La lettre juridique n°755 du 27 septembre 2018

La lettre juridique - Édition n°755

Aides d'Etat

[Brèves] La garantie implicite illimitée accordée par l’Etat français à un EPIC est-elle une aide d’Etat ?

Réf. : CJUE, 19 septembre 2018, aff. C-438/16 P (N° Lexbase : A8682X4C)

Lecture: 2 min

N5603BXS

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par Vincent Téchené

Le 26 Septembre 2018

► Le Tribunal de l’Union européenne doit réexaminer si la Commission était fondée à qualifier d’aide d’Etat la garantie implicite illimitée accordée par l’Etat français à l’Institut français du pétrole. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 19 septembre 2018 (CJUE, 19 septembre 2018, aff. C-438/16 P N° Lexbase : A8682X4C).

 

L’Institut français du pétrole (aujourd’hui IFP Energies nouvelles), établissement public français chargé de missions de recherche et développement, de formation, d’information et de documentation, était constitué sous forme d’une personne morale de droit privé placée sous le contrôle économique et financier du Gouvernement français. En 2006, l’IFP a été transformé en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

 

En 2011, la Commission a déclaré que l’octroi de ce nouveau statut avait eu pour effet de conférer à l’IFP une garantie publique illimitée sur l’ensemble de ses activités. Elle a considéré que la couverture, par cette garantie, des activités économiques de l’IFP (comme les activités de transfert technologique et de recherche contractuelle) constituait en grande partie une aide d’Etat. Néanmoins, la Commission a considéré que, sous réserve du respect de certaines conditions, l’aide d’Etat accordée pouvait être considérée comme compatible avec le marché intérieur. Par un arrêt du 26 mai 2016, le Tribunal a accueilli les recours de l’Etat français et de l’IFP et annulé la décision de la Commission dans la mesure où celle-ci qualifie d’aide d’Etat la garantie découlant du statut d’EPIC de l’IFP.

La CJUE, saisie d’un recours, annule l’arrêt du Tribunal et lui renvoie l’affaire pour réexamen.

 

La Cour considère tout d’abord que le seul fait que l’IFP bénéficie d’une garantie d’Etat était de nature à permettre à la Commission de présumer que, grâce à la garantie attachée à son statut, un EPIC tel que l’IFP bénéficie ou pourrait bénéficier, dans ses relations avec les institutions bancaires et financières, de conditions financières plus avantageuses que celles qui sont normalement consenties sur les marchés financiers.

En outre, le fait que le bénéficiaire d’une telle garantie n’a tiré dans le passé aucun avantage économique réel de son statut d’EPIC ne suffit pas, à lui seul, à renverser la présomption d’existence d’un avantage.

 

Par ailleurs, la Cour juge que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la présomption d’existence d’un avantage est confinée aux relations entre un EPIC et les institutions bancaires et financières.

 

Ainsi, si la présomption ne peut pas être étendue automatiquement aux relations d’un EPIC avec ses fournisseurs et ses clients, il n’en convient pas moins d’examiner si, compte tenu des comportements de ces fournisseurs et clients, l’avantage que l’établissement concerné peut en tirer est analogue à celui qu’il tire de ses relations avec les institutions bancaires et financières.

newsid:465603

Contrats et obligations

[Brèves] Application dans le temps de la réforme du droit des contrats : cassation d’un jugement ayant appliqué le droit nouveau à un contrat conclu antérieurement à l’entrée en vigueur

Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 17-24.347, FS-P+B (N° Lexbase : A6459X7D)

Lecture: 2 min

N5644BXC

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par June Perot

Le 26 Septembre 2018

► Le jugement de la juridiction de proximité qui fait application du droit nouveau à un contrat conclu avant la réforme du droit des contrats doit être censuré ;

 

en effet, en faisant application de l’article 1186 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L0892KZ3), relatif à la caducité, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), à un contrat dont il ressortait de ses propres constatations qu’il avait été conclu avant le 1er octobre 2016, la juridiction de proximité a violé l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 (N° Lexbase : L4857KYK). Telle est la substance d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 19 septembre 2018 (Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 17-24.347, FS-P+B N° Lexbase : A6459X7D).

 

Dans cet arrêt, un particulier a fait l’acquisition, auprès d’une société, d’un climatiseur, laquelle a procédé à son installation à l’intérieur et à l’extérieur de son domicile. Un contrat de maintenance a été souscrit le lendemain avec cette même société, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. La société a, par lettre, fait savoir à l’acheteur qu’elle ne renouvellerait pas le contrat. Ce dernier l’a assignée pour obtenir le remboursement des frais de déplacement de l’unité extérieure et la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de maintenance.

 

L’affaire a été portée devant la juridiction de proximité qui, pour rejeter les demandes, après avoir énoncé qu’en application des dispositions de l’article 1186 du Code civil le contrat devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît, a retenu dans son jugement que si, lorsque le contrat d'entretien a été souscrit, l'accès au groupe extérieur était possible, la modification de la situation de l'immeuble rendait depuis l'entretien impossible, de sorte que la demande de l’acheteur était sans objet.

 

A tort selon la Haute juridiction qui censure l’arrêt au visa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux termes duquel les dispositions de l’ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.

newsid:465644

Droit des étrangers

[Brèves] Visites domiciliaires prévue à l’article L. 561-2 du CESEDA : précisions sur la caractérisation de l’obstruction volontaire à la mesure d'éloignement

Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 17-23.695, FS-P+B (N° Lexbase : A6555X7W)

Lecture: 2 min

N5626BXN

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par Marie Le Guerroué

Le 26 Septembre 2018

► Le non-respect par l’intéressé de son obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat caractérise une obstruction volontaire à la mesure d'éloignement.

 

Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt du 19 septembre 2018 (Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 17-23.695, FS-P+B N° Lexbase : A6555X7W).

 

Par deux décisions du 16 juin 2017, le préfet avait fait obligation au demandeur au pourvoi de quitter sans délai le territoire français et l'avait assigné à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1274LKE) en lui faisant obligation de se présenter trois fois par semaine à un commissariat de police. Au visa d'un procès-verbal de carence du 28 juin 2017 établissant que l'intéressé n'avait jamais respecté cette obligation, le préfet avait demandé au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police pour qu'ils visitent son domicile et lui notifient une décision de placement en rétention. Pour rejeter cette demande, l'ordonnance retenait que le non-respect par l’intéressé de son obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat ne caractérisait pas une obstruction volontaire à la mesure d'éloignement.

 

La Haute juridiction rappelle les termes de l'article L. 561-2 précité selon lequel en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention. Elle précise, aussi, que le juge s'assure du caractère exécutoire de la décision d'éloignement que la mesure vise à exécuter et de l'obstruction volontaire de l'étranger à ladite exécution, dûment constatée par l'autorité administrative, résultant notamment de l'absence de réponse de l'étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution

 

Elle retient donc, qu’en statuant comme il l'a fait, le premier président, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte précité.

 

La Cour de cassation casse et annule l'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Grenoble (cf. l’Ouvrage «Droit des étrangers» N° Lexbase : E3237E4N).

 

A noter, également, que dans un autre arrêt en date du 19 septembre, la Cour a souligné la nécessité que la demande de visite domiciliaire soit effectuée alors que l’étranger est encore assigné à résidence (Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 17-26.409, FS-P+B N° Lexbase : A6549X7P) (N° Lexbase : N5625BXM).

newsid:465626

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Instance en cours au jour du jugement d’ouverture et contestation de créance

Réf. : Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-14.960, F-P+B+I (N° Lexbase : A3703X3K)

Lecture: 6 min

N5499BXX

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201), Avocat au barreau de Nice

Le 26 Septembre 2018

Procédure collective / Contestation de créance / Instance en cours / Réponse à la lettre de contestation 

Le créancier, dont la créance est contestée, reçoit du mandataire judiciaire, ou selon le cas, du liquidateur, un courrier recommandé avec demande d’avis de réception, lui indiquant le motif de la contestation, la proposition de rejet de la créance, lui rappelant l’obligation de répondre dans le délai de 30 jours et la sanction attachée à l’absence de réponse, à savoir l’impossibilité de contester ultérieurement la décision du juge-commissaire si elle confirme la proposition de rejet du mandataire de justice. Cette sanction résulte de l’article L. 622-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L7291IZ3).

 

Pour sa part, l’article L. 624-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L7295IZ9) dispose que, «au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit que l’instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence».

 

Il résulte notamment de ce dernier texte que le juge-commissaire se prononce sur le constat d’une instance en cours au vu des propositions du mandataire judiciaire.

 

En réalité, il appartient au créancier, qui se trouve dans les liens d’une instance en cours au sens de l’article L. 622-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L7289IZY), d’opérer un choix procédural au moment où il va déclarer sa créance. Soit il décide de se désister de son instance et de poursuivre la fixation de sa créance dans le cadre classique des opérations de vérification des créances en se soumettant à la décision du juge-commissaire, soit il décide de reprendre son instance en cours, laquelle a été interrompue par l’effet du jugement d’ouverture.  En ce dernier cas, il doit déclarer sa créance, en mentionnant qu’il se trouve dans une instance en cours, puis assigner en intervention forcée le mandataire judiciaire ou le liquidateur, selon le cas, aux fins de régulariser la procédure entamée contre le débiteur. 

 

Le mandataire judiciaire a alors l’obligation, lorsque le débiteur a mentionné qu’il était dans les liens d’une instance en cours, ce qui matérialise son intention de reprendre cette dernière, de préciser sur la liste des créances déclarées contenant ses observations, qu’il établit à la manière d’une procédure préliminaire d’instruction, afin de permettre au juge-commissaire de statuer sur la créance, en étant parfaitement éclairé, que la créance en cause fait l’objet d’une instance en cours.

 

Pour sa part, le juge-commissaire, informé que la créance en cause fait l’objet d’une instance en cours, n’a d’autre choix que de rendre une décision constatant que l’instance est en cours. La mention qu’il doit apposer est exhaustivement la suivante «Constat d’une instance en cours». Cette décision le dessaisit définitivement, ce qui est exclusif de la possibilité pour lui de surseoir à statuer.

 

Par conséquent, le juge-commissaire ne pourra pas statuer sur le fond de la créance déclarée et la procédure classique de vérification des créances, qui commence par l’examen de la régularité formelle et se poursuit par l’examen du fond de la créance déclarée, par le mandataire judiciaire, lequel recueille les observations du débiteur et, le cas échéant, des contrôleurs, ne pourra pas ici avoir lieu. 

 

En l’espèce, une société est mise en redressement judiciaire alors qu’était en cours, devant un tribunal, une instance tenant à sa condamnation au paiement d’une somme d’argent, instance l’opposant à une société de location financière.

Cette dernière a déclaré sa créance, objet de l’instance en cours, au passif. Le mandataire judiciaire, ensuite désigné liquidateur, l’a informée que sa créance était discutée et qu’elle entendait proposer son rejet au juge-commissaire, en l’invitant, de façon classique, à répondre dans le délai de 30 jours à la lettre de contestation. La société de location financière n’a pas répondu au courrier de contestation, puis a demandé au tribunal initialement saisi de fixer sa créance.

 

Curieusement, le tribunal va refuser cette demande qu’il va déclarer irrecevable au motif que le créancier n’avait pas répondu au courrier de contestation. La cour d’appel [1] va censurer la décision des premiers juges et c’est dans ces conditions que le liquidateur va se pourvoir en cassation, pour prétendre que l’absence de réponse à contestation de la créance interdisait au créancier de faire fixer sa créance devant la juridiction initialement saisie de l’instance.

 

Sans surprise, la Cour de cassation va rejeter cette argumentation et confirmer la décision rendue par la cour d’appel. Elle juge en effet que «c’est à bon droit que l’arrêt retient que l’article L 622-27 du Code de commerce, qui interdit aux créanciers, qui n’a pas répondu à l’avis du mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours, de contester ultérieurement la proposition de ce dernier, n’a pas vocation à s’appliquer lorsque l’instance au fond était en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective du débiteur».

 

Divers arguments ont conduit inéluctablement la Cour de cassation à statuer ainsi.

 

Certes le texte de l’article L. 622-27 du Code de commerce sanctionne le créancier qui ne répond pas à la contestation en lui interdisant de contester ultérieurement la proposition du mandataire judiciaire.  Ce texte, pris isolément, pourrait conduire au résultat posé par le tribunal.

 

Cependant, ce texte doit immédiatement être rapproché de l’alinéa 2 de l’article L. 624-3 du Code de commerce, selon lequel «le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie qui n’a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l’article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire».

 

Il résulte par conséquent de la combinaison des articles L. 622-27 et L. 624-3 du Code de commerce que l’interdiction de contester la proposition du mandataire judiciaire ne porte que sur la décision du juge-commissaire qui confirme celle-ci. Elle ne porte pas sur la décision rendue par le tribunal, initialement saisi de l’instance en cours au jour du jugement d’ouverture, appelé à fixer la créance au passif, et qui déclare irrecevable la demande du créancier. Il y avait là incontestablement une première confusion commise par le liquidateur.

 

Ensuite, la logique juridique commande nécessairement la solution. En effet, il appartient au créancier, dans les liens d’une instance tendant au paiement d’une somme d’argent engagée contre le débiteur avant le jugement d’ouverture, c’est-à-dire une instance en cours au sens de l’article L. 622-22 du Code de commerce, d’opérer le choix procédural suivant : soit il se désiste de son instance en cours et se soumet intégralement à la procédure de  vérification des créances, soit il décide de reprendre son instance en cours, après avoir déclaré sa créance, mais alors il ne se soumet pas à la vérification des créances.

 

Par conséquent, si on applique le régime de l’instance en cours au jour du jugement d’ouverture, qui conduit à la fixation de la créance par le tribunal initialement saisi, il n’y a pas matière à vérification de la créance. Le mandataire judiciaire n’a donc pas à faire parvenir de courrier recommandé contestant la créance et imposant au créancier une réponse. La discussion sur la créance déclarée sera menée exclusivement devant le tribunal initialement saisi puisque, outre le créancier, seront présents à cette instance, le débiteur mais également le mandataire judiciaire, voire l’administrateur judiciaire ou le commissaire à l’exécution du plan, comme cela résulte des dispositions de l’article L. 622-22.

 

Puisque les procédures de fixation de la créance par le biais du régime des instances en cours et celle de vérification des créances sont inconciliables, on ne peut appliquer les obligations régissant la seconde à la première. Par conséquent, on ne peut davantage appliquer à la première les sanctions strictement réservées à la seconde.

 

C’est pourquoi, il est hors de propos d’interdire au créancier de faire fixer sa créance devant le tribunal initialement saisi au fallacieux prétexte qu’il n’aurait pas répondu à un courrier de contestation de sa créance, courrier qui n’aurait jamais dû être envoyé, le mandataire judiciaire s’étant incontestablement fourvoyé dans la procédure applicable au cas qu’il avait à traiter.

 

[1] CA Paris, Pôle 5, 10ème ch., 28 novembre 2016, n° 15/20197 (N° Lexbase : A4000SLQ).

newsid:465499

Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] A propos de la lecture combinée des articles 4 B et 6 du CGI

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 18 juillet 2018, n° 409035, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0947XYQ)

Lecture: 7 min

N5611BX4

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 26 Septembre 2018

Le Conseil d’Etat casse -avec cette décision n°409035- l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 19 janvier 2017, n° 15NT03652 N° Lexbase : A9979S9H) pour erreur de droit.

Appelé à cogiter sur le sort d’époux mariés sous le régime de la séparation de biens et résidant dans deux endroits différents, le Conseil d’Etat se penche sur la lecture combinée des articles 4 B (N° Lexbase : L1010HLY) (domicile fiscal) et 6 (N° Lexbase : L1177ITR) (imposition commune ou distincte des revenus) du Code général des impôts. Si un contribuable possède son domicile fiscal en France (cf. le a) du 1 de l’article 4 B) par attraction familiale (résidence habituelle sur le territoire français de son conjoint séparé de biens et de ses enfants), on ne saurait opérer lecture ductile de cette situation. En d’autres termes, cela s’avère sans incidence sur l’appréciation à porter sur la question de savoir si celui-ci vit en France sous le même toit que son conjoint (cf. CGI, arts. 4 B et 6). Le raisonnement de la cour administrative d’appel de Nantes mérite censure dans la mesure où le juge d’appel a écarté l’argumentation des requérants «au seul motif que M. avait son foyer fiscal en France». Selon les requérants, seule une imposition séparée avait vocation à survenir : mariés à Jersey sous le régime de la séparation de bien, ils ne vivaient pas sous le même toit (monsieur résidant habituellement à Jersey pour raison professionnelle, madame résidant habituellement en France dans un immeuble propriété du couple).

 

Après examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle (années 2009 et 2010), les requérants avaient été taxés d’office à l’impôt sur le revenu (sur le fondement du 1° de l’article L. 66 N° Lexbase : L9380LHU et de l’article L. 67 N° Lexbase : L7602HEB du Livre des procédures fiscales). Ils n’avaient pas en effet opéré de déclarations de revenus au titre des années vérifiées dans les délais impartis par deux mises en demeure. Saisi, le tribunal administratif de Rennes (TA Rennes, 30 septembre 2015, n° 1301726) fait seulement droit -après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements accordés en cours d’instance- à cette demande des intéressés : une décharge des impositions à concurrence -pour chaque année litigieuse- du bénéfice du crédit d’impôt (CGI, art. 200 quater B N° Lexbase : L3081HNG). La cour administrative d’appel de Nantes rejette le surplus de leur appel contre le jugement du tribunal administratif de Rennes, en ce que ce dernier n’avait pas entièrement fait droit à leurs prétentions.

 

Comme vu en amont, le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la cour administratif d’appel de Nantes pour erreur de droit, refusant que l’argumentation des requérants soient -automatiquement- balayée au seul motif que monsieur avait son foyer fiscal en France au sens du a) du 1 de l’article 4 B du Code général des impôts. En vertu de ce dernier, sont réputées avoir leur domicile fiscal en France les personnes y possédant leur foyer ou le lieu de leur séjour principal. Remplir les conditions visées ici est «sans incidence» sur le regard que l’on doit porter sur les dispositions du 4 de l’article 6 du Code général des impôts. En vertu de ce dernier, les époux font l’objet d’impositions distinctes quand ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit. Des époux mariés sous le régime de la séparation de biens -et résidant dans deux endroits différents- connaissent une imposition distincte à condition que la résidence séparée ne présente pas un caractère temporaire.

 

Avec cette censure -sèche- de la décision d’appel, il semble y avoir volonté, de la part du Conseil d’Etat, de baliser le terrain pour éviter certains raccourcis herméneutiques préjudiciables. Il suffit de se pencher sur l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes pour entrevoir la démarche factuelle et juridique alors suivie. Après avoir constaté que les requérants sont mariés sous le régime de la séparation de biens et vivent sous des toits distincts, la cour administrative d’appel recourt à un «toutefois» qui scelle leur sort fiscal : toutefois, monsieur a son foyer fiscal en France (au sens du a) du 1 de l’article 4 B du Code général des impôts). Dès lors, l’obligation de résider à Jersey pour des raisons professionnelles n’a pas pour conséquence qu’il vivait sous un toit distinct (au sens du a) du 4 de l’article 6 du Code général des impôts). Au regard des éléments ainsi formulés, les revenus des époux doivent, selon le juge d’appel, relever d’une imposition commune. C'est cela même que déconstruit le Conseil d'Etat.

 

La cour administrative d’appel ne devait pas asseoir sa décision sur une logique descriptive/inductive la faisant glisser de l'article 4 B à l'article 6 du Code général des impôts. La cour administrative d’appel ne devait pas tirer d'indues conclusions des éléments suivants : madame résidait, avec l'enfant du couple, dans l'immeuble dont les requérants sont propriétaires...la valeur locative de cet immeuble était supérieure aux montants planchers visés à l'article 170 bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L0683IPY). Or, de telles circonstances sont jugées suffisantes -par la cour administrative d’appel- pour constituer des indices d'assujettissement à l'impôt sur le revenu, permettant à l'administration de faire application des articles 170 (N° Lexbase : L3880LCP) et 170 bis du Code général des impôts. Le juge d'appel adopte un tel raisonnement «alors même» que monsieur exerce son activité professionnelle à Jersey, « alors même » que l'article 170 bis du Code général des impôts est applicable aux seuls contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du Code général des impôts. Ce qui mérite critique, dans l'arrêt cassé, est la propension du juge d'appel à inverser la logique probatoire. Selon la cour administrative d’appel, il revenait «seulement» (!) aux contribuables d'apporter la démonstration suivante pour récuser le principe de la taxation d'office : démontrer qu'ils n'étaient soumis à aucune obligation déclarative en raison de la résidence fiscale de monsieur à Jersey et de la faiblesse des revenus de madame. De manière subsidiaire, précise encore la cour administrative d’appel, ils pouvaient démontrer ne pas être soumis à obligation déclarative commune en raison de leur régime matrimonial (séparation de biens) et de leur résidence séparée (de fait). La cour administrative d’appel rejette une autre prétention des requérants, celle tirée de la spécificité territoriale et fiscale de Jersey : ils arguaient ne pas être passibles de l'impôt sur le revenu en France dans la mesure où ils avaient été imposés -pour ces mêmes revenus- à Jersey (retenue à la source sur les salaires). La cour administrative d’appel de Nantes rappelle, de prime abord, que les dispositions combinées des articles 156 (N° Lexbase : L9114LKR] et 158 (N° Lexbase : L9111LKN) du Code général des impôts conduisent à imposer les contribuables ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leur revenu net annuel. Il n'y a pas lieu de distinguer si les éléments de ce revenu ont leur source en France ou hors de France. De plus, l'île de Jersey est un territoire tiers (TFUE, art. 355 du N° Lexbase : L2679IPW) n'ayant pas conclu de convention avec la France pour éviter les doubles impositions en matière d'IR ; monsieur est donc imposable -conclut la cour administrative d’appel- en France au titre de l'impôt sur le revenu, quand bien même il a subi une imposition -pour ces mêmes revenus- à Jersey.

L'arrêt de cassation apporte une pierre supplémentaire à la politique jurisprudentielle du Conseil d'Etat en matière d'imposition séparée des époux, mariés sous le régime de la séparation de biens et vivant dans deux domiciles distincts. Avec le régime de la séparation des patrimoines des époux, chacun est imposé à raison de ses seuls revenus et doit déposer sa propre déclaration. Il s'agit là d'une dérogation au principe de l'imposition par foyer fiscal. Les deux conditions -séparation des biens, résidences séparées- sont cumulatives. Il échoit aux contribuables d'apporter la preuve qu'ils vivaient -lors de l'année d'imposition -dans des résidences différentes (CE, 21 mars 1960, n° 43229 : le contribuable apporte la preuve que sa femme, séparée de biens, avait une résidence distincte de la sienne au cours de l'année d'imposition). La règle de l'imposition distincte ne reçoit pas application en présence de diverses configurations, telles que : séparation de biens et corps mais maintien d'une vie sous le même toit (CE, 18 mai 1966, n° 60146), maintien d'une vie commune quand bien même les époux vivent en (très) mauvaise intelligence (CE 7° et 9° ch.-r., 16 juin 1971, n° 81220 N° Lexbase : A1256B8Z), habitation au domicile du conjoint « à différentes reprises » au cours de l'année d'imposition (CE, 21 mars 1960, n° 43229). Au contraire, l'imposition distincte s'impose dès lors que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens et justifient résider sous un toit séparé (CE 3° et 8° ch.-r., 12 mars 2010, n° 311121, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1608ETQ). Il suffit en effet que les époux séparés de biens résident sous des toits séparés pour que s'applique le régime de l'imposition distincte, avec cette précision que la résidence ne doit pas avoir un caractère temporaire ; cela vaut même si l'un des conjoints effectue des retours réguliers au domicile possédé en commun (CE 9° et 10° ch.-r., 21 octobre 2011, n° 333898, inédit au Conseil d’Etat N° Lexbase : A8335HYD). Pour le juge, des époux séparés de biens et résidant séparément doivent être imposés distinctement y compris quand les intéressés agissent de concert pour la gestion d'intérêts matériels et patrimoniaux communs et se rendent réciproque visite lors de déplacements professionnels (CE 3° et 8° ch.-r., 25 avril 2003, n° 181719, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7636BSM). Tel est encore le cas en présence d'époux se retrouvant en fin de semaine quand leurs obligations professionnelles et familiales le permettent (CE 9° et 10° ch.-r., 24 avril 2013, n° 352310, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8762KCI). Subtile jurisprudence ; il n'est pas toujours aisé de démêler l'écheveau.

 

Pour conclure, revenons in fine sur le cœur de la décision du Conseil d'Etat, lorsqu'il rappelle le principe de l'imposition distincte en présence d'une résidence séparée ne présentant pas un caractère temporaire. Le juge d'appel ne saurait imposer une déclaration commune aux époux mariés sous le régime de la séparation de biens au seul motif que l'un des contribuables aurait -du fait de la résidence habituelle en France de son conjoint et de ses enfants- son domicile fiscal sur le territoire au sens du a) du 1 de l'article 4 B du Code général des impôts.

 

 

 

newsid:465611

Fiscalité internationale

[Brèves] Règles relatives au transfert indirect de bénéfices à l’étranger : quid d’une déduction de subventions opérée par une société française pour la détermination du prix de cession du produit de sa recherche

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 19 septembre 2018, n° 405779, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6136X7E)

Lecture: 2 min

N5641BX9

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par Marie-Claire Sgarra

Le 26 Septembre 2018

Lorsqu’elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, l’administration doit être regardée comme établissant l’existence d’un avantage qu’elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l’entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes. A défaut d’avoir procédé à une telle comparaison, le service n’est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transfert de bénéficies ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu’une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 septembre 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 19 septembre 2018, n° 405779, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6136X7E).

 

En l’espèce, une société exerce une activité de recherche portant sur des projets relatifs aux composants électroniques et aux semi-conducteurs pour laquelle elle perçoit de l’Etat des subventions issues du fonds de compétitivité des entreprises ainsi que des sommes au titre du crédit d’impôt recherche. Ladite société conclut avec sa société-mère un contrat, par lequel elle s’engage à céder à celle-ci la propriété des droits incorporels non «brevetables» issus de son activité de recherche, à un prix égal à un coût de revient des opérations correspondantes, majoré de 10 %.

 

A la suite de deux vérifications de comptabilité, l’administration a relevé que pour l’application de ce contrat, la société déduisait, pour la détermination du coût de revient des actifs incorporels cédés à sa mère, avant application de la majoration de 10 % permettant d’aboutir au prix facturé à celle-ci, le montant des subventions reçues de l’Etat et du crédit d’impôt recherche dont elle bénéficiait. Estimant que cette déduction induisait un transfert indirect de bénéfices à l’étranger, au sens de l’article 57 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9738I33), elle a rehaussé les résultats de l’entreprise. Le ministre de l’Action et des Comptes publics se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles par lequel elle a fait droit aux conclusions de la société tendant au rétablissement de ses déficits reportables à concurrence de la prise en compte d’un coût de revient des opérations de recherches net des subventions reçues et réformé.

 

Le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de l’instruction «qu’alors même que l’accord entre les deux sociétés ne stipulerait pas expressément que le prix de revient pris comme base de calcul du prix de vente s’entendrait du coût effectivement supporté, net du montant des subventions, le ministre n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit dans l’application de ces dispositions en jugeant qu’à défaut d’avoir présenté des termes permettant de comparer valablement les prix facturés par la société à sa mère néerlandaise et ceux pratiqués entre entreprises indépendantes, l’administration, qui ne proposait aucune méthode alternative pouvant se substituer à cette comparaison, n’apportait pas la preuve que les sommes réintégrées dans les résultats de la contribuable constituaient des bénéfices indûment transférés à l’étranger» (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5032ALX).

newsid:465641

Impôts locaux

[Brèves] Non-conformité partielle des dispositions excluant les ports de plaisance de l’exonération de CFE

Réf. : Cons. const., 21 septembre 2018, décision n° 2018-733 QPC (N° Lexbase : A3795X7P)

Lecture: 1 min

N5612BX7

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par Marie-Claire Sgarra

Le 26 Septembre 2018

Les mots «ou des sociétés d'économie mixte» figurant au 2° de l'article 1449 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2972IG8), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 (N° Lexbase : L1816IGD), sont contraires à la Constitution.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 septembre 2018 (Cons. const., 21 septembre 2018, décision n° 2018-733 QPC N° Lexbase : A3795X7P).

 

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait, dans un arrêt du 29 juin 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 29 juin 2018, n° 419930, inédit au Conseil d’Etat N° Lexbase : A5135XUQ), décidé que la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 1449-2° du Code général des impôts devait être renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Le Conseil d’Etat juge que «les dispositions contestées excluent également de leur champ d'application d'autres sociétés susceptibles de gérer un port, n'ayant pas le statut de sociétés d'économie mixte, mais dont le capital peut être significativement, voire totalement, détenu par des personnes publiques. Tel est le cas en particulier des sociétés publiques locales, dont les collectivités territoriales ou leurs groupements détiennent la totalité du capital». En excluant de telles sociétés du bénéfice de l'exonération, le législateur a, compte tenu de l'objectif qu'il s'est assigné, méconnu les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Les termes «sociétés d'économie mixte» sont donc contraires à la Constitution. Par ailleurs le Conseil précise que le reste des dispositions contestées ne méconnaît pas les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques

 

Ici, le Conseil constitutionnel estime que l'abrogation immédiate des mots «ou des sociétés d'économie mixte» aurait pour effet d'étendre l'application d'un impôt à des personnes qui en ont été exonérées par le législateur. Or, le Conseil ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications des règles d'imposition qui doivent être choisies pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2019 la date de cette abrogation.

newsid:465612

Libertés publiques

[Brèves] Exclusion d’une femme portant un foulard islamique d’une salle d’audience : violation du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion protégé par la CEDH

Réf. : CEDH, 18 septembre 2018, Req. 3413/09 (N° Lexbase : A8332X4D)

Lecture: 1 min

N5541BXI

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par Yann Le Foll

Le 26 Septembre 2018

L’exclusion d’une femme portant un foulard islamique d’une salle d’audience constitue une violation du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion protégé par la CESDH. Ainsi statue la CEDH dans un arrêt rendu le 18 septembre 2018 (CEDH, 18 septembre 2018, Req. 3413/09 N° Lexbase : A8332X4D).

 

La Cour juge que l’exclusion de Mme X, simple citoyenne, ne représentant pas l’Etat, de la salle d’audience a constitué une «restriction» dans l’exercice par cette dernière du droit de manifester sa religion. Elle juge aussi que la restriction poursuivait comme but légitime la «protection de l’ordre», afin notamment de prévenir les comportements irrespectueux à l’égard de l’institution judiciaire et/ou perturbateurs du bon déroulement d’une audience.

 

La Cour constate, cependant, que la façon dont l’intéressée s’est comportée lors de son entrée en salle d’audience n’était pas irrespectueuse ou ne constituait pas (ou ne risquait pas de constituer) une menace pour le bon déroulement de l’audience. La Cour juge donc que la nécessité de la restriction litigieuse ne se trouve pas établie et que l’atteinte portée au droit de la requérante à la liberté de manifester sa religion n’était pas justifiée dans une société démocratique.

 

newsid:465541

Libertés publiques

[Brèves] Liberté d’organiser ses funérailles : une liberté individuelle garantie à toute personne qui décède sur le territoire français, fût-elle ressortissante étrangère

Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 18-20.693, F-P+B+I (N° Lexbase : A6544X7I)

Lecture: 2 min

N5628BXQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 26 Septembre 2018

La liberté d’organiser ses funérailles ne relève pas de l’état des personnes mais des libertés individuelles, et la loi du 15 novembre 1887, qui en garantit l’exercice, est une loi de police applicable aux funérailles de toute personne qui décède sur le territoire français.

Tel est le principe énoncé solennellement par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 19 septembre 2018 (Cass. civ. 1, 19 septembre 2018, n° 18-20.693, F-P+B+I N° Lexbase : A6544X7I).

 

En l’espèce, à la suite du décès, survenu à Limoges, d’un ressortissant marocain domicilié en France, sa concubine, et ses deux enfants issus d'une précédente union, avaient prévu une célébration religieuse dans une église catholique et l'incinération de sa dépouille ; la mère du défunt, sa sœur, et ses frères, s’étaient opposés à la crémation pour des raisons religieuses.

 

Ils faisaient grief à la décision rendue par la cour d’appel de Limoges (N° Lexbase : A7125XZW) de dire que les funérailles seraient organisées selon les conditions souhaitées par la concubine et les enfants du défunt, à savoir par crémation, invoquant l'article 1er de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, dont il résulte que l'état et la capacité des personnes physiques sont régis par la loi de celui des deux Etats dont ces personnes ont la nationalité. Ils n’obtiendront pas gain de cause.

 

La Cour suprême, après avoir énoncé le principe précité, approuve la cour d’appel ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, qu’il convenait de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt en ce qui concernait l’organisation de ses funérailles et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités ; aussi, selon la Haute juridiction, c’est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que le premier président a estimé que, si le défunt n’avait laissé aucun écrit pour exprimer ses volontés quant à ses funérailles, il résultait des témoignages émanant d’amis et de voisins qu’il souhaitait être incinéré, que s’il était athée, il avait néanmoins accepté que sa fille soit baptisée et qu’il disait vouloir laisser le choix à ses enfants et à sa compagne de la manière dont ils l’accompagneraient lors de son décès.

newsid:465628

Licenciement

[Jurisprudence] Du bon usage des réseaux sociaux par le salarié

Réf. : Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, FS-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A7858X4S)

Lecture: 9 min

N5627BXP

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 26 Septembre 2018

Licenciement/faute grave (non)/propos diffusés par un salarié sur son compte Facebook/groupe fermé/conversation de nature privée

 

Résumé

 

Ne caractérisent pas une faute grave les propos diffusés par un salarié sur son compte Facebook qui n'avaient été accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu'ils relevaient d'une conversation de nature privée.

 

Les chiffres sont vertigineux ! Deux milliards de personnes seraient aujourd’hui des utilisateurs actifs du réseau social Facebook ! Le développement contemporain des réseaux sociaux et des smartphones ayant aboli les frontières du temps et de l’espace et rudement mis à l’épreuve le principe fondamental de séparation entre vie personnelle et vie professionnelle, les informations qui circulent sur ces réseaux sont susceptibles à la fois de nuire aux victimes désignées, mais aussi à leurs auteurs qui pourraient se méprendre sur l’impunité fictive dont ils pensent bénéficier derrière leur clavier. Pourtant, les décisions de la Cour de cassation sont rares en la matière, démontrant sans doute que l’usage des réseaux sociaux est aujourd’hui entré dans les mœurs et que le média s’est effacé derrière les informations, ce qui est une bonne nouvelle pour tous. C’est tout l’intérêt de l’arrêt publié que rend la Chambre sociale de la Cour de cassation le 12 septembre 2018 qui vient compléter quelques décisions antérieures (I) dans une affaire qui lui permet de fixer le cadre dans lequel doivent être jugés les propos tenus par des salariés, en dehors de leur temps et de leur lieu de travail, sur leur page Facebook (II).

 

I - L’usage des réseaux sociaux et la responsabilité disciplinaire des salariés 

 

Cadre général. La Cour de cassation a construit ces dernières années un régime destiné à protéger la vie personnelle des salariés tout en veillant à ce que celle-ci ne déborde pas sur l’entreprise. Ce régime équilibré repose sur l’idée de la nécessité de séparer les deux sphères, mais aussi sur le constat réaliste que des intrusions sont malheureusement inévitables, et qu’elles doivent pouvoir être sanctionnées. Ce régime affirme donc un double principe logique (1° Ce qui est privé doit être protégé du pouvoir de l’employeur ; 2° Ce qui est professionnel doit être maintenu en dehors de la sphère privée) et des exceptions tout aussi logiques : le salarié ne peut pas être sanctionné par le seul fait qu’il utilise son outil de travail à des fins personnelles, dès lors que cet usage est modéré et ne nuit pas aux intérêts de l’entreprise, et l’employeur ne peut pas prendre en compte des éléments tirés de la vie personnelle du salarié dès lors que ces faits ne sont pas en lien avec le travail et n’ont pas de retentissement excessif sur la bonne marche de l’entreprise.

 

Application aux réseaux sociaux. L’utilisation des données issues des réseaux sociaux est aujourd’hui banale et l’étude du contentieux montre que bien souvent les salariés ne pensent pas à discuter la production en justice de propos qu’ils ont pu tenir sur leur page Facebook, ou sur d’autres réseaux sociaux, et ce alors pourtant que ces pages sont alimentées essentiellement par des informations privées, même si les salariés y publient également leurs humeurs professionnelles [1].

Deux situations doivent être distinguées, selon que les données ont été récoltées à l’occasion de l’exécution par le salarié de son contrat de travail, ou non.

 

Alimentation des réseaux sociaux dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Lorsque le salarié est mis en cause en raison de faits commis sur le lieu de travail et pendant son temps de travail, la qualification de faute disciplinaire est moins complexe dans la mesure où les frontières de la vie privée, sans disparaître totalement, s’estompent très nettement [2]. Le lien entre les informations publiées et l’exécution du contrat de travail permet alors de présumer le caractère professionnel des fautes constatées [3], même s’il restera, et ce n’est pas le plus facile, à déterminer, en fonction des circonstances, s’il s’agit d’une faute grave, d’une simple faute «sérieuse», voire d’un comportement qui ne mérite pas d’être sanctionné, selon un certain nombre de variables relatives au respect par l’employeur de ses obligations déclaratives [4], des modalités d’accès aux informations sur les connexions du salariés, l’existence d’une charte interne à l’entreprise [5], la fréquence et la durée des temps de connexion [6], la nature des sites consultés, la gravité des propos tenus [7], l’incidence sur la productivité du salarié, le caractère clandestin des consultations [8] et les manœuvres employées pour masquer ses agissements [9], l’existence de tolérances antérieures, la possibilité de qualifier les faits sur un plan pénal [10], etc.

 

Alimentation des réseaux sociaux dans le cadre privé. Lorsque les faits sont commis en dehors de l’exécution du contrat de travail, la qualification sera plus complexe en raison du caractère privé des faits litigieux et de la difficulté à les rattacher à l’exécution du contrat de travail. Le lien qui devra alors être nécessairement établi avec les fonctions pourra résulter du fait que le salarié utilisait, par exemple, son adresse de messagerie professionnelle [11] ou son numéro de téléphone professionnel [12], ou qu’il a posté sur la page Facebook de l’entreprise des commentaires destinés à nuire à ses intérêts [13].

S’agissant de propos ayant un caractère professionnel tenus sur des réseaux sociaux en dehors du temps et du lieu de travail, la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer, mais pas dans le cadre du droit du travail, mais de celui de la diffamation et de l’injure, pour déterminer si des propos tenus dans le cadre d’un compte accessible uniquement à d’autres utilisateurs agréés (les fameux «amis») devait être qualifiés de «publics» ou de «privés». Dans un arrêt largement diffusé en 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation avait retenu la qualification d’injures «privées» après avoir observé qu’en l’espèce l’accès aux propos était réservé aux seuls utilisateurs agréés et que ceux-ci étaient en nombre restreint, formant ainsi une «communauté d’intérêts» [14].

 

Positions antérieures de la Chambre sociale sur Facebook. La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions intéressant Facebook [15], et plus largement les réseaux sociaux ou l’utilisation d’internet, et sur les deux points qui font difficulté et qui concernent l’accès aux informations, c’est-à-dire la recevabilité de la preuve, et le caractère ou non fautif des propos tenus sur le compte Facebook.

Elle avait ainsi interdit à l’employeur d’utiliser des informations extraites du compte Facebook d’un salarié mais obtenues par un huissier à partir du téléphone portable d'un collègue. Elle avait alors considéré qu’il y avait ici une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée concernée car ces informations étaient réservées à ses seuls «amis» [16]. L’employeur aura donc alors tout intérêt à sanctionner non pas le contenu des connexions, lorsque ces dernières auront été identifiées comme «personnelles» par le salarié, mais l’abus dans la connexion sur des sites non professionnels, ce qui renforce ici l’utilité d’une charte informatique au sein de l’entreprise [17].

En 2015, la Chambre sociale avait écarté l’existence d’une faute s’agissant d’un salarié qui s’était interrogé, dans le cadre d'une situation de conflit et par la voie d'un site internet revêtant un caractère quasiment confidentiel, sur le licenciement de l'un de ses collègues, sans que les propos incriminés soient injurieux ou vexatoires. La Haute juridiction avait retenu qu’ainsi il n’avait pas excédé les limites de la liberté d'expression [18]. Dans une décision également inédite rendue en 2018 s’inscrivant dans le sillage de la précédente solution retenue par la première chambre civile en 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait retenu la qualification de faute grave s’agissant d’un message publié sur un site accessible à tout public, venant du directeur artistique de l’entreprise, et dont les termes étaient tant déloyaux que malveillants à l'égard de l'employeur [19]. D’assez nombreuses cours d’appel ont également écarté la qualification de faute grave concernant des propos tenus sur une page Facebook uniquement accessible aux «amis» du salarié [20].

Dans ce contexte, cette nouvelle décision ne surprendra pas.

 

II - Une décision attendue, et raisonnable 

 

L’affaire. Engagée en janvier 2004 en qualité de négociatrice immobilier pour le compte d’une agence, la salariée avait, par la suite, pris la responsabilité d’une autre agence avant d’être licenciée pour faute grave pour avoir notamment tenu des propos injurieux accompagnés de menaces sur Facebook. L’employeur produisait, au soutien de ce licenciement, un procès-verbal de constat d’huissier attestant qu’elle avait adhéré à un groupe sur Facebook intitulé «Extermination des directrices chieuses» et établi ainsi que celle-ci avait proféré des propos injurieux et offensant à son égard.

Tel ne fut pas l’avis de la cour d’appel de Paris qui considéra, au contraire, que «la seule existence de propos injurieux et calomnieux sur le réseau social ne suffit pas, en elle-même, à justifier le licenciement d'un salarié», qu’«il incombe à l'employeur de démontrer le caractère public des correspondances litigieuses», qu’«au cas d'espèce, les propos tenus […] sur Facebook sont d'ordre privé dans la mesure où les termes employés n'étaient accessibles qu'à des personnes agréées par le titulaire du compte et fort peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes», et par conséquent que «dans ce cadre, les propos de Madame W relevaient d'une conversation de nature privée et ne sauraient pour cette raison constituer un motif de licenciement» [21]

Dans son pourvoi, l’employeur soutenait que «caractérise une faute grave, la seule diffusion, publique ou privée, par le salarié sur le réseau social Facebook de propos injurieux et humiliants à l'encontre de son employeur».

Telle n’est pas non plus l’opinion de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi et considère «qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site Facebook et qu'ils n'avaient été accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu'ils relevaient d'une conversation de nature privée, la cour d'appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave» et «qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8060LGM), elle a décidé que le grief ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement».

 

Intérêt de la décision. On observera, à titre liminaire, qu’il s’agit ici d’un arrêt de rejet et que la Cour s’inscrit dans le cadre de son contrôle habituel «léger» s’agissant de la qualification de faute grave («la cour d’appel a pu»). Ce contrôle restreint conduit la Haute juridiction à vérifier que n’existent pas de contradictions flagrantes entre les observations factuelles faites par le juge et les conséquences qu’il en tire sur la qualification de faute grave. Tout sera donc affaire de circonstances, d’éléments de preuve produits et d’appréciation par le juge, sans qu’il soit possible de considérer que la publication de propos sur Facebook pourrait constituer, ou pas, en soi une faute grave. Le licenciement en raison de propos tenus sur Facebook ne fera donc pas l’objet d’un traitement particulier de la part de la Cour de cassation, ce qui est logique dans la mesure où les réseaux sociaux sont aujourd’hui le quotidien de la plupart des salariés et de leurs employeurs, et qu’un régime exorbitant ne se justifierait donc pas.

 

Données à prendre en compte. Puisque tout est affaire de circonstances et de cohérence, il n’est pas inutile de reprendre les éléments pertinents qui avaient été relevés par la cour d’appel de Paris pour justifier la mise à l’écart de la qualification de faute grave.

Le premier concerne la nature même du réseau Facebook qui n’est pas un réseau d’entreprise, et n’a donc, a priori, rien de professionnel. Il en irait certainement différemment si le salarié utilisait un réseau fermé propre à l’entreprise, comme il en existe aujourd’hui un certain nombre dans les grandes structures [22].

Le second tient au paramétrage de la page concernée et du groupe constitué par la salariée qui garantissaient que les propos qui pouvaient être tenus, ou relayés, par la salariée, demeureraient circonscrits aux seuls «amis» et ne pourraient donc pas être lus ni par les amis des amis, ni par toute personne.

 

Portée de la décision. Des circonstances qui avait été relevées par la cour d’appel et qui ont été reprises par la Cour de cassation, on peut déduire deux affirmations.

La première est que d’autres paramétrages de confidentialité, qui autoriseraient un accès public, à tout le moins élargi, à l’information, pourraient bien conduire à d’autres solutions puisque dans cette hypothèse la qualification «privée» s’avérerait bien fragile, pour ne pas dire impossible à soutenir.

La seconde est que la solution retenue ne vaut que pour autant que le groupe d’amis demeure de taille modeste, ici quatorze personnes [23]. Dans l’hypothèse où ce nombre serait important, à la fois en valeur absolue mais aussi en valeur relative, c’est-à-dire en nombre de collègues de l’entreprise rapporté à l’effectif global de celle-ci, on imagine aisément que les propos tenus par un salarié, même sous couvert de «vie privée», pourraient lui être reprochés dès lors qu’ils concernent la vie de l’entreprise et comportent des éléments susceptibles de nuire à ses intérêts, ou aux intérêts d’autres salariés.

 

Décision

Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, FS-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A7858X4S)

Rejet (CA Paris, Pôle 6, 8ème ch., 3 décembre 2015, n° 13/01716 N° Lexbase : A4554NYC)

Texte concerné : néant.

Mots-clés : licenciement ; faute grave (non) ; propos diffusés par un salarié sur son compte Facebook ; groupe fermé ; conversation de nature privée.

Liens base : (N° Lexbase : E9156ESW) et (N° Lexbase : E2632ETN).

 

[1] Ainsi, CA Reims, 16 novembre 2016, n° 15/03197 (N° Lexbase : A8940XTB) : la salariée, engagée en qualité d'aide-soignante, avait diffusé sur son compte une vidéo où elle se mettait en scène dans l'enceinte de l'établissement, déguisée d'une perruque, assise sur un fauteuil roulant, avec un scotch sur la bouche et les mains liées par une bande de contention, arrosée par des collègues à l'aide de seaux d'eau et d'un tuyau d'arrosage. La cour de Reims avait considéré que même si le partage de la vidéo est limité à un cercle restreint, cela apparaît suffisant pour créer une atteinte à l'image de l'entreprise et des résidents qu'elle accueille, et que quand bien même la salariée avait, le jour des faits, terminé l'exécution de ses tâches et accompli son travail, ces derniers ne sont pas détachables de l'exécution de son contrat de travail, d'autant que la perturbation objective qui en est résulté pour le fonctionnement de l'entreprise est patente, puisque d'autres salariés, fût-ce brièvement, ont délaissé leur poste de travail pour concourir à l'action de la salariée, de sorte que le licenciement pour faute grave est justifié ; CA Douai, ch. soc., 26 janvier 2018, n° 16/0068 (N° Lexbase : A8204X3A) (injures proférées sur des réseaux sociaux et justifiant le licenciement pour faute grave) ; CA Bordeaux, 7 juin 2018, n° 16/06088 (N° Lexbase : A5341XQU) : le salarié produisait des déclarations d’un collègue, postée sur son compte Facebook, pour étayer ses allégations de harcèlement moral. La recevabilité de cette preuve a été mollement contestée par l’employeur, qui a été condamné sans difficulté. Egalement, Cass. soc., 2 mars 2017, n° 15-15.769 F-D (N° Lexbase : A9856TRH), où le salarié n’a pas discuté la recevabilité des éléments de preuve fondant son licenciement.

[2] La consultation et l'animation de sites pornographiques au moyen de l'ordinateur mis à disposition par l'employeur n'entre pas dans l'intimité de la vie privée au respect de laquelle tout salarié a droit, même pendant le temps et sur le lieu de travail : Cass. crim., 19 mai 2004, n° 03-83.953, F-P+F (N° Lexbase : A6353DCB).

[3] S’agissant de la possibilité pour le salarié d’utiliser à son profit les messages postés sur la page Facebook de l’entreprise pour prouver l’existence de son contrat de travail : CA Poitiers, 16 janvier 2013, n° 10/03521 (N° Lexbase : A2408I3L).

[4] Dont on sait désormais que toutes ne sont pas sanctionnées selon qu’elles donnent lieu à une déclaration simplifiée, ou non : Cass. soc., 1er juin 2017, n° 15-23.522, FS-P+B (N° Lexbase : A2658WGK) et les obs. de S. Tournaux, Le régime probatoire favorable à l'employeur en cas de déclaration simplifiée à la Cnil, Lexbase, éd. soc., n° 702, 2017 (N° Lexbase : N8807BW4) : messagerie électronique d’entreprise ne permettant pas d’avoir accès au contenu des messages (déclaration simplifiée).

[5] Constitue une faute grave, justifiant un licenciement, l'utilisation de sa messagerie pour la réception de documents à caractère pornographique, manquement délibéré et répété du salarié à l'interdiction posée par la charte informatique de l'entreprise : Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 09-42.691, F-D (N° Lexbase : A2507GN8). Caractérise une faute grave, le comportement d'une salariée qui, en méconnaissance des dispositions de la charte informatique, permet à un autre salarié qui n'y était pas habilité d'utiliser son code d'accès pour télécharger des infos confidentielles : Cass. soc., 5 juillet 2011, n° 10-14.685, F-D (N° Lexbase : A9526HUD).

[6] L'usage par un salarié de la connexion internet de l'entreprise à des fins non professionnelles pour une durée totale d'environ 41 heures durant un mois est constitutif d'une faute grave (Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44.247, F-D N° Lexbase : A0825EEB) ; Constitue une faute grave l'utilisation abusive d'internet lorsqu'un salarié s'est connecté pendant son temps de travail à des sites extraprofessionnels plus de 10 000 fois sur la période du 15 au 28 décembre 2008 et du 8 janvier au 11 janvier 2009 (Cass. soc., 26 février 2013, n° 11-27.372, F-D N° Lexbase : A8793I88 ; comp. CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 15 novembre 2011, n° S 09/09398 N° Lexbase : A7859H3H). La consultation occasionnelle de sites internet à caractère pornographique par un médecin salarié sur le lieu de travail ne justifie pas un licenciement pour faute grave motivé par le souci de respecter la dignité et d'assurer la sécurité des patients.

[7] Le fait pour un salarié d'utiliser la messagerie électronique que l'employeur met à sa disposition pour émettre dans des conditions permettant d'identifier l'employeur, un courriel contenant des propos antisémites constitue une faute grave (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45.269, publié N° Lexbase : A5260DCS).

[8] Le fait, pour une salariée, de laisser affichés sur son poste de travail les propos tenus sur son compte Facebook personnel leur fait perdre leur caractère privé : CA Toulouse, 2 février 2018, n° 16/04882 (N° Lexbase : A5120XCM), Ch. Moronval, Session Facebook restée ouverte : perte du caractère privé des conversations du salarié, Lexbase, éd.  soc., n° 732, 2018 (N° Lexbase : N2810BXD) ; Communication Commerce électronique n° 6, juin 2018, comm. 52, obs. A. Caprioli.

[9] Le comportement du salarié consistant au cryptage de son poste informatique de manière volontaire sans autorisation de la société faisant ainsi obstacle à la consultation par l'employeur constitue une faute grave (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025, F-P+B N° Lexbase : A9621DRR).

[10] Est coupable d'abus de confiance le salarié qui détourne son ordinateur et la connexion Internet de l'usage pour lequel ils avaient été mis à sa disposition (Cass. crim., 19 mai 2004, n° 03-83.953, F-P+F N° Lexbase : A6353DCB).

[11] Le salarié qui utilise une adresse électronique avec le nom de sa société pour des activités pornographiques porte atteinte à l'image de marque de l'entreprise et lui cause un préjudice économique constitué par le coût des connexions télématiques (Cass. crim., 19 mai 2004, n° 03-83.953, F-P+F, précité. Mais l'envoi d'un courriel litigieux par le salarié, de sa messagerie personnelle en dehors du temps et lieu de travail, à l'adresse électronique personnelle d'un collègue, présentant un caractère purement privé, n'est pas un manquement l'obligation de loyauté (Cass. soc., 26 janvier 2012, n° 11-10.189, F-D N° Lexbase : A4397IBH).

[12] Commet une faute grave le salarié négligeant ses fonctions en passant le plus clair de son temps de travail, sur des sites pornographique et zoophile en utilisant le numéro de mobile professionnel risquant ainsi de porter atteinte à l'image de la société (Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-30.833, F-D N° Lexbase : A0150H3X).

[13] Le fait pour un salarié de poster sur le site Facebook de l'entreprise, un commentaire anti-commercial, insultant les clients et les incitant à ne pas venir faire leurs courses les dimanches (CA Reims, 15 novembre 2017, n° 16/02786 N° Lexbase : A1103WZU).

[14] Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-19.530, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9954KBB).

[15] A. Bello, Le licenciement pour motif tiré de Facebook : un changement... dans la continuité, JCP éd. S, 2012, 1280 ; G. Loiseau, La liberté d’expression du salarié, RDT, 2014, p. 396. La question se pose également en droit de la fonction publique : lire S. Niquège, Légalité de la sanction infligée à un gendarme au titre de propos tenus sur Facebook, AJFP, 2017, 49.

[16] Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19.609, F-D (N° Lexbase : A0682W97). Lire Accès par l'employeur au compte Facebook du salarié et droit à la vie privée, par G. Péronne et E. Daoud, D. IP/IT, 2018, 315.

[17] CA Rouen, 26 avril 2018, n° 16/04559 (N° Lexbase : A6914XZ4) : «le volume très important des enregistrements et des connexions réalisés sur ce poste de travail à des fins privées par [la salariée], découvert à l'occasion d'un changement de matériel informatique [...], dépasse les limites [de la] tolérance [relative à l'utilisation du matériel professionnel à des fins personnelles] et témoigne d'un désinvestissement habituel de la salariée de son travail au profit d'occupations personnelles». Un tel comportement, associé à une «désinvolture à l'égard des clients», constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Lire F. Grégoire, L'usage immodéré de Facebook peut conduire directement à Pôle emploi, JCP, éd. G, n° 9-10, 2018, p. 260.

[18] Cass. soc., 6 mai 2015, n° 14-10.781, F-D (N° Lexbase : A7133NHN) : S. Tournaux,  Liberté d'expression du salarié sur internet, à quand une position claire ?, Lexbase, éd. soc., n° 613, 2015 (N° Lexbase : N7436BUX).

[19] Cass. soc., 11 avril 2018, n° 16-18.590, F-D (N° Lexbase : A1438XLT) : S. Tournaux, Abus de liberté d’expression sur internet : des caractères encore trop incertains, Lexbase, éd. soc., n° 740, 2018 (N° Lexbase : N3829BX4). Le message posté de manière anonyme ne laissait aucun doute sur le fait que son auteur connaissait intimement l’entreprise, et critiquait vertement la gestion des relations sociales par le directeur. Dans le même sens, CA Lyon, 13 mars 2013, n° 12/05390 (N° Lexbase : A7532I9T), retenant la qualification de faute grave pour la création d'un site, dont la première page peut faire penser à un site officiel et qui est directement accessible par un moteur de recherche en tapant le nom de son entreprise, contenant des propos dénigrants qui dépassent le cadre normal de la liberté d'expression. Lire également L'abus de Twitter est dangereux pour votre emploi - Questions à Maître Mathieu Davy, Avocat à la cour, Associé chez Orialegal, Lexbase, éd. soc., n° 513, 2013 (N° Lexbase : N5428BT9).

[20] CA Versailles, 7 février 2018, n° 15/05739 (N° Lexbase : A8975XCE).

[21] CA Paris, Pôle 6, 8ème ch., 3 décembre 2015, n° 13/01716 (N° Lexbase : A5199KIE).

[23] Certaines personnalités sont suivis par plusieurs millions d’«amis».

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Marchés de partenariat

[Actes de colloques] Discours d’ouverture : Allocution de Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Représentant de Son Excellence Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat

Lecture: 5 min

N5372BXA

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par le Ministre de la Justice du Mali, Garde des Sceaux, Représentant de Son Excellence Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l’Etat

Le 27 Septembre 2018

Bordeaux, les 7 et 8 juin 2018

 

Monsieur le Maire de Bordeaux,

Monsieur le Président du club OHADA de Bordeaux,

Mesdames et Messieurs les membres du club OHADA, 

Mesdames et Messieurs en vos rangs, titres et grades respectifs,

Chers participants,

 

Permettez-moi d’exprimer les appréciations de Son Excellence Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger, pour l’honneur qui lui est fait de bien vouloir rehausser de sa présence la 7ème édition des journées OHADA Bordeaux.

Ne pouvant être présent à ces assises pour des contraintes de calendrier, il me charge de vous faire part de son regret et vous assure qu’il aurait bien voulu partager avec vous ces moments de réflexion sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur à savoir la promotion du droit OHADA en Afrique en particulier, en Europe et dans le reste du monde en général.

Je suis donc particulièrement honoré de le représenter à ces journées OHADA dans cette cité historique de Bordeaux.

 

Mesdames, Messieurs,

Le thème retenu pour cette 7ème édition «l’OHADA et les contrats de partenariat public privé», est non seulement d’actualité mais revêt également une importance capitale pour les économies africaines.

Cela est d’autant plus vrai que c’est la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires qui a, lors de sa réunion tenue à Ouagadougou (Burkina Faso) le 17 octobre 2013, prescrit aux institutions de l’OHADA l’édiction diligente d’Actes uniformes dans des nouvelles matières dont les contrats de partenariat public privé.

 

Ce projet d’acte est en cours d’élaboration par le Secrétariat Permanent de l’OHADA ; il viendra renforcer et c’est notre conviction, le cadre qui régira les relations Etats-partenaires dans un contexte où ceux-ci ont besoin plus que jamais de ressources pour relever les défis du développement à travers des investissements créateurs d’emplois et de revenus.

 

Le Conseil des ministres, organe législatif de l’OHADA suit attentivement l’évolution de ce projet.

 

A travers ces différentes réformes initiées par l’OHADA, il s’agit de répondre à un certain nombre de préoccupations relatives à la nécessité de concilier les contraintes des finances publiques et l’obligation ex-ante des acteurs de tout projet d’infrastructure à présenter l’ensemble de la structure du projet afin d’éviter des déconvenues en cours d’opération en ayant à l’esprit la soutenabilité budgétaire et la répartition des risques.

 

Il s’agit aussi d’assurer une efficacité accrue de la commande publique en profitant de l’effet de synergie induit par la conception, la réalisation, le financement et l’entretien d’un ouvrage.

 

Il s’agit enfin de disposer par le biais d’une évaluation préalable d’une meilleure visibilité dès le début de l’opération, d’une bonne appréciation du coût global de possession d’une infrastructure économique et sociale dans la durée.

 

Pour prendre en charge toutes ces préoccupations, nous pensons que nos Etats doivent recourir à la mobilisation de financements privés à travers des montages en partenariat public privé, et c’est pour avoir compris cet enjeu que ces Etats font désormais recours aux financements privés par le mécanisme du CPPP.

 

A cet égard, il me plait de rappeler qu’à l’instar des autres pays de la sous-région et sans attendre la réforme de l’OHADA, le Niger s’est doté des textes en matière de contrats de partenariat public-privé.

 

Ainsi, conscient des avantages que peuvent procurer les contrats de partenariat public-privé aux Etats à faible capacité d’investissement, le Gouvernement a, dès le 16 septembre 2011, adopté une ordonnance portant régime général des contrats de partenariat public-privé en République du Niger, suivie, le 31 mars 2014  d’une loi portant régime fiscal, financier et comptable, applicable aux contrats de partenariat public-privé, permettant ainsi aux investisseurs privés de participer au financement de grands projets d’infrastructures économiques et sociales.

 

Pour ma part, je puis vous assurer que l’adoption de ces textes ne constitue qu’un volet du vaste programme de restructuration tant institutionnelles que juridiques amorcé depuis l’avènement de la 7ème République à travers le programme de renaissance dans le but de créer les conditions favorables à la création des entreprises et à l’investissement en vue d’assurer un meilleur développement économique et social.

 

Ainsi au plan institutionnel, l’opérationnalisation du tribunal de commerce de Niamey qui connaît désormais de tous les litiges concernant les actes uniformes de l’OHADA, la création de la Maison de l’Entreprise et son centre des formalités des entreprises chargé de la création d’entreprises et le Centre d’Arbitrage et de Médiation de la Chambre de Commerce et d’Industrie qui offre un mode alternatif de règlement des conflits, sont autant d’initiatives entreprises par le gouvernement pour améliorer le climat des affaires au Niger.

A ces structures dont la qualité de services est reconnue au-delà de nos frontières, s’ajoute la création récente de l’Agence de Promotion des Investissements et des Projets Stratégiques.

 

Au plan juridique et dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires, des textes d’application de certaines dispositions des actes uniformes de l’OHADA ont été adoptés. On peut citer à titre d’exemple, le décret fixant la réduction du montant du seuil prévu pour la constitution du capital de la société à responsabilité limitée qui passe d’un million de francs à cinq mille francs et du recours facultatif au notaire en vue de leur création.

En outre, s’agissant de la création d’entreprise, on assiste à une nette réduction du coût et des délais ; ainsi, il est possible à ce jour de créer une entreprise au Niger en 72 heures.

Par ailleurs, le souci de célérité qui guide nos actions avait déjà conduit à la modification de la loi n° 2015-08 du 10 avril 2015, fixant l’organisation et la compétence des tribunaux de commerce en République du Niger, pour limiter les multiples renvois en matière de règlement des litiges commerciaux.

 

Ainsi, l’article 51 de cette loi dispose que «lorsque les débats sont clos et que l’affaire est mise en délibéré, le jugement est prononcé dans les trente jours au plus. Il est rédigé dans les huit (8) jours de son prononcé».

 

Ces résultats positifs enregistrés dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires ces dernières années ont permis au Niger d’occuper la première place en Afrique et la 24ème dans le monde en matière de création d’entreprise dans le classement Doing business 2017.

 

Ces efforts du gouvernement sous l’impulsion du Président de la République qui suit personnellement ce dossier, vont, je puis vous l’assurer, se poursuivre et voire même s’accentuer afin de faire du Niger un pays modèle en matière de sécurité des investissements privés en Afrique.

 

Pour terminer, nous fondons beaucoup d’espoirs que les conclusions de vos travaux aboutissent à une plus grande mobilisation des investisseurs de France et d’ailleurs au Niger.

 

Je voudrai pour terminer remercier les autorités locales et le Barreau de Bordeaux ainsi que les organisateurs de ces journées en particulier Me Jacques Brice Momnougui pour leur accueil et pour avoir mis à l’honneur le Niger à l’occasion des 7èmes journées OHADA.

 

Sur ce, je déclare ouverte la septième édition des Journées OHADA de Bordeaux.

 

Je vous remercie.

 

 

 

newsid:465372

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Mode de calcul de la cotisation appliquée aux entreprises adhérentes à un service de santé au travail interentreprises

Réf. : Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 17-16.219, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3764X7K)

Lecture: 1 min

N5609BXZ

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par Charlotte Moronval

Le 26 Septembre 2018

Aux termes de l’article L. 4622-6 du Code du travail (N° Lexbase : L2511K9U), les cotisations dues par les employeurs lorsqu’ils adhèrent à un service de santé au travail interentreprises correspondent aux dépenses afférentes à ces services réparties proportionnellement au nombre de salariés ;

 

► Il en résulte que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l’employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme. Seul peut, le cas échéant, être appliqué à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée.

 

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 septembre 2018 (Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 17-16.219, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3764X7K, lire la note explicative relative à l’arrêt ; voir aussi CE, 30 juin 2014, n° 365071, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2861MT7).

 

En l’espèce, une société, adhérente d’un service de santé au travail, fait l’objet d’une décision de radiation car elle refuse de régler ses cotisations, contestant le mode de calcul de celles-ci. Elle décide de saisir le tribunal de grande instance pour faire constater l’irrégularité du mode de calcul de la cotisation, et pour que soit ordonnée sa réintégration rétroactive au sein de l’organisme.

 

La cour d’appel (CA Chambéry, 17 janvier 2017, n° 15/01290 N° Lexbase : A1207S9L) considère que la cotisation appliquée à l’employeur doit être calculée en rapportant les dépenses globales du service interentreprises au nombre total de salariés de l’ensemble des entreprises adhérentes puis en multipliant la somme obtenue par le nombre de salariés de la société. L’organisme forme un pourvoi en cassation.

 

En énonçant la solution susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi, considérant que la cour d’appel a statué à bon droit (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2942ET7).

newsid:465609

Protection sociale

[Brèves] Conformité du caractère irrévocable de l’option d’adhésion au régime de l’assurance chômage par certains employeurs publics

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-732 QPC du 21 septembre 2018 (N° Lexbase : A3796X7Q)

Lecture: 2 min

N5610BX3

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par Laïla Bedja

Le 26 Septembre 2018

► La référence «3°» figurant au 2° de l’article L. 5424-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8823IN4), qui ne méconnaît pas, en tout état de cause, la liberté contractuelle, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution.

Telle est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 21 septembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-732 QPC du 21 septembre 2018 N° Lexbase : A3796X7Q)

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juin 2018 par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 21 juin 2018, n° 18-40.018, F-D N° Lexbase : A8721XT8) d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution, en particulier à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle garanties par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1368A9K), de l'article L. 5424-2 du Code du travail. Cette question a été posée pour le Grand port maritime de la Guadeloupe.

 

Selon le requérant, le 2° de l’article L. 5424-2 du Code du travail porterait atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, en ce qu’il prévoit une option irrévocable d’adhésion au régime de l’assurance chômage pour les employeurs publics mentionnés au 3° de l’article L. 5424-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9122IMS), notamment les établissements publics industriels et commerciaux de l’État.

 

Pour les Sages, l’atteinte n’est pas constituée. En effet, il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a, d’une part, entendu éviter que certains employeurs, intervenant dans le secteur concurrentiel, puissent révoquer leur adhésion au régime de l’assurance chômage afin d’optimiser le coût de la prise en charge de l’allocation due à leurs anciens agents ou salariés, le cas échéant au détriment de l’équilibre financier de ce régime. D’autre part, il a entendu limiter l’avantage compétitif procuré à ces employeurs par le caractère facultatif de leur adhésion, par rapport à leurs concurrents pour lesquels cette adhésion est obligatoire. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

 

L’atteinte portée à la liberté d’entreprendre par le caractère irrévocable de l’adhésion n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre doit être écarté (cf. l’Ouvrage «Droit de protection sociale» N° Lexbase : E1457AT7).

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