La lettre juridique n°751 du 26 juillet 2018

La lettre juridique - Édition n°751

Contrat de travail

[Brèves] Contrat à durée indéterminée intérimaire instauré par accord collectif : une catégorie nouvelle de contrat de travail, dérogeant aux règles d'ordre public absolu

Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2018, n° 16-26.844, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9624XXQ)

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N5162BXH

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par Blanche Chaumet

Le 25 Juillet 2018

► L'accord collectif du 10 juillet 2013, en instaurant le contrat à durée indéterminée intérimaire permettant aux entreprises de travail temporaire d'engager, pour une durée indéterminée, certains travailleurs intérimaires, crée une catégorie nouvelle de contrat de travail, dérogeant aux règles d'ordre public absolu qui régissent, d'une part, le contrat de travail à durée indéterminée, d'autre part le contrat de mission, et fixe, en conséquence, des règles qui relèvent de la loi. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juillet 2018 (Cass. soc., 12 juillet 2018, n° 16-26.844, FS-P+B+R N° Lexbase : A9624XXQ).

 

En l’espèce, le syndicat Prism'emploi, la fédération CFDT services, la fédération CFTC commerce, services et force vente (CFTC CSFV) et la Fédération nationale de l'encadrement du commerce et des services CFE-CGC (FNECS CFE-CGC) ont, le 10 juillet 2013, conclu un accord de branche. Ce dernier portait sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires, et prévoyait la possibilité, pour les entreprises de travail temporaire, de conclure avec certains de leurs salariés intérimaires un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire couvrant l'exécution de l'ensemble des missions qui leur sont confiées, ainsi que les périodes «d'intermission», pendant lesquelles les intéressés demeurent disponibles pour l'exécution de nouvelles missions et perçoivent une garantie minimale de rémunération. Cet accord a fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social du 22 février 2014.

 

Saisi d'un recours en excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté d'extension du 22 février 2014, le Conseil d'Etat a, par arrêt du 27 juillet 2015, sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Paris se soit prononcé sur le point de savoir si les parties à l'accord du

10 juillet 2013 avaient compétence pour prévoir la conclusion d'un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions de travail temporaire.

 

Pour dire que les organisations en cause avaient compétence pour négocier l'ensemble des éléments constitutifs de l'accord collectif de branche conclu le 10 juillet 2013, le tribunal de grande instance retient que :

- le champ normatif de l'accord n'excède pas en soi la limite fixée à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 concernant notamment les principes fondamentaux du droit du travail relevant de la compétence d'attribution réservée au législateur,

- les modalités particulières du contrat à durée indéterminée intérimaire ne font, en définitive, que décliner des obligations civiles préexistantes, qui par définition peuvent donc ne pas être strictement identiques à celles d'un contrat à durée indéterminée de droit commun ou des contrats de missions temporaires jusqu'ici pratiqués et qui relèvent d'un champ conventionnel bénéficiant d'une certaine liberté en complément ou en supplément de la loi, ce d'autant que la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 a prévu, dans son article 56, des conditions d'expérimentation de ce même régime de contrat de travail à durée indéterminée intérimaire.

 

A la suite de ce jugement, la Confédération générale du travail Force ouvrière (CGT FO) et la Fédération des employés et cadres Force ouvrière (FEC FO) se sont pourvues en cassation.

 

En énonçant la solution susvisée, la Haute juridiction casse le jugement au visa de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L0860AHC), en précisant, dans un attendu de principe, qu’il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E6008EXS).

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Accords de branche : incompétence des partenaires sociaux pour créer le «CDI intérimaire»

Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2018, n° 16-26.844, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9624XXQ)

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N5196BXQ

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 25 Juillet 2018

Contrat à durée indéterminée intérimaire/loi du 17 août 2015/expérimentation/accord de branche 10 juillet 2013/compétence des partenaires sociaux (non)/projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

 

Résumé

Il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte.

L'accord collectif du 10 juillet 2013, en instaurant le contrat à durée indéterminée intérimaire, crée une catégorie nouvelle de contrat de travail, dérogeant aux règles d'ordre public absolu qui régissent, d'une part, le contrat de travail à durée indéterminée, d'autre part le contrat de mission, et fixe, en conséquence, des règles qui relèvent de la loi.

 

Observations

 

Les débats sur la relation complexe entre la loi et l’accord, entre le droit légiféré et le droit négocié, entre la compétence respective du législateur et des partenaires sociaux, n’a jamais cessé d’être alimenté depuis plusieurs décennies. Pour s’en tenir à une période récente, les principales étapes peuvent être rappelées : 2007, débats sur la «négociation» de la loi (Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007, de modernisation du dialogue social N° Lexbase : L2479HUD) ; 2008, retranscription par le législateur de dispositifs conventionnels (débats suscités par la loi 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : L7392IAZ, reprenant la «position commune» adoptée par les partenaires sociaux le 9 avril 2008 [1]  ou par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 N° Lexbase : L4999H7B, intégrant les solutions préconisées par l’ANI du 11 janvier 2008) ; 2016, loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), élargissant les domaines de compétences et le champ d’action du droit de la négociation collective [2] ; enfin, 2017, ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, relative au renforcement de la négociation collective (N° Lexbase : L7631LGQ) [3], modifiant les missions confiées à la branche (C. trav., art. L. 2232-5-1 nouveau N° Lexbase : L7778LG8).

Cette porosité et incertitude du tracé des frontières entre le domaine législatif et le domaine conventionnel est un phénomène bien connu et analysé depuis longtemps (par ex., à propos du rôle des partenaires sociaux dans le cadre des ANI, dont les accords ont été qualifiées de «lois professionnelles» [4]).

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 juillet 2018 [5] est un exemple presque caricatural des relations complexes et parfois politiques, entre la norme législative et la norme conventionnelle, puisque la Cour de cassation a censuré les partenaires sociaux pour avoir outrepassé le champ de leur compétence. L’accord de branche portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires a été conclu le 10 juillet 2013. Il prévoyait la possibilité, pour les entreprises de travail temporaire, de conclure avec certains de leurs salariés intérimaires un CDI intérimaire couvrant l'exécution de l'ensemble des missions qui leur sont confiées, ainsi que les périodes «d'intermission», pendant lesquelles les intéressés demeurent disponibles pour l'exécution de nouvelles missions et perçoivent une garantie minimale de rémunération.

Mais dans les jours qui ont suivi cet arrêt, le législateur a entendu reprendre la main en consacrant juridiquement ce contrat de travail à durée indéterminée intérimaire, prenant le contrepied de la solution rendue par la Cour de cassation (arrêt rapporté).

 

 

I - Respect du principe de hiérarchie des normes

 

Le régime des accords de branche a été modifié à plusieurs reprises (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 N° Lexbase : L1877DY8 ; loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les ordonnances «Macron» [6]). Le législateur s’est essentiellement intéressé au contenu des accords de branche (C. trav., art. L 2232-5-1 N° Lexbase : L7778LG8) et à l’articulation de l’accord de branche avec les accords d’entreprise (C. trav., art. L. 2232-5-1), donnant clairement la priorité de cette dernière sur les accords de branche, solution qui a été critiquée [7].

 

A - Accord de branche : compétence des partenaires sociaux, antérieurement aux ordonnances du 22 septembre 2017

 

Avant 2016, aucune disposition ne figurait dans le Code du travail pour définir le rôle de la branche. La loi du 4 mai 2004 a posé le principe d’une position hiérarchiquement supérieure des accords d'entreprise, lesquels priment sur les accords de branche en cas d'identité d'objet.

En l’espèce (arrêt rapporté), la question de l’articulation entre la loi et l’accord de branche se situe dans cette périodicité. Saisi d'un recours en excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté d'extension de cet accord pris par le ministre du Travail, le Conseil d'Etat avait sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Paris se soit prononcé sur le point de savoir si les parties à l'accord avaient compétence pour prévoir la conclusion d'un CDI pour l'exécution de missions de travail temporaire (CE 1° et 6° ssr., 27 juillet 2015, n° 379677, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0797NNT). 

Bref, l’ensemble de l’affaire est antérieur à la loi du 8 août 2016/ordonnances du 22 septembre 2017 :

- l'accord portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires date de 2013 (accord du 10 juillet 2013) ;

- le Conseil d’Etat a sursis a statué en 2015 (CE, 1° et 6° ssr., 27 juillet 2015, n° 379677, préc.) ;

- les partenaires sociaux ont conclu l’accord des salariés intérimaires bien avant la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 (N° Lexbase : L2618KG3, art. 56), mettant en place les conditions d'expérimentation de ce régime de CDI intérimaire.

 

B - Accord de branche : nouveau champ de compétence depuis la loi du 8 août 2016 et les ordonnances «Macron»

 

Le tribunal de grande instance de Paris a été saisi par le Conseil d’Etat pour trancher la question de la compétence des partenaires sociaux (l'accord portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires) pour prévoir la conclusion d'un CDI pour l'exécution de missions de travail temporaire. Il a rendu son jugement le 15 novembre 2016, soit postérieurement à la loi du 8 août 2016 (laquelle serait donc applicable).

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (art. 24 ; C. trav., art. L. 2232-5-1) a comblé le vide juridique en définissant les missions de la branche. D’une part, la branche a pour mission de définir les conditions d'emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables (dans les matières mentionnées aux articles L. 2253-1 N° Lexbase : L1406LKB et L. 2253-2 N° Lexbase : L1405LKA). D’autre part, la branche définit, par la négociation, les thèmes sur lesquels les conventions et accords d'entreprise ne peuvent être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche, à l'exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l'accord d'entreprise. Enfin, la branche a pour mission de réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d'application.

Les ordonnances «Macron» du 22 septembre 2017 ont sensiblement modifié cette trilogie en supprimant la seconde mission prévue par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (la branche définit, par la négociation, les thèmes sur lesquels les conventions et accords d'entreprise ne peuvent être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche, à l'exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l'accord d'entreprise).

L’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 (N° Lexbase : L6578LH4) a défini, à l’article L. 2253-1, le champ de compétence des branches, lesquelles peuvent définir les «conditions d'emploi et de travail des salariés». L’ordonnance a justement donné des indications sur ce que recouvrent les «conditions d'emploi et de travail des salariés» : les salaires minima hiérarchiques ; les classifications ; la mutualisation des fonds de financement du paritarisme ; la mutualisation des fonds de la formation professionnelle ; les garanties collectives complémentaires (CSS, art. L. 912-1 N° Lexbase : L0678IZ7) ; les mesures relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires ; les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire (durée totale du contrat de travail ; délai de carence ; durée totale du contrat de mission…) ; les mesures relatives au contrat à durée indéterminée de chantier ou d'opération ; l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; les conditions et les durées de renouvellement de la période d'essai ; les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) ne sont pas réunies ; les cas de mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice ; enfin, la rémunération minimale du salarié porté, ainsi que le montant de l'indemnité d'apport d'affaire.

 

Au final, au jour où les partenaires sociaux ont conclu l'accord portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires, en 2013 (accord du 10 juillet 2013), ni la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (art. 24 ; C. trav., art. L. 2232-5-1) ni l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 n’ont pu s’appliquer, n’ayant pas d’effet rétroactif.

Les partenaires sociaux ayant conclu l’accord du 10 juillet 2013 ne pouvaient donc se prévaloir de l’article L. 2253-1, listant les matières comprises dans le champ de compétence des branches, relatives aux «conditions d'emploi et de travail des salariés». Dans ces conditions, la solution rendue par la Cour de cassation mérite pleine approbation. En effet, les partenaires sociaux n’ont pas aménagé une norme législative mais ont créé ex nihilo un nouveau contrat de travail, le «CDI intérimaire» permettant aux entreprises de travail temporaire d'engager, pour une durée indéterminée, certains travailleurs intérimaires. Les partenaires sociaux avaient-ils juridiquement la compétence et la capacité pour créer un nouveau contrat de travail ? La réponse négative de la Cour de cassation tient à la nature de cette nouvelle disposition, puisque cette catégorie nouvelle de contrat de travail, le «CDI intérimaire», «déroge[ant] aux règles d'ordre public absolu qui régissent, d'une part, le contrat de travail à durée indéterminée, d'autre part le contrat de mission, et fixe, en conséquence, des règles qui relèvent de la loi».

Si donc la Cour de cassation invalide, rétroactivement, les «CDI intérimaires», pour incompétence des partenaires sociaux (accord du 10 juillet 2013), il ne faut pas en conclure que ce rappel du principe de hiérarchie des normes sera suffisant à paralyser la procédure de validation de ce nouveau contrat de travail. Le législateur a, en effet, toujours la faculté d’intégrer ce dispositif dans un véhicule législatif quelconque pour le consacrer et le reconnaître expressément.

 

 

II - Incompétence des partenaires sociaux, mais compétence du législateur

 

La question spécifiquement posée est celle du contrat de travail dédié que le législateur avait prévu, en 2015 et que les partenaires sociaux avaient mis en place, en 2013. L’arrêt rapporté ne traite donc que du nouveau «CDI intérimaire», et pas du CDD conclu par les entreprises de travail temporaires par les intérimaires (qui pose pourtant d’intéressantes questions, à la lumière de la réforme engagée par l’ordonnance «Macron» du 22 septembre 2017 au regard de la durée du contrat [8].

 

A - Accord du 10 juillet 2013

 

Déjà, en 2013, le CDI avait suscité un certain nombre de réactions doctrinales [9]. Pourtant, en 2014, le pouvoir réglementaire avait validé cet accord du 10 juillet 2013, en émettant trois réserves [10]. Tout d’abord, il avait été exigé que la mention du SMIC figurant à l'article 4.2 de l'accord corresponde à la valeur du SMIC à la date de conclusion dudit accord ; ensuite, que mention soit faite de l'application de l’article L. 2241-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7329LHW) portant obligation de négocier annuellement une revalorisation de la garantie minimale de rémunération et de l'article L. 2241-2-1 (N° Lexbase : L5720ISN) portant obligation de négocier dès lors que la rémunération minimale est inférieure au SMIC revalorisé ou, à défaut d'initiative de la partie patronale dans les 3 mois, dans un délai de 15 jours suivant la demande d'une organisation syndicale de salariés représentative (C. trav., art. L. 2231-1 N° Lexbase : L3746IBD) ; enfin, que les employeurs de la branche respectent les dispositions réglementaires portant fixation du SMIC et les règles en matière de temps partiel (C. trav., art. L. 3123-1 N° Lexbase : L6834K9Y à L. 3123-8). Mais le pouvoir réglementaire n’avait pas émis d’objections relativement à l’article 2 de l’accord portant création du CDI intérimaire.

 

B - Loi «Rebsamen» du 17 août 2015

 

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015,  relative au dialogue social et à l'emploi, entrée en vigueur le 17 août 2015 [11], a prévu (art. 56) la mise en place d’un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, le «CDI intérimaire». La référence à cette loi «Rebsamen» par le tribunal de grande instance de Paris (lequel ayant conclu à la compétence des organisations syndicales pour négocier l'ensemble des éléments constitutifs de l'accord collectif de branche conclu le 10 juillet 2013, solution invalidée par l’arrêt rapporté) est problématique. En effet, le tribunal de grande instance a considéré que la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 a prévu, dans son article 56, des conditions d'expérimentation du contrat de travail à durée indéterminée intérimaire. La lecture de cet article 56 ne permet pas de retenir la référence à une «expérimentation» (infra, annexe 2). Le législateur a, au contraire, rédigé cet article 56 de manière impérative et opérationnelle, sans qu’il soit mentionné une quelconque «expérimentation».

La consécration par le législateur (Loi «Rebsamen» du 17 août 2015), du CDI intérimaire a été assez complexe. Initialement, le projet de loi ne comprenait aucune mention de ce nouveau CDI, non visé à l’étude d’impact [12]. La création de ce nouveau CDI résulte d’un amendement présenté par G. Cherpion en première lecture à l'Assemblée nationale. L’Assemblée nationale [13] puis le Sénat [14] ont consacré la création de ce nouveau CDI (loi n° 2015-994, art. 56). Rien n’est précisé, s’agissant :

- de son champ d’application dans le temps, l’article 56-IX précise seulement que «le présent article est applicable aux contrats conclus jusqu'au 31 décembre 2018», ce qui laisse à entendre que les CDI pouvaient seulement être conclus entre la date d’application de la loi, le 19 août (lendemain de la publication au JO n° 189 du 18 août 2015) et le 31 décembre 2018 ;

- des mesures réglementaires prises par le Gouvernement. A ce jour, aucun décret n’a été rédigé par le pouvoir réglementaire, permettant de rendre efficace et opérationnelle cet article 56 de la loi «Rebsamen». Les travaux parlementaires mentionnent un nouvel article L. 1251-4-1, support juridique de ce nouveau CDI, lequel article L. 1251-4-1 n’est pas répertorié dans le Code du travail [15].

 

C - Projet de loi «Avenir professionnel»

 

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans sa version adoptée en première lecture au Sénat le 16 juillet 2018, comporte un article 68 bis visant à pérenniser le CDI intérimaire [16]. La lecture du projet de loi, dans sa rédaction actuelle (c’est-à-dire, version adoptée en première lecture au Sénat le 16 juillet 2018) témoigne d’une réflexion peu aboutie, puisque les dispositions sont très en retrait, aussi bien au regard de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015,  relative au dialogue social et à l'emploi (art. 56 ; infra, annexe 2) que de l’accord du 10 juillet 2013 portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires (art. 2). Ce caractère inabouti du projet de «CDI intérimaire» inclus dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (version Sénat le 16 juillet 2018) tient au fait que le dispositif a été proposé par voie d’amendement [17] devant le Sénat, en séance du 16 juillet 2018, soit quelques jours après l’arrêt rapporté. La concordance des temps invite à faire un lien entre l’amendement et l’arrêt rendu par la Cour de cassation.

 

Décision

 

Cass. soc., 12 juillet 2018 Pourvoi 16-26.844, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9624XXQ)

 

Textes concernés : Constitution du 4 octobre 1958, art. 34 (N° Lexbase : L0860AHC) ; accord de branche portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires, 10 juillet 2013 ; loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi (N° Lexbase : L2618KG3),

 

Mots-clés : contrat à durée indéterminée intérimaire ; loi du 17 août 2015 ; expérimentation ; accord de branche 10 juillet 2013 ; compétence des partenaires sociaux (non) ; projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

 

Lien base : (N° Lexbase : E6008EXS).

 

[1] A. Bevort, De la position commune sur la représentativité au projet de loi : renouveau et continuité du modèle social français, Dr. soc., 2008, p. 823 ; La rénovation de la démocratie sociale, Dr. soc., 2009, n° 6, num. spéc..

[2] S. Nadal, La restructuration des branches professionnelles : réflexions sur une mutation forcée, Dr. soc., 2016, 110 ; Rozec, JCP éd. S, 2016, 1302 ; Le législateur distingue dorénavant -c’est déjà applicable en matière de durée de travail, de repos et de congés payés- les dispositions impératives qui sont d’ordre public et auxquelles il n’est pas possible de déroger, les dispositions relevant du champ de la négociation collective qui pourront s’appliquer même si elles sont moins favorables aux salariés que les dispositions légales, sauf exception, les dispositions supplétives qui s’appliquent à défaut d’accord collectif.

[3] O. Adam, L'accord de branche, Dr. soc., 2017, p. 1039 ; J.-F. Cesaro, L'automne dans les branches professionnelles et quelques mesures portant sur la négociation collective, JCP éd. S, 2017, n° 1306 ; H. Mongon, La branche professionnelle renforcée ou affaiblie, SSL, 2017, n° 1790, suppl., p. 49 ; S. Nadal, Gouvernance du niveau et des règles de branche : les nouveaux visages de l'emprise étatique, RDT, 2017, 652 ; A. Sauret et A. Bugada, Regards sur la nouvelle gouvernance de la branche, Gaz. Pal., 2017, n° 12, p. 34.

[4] S. Neau-Leduc, Relations loi/branche : le rôle de «loi professionnelle» de la branche renforcé, SSL, 7 juillet 2008, suppl., p. 65.

[5] JCP éd. S, n° 29, 24 juillet 2018, act. 248.

[6] Ordonnances n° 2017-1385 (N° Lexbase : L7631LGQ), n° 2017-1386 (N° Lexbase : L7628LGM), n° 2017-1387 (N° Lexbase : L5827LA3) et n° 2017-1389 (N° Lexbase : L7627LGL) du 22 septembre 2017.

[7] P. Adam, L'accord de branche, Dr. soc., 2017 p. 1039, préc..

[8] L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L7629LGN) a ouvert la possibilité, pour une convention ou accord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice, de fixer la durée totale du contrat de mission. Cette durée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav., art. L. 1251-12 N° Lexbase : L8115LGN). La durée maximale est donc restée fixée à dix-huit mois (sauf disposition conventionnelle) (C. trav., art. L. 1251-12-1 N° Lexbase : L8014LGW) ; F. Bousez, CDD à durée indéterminable ? et CDI d'opération à durée limitée ?, JCP éd. S, 2017 n° 1316 ; S. Tournaux, CDD, contrat de mission, contrat de chantier, Dr. soc., 2018, p. 37.

[9] F. Bousez, Les contrats atypiques - Le CDI intérimaire - Marchés de dupes ou flexisécurité à la française ?, Cah. soc. Barreau, Paris, 2013, n° 255, Dossier 111d9, p. 365.

[10] JCP éd. S, n° 11, 18 mars 2014, act. 111.

[11] Nos obs., Loi «Rebsamen» : dispositions portant sur le volet «Emploi-insertion professionnelle» (art. 34 à 60), Lexbase, éd. soc., n° 624, 2015 (N° Lexbase : N8906BUE) ; Travaux parlementaires : Ch. Sirugue, Rapport Assemblée Nationale n° 2932, 1er juillet 2015 ; C. Procaccia, Rapport Sénat n° 633 (2014-2015), 15 juillet 2015.

[12] Etude d’impact, Projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, 21 avril 2015.

[13] Ch. Sirugue, Rapport Assemblée Nationale n° 2932, 1er juillet 2015, préc..

[14] C. Procaccia, Rapport Sénat n° 633 (2014-2015), 15 juillet 2015, préc..

[15] Code du travail mis en ligne par le site internet Legifrance.

[16] A. Ruello, Le CDI intérimaire sanctuarisé par la loi «Avenir professionnel», Les Echos, 22 juillet 2018.

[17] Sénat, séance du 16 juillet 2018, Amendement n° 649.

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Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] La résiliation du contrat de plein droit devant être constatée : précision supplémentaire

Réf. : Cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-15.038, F-P+B (N° Lexbase : A5521XXR)

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N5136BXI

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université Côte d'Azur, Co-directrice du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre du CERDP (EA 1201), Avocate au barreau de Nice

Le 25 Juillet 2018

Contrats en cours / Résiliation de plein droit / Constat de la la résiliation par le juge-commissaire 

L’article L 622-13, III du Code de commerce (N° Lexbase : L3352IC7) énonce les deux hypothèses dans lesquelles le contrat en cours est résilié de plein droit.

Le premier cas, visé au 1° de cette disposition, est celui dans lequel la mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur est restée plus d’un mois [1] sans réponse.

Le deuxième cas est posé au 2° du III du même article qui prévoit que le contrat en cours est résilié de plein droit, à défaut de paiement dans les conditions définies au II [2] et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles.

 

Par un arrêt, abondamment commenté, rendu le 20 septembre 2017 [3], la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que «la résiliation de plein droit du contrat doit, à la demande de tout intéressé, et peu important l’existence d’une clause résolutoire, être constatée par le juge-commissaire qui en fixe la date».

 

Ainsi, de façon très «originale» -puisque la résiliation intervient de plein droit-, celle-ci doit obligatoirement être constatée par le juge qui fixera sa date.

 

Le périmètre de cette exigence de constatation de la survenance de la résiliation de plein droit a été discuté en doctrine [4]. Il nous semble devoir être restreint au cas de résiliation de plein droit dont il était question dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2017, c’est-à-dire le cas prévu au 2° du III de l’article L. 622-13 du Code de commerce. Il s’agit de celui dans lequel le contrat a, dans un premier temps, été poursuivi puis la prestation promise au cocontractant du débiteur n’a pas été fournie dans les conditions définies au II -c’est-à-dire à l’échéance convenue, si la procédure est une procédure de sauvegarde, ou au comptant (C. com., art. L. 631-14 N° Lexbase : L7317IZZ), si la procédure est de redressement judiciaire-. Il ne nous semble pas que la solution selon laquelle la résiliation de plein droit doit obligatoirement être constatée par le juge-commissaire doive être étendue au cas de résiliation de plein droit du 1° du III de l’article L 622-13 [5].

En effet, dans le cadre du 2° du III de l’article L. 622-13, il peut exister un doute quant à l’effectivité de la résiliation de plein droit du contrat initialement poursuivi, justifiant un constat par le juge. Par exemple, le cocontractant pourrait soutenir que la résiliation n’est pas intervenue car il aurait tacitement donné son accord pour poursuivre les relations contractuelles nonobstant le défaut de paiement dans les conditions visées au II, ou encore, l’administrateur, face au cocontractant se prévalant d’une résiliation de plein droit, pourrait soutenir que celle-ci ne serait pas intervenue dans la mesure où le cocontractant aurait eu un comportement traduisant un accord tacite pour poursuivre leurs relations contractuelles.

 

Il n’y a, semble-t-il, pas place à constat obligatoire en matière de résiliation de plein droit prévue par le 1° du III, c’est-à-dire lorsque la mise en demeure d’avoir à prendre parti adressée par le cocontractant est restée plus d’un mois sans réponse. La résiliation intervient alors de plein droit, sans nécessité de constat par le juge-commissaire, un mois après la mise en demeure restée sans réponse, ou à la date de la réception par le cocontractant du refus de l’administrateur de poursuivre le contrat, si celle-ci intervient dans les délais du mois. Telle était la solution qui avait été posée par un arrêt du 18 mars 2003 [6], dans ce qui est devenu, depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), le cas visé à l’article L. 622-13, III, 1°. Cette solution ne nous apparait pas devoir être remise en cause par l’arrêt du 20 septembre 2017 statuant sur le cas de résiliation de plein droit du 2° du III de l’article L. 622-13.

 

Dans le prolongement de l’arrêt du 20 septembre 2017, un arrêt du 4 mai 2018 est venu apporter une précision intéressante.

 

En l’espèce, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde sans désignation d’un administrateur judiciaire, le débiteur, avec avis conforme du mandataire judiciaire, a fait connaître sa volonté de poursuivre un contrat de location d’un bien d’équipement, les échéances ayant été réglées jusqu’au 21 novembre 2013. Un plan a été arrêté le 3 avril 2014 puis, le 22 avril, le cocontractant du débiteur, après avoir adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire, a assigné le débiteur en paiement des loyers impayés et de l’indemnité de résiliation. Arguant des dispositions de l’article L. 622-13, III, 2°, le débiteur lui a alors opposé la résiliation de plein droit du contrat à la date à laquelle les échéances ont commencé à ne plus être réglées, et l’absence de déclaration de la créance indemnité de résiliation dans le délai du mois de la résiliation posé par l’article R. 622-21, alinéa 2 (N° Lexbase : L3452ICT).

 

Les premiers juges avaient cependant fixé la date de la résiliation au 26 avril 2014, date de la réception par le débiteur de la lettre recommandée avec avis de réception que lui avait adressé son cocontractant pour lui notifier la mise en jeu de la clause de résiliation de plein droit. Le débiteur soutenait pour sa part que la saisine du juge-commissaire n’était pas nécessaire pour constater la résiliation, laquelle était intervenue, selon le débiteur, de plein droit à la date de la première échéance impayée, en application des dispositions de l’article L. 622-13, III, 2°.

 

Le pourvoi fondé sur cette prétention est cependant rejeté par la Chambre commerciale qui énonce qu’il «résulte de l’article L 622-13 III 2° du Code de commerce […] et de l’article R. 622-13 […] que, lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d’observation, des sommes dues en vertu d’un contrat dont la continuation a été décidée, et à défaut d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, être constatée par le juge-commissaire qui, après avoir vérifié que l’absence de paiement est justifiée par la constatation que l’administrateur ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat, en fixe la date».

 

L’arrêt rapporté, tout en rappelant que la résiliation de plein droit prévue par l’article L. 622-13, III, 2° doit impérativement  être constatée par le juge-commissaire qui en fixe la date, apporte une autre précision essentielle : la résiliation de plein droit visée au 2° du III de l’article L 622-13 ne peut intervenir que si l’absence de paiement dans les prévisions du II de l’article 622-13 est justifiée par le fait que l’administrateur -ou le débiteur- ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat. Ainsi, si le défaut de paiement ne résulte pas d’une absence de fonds disponibles mais d’un autre motif, par exemple une pure convenance personnelle du débiteur qui ne trouve plus intérêt à continuer le contrat initialement poursuivi, aucune résiliation de plein droit ne peut intervenir et ne peut donc être constatée par le juge-commissaire. La seule solution est alors, pour l’administrateur ou le débiteur qui ne souhaite plus poursuivre le contrat, de solliciter du juge-commissaire le prononcé de la résiliation (et non le constat d’une résiliation survenue de plein droit) en application du IV de l’article L. 622-13. Dans cette hypothèse, la résiliation sera prononcée si, d’une part, elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et si, d’autre part, elle ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

 

L’article L. 622-13, II, alinéa 2 in fine prévoit que s’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonné dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. Il semble que lorsque l’administrateur met fin au contrat en application de cette disposition, la précision apportée par l’arrêt du 4 juillet 2018 conduise à imposer le constat par le juge-commissaire de la résiliation dont il fixera la date, après vérification que l’absence de paiement est effectivement justifiée par la constatation qu’il ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat. La date de résiliation retenue par le juge devra être celle à laquelle le cocontractant est informé de la décision de l’administrateur ou du débiteur de mettre fin au contrat.

 

En résumé, en cas d’option, dans un premier temps, pour la continuation du contrat, les hypothèses susceptibles de se présenter, dans un second temps, sont les suivantes.

 

- Soit l’administrateur ou le débiteur n’a plus à disposition les fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat mais ne prend pas la décision de mettre fin au contrat. En application du 2° du III de l’article L. 622-13, du fait du défaut de paiement de la prestation promise au cocontractant dans les conditions du II, la résiliation interviendra de plein droit et devra, être constatée par le juge-commissaire qui en fixera la date [7]. La date de résiliation fixée par le juge dépendra des circonstances. Ce sera la première de ces deux dates : celle à laquelle l’administrateur indiquera finalement au cocontractant qu’il n’a plus les fonds pour maintenir la relation contractuelle ou celle à laquelle le cocontractant se prévaudra de la clause résolutoire intégrée au contrat.

 

- Soit l’administrateur ou le débiteur n’a plus à disposition les fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat et met immédiatement fin au contrat en application de l’article L. 622-13, II, in fine. La résiliation interviendra à la date à laquelle le cocontractant est informé de la décision de mettre fin au contrat. Cette résiliation devra être constatée par le juge-commissaire afin que celui-ci procède à la vérification que l’absence de paiement est justifiée par le fait que le débiteur ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat. Cette vérification est essentielle pour que le débiteur, qui souhaiterait mettre fin au contrat par pure convenance personnelle, ne soit pas tenté de prétexter une absence de fonds que le cocontractant ne peut pas vérifier.

 

- Soit l’administrateur ou le débiteur ne souhaite plus poursuivre le contrat pour un motif autre que le défaut de fonds disponibles. Dans cette hypothèse, en application du V de l’article L. 622-13, la résiliation n’interviendra pas de plein droit. Elle sera prononcée par le juge-commissaire à la demande de l’administrateur judiciaire ou, à défaut, du débiteur (qui joint à sa requête l’avis conforme du mandataire judiciaire s’il l’a obtenu, cf. C. com., art. R. 627-1, al. 5 N° Lexbase : L9345IC4). Son prononcé ne pourra intervenir que si deux conditions sont réunies : la résiliation est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et elle ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. La déclaration de l’indemnité de résiliation devra intervenir dans le mois de la notification de la décision prononçant la résiliation (C. com., art. R. 622-21, al. 2).

 

 

 

[1] Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut accorder à l’administrateur une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer (C. com., art. L. 622-13, III, 1°).

[2] C’est-à-dire à l’échéance convenue, si la procédure est une procédure de sauvegarde, ou au comptant (C. com., art. L. 631-14 N° Lexbase : L7317IZZ), si la procédure est de redressement judiciaire.

[3] Cass. com., 20 septembre 2017,n° 16-14.065, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7586WSR) ; D., 2017, Actu. 1831, note A. Lienhard ; Gaz. pal., 16 janvier 2018, n° 2, 63, note F. Kendérian ; Bull. Joly Entrep. en diff., janvier/février 2018, 30, note S. Benilsi ; JCP éd. E, 2017, chron. 1688, n° 11, note Ph. Pétel ; JCP éd. E, 2018, 1000, note B. Brignon ; RTDCiv., 2017, 854, n° 5, note Barbier ; P.-M. Le Corre, in Chron., Lexbase , éd. aff., 2017, n° 527 (N° Lexbase : L7317IZZ).

[4] V. les commentaires de Cass. com., 20 septembre 2017, n° 16-14.065, préc..

[5] En ce sens égal., P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 10ème éd, à paraître, n° 431.551.

[6] Cass. com., 18 mars 2003, n° 00-12.693, FS-P (N° Lexbase : A5489A7G) : «Mais attendu que l’administrateur ayant été mis en demeure de se prononcer sur la poursuite d’un contrat en cours, son refus exprès de poursuivre le contrat entraîne la résiliation de plein droit de celui-ci, à la date de la réception par le cocontractant de ce refus, si celle-ci intervient dans le délai d’un mois prévu à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l’article L. 621-28 du Code de commerce ; qu’il n’y a pas lieu de faire nécessairement constater cette résiliation par le juge-commissaire ; que le délai supplémentaire, prévu à l’article 66 du décret du 27 décembre 1985, pour déclarer la créance résultant de la résiliation court à compter de la réception de la réponse de l’administrateur».

[7] Cass. com., 20 septembre 2017, n° 16-14.065, préc. et Cass. com., 4 juillet 2018, n° 17-15.038.

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] A propos de la holding animatrice de groupe

Réf. : CE Plénière, 13 juin 2018, n° 395495, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9347XQA)

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N5126BX7

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 26 Juillet 2018

Par un arrêt rendu le 13 juin 2018, le Conseil d'Etat se prononce pour la première fois sur la notion de holdings animatrices.

La question de la holding animatrice hante la matière fiscale et le juge de l’impôt, qu’il s’agisse du juge administratif ou du juge judiciaire. Alors que nombre d’observateurs attendaient un éclaircissement jurisprudentiel de la part de la Cour de cassation, celui-ci advient grâce au Conseil d’Etat.

 

La décision -pragmatique, à savoir favorable aux acteurs économiques- de ce dernier jure d’ailleurs avec les exigences redoutables de la Cour de cassation quant à l’appréciation de la politique d’animation. L’enjeu n’est pas de peu tant le rôle des holdings animatrices est fondamental pour les groupes de société. Or, la position de l’administration fiscale s’est notablement durcie s’agissant des critères permettant à une entreprise de bénéficier des régimes de la holding animatrice.

 

Le Conseil d’Etat vient, de manière salutaire, encadrer les exigences de l’administration en la matière. Le juge rappelle tout d’abord ce qu’il faut entendre par société holding animatrice : «Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe et doit, par suite, être regardée comme une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière au sens des dispositions du b du 2° du II de l'article 150-0 D bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L0119IWC), éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 (N° Lexbase : L6430HEU), de laquelle elles sont issues».

 

Dans les contentieux soumis à l’examen du Conseil d’Etat, les requérants -qui déboutés par le tribunal administratif de Rennes et la cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 22 octobre 2015, n° 14NT00291 N° Lexbase : A1819NUW), qui déboutés par le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 25 février 2016, n° 14PA01391 N° Lexbase : A7900QDX), qui déboutés par le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 25 février 2016, n° 15PA00515 N° Lexbase : A7925QDU), qui débouté par le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 25 février 2016, n° 15PA01104 N° Lexbase : A7893QDP)- estiment que les plus-values par eux réalisées ne doivent pas supporter de taxation (impôt sur le revenu). Ce faisant, ils récusent l’interprétation de la doctrine fiscale leur refusant le bénéfice des dispositions et l’application de l’abattement aux gains visés.

 

En vertu du I de l’article 150-0 D ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L9350LHR), l’abattement prévu à l’article 150-0 D bis du même Code s’applique aux gains nets réalisés lorsque sont cédés, à titre onéreux, des actions, parts ou des droits démembrés portant sur ces actions ou parts ; encore faut-il que cette cession porte sur l’intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de détention de l’usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société. Quant à l’article 150-0 D bis du Code général des impôts, il dispose que les gains nets retirés des cessions à titre onéreux d’actions font l’objet d’un abattement d’un tiers pour chaque année de détention au-delà de la 5ème.

 

Encore faut-il que la société -dont les actions, parts ou droits sont cédés- exerce : une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier) ou a pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant les activités mentionnées en amont. Une telle condition s’apprécie de manière continue pendant les 5 années précédant la cession.

 

Une fois rappelées les dispositions du Code général des impôts, une fois soulignée sa politique jurisprudentielle, le Conseil d’Etat décide de régler ces différentes affaires au fond (CJA, art. L. 821-2 N° Lexbase : L3298ALQ). Pour le juge, la société Cofices a bien eu pour activité principale -et cela pendant les 5 années précédant la cession des titres-  «la participation active à la conduite du groupe et au contrôle de la société CES» ; la société Cofices constituait une société animatrice de groupe entrant dans le champ d’application de l’article 150-0 D bis du Code général des impôts.

 

Décomposons les éléments de fait permettant de comprendre le raisonnement du Conseil d’Etat et, in fine, sa conclusion synonyme de censure des juges d’appel :

- la société Cofices -constituée dans le cadre du rachat de la société CES par ses salariés- détenait 95 % du capital de cette société,

- le PDG de la société Cofices était aussi celui de la société CES,

- des personnalités qualifiées indépendantes, spécialisées dans le secteur d’activité de la société CES, étaient membres du conseil d’administration de la société Cofices,

- dès 1999, la société Cofices «participait à la conduite de la politique» de la société CES et des filiales de cette dernière, une telle participation de la société Cofices était «conforme à ses statuts»,

- nombre d’«actions concrètes» mettaient en exergue une telle participation, notamment la recherche de nouveaux partenaires ou la détermination de projets de recherche et de développement,

- de telles actions concrètes «allaient au-delà de l’exercice des attributions» que la société Cofices tirait de sa seule qualité d’actionnaire,

- une convention d’assistance en matière administrative et en matière de stratégie et de développement avait été conclue entre les deux sociétés ; en vertu de cette convention, la société Cofices avait vocation à «prendre part activement à la stratégie et au développement» de la société CES, une telle participation -aussi active qu’elle puisse être- n’emportait pas mise en cause de l’indépendance juridique de la société CES en tant que personne morale.

 

Un autre élément mérite d’être souligné : la société Cofices a été cédée pour un montant de 48,4 millions d’euros ; 56,2 % de cette somme (27,5 millions) correspondent à la valeur vénale de la société CES. A cela, il convient d’ajouter que les disponibilités de la société Cofices  -investies en titres de placement- ont augmenté de manière continue durant la période des 5 années considérées. La part de la valeur vénale -à la date de la cession- de la société CES dans l’actif de la société  Cofices a décru ; à la date de la cession, cette part de la valeur vénale atteignait 56,2 %.

Au regard de toutes ces données, la société Cofices est réputée avoir eu pour activité principale la participation active à la conduite du groupe et au contrôle de la société CES, et cela de manière continue pendant les 5 années précédant la cession des titres.

 

Revenons sur quelques points mentionnés précédemment et qui méritent quelques précisions.

 

Tout d’abord, la double casquette du PDG. Le PDG de la société holding était en effet aussi le PDG de la société filiale. A lui seul, cet élément -dont on ne saurait naturellement minorer l’importance- ne suffit cependant pas à établir qu’une société est l’entité animatrice du groupe, participant activement à sa stratégie, à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales.

 

Comment ne pas songer, par exemple, à un arrêt non pas du Conseil d’Etat mais de la Cour de cassation (Cass. com., n° 89-19474, 19 novembre 1991 N° Lexbase : A3987ABB) ? Pour la Cour de cassation, le seul critère de l'identité des dirigeants de la société et de sa filiale est jugé impropre à caractériser le rôle d'animation de la société holding sur les filiales de son groupe.

 

Outre le rôle du PDG, une autre question mérite intérêt, celle des conventions passées entre la société et ses filiales. Dans notre espèce de 2018, n’avaient pas été conclues des conventions d’animation entre la société et ses filiales mais seulement des conventions d’assistance administrative et en matière de stratégie et de développement. De l’importance de la sémantique en droit fiscal : le Conseil d’Etat ne regarde pas impérative la conclusion d’une convention spécifique -emportant animation- pour qualifier d’animatrice une holding. Il convient de souligner l’importance de l’objet social de la société : conforme à ses statuts, la participation de la société Cofices s’est manifestée par différentes et substantielles «actions concrètes» qui « «allaient au-delà de l’exercice des attributions» inhérentes à sa seule qualité d’actionnaire. Le juge -sensible au couple déclaration statutaire/actions concrètes- a retenu crédibles les arguments étayés par les requérants ; cela est d’autant plus logique que -statuts à l’appui- la société est réputée, jusqu’à preuve contraire, exercer directement son activité professionnelle. A charge pour l’administration de démontrer le contraire, ce qu’elle est incapable de faire ici.

 

En ne retenant pas indispensable l’existence d’une convention d’animation, le Conseil d’Etat se démarque de la Cour de cassation qui -notamment dans une décision du 6 mai 2014 (Cass. com., 6 mai 2014, n° 13.11.420 F-P+B N° Lexbase : A5511MLP)- exige l’existence d’une telle convention. La Cour de cassation : «caractérise un service financier spécifique, et non une prérogative usuelle d’un actionnaire, le fait pour une société holding de se porter caution des financements souscrits par sa filiale et de conclure une convention spécifique de mise à disposition de sa filiale de ses fonds de trésorerie excédentaires ; qu’en jugeant néanmoins que le fait que la société Comafi ait accepté de se porter caution des financements souscrits par la société Saumur distribution dans le cadre de la consolidation de son fond de roulement ou de ses besoins de trésorerie, et ait conclu avec sa filiale une convention de trésorerie par laquelle « compte tenu des liens de capital qui les unissent, la société Comafi s’est montrée disposée à mettre à la disposition de l’emprunteur (la société Saumur distribution) ses fonds de trésorerie excédentaires » moyennant rémunération, attestent du soutien financier d’un actionnaire mais ne constituent pas une intervention effective dans l’animation de ladite filiale, la cour d’appel a violé les articles 885 O bis (N° Lexbase : L8986IQU), 885 O quater (N° Lexbase : L8827HLIdu Code général des impôts et L. 80 A du Livre des procédures fiscalesn (N° Lexbase : L4634ICM)».

 

Retour à la décision du Conseil d’Etat de 2018, pour conclure. Le juge se penche sur la notion d’activité principale, réputée dépendre du poids relatif de la participation au regard du poids des autres actifs détenus par la holding animatrice ; de fait, se trouve écarté tout renvoi aux revenus des différentes classes d’actif. Enfin, est retenue la part de la valeur vénale à la date de la cession : importe non pas la valeur d’origine mais la valeur réelle. La logique de l’administration fiscale -appuyée sur la valeur comptable des titres- est récusée. Salutaire décision du juge de l’impôt.

 

 

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Fonction publique

[Brèves] Conséquence de l’illégalité de l'arrêté fixant la liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l’avantage spécifique d'ancienneté en faveur des fonctionnaires de l'Etat et gendarmes affectés dans certains quartiers difficiles

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 18 juillet 2018, n° 419074, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0994XYH)

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N5125BX4

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par Yann Le Foll

Le 25 Juillet 2018

L'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2011, fixant la liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté en faveur des fonctionnaires de l'Etat et gendarmes affectés dans certains quartiers difficiles (voir CE 4° et 5° s-s-r., 16 mars 2011, n° 327428, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2437HDM), n'implique pas que l'administration serait tenue de rejeter les demandes des fonctionnaires de police tendant à l'attribution de cet avantage au titre des services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur du nouvel arrêté fixant la liste de ces circonscriptions, en date du 3 décembre 2015 (N° Lexbase : L7176KUC). Telle est la solution d’un avis rendu par le Conseil d’Etat le 18 juillet 2018 (CE 5° et 6° ch.-r., 18 juillet 2018, n° 419074, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0994XYH).

 

 

Saisi d'une telle demande, le ministre de l'Intérieur doit y faire droit, sous réserve, s'agissant du versement de rappels de traitement, de l'application des dispositions relatives à la prescription des créances sur l'Etat, si l'agent était affecté à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles au sens et pour l'application de l'article 11 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (N° Lexbase : L1103G8D).

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Pénal

[Brèves] Emprisonnement de membres du groupe punk Pussy Riot : multiples condamnations de la Russie

Réf. : CEDH, 17 juillet 2018, Req. 38004/12 (disponible en anglais)

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N5109BXI

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par June Perot

Le 25 Juillet 2018

► Le transport des membres d’un groupe de musique punk détenus dans un véhicule bondé vers et depuis le tribunal où se tiennent les audiences dans leur affaire, leur faisant ainsi subir une humiliation du fait de leur exposition permanente à la vue de tous dans un box vitré, cernés par des policiers armés et placés sous la garde d’un chien, malgré l’absence de risque manifeste pour la sécurité, constitue un traitement inhumain et dégradant ;

 

► Constitue par ailleurs une violation du droit à la liberté et à la sûreté, le maintien en détention provisoire, pendant cinq mois, fondé sur des motifs stéréotypés ;

 

► Le dispositif de sécurité dans le prétoire, à savoir le box vitré et le lourd déploiement de moyens, ayant empêché les membres d’un groupe de communiquer en toute discrétion avec leurs avocats pendant leur procès qui a duré un mois, emporte violation de l’article 6 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR) ;

 

► Enfin, la condamnation à des peines d’emprisonnement, sans même analyser le texte des chansons interprétées dans une cathédrale par les membres d’un groupe punk, ni tenir compte du contexte, pour la simple raison que celles-ci ont porté des vêtements de couleurs vives, fait des mouvements de bras, lancé leurs jambes en l’air et utilisé un langage ordurier, constitue une sanction d’une sévérité exceptionnelle qui emporte violation de la liberté d’expression. Telles sont les solutions d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme rendu le 17 juillet 2018 (CEDH, 17 juillet 2017, Req. 38004/12).

 

Les faits de l’espèce concernaient la condamnation et l’emprisonnement de trois membres du groupe punk Pussy Riot. Elles avaient tenté d’interpréter l’un de leurs morceaux intitulé «Punk Prayer - Virgin Mary, Drive Putin Away», depuis l’autel d’une cathédrale à Moscou, entendant ainsi faire valoir qu’elles désapprouvaient la situation politique en Russie à l’époque, ainsi que le chef de l’église orthodoxe russe. Rapidement expulsées au cours de leur performance, elles furent arrêtées peu de temps après pour hooliganisme motivé par la haine religieuse et placées en détention provisoire essentiellement à raison de la gravité des accusations qui étaient retenues contre elles. Leur détention avait duré plus de cinq mois avant d’être reconnues coupables. Les tribunaux jugèrent en particulier que leur performance avait été offensante et interdirent l’accès aux enregistrements vidéo que les jeunes femmes avaient ultérieurement postés sur Internet au motif qu’ils étaient «extrémistes». Tous les recours que les requérantes formèrent ensuite contre cette décision furent rejetés. Elles avaient alors été condamnées à une peine de deux ans d’emprisonnement, peine ensuite réduite d’un mois. Deux d’entre elles purgèrent environ un an et neuf mois de leur peine avant d’être amnistiées tandis que la troisième passa environ sept mois en détention avant qu’une suspension de sa peine ne lui fût accordée.

 

Saisie de cette affaire, la CEDH avait alors à se prononcer sur d’hypothétiques violations des articles 3 (N° Lexbase : L4764AQI), 6 § 1, 5 § 3 (N° Lexbase : L4786AQC) et 10 (N° Lexbase : L4743AQQ) de la Convention.

 

La Cour, énonçant les solutions susvisées, condamne la Russie par cinq fois. A noter, pour nos lecteurs les plus curieux, que les paroles des chansons des Pussy Riot ont été annexées à l’arrêt…

newsid:465109

Pénal

[Manifestations à venir] 2ème Congrès des jeunes pénalistes : la politique et le droit pénal

Lecture: 1 min

N5225BXS

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Le 25 Juillet 2018

Le Centre Michel l’Hospital de l’Université de Clermont, sous la direction scientifique du Professeur Evan Raschel, avec les jeunes pénalistes de l’AFDP (Association française de droit pénal), organisent, le 28 septembre 2018, un colloque sur le thème : «La politique et le droit pénal»

 

Partenaires de cet événement, les Editions juridiques Lexbase vous proposeront de retrouver les interventions de la journée en podcasts sur www.lexradio.fr. Les actes seront publiés ultérieurement dans la revue Lexbase Pénal.

9h

Accueil et présentation du colloque par Evan Raschel,

organisateur du colloque, directeur adjoint du CMH (Université Clermont Auvergne)

et Jean-Paul Céré, président de l’Association française de droit pénal (AFDP)

 

Matinée sous la présidence de Jean-Paul Céré,

président de l’Association française de droit pénal (AFDP)

 

Première partie

L’infraction politique

 

9h20 La notion d’infraction politique

Maxime Brenaut (Université Paris 2 Panthéon Assas)

9h40 Le régime procédural des infractions politiques

Marc Touillier (Université Paris Nanterre)

10h Le régime carcéral des infractions politiques

Anne Simon (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

 

10h20 - débats, pause

Deuxième partie

La classe politique (1) : les politiques face aux incriminations pénales

10h40 L’intégrité des politiques (1) : la transparence de la vie publique

Alexis Bavitot (Université Lyon III - Jean Moulin)

11h L’intégrité des politiques (2) : les politiques et la vie des affaires

Jean-Marie Brigant (Le Mans Université)

11h20 L’expression des politiques

Nathalie Droin (Université de Bourgogne)

11h40 Le régime procédural applicable aux hommes et femmes politiques

Jean-Baptiste Thierry (Université de Lorraine)

 

12h - débats, déjeuner

Après-midi sous la présidence de Jean-Baptiste Perrier

(chargé de mission auprès des «jeunes pénalistes», Aix-Marseille Université)

 

Troisième partie

La classe politique (2) : les politiques face aux juridictions pénales

14h20 Le pouvoir politique et l’indépendance judiciaire

Pauline Le Monnier de Gouville (Université Paris 2 Panthéon Assas)

14h40 Les politiques étrangers devant les juridictions pénales françaises

Thomas Herran (Université de Bordeaux)

15h00 Les politiques devant les juridictions pénales internationales

Hajer Rouidi (Université Rouen Normandie)

 

15h20 - débats, pause

 

15h40 : remise du Prix de thèse Emile Garçon (AFDP)

Quatrième partie

Perspectives

 

15h50 Aspects de droit comparé : les systèmes romano-germaniques

Marie Nicolas (Université Clermont Auvergne) ; la Common law, Sabrina Delattre (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

16h20 Aspects de droits de l’homme : les opinions politiques des magistrats face à l’exigence d’impartialité

Audrey Oudoul (Université Clermont Auvergne)

16h40 Propos conclusifs

Xavier Pin (Université Lyon III - Jean Moulin)

 

17h - cocktail

newsid:465225

Procédure pénale

[Brèves] Assassinat d’Anna Politkovskaïa : la Russie n’a pas mis en œuvre les mesures d’enquête appropriées pour en identifier le commanditaire

Réf. : CEDH, 17 juillet 2010, Req. 15086/07 (disponible en anglais)

Lecture: 2 min

N5133BXE

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par Marie Le Guerroué

Le 25 Juillet 2018

►Faute d’avoir examiné les allégations des requérants selon lesquelles des agents du FSB (les services secrets russes) ou de l’administration de la République tchétchène étaient impliqués dans l’assassinat de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaïa, la Russie a manqué à son obligation de mener une enquête adéquate et prompte, ce qui a emporté violation du volet procédural de l’article 2 de la CESDH (N° Lexbase : L4753AQ4). Ainsi statue la CEDH, par cinq voix contre deux, dans un arrêt du 17 juillet 2018 (CEDH, 17 juillet 2010, Req. 15086/07, disponible en anglais).

 

Anna Politkovskaïa, était une journaliste d’investigation connue pour avoir enquêté sur des allégations de violations des droits de l’Homme en Tchétchénie et pour avoir à plusieurs reprises critiqué la politique du président russe Vladimir Poutine. Elle avait été retrouvée assassinée dans son immeuble à Moscou en 2006. Les requérants -sa mère, sa sœur et ses enfants- invoquaient le droit à la vie protégé par l’article 2 de la CESDH et soutenaient qu’en étant pas parvenu à identifier le commanditaire de l’assassinat de la journaliste, les autorités russes ne s’étaient pas acquittées de leur obligation de mener une enquête effective.

 

La Cour rappelle que l’une des obligations que la Convention fait peser sur les Etats en cas d’homicide est de mener une enquête effective, indépendamment de l’implication ou non d’un agent de l’Etat. Le respect de cette exigence s’apprécie en tenant compte de différents facteurs comme l’adéquation des mesures d’investigation, la promptitude de l’enquête ou la participation des proches du défunt. En l’espèce, compte tenu de la profession de journaliste d'investigation d'Anna Politkovskaïa, les autorités devaient aussi rechercher s’il existait un lien entre l’assassinat de la journaliste et son travail.

 

La Cour note que l’enquête a, effectivement, conduit à des résultats puisque cinq hommes ont été reconnu coupables du meurtre. Pour autant, elle note aussi qu’aucun effort n’a été fait pour en identifier le commanditaire. La théorie des autorités russes désignait un homme d’affaires russe qui résidait à Londres et qui était décédé sans toutefois préciser les moyens mis en œuvre pour suivre cette piste, ni étudier d’autres hypothèses, dont celles des requérants qui alléguaient que des agents du FSB ou de l’administration de la République tchétchène étaient impliqués.

La Cour observe que le Gouvernement n’a, en outre, pas justifié pourquoi l’enquête était toujours en cours depuis douze ans.

 

Elle conclut donc que l’Etat russe a manqué à son obligation de mener une enquête adéquate et prompte, ce qui a emporté violation du volet procédural de l’article 2 (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E4886EXA).

newsid:465133

Rel. collectives de travail

[Brèves] Inconstitutionnalité des dispositions dispensant l’employeur de tenir des élections partielles en cas d'annulation de l'élection de délégués du personnel ou de membres du comité d'entreprise

Réf. : Cons. const., n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018 (N° Lexbase : A8072XXA)

Lecture: 3 min

N5028BXI

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par Charlotte Moronval

Le 25 Juillet 2018

► Sont contraires à la Constitution, les dispositions issues des articles L. 2314-7 (N° Lexbase : L2592H9U) et L. 2324-10 (N° Lexbase : L9748H8K) du Code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi (N° Lexbase : L2618KG3), qui dispensent l'employeur d'organiser des élections partielles visant à pourvoir les sièges devenus vacants à la suite de l'annulation de l'élection de délégués du personnel ou de membres du comité d'entreprise, quelle que soit la durée des mandats restant à courir. 

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 13 juillet 2018 (Cons. const., n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018 N° Lexbase : A8072XXA).

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation de sept questions prioritaires de constitutionnalité (voir notamment Cass. soc., 16 mai 2018, n° 18-11.006, FS-D N° Lexbase : A4450XN7) portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article L. 2314-7, des deux derniers alinéas de l'article L. 2314-25 (N° Lexbase : L2644H9S), de l'article L. 2324-10 et des deux derniers alinéas de l'article L. 2324-23 (N° Lexbase : L9776H8L) du Code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

 

Les requérants reprochaient à ces dispositions de ne pas prévoir un mécanisme permettant de pourvoir les sièges de délégués du personnel ou de membres du comité d'entreprise devenus vacants à la suite de l'annulation par le juge de l'élection des représentants des salariés pour méconnaissance des règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein de ces institutions représentatives du personnel.


Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les mots «ou lorsqu'ils sont la conséquence de l'annulation de l'élection de délégués du personnel prononcée par le juge en application des deux derniers alinéas de l'article L. 2314-25» figurant au second alinéa de l'article L. 2314-7 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015 et les mots «ou s'ils sont la conséquence de l'annulation de l'élection de membres du comité d'entreprise prononcée par le juge en application des deux derniers alinéas de l'article L. 2324-23» figurant au premier alinéa de l'article L. 2324-10 du même code, dans cette même rédaction. 

 

Pour le Conseil constitutionnel, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, d'une part, éviter que l'employeur soit contraint d'organiser de nouvelles élections professionnelles alors que l'établissement des listes de candidats relève des organisations syndicales et, d'autre part, inciter ces dernières à respecter les règles contribuant à la représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les délégués du personnel et au sein du comité d'entreprise. Toutefois, ces dispositions peuvent aboutir à ce que plusieurs sièges demeurent vacants dans ces institutions représentatives du personnel, pour une période pouvant durer plusieurs années, y compris dans les cas où un collège électoral n'y est plus représenté et où le nombre des élus titulaires a été réduit de moitié ou plus. Ces dispositions peuvent ainsi conduire à ce que le fonctionnement normal de ces institutions soit affecté dans des conditions remettant en cause le principe de participation des travailleurs. Par conséquent, même si les dispositions contestées visent à garantir, parmi les membres élus, une représentation équilibrée des femmes et des hommes, l'atteinte portée par le législateur au principe de participation des travailleurs est manifestement disproportionnée.

 

Les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité interviendront à compter de la date de la publication de cette décision (sur l'initiative des élections des représentants du personnel par l'employeur, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 44177287, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "L'initiative des \u00e9lections des repr\u00e9sentants du personnel par l'employeur", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E1592ET7"}}).

newsid:465028

Universités

[Brèves] Légalité d’une décision de suspension d'un professeur des Universités à raison de faits de harcèlement moral et sexuel présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 18 juillet 2018, n° 418844, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0992XYE)

Lecture: 1 min

N5121BXX

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par Yann Le Foll

Le 25 Juillet 2018

► Est légale une décision de suspension d'un professeur des Universités à raison de faits de harcèlement moral et sexuel présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 18 juillet 2018 (CE 1° et 4° ch.-r., 18 juillet 2018,  n° 418844, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0992XYE).

 

Par un courrier daté du 20 décembre 2017, Mme X, Maître de conférences affectée au sein du département dirigé par M. Y, a dénoncé des faits de harcèlement moral et sexuel qui auraient été commis à son encontre par ce dernier et demandé à la présidente de l'Université de saisir la section disciplinaire de l'établissement. Avant ce courrier, l'intéressée avait fait part de ces agissements lors d'un entretien avec la présidente de l'Université, de même qu'à des collègues enseignants-chercheurs, aux responsables du dispositif de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles de Paris VIII et au médecin du travail de l'Université, qui en avaient alerté l'administration.

 

Dès lors, et même si la matérialité de ces faits est contestée par M. Y, la présidente de l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis a pu, en l'état de ces éléments portés alors à sa connaissance, estimer que les faits imputés à celui-ci revêtaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

 

Il en résulte la solution précitée.

newsid:465121

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