Le Quotidien du 21 mars 2002

Le Quotidien

Notaires

[Jurisprudence] Les notaires ne doivent pas conférer l'acte authentique à une convention dont ils savent qu'elle méconnaît les droit d'un tiers

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N2302AAI

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Le 07 Octobre 2010

Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 mars 2002 (pourvoi n° 99-18.984 N° Lexbase : A1963AYD), intéressant la responsabilité du notaire (voir not. Cass. civ. 1ère, 6 avril 1965, D. 1965, J., p. 448 ; 7 oct. 1990, Bull. civ. I, n° 37, Rép. Defrénois 1990, 1021, obs. J.-L. Aubert ; 4 avril 2001, pourvoi n° 98-19.925, N° Lexbase : A2113ATG ; 26 fév. 2002, pourvoi n° 99-11.503 N° Lexbase : A0734AYT), pose en principe, sous le visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), que "les notaires doivent s'abstenir de prêter leur ministère pour conférer le caractère authentique à une convention dont ils savent qu'elle méconnaît les droit d'un tiers".

En l'occurrence, il est ici reproché à un notaire d'avoir pu prêter son concours à la réalisation par son client de ventes d'immeubles contenus dans une succession en dépit d'une notification antérieure d'un legs dévolu à un tiers. Autrement dit, reprochant au notaire d'avoir prêter son concours à la vente d'immeubles sans son autorisation, le légataire l'a assigné en responsabilité (voir, sur la responsabilité civile des notaires, J.-L. Aubert, La responsabilité civile des notaires, Defrénois, 3ème éd., 1998). Deux observations peuvent ici être faites.

En premier lieu, il n'est pas inintéressant de revenir sur la nature de la responsabilité notariale. On sait en effet que le double aspect de la fonction notariale contractuel dans sa démarche, légal dans son organisation et sa mise en oeuvre détermine une ambiguïté qui a d'ailleurs exercé une influence sur les appréciations de la doctrine. Si certains ont fait valoir que c'est la responsabilité contractuelle qui seule correspond à la réalité de l'activité notariale, dans la mesure où "l'on ne saurait nier l'existence d'un contrat entre le notaire et son client, même quand l'appel au notaire est imposé par l'exigence d'un acte authentique" (G. Durry, La distinction de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle , Université McGill, 1986, n°168), il reste que la jurisprudence, bien qu'elle n'ait semble-t-il pas eu explicitement à se prononcer sur cette question, paraît, surtout depuis quelques années, faire toujours référence à l'article 1382 du Code civil (pour des décisions plus anciennes rendues sur le terrain de la responsabilité contractuelle, voir not. Cass. civ. 1ère, 1er juill. 1958, Bull. civ. I, n° 351 ; Cass. Civ. 1ère, 24 juin 1963, D. 1963, J., p. 717 ; Cass. civ. 1ère, 12 juin 1972, Bull. civ. I, n° 150, Rép. Defrénois 1973, art. 30293, n°5, obs. J.-L. Aubert; sur les décisions plus récentes préférant le terrain délictuel, voir not., parmi beaucoup d'autres, Cass. civ. 1ère, 21 mai 1985 N° Lexbase : A3054AAD ; 25 mars 1991 N° Lexbase : A4871AHU et N° Lexbase : A4868AHR ; 17 mars 1993 N° Lexbase : A4809AHL ; 6 janv. 1994 N° Lexbase : A6006AHW et 7 N° Lexbase : A6009AHZ ; 26 mars 1996 N° Lexbase : A9670ABR). Au fond, la mise à l'écart de la responsabilité contractuelle peut se justifier par les considérations d'ordre public qui s'attachent à la fonction notariale en raison de sa finalité de sécurité juridique.

Ensuite, l'arrêt appelle quelques remarques tenant à la faute ici reprochée au notaire. On sait que le notaire qui a refusé d'instrumenter engage sa responsabilité, un notaire ne pouvant en principe pas se dérober à sa mission de service public pour laquelle il a été institué (voir, sur cette obligation, l'article 3 de la loi du 25 ventôse An XI, disposant que les notaires "sont tenus de prêter leur ministère lorsqu'ils en sont requis"). Cependant, il ne s'agit là que d 'un principe qu'il faut nuancer. Ainsi le notaire peut-il, à l'inverse, engager sa responsabilité pour n'avoir point refusé d'instrumenter. Il est en effet certain que les propriétés de l'acte authentique et la finalité de sécurité juridique que la loi assigne à la fonction notariale imposent au notaire de refuser son ministère dans tous les cas où l'acte pour lequel il est requis est contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Mais, et c'est bien ce qui ressort de l'arrêt, à cet impératif d'ordre public intéressant donc l'intérêt général s'ajoute des considérations intéressant, elles, les intérêts particuliers. C'est ce qui explique que le notaire doive, sous peine de voir sa responsabilité civile délictuelle engagée, s'abstenir de prêter son ministère pour conférer le caractère authentique à une convention dont il sait qu'elle méconnaît les droits d'un tiers.

David Bakouche
Docteur en droit


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Economique

[Focus] Un médiateur à Bercy ?

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N2347AA8

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Le 07 Octobre 2010

Dans le cadre de la réforme du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, un poste de médiateur du ministère va être créé. Le médiateur du MINEFI aura pour mission de recevoir les réclamations individuelles des personnes physiques ou morales concernant le fonctionnement des services du ministère et de favoriser la solution des litiges. Un projet de décret organisant la mission du médiateur est en cours d'examen au Conseil d'Etat et devrait être prochainement publié. Emmanuel Constans, inspecteur général des Finances, a été chargé par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie de préfigurer les fonctions de médiateur du ministère.

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Libertés publiques

[Evénement] Le droit de mourir dans la dignité devant la Cour européenne des droits de l'homme

Réf. : CEDH 04-11-1950, art. 2 (N° Lexbase : L4753AQ4)

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N2345AA4

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Le 07 Octobre 2010

Mardi 19 mars dernier, s'est ouvert à Strasbourg devant la CEDH une audience consacrée au droit à l'euthanasie. La requérante, d'origine britannique, atteinte d'une maladie neurodégénérative incurable entraînant une tétraplégie des muscles, ne dispose plus que de quelques semaines à vivre et souhaite, afin d'éviter toute souffrance et manque de dignité, que son époux l'aide à mettre fin à ses jours, puisque elle-même est dans l'incapacité de le faire. Or, si le suicide est autorisé en Grande-Bretagne, l'aide au suicide est passible de 14 années de réclusion. Diane Pretty appuie sa requête sur les articles 3 de la Convention (interdiction des traitements inhumains et dégradants N° Lexbase : L4764AQI), 2 (droit à la vie N° Lexbase : L4753AQ4), 8 (droit au respect de la vie privée N° Lexbase : L4798AQR) et 9 (liberté de conscienceN° Lexbase : L4799AQS). De plus, elle fait valoir que l'interdiction générale frappant le suicide assisté entraîne une discrimination à l'égard des personnes qui ne peuvent se suicider sans aide, alors que les individus valides peuvent, au regard du droit interne, exercer le droit de mourir. La Cour européenne rendra sa décision le mois prochain. Si celle-ci s'avère positive la justice britannique devra dédommager la requérante, et pourra également modifier sa législation en ce qui concerne le suicide assisté.

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