexions sur l’inscription de l’inceste dans le Code pénal par la loi du 8 février 2010, JCP éd. G, 2010. Doctr. 335 ; O. Baldes, Le retour de l’inceste dans le Code pénal : pourquoi faire ?, Dr.pénal, 2010, Etude 7 ; S. Detraz, L’inceste, l’inconnu du droit positif, Gaz. Pal., 2010, Etude 10765.

[25] Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfance (N° Lexbase : L0090K7H), JO du 15 mars 2016, texte n° 1. A. Lepage, Le retour de la qualification d'incestueux dans le Code pénal : une cote toujours mal taillée, Dr. Pénal, mai 2016, Etude 11. ; L. Pelletier, La réintroduction de l’inceste dans le Code pénal : de précisions en interrogations, Gaz. Pal., 2016, n° 19.

[26] Cons. const., décision n° 2011-163 QPC, du 16 septembre 2011 (N° Lexbase : A7447HX4) (à propos de l’article 222-31-1) et  Cons. const., décision n° 2011-222 QPC, du 17 février 2012 (N° Lexbase : A9099MWW) (à propos de l’article 227-27-2).

[27] Il en ira de même pour l’article 227-27-2-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0204K7P) qui définit l’inceste en cas d’atteinte sexuelle, modifié par l’article 2, II bis du projet de loi.

[28] Circ. min., NOR: JUSD1823892C, du 3 septembre 2018, Présentation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, p. 5.

[29] Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843 (N° Lexbase : A5291ACX) ; D., 1999. 75, note Y. Mayaud ; JCP éd. G, 1998. II. 10215, note D. Mayer et 1999. I. 112, n° 4, obs. M. Véron. Par la suite, la Cour de cassation a confirmé cette analyse en requalifiant des actes de fellation accomplis sur la victime en délit d’agression sexuelle, rappelant que le viol exige que l’acte de pénétration sexuelle soit réalisé sur la victime par l’auteur des faits (Cass. crim., 22 août 2001, n° 01-84.024 N° Lexbase : A1101AWP, D., 2002. Somm. 1803, obs. Gozzi ; Gaz. Pal., 2002. 2. Somm. 1099, obs. Y. Monnet).

[30] R. Koering-Joulin, Brèves remarques sur le défaut de consentement du mineur de quinze ans victime de viols ou d’agressions sexuelles, in Mélanges offerts à Jean Pradel, Le droit pénal à l’aube du troisième millénaire, Cujas, 2006, p. 390.

[31] En 2010 comme en 2018, on peut regretter que la loi n’ait appréhendé les difficultés à définir la contrainte et la surprise à l’aune du seul mineur victime. La réflexion gouvernementale à l’automne 2017, notamment en raison des deux faits divers de Melun et Pontoise qui ont défrayé la chronique, s’est concentrée sur la preuve du défaut de consentement lorsque la victime est mineure. Or, cette preuve est également très difficile pour les victimes majeures et il est dommage qu’elles n’aient pas été intégrées à la réflexion et que le texte nouveau ne les concerne pas.

[32] E. Dreyer, Un contrôle si faible contrôle de constitutionnalité..., AJ Pénal, mai 2015, n° 5, 248-250 ; Y. Mayaud, Rebondissement sur la structure matérielle des infractions sexuelles, RSC, 2015.86-88 ; S. Detraz,  L'article 222-22-1, in fine, du Code pénal à la lumière de la jurisprudence, Dr. pénal, décembre 2015, n° 12, p. 6-9 ; J.-B. Perrier,  La contrainte dans l'agression sexuelle : La confusion face au Conseil ou la confusion du Conseil, Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2015, n° 103, p. 705-708.

[33] Y. Mayaud, art. préc..

[34] Nicole Belloubet, garde des Sceaux, et Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, préparent un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, Gouvernement.fr, 14 novembre 2017. «Parmi les pistes de travail actuellement étudiées : […] la création d’un seuil d’âge en-dessous duquel le consentement ne pourrait en aucun cas être présumé. Tout enfant en-dessous d’un certain âge serait d’office considéré comme violé ou agressé sexuellement (l'Espagne, l'Angleterre, le Danemark, la Belgique, l'Autriche, l'Italie, les États-Unis sont les pays qui, notamment, ont inscrit cette disposition dans la loi)». 

[35] C. Dubois, M. Bouchet, Réflexion sur les seuils d’âge en droit pénal de fond, D., 2018.1268.

[36] Avis sur un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs, Conseil d’Etat du 15 mars 2018, «Une telle présomption aurait été très difficilement compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, en dehors du champ contraventionnel, lorsque les faits peuvent raisonnablement induire la vraisemblance de l’imputabilité (c’est le cas, par exemple, des infractions au code de la route relevant de cette catégorie), n’admet qu’’à titre exceptionnel’ l’existence d’une présomption de culpabilité en matière répressive. Pour que celle-ci soit jugée constitutionnelle, il faut, d’une part, qu’elle ne revête pas de caractère irréfragable et, d’autre part, qu’elle assure le respect des droits de la défense, c’est-à-dire permette au mis en cause de rapporter la preuve contraire. Ces exigences sont d’autant plus fortes lorsque la présomption est instituée pour un crime (décisions du Conseil constitutionnel n° 99-411 DC du 16 juin 1999, n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011). La même présomption, s’agissant d’un crime, aurait aussi très certainement excédé ‘les limites raisonnables’ dans lesquelles la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales enserre les présomptions de droit ou de fait en matière pénale, compte tenu de la gravité de l’enjeu et de la difficulté en pratique pour le mis en cause de se défendre (CEDH, 7 octobre 1988, Req. 10519/83, S. c/ France N° Lexbase : A5322PAD)», § 22.

[37] V. Malabat, Droit pénal spécial, 8ème éd., Dalloz, Hypercours, 2018, n° 362, p.194 ; E. Dreyer, Droit pénal spécial, 3ème éd., Ellipses, 2016, n° 294, p. 138 : pour l’auteur l’infraction sanctionne l’absence de légitimité du lien entre le majeur et le mineur. «Un tel lien choque au point d’appeler une réprobation sociale».

[38] Circulaire d’application préc., p. 6, n° 3.2.

 

* Cette intervention est issue de la formation réalisée le 1er octobre 2018 à Aix-en-Provence, coorganisée par l’ISPEC et l’Ecole des avocats du Sud-Est, à laquelle participaient également Alain Molla, avocat honoraire du barreau de Marseille et Pascale Giravalli, psychiatre des hôpitaux.

L’intervention est également à retrouver en podcast sur Lexradio.fr

newsid:465938

Avocats/Déontologie

[Brèves] Absence de prescription en matière de poursuites disciplinaires contre un avocat : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-738 QPC, du 11 octobre 2018 (N° Lexbase : A0164YG8)

Lecture: 2 min

N5941BXC

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 17 Octobre 2018

► L'absence de prescription en matière de poursuites disciplinaires contre un avocat ne porte pas atteinte au principe d'égalité ; dès lors l'article 23, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130  (N° Lexbase : L6343AGZ) est conforme à la Constitution.

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 11 octobre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-738 QPC, du 11 octobre 2018 N° Lexbase : A0164YG8).

 

Le Conseil avait été saisi le 11 juillet 2018 par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 18-40.019, FS-P+B N° Lexbase : A9567XXM) qui avait jugé que l'absence de prescription en matière de poursuites disciplinaires contre un avocat était susceptible de porter atteinte au principe d'égalité, les poursuites disciplinaires contre divers autres professionnels en raison de faits commis dans leurs fonctions, tels les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires ou les fonctionnaires, se trouvant soumises à un délai de prescription.

 

Le Conseil constitutionnel rappelle que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

En vertu du premier alinéa de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971, un avocat ayant manqué à ses devoirs peut être poursuivi devant le conseil de discipline dont il relève par son Bâtonnier ou le procureur général près la cour d'appel. Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative n'enferment dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire.

 

En premier lieu, d'une part, la faculté reconnue au procureur général ou au Bâtonnier de poursuivre un avocat devant le conseil de discipline, quel que soit le temps écoulé depuis la commission de la faute ou sa découverte ne méconnaît pas, en elle-même, les droits de la défense. D'autre part, aucun droit ou liberté que la Constitution garantit n'impose que les poursuites disciplinaires soient nécessairement soumises à une règle de prescription, qu'il est loisible au législateur d'instaurer.

 

En deuxième lieu, la profession d'avocat n'est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées. Dès lors, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription repose sur une différence de situation. En outre, elle est en rapport avec l'objet de la loi (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E9180ET8).

 

newsid:465941

Avocats/Honoraires

[Brèves] Prescription des honoraires d’avocat : le point de départ se situe au jour de la fin du mandat et non à celui de l’établissement de la facture

Réf. : Cass. civ. 2, 4 octobre 2018, n° 17-20.508, F-P+B (N° Lexbase : A5410YE4)

Lecture: 1 min

N5905BXY

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 17 Octobre 2018

► Le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en fixation des honoraires d'avocat se situe au jour de la fin du mandat et non à celui, indifférent, de l'établissement de la facture.

 

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 octobre 2018 (Cass. civ. 2, 4 octobre 2018, n° 17-20.508, F-P+B N° Lexbase : A5410YE4).

 

Dans cette affaire, des clients ont confié à un avocat la défense de leurs intérêts dans quatre dossiers et à la suite d’un différend sur le paiement de ses honoraires, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de ceux-ci.

 

Par ordonnance du 25 avril 2017, le premier président a débouté les clients de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T).

Un pourvoi est formé. En vain.

 

Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve le premier président d’avoir retenu, d'une part, que le mandat de l'avocat s'était poursuivi au moins jusqu'en décembre 2013 dans l'affaire pénale et qu'il avait pris fin en mars 2014 dans les trois autres affaires ; et, d'autre part, que l'avocat avait saisi par lettre du 18 juillet 2014 le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de ses honoraires. Dès lors le premier président en a exactement déduit que la demande de l'avocat n'était pas prescrite (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E2710E47).

newsid:465905

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] RPVA encore mais pas toujours, même si la déclaration de dysfonctionnement du réseau faite par le greffier n’établit pas nécessairement l’impossibilité d’envoi par l’avocat

Réf. : Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 16-14.056, F-P+B (N° Lexbase : A7227X33)

Lecture: 9 min

N5950BXN

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par Sâmi Hazoug, Maître de conférences à l’Université de Bourgogne Franche Comté CRJFC (EA 3225)

Le 18 Octobre 2018

RPVA - Déclaration de dysfonctionnement du réseau faite par le greffier - Impossibilité d’envoi

Arrêt après arrêt le régime des communications dématérialisées se dessine, témoignant des difficultés rencontrées en pratique. Et la généralisation prochaine au tribunal de grande instance ne manquera pas d’en faire apparaître de nouvelles [1]. Les faits, ayant conduit à la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 6 septembre 2018, ne présentaient aucune complexité : recours classique d’une banque contre une caution répondant des engagements d’une société. La première est déboutée de ses demandes, et condamnée, au titre d’une demande reconventionnelle, à réparer le dommage subi par la défenderesse sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Sans surprise, appel est interjeté, et les difficultés surgissent. Ne parvenant pas à transmettre la déclaration d’appel électroniquement, l’avocat de la banque la remit au greffe, le 5 août 2013.

 

La caution n’aurait peut-être pas trouvé à redire sur la recevabilité de l’appel, retenue par un arrêt du 18 septembre 2014 (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 18 septembre 2014, n° 13/06620 N° Lexbase : A7081MW8), si elle n’avait été condamnée non seulement à supporter les dépens à hauteur de 500 euros par un arrêt du 21 mai 2015 (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 21 mai 2015, n° 14/05173 N° Lexbase : A2786NIZ), mais surtout, au fond, à payer à la banque 100 000 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts par une décision du 21 janvier 2016. Pourvoi est alors formé, axé principalement sur la recevabilité, en sollicitant cassation des deux autres arrêts par voie de conséquence.

 

En substance, le demandeur reprochait l’admission du dépôt sur support papier avant expiration du délai d’appel. Celui‑ci était intervenu le 5 août en raison d’un dysfonctionnement informatique allégué, alors que le délai expirait le 2 septembre. En l’absence de cause étrangère au dernier jour du délai, le correctif apporté par le deuxième alinéa de l’article 930‑1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7249LE9) n’aurait pu être valablement mis en œuvre. Cette lecture du texte est rejetée par la Cour de cassation qui énonce qu’«il résulte de l'article 930-1 du Code de procédure civile, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, que la partie qui n'a pas pu transmettre un acte par la voie électronique à la cour d'appel pour une cause qui lui est étrangère peut remettre cet acte sur support papier au greffe sans attendre l'expiration du délai qui lui est, le cas échéant, accordé pour accomplir la diligence considérée». En revanche, la cassation est prononcée pour manque de base légale, en ce que la cour d’appel s’est déterminée par des motifs insuffisants à caractériser l’empêchement par une cause étrangère de transmission de la déclaration par voie électronique. La notion de cette cause étrangère mérite d’être rappelée (I), avant de s’intéresser à sa preuve (II).

 

I - La notion de cause étrangère

 

 

Précisons dès à présent qu’il peut être à tout le moins délicat de proposer une exacte définition de la cause étrangère [2], même en se restreignant aux seuls articles 930­‑1, appliqué en l’occurrence, et 748‑7 du même code (N° Lexbase : L0423IGR). Tout au plus est‑il possible de douter d’une transposition de la notion civiliste à la matière processuelle. Du moins, malgré l’effet conservatoire qui se retrouve également ici, en ce que la personne empêchée par cause étrangère ne se voit pas privée de son droit en dépit de la méconnaissance du délai imparti, la question de sa responsabilité, et conséquemment de sa limitation, est hors de propos en l’occurrence. Si une approche fonctionnelle est alors privilégiée, la cause étrangère s’entendrait, sans être simplement descriptif, d’une cause d’empêchement extérieure au demandeur.

 

Faute d’extériorité, le manque de diligence ne constitue pas une cause étrangère. Ainsi en est‑il par exemple de l’omission de l’avocat [3], ou encore d’un défaut de raccordement au réseau non sollicité [4]. Ainsi perçue, la question aurait pu se poser de l’incidence de la perte de sa clef d’accès par l’avocat ou du défaut de renouvellement [5]. Elle n’a naturellement pas manqué de l’être, recevant une réponse favorable, du moins lorsque l’information avait été portée à temps à la connaissance du greffe ou de l’avocat de la partie adverse, ou que les démarches ont été entreprises dans les délais [6]. Quoique n’étant pas totalement étrangère à l’avocat, une telle cause d’empêchement d’une communication par voie électronique n’en est pas moins recevable. En dehors de l’obligation d’emprunt d’une telle modalité, et la solution n’en est que plus remarquable, il a été jugé dans une matière qui ne relevait pas alors de la procédure avec représentation obligatoire, que la caractérisation d’une cause étrangère emporte prorogation du délai au premier jour ouvrable suivant par application de l’article 748‑7 du Code de procédure civile relevant des dispositions communes à toutes les juridictions [7]. Autrement dit, lorsque le justiciable dispose d’une option, il n’y a pas lieu de l’en priver, et moins encore de le pénaliser en lui refusant la prorogation de délai le cas échéant, en lui faisant supporter le risque d’un dysfonctionnement.

 

Sans prétendre à l’exhaustivité, rappelons que dans un arrêt remarqué cette même chambre avait énoncé qu’«aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés» [8] cassant l’arrêt qui avait considéré que le rejet, en raison de leur taille, des conclusions envoyées électroniquement n’étant ni imprévisible, ni irrésistible, la caducité de la déclaration d’appel devait être prononcée. La limitation de la taille des fichiers (ou l’insuffisance de la taille des «tuyaux») impacte aussi la seule déclaration. Comme l’écrivait M. Croze à ce sujet «[…] L’article 901 ne prévoit, semble‑t‑il, qu’une nullité pour vice de forme, mais une certaine lecture de l’article 562 du même code pourrait conduire à juger que la cour n’est tout simplement pas saisie, au moins en cas d’appel général […]. Les praticiens doivent donc recopier dans le formulaire informatique de déclaration d’appel les points critiqués du jugement ; comme il n’est, évidemment, pas interdit de critiquer l’ensemble des chefs de jugement, il faut donc au moins pouvoir recopier le dispositif dans un champ limité à 4080 caractères [soit moins de 15 tweets à 280 caractères]». Une circulaire du 4 août 2017 avait d’ailleurs préconisé l’annexion du pièce jointe, dont une trame est proposée par le CNB [9]… Mais la pièce jointe est soumise à la même limitation de taille (ou de poids), qui pourra alors constituer une cause étrangère.

 

La panne[10], extérieure à l’expéditeur, et l’empêchant de procéder à l’envoi, l’on pourrait alors s’étonner de la cassation intervenue. Le greffier certifiait pourtant l’existence d’un problème technique le jour du dépôt de la déclaration sur support papier. L’impossibilité de réception de l’un ne suffisait‑elle pas à déduire l’impossibilité d’envoi de l’autre, étant rappelée l’interconnexion des réseaux ? Même s’il ne s’agit, en définitive, que de la délimitation d’une cause étrangère efficiente, la question peut relever de la preuve à apporter par le demandeur.

 

II - La preuve de la cause étrangère

 

Il faut reconnaître qu’il y a quelque artifice à dissocier la preuve de son objet, mais cette approche peut s’autoriser du moyen de cassation retenu en l’espèce. Ici, la cour d’appel de Rouen avait considéré, pour ce qui est du dysfonctionnement, qu’il ne s’agissait pas d’une simple déclaration de l’appelant, mais d’une affirmation du greffier et que «le fait qu'un courriel RPVA ait pu être adressé par le greffe le 5 août 2013 au conseil de M. X. [l’intimé] n'excluait pas en lui-même l'existence d'un dysfonctionnement d'une part entre le service de la cour d'appel et certains autres cabinets et d'autre part, à d'autres moments de la journée du 5 août 2013». Simple fait juridique, la cause étrangère peut voir sa preuve rapportée par tout moyen. Encore faut‑il qu’il y ait eu empêchement de celui qui s’en prévaut (soit l’avocat de l’appelant en l’occurrence, et non celui de l’intimé, erreur de plume dans cet arrêt) ! Ce n’est pas de s’en être tenu à la seule déclaration du greffier qui est reproché au juge du fond, mais de s’y être limité sans prise en compte de la possibilité d’un «intervalle de fonctionnement», qui à l’inverse du salvateur intervalle de lucidité en cas d’insanité, exclut le sauvetage de l’acte. Le demandeur devait établir qu’au moment de l’envoi, et uniquement à ce moment, un dysfonctionnement l’en empêchait. Et de produire message de «non‑fonctionnement», ou de «non‑réception» que pourrait agrémenter une «capture d’écran». User donc de la technologie pour prouver ses limites, faute de quoi la caution sera non seulement libérée ; mais elle pourra également se prévaloir de la condamnation de la banque.

 

L'empêchement que devra établir le demandeur ce sera produit lors de la tentative de transmission, sans avoir à se renouveler. C’est ce que précise fort heureusement la Cour de cassation en rejetant les branches du moyen soutenant une autre analyse. A première lecture, la position du demandeur ne convainc pas. L’article 930‑1 du Code de procédure civile précise simplement en effet que «lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception». Mais il est vrai que faute d’empêchement jusqu’à expiration du délai, il n’y a pas d’empêchement à communication électronique dans les délais. En l’espèce, le délai expirait le 2 septembre, et un dysfonctionnement, fut‑il établi, le 5 août n’imposait pas la déduction du recours à la voie dématérialisée le même jour. Par ailleurs, mais le demandeur alléguait la violation du seul article 930‑1, cette analyse pouvait également s’autoriser d’une application cumulative de ce texte et de l’article 748‑7 relevant des dispositions communes, et donc du droit commun de la communication dématérialisée [11]. Or ce texte vise l’impossibilité de transmission par voie électronique le dernier jour du délai. Soit alors le premier, en sa qualité de texte spécial, exclut le second, et de se souvenir que sa lettre n’écarte pas en soi l’analyse soutenue par le demandeur. Soit, à l’inverse, le droit commun complète la disposition particulière qui ne précise pas le moment de survenance de la cause étrangère, et de conclure à un empêchement au dernier jour, comme le prévoit l’article 748‑7, et conséquemment à une obligation de réitération par voie électronique jusqu’à cette échéance. Ce qui peut rester possible jusqu’à minuit [12], et impose d’écourter ses nuits, sans oublier de rapporter la preuve de l’empêchement nocturne [13].

 

Les auteurs s’accordaient sur la faculté offerte à l’expéditeur, en cas de dysfonctionnement intervenu avant l’expiration du délai, de recourir à une remise sur support papier sans avoir à réitérer préalablement une tentative d’envoi numérique [14]. Ce, toutefois, en préconisant de le faire pour s’éviter «de dépendre de l'appréciation par le juge de l'existence d'une cause étrangère invoquée par le plaideur, risquant de voir son acte d'appel déclaré irrecevable faute de preuve d'une telle cause étrangère» [15]. En le soulageant de cette charge, la Cour de cassation clôt le débat par application du seul article 930‑1 du Code de procédure civile. S’il reste en droit d’emprunter encore, ou de tenter de le faire, la voie numérique, il n’y est pas tenu. En revanche, il faudrait revenir à une application cumulative en cas d’empêchement au dernier jour du délai : le dépôt au greffe interviendrait hors délai puisque l’article 930‑1 ne prévoit pas la prorogation visée à l’article 748‑7 du Code de procédure civile. La même solution sera à retenir devant le tribunal de grande instance lorsque cette modalité aura été imposée, puisque la prorogation n’est pas visée [16] : l’article 748‑7 offrira une voie de sortie. Reste alors l’hypothèse d’une cause étrangère intervenue dans le cadre d’un envoi numérique facultatif. Apparue au dernier jour du délai, c’est la prorogation qui jouerait seule, en admettant qu’il peut alors être procédé à un dépôt au greffe, l’article 748‑7 n’imposant pas la communication par voie électronique. Heureuse solution donc que celle retenue, et à l’heure de la dématérialisation et de la justice prédictive, l’on ne peut que se réjouir qu’un litige reste tranché par un être humain…

 

[1] Décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, applicable aux actes afférents aux instances introduites à compter du 1er septembre 2019, art. 796‑1.

[2] Sur la question, v. not. S. Grayot‑Dirx, La cause étrangère et l’usage des nouvelles technologies dans le procès civil, Procédures 2013, étude 2.

[3] Cass. civ. 2, 13 novembre 2014, n° 13-25.035, F-D (N° Lexbase : A3068M3Z), Gaz. Pal. 8-10 mars 2015, p. 19, note C. Bléry.

[4] Cass. civ. 2, 5 janvier 2017, n° 15-28.847, F-D (N° Lexbase : A4834S3G), Procédures, 2017, comm. 56, obs. H. Croze.

[5] L’auteur remercie Maître Stéphanie Roth du Barreau de Colmar de lui avoir fait part de cette difficulté.

[6] La question n’y était pas discutée mais pour un exemple récent d’une telle hypothèse v. CA Pau, 12-03-2018, n° 16/02831 (N° Lexbase : A9855XG4).

[7] Cass. civ. 2, 17 mai 2018, n° 17-20.001, F-P+B (N° Lexbase : A4404XNG), not. Gaz. Pal., 31 juilllet 2018, 69, obs. C. Bléry ; Lexbase, éd. privée, n° 745, note G. Guizard (N° Lexbase : N4439BXP).

[8] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1935WZP) ; not. D., 2018, 52, note C. Bléry ; ibid. 692, obs. N. Fricero ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ; JCP éd. G, 27 novembre 2017, 1248, obs. H. Croze.

[9] Cf. site du CNB.

[10] Un auteur évoque d’ailleurs en la matière… «le coup de la panne», vivier de cas pratiques. V. S. Amrani‑Mekki, Le coup de la panne, Gaz. Pal. 8 décembre 2012, p. 3.

[11] Pour une mise en œuvre de ces deux approches, v. not. N. Cayrol, «Le Code de procédure civile, droit commun procédural ?», obs. sur Cass. civ. 2, 18 mai 2017, RTDCiv., 2017, 908.

[12] V. par exemple CA Paris, 13 octobre 2015, n° 15/03699 (N° Lexbase : A4627NTK), JCP éd. G, 13 juillet 2015. 827, note C. Bléry.

[13] Pour un exemple v. CA Lyon, 22 décembre 2017, n° 17/07247 (N° Lexbase : A9428W8P) où il est énoncé que «Maître R. soutient que lorsqu'il a voulu notifier ses conclusions par RPVA le 11 juillet 2017 peu avant minuit, un message d'erreur s'est affiché lui indiquant qu'il lui était impossible d'accéder à la messagerie du greffe, que, toutefois, il indique qu'il n'a pas imprimé le message d'erreur et que l'incident n'a pas été répertorié, que le conseil national des barreaux a répondu à sa demande d'information qu'il ne pouvait confirmer une indisponibilité de la juridiction à l'heure indiquée, Attendu dès lors que l'avocat de M. L. ne justifie pas d'un dysfonctionnement du RPVA susceptible de constituer une cause étrangère au sens de l'article 930-1 du Code de procédure civile, que les conclusions notifiées le 13 juillet 2017, postérieurement à l'expiration du délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile doivent être déclarées irrecevables».

[14] V. not. S. Grayot‑Dirx, préc., spéc. no 12 ; Rép. pr. civ., vo Communication électronique, par E. de Leiris, janv. 2016 (actualisation, juin 2018), no 70. Pour une autre position v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droits interne et européen, S. Guinchard [dir.], Dalloz Action, 9ème éd., 2017/2018, no 161.260, p. 570 qui en retenant la faveur de la doctrine pour la solution énoncée, écrit que «s’il faut combiner les deux, l’avocat qui se heurte à une cause étrangère et recourt au papier avant le dernier jour du délai s’expose au risque d’une irrecevabilité de sa déclaration d’appel (C. pr. civ., art. 930‑1, al. 1er). Dès lors, il serait bon de prévoir expressément que l’auxiliaire de justice peut tenter de remettre son acte par voie électronique jusqu’à l’ultime limite du délai qui lui est imparti pour ce faire. Peut -mais pas doit- car s’il a besoin de faire rapidement appel, il ne doit pas être obligé d’attendre le dernier jour du délai».

[15] E. de Leiris préc..

[16] C. pr. civ., art. 796‑1, II (N° Lexbase : L6599LE7) «Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe selon les modalités de l'article 821 ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception».

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Contrat de travail

[Brèves] Succession de contrats de travail à durée déterminée : précisions relatives à la licéité de l’absence de délai de carence

Réf. : Cass. soc., 10 octobre 2018, n° 17-18.294, FS-P+B (N° Lexbase : A3251YGI)

Lecture: 2 min

N5982BXT

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par Blanche Chaumet

Le 17 Octobre 2018

► Une succession de contrats de travail à durée déterminée, sans délai de carence, n'est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l'un des motifs prévus limitativement par l'article L. 1244-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8109LGG).

 

Telle est la règle dégagée dans un arrêt rendu le 10 octobre 2018 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 octobre 2018, n° 17-18.294, FS-P+B N° Lexbase : A3251YGI).

 

En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité de peintre par une société suivant contrat de travail à durée déterminée du 12 juillet 2010 arrivant à échéance le 26 novembre suivant. Ce contrat a été prolongé jusqu’au 23 décembre 2010. Le 5 janvier 2011, le salarié a signé un nouveau contrat de travail à durée déterminée pour une durée s’achevant le 30 novembre 2011, puis le 1er décembre 2011, un contrat de travail à durée indéterminée. Il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes.

 

Pour rejeter la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 5 janvier 2011 en un contrat de travail à durée indéterminée et les demandes indemnitaires subséquentes

du salarié, la cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 6 avril 2016, n° 13/00490 N° Lexbase : A4087RCD) retient que ce second contrat de travail à durée déterminée avait pour objet de pourvoir au remplacement d'un salarié permanent de l'entreprise, que dès lors ce remplacement ne s'effectuait nullement sur le poste de travail dont la création et l'existence étaient la conséquence d'un surcroît d'activité et avait justifié la conclusion du premier contrat de travail, que le délai de douze jours entre les deux contrats était suffisant compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. A la suite de cette décision, le salarié s’est pourvu en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa des articles L. 1244-3 (N° Lexbase : L8110LGH) et L. 1244-4 du Code du travail, ensemble l’article L. 1245-1 du même Code (N° Lexbase : L5747IA4), dans leur rédaction applicable en la cause. En statuant comme elle l’a fait, alors qu’il ressortait de ses constatations que le premier contrat de travail à durée déterminée avait été conclu entre les parties en raison d’un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, soit pour un motif non prévu à l’article L. 1244-4 du Code du travail, de sorte qu’un délai de carence répondant aux exigences de l’article L. 1244-3 du même Code devait être observé avant la conclusion du second contrat de travail à durée déterminée pour remplacement d’un salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E0821GAN).

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Droit des personnes

[Jurisprudence] La loi sur la liberté des funérailles : une loi de police ?

Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 18-20.693, F-P+B+I (N° Lexbase : A6544X7I)

Lecture: 11 min

N5985BXX

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par Magali Bouteille-Brigant, Maître de conférences en droit privé, Le Mans-Université, Membre du Themis-Um et de l'Institut du Risque et des Assurances

Le 18 Octobre 2018

Dans l’arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de cassation est confrontée à un conflit opposant d’une part, la compagne et les enfants d’un ressortissant marocain décédé en France, qui souhaitent conformément à la volonté de ce dernier, procéder à son incinération, et d’autre part, la mère et les collatéraux de celui-ci, qui s’y opposent pour des raisons religieuses et qui revendiquent l’application de la règle de conflits prévue dans la convention franco-marocaine du 10 août 1981 et partant de la loi marocaine. Devant déterminer la loi applicable quant aux modalités d’organisation des funérailles, la Cour considère que «la liberté d’organiser ses funérailles ne relève pas de l’état des personnes mais des libertés individuelles et que la loi du 15 novembre 1887, qui en garantit l’exercice est une loi de police applicable aux funérailles de toute personne qui décède sur le territoire français».

Par essence douloureux, les moments de deuil peuvent également s’avérer propices à l’épanouissement de conflits intrafamiliaux, concernant non seulement la succession mais également les funérailles et leurs modalités. Comme l’actualité récente le prouve, la résolution de ces conflits est d’autant plus délicate lorsqu’ils sont empreints d’éléments d’extranéité. Elle mobilise alors les règles du droit international privé [1] quant à la détermination de la loi applicable au litige.

 

C’est le cas du conflit opposant, d’une part, les ascendants et collatéraux de Monsieur X, ressortissant marocain domicilié en France et décédé à Limoges, et d’autre part, Madame Z, concubine de Monsieur X et les enfants de ce dernier, issus d’une première union. Ce conflit fut l’objet de l’arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation, qui connaît les honneurs de la publication la plus large.

 

Le conflit concernait, et c’est relativement rare tant les conflits concernent le plus souvent le lieu de sépulture, les modalités des funérailles : les enfants du défunt et sa concubine avaient prévu une célébration religieuse dans une église catholique et sa crémation. La mère du défunt et ses frères et sœurs (les consorts X), s’opposent à cette crémation pour des raisons religieuses et demandent que le corps du défunt soit inhumé. Ces derniers arguaient de l’application de l’article 1er de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, lequel prévoit que «l’état et la capacité des personnes physiques sont régis par la loi de celui des deux Etats dont ces personnes ont la nationalité». Or, le défunt était de nationalité marocaine, alors même que sa naissance sur le territoire français lui aurait permis d’adopter la nationalité française. Pour rejeter la demande d’inhumation et satisfaire à la demande de crémation, le premier Président se fonde sur la loi française et la liberté de funérailles qu’elle garantit. En effet, l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté de funérailles énonce que «tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture».

Saisie d’un pourvoi par la mère du défunt, la Cour de cassation devait donc déterminer si le choix du mode de sépulture relevait ou non de la règle des conflits prévue par l’article 1er de la Convention franco-marocaine et, en conséquence si la loi française garantissant la liberté de funérailles devait être écartée. Sa réponse est sans appel. Pour écarter l’application de la règle des conflits et appliquer la loi française, la Cour de cassation énonce que «la liberté d’organiser ses funérailles ne relève pas de l’état des personnes mais des libertés individuelles et que la loi du 15 novembre 1887, qui en garantit l’exercice est une loi de police applicable aux funérailles de toute personne qui décède sur le territoire français».

Pourtant, le choix de qualifier la loi sur la liberté de funérailles de loi de police apparaît surtout répondre à la volonté de neutraliser en la matière l’application de la loi étrangère. Il n’est pas sans soulever des interrogations. Aussi, après avoir constaté la commodité de la qualification de loi de police appliquée à la loi sur la liberté de funérailles (I), envisagerons-nous les ambiguïtés de cette qualification (II).

 

I - La commodité de la qualification de loi de police appliquée à la loi sur la liberté des funérailles  

 

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation assimile la loi du 15 novembre 1887 à une loi de police. Ce faisant, elle reconnaît à cette loi un caractère internationalement impératif qui lui permet de soustraire la question de la détermination de la loi applicable en matière d’organisation des funérailles à toute règle des conflits, évinçant toute possibilité d’application de la loi étrangère (A). Cette qualification a le mérite d’éluder la question du statut de la dépouille mortelle (B).

 

A - Une qualification évinçant la loi étrangère

 

L’éviction de l’application de la loi étrangère en matière d’organisation des funérailles semble des plus communes si l’on s’en réfère à la jurisprudence antérieure, prononcée le plus souvent à propos de conflits portant sur la détermination du lieu de sépulture. Ainsi, dans un arrêt du 12 février 1957, la Cour de cassation, pour refuser l’exhumation d’un cadavre en application de la loi libanaise du défunt, avait déjà considéré que la loi française était d’ordre public [2].  Elle y énonce que la réglementation des funérailles touche au premier chef l’ordre public et doit demeurer résolue selon les dispositions du droit français. De manière plus récente, la cour d’appel de Paris, pour déterminer le lieu de sépulture, avait considéré qu’«en matière de funérailles, la nationalité du défunt est sans conséquence sur la loi applicable, dès lors que la loi française, du 15 novembre 1887, reconnue comme loi de police, trouve une application si le décès est survenu sur le territoire français» [3].

Si l’éviction de la loi étrangère en matière funéraire n’est donc pas nouvelle, le fondement de cette éviction semble des plus fluctuants, si toutefois il est recherché. En effet, certaines décisions, se contentent sans plus d’explications d’appliquer la loi française [4], d’autres au contraire, arguent de la qualité d’ordre public de la loi sur la liberté des funérailles on encore la qualifient de loi de police. Les fondements retenus pour évincer la loi étrangère semblent donc des plus disparates. Cette disparité des critères et les hésitations jurisprudentielles qu’elle emporte semblent être l’écho des difficultés à qualifier le défunt.

 

B - Une qualification éludant la question du statut de la dépouille mortelle

 

Pour le moment, le cadavre est considéré par le droit, non comme une personne mais comme une chose [5]. Cette assimilation ressort soit de la négation de la qualité de personne juridique [6], soit de la référence directe à la catégorie des choses. Ainsi l’article 434-7 du Code pénal (N° Lexbase : L1991AMP) sanctionne le recel de cadavre alors même que le recel se définit comme «le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre, une chose […] en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit». Des juridictions ont même pu envisager le cadavre comme une chose appropriée, c’est-à-dire un bien. Le TGI de Lille a en effet jugé que la dépouille mortelle était «l’objet d’un droit de copropriété familiale» [7].

Toutefois, certains arguments plaident en faveur de la personnification de la dépouille ; les restes des personnes décédées ne doivent-ils pas être traités avec respect, dignité et décence ? L’application de la dignité humaine à la dépouille mortelle n’exclut-elle pas qu’elle soit considérée comme une chose. La réification de la dépouille n’est-elle pas, en elle-même contraire à la dignité ?

 

Aussi, devant les hésitations relatives à la qualification de cadavre, le plus sûr moyen pour écarter la loi étrangère en matière de funérailles et appliquer la loi de liberté de funérailles est de définir cette dernière comme une loi de police. Comme le soulignait Rana Chaaban «Traiter le cadavre comme une chose, un meuble, implique le choix d’une certaine règle des conflits. A l’inverse, rattacher le cadavre au statut personnel, à la personne du de cujus, c’est se fonder sur la loi personnelle du défunt. Réserve étant faite, dans les deux cas, d’une loi de police qui écarterait toute réflexion en termes de méthode conflictuelle» [8].

 

Aussi efficiente que soit la qualification de loi de police retenue par la Cour de cassation, elle paraît néanmoins ambiguë.

 

II - L’ambiguïté de la qualification de loi de police appliquée à la loi sur la liberté des funérailles

 

Si elle répond à l’objectif d’application de réserver aux décès intervenus sur notre territoire l’application de la loi française reconnaissant la liberté de funérailles, il n’en demeure pas moins que la qualification retenue s’avère excessive (A), si bien qu’une qualification alternative semblerait préférable (B).

 

A - Une qualification excessive

 

La reconnaissance de la qualité de loi de police à la loi sur la liberté de funérailles, si elle est opportune en l’espèce, peut interroger. En effet, les lois de police ont pu être définies par la doctrine comme «les règles substantielles dont l’application aux litiges privés internationaux est rendue nécessaire par les Etats en raison de leur contribution à la protection des intérêts publics fondamentaux, leur respect étant jugé essentiel à la sauvegarde de l’organisation sociale, politique ou économique du pays» [9].  Reprise pour l’essentiel par quelques textes internationaux [10], cette définition appelle, pour retenir la qualification de loi de police, la réunion de deux critères. Le premier, le critère fonctionnel, correspond à l’objectif visé par le texte envisagé qui doit participer à l’organisation sociale, politique et économique du pays. Soulignons cependant qu’ainsi défini le critère fonctionnel est beaucoup trop large : toutes les lois ne concourent-elles pas à la garantie des intérêts économiques ou sociaux ? Aussi, est-il préférable de définir les lois de police comme «dispositions nationales dont l'observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'Etat membre concerné, au point d'en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire national de cet Etat membre ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci» [11]. Le second critère, le critère formel, correspond à la portée dont est doté le texte envisagé, qui a vocation à s’appliquer «à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable». La confrontation de ces deux critères à la loi sur la liberté des funérailles laisse le commentateur circonspect : en effet, la loi ne contient pas de disposition spécifique signalant que la loi a vocation à s’appliquer à toute situation entrant dans son champ d’application et le recours au pronom «tout», ne semble pas caractéristique tant d’autres dispositions françaises le contiennent sans pour autant être internationalement impératives comme le sont les lois de police. La satisfaction du critère fonctionnel est elle aussi délicate tant la liberté de funérailles ne semble pas cruciale à l’organisation politique sociale, ou économique de l’Etat. Si elle répond très certainement à des considérations d’ordre public, d’hygiène notamment, et si elle protège les intérêts privés, il est douteux qu’elle soit cruciale pour l’organisation de notre pays, en ce qu’elle ne semble décisive ou vitale. Aussi rejoignons-nous ici Rana Chaaban pour laquelle il est «difficile de qualifier la loi en cause de loi de police tant elle ne constitue pas ‘une loi dont l’observation est cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique de l’Etat français» [12]. La qualification de loi de police semble, à cet égard, excessive.

 

B - Une qualification alternative ?

 

Devant le caractère excessif de la qualification de loi de police, la proposition d’une qualification alternative, mais permettant également la neutralisation de la loi étrangère en matière d’organisation des funérailles, paraît souhaitable. En effet, certains auteurs proposent de raisonner en termes de droits de la personnalité [13]. La neutralisation de la loi étrangère serait ici assurée par le recours à la notion d’ordre public.

De prime abord, un tel raisonnement semble incompatible avec la position de la Cour de cassation qui considère que «la liberté d’organiser ses funérailles ne relève pas de l’état des personnes…». Cette exclusion paraît ici justifiée dans la mesure où les modalités des funérailles ne s’apparentent aucunement à un élément d’identification de la personne, mais plutôt à l’exercice d’un choix. Aussi, pas plus que les modalités du mariage, uniquement civil, ou religieux, les modalités des funérailles ne semblent avoir vocation à figurer dans l’état de la personne, seule important pour le droit, la date de son décès qui emporte avec elle la fin de la personnalité juridique de la personne. C’est donc à raison que la Cour de cassation a pu écarter l’application de l’article 1er de la loi franco-marocaine du 10 août 1981.

Néanmoins, l’exclusion de la liberté de funérailles de l’état des personnes, n’empêche pas de raisonner en termes de droit de la personnalité ou de statut personnel [14]. En effet, la Cour de cassation elle-même ne poursuit-elle pas en précisant que la liberté des funérailles relève «des libertés individuelles». Cette affirmation n’est pas surprenante. En effet, la loi sur la liberté des funérailles adoptée en 1887 avait pour objectif de permettre à chacun de choisir la destination de sa dépouille. Elle laissait ainsi une place aux partisans de la crémation à un moment où les oppositions, souvent de nature religieuse, se manifestaient violemment. Comme le signalait Le Professeur Bruno Py, la loi de 1887, en «désacralisant l’inhumation», permit de trouver un «point d’équilibre, de compromis reconnaissant la diversité des croyances et des pratiques» [15].  Le Conseil d’Etat a, par ailleurs, déjà reconnu à la possibilité d’un individu de choisir son mode de sépulture, la qualité de liberté fondamentale relevant tant de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR) garantissant à chacun le respect de sa vie privée et familiale, que de l’article 9 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion (N° Lexbase : L4799AQS) [16], même si cette liberté est très relative [17] puisqu’elle n’autorise que deux destinations à la dépouille mortelle : l’inhumation ou la crémation.  Aussi semble-t-il possible, à l’instar de Rana Chaaban, de considérer que «la loi de 1887 sur la liberté funéraire se rattache plus naturellement aux droits de la personnalité dans la mesure où elle tend à faire respecter la dernière volonté du défunt quant au choix du lieu de sépulture» [18]. Si une telle qualification risque, sans contrepoids, d’emporter l’application de la loi étrangère, en tant que loi personnelle du défunt, ce risque peut être écarté grâce à l’exception d’ordre public qui peut sans difficulté être caractérisée par des considérations de santé publique requérant la rapidité de l’organisation de la sépulture.  Xavier Labbée considérait ainsi que «la liberté des funérailles paraît bridée par des raisons d’ordre public et de bonnes mœurs, qui recouvrent des notions aussi diverses que l’hygiène publique, la décence et le respect» et que «les dispositions encadrant les funérailles ressortent d’un ordre public impératif et directionnel laissant peu de place à la liberté individuelle et à la fantaisie» [19]. La pertinence de cette qualification semble, en outre, consolidée par l’existence de sanctions pénales [20]  au non-respect de la volonté du défunt quant à l’organisation de ces funérailles [21]. Il reste dès lors l’obstacle tenant à l’absence de personnalité du cadavre, lequel peut être écarté en considérant que la liberté d’organiser ses funérailles est une liberté exercée du vivant de l’individu, mais dont l’efficacité est différée post mortem, tout comme l’est la liberté de tester. A cet égard, le troisième alinéa de l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 énonce, à propos du défunt, que «sa volonté, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation» [22].

 

[1] Pour une vue d’ensemble de la question voir Rana Chaaban, Le cadavre saisi par le droit international privé, in Traité des nouveaux droits de la mort, dir. J.-F. Boudet, M. Bouteille-Brigant et M. Touzeil-Divina, Editions l’Epitoge, Lextenso, 2014 p. 179 et s..

[2] Cass. civ. 1, 12 février 1957, Rev. Crit. DIP, 1957, p. 296, note Yvon Loussouarn ; D., 1959, p. 47, note Philippe Malaurie. Dans le même sens, voir CA Versailles, 18 avril 1991, n° 3199/91 (N° Lexbase : A3367YGS).

[3] CA Paris, 10 septembre 2013 n° 13/17770 (N° Lexbase : A8940MZ7).

[4] Cass. civ. 1, 17 février 1982, n° 80-12.017 (N° Lexbase : A8226CH7), Bull. civ. I, n° 81.

[5] Pour une vision d’ensemble voir Magali Bouteille-Brigant, Mathieu Touzeil-Divina, Du cadavre : Autopsie d'un statut, in Traité des Nouveaux Droits de la Mort, tome 2, Lextenso, Editions L'Epitoge, 2014, p. 403 et s..

[6] En ce sens, voir notamment Cass. civ. 1, 14 décembre 1999, n° 97-15.756 (N° Lexbase : A5207AWR) : «le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit».

[7] TGI Lille, 5 décembre 1996, D., 1997, p. 376.

[8] Rana Chaaban, préc., p. 179.

[9] Sandrine Clavel, Droit international privé, Dalloz, collection Hypercours, 4ème éd. 2016, n° 171.

[10] Voir notamment Règlement «Rome I», n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (N° Lexbase : L7493IAR), art. 9 § 1, qui la définit comme une «disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application».

[11] CJCE, 23 novembre 1999, C-369/96 (N° Lexbase : A5884AYL).

[12] Rana Chaaban, Des cadavres saisis par le droit international privé, in Traité des Nouveaux Droits de la Mort, préc., p. 184.

[13] Bernard Audit et Louis d’Avout, Droit international privé, 7ème éd. 2013, collection Corpus Droit privé, n° 705 p. 619 et s..

[14] iIbid..

[15] Bruno Py, Le droit et la pratique crématiste, in Traité des nouveaux Droits de la Mort, préc. n° 133.

[16] CE, 6 janvier 2006, n° 260307, affaire «Martinot» (N° Lexbase : A1813DM4), AJDA, 2006, p. 757 note Laurence Burgorgue-Larsen, JCP éd. G, 2006, II, 10059 note Lucienne Erstein, Dr. adm., 2006, comm. 64 note Lucienne Erstein.

[17] En ce sens, voir Magali Bouteille-Brigant, Des incertitudes demeurent quant à la dernière demeure, Revue Droit et santé, 2008, p. 159.

[18] Rana Chaaban, préc. n° 633. Dans le même sens, voir Philippe Malaurie, note sous Cass. civ., 12 février 1957, JCP, 1957, II, 9882.

[19] Xavier Labbée, Cadavre(s) et lois bioéthiques, in Traité des nouveaux droits de la mort, dir. Jean-François Boudet, Magali Bouteille-Brigant et Mathieu Touzeil-Divina, Editions l’Epitoge, Lextenso, 2014, Tome 2, n° 771.

[20] Pour une analyse de ces sanctions voir Jean-Marie Brigant, Traité des nouveaux Droits de la mort, préc., n° 865.

[21] C. pén., art. 433-21-1 (N° Lexbase : L2026AMY).

[22] Loi du 15 novembre 1887, art. 3, al. 3.

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Fonction publique

[Questions à...] Les conditions de retrait de la protection fonctionnelle - Questions à Frédéric Colin, Maître de conférences HDR de droit public, Centre de Recherches Administratives, Aix-Marseille Université

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 1er octobre 2018, n° 412897, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2243X8L)

Lecture: 9 min

N5969BXD

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 17 Octobre 2018

Dans un arrêt rendu le 1er octobre 2018, la Haute juridiction a dit pour droit qu’une décision accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle à un agent public peut être abrogée si les éléments révélés par une décision juridictionnelle non définitive ne retenant pas la qualification de harcèlement, et ainsi nouvellement portés à sa connaissance, permettent de regarder les agissements de harcèlement allégués comme n'étant pas établis. Pour faire le point sur cette décision, Lexbase Hebdo – édition publique a rencontré Frédéric Colin, Maître de conférences HDR de droit public, Centre de Recherches Administratives, Aix-Marseille Université.

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler l'objectif de la protection fonctionnelle accordée aux fonctionnaires ?

 

Frédéric Colin : Le service public consiste à intervenir notamment dans des conditions difficiles, parfois dans des situations de tension. L’agent public, qu’il soit fonctionnaire ou non (par exemple le contractuel), est donc particulièrement sujet à être confronté, dans le cadre de sa fonction «publique», à la contestation de son action, ce qui peut aller jusqu’à des actions violentes à son égard. Le droit de la fonction publique envisage donc la question, mais avec une subtilité qui réside dans le fait qu’il faut comprendre que si le statut général de la fonction publique consacre un certain compromis entre l’administration-employeur et ses agents, il est clair que ce qui l’emporte, c’est la protection de l’intérêt général, incarné par la fonction, et la continuité du service public. Ce n’est que dans cette mesure (mais «secondairement»), qu’est protégée la personne qui accomplit la fonction. D’où l’expression consacrée de «protection fonctionnelle», qui doit être bien comprise : en protégeant leurs agents, les pouvoirs publics protègent en réalité les fonctions.

 

L’évolution contemporaine de la protection fonctionnelle a conduit à codifier la jurisprudence, et a par ailleurs complexifié son régime juridique (conditions d’octroi, de retrait, étendue).

La protection fonctionnelle fait l’objet de l’article 11 du Titre I du statut général de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires N° Lexbase : L6938AG3, dite loi «Le Pors»). C’est une protection qui a un caractère d’automaticité, puisque l’article précise (IV) que «la collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté».  L’administration est donc tenue d’accorder la protection si les conditions sont remplies (CE, 28 juin 1999, n° 195348 N° Lexbase : A3954AXQ).

 

Cette protection n’est de plus pas cantonnée aux seuls fonctionnaires puisqu’elle bénéficie aussi aux contractuels, aux stagiaires, aux agents hors statut général (par exemple, un président élu de chambre consulaire, CE, Sect., 8 juin 2011, n° 312700 N° Lexbase : A5418HTT), et même aux collaborateurs occasionnels du service public (CE, 13 janvier 2017, n° 386799 N° Lexbase : A0494S98 : «aviseur des douanes») alors que ces derniers n’appartiennent pourtant pas au sens strict à la fonction publique. Elle bénéficie encore aux anciens agents (CE, 26 juillet 2011, n° 336114 N° Lexbase : A8344HWX). La protection a récemment été étendue par la loi aux proches de l’agent par la loi «déontologie» du 20 avril 2016 (loi n° 2016-483 N° Lexbase : L7825K7X) (alors que le Conseil d’Etat avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point : CE, 17 février 2014, n° 374227 N° Lexbase : A7801MEN).

 

Le champ de la protection fonctionnelle a donc été considérablement étendu, par le juge comme par la loi, tant en ce qui concerne la liste de ses bénéficiaires, que les faits susceptibles de l’enclencher. Elle répond en ce sens tout à fait à la conformation qui est la sienne, de principe général du droit, consacré par le juge administratif au profit de tous les agents publics, y compris ceux non couverts par le statut général.

 

Lexbase : Quelle interprétation le juge administratif en fait-il (extensive ou restrictive) ?

 

Frédéric Colin : En ce qui concerne les bénéficiaires, il est clair que le Conseil d’Etat a élargi de façon jurisprudentielle le champ de la protection fonctionnelle. Sur le «fond», c'est-à-dire en ce qui concerne l’étendue des actes susceptibles d’engager la protection, là encore, c’est la jurisprudence qui a fondé le régime aujourd’hui consacré dans la loi ; on doit donc considérer que le juge administratif a contribué à son affermissement au profit des agents. On peut légitimement considérer que le juge administratif fait donc une interprétation relativement extensive de la protection fonctionnelle. Evidemment, maintenant que la protection fonctionnelle fait l’objet d’un article vraiment détaillé dans le statut général, le Conseil d’Etat est inéluctablement amené, et c’est d’ailleurs le sens de l’arrêt du 1er octobre, à préciser, et donc à délimiter, le champ de cette protection dédiée à l’administration publique. Affirmer que le juge administratif en fait une interprétation restrictive supposerait, eu égard aux précisions susvisées l’établissant comme «inventeur» de ce régime, qu’il le dénature ou à tout le moins en transforme sa nature au bénéfice exclusif de l’administration sans tenir compte des agents, ce qui n’est pas.

 

Ainsi, le Conseil d’Etat a l’occasion, dans l’arrêt reproduit, de prendre position à l’occasion d’une demande de protection à l’occasion de faits constitutifs de harcèlement, ajoutés à la liste des faits susceptibles d’ouvrir droit à protection, par la loi du 20 avril 2016. Mais il avait déjà indiqué avant même l’intervention de la loi que le harcèlement était bien de nature à ouvrir droit à protection fonctionnelle (CE, 12 mars 2010, n° 308974 N° Lexbase : A1604ETL).

 

Lexbase : Dans quelle mesure la protection fonctionnelle peut-elle être remise en cause ?

 

Frédéric Colin : La protection fonctionnelle, même si elle bénéficie d’un certain régime d’automaticité, on l’a évoqué, n’est pas inconditionnelle.

La collectivité qui emploie l’agent peut refuser le bénéfice de la protection à l’agent, mais seulement si une faute personnelle peut lui être imputée (par exemple, CE, 9 juin 2009, n° 323745 N° Lexbase : A2876EID), ou pour un motif d’intérêt général (CE, Ass., 14 février 1975, n° 87730 N° Lexbase : A9972B7H). Le cas de la faute pénale de l’agent est aussi envisageable.

 

Mais la formulation de la loi (à son article 11-IV) reste toutefois elliptique et ne semble concerner que des décisions de refus au motif de faute personnelle, «ab initio», c'est-à-dire concomitantes au moment de la demande de protection. L’arrêt apporte une précision bienvenue, en ce qu’il s’intéresse à des situations postérieures, qui sont nécessairement évolutives. Sachant qu’il y a une logique d’octroi automatique de protection une fois les conditions remplies, le Conseil d’Etat va apporter une possibilité pour l’administration de se «défaire» de la protection qu'elle aurait accordée.

 

Dans cette mesure, l’arrêt va sans doute surprendre les agents désagréablement. En effet, le considérant de «principe» est quasiment formulé comme un principe général du droit, et ouvre la possibilité à l’administration d’abroger pour l’avenir sa décision de protection. Or, traditionnellement, les principes généraux du droit sont «consacrés» dans la perspective de procurer des garanties supplémentaires aux agents publics, en comblant les lacunes des textes. Mais la portée de l’arrêt rapporté parait à première lecture «unilatérale» et n’envisage, que le côté défavorable pour l’agent : celui du cas dans lequel la protection fonctionnelle, pourtant octroyée, peut être abrogée. On peut néanmoins lire cette décision «positivement» : le Conseil d’Etat donne en même temps, en réalité, un signe confirmant que la logique du système est bien celle d’un octroi automatique de la protection. Le juge ouvre en définitive assez logiquement la faculté de pouvoir réexaminer la décision si des éléments nouveaux sont portés à la connaissance de l’administration. Le choix d’un régime d’abrogation pour l’avenir de la décision (et non du retrait, rétroactif), permet par ailleurs de sécuriser l’agent qui, en cas d’abrogation de la protection n’aura pas, par exemple, à rembourser d’éventuels frais antérieurs exposés par l’administration.

 

Lexbase : L'arrêt rapporté innove-t-il en la matière ?

 

Frédéric Colin : La solution, dans cette affaire, combine plusieurs «contraintes» juridiques de droit administratif. Tout d’abord, la décision qui accorde la protection fonctionnelle à un agent est un acte créateur de droits (CE, 22 janvier 2007, n° 285710 N° Lexbase : A7092DTT). Son abrogation va donc devoir répondre aux exigences de l’arrêt «Ternon» (CE, Ass., 26 octobre 2001, n° 197018 N° Lexbase : A1913AX7), tel que codifié à l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration (N° Lexbase : L1854KNY) : en principe, le retrait (comme l’abrogation) d’une décision créatrice de droits à l’initiative de l’administration ne saurait intervenir après le délai de quatre mois à compter de la décision, et qu’à condition que la décision soit illégale. Il faut par ailleurs motiver la décision. L'arrêt ici rapporté s’intéresse plus particulièrement à une hypothèse dérogatoire : celle dans laquelle l’administration va pouvoir retirer la protection après l’expiration de ce délai de quatre mois.

 

Le Conseil n’innove pas complètement puisqu’il reprend dans son considérant n° 3 une formulation déjà consacrée à l’identique il y a dix ans, permettant l’abrogation de la protection après le délai de quatre mois, mais seulement «dans l'hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude» (CE, Sect., 14 mars 2008, n° 283943 N° Lexbase : A3803D7Y, Rec. Lebon, 2008, p. 100, concl. Boulouis ; décision concernant un militaire). Le Conseil d’Etat précisait déjà que l’administration peut mettre fin à la protection «pour l'avenir si elle constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle».

 

Dans l’arrêt ici reproduit, il apporte aussi la précision selon laquelle «l'autorité administrative peut mettre fin à cette protection pour l'avenir si elle constate à la lumière d'éléments nouvellement portés à sa connaissance que les conditions de la protection fonctionnelle n'étaient pas réunies ou ne le sont plus, notamment si ces éléments permettent de révéler l'existence d'une faute personnelle ou que les faits allégués à l'appui de la demande de protection ne sont pas établis». Le Conseil d’Etat aménage donc le régime de la protection fonctionnelle, ouvrant l’abrogation pour l’avenir de la protection à la prise en compte d’éléments nouveaux survenus après la décision, sachant (arrêt «Portalis») qu’il avait déjà exclu la possibilité d’un octroi de protection sous condition suspensive ou résolutoire.

 

 

Le Conseil d’Etat suit par ailleurs le Rapporteur public, M. Gilles Pellissier, qui proposait d’exclure de la possibilité d’abroger la protection pour un motif d’intérêt général. Ce motif permet en effet de refuser la protection, mais «ab initio»  (CE, Sect., 18 mars 1994, Rimasson N° Lexbase : A2251B8U) ; une fois accordée, l’intérêt général ne peut plus être invoqué par l’administration que pour adapter la protection octroyée (par exemple pour en refuser certaines modalités, comme le financement d’un avocat si une action en justice envisagée par l’agent est irrecevable).

 

On ne peut enfin extraire la solution du contexte dans lequel ce contentieux s’est développé, à savoir celui du harcèlement moral : la protection avait en effet été demandée sur ce fondement. Il s’agit d’un contentieux particulier dans lequel l’administration employeur est poursuivie pour harcèlement par son agent (avec le bénéfice d’un régime de preuve par présomption), et dans le même temps reçoit une demande de protection à ce titre. On peut imaginer que, souvent, la protection sera refusée. Mais, en l’espèce, l’administration a fait le choix d’accorder sa protection. Le harcèlement moral, malgré un régime de preuve favorable, n’aboutit pas souvent au contentieux. Le Conseil d’Etat consacre ici une approche favorable aux agents dans la mesure où il affirme que «la seule intervention d'une décision juridictionnelle non définitive ne retenant pas la qualification de harcèlement ne suffit pas, par elle-même, à justifier qu'il soit mis fin à la protection fonctionnelle». L’administration a en effet l’obligation d’examiner elle-même les faits et de les qualifier, puisque la décision juridictionnelle n’est pas définitive. Il précise néanmoins que l'administration peut malgré cela «réexaminer sa position et mettre fin à la protection si elle estime, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les éléments révélés par l'instance, et ainsi nouvellement portés à sa connaissance, permettent de regarder les agissements de harcèlement allégués comme n'étant pas établis». On observe donc, en matière de protection fonctionnelle, un traitement de «droit commun» du harcèlement au sein de la liste des motifs y ouvrant droit : le juge ne lui donne pas de traitement préférentiel par rapport aux autres motifs. L’acceptation par le Conseil d’Etat de la prise en compte par l’administration d’éléments nouveaux, à même de lui permettre de revoir une décision s’est déjà appliquée en matière de mutation (CE, Sect., 23 novembre 2005, n° 285601 N° Lexbase : A7379DLU), et hors fonction publique (par exemple en matière de privatisations : CE, Ass., 18 décembre 1998, n° 197175 N° Lexbase : A8921AS9).

 

La solution ici donnée se fonde sur une approche rationnelle, pragmatique, et dans l’esprit des textes : alors que le harcèlement moral est un motif qui doit «naturellement» (malgré on s’en doute un climat difficile dans le service) conduire à l’octroi de la protection fonctionnelle, l’administration doit pouvoir abroger la protection dans un second temps, si le harcèlement ne s’avère pas constitué.

 

newsid:465969

Licenciement

[Brèves] Nullité de la transaction conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par LRAR

Réf. : Cass. soc., 10 octobre 2018, n° 17-10.066, FS-P+B (N° Lexbase : A3252YGK)

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N5972BXH

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par Blanche Chaumet

Le 17 Octobre 2018

► Est nulle la transaction conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

 

Telle est la règle dégagée dans un arrêt rendu le 10 octobre 2018 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 octobre 2018, n° 17-10.066, FS-P+B N° Lexbase : A3252YGK ; voir en ce sens également, Cass. soc., 12 janvier 2016, n° 14-21.402, F-D N° Lexbase : A9295N3N).

 

En l’espèce, un salarié a été engagé, en qualité de technico-commercial, par une société, à compter du 1er avril 2007. Une lettre de licenciement datée du 10 septembre 2011 lui a été remise en main propre. Il a signé avec l'employeur un protocole transactionnel le 14 novembre 2011. Contestant la validité de la transaction, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

 

Pour déclarer valable la transaction et rejeter les demandes du salarié, la cour d’appel (CA Basse-Terre, 3 octobre 2016, n° 14/00043 N° Lexbase : A8378R43) retient que la transaction a été conclue postérieurement à la notification du licenciement au salarié. A la suite de cette décision, le salarié s’est pourvu en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa des articles L. 1232-6 (N° Lexbase : L1084H9Z) et L. 1231-4 (N° Lexbase : L1068H9G) du Code du travail, ensemble l'article 2044 du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE), dans leur rédaction applicable à la cause (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9935ESR et N° Lexbase : E9951ESD).

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Notaires

[Brèves] Choix d’un régime matrimonial et obligation du notaire

Réf. : Cass. civ. 1, 3 octobre 2018, n° 16-19.619, F-P+B (N° Lexbase : A5551YEC)

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N5919BXI

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 17 Octobre 2018

Le notaire chargé de rédiger le contrat choisi par des futurs époux est tenu, non pas de les informer de façon abstraite des conséquences des différents régimes matrimoniaux, mais de les conseiller concrètement au regard de leur situation, en les éclairant et en appelant leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des régimes matrimoniaux pouvant répondre à leurs préoccupations.

 

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 octobre 2018 (Cass. civ. 1, 3 octobre 2018, n° 16-19.619, F-P+B N° Lexbase : A5551YEC).


Dans cette affaire, Mme W, exerçant à titre libéral la profession de chirurgien-dentiste, et M. X, exerçant la même profession comme salarié, se sont mariés, le 12 novembre 2005, sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, leur contrat de mariage stipulant une clause d'attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant et une clause de donation entre époux portant sur l'universalité des meubles et immeubles composant la succession.

Estimant avoir été mal conseillés dans le choix de leur régime matrimonial, les époux ont assigné le notaire en indemnisation.

La cour d’appel de Limoges ayant retenu que celui-ci avait manqué à son obligation d'information et de conseil en sa qualité de notaire rédacteur d'acte (CA Limoges, 5 avril 2016, n° 15/00068 N° Lexbase : A5303RBZ), le notaire a formé un pourvoi.


En vain. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir caractérisé le manquement du notaire rédacteur à son obligation d'information et de conseil, en constatant qu'au moment de la conclusion du contrat de mariage, l’épouse exerçait une profession libérale et s'était endettée afin de s'installer, faisant ainsi ressortir que cette activité comportait un risque financier, et en retenant qu'eu égard à la situation, le notaire ne démontrait ni que les futurs époux lui avaient fait part de raisons particulières de nature à l'inciter à choisir un tel régime matrimonial assimilable à celui de la communauté universelle ni qu'il leur avait donné un conseil adapté à leur situation professionnelle spécifique.

newsid:465919

Procédure

[Brèves] Demande de retrait d’une canalisation traversant un terrain privé : compétence du juge administratif

Réf. : Cass. civ. 3, 11 octobre 2018, n° 17-17.806, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8033YEA)

Lecture: 1 min

N5936BX7

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par Yann Le Foll

Le 17 Octobre 2018

► Une demande de retrait d’une canalisation traversant un terrain privé relève de la seule compétence du juge administratif. Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 octobre 2018 (Cass. civ. 3, 11 octobre 2018, n° 17-17.806, FS-P+B+I N° Lexbase : A8033YEA).

 

L’implantation, même sans titre, d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration et ne saurait, dès lors, constituer une voie de fait.

 

Invoquant l’existence d’une voie de fait, les propriétaires d’une maison avec un terrain attenant, ont assigné un syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable et une commune en retrait d’une canalisation d’eau potable traversant leur terrain. L’arrêt attaqué a rejeté la demande.

 

Enonçant le principe précité, la Cour suprême estime qu’en statuant ainsi, alors que la demande de retrait de la canalisation relevait de la seule compétence de la juridiction administrative, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l’article 92, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1339H4D).

newsid:465936

Procédure administrative

[Brèves] Non-respect de l’obligation de communiquer le premier mémoire du défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux : pas d’irrégularité de la procédure en l’absence de préjudice aux droits des parties

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 10 octobre 2018, n° 400807, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7018YEN)

Lecture: 1 min

N5958BXX

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par Yann Le Foll

Le 17 Octobre 2018

► La méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité sauf si cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. Ainsi statue le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 10 octobre 2018 (CE 1° et 4° ch.-r., 10 octobre 2018, n° 400807, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7018YEN).

 

Dès lors, en se fondant, pour juger que l'absence de communication par le tribunal administratif au défendeur du mémoire en reprise d'instance présenté par les ayants droit du requérant, ne méconnaissait pas les dispositions de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3096ALA) sur le seul motif que l'affaire était en état d'être jugée, sans rechercher si ce mémoire apportait un élément nouveau au débat contentieux, la cour administrative d'appel (CAA Nancy, 4ème ch., 19 avril 2016, n° 15NC00328 N° Lexbase : A2484RLL) a commis une erreur de droit.

 

La Haute juridiction ajoute qu’une cour administrative d'appel ne commet pas d'erreur de droit en jugeant que, l'affaire était en l'état à la date du décès du requérant, il y avait lieu pour le tribunal d'y statuer, alors même qu'aucun ayant droit n'aurait déclaré reprendre l'instance (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E4296EXE).

newsid:465958

Procédure pénale

[Brèves] Quelle est la juridiction compétente pour effacer les données contenues dans le fichier TAJ ?

Réf. : T. confl., 8 octobre 2018, n° 4134 (N° Lexbase : A2714YGM)

Lecture: 1 min

N5954BXS

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par Marie Le Guerroué

Le 17 Octobre 2018

► La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des recours en effacement du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Telle est la décision rendue par le Tribunal des conflits le 8 octobre 2018 (T. confl., 8 octobre 2018, n° 4134 N° Lexbase : A2714YGM).

 

Dans cette affaire, le requérant avait, dans un premier temps, saisi le JLD pour être désinscrit de divers fichiers dans lesquels il pensait figurer. Il avait obtenu la mesure sollicitée pour le fichier des empreintes génétiques, dit «FNAEG», et pour le fichier des empreintes digitales, dit «FAED» mais le juge judiciaire s'était déclaré incompétent pour le fichier des traces d’antécédents judiciaires, dit «TAJ», et sa fonctionnalité biométrique dite «CANONGE». Il avait donc saisi le tribunal administratif, qui avait décliné sa compétence. Sur l’appel du requérant, la cour administrative d’appel a renvoyé au Tribunal des conflits la question de compétence.

 

Le tribunal rappelle que selon l’article 230-8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9067LKZ), les décisions du procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l'instruction. Il précise aussi que cette disposition, introduite par la loi du 3 juin 2016 (loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale N° Lexbase : L4202K87), soit postérieurement à la décision rendue par le procureur de la République, est applicable à la cause, dès lors que les lois de compétence des juridictions, notamment en matière pénale, sont d’application immédiate, tant que, comme en l’espèce, un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance.

 

Le tribunal en déduit la solution susvisée (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial» N° Lexbase : E6026EXH).

 

newsid:465954

Procédures fiscales

[Brèves] Vérifications de comptabilité : précisions sur la date de report portée à la connaissance du contribuable

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 12 octobre 2018, n° 401749, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3429YG4)

Lecture: 1 min

N5983BXU

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par Marie-Claire Sgarra

Le 17 Octobre 2018

Lorsqu'un contribuable a été régulièrement informé de l'engagement d'une procédure de vérification par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, dans les conditions prévues à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3160LCZ), aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit à l'administration, lorsqu'elle décide de reporter, de sa propre initiative ou à la demande du contribuable, la date qui avait été initialement prévue pour la première intervention sur place du vérificateur, d'envoyer ou de remettre un avis de vérification rectificatif au contribuable; l'administration est en revanche tenue d'informer le contribuable en temps utile, par tous moyens, de la date à laquelle est reporté le début des opérations de vérification.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 12 octobre 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 12 octobre 2018, n° 401749, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3429YG4).

 

En l’espèce, un contribuable a reçu un avis de vérification l’informant qu’il allait faire l’objet d’une vérification de comptabilité, dont la première intervention sur place était prévue le 15 novembre 2010. L’avis indiquait par ailleurs la possibilité pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix lors des opérations de contrôlé. Le contribuable informe de son absence et une nouvelle date d’intervention fixée au 18 novembre 2010 est fixée.

 

Le Conseil d’Etat juge la cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 2 juin 2016, n° 15NC00209 N° Lexbase : A1034RS4) a commis une erreur de droit en jugeant irrégulière la procédure d'imposition au motif que l'administration n'avait pas informé le contribuable de la date retenue pour le report du début des opérations de contrôle dans un délai suffisant, c'est-à-dire d'au moins deux jours ouvrés, pour lui permettre de se faire assister du conseil de son choix, et qu'elle l'avait, en se dispensant de cette formalité, privé d'une garantie tenant au caractère contradictoire de la procédure, alors qu'il suffisait qu'elle l'ait informé en temps utile de la date à laquelle était reporté le début des opérations de vérification.

newsid:465983

Procédures fiscales

[Brèves] Non-conformité à la Constitution des dispositions prévoyant amende pour délivrance irrégulière de documents permettant d’obtenir un avantage fiscal

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-739 QPC, du 12 octobre 2018 (N° Lexbase : A0436YGA)

Lecture: 2 min

N5942BXD

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par Marie-Claire Sgarra

Le 19 Juin 2020

Le premier alinéa de l'article 1740 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L2887IBK), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), est contraire à la Constitution.

Telle est la solution dégagée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 12 octobre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-739 QPC, du 12 octobre 2018 N° Lexbase : A0436YGA)

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait le 11 juillet 2018 (CE 10° et 9° ch.-r., 11 juillet 2018, n° 419874, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8006XXS), renvoyé au Conseil constitutionnel les dispositions de l’article 1740 A du Code général des impôts précité.

Ces dispositions prévoient la délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d’obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d’impôt ou une réduction d’impôt, entraîne l’application d’une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents ou, à défaut d’une telle mention, d’une amende égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction d’impôt indûment obtenu.

Le Conseil constitutionnel précise dans un premier temps que le législateur, en adoptant les dispositions contestées, a entendu lutter contre la délivrance abusive ou frauduleuse d'attestations ouvrant droit à un avantage fiscal. Il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle. Cependant, «en sanctionnant d'une amende d'un montant égal à l'avantage fiscal indûment obtenu par un tiers ou à 25 % des sommes indûment mentionnées sur le document sans que soit établi le caractère intentionnel du manquement réprimé, le législateur a institué une amende revêtant un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de ce manquement».

En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver de fondement la sanction de la délivrance irrégulière de documents permettant à un tiers d'obtenir indûment un avantage fiscal, même dans le cas où le caractère intentionnel du manquement sanctionné serait établi. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2019 la date de l'abrogation des dispositions contestées.

 

 

newsid:465942

Sociétés

[Brèves] Validité de la clause compromissoire soumettant à l’arbitrage les litiges nés de l’évaluation des parts sociales de l’associé exclu

Réf. : Cass. com., 10 octobre 2018, n° 16-22.215, FS-P+B (N° Lexbase : A3227YGM)

Lecture: 1 min

N5979BXQ

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par Gözde Lalloz

Le 17 Octobre 2018

► «Le caractère d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L8956I34) n'exclut pas l'arbitrabilité du litige» né de la valorisation des parts sociales d’un associé exclu. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans une décision datée du 10 octobre 2018 (Cass. com., 10 octobre 2018, n° 16-22.215, FS-P+B N° Lexbase : A3227YGM).

 

En l’espèce, l’assemblée générale d’une société avait exclu un associé et valorisé les parts sociales de ce dernier. Mécontent de cette valorisation, l’associé a assigné la société aux fins de voir désigner un expert en application de l’article 1843-4 du Code civil. Cette demande a été rejetée au profit d’une exception d'incompétence fondée sur une clause compromissoire insérée dans les statuts (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 14 juin 2016, n° 15/10947 N° Lexbase : A9045RSS).

 

La Cour de cassation énonce que la clause litigieuse a la nature d'un contrat par lequel les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat, y compris celui relatif à la valeur du remboursement des parts sociales de l'associé retrayant ou exclu et que l'évaluation des parts sociales entre dans le champ de la clause d'arbitrage. 

 

Ainsi, la Cour de cassation conclut que le caractère d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil n'exclut pas l'arbitrabilité du litige, et octroie aux arbitres le pouvoir de procéder eux-mêmes à cette évaluation et de trancher le litige (cf. l’Ouvrage «Droit des sociétés» N° Lexbase : E0563EUE).

newsid:465979

Droit médical

[Brèves] Implants mammaires : la responsabilité de l’organisme certificateur doit être recherchée !

Réf. : Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 15-26.093, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0860YGX)

Lecture: 3 min

N5943BXE

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par Laïla Bedja

Le 17 Octobre 2018

► Par arrêt du 16 février 2017 de la CJUE (CJUE, 16 février 2017, aff. C-219/15 N° Lexbase : A6026TC8), les dispositions de la Directive 93/42 (N° Lexbase : L7684AU7) doivent être interprétées en ce sens que l’organisme notifié n’est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs médicaux et/ou d’examiner les documents commerciaux du fabricant ;

Toutefois, cet organisme est soumis à une obligation de vigilance, notamment en présence d’indices suggérant qu’un dispositif médical est susceptible d’être non conforme aux exigences découlant de la Directive 93/42 ; cet organisme devant alors prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’acquitter de ses obligations au titre de l’article 16, paragraphe 6, de cette Directive ;

En pareil cas, l’organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées ;

 

► L'organisme certificateur et le personnel chargés du contrôle doivent être libres de toutes les pressions et incitations, notamment d’ordre financier, pouvant influencer leur jugement ou les résultats de leur contrôle, en particulier de celles émanant de personnes ou de groupements de personnes intéressées par les résultats des vérifications, de sorte que l’exécution des opérations d’évaluation et de vérification soit conduite en toute indépendance.

 

Tels sont les apports principaux d’un arrêt rendu le 10 octobre 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation, arrêt associé pour d’autres motifs d’ordre procédural à deux autres arrêts rendus le même jour (Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 15-26.093, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0860YGX ; voir Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, deux arrêts n° 16-19.430 N° Lexbase : A0861YGY et n° 17-14.401 N° Lexbase : A0862YGZ, FS-P+B+R+I, lire N° Lexbase : N5957BXW et N° Lexbase : N5959BXY).

 

Dans cette affaire, une société, qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à un organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la Directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux, de procéder à l’évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final ainsi qu’à l’examen du dossier de conception de ces implants. L’organisme de contrôle a procédé à des inspections à cette fin et en a également confié la réalisation à un sous-traitant.

A la suite d’un contrôle, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d’un gel de silicone différent du gel figurant dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la Directive 93/42.

En raison du risque de rupture précoce des implants qui en résultait et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la Santé français a recommandé à l’ensemble des femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à l’explantation de ceux-ci.

Plusieurs distributeurs de ces produits et plusieurs centaines de ces femmes, soutenant avoir été victimes des agissements du fabricant, après avoir demandé réparation à celui-ci, ont agi en responsabilité et indemnisation contre l’organisme notifié et son sous-traitant.

Le 2 juillet 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 2 juillet 2015, n° 13/22482 N° Lexbase : A1191RDH) a rejeté les demandes. Un pourvoi a été formé contre cet arrêt.

 

Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse l’arrêt rendu par les juges du fond au visa du point 5.1 de l’annexe II des articles R. 665-1 (N° Lexbase : L5231DYE) à R. 665-47 du Code de la santé publique et l’article R. 5211-40 (N° Lexbase : L1426IEK) du même code, transposant en droit interne le point 5.1 de l’annexe II de la Directive citée et successivement applicables en la cause, ensemble l’article 1382, devenu 1240 (N° Lexbase : L0950KZ9) du Code civil, pour le moyen relatif aux obligations de l’organisme notifié et au visa des points 2 et 5 de l’annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du Code de la santé publique et l’article R. 5211-56, 2° et 4°, du même code (N° Lexbase : L6649K8R), transposant en droit interne les points 2 et 5 de l’annexe XI de la Directive 93/42 et successivement applicables en la cause, ensemble l’article 1382, devenu 1240 du Code civil (cf. l’Ouvrage «Droit médical» N° Lexbase : E5267E79).

newsid:465943

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