La lettre juridique n°734 du 15 mars 2018

La lettre juridique - Édition n°734

Éditorial

Les grands axes de réforme de la Justice : digitale, professionnelle, "sans peine", le triomphe du positivisme

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 15 Mars 2018


Last mais sans doute not least, les axes de réforme des chantiers de la Justice du présent Gouvernement viennent d'être dévoilés... sans grande surprise à dire vrai.

Sans grande surprise, parce que la philosophie de ces réformes, civiles et pénales, innervaient les travaux de la Justice du 21ème siècle, alias J21, les multiples rapports plus ou moins alarmistes sur l'état (surtout statistique) de notre Justice, quand les axes présentés ne sortent pas tout droit de l'air du temps, de l'esprit de transparence, de simplification comme celui de la legal-tech.

Ce qui ne veut pas dire que les propositions formulées par la ministre de la Justice cèdent au modernisme. Bien au contraire elles tentent d'accélérer la mainmise du positivisme juridique sur toutes les strates de la Justice et du Droit, pour échapper aux rythmes calendaires trop prudents des précédentes grandes réformes (40 ans pour la procédure civile pour aboutir au NCPC en 1975 ; trente ans pour les obligations et les contrats pour aboutir à la réforme de 2016). Positivisme juridique de Kelsen ou de Motulsky, les deux maîtres à penser de la philosophie du droit, fort peu contestés, depuis l'après-guerre, sont donc à l'honneur.

Soit. La Justice se déclinera donc sous les hospices de trois qualificatifs lourds de sens et de conséquences : une Justice digitale, une Justice de professionnels, une Justice sans peine.

Attention, la justice digitale n'est pas la justice dématérialisée : la première dépasse de loin la seconde, même si elle en est étroitement dépendante. Le dépôt de plaintes en ligne, la constitution de partie civile, notamment par voie dématérialisée, et la saisine de la juridiction en ligne au civil, accompagnée d'une mise en état dynamique des affaires, c'est autrement plus consubstantiel à l'idée de Justice que d'instaurer un dossier unique au pénal, du recueil de la plainte au jugement ou d'ouvrir à l'ensemble des parties la possibilité de suivre par voie dématérialisée l'avancée de la procédure et de connaître le calendrier fixé pour leur affaire. Encore qu'il faille, au préalable, mettre en place une plateforme d'échange des documents volumineux qui assurera une totale traçabilité des échanges, comme nous le rappelle prosaïquement Nicole Belloubet.

C'est une chose d'accéder par voie digitale (une évidence aujourd'hui) à l'information et de faciliter les échanges comme sous l'égide du RPVA ou des conventions conclues entre professionnels du droit et juridictions, et d'ouvrir l'action en justice, c'est-à-dire la demande de reconnaissance d'un droit subjectif, l'essence même de la Justice, à... une boîte noire, algorithmique, gérée par le service public de la Justice ou un délégataire privé issue peut-être de cette legal-tech tant courtisée (dixit "la vision prospective qui s'appuie de manière raisonnée sur les legal-tech, notamment dans le domaine de la médiation en ligne") ? Le paroxysme étant la déshumanisation de la Justice au nom de l'efficacité procédurale par la création d'une juridiction unique dématérialisée du traitement des demandes des injonctions de payer.

Bien entendu, on peut se féliciter de vouloir favoriser l'accès à la justice en érigeant une justice sans juge, "en recentrant le juge et le greffe sur les tâches qui justifient l'intervention de l'autorité judiciaire" nous livre le dossier de presse (en déjudiciarisant certaines procédures, l'ambition est claire ; en développant les règlements amiables des différends [Modes Alternatifs de Règlement des Différends - MARD], à tous les stades de la procédure, la consécration est de mise). Après tout le rapport "Canivet" ne promouvait rien d'autre : "un certain nombre de litiges de la vie courante, simples, répétitifs et de faible montant" doivent "être jugés par des moyens électroniques ?: la formulation des demandes, la production des preuves et des mémoires, et même éventuellement le jugement, rendu et exécuté en ligne". Une telle option, si elle devait être retenue, déboucherait sur une refonte des attributions des lieux de justice : "Lorsque la comparution physique n'est pas indispensable, la proximité géographique de la juridiction n'est plus nécessaire", concluait le Haut magistrat.

Mais, la digitalisation c'est aussi la simplification du financement du procès en permettant de demander en ligne l'aide juridictionnelle afin d'accélérer son obtention tout en maintenant, pour les publics les plus fragiles, la possibilité de déposer un formulaire papier. En même temps... conférer désormais les modalités d'appréciation du dossier par le bureau de l'aide juridictionnelle et la gestion de la masse des demandes.

Finalement, comme pour mieux suivre les théories d'Henri Motulsky, l'action en justice se résume bien, non pas à obtenir la Justice -car la Justice sans juge n'existe pas-, mais bien à obtenir une décision de justice ; la nuance est d'importance, alors que le théoricien du droit concluait par "l'action en justice est un droit subjectif, dont le sujet passif est le juge". Qu'est-ce que la digitalisation universelle de la Justice si ce n'est la passivité du juge ?

Une passivité qui peut même confiner à son absence revendiquée. C'est la mise en place d'un mécanisme de verbalisation pour certains délits comme l'usage des stupéfiants, sur la base d'une amende forfaitaire délictuelle : en clair la forfaitisation de la sanction pénale. C'est la conclusion d'une transaction financière avec le suspect sans qu'il soit nécessaire de solliciter ensuite une homologation par un juge du siège. Quid du respect des droits de la défense, de l'équilibre infraction /sanction, de l'erreur manifeste d'appréciation ? Quid de la justice pénale rendue par un juge, tout simplement ? C'est encore l'extension du juge unique, notamment en appel et la simplification de la répartition entre collégialité et juge unique devant le tribunal correctionnel : réduire le nombre de juges sollicités par affaire ne procède pas d'une simple logique comptable (moins de juges par affaire = plus de juges pour plus d'affaires) ; mais relève là-aussi d'une logique positiviste. Puisque le rôle du juge, digitalisé ou non, est d'appliquer la règle de droit en tant que prescription normative (habilitation/interdiction/autorisation/obligation), sans que le moindre jugement de valeur y soit porté (exit le "juste" ou "injuste", la "bonne" ou "mauvaise" norme) -ça c'est pour la Justice selon Kelsen-, à quoi bon avoir plusieurs juges pour faire l'exégèse des textes et appliquer une norme de plus en plus précise, experte, qui laisse de moins en moins cours à l'interprétation, surtout quand c'est l'Etat qui interprète ses normes par la profusion de circulaires, à un dossier transformé en métadonnées ?

La sécurité, l'absence d'aléa : c'est cela une Justice de professionnels.

L'expérimentation d'un tribunal criminel départemental composé de magistrats professionnels pour accélérer le jugement des affaires criminelles : c'est la grande affaire de la réforme selon les journalistes. Cacher ce jury populaire que l'on ne saurait écouter : d'aucuns crient au mépris de la vox populi, d'autres à l'efficacité et au pragmatisme face à une correctionnalisation rampante des crimes, par peur des soubresauts populaires et d'une durée fantasque des procédures d'assise. Il est loin le temps où l'on voulait expérimenter à l'inverse l'introduction des jurys... au correctionnel ; les tribunaux de Dijon et de Toulouse ayant mis fin à l'expérimentation lancée en 2010 par Nicolas Sarkozy et jugée trop coûteuse par la Chancellerie. Ah, nous y voilà... une logique d'efficacité, de pragmatisme, mais aussi une logique comptable soutirerait au Peuple, sa dernière parcelle de souveraineté directe en matière de Justice. Le jury populaire, avec la Révolution française, c'était la fin de l'arbitraire, des lettres de cachet... le tribunal criminel, c'est la professionnalisation absolue de la Justice et, qu'on le veuille ou non, une manière de dire : la loi précède le droit, alors merci bonnes gens de ne pas interférer dans son interprétation et dans son application. Encore le positivisme juridique à l'oeuvre contre un jusnaturalisme trop prégnant chez les jurés. De là à parler de méfiance envers le jugement populaire...

Supprimer le litige, c'est aussi supprimer l'aléa : le développement de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou la possibilité de ne faire appel que sur le quantum de la peine devant les cours d'assises... Ne pas remettre en cause la décision d'un magistrat sur le fond, par le peuple. Responsabiliser les parties en inscrivant leur instance dans des délais prévisibles, permettre de fixer dès le premier rendez-vous judiciaire, lorsque les avocats auront fait le choix d'une procédure participative, la date de fin de procès : encadrer le procès, mieux enfermer pour rendre la Justice plus vite.

Professionnaliser la justice, c'est aussi reconnaître que le juge n'est pas forcément expert à protéger le plus faible dans certaines circonstances : c'est la modernisation du contrôle du juge sur les actes concernant les majeurs sous tutelle en le concentrant sur les actes aux conséquences les plus lourdes et en confiant la vérification des comptes de gestion à des professions réglementées (experts comptables, huissiers, notaires) quand le patrimoine le justifie. Qu'on enlève au juge ces tâches d'audit qui ne relèvent ni de sa formation, ni de sa participation à l'Oeuvre de justice. Une fois encore tout sera dans la nuance et le périmètre de compétence ou d'incompétence.

La justice de professionnels, c'est aussi reconnaître la complexité du droit et par conséquent son application. Aussi, cette complexification même de la matière oblige à ce que les professionnels (les magistrats) se spécialisent eux-mêmes : il pourra y avoir des expérimentations à l'échelon régional pour que des premiers présidents et des procureurs généraux puissent assurer, dans le respect de l'indépendance juridictionnelle, des fonctions d'animation et de coordination pour plusieurs cours d'appel situées dans une même région. De la même manière, certains contentieux civils spécialisés pourraient être regroupés dans une cour d'appel qui traiterait de ce contentieux pour l'ensemble de la région. Les procureurs généraux et les premiers présidents des cours d'appel pourront proposer la création de pôles spécialisés dans un tribunal de grande instance qui traitera d'un contentieux civil ou pénal pour l'ensemble du département. Etendre la représentation obligatoire pour que les justiciables soient défendus par des avocats dans les matières les plus complexes juridiquement et en appel, tout en maintenant la possibilité pour les justiciables de saisir le juge sans avocat pour les litiges du quotidien et notamment les litiges portant sur un enjeu inférieur à 10 000 euros : c'est aussi ménager complexité et gestion des small cases.

Et puisque le positivisme commande le dogme de l'infaillibilité du magistrat, ou presque, la suite logique était de reconnaître le caractère exécutoire de la décision de première instance pour que les décisions de justice s'exécutent rapidement. Pas d'aléa interprétatif, suprématie de la loi appliquée à un dossier rondement intégré à une base de données : CQFD. Quid des statistiques d'infirmation en appel (réponse avec les nouveaux outils dit de prédictivité) ? Quid des conséquences irréparables pour celui qui succombe en première instance ?

Enfin, la Justice doit être "sans peine" ; non pas que la justice pénale doive être amputée de tout idée de sanction ; mais il faut repenser cette idée de sanction pénale, et singulièrement le rôle de la prison, au regard de la surpopulation carcérale et de la radicalisation des prisonniers qui font de la prison un foyer de la récidive.

"Le châtiment est passé d'un art des sensations insupportables à une économie des droits suspendus" écrivait Michel Foucault, dans Surveiller et punir. Le philosophe croyait ainsi opposer l'ordalie moyenâgeuse et le rouet royal à la vue de tous, à la seule privation de liberté constitutive de la peine de prison. C'est que la prison est devenue, 40 ans plus tard, une "sensation" elle-même insupportable (la surpopulation moyenne est de 140 % dans les maisons d'arrêt avec, pour certains établissements, des taux atteignant les 200 %). Aussi, pour dégrossir les rangs des prisonniers parqués au mitard et tendre vers l'encellulement individuel pour atteindre un taux de 80 %, il n'y a que deux options, toutes deux célébrées par la future réforme : diminuer le nombre de peines d'emprisonnement et construire de nouvelles places pénitentiaires.

Pudiquement on parlera de "redonner du sens à la peine" : en développant les peines autonomes et alternatives et en facilitant les conditions de leur prononcé ; en évitant les courtes peines, en prohibant le prononcé des peines inférieures ou égales à un mois ferme et en prévoyant que, sauf exception, les peines de moins de six mois s'exécuteront hors des établissements pénitentiaires ; en fusionnant la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve en conservant le meilleur de chacun de ces deux régimes. A l'autre bout de la chaîne, il faut améliorer les conditions de détention en développant le travail et la formation et lancer un programme équilibré qui doit permettre de disposer de 7 000 places supplémentaires en 2022 et d'avoir engagé la construction de 8 000 autres pour des livraisons d'ici 2027. Voilà... comment, avec quel financement ? Suivant quelle étude d'impact ? On ne saurait dire pour le moment.

"Il faut redonner toute sa place au débat sur la peine en permettant au tribunal de faire un choix éclairé avec le renforcement des enquêtes de personnalité et en lui permettant de se prononcer sur les conditions d'exécution et d'aménagement de la peine" : ah ! Moins de place pour l'exégèse de la loi et pour la suprématie normative. On socialise le débat pour là encore éviter l'incarcération improductive, voire dangereuse en matière de récidive, et... coûteuse.

Eviter les sorties sèches, en rendant systématique la libération sous contrainte au 2/3 de la peine sauf décision contraire du JAP, pour les peines de moins de cinq ans d'emprisonnement. Même raisonnement... même peine.

On sait que la prison comme lieu d'enfermement, de privation de liberté est un accident de l'Histoire. La peine de mort, les galères, le bagne étaient la norme jusqu'au XXème siècle ; l'amende ou l'assignation à résidence faisaient déjà office de sanctions pénales communes au Moyen-Age ! Donc rien de nouveau sous le soleil. Mais la prison moderne est d'abord une entreprise de culpabilisation travaillant les consciences individuelles à travers un regard tout-puissant, celui du maton, toujours selon Michel Foucault. Il faut reconnaître que le regard tout-puissant est aujourd'hui empreint d'aveuglement si l'on en croit les trafics en tout genre qui se développent dans nos prisons ; il faut reconnaître que le tout-puissant change même de nature si l'on en croit la radicalisation progressive des prisonniers. La fonction normalisatrice de la prison n'est plus -si tant est qu'elle ait jamais existée-. Le panoptisme tant à une surveillance générale de tous par tous, les nouvelles technologies de l'information et de la communication le permettent encore plus qu'auparavant ; alors pourquoi ne pas prendre acte et favoriser la réinsertion... à domicile ? Le pari est audacieux ; une mesure, un correctif, est nécessaire pour enrayer la pompe criminogène que constitue la prison. Souvenons-nous de la réplique de John Galsworthy, dans Justice (Acte II) : "Maintenant il peut être sauvé. Jetez-le en prison, et je vous affirme qu'il sera perdu".

Les buts sont évidemment de renforcer la sécurité dans les détentions et de faire de l'incarcération un temps utile, de réparation et de lutte contre la récidive. Ite missa est ?

Et, pour ne pas susciter ou à tout le moins renforcer la grogne des avocats, des magistrats, des greffes, on promet qu'aucune juridiction ne sera fermée, même si les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance seront fusionnés. Et, il n'y aura aucun schéma de réorganisation territoriale des cours d'appel arrêté au niveau central ; en revanche au niveau local ? Les professionnels de la Justice sont rassurés, ces expérimentations devront reposer sur une approche consensuelle au sein des territoires. Aux Hommes de bonne volonté, les mains pleines...

L'ambition des chantiers est de restaurer la confiance du citoyen dans le service public de la Justice. Il s'agit de renforcer l'accessibilité et la qualité de la Justice tout en améliorant le quotidien des professionnels du droit et de la Justice. Voilà le voeu formulé par la ministre de la Justice, lors de sa présentation à la presse des axes de ses différentes réformes. C'est Guy Canivet lui-même qui posait l'équation : "La justice a une force d'inertie considérable. Il s'agit désormais de bousculer les habitudes en se posant la question de la nature du service". A la lecture de cette liste à la Prévert des mesures actuellement à l'étude, on peut se poser effectivement la question de la nature même de la Justice de demain. Où l'on craint une Justice "naturaliste" avec le développement des MARD, en parallèle d'une Justice "positiviste" au sein des algorithmes avec en bout de course un juge, seul, infaillible pour dire, non pas le droit, mais la loi applicable à un dossier abstractisé. Etrange de Justice sans avocat, sans juge, sans prison ; mais avec les médiateurs, le web pour écrin au lieu des colonnes doriques et un bracelet électronique à la cheville. Le diable est dans les détails : tout sera affaire de garde-fous.

"De tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible. En voyage, quatre choses surtout m'attirent dans une ville : le jardin public, le marché, le cimetière et le palais de justice". C'est par ces quelques mots qu'André Gide introduit ses Souvenirs de la cour d'assises. Demain, le reconnaîtrait-il ce palais de justice objet de sa fascination ? Lui qui pensait que les jurés représentaient la Société et étaient bien décidés à la défendre ! Mais, qui avait déjà conscience, en 1922, des limites de la souveraineté du jury populaire : "'Le président m'a dit que jusqu'à présent nous avions très bien jugé'" répétait, il y a quelques jours, un des jurés ; et ce satisfecit du président courait de bouche en bouche, et chacun des jurés s'épanouissait à le redire".

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Arbitrage

[Jurisprudence] L'application du principe "compétence-compétence" au sein de l'espace OHADA, la fin annoncée d'un contentieux jusque-là nourri ?

Réf. : CCJA, 29 juin 2017, n° 151/2017 (N° Lexbase : A0380WTA) ; CCJA, 14 décembre 2017, n° 230/2017 (N° Lexbase : A0800XBA)

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par Sârra-Tilila Bounfour, Avocat à la Cour, Senior Associate, DLA Piper France LLP

Le 15 Mars 2018

Le principe dit "compétence-compétence", selon lequel l'arbitre est seul à pouvoir apprécier sa compétence, est largement reconnu comme appartenant aux principes fondamentaux du droit de l'arbitrage international. Pourtant, il est encore trop souvent mal compris, voire ignoré, et doit régulièrement être rappelé tant à l'attention des parties en litige que des juridictions nationales. C'est ce que la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA ("CCJA") a eu l'occasion de faire à deux reprises en 2017. Dans les arrêts n° 151/2017 du 29 juin 2017 et n° 230/2017 du 14 décembre 2017, la CCJA est, en effet, revenue sur les deux effets, positifs et négatifs, du principe compétence-compétence. D'une part, la juridiction arbitrale est compétente pour juger de l'existence et de la validité d'une convention d'arbitrage, et donc pour apprécier sa propre compétence -c'est ce qui est communément appelé l'effet positif du principe. D'autre part, les juridictions étatiques sont tenues de se déclarer incompétentes au profit de la juridiction arbitrale dès lors qu'elles sont en présence d'une convention d'arbitrage, et ce même si une partie au litige soulève l'inapplicabilité ou la nullité de celle-ci- c'est ce qui constitue l'effet négatif du principe. Par ces deux arrêts récents, la CCJA a confirmé sa jurisprudence quasi-constante, tant à l'égard de l'effet positif (I) qu'à l'égard de l'effet négatif dudit principe (II). La toute récente réforme de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et du Règlement d'arbitrage de la CCJA (1) ne devrait pas changer la donne sur ce point, bien au contraire. Les textes réformés apportent, en effet, des précisions bienvenues au principe compétence-compétence et tentent d'en renforcer l'effectivité auprès des juridictions nationales (III). I - L'effet positif incontesté du principe compétence-compétence

L'on rappellera à titre liminaire que l'effet positif du principe compétence-compétence permet à l'arbitre saisi, lorsque sa compétence est contestée, de poursuivre la procédure arbitrale et de trancher lui-même les objections à sa compétence, sans avoir à en référer aux juridictions étatiques (2).

Cet effet positif a été consacré en droit OHADA dès 1999 par l'article 11, alinéa 1er, de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage :

"Le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage" (3).

En matière d'arbitrage institutionnel également, l'article 10.3 du Règlement d'arbitrage de la CCJA pris dans sa version initiale a toujours reconnu qu'il revenait à l'arbitre de déterminer s'il était compétent ou non pour trancher le litige : "Lorsqu'une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l'existence, à la validité, ou à la portée de la convention d'arbitrage, la Cour, ayant constaté prima facie l'existence de cette convention, peut décider, sans préjuger de la recevabilité ou du bien-fondé de ces moyens, que l'arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toutes décisions sur sa propre compétence" (4).

Les juges ont très rarement l'occasion de se prononcer sur l'effet positif du principe compétence-compétence. Il faudrait se retrouver dans la situation exceptionnelle où un arbitre refuse de statuer sur sa propre compétence et décide de renvoyer cette question à une juridiction nationale.

Ce n'est donc qu'indirectement que les juges statuent sur l'effet positif du principe. L'on notera ainsi un arrêt en date du 24 avril 2008, dans lequel la CCJA jugeait que : "[L]e principe d'autonomie de la convention d'arbitrage, par rapport au contrat principal auquel elle se rapporte, impose au juge arbitral, sous réserve d'un recours éventuel contre sa sentence à venir, d'exercer sa pleine compétence sur tous les éléments du litige, qu'il s'agisse de l'existence, de la validité ou de l'exécution de la convention" (5).

Cette décision a consacré la "pleine compétence" des arbitres pour apprécier leur propre compétence, correspondant à l'effet positif du principe compétence-compétence. Conformément à l'article 26 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, la CCJA a toutefois apporté un tempérament à ce principe. La compétence arbitrale demeure en effet sujette au contrôle a posteriori des juridictions étatiques dans le cadre d'un éventuel recours en annulation. Cette solution permet d'assurer un équilibre entre la nécessaire liberté de la juridiction arbitrale et la préservation d'une certaine forme de contrôle par les juridictions étatiques.

Cependant, pour aboutir à pareille conclusion, la CCJA s'était fondée sur le "principe d'autonomie de la convention d'arbitrage". Bien qu'également un principe fondamental de l'arbitrage international (6), il n'en demeure pas moins distinct du principe compétence-compétence auquel il ne saurait être assimilé. Un tel fondement pouvait ainsi entretenir une éventuelle confusion.

L'arrêt n° 151/2017 de la CCJA du 29 juin 2017 permet d'apporter une clarification bienvenue et lève toute ambiguïté éventuelle.

Saisie d'un recours porté à l'encontre d'une sentence ad hoc rendue sur le fondement d'une clause statutaire dans un litige opposant une société et ses administrateurs à un ancien directeur général révoqué, une cour d'appel camerounaise avait prononcé l'annulation de la sentence. Après avoir examiné la clause ayant fondé la compétence de la juridiction arbitrale, la cour d'appel avait estimé qu'il s'agissait en réalité d'une clause de conciliation et non d'une clause compromissoire. Elle a donc conclu que la juridiction arbitrale avait statué sans convention d'arbitrage et que la sentence devait être annulée au titre de l'article 26, alinéa 1er.

La CCJA a confirmé la décision de la cour d'appel. Elle n'a, à aucun moment, remis en cause la compétence des arbitres de trancher, comme ils l'avaient fait, la question de la validité de la clause et de leur compétence pour connaître du litige. La CCJA a toutefois réaffirmé que le devoir des arbitres de statuer sur leur propre compétence était soumis à un contrôle a posteriori des juges. Ceci pour finalement conclure que la cour d'appel avait fait une juste application de son pouvoir de contrôle a posteriori :

"qu'en application de l'article 26 alinéa 1er [de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage], le juge de l'annulation dispose d'un pouvoir de contrôle de l'appréciation faite par le tribunal arbitral de la clause compromissoire ou du compromis l'ayant déterminé à retenir sa compétence sous la bannière de l'article 11 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage ; qu'en y procédant sur l'interprétation faite par le tribunal arbitral de la clause ambigüe des statuts, la cour d'appel n'a en rien violé l'article 12 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (N° Lexbase : L4677LHP) ; qu'il y a lieu également de rejeter ce moyen" (7).

L'apport de cet arrêt réside donc surtout dans le fait que la CCJA a expressément lié la compétence des arbitres pour déterminer leur propre compétence à l'article 11 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage. Le fondement, la teneur et la portée de l'effet positif du principe compétence-compétence sont désormais posés par la jurisprudence de la CCJA.

II - La réaffirmation de l'effet négatif du principe compétence-compétence

L'effet négatif du principe compétence-compétence affecte les juridictions étatiques. Il exige de celles-ci qu'en présence d'une convention d'arbitrage, elles déclinent leur compétence afin de laisser à la juridiction arbitrale le soin de déterminer, en priorité, sa compétence pour connaître du litige.

L'application de ce principe est régulièrement contestée par les parties. Elle a, en conséquence, largement nourri la jurisprudence de la CCJA en matière d'arbitrage.

Pourtant, la clarté des dispositions du droit OHADA à cet égard ne laissaient pas entrevoir de tels débats. En effet, l'article 23 du Traité OHADA prévoyait déjà en 1993 que :

"Tout tribunal d'un Etat Partie saisi d'un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l'arbitrage se déclarera incompétent si l'une des parties le demande, et renverra, le cas échéant, à la procédure d'arbitrage prévue au présent Traité" (9).

L'article 13, alinéas 1, à 3 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage de 1999 est ensuite venu préciser les modalités pratiques d'application de l'effet négatif du principe compétence-compétence :

"Lorsqu'un litige, dont un Tribunal arbitral est saisi en vertu d'une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente.

Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle.

En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d'office son incompétence" (10).

L'on rappellera en outre que cette règle ressort également de la Convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, ratifiée par une large majorité des Etats membres de l'OHADA (11). En effet, l'article II paragraphe 2 de la Convention prévoit que : "Le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée" (12).

A l'exception de l'affaire "Planor c. Atlantique Télécom", qui a mené à deux décisions fortement critiquées pour leur méconnaissance de l'effet négatif du principe compétence -compétence (13), la jurisprudence de la CCJA a été particulièrement constante (14). Force est néanmoins de constater que certaines juridictions nationales continuent d'ignorer la compétence prioritaire des arbitres pour apprécier la validité de la clause d'arbitrage. En conséquence, elles ne se déclarent pas incompétentes et ne renvoient pas les parties à mieux se pourvoir devant les arbitres ainsi qu'elles sont censées le faire.

Ces juridictions nationales forcent ainsi la CCJA à intervenir pour rappeler avec force l'effet négatif du principe compétence-compétence.

Dans son arrêt n° 230/2017 rendu le 14 décembre 2017, la Cour est donc revenue, une nouvelle fois, sur cet effet négatif, rappelant ainsi les juridictions étatiques à l'obligation qui leur incombe de décliner leur compétence en présence d'une convention d'arbitrage.

Dans cette affaire, un tribunal de grande instance camerounais avait décliné sa compétence pour connaître d'une action en paiement, en raison de l'existence d'une convention d'arbitrage dans le contrat liant les parties. La cour d'appel avait par la suite infirmé le jugement de première instance, faisant droit au moyen de l'appelante selon lequel la clause dont il était question revêtait un caractère facultatif. L'intimée s'était alors pourvue en cassation. Elle reprochait à l'arrêt d'avoir retenu la compétence des juridictions étatiques en méconnaissance du principe compétence-compétence.

C'est sans surprise que la CCJA a cassé l'arrêt de la cour d'appel sur le double fondement des articles 11 et 13 de l'Acte Uniforme relatif au Droit de l'Arbitrage, jugeant :

"qu'il est constant en l'espèce que l'article 8 du contrat du 3 septembre 2008 comporte une clause compromissoire, sans aucune alternative ; que par conséquent, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions légales précitées et exposé sa décision à la cassation ; qu'il y a lieu d'évoquer" (15).

Evoquant l'affaire, la CCJA a naturellement confirmé le jugement du tribunal de première instance, renvoyant les parties devant la juridiction arbitrale.

S'il est regrettable que la contestation d'un principe aussi établi puisse encore être accueillie devant les juridictions étatiques de l'espace OHADA, il est rassurant de constater que la CCJA demeure vigilante et confirme sa jurisprudence. Ce faisant, elle dissipe tout doute quant à l'obligation pour les tribunaux relevant de sa juridiction de décliner leur compétence lorsqu'ils sont en présence d'une convention d'arbitrage invoquée par l'une des parties.

III - La révision du droit OHADA de l'arbitrage au soutien du principe compétence -compétence

La réforme du droit de l'arbitrage OHADA, intervenue le 23 novembre 2017, ne pourra que renforcer le poids du principe compétence-compétence. En effet, plusieurs dispositions ont été modifiées et/ou ajoutées afin de préciser textuellement le principe compétence -compétence et d'en encadrer l'application par les juridictions nationales le plus strictement possible.

D'une part, la rédaction de l'article 11 alinéa 1er de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et celle du nouvel article 10.4 du Règlement d'arbitrage de la CCJA ont été alignées pour préciser que "[l]e tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence" (16).

D'autre part, l'article 13, alinéa 2, de l'Acte uniforme a été complété pour préciser l'obligation des juridictions étatiques de se déclarer incompétentes en présence d'une convention d'arbitrage :

"Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi ou si aucune demande d'arbitrage n'a été formulée, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ou manifestement inapplicable à l'espèce. Dans ce cas, la juridiction étatique compétente statue sur sa compétence en dernier ressort dans un délai maximum de quinze (15) jours. Sa décision ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage [...]" (17).

L'ajout dans la première phrase de l'expression "si aucune demande d'arbitrage n'a été formulée" étend encore d'avantage le principe compétence-compétence. Bien que cette seule phrase pourrait certainement faire l'objet de discussions bien plus détaillées se situant hors du champ du présent article, l'on remarquera brièvement qu'elle est susceptible d'être interprétée de diverses manières.

Prise isolément, cette phrase pourrait simplement être lue comme rappelant avec force que le principe compétence-compétence produit son effet négatif du seul fait de l'existence d'une convention d'arbitrage. Aussi, quand bien même aucune des parties n'aurait entrepris la moindre démarche sur le fondement de la convention d'arbitrage au moment de la saisine des juridictions étatiques, ces dernières seraient toujours tenues de décliner leur compétence si une partie en fait la demande, à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ou inapplicable. Il en serait de même si, au moment de la saisine des juridictions étatiques, une demande d'arbitrage avait déjà été notifiée mais que le tribunal arbitral n'avait pas encore été constitué.

Cependant, il conviendrait selon nous de concilier cette première phrase du nouvel alinéa 2 avec l'alinéa 1 de l'article 13, et ce afin d'éviter toute contradiction entre les deux dispositions. Ainsi, une lecture combinée suggèrerait plutôt la distinction suivante : (i) soit une demande d'arbitrage a été formulée auquel cas la juridiction étatique doit toujours décliner sa compétence sans aucune réserve possible si une partie en fait la demande, (ii) soit une demande d'arbitrage n'a pas encore été formulée auquel cas la juridiction étatique doit se déclarer incompétente si une partie le sollicite sauf à ce que la convention d'arbitrage soit manifestement nulle ou inapplicable.

En tout état de cause, c'est la deuxième partie de l'alinéa 2 de l'article 13 qui constitue la véritable innovation. En effet, en présence d'une convention d'arbitrage dont l'application est sollicitée par une partie au litige alors qu'aucune procédure arbitrale n'est en cours, la juridiction étatique devra se prononcer dans un délai record de quinze jours sur sa compétence. En outre, seule la CCJA pourra examiner la décision prononcée. Ce contrôle accéléré et direct devrait permettre une application à la fois plus rapide et efficace du principe compétence-compétence au sein de l'espace OHADA.

Une telle nouveauté devrait donc avoir pour effet de limiter les ardeurs des plaideurs reposant leurs espoirs sur des manoeuvres purement dilatoires.

Entre la réforme du 27 novembre dernier et les récentes décisions de la CCJA relatives au principe compétence-compétence, le tarissement du contentieux lié à l'application de ce principe pourrait ne plus être un voeu pieux.


(1) Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage du 23 novembre 2017 (N° Lexbase : L1333LGH) ; Règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage, 23 novembre 2017 (N° Lexbase : L4675LHM).
(2) Emmanuel Gaillard, La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'arbitrage international, Conférence, 13 mars 2007, p. 10, § 15.
(3) Acte uniforme de l'OHADA relatif au droit de l'arbitrage, 11 mars 1999, art. 11 al. 1er (N° Lexbase : L4677LHP) (gras ajouté).
(4) Règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage, 11 mars 1999 (gras ajouté).
(5) CCJA, 24 avril 2008, n° 020/2008, Actualités juridiques, n° 63, p. 147, note F. Komoin, Ohadata J-09-300, pp. 2-3 (gras ajouté).
(6) Fouchard, Gaillard, Goldman, Part 2 : Chapter I - The Autonomy of the Arbitration Agreement, in Emmanuel Gaillard and John Savage (eds), Fouchard Gaillard Goldman on International Commercial Arbitration, p. 198 ; G. Born, Chapter 3, International Arbitration Agreements and Separability Presumption, in International Commercial Arbitration (Kluwer 2014), pp. 349-350.
(7) CCJA, 29 juin 2017, arrêt n° 151/2017 (gras ajouté).
(8) Emmanuel Gaillard, La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'arbitrage international, Conférence, 13 mars 2007, p. 10, § 15.
(9) Traité relatif à l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires, 17 octobre 1993 (révisé en 2008), art. 23.
(10) Acte uniforme de l'OHADA relatif au droit de l'arbitrage, 11 mars 1999, art. 13 (gras ajouté).
(11) A ce jour, seuls cinq des dix-sept Etats membres de l'OHADA n'ont pas ratifié la Convention de New York. Il s'agit de la République du Tchad, la République du Congo (Congo-Brazzaville), la République de Guinée Équatoriale, la République de Guinée-Bissau et la République du Togo.
(12) Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, 10 juin 1958, art. II § 3.
(13) A. Ngwanza, Efficacité des conventions d'arbitrage non signées et violation du principe compétence-compétence, note sous Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (OHADA) (Pr. Ch.), 10 juin 2010, Revue de l'Arbitrage, 2012 issue 3, pp. 618 - 631 ; B. Diallo, Le principe compétence-compétence en matière d'arbitrage OHADA, note sous Arrêts Assemblée plénière de la CCJA, 25 août 2011, n ° 010/2011 (N° Lexbase : A3627WQE), Revue Jurifis Info n°11 (2011), pp. 18 et s.
(14) CCJA, 24 février 2005, n° 12, Le Juris-Ohada, n° 2-2005, p. 9, Rec. Jur. CCJA, n ° 5, janvier - juin 2005, vol. 2, p. 27, Ohadata J-05-357 ; CCJA, 29 juin 2006, n ° 9/2006, Juriscope 2007 ; CCJA, 24 avril 2008, n° 020/2008, Actualités juridiques, n° 63, p. 147, note François Komoin, Ohadata J-09-300 ; CCJA, 17 juillet 2008, n ° 43, Le Juris-Ohada, n° 4/2008, p. 46, Ohadata J-09-81 ; CCJA, 3 juin 2010, n° 35, Le Juris-Ohada, n° 4/2010, octobre - décembre, p. 9, Ohadata J-11-79 ; CCJA, 27 avril 2015, n° 047/2015 (N° Lexbase : A6565WRL), Ohadata J-16-47.
(15) CCJA, 14 décembre 2017, n° 230/2017, précité.
(16) Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, art. 11, al. 1er (gras ajouté).
(17) Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, art. 13 al. 2 (gras ajouté).

newsid:463095

Baux d'habitation

[Brèves] Point de départ du délai de prescription des actions en répétition des charges indûment perçues par le bailleur

Réf. : Cass. civ. 3, 8 mars 2018, n° 17-11.985, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4351XGA)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 15 Mars 2018

Il résulte de la combinaison de l'article 68 de la loi du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L4772AGT), ensemble les articles L. 442-6 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7739LCM) et 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) du Code civil que l'action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; ce jour est celui de la régularisation des charges, qui seule permet au preneur de déterminer l'existence d'un indu, et non celui du versement de la provision. Tel est le rappel opéré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 8 mars 2018 (Cass. civ. 3, 8 mars 2018, n° 17-11.985, FS-P+B+I N° Lexbase : A4351XGA ; déjà en ce sens : Cass. civ. 3, 9 novembre 2017, n° 16-22.445, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1366WYA).

Dans cette affaire, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action pour les charges de l'année 2011, le jugement avait retenu que le point de départ du délai de prescription de l'action en répétition de l'indu était la date du paiement de chacune des sommes indues, qu'en l'espèce, pour l'année 2011, le relevé individuel de charges avait été adressé aux locataires le 25 septembre 2012 avec comme date d'exigibilité le 12 novembre 2012 et que le bailleur, qui invoquait la prescription de l'action, ne précisait pas la date à laquelle le paiement de cette régularisation avait été fait. Le raisonnement est censuré par la Cour suprême qui énonce la solution précitée (sur l'autre point de l'arrêt relatif aux charges récupérables au titre des dépenses de rémunération du gardien, lire N° Lexbase : N3178BXY).

newsid:463085

Concurrence

[Brèves] Aides d'Etat : la France doit récupérer plus de 642 millions d'euros (hors intérêts) octroyés à la Sernam

Réf. : CJUE, 7 mars 2018, aff. C-127/16 P (N° Lexbase : A1482XGY)

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N3081BXE

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par Vincent Téchené

Le 15 Mars 2018

La France doit récupérer un montant de plus de 642 millions d'euros (hors intérêts) dans le cadre d'une aide d'Etat accordée à la société Sernam. Telle est la solution énoncée par la CJUE dans un arrêt du 7 mars 2018 (CJUE, 7 mars 2018, aff. C-127/16 P N° Lexbase : A1482XGY).

Dans cette affaire, à la suite d'une décision de la Commission (décision "Sernam 2"), la France a indiqué à la Commission la vente des actifs en bloc de Sernam (filiale à 100 % de la SNCF), l'acquéreur étant la Financière Sernam, une société créée par l'ancienne équipe de direction de Sernam. Saisie de plusieurs plaintes, la Commission a constaté par la suite que la condition relative à la vente des actifs en bloc de Sernam n'avait pas été respectée et qu'une aide qui avait été déclarée incompatible de 41 millions d'euros n'avait pas été récupérée. Elle en a conclu qu'une première aide à la restructuration de 503 millions d'euros, autorisée sous conditions en 2004 (de retrait du marché ou de vente des actifs en blocs), avait été mise en oeuvre de manière abusive et était incompatible avec le marché intérieur. La Commission a également déclaré que les mesures octroyées par la SNCF aux fins de réaliser la "vente des actifs en bloc", à savoir la recapitalisation de Sernam par la SNCF à hauteur de 57 millions d'euros nets, l'abandon de 38,5 millions d'euros de créances envers Sernam par la SNCF ainsi que certaines des garanties octroyées par la SNCF lors de la transmission des activités de Sernam à la Financière Sernam constituaient de nouvelles aides d'Etat incompatibles avec le marché intérieur. Cette décision a été confirmée par le Tribunal de l'Union européenne et, à sa suite, par la CJUE.

En particulier, la Cour confirme que la décision "Sernam 2" avait pour but de supprimer la présence de Sernam sur le marché surcapacitaire afin de prévenir toute distorsion de concurrence liée à l'octroi de l'aide à la restructuration de 503 millions d'euros. Il s'ensuit que le Tribunal a correctement conclu que la finalité de la vente des actifs en bloc de Sernam visait l'interruption de l'activité économique de Sernam et la disparition de celle-ci. La Cour confirme également que la condition relative à la vente des actifs en bloc de Sernam doit s'entendre comme excluant les passifs, si bien que le Tribunal a conclu à bon droit que cette condition n'a pas été respectée, la vente réalisée ayant également porté sur la quasi-totalité des passifs de Sernam. De même, le Tribunal et la Commission ont correctement conclu à la continuité économique entre Sernam et la Financière Sernam par l'intermédiaire de Sernam Xpress. En effet, cette dernière était la débitrice de l'obligation de récupération de l'aide illégale. Enfin, la Cour confirme que le test de l'investisseur privé n'est pas applicable à la mise en oeuvre d'une mesure compensatoire.

newsid:463081

Délégation de service public

[Brèves] Modification d'un contrat de DSP par avenant : condition d'absence de modification substantielle

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 9 mars 2018, n° 409972, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6325XGD)

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N3122BXW

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par Yann Le Foll

Le 15 Mars 2018

Les parties à une convention de délégation de service public ne peuvent, par simple avenant, ni modifier l'objet de la délégation, ni faire évoluer de façon substantielle l'équilibre économique du contrat, tel qu'il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 9 mars 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 9 mars 2018, n° 409972, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6325XGD).

La cour administrative d'appel (CAA Nantes, 4ème ch., 22 février 2017, n° 16NT00321 N° Lexbase : A6834XG9) a relevé que l'avenant n° 5 au contrat litigieux prévoyait des hausses de tarifs comprises entre 31 et 48 %, qui se traduiraient par une augmentation de plus d'un tiers des recettes et qui allaient très au-delà de la compensation des augmentations de charges liées aux modifications des obligations du délégataire convenues par ailleurs.

Elle a pu en déduire qu'une modification substantielle était ainsi apportée au contrat et donc confirmer l'annulation de la décision du président du syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel de signer l'avenant n° 5 à la convention de délégation de service public approuvant les nouveaux tarifs applicables aux usagers des installations d'accueil et de transport du Mont-Saint-Michel.

newsid:463122

Filiation

[Brèves] Etablissement de la filiation par la possession d'état à l'égard du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie ?

Réf. : Cass. civ. 1, 7 mars 2018, n° 15003 P (N° Lexbase : A6835XGA)

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N3108BXE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 15 Mars 2018

Les articles 317 (N° Lexbase : L3822IRY) et 320 (N° Lexbase : L8822G9M) du Code civil autorisent-ils la délivrance d'un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie ? La réponse est négative. C'est en ce sens que s'est prononcée la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d'un avis rendu le 7 mars 2018, dans lequel elle énonce que le juge d'instance ne peut délivrer un tel acte (Cass. civ. 1, 7 mars 2018, n° 15003 P N° Lexbase : A6835XGA ; à noter que cet avis est à mettre en perspective avec un arrêt rendu tout récemment par la première chambre civile, approuvant le refus opposé à une demande d'adoption plénière par la concubine de la mère (Cass. civ. 1, 28 février 2018, n° 17-11.069, FS-P+B+I N° Lexbase : A6547XE9).

En effet, ainsi que le relève la Haute juridiction, en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7926IWH) a expressément exclu qu'un lien de filiation puisse être établi à l'égard de deux personnes de même sexe, si ce n'est par l'adoption. Ainsi, l'article 6-1 du Code civil (N° Lexbase : L7992IWW), issu de ce texte, dispose que le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe. Les modes d'établissement du lien de filiation prévus au titre VII du livre Ier du Code civil, tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité, ou encore la possession d'état, n'ont donc pas été ouverts aux époux de même sexe, a fortiori aux concubins de même sexe. En toute hypothèse, l'article 320 du Code civil dispose que, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait. Ces dispositions s'opposent à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard d'un même enfant. Il en résulte qu'un lien de filiation ne peut être établi, par la possession d'état, à l'égard du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie.

Interrogée sur la question de la conventionnalité de l'impossibilité ainsi dénoncée, au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 (N° Lexbase : L6807BHL) et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR), la Cour de cassation relève que le contrôle de cette conventionnalité relève de l'examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappe à la procédure de demande d'avis (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4358EY3).

newsid:463108

Fiscalité des entreprises

[Le point sur...] Fiscalité des organismes sans but lucratif

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par Fleur Chidaine, Avocate à la Cour

Le 15 Mars 2018

Les organismes à but non lucratif, dits "OSBL" constituent une particularité en droit fiscal français en ce qu'ils bénéficient d'un certain nombre de dispositifs particuliers, exonérations ou atténuations d'impôts, tout en n'étant pas totalement forcés de ne procéder qu'à des activités non lucratives. Les critères nécessaires pour pouvoir être qualifiés comme tels ne sont pour autant pas aisés à remplir (c'est d'ailleurs l'objet d'un contentieux important en matière d'organismes sans but lucratif de droits étrangers tentant depuis une dizaine d'années de prouver leur comparabilité afin de bénéficier du même régime fiscal que les OSBL de droit français, plus favorable que celui auquel ils sont actuellement soumis), (i) tandis que les modes d'imposition dont ils font l'objet sont, eux, particuliers mais d'application assez simples. I. Conditions nécessaires pour être qualifié d'OSBL et avantages fiscaux qui en découlent

A. L'organisme doit pouvoir compléter chacun des critères de non-lucrativité

Pour pouvoir être qualifié de non lucratif, un organisme doit (i) avoir une gestion désintéressée (ii) ne concurrencer aucune autre entreprise commerciale ou, le cas échéant, le faire dans des conditions différentes de celles du secteur marchand et (iii) ne pas entretenir de relations privilégiées avec d'autres entreprises. Ces trois critères concernent les associations loi 1901, les congrégations religieuses, les associations loi locale des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des fondations reconnues d'utilité publique, des fondations d'entreprise, des fonds de dotation et des syndicats professionnels.

Sa gestion est désintéressée

La gestion désintéressée suppose (i) que l'organisme soit géré et administré bénévolement par des personnes n'ayant aucun intérêt dans les résultats d'exploitation, (ii) qu'il ne procède à aucune distribution de bénéfices (tout en pouvant toutefois les affecter à l'exécution de ses prestations ou à des projets entrant dans le champ de son objet social, ce dernier restant non lucratif) et (iii) que ses membres et ayants droits ne puissent pas être déclarés attributaires d'une partie de l'actif. La condition selon laquelle l'organisme doit être géré bénévolement ne fait pas obstacle à ce que ses dirigeants puissent être rémunérés sous le plafond de 1 124 euros par mois pour 2018. Une rémunération plus élevée est envisageable pour les organismes dont les ressources excèdent une moyenne de 200.000 euros sur trois exercices. En fonction de leurs revenus, les organismes peuvent rémunérer un à trois dirigeants à hauteur de trois fois le plafond de la sécurité sociale, soit 9 933 euros pour 2018 (1). C'est souvent l'une des conditions les plus difficiles à respecter pour les organismes à but non lucratif de droits étrangers qui tentent de démontrer leur comparabilité à ceux de droit français à l'administration puis, souvent, aux tribunaux.

Il n'opère aucune concurrence vis-à-vis des autres entreprises du même secteur commercial

La deuxième condition nécessaire pour être qualifié d'OSBL nécessite que l'organisme ne concurrence pas des entreprises commerciales du même marché en ayant recours à des méthodes de gestion semblables. Cette notion de concurrence, similaire à celle utilisée dans le secteur commercial, a toutefois été précisée par le Conseil d'Etat comme un comportement selon lequel une entreprise aurait une activité identique à celle de l'organisme dans une zone géographique semblable et pour un même public. Néanmoins, même si l'organisme entre en concurrence au regard de cette définition avec une entreprise, la concurrence peut toujours être écartée si cette activité est réalisée dans des conditions différentes de celles des entreprises du même secteur, vis à vis d'un public différent, de réponses à des besoins insatisfaits ou en pratiquant des prix inférieurs sans avoir recours à des procédés publicitaires excédant les besoins de l'information du public sur les services offerts (2).

C'est pour ce critère d'absence de concurrence qu'intervient la fameuse règle dite des "4P", qui suppose d'examiner quatre critères comme suit :

- le produit proposé satisfaisant un besoin qui n'est pas encore (ou insuffisamment) satisfait suffisamment par le marché actuel ;

- le public visé représentatif d'une certaine utilité sociale ;

- les prix pratiqués inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises sur le même marché ;

- la publicité commerciale, indice de lucrativité (3).

Il n'a aucune relation privilégiée avec des entreprises du même secteur

Enfin, les organismes qui remplissent les deux premiers critères (i.e. gestion désintéressée et absence de concurrence dans le secteur commercial) doivent en plus ne pas fournir de services à des entreprises qui pourraient en retirer un avantage concurrentiel sous peine d'être assujetti aux impôts commerciaux comme n'importe quelle autre société du secteur.

Une exception existe toutefois pour certains organismes (et notamment ceux ayant un rôle fédératif, ceux assurant la défense collective des intérêts moraux ou matériels des membres autres que des professionnels et ceux rendant à leurs membres des services pour leur activité non lucrative) (4).

B. Les activités lucratives accessoires bénéficient d'un régime fiscal privilégié (5)

Bien que non lucratifs par principe, les OSBL tels que les associations, fondations, fonds de dotation, congrégation de même que les syndicats professionnels dont l'activité principale est non lucrative et les comités d'entreprises (6) peuvent toutefois avoir des activités lucratives à condition que ces dernières puissent être qualifiées d'accessoires. Ils doivent cependant ne pas excéder au regard de ces activités un plafond fixé à 62 250 euros pour 2018, lequel est indexé annuellement. Ce plafond ou franchise est automatique dès lors que les conditions d'application sont réunies et ce de façon obligatoire.

Conditions d'application de la franchise

De façon assez basique, la franchise d'impôts commerciaux précitée s'applique à condition (i) que la gestion de l'organisme soit désintéressée, (ii) que les activités non lucratives soient significativement prépondérantes et (iii) que le montant des recettes provenant des activités au contraire lucratives n'excède pas 62 250 euros hors TVA. A noter effectivement qu'en matière de TVA la franchise s'applique avec prise en compte également des recettes de l'année civile précédente. Sont exclus des chiffres pris en compte pour le calcul de la franchise les recettes tirées des activités non lucratives, les revenus patrimoniaux, les résultats des activités financières lucratives et exonérées de TVA, les recettes exceptionnelles et les recettes des six manifestations annuelles de bienfaisance ou de soutien bénéficiant d'une exonération spécifique cumulable avec la franchise.

Modalités d'application de la franchise

En matière d'impôt sur les sociétés : en principe exonération d'impôt exception faite de l'application des taux réduit pour les revenus patrimoniaux ne se rattachant pas aux activités lucratives ou non lucratives et au taux de droit commun pour les résultats des activités financières lucratives et des participations. Si toutefois les conditions de franchise n'étaient plus réunies, cette exonération prendrait fin au 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des conditions nécessaires ne serait plus remplie.

En matière de taxe sur la valeur ajoutée : dès lors que les organismes bénéficient de la franchise au titre de leurs activités lucratives accessoires ils ne peuvent plus pratiquer aucune déduction au regard de la TVA afférente aux biens ou services acquis dans le cadre des opérations exonérées et notamment des opérations immobilières ou celles donnant lieu à perception de revenus patrimoniaux (soumis à l'IS au taux réduit comme précité). Si le plafond est dépassé en cours d'année, l'exonération n'a plus lieu d'être à compter du 1er du mois suivant celui au cours duquel cela survient. Si ce sont les conditions pour être qualifiées d'OSBL qui ne sont plus remplies, l'ensemble du régime d'exonération cesse de s'appliquer pour l'année concernée.

En matière de contribution économique territoriale : la cotisation foncière et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne s'appliquent pas lorsque les conditions de la franchise sont réunies. L'organisme reste en revanche soumis à la contribution économique territoriale dès lors que l'une des conditions cesse de s'appliquer mais il n'est effectivement imposé qu'à compter de l'année suivante.

C. Dans certaines situations, des exonérations totales s'appliquent

Si une activité lucrative est exercée par un OSBL, ce dernier est dès lors susceptible d'entrer dans le champ d'application des trois impôts commerciaux principaux (IS, TVA et CET). Néanmoins, des exonérations spécifiques à chacun de ces trois impôts sont susceptibles de s'appliquer.

En matière de taxe sur la valeur ajoutée, peuvent être exonérées de TVA :

- les opérations (7) réalisées par des organismes légalement constitués agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée au profit de leurs membres (i.e. (i) services sociaux éducatifs, culturels et sportifs ou (ii) ventes d'objets divers) (8) ;

- les six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées à leur profit exclusif dans l'année par les OSBL ainsi que les organismes permanents à caractère social des collectivités locales et des entreprises, sur le prix d'entrée à la manifestation et l'ensemble des recettes perçues (9) (10) ;

- pour les organismes poursuivant un objectif de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale, qu'ils soient associations, congrégations, syndicats ouvriers, fondations, organisations patronales, associations de commerçants ou organismes professionnels des professions libérales, pour les opérations qui (i) peuvent être qualifiées de prestations de services/livraisons de bien étroitement liées à leurs prestations fournies aux adhérents de l'organismes, (ii) exclusivement rémunérées par la perception d'une cotisation statutaire, (iii) se rattachant directement à la défense collective des intérêts moraux ou matériels des membres et (iv) n'étant pas susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence (11) ;

- les associations intermédiaires dont la gestion est désintéressée, les associations de services aux personnes, les publications des OSBL, ou encore les biens importés par les OSBL en franchise de TVA à condition de les destiner à l'exportation pour des activités humanitaires, charitables ou éducatives et à condition d'adresser aux fournisseurs une attestation spécifique.

En matière d'impôt sur les sociétés, peuvent être exonérées :

- les associations loi 1901 sans but lucratif organisant des foires, expositions, réunions sportives et manifestations publiques à intérêt économique pour la commune ou la région avec laquelle elles coorganisent l'évènement (12) ;

- les opérations à caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendues à leurs membres et exonérées de TVA pour les OBSL remplissant les critères de non-lucrativité ainsi que les six manifestations de soutien et de bienfaisance précitées (13) ;

- les organismes dits de jardins familiaux (14) ;

- les associations intermédiaires conventionnées et associations agréées ou autorisées de services aux personnes (15) ;

- les syndicats professionnels et leurs unions et ordres professionnels (16).

En matière de cotisation économique et territoriale, peuvent être exonérés : (i) les organismes de jardins familiaux (17), (ii) les associations de mutilés de guerre et d'anciens combattants émettant des participations à la loterie nationale (18), (iii) les syndicats professionnels, ordres professionnels (19) pour leurs activités portant sur la défense de leurs membres, (iv) les six manifestations annuelles de bienfaisance ou de soutien autorisées (20) et (v) les associations bénéficiant des exonérations générales de cotisation.

II. Dans certaines situations, les OSBL se livrant à des activités lucratives et disposant de revenus patrimoniaux restent soumis aux impôts commerciaux

A. Au regard des activités lucratives auxquelles ils se livrent d'une part

En principe, les organismes réalisant des opérations lucratives ne bénéficiant d'aucune exonération ne perdent pas leur caractère non lucratif à condition que leurs opérations lucratives puissent être dissociées de leurs activités lucratives et que ces dernières demeurent non prépondérantes. A l'inverse, si elles devenaient prépondérantes, toutes les activités de l'organisme seraient assujetties tant à la TVA qu'à l'IS.

En matière de taxe sur la valeur ajoutée : en principe les opérations réalisées par les OSBL restent soumises à TVA dans les conditions de droit commun mais ces derniers (i) peuvent appliquer le régime de la franchise en base de TVA, (ii) souscrire une déclaration CA 3 périodiquement ou occasionnellement, déclarer les ventes accessoires consenties aux membres annuellement et déclarer les opérations réalisées à l'occasion des manifestations de bienfaisance taxables en tant qu'opérations occasionnelles sur une CA3 suivant les trente jours de la manifestations, (iii) et en matière de droits à déduction s'ils exercent des activités taxées et des activités exonérées doivent constituer deux ou plusieurs secteurs d'activité

En matière d'impôt sur les sociétés : les OSBL peuvent sectoriser les activités lucratives en ne soumettant dès lors que ces dernières à l'IS ou filialiser leurs activités lucratives. A défaut, tous leurs revenus seront soumis à l'IS dans les conditions de droit commun.

En matière de contribution économique territoriale : la contribution s'applique sur l'activité lucrative, que son activité non lucrative soit prépondérante ou pas (21).

Les OSBL peuvent avoir recours à la sectorisation pour limiter l'application de l'impôt

Les OSBL peuvent, pour limiter l'application de l'impôt sur les sociétés aux seules activités lucratives qu'ils réalisent, sectoriser ces dernières. Ils n'en ont en revanche pas l'utilité pour la contribution économique territoriale dans la mesure où cette dernière ne s'applique pas aux activités non lucratives, que les activités lucratives soient sectorisées ou non (22).

Conditions : la sectorisation suppose que les activités non lucratives et lucratives soient dissociables les unes des autres en correspondant à des prestations différentes les unes des autres bien que complémentaires. La sectorisation pour l'impôt sur les sociétés ne s'envisage que lorsque les activités non lucratives sont significativement prépondérantes au regard des recettes ou des effectifs et moyens consacrés.

Modalités : pour mettre en oeuvre la sectorisation l'OSBL doit affecter les moyens à chaque secteur et réaliser un prorata propre à chacun pour les moyens d'exploitation communs. Cette dissociation apparaît sur le bilan fiscal d'entrée pour les activités lucratives.

Effets : seul le résultat du secteur lucratif sera pris en compte pour calculer et payer l'impôt sur les sociétés à travers une répartition par l'OSBL des charges et produits entre activités lucratives et activités non lucratives. L'impôt sur les sociétés au taux de droit commun s'applique sur le résultat calculé sur la base de cette sectorisation pour la fraction inférieure à 7 630 000 euros et au taux réduit de 15 % pour la fraction inférieure à 38 120 euros. Les revenus patrimoniaux sont quant à eux présumés non lucratifs et taxés à 10 %, 15 % ou 24 % selon leur provenance.

L'OSBL peut également avoir recours à la filialisation d'activités

Une autre possibilité pour l'OSBL ne souhaitant pas avoir recours à la sectorisation est la filialisation. Cette opération consiste à filialiser au sein d'une structure existante ou non diverses activités via un apport partiel d'actifs à une société nouvelle ou non. L'opération peut en tout état de cause bénéficier du régime de faveur des fusions ou opérations assimilées dès lors que les conditions requises sont remplies (23). Si elle passe par la création d'une société nouvelle, l'opération s'analyse au regard de la cotisation foncière des entreprises comme une création d'établissement ou un changement d'exploitant ou, si elle passe par une société préexistante, comme un changement d'exploitant (24). La filiale crée par l'OSBL devient soumise aux impôts commerciaux dans les conditions de droit commun tandis que l'OSBL mère est, lui, non lucratif dans la mesure où il n'est pas acteur dans l'activité de sa filiale sans intervenir dans sa gestion. A défaut il s'interprète comme ayant une activité lucrative de gestion de titres tout en pouvant à nouveau sectoriser cette même activité et dans ce cas être taxé sur les dividendes perçus dans les conditions de droit commun (25). En revanche, la prise de participation dans une société est susceptible d'entrainer la lucrativité de l'ensemble des activités de l'OSBL en cas de complémentarité économique des deux entités.

B. Et au regard des revenus patrimoniaux dont ils bénéficient d'autre part

En principe, les revenus patrimoniaux restent taxables

Comme énoncé ci-avant, les revenus patrimoniaux ne se rattachant pas aux activités lucratives restent imposables à l'impôt sur les sociétés aux taux réduit de 24 %, 15 % ou 10 % selon leur provenance, exclusion faite de la contribution sociale de 3,3 %.

Les OSBL établis dans un Etat membre de l'Union européenne, en Norvège, en Islande ou au Liechtenstein sont soumis sur leurs revenus de source française au même régime fiscal que les OSBL dont le siège se situe en France à condition de prouver à l'administration française leur comparabilité et d'obtenir une attestation leur permettant de bénéficier du même régime fiscal. Comme énoncé ci-avant, cette démonstration de comparabilité n'est pas aisée et fait l'objet de nombreux contentieux actuels devant les tribunaux français.

Ce qui a pour conséquence de taxer les revenus suivants :

Revenus provenant de la location d'immeubles : 24 % ;

Bénéfices agricoles ou forestiers : 24 % sauf à ce que le régime micro-BA s'applique aux OSBL propriétaires d'exploitations agricoles dont la moyenne des recettes hors taxe des trois années précédentes ne dépasse pas 82 800 euros lorsqu'ils ne sont pas expressément exclus du micro-BA et n'ont pas opté pour le régime réel. La base d'imposition est constituée dans cette hypothèse de la moyenne triennale des recettes de l'année d'imposition et trois précédentes diminuée des charges déductibles.

Revenus mobiliers : les revenus de capitaux mobiliers sont imposables exception faite des produits des obligations et autres titres d'emprunt négociables, produits des bons de caisses soumis à retenue à la source, intérêts des livrets A et intérêts de certains emprunts non négociables contractés par des collectivités locales, organismes d'HLM ou organismes concessionnaires de l'aménagement de zones (26), les intérêts des livrets bleus du crédit mutuels ouverts avant 2009, les intérêts des fonds déposés à la caisse des dépôts et consignations par les sociétés mutualistes. Sont inversement imposables les produits taxables au taux de 24 % (produits de créances non négociables, dépôts, cautionnements et comptes courant non exonérés ou des revenus taxables au taux de 10 %, produits de bons ou contrats de capitalisation, revenus de valeurs mobilières étrangères autres que les dividendes encaissés en France ou à l'étranger, avances prêts ou acomptes des associés de sociétés de capitaux) et produits taxables au taux de 10 % (revenus d'obligations et titres assimilés émis depuis 1987, produits des titres de créances négociables sur un marché réglementés, primes de remboursements de certains contrats, produits de parts de fonds communs de créances ou de titrisation, revenus des caisses de retraite ou de prévoyants provenant d'opérations autorisées sur le marché monétaire ou hypothécaire ainsi que sur les intérêts de leurs dépôts bancaires) et produits taxables au taux de 15 % (tous les dividendes français ou étrangers).

L'impôt exigible est payé comme suit :

La somme des locations d'immeubles, bénéfices agricoles ou forestiers et revenus mobiliers constitue le revenu global soumis à l'IS au taux réduit, étant entendu que les déficits fonciers sont imputables sur les revenus mobiliers taxés au taux de 10 % ou 24 % perçus au cours du même exercice et reportable sur les années suivantes. L'organisme remplit annuellement un formulaire 2070-SD pour déclarer leurs revenus et sur cette déclaration est calculé l'impôt au taux de 24 %, 15 % ou 10 % (27).


(1) CGI, art. 242 C de l'annexe II (N° Lexbase : L6730IS3).
(2) CE Contentieux, 1er octobre 1999, n° 170289, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4697AXA).
(3) BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 570 à 710 (N° Lexbase : X4023ALL).
(4) BOI-IS-CHAMP-10-50-10-30 n° 60 (N° Lexbase : X5318ALK).
(5) CGI, arts 206 (N° Lexbase : L9301LHX), 261 (N° Lexbase : L9300LHW) et 1447 II (N° Lexbase : L0819IPZ).
(6) BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20 n° 20 (N° Lexbase : X5965ALI).
(7) CGI, art. 261, 7-1° a.
(8) Dans la limite de 10 % de leurs recettes totales.
(9) CGI, art. 261, 7-1° c.
(10) BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10 n° 630 (N° Lexbase : X5501ALC).
(11) CGI, art. 261, 4-9°.
(12) CGI, art. 207, 1-5° (N° Lexbase : L2928LCG).
(13) CGI, art. 207, 1-5° bis.
(14) CGI, art. 208, 5° (N° Lexbase : L4716I7S).
(15) CGI, art. 206, 5° bis.
(16) BOI-IS-CHAMP-30-70 n° 300 (N° Lexbase : X4505ALG).
(17) CGI, art. 1461, 5° (N° Lexbase : L7367LA4).
(18) CGI, art. 1462, 2° (N° Lexbase : L3168IGG).
(19) BOI-IS-CHAMP-30-70 n° 300.
(20) BOI-IF-CFE-10-20-20-20 n° 70 (N° Lexbase : X4663ALB).
(21) BOI-IF-CFE-10-20-20-20 n° 150 et 160.
(22) BOI-IF-CFE-10-20-20-20 n° 140.
(23) BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 n° 590 (N° Lexbase : X9276AL7).
(24) BOI-IF-CFE-10-20-20-20 n° 220 et 230.
(25) BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 n°580 à 630.
(26) CGI, art. 208 ter (N° Lexbase : L9909IWW).
(27) CGI, art. 362 de l'annexe III (N° Lexbase : L7094ISK).

newsid:463112

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Régime de faveur prévu par l'article 150-0 D ter du CGI : modalités d'imposition des gains nets de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés par les dirigeants de sociétés faisant valoir leurs droits à la retraite

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 5 mars 2018, n° 409970, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1298XG8)

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N3080BXD

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par Marie-Claire Sgarra

Le 15 Mars 2018

Il résulte des articles 150-0 D bis (N° Lexbase : L0119IWC) et 150-0 D ter (N° Lexbase : L9350LHR) du Code général des impôts, de l'article 74-0 P de l'annexe II à ce Code (N° Lexbase : L5403I4U) ainsi que de l'article R. 351-37 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9096IPL) que l'extension du bénéfice de l'abattement aux gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite est subordonnée au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, notamment celle tenant à ce que l'intéressé ait été admis à faire valoir ses droits à la retraite au plus tard un an après la cession des titres à l'origine de la plus-value.

Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 5 mars 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 5 mars 2018, n° 409970, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1298XG8).

En l'espèce, Monsieur B, associé et dirigeant d'une SAS, a procédé à la cession de parts qu'il détenait dans cette société et a considéré que la plus-value réalisée bénéficiait d'un abattement total pour le calcul de l'impôt sur le revenu, en raison de la détention de ces parts, en vertu des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts. L'administration fiscale remet en cause cet abattement. Le tribunal administratif de Grenoble, puis la cour administrative d'appel de Lyon rejette la demande de Monsieur B et son épouse tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts réintégrées par l'administration fiscale.

Il ressort des pièces du dossier que Monsieur B a perçu ses droits à la retraite à compter du 1er mars 2010. Le Conseil d'Etat juge que la date à laquelle l'intéressé est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, à défaut, dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité, cette date étant fixée, pour les personnes relevant des assurances sociales du régime général, sous réserve que les conditions d'octroi de la pension de vieillesse soient effectivement remplies, le premier jour du mois suivant le dépôt de la demande ou, si l'assuré en fait la demande, à une date ultérieure qui sera nécessairement le premier jour d'un mois. Ici le requérant n'a pas pu démontrer qu'il satisfaisait aux conditions lui ouvrant droit au bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions du Code des impôts précité (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4909ALE).

newsid:463080

Impôts locaux

[Brèves] Recouvrement de la taxe d'aménagement : émission de deux titres de perception lorsque la somme totale à acquitter excède 1 500 euros

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 5 mars 2018, n° 410670, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1299XG9)

Lecture: 1 min

N3091BXR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 15 Mars 2018

Les articles L. 331-21 (N° Lexbase : L3911KWR) et L. 331-24 (N° Lexbase : L1438IPX) du Code de l'urbanisme ont pour effet, lorsque le montant de la taxe d'aménagement excède 1 500 euros, d'une part, de rendre obligatoire l'émission de deux titres de perception d'un même montant, d'autre part, de faire obstacle à l'émission du premier de ces titres moins de douze mois après la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager, la date de la décision de non-opposition ou la date à laquelle l'autorisation est réputée avoir été accordée, et à l'émission du second de ces titres moins de vingt-quatre mois après les mêmes dates, sans imposer dans tous les cas un délai minimal de douze mois entre l'émission des deux titres.

Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 5 mars 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 5 mars 2018, n° 410670, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1299XG9).

En l'espèce, Mme A s'est vue délivrer un permis de construire par le maire d'une commune. La direction départementale des territoires de Meurthe-et-Moselle a émis à son encontre, en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement dont ce permis constituait le fait générateur, un titre de perception d'un montant de 1 181 euros, somme dont Mme A s'est acquittée. L'administration fiscale a annulé ce titre de perception et émis deux nouveaux titres d'un montant différent. Le tribunal administratif de Nancy annule un de ces deux titres de perception. Le ministre de la Cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre ce jugement.

La Haute juridiction estime qu'en jugeant que ces dispositions avaient pour effet d'imposer à l'administration lorsque le montant de la taxe d'aménagement excède 1 500 euros, un délai de douze mois entre l'émission de chacun des deux titres de perception, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

newsid:463091

Internet

[Jurisprudence] Déréférencement : de la nécessité d'une appréciation au cas par cas

Réf. : Cass. civ. 1, 14 février 2018, n° 17-10.499, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2043XDZ)

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N3102BX8

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par Caroline Le Goffic, Maître de conférences - HDR, Co-directrice du Master 2 Droit des activités numériques, Université Paris Descartes

Le 15 Mars 2018

C'est désormais un lieu commun de constater qu'internet n'oublie rien. Tout ou presque est numérisé et mis en ligne, et le référencement des ressources par les moteurs de recherche, au premier rang desquels Google, rend aisé pour tout internaute l'accès aux contenus de son choix.
Bénéfique pour le public au regard du droit à l'information, cette "hypermnésie" d'internet risque, à l'inverse, de porter préjudice aux personnes qui font l'objet de publications portant sur leur vie privée. Pour ces dernières, l'invocation d'un droit à l'oubli numérique peut constituer un enjeu particulièrement important, notamment lorsque les données personnelles révélées sont de nature peu flatteuse, comme en témoigne l'arrêt rendu le 14 février 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
Plus précisément, s'agissant d'internet, un tel droit à l'oubli revêt en réalité deux facettes. D'une part, il peut s'agir d'un droit à l'effacement des données. L'intéressé peut, à certaines conditions restrictives, demander à l'éditeur du site web concerné de supprimer la publication. L'information disparaît alors du réseau internet. Ce droit à l'effacement est en pratique difficile à mettre en oeuvre, en particulier lorsque le contenu en cause est hébergé à l'étranger. D'autre part, il peut s'agir d'un simple droit au déréférencement. L'intéressé peut ainsi demander aux moteurs de recherche de supprimer les liens vers telle ressource les concernant. Dans ce cas, l'information demeure en ligne, mais elle devient beaucoup plus difficile, sinon impossible, à trouver pour le public. Ces deux facettes du droit à l'oubli sont indépendantes l'une de l'autre, en ce sens que, selon la Cour de justice de l'Union européenne (1), les intérêts légitimes justifiant les deux formes de traitement des données personnelles, par l'éditeur et par le moteur de recherche, peuvent être différents, et que les conséquences qu'ont ces traitements pour les personnes concernées, et notamment pour leur vie privée, ne sont pas nécessairement les mêmes.

De fait, nombreuses sont les difficultés rencontrées par les intéressés dans la mise en oeuvre du droit à l'effacement des données. En témoignent deux décisions récentes (2) qui illustrent la primauté donnée par les juges au principe de liberté de la presse sur la protection des données personnelles.

En conséquence, les justiciables invoquent de plus en plus souvent le droit au déréférencement à l'encontre des moteurs de recherche. Ce droit a été consacré par le célèbre arrêt "Google Spain" rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 13 mai 2014 (3). Cet arrêt ayant été abondamment commenté, on se limitera ici à indiquer qu'il s'agit d'une décision préjudicielle rendue sur la base de la Directive 95/46 du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (N° Lexbase : L8240AUQ) (4), Directive depuis lors remplacée par le Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (N° Lexbase : L0189K8I) (5), qui entrera en vigueur le 25 mai 2018. Dans l'arrêt "Google Spain", la Cour de justice a estimé que les moteurs de recherche sont des responsables du traitement de données à caractère personnel au sens de la Directive. Il en résulte qu'un internaute peut faire jouer "le droit à ce que l'information [...] relative à sa personne ne soit plus [...] liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d'une recherche effectuée à partir de son nom [...]", sur le fondement de l'article 12 b) de la Directive qui consacre un droit de rectification, en cas de traitement illégal, ou bien sur le fondement de son article 14, qui consacre un droit d'opposition au traitement des données personnelles "pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière", en cas de traitement légal. Ce droit reconnu a vocation à permettre l'effacement, le cas échéant, d'un traitement initialement licite de données exactes, en raison du fait que ces informations apparaissent, eu égard à l'ensemble des circonstances caractérisant le cas d'espèce, inadéquates, pas ou plus pertinentes ou excessives au regard des finalités du traitement en cause réalisé par l'exploitant du moteur de recherche, ce parce que ces informations ne sont pas mises à jour ou qu'elles sont conservées pendant une durée excédant celle nécessaire, à moins que leur conservation s'impose à des fins historiques, statistiques ou scientifiques. Cette solution implique donc que soit mise en oeuvre une balance des intérêts, c'est-à-dire que soit trouvé entre droit à l'information du public et protection des données personnelles un juste équilibre selon "la nature de l'information en question et sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que l'intérêt du public à disposer de cette information, lequel peut varier, notamment, en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique".

L'arrêt rendu le 14 février par la première chambre civile de la Cour de cassation tire fort logiquement les conséquences de cette décision "Google Spain". En l'espèce, reprochant à la société Google d'exploiter, sans son consentement, des données à caractère personnel le concernant (données relatives à sa filiation et à ses unions), M. B. avait saisi le juge des référés pour obtenir la cessation de ces agissements constitutifs, selon lui, d'un trouble manifestement illicite. En appel, la cour d'Aix-en-Provence (6) avait non seulement ordonné à la société Google de supprimer les liens qui conduisaient, lors de recherches opérées sur le moteur Google.fr incluant les nom et prénom de M. B., aux deux adresses URL précisées en son dispositif, mais avait surtout enjoint à cette société de supprimer les liens qui conduisaient, lors de recherches opérées dans les mêmes conditions, à toute adresse URL identifiée et signalée par M. B. comme portant atteinte à sa vie privée, dans un délai de sept jours à compter de la réception de ce signalement.

Saisie d'un pourvoi par la société Google, la Cour de cassation casse et annule cette décision, au visa de la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (loi n° 78-17 N° Lexbase : L8794AGS), interprétée à la lumière de la Directive du 24 octobre 1995 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de l'article 5 du Code civil (N° Lexbase : L2230AB9), qui interdit les arrêts de règlement. Pour la Haute juridiction, "en prononçant ainsi une injonction d'ordre général et sans procéder, comme il le lui incombait, à la mise en balance des intérêts en présence, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Cette censure tout à fait justifiée s'explique par la nécessité, soulignée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt "Google Spain" longuement cité par la Cour de cassation, de rechercher, au cas par cas, un juste équilibre entre le droit à l'information des internautes et les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. La Cour de cassation en déduit ainsi logiquement le principe suivant, posé dans un attendu de principe : la juridiction saisie d'une demande de déréférencement est tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence, de sorte qu'elle ne peut ordonner une mesure d'injonction d'ordre général conférant un caractère automatique à la suppression de la liste de résultats, affichée à la suite d'une recherche effectuée à partir du nom d'une personne, des liens vers des pages internet contenant des informations relatives à cette personne.

En d'autres termes, les juges auraient dû se contenter d'ordonner le déréférencement des liens précis dont il était avéré qu'ils portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé. En condamnant la société Google à une mesure d'injonction d'ordre général visant à supprimer, à l'avenir et automatiquement, sans vérification sur la réalité de l'atteinte, les liens qui conduiraient à des sites dont il était simplement allégué par M. B. qu'ils porteraient atteinte à sa vie privée, la cour d'appel a ainsi excédé ses pouvoirs, et rendu un arrêt de règlement.

Cette censure est bienvenue, en ce qu'elle rappelle la nécessité de rechercher au préalable, au cas par cas, pour chacun des résultats, si l'atteinte portée au droit à la vie privée n'est pas justifiée par l'intérêt prépondérant du public à avoir accès à l'information en cause. Ce faisant, la Cour de cassation reprend à son compte la méthode imposée par la Cour de justice de l'Union européenne, elle-même inspirée par la "mise en balance" des intérêts et des droits fondamentaux concurrents dictée par la Cour européenne des droits de l'Homme. Les moteurs de recherche, premiers destinataires des demandes de déréférencement, puis les juges, en cas de contentieux, doivent ainsi apprécier in casu l'opportunité du déréférencement, sans que les demandeurs ne puissent être en mesure de dicter leur volonté.

En outre, le cantonnement des pouvoirs du juge quant à l'étendue des injonctions de déréférencement se justifie également au regard du statut des intermédiaires techniques dont font partie les moteurs de recherche. En effet, selon l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (loi n° 2004-575 N° Lexbase : L2600DZC), ces derniers ne peuvent se voir imposer d'obligation de surveillance généralisée et de filtrage a priori des informations. Ce n'est donc, là encore, qu'au cas par cas qu'ils peuvent se voir contraints de procéder au déréférencement de liens illicites.


(1) CJUE, 13 mai 2014, aff. C-131/12 (N° Lexbase : A9704MKM), JCP éd. E, 2014, 1326, note M. Griguer ; JCP éd E, 2014, 1327, note G. Busseuil ; D., 2014, p. 1476, obs. V.-L. Benabou et J. Rochfeld ; D., 2014, p. 1481, note N. Martial-Braz et J. Rochfeld. A. Debet, Google Spain : Droit à l'oubli ou oubli du droit ?, Comm. com. électr. 2014, étude 13 ; interview de Ch. Féral-Schuhl, Lexbase, éd. aff., 2014, n° 384 (N° Lexbase : N2455BUH).
(2) TGI Paris, réf., 23 mars 2015, n° 15/51843 (N° Lexbase : A0292NTY), Comm. com. élec., 2015, comm. 45, obs. A. Debet ; Cass. civ. 1, 12 mai 2016, n° 15-17.729, FS-D (N° Lexbase : A0907RPB), Comm. com. élec., 2016, comm. 64, obs. A. Debet.
(3) CJUE, 13 mai 2014, aff. C-131/12, préc..
(4) JOUE n° L 281 du 23 novembre 1995, p. 31.
(5) JOUE n° L 119 du 4 mai 2016, p. 1.
(6) CA Aix-en-Provence, 15 septembre 2016, n° 15/13987 (N° Lexbase : A9881RZY), JCP éd. G, 2016, n° 41, 1084.

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[Jurisprudence] La CEDH confirme la jurisprudence française sur la consultation des fichiers présents sur l'ordinateur professionnel du salarié

Réf. : CEDH, 22 février 2018, req. 588/13 (N° Lexbase : A1555XEC)

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N3107BXD

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 15 Mars 2018

Les règles relatives à l'usage personnel de l'outil informatique professionnel ont été fixées par la Cour de cassation dans le prolongement de l'arrêt "Nikon" rendu en 2001, et s'efforcent de préserver un certain équilibre entre la protection des intérêts de l'entreprise, qui est en droit d'attendre de ses salariés qu'ils consacrent leur temps de travail à l'exécution de leurs tâches professionnelles, et le respect de la vie privée de ces salariés qui s'exerce, certes de manière modérée, sur leur lieu de travail. L'équilibre trouvé ces dernières années par la Cour de cassation (I) se trouve ici conforté par la Cour européenne des droits de l'Homme dans cet arrêt en date du 22 février 2018 dans l'affaire "Libert c/ France" (II), qui confirme, dans le prolongement de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), tout l'intérêt d'élaborer dans l'entreprise des règles relatives à l'usage de l'outil informatique (III).
Résumé

L'employeur peut consulter les fichiers d'un ordinateur professionnel lorsqu'ils ne sont pas dûment identifiés par l'employé comme étant "privés".

I - De la nécessité de préciser la nature "privée" des données stockées sur le disque dur de l'ordinateur professionnel du salarié

Cadre juridique. La Cour de cassation a développé, depuis l'arrêt "Nikon" rendu en 2001 (1), toute une série de solutions relatives à la consultation des documents présents sur l'ordinateur professionnel du salarié.

La jurisprudence opère une double distinction entre les fichiers et les mails d'une part, et selon que ces éléments ont été identifiés par le salarié comme personnels ou non, d'autre part.

S'ils n'ont pas été identifiés comme personnels, l'employeur peut y avoir librement accès car ces éléments sont présumés avoir un caractère professionnel (2) (ce qui est logique compte tenu du fait qu'il s'agit du matériel fourni par l'employeur pour l'exécution des tâches confiées au salarié), sans information préalable du salarié, et sans que son consentement ne soit exigé.

S'ils sont identifiés comme personnels, alors le salarié doit être informé de leur consultation s'agissant des documents présents sur l'ordinateur, sauf urgence ou impossibilité (3), et il devra même donner son consentement s'agissant de l'accès à sa messagerie, à tout le moins à ses messages personnels, principe de secret des correspondances oblige ; à défaut l'employeur devra se faire autoriser par le juge (4).

La Cour a précisé ces dernières années quels indices permettaient de donner aux données litigieuses un caractère "personnel", écartant le critère tiré du dossier standard "Mes documents" (5) mais retenant le caractère personnel dès lors que le salarié a utilisé une messagerie personnelle distincte de sa messagerie professionnelle (6).

L'affaire en cause. Un salarié de la SNCF avait dénoncé auprès de la direction le comportement d'un de ses subordonnés, qui, selon ses dires, avait adopté un langage outrancier à l'encontre d'un collègue. L'intéressé avait déposé plainte contre lui et il avait été mis en examen pour dénonciation calomnieuse. Il avait alors été suspendu de ses fonctions par la SNCF, jusqu'au classement sans suite de cette plainte et sa réintégration dans l'entreprise. Entre temps, son ordinateur professionnel avait été utilisé par un collègue qui avait eu accès au contenu de son disque dur et trouvé dans une partie de celui-ci plus de mille cinq cents fichiers à caractère pornographique. Le disque dur en cause avait été analysé par l'employeur qui avait eu à son tour accès au sous-dossier intitulé "Rires" et qui y avait trouvé, outre des fichiers montrant des scènes de scatophilie et de zoophilie, des "attestations de changement de résidence rédigées à l'entête de la brigade SUGE de Lille et au bénéfice de tiers". Il fut alors "radié des cadres" à la suite de la procédure disciplinaire en vigueur au sein de la SNCF. Il contesta alors le bienfondé de son licenciement en justice.

Les griefs. Le salarié prétendait "que l'ouverture par son employeur, en dehors de sa présence, de fichiers figurant sur le disque dur de son ordinateur professionnel a emporté violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR)". Son licenciement fut confirmé en première instance puis en appel, et le pourvoi qu'il forma contre cette décision fut rejeté dans un arrêt simplement diffusé rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 4 juillet 2012 (Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-12.502, F-D N° Lexbase : A4905IQQ). Pour la Haute juridiction, en effet, "si les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir en dehors de sa présence, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels, la dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l'intégralité des données qu'il contient". La cour d'appel avait valablement considéré "la dénomination données personnelles' du disque dur de l'ordinateur du salarié ne pouvait lui permettre d'utiliser celui-ci à des fins purement privées et en interdire ainsi l'accès à l'employeur, en a légitimement déduit que les fichiers litigieux, qui n'étaient pas identifiés comme étant 'privés' selon les préconisations de la charte informatique, pouvaient être régulièrement ouverts par l'employeur".

Il avait alors saisi la CEDH d'un recours en violation de la CESDH contre la France, sans doute désireux que son nom apparaisse dans toute l'Europe associé à des faits aussi répugnants. Qu'il se rassure au moins sur ce point, son sens de l'humour très particulier (il avait stocké ces fichiers immondes dans un dossier dénommé "Rires") et ses préférences sexuelles pour les excréments et les animaux sont désormais largement connus !

Applicabilité de l'article 8. La première question que devait envisager la CEDH concernait l'applicabilité de l'article 8 de la CEDH qui protège, rappelons-le, la "vie privée et familiale", dans un contexte professionnel. Une réponse positive était plus que prévisible dans la mesure où la CEDH avait déjà eu l'occasion d'affirmer que des appels téléphoniques non professionnels d'une personne, depuis son lieu de travail, pouvaient relever des notions de "vie privée" et de "correspondance", au sens de l'article 8 § 1 de la Convention (7). On sait, par ailleurs, que le caractère de vie privée peut être renforcé par le fait que le salarié dispose, de par ses fonctions, d'un bureau privatif et de son propre ordinateur. La Cour avait d'ailleurs eu l'occasion de confirmer cette analyse en considérant comme relevant également de l'article 8 de la CESDH des messages électroniques envoyés depuis le lieu de travail par un salarié ou des données relatives à l'usage d'internet sur le lieu de travail (8).

Arguments du salarié. Le salarié contestait ensuite l'analyse faite par la Cour de cassation de la partition de son disque dur pour identifier des dossiers "personnels", ce qui, à en croire la Haute juridiction, s'opposerait à l'affirmation selon laquelle il avait tenté de conférer un caractère personnel à l'ensemble des données présentes sur son ordinateur professionnel. Il prétendait également que la dénomination "Rires" du sous-dossier dans lequel se trouvaient les fichiers litigieux permettait d'identifier leur caractère personnel. Il affirmait, ainsi, qu'il y avait eu ingérence d'une autorité publique (la SNCF, organisée sous forme de trois EPIC avant 2004, entièrement détenus par l'Etat), et que cette ingérence n'était ni légitime (pas de travail à contrôler - il n'exerçait plus ses activités dans l'entreprise depuis plus d'un an, pas de prévention de quelque infraction pénale, pas en cause ici) ni proportionnée.

Légitimité de la fouille du disque dur. Après avoir retenu qu'il y avait bien eu ingérence par une personne publique dans la vie privée du salarié, la CEDH s'interroge pour déterminer si "cette ingérence est prévue par la loi et [...] constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".

La Cour retient ici comme but légitime la protection "des droits d'autrui" (consid. 46), notamment ceux des clients de l'entreprise. L'argument vaut bien entendu ici, mais également d'une manière générale pour toutes les entreprises.

La Cour s'est également interrogée pour déterminer si l'atteinte était proportionnée et si des garanties procédurales contre l'arbitraire existaient en droit français. Tel est bien le cas, pour la Cour, qui observe que le droit d'accès aux données du disque dur professionnel suppose que les données ne soient pas identifiées comme personnelles et, lorsqu'elles le sont, et s'agissant singulièrement des fichiers (la solution est différente pour les mails), que l'employeur ait, en principe, informé le salarié pour lui permettre d'être présent, ou représenté, lors des opérations d'accès au disque dur (consid. 48).

Or, selon la CEDH, les tribunaux ont bien fait application, dans cette affaire, de ces garanties et exercé leur marge d'appréciation (consid. 52) sur les faits de l'espèce, sans interprétation "arbitraire ou déraisonnable" des circonstances, et après avoir examiné avec soin les arguments de l'employeur et du salarié.

La Cour relève particulièrement qu'existait au sein de l'entreprise une charte qui recommandait aux salariés d'identifier les données personnelles par le vocable "Privé", ce qui n'avait pas été le cas ici puisque le salarié avait utilisé celui de "Personnel".

Intérêt de la décision - le rôle de la charte informatique. L'existence d'une charte informatique, au sein de l'entreprise est une donnée importante, non pas qu'elle détermine directement le régime applicable aux données concernées (9), ce régime étant d'ordre public et, par conséquent, indépendant des préconisations de l'employeur, mais indirectement en ce qu'elle précise les modalités de l'usage personnel de l'outil informatique et informe le salarié sur l'étendue de sa propre "marge opérationnelle", satisfaisant ainsi à l'exigence de loyauté qui préside à l'exécution du contrat de travail (10).

Dans cette affaire, en effet, la charte de l'utilisateur pour l'usage du système d'information de la SNCF autorisait "un usage personnel ponctuel et raisonnable de la messagerie et de l'internet [...] toléré en aide à la vie pratique ou familiale dès lors qu'il n'est pas susceptible d'affecter la qualité du service associé", et précisait que "les informations à caractère privé doivent être clairement identifiées comme telles (option Privé' dans les critères outlook, notamment). Il en est de même des supports recevant ces informations (répertoire Privé')".

Jouant le rôle d'une véritable circulaire d'application du régime de l'accès aux données définies par le juge tant européen que français, la charte met en oeuvre au sein de l'entreprise l'exigence jurisprudentielle de protection de la vie "privée" et familiale et peut, dès lors, valablement recommander l'usage de tel ou tel vocable, dès lors que cet usage est lui-même "raisonnable", c'est-à-dire ne restreint pas de manière excessive la liberté du salarié. Tel est évidemment le cas ici puisque la recommandation de l'usage du terme "privé" par la charte de la SNCF est parfaitement justifiée au regard de l'objet même du droit en cause qui est bien, tant au regard de la lettre de l'article 8 de la CESDH que de l'article 9 du Code civil français (N° Lexbase : L3304ABY), de garantir le respect de la vie "privée" du salarié.

Il nous semble même possible de raisonner ici, toutes choses étant égales par ailleurs, comme le fait la CEDH vis-à-vis de l'Etat français, en termes de "marge d'appréciation". Tout comme les juridictions nationales disposent de leur marge d'appréciation pour déterminer dans quelle mesure le droit au respect de la vie privée du salarié est assurée par le régime déterminé depuis l'arrêt "Nikon", les partenaires sociaux et, dans une moindre mesure, l'employeur au travers de la charte informatique, doivent se voir reconnaître une certaine "marge d'appréciation" s'agissant des modalités pratiques d'usage à des fins personnelles de l'outil informatique, cette marge devant d'ailleurs être plus importante s'agissant des accords collectifs conclus dans ce cadre et ce dans le prolongement des solutions admises depuis 2015 lorsque sont en cause des différences de traitement mise en oeuvre dans l'entreprise par les partenaires sociaux (11).

La consécration de la charte informatique. Cette observation corrobore parfaitement les évolutions de la jurisprudence française et européenne, relayée par le législateur, s'agissant de la liberté religieuse et des restrictions au port du voile islamique dans l'entreprise. On se rappellera, en effet, que dans l'affaire "Baby Loup" le débat avait porté sur la clause du règlement intérieur de la crèche, la Chambre sociale de la Cour de cassation l'ayant dans un premier temps trouvé trop imprécis (12), avant d'être désavouée sur ce point par l'Assemblée plénière (13), et avant que le législateur, lors de l'adoption de la loi dite "El Khomri" du 8 août 2016 (14), ne vienne explicitement inscrire la possibilité d'introduire une clause de neutralité dans le règlement intérieur (15), et avant que la CJUE ne confirme à son tour, au regard des dispositions du droit de l'Union, l'importance de prévoir au sein de l'entreprise des règles collectives dont les salariés ont connaissance au moment de leur embauche et qui leur permettent de savoir qu'ils devront se plier à une exigence de neutralité pour respecter la clientèle de l'entreprise (16).

Les clauses du règlement intérieur (17), ou d'un accord collectif relatif à l'usage des outils informatiques, ou encore une charte adoptée par l'employeur après information des représentants du personnel (18), peut donc préciser les modalités de l'usage personnel de ces outils, mais également accorder aux salariés des droits supplémentaires, comme par exemple celui d'être présents, ou représentés, lors de l'accès au disque dur de l'ordinateur professionnel du salarié, y compris pour des données qui ne seraient pas marquées comme présentant un caractère personnel ou privé (19).

A l'occasion de l'élaboration des règles applicables dans l'entreprise pour la mise en oeuvre du droit à la déconnexion, soit par accord d'entreprise dans le cadre de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail (C. trav., art. L. 2242-17 N° Lexbase : L7804LG7), soit, à défaut d'accord, dans la charte élaborée par l'employeur après consultation des représentants du personnel, seront d'ailleurs élaborées les "modalités de l'exercice du droit à la déconnexion et [des] actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques", ce qui devrait conduire à déterminer des règles de "bon usage personnel" de l'outil de travail (20).


(1) Cass. soc. 2 octobre 2001, n° 99-42.942 (N° Lexbase : A1200AWD) : "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; [...] celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; [...] l'employeur ne peut, dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur". Lire Questions à... Jean-Emmanuel Ray, à propos de l'arrêt "Nikon", Lexbase, éd. soc., éd. n° 1, 2001 (N° Lexbase : N1201AAQ) ; D., 2001, p. 3148, note P.Y. Gautier ; RJS, 2001, p. 940, chron. F. Favennec-Héry.
(2) Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-47.400, FS-P+B (N° Lexbase : A9616DRL) et les obs. de S. Tournaux, La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, Lexbase, éd. soc., n° 234, 2006 (N° Lexbase : N4508ALK) ; Cass. soc., 16 mai 2007, n° 05-43.183, F-D (N° Lexbase : A2481DWS, documents dont elle constatait qu'ils étaient détenus par le salarié, et qui avaient été obtenus par l'employeur au moyen d'une fouille à son insu du bureau du salarié qui les conservait régulièrement) ; Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800, F-P (N° Lexbase : A6205D9P) et nos obs., Les connexions internet du salarié au travail sont présumées avoir un caractère professionnel, Lexbase, éd. soc., n° 315, 2008 (N° Lexbase : N6956BGQ). Cette présomption s'applique également aux clefs USB connectées à l'ordinateur professionnel du salarié : Cass. soc., 12 février 2013, n° 11-28.649, FS-P+B (N° Lexbase : A0485I8H ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4640EX7), comm. S. Tournaux, La consultation des fichiers contenus dans la clé USB du salarié, Lexbase, éd. soc., n° 518, 2013 (N° Lexbase : N5976BTI). Elle s'applique également aux connexions internet : Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800, F-P (N° Lexbase : A6205D9P) et nos obs., Les connexions internet du salarié au travail sont présumées avoir un caractère professionnel, Lexbase, éd. soc., n° 315, 2008 (N° Lexbase : N6956BGQ).
(3) Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4598EXL) et nos obs., L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase, éd. soc., n° 169, 2005 (N° Lexbase : N4601AIA).
(4) Cass. soc., 23 mai 2007, n° 05-17.818, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3963DWP ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : A3963DWP) et nos obs., La recherche de la vérité plus forte que le respect de la vie privée, Lexbase, éd. soc., n° 262, 2007 (N° Lexbase : N1969BBK). Il le fera généralement en utilisant la procédure sur requête, non contradictoire dans sa première phase (C. proc. civ., art. 493 N° Lexbase : L6608H7U et s.), afin de ne pas laisser le loisir au salarié de détruire les données compromettantes, et le disque dur pourra alors valablement être saisi ou consulté par un huissier.
(5) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-13.884, FS-P+B (N° Lexbase : A1376ILK ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4598EXL) et le comm. de L. Casaux-Labrunée, "Mes documents" ... ne sont pas personnels !, Lexbase, éd. soc., n° 486, 2012 (N° Lexbase : N2082BTB).
(6) Cass. soc., 26 janvier 2016, n° 14-15.360, FS-P+B (N° Lexbase : A3209N7Y).
(7) CEDH, 25 juin 1997, req. 73/1996/692/884 (N° Lexbase : A8304AWH), §§ 44-46 ; CEDH, 16 février 2000, req. 27798/95 (N° Lexbase : A8248AWE), § 44. Lire en ce sens F. Sudre et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, Puf-Thémis droit, 8ème éd., 2017, p. 502, comm. D. Szymczak. L'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) était d'ailleurs visé en 2001 dans l'arrêt "Nikon" (n° 99-42.942, préc.), aux côtés des articles 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), 9 du nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3201ADW) et L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI).
(8) CEDH, 3 avril 2007, n° 62617/00 (N° Lexbase : A6141GCG), § 41 ; CEDH, 2 avril 2015, req. 63629/10 (N° Lexbase : A8726NEW), §§ 69-70.
(9) Cf. la solution issue de l'arrêt "Nikon" : "Les messages émis et reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail par son employeur sont protégés par le secret de la correspondance même si l'employeur a interdit l'utilisation personnelle de l'ordinateur".
(10) Nos obs., L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase, éd. soc., n° 169, 2005 (N° Lexbase : N4601AIA).
(11) Dernièrement, Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-20.532, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9773W3D), lire notre comm. Transferts conventionnels des contrats de travail et égalité de traitement : la Cour de cassation s'inscrit dans l'évolution générale de la législation du travail, Lexbase, n° 723, éd. soc., 2017 (N° Lexbase : N1675BXC).
(12) Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5857KA8 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2668ETY) et les obs. de B. Gauriau, La Cour de cassation soulève le voile qui recouvre la question de la laïcité, Lexbase, éd. soc., n° 522, 2013 (N° Lexbase : N6484BTC).
(13) Ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7715MR8 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2668ETY) et les obs. de Ch. Willmann, Affaire "Baby-Loup" : entre souplesse et fermeté, Lexbase, éd. soc., n° 577, 2014 (N° Lexbase : N2936BUB) ; Dr. soc., 2014, p. 811, obs. J. Mouly ; JCP éd. S, 2014, p. 1287, note B. Bossu ; JCP éd. S, 2014, p. 903, note D. Corrignan-Carsin ; JCP éd. G, 2014, p. 902, note J.-Cl. Marin.
(14) Voir le dossier publié dans Lexbase, éd. soc., n° 666, 2016, singulièrement l'étude de S. Tournaux, Loi "Travail" : le nouveau régime des conventions de forfait et le rôle central du suivi de la charge de travail, (N° Lexbase : N4067BWK).
(15) Le nouvel article L. 1321-2-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6642K9U) dispose ainsi que "le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché".
(16) CJUE, 14 mars 2017, deux arrêts, aff. C-188/15 (N° Lexbase : A4790M9B) et aff. C-157/15 (N° Lexbase : A4829T3A), nos obs., Laïcité dans l'entreprise : mieux vaut prévenir que sévir !, Lexbase, éd. soc., n° 692, 2017 (N° Lexbase : N7218BWA). Sur ces deux arrêts, lire : Y. Pagnerre, Dr. soc., 2017, p. 450 ; J. Mouly, D., 2017, p. 947 ; N. Moizard, RDT, 2016, p. 569 ; S. Laulom, SSL, 2017, n° 1762, p. 3, note G. Calvès ; H. Branu et A. Cerf-Hollender, Dr. ouvr., 2017, p. 477 ; JDE, 2017, n° 241, p. 263, note C. Gautier ; JSL, 2017, n° 430, note H. Tissandier ; JSL, 2017, n° 432, p. 4, note A.-L. Cottin et L. Chabaud ; JSL, 2016, n° 413, p. 28, note C. Puig et D. Chapellon-Liedhart ; P. Adam, La CJUE ou l'anticyclone européen (A propos de la neutralité religieuse dans l'entreprise privée), RDT, 2017, p. 422. La Cour de cassation a évidemment repris la doctrine de la CJUE : Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8116WZM) : nos obs., Port du voile et neutralité dans l'entreprise : le client n'est pas roi !, Lexbase, éd. soc., n° 722, 2017 (N° Lexbase : N1556BXW).
(17) Il peut d'ailleurs s'agir d'une clause renvoyant à une charte annexée au règlement intérieur, et dès lors soumise au régime juridique applicable à ce dernier. Sur les restrictions contenues dans les chartes informatiques et annexées au règlement intérieur : Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 09-42.691, F-D (N° Lexbase : A2507GN8).
(18) On a pu s'interroger sur la possibilité de régler par le biais d'une simple charte, adoptée en dehors du cadre applicable au règlement intérieur, la question de la neutralité au sein de l'entreprise (notre comm., ss Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855, FP-P+B+R+I, préc.), en raison précisément de l'intervention de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C) et du renvoi exprès au règlement intérieur. La question se présente ici en des termes différents, dans la mesure où le législateur a expressément prévu la recours à la charte, à défaut d'accord, à l'article L. 2242-17 du Code du travail (N° Lexbase : L7804LG7).
(19) Cass. soc., 26 juin 2012, n° 11-15.310, F-P+B (N° Lexbase : A1342IQR) : nos obs., Le règlement intérieur peut imposer la présence du salarié lors de la consultation des données présentes sur son ordinateur professionnel, Lexbase, éd. soc., n° 493, 2012 (N° Lexbase : N2886BT3).
(20) Sur cette négociation, J.-E. Ray, Grande accélération et droit à la déconnexion, Dr. soc., 2016, p. 912.

Décision

CEDH, 22 février 2018, req. 588/13 (N° Lexbase : A1555XEC)

Rejet (Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-12.502, F-D N° Lexbase : A4905IQQ)

Texte visé : CESDH, art. 8 (N° Lexbase : L4798AQR).

Mots clés : NTIC ; ordinateur professionnel ; consultation de fichiers ; caractère privé.

Lien base : (N° Lexbase : E4598EXL).

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Annulation du refus d'enregistrer, en tant que marque de l'Union, une marque figurative incluant les symboles de devises "€" et "$"

Réf. : Trib. UE, 8 mars 2018, aff. T-665/16 (N° Lexbase : A5479XGZ)

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N3092BXS

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par Vincent Téchené

Le 15 Mars 2018

Est annulé le refus d'enregistrer, en tant que marque de l'Union, une marque figurative incluant les symboles de devises "€" et "$", l'EUIPO n'ayant pas suffisamment motivé sa décision de refus. Tel est le sens d'un arrêt rendu par le Tribunal de l'Union européenne le 8 mars 2018 (Trib. UE, 8 mars 2018, aff. T-665/16 N° Lexbase : A5479XGZ).

Le Tribunal rappelle, tout d'abord, que tout refus d'enregistrement par l'EUIPO doit, en principe, être motivé pour chacun des produits ou services concernés. Si l'EUIPO peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, une telle faculté ne s'étend cependant qu'à des produits et des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu'ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d'une homogénéité suffisante. Ensuite, le Tribunal précise que la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit notamment être effectuée sur la base des caractéristiques qui leur sont communes. En l'espèce, l'EUIPO a examiné le caractère descriptif du signe en cause sans se référer à chacun des produits et des services visés par celui-ci et a adopté à leur égard une motivation globale. Or, la marque demandée vise plus de 80 produits et services, relevant de trois classes distinctes très différentes, l'EUIPO s'étant cependant limité à constater que tous les produits et les services visés par la marque possédaient un lien avec les opérations de change. Le Tribunal juge que la caractéristique retenue par l'EUIPO n'est pas commune à tous les produits et les services en cause. La motivation globale retenue par l'EUIPO n'est donc pas pertinente pour la totalité des produits et des services concernés. Il appartenait à l'EUIPO de fournir une motivation supplémentaire pour les produits et services qui ne sont pas caractérisés par un lien avec des opérations de change, afin d'expliquer les raisons pour lesquelles l'enregistrement de la marque demandée devait être refusé. Etant donné que la décision attaquée ne contient pas une telle motivation supplémentaire, le Tribunal constate un défaut de motivation.

Ensuite, le Tribunal relève que, à supposer même que les produits et les services visés par la marque demandée soient liés aux opérations de change, la décision attaquée n'indique pas clairement pour quelles raisons l'EUIPO a considéré que la marque permettrait au public pertinent de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description de tous les produits et services concernés.

Enfin, s'agissant du caractère distinctif de la marque demandée, le Tribunal relève que la conclusion de l'EUIPO est viciée du même défaut de motivation.

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Rupture du contrat de travail

[Brèves] Sanction de l'inexécution de la promesse de porte-fort de réembaucher un salarié par des dommages-intérêts

Réf. : Cass. civ. 1, 7 mars 2018, n° 15-21.244, F-P+B (N° Lexbase : A6683XGM)

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N3149BXW

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par Blanche Chaumet

Le 16 Mars 2018



L'inexécution de la promesse de porte-fort de réembaucher un salarié ne peut être sanctionnée que par la condamnation de son auteur à des dommages-intérêts. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 mars 2018 (Cass. soc., 7 mars 2018, n° 15-21.244, FS-P+B N° Lexbase : A6683XGM).

En l'espèce, le 18 juillet 2003, à la suite d'un litige survenu entre une société Polyexpert Loire Touraine, devenue la société Polyexpert Atlantique, et son salarié, un accord transactionnel a été conclu, en vertu duquel la société Polyexpert Loire Touraine a payé au salarié une somme de 72 000 euros et, se portant fort pour le président de la société Polyexpert SA, s'est engagée à ce que le groupe Polyexpert reprenne des relations contractuelles avec cet ancien salarié, exerçant à titre libéral et indépendant, lequel a, en contrepartie de l'accord, renoncé définitivement à l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes du 20 janvier 2003 lui ayant alloué une somme totale de 179 321,26 euros.

Invoquant l'inexécution de la promesse de porte-fort, le salarié a assigné la société en résolution de la transaction et en paiement de dommages-intérêts. Pour accueillir la demande, la cour d'appel (CA Bordeaux, 7 mai 2015, n° 13/03770 N° Lexbase : A5877NH7) retient que la convention contenant une promesse de porte-fort est susceptible de résolution en cas d'inexécution totale ou partielle et qu'il n'est pas contesté qu'aucune mission n'a été proposée au salarié, entre 2003 et 2010, par une des sociétés du groupe Polyexpert. A la suite de cette décision, la société Polyexpert Atlantique s'est pourvue en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles 1184 (N° Lexbase : L1286ABA) et 1120 (N° Lexbase : L1208ABD) du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L4857KYK) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7638ESP).

newsid:463149

Urbanisme

[Brèves] Régularisation d'un vice affectant le permis de construire initial par un permis modificatif en cas de modification de la règle antérieurement méconnue

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 7 mars 2018, n° 404079, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2823XGN)

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N3084BXI

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par Yann Le Foll

Le 15 Mars 2018

Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, il peut être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entre-temps modifiée. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 7 mars 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 7 mars 2018, n° 404079, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2823XGN).

La délivrance ultérieure d'un permis modificatif sur le fondement du plan local d'urbanisme intercommunal modifié a régularisé l'illégalité qui entachait le permis initial, résultant de la méconnaissance de la destination assignée à l'emplacement réservé en vue du stationnement des poids lourds.

Dès lors, le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux aurait été délivré en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal relatives à l'existence et à la destination d'un emplacement réservé sur le terrain d'assiette du projet ne peut plus être utilement invoqué à l'appui des conclusion dirigées contre le permis initial (cf. l’Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E4931E7R).

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