Le Quotidien du 14 mai 2002

Le Quotidien

Experts-comptables

[Jurisprudence] Quand les experts-comptables rédigent des actes juridiques...

Lecture: 3 min

N2863AAB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3212686-edition-du-14052002#article-2863
Copier

Le 07 Octobre 2010

Les textes ne permettent aux experts-comptables de rédiger pour autrui des actes juridiques que dans la mesure où ceux-ci constituent "l'accessoire direct" de la prestation principale fournie. Voilà ce que rappelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 avril 2002 (N° Lexbase : A5618AYQ), relançant le débat sur le périmètre du droit. La Haute juridiction précise que la cour d'appel est tenue d'expliquer les raisons qui l'ont décidée à nier aux actes incriminés le caractère d'accessoire direct de la prestation. En l'espèce, deux sociétés d'expertise comptable avaient fait insérer dans des journaux d'annonces légales divers avis : constitution, fusion et dissolution de sociétés, transfert de siège social, changement de dirigeants, modification d'objet social, cessions de parts, diminution ou augmentation de capitaux. Le barreau de Lille avait alors cité les deux experts-comptables devant le tribunal correctionnel, soutenant qu'ils avaient établi eux-mêmes tous ces actes en violation de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi de 1990. Après une relaxe, la bataille judiciaire s'est poursuivie : confirmation de la cour d'appel, cassation (Cass. crim. 13 mars 1996 N° Lexbase : A9011ABD), confirmation du rejet des demandes des parties civiles, nouvelle cassation et infirmation de la seconde cour d'appel de renvoi.

Enfin, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 avril 2002, considère que la cour d'appel ne l'avait pas mise en mesure d'exercer son contrôle de la légalité sur sa décision. Mais elle ne se prononce pas sur la licéité des actes accomplis par les deux sociétés d'expertise-comptable. La Haute juridiction indique en effet que la cour a statué "de manière abstraite sans mieux s'expliquer sur les éléments de fait lui permettant d'énoncer que les actes sous seing privé en cause ne pouvaient constituer l'accessoire direct de la prestation fournie". Elle avait d'ailleurs déjà tenu ce raisonnement pour casser la décision de la première cour d'appel désignée (N° Lexbase : A9011ABD).

Les avocats se sont toujours opposés à l'exercice du droit par les experts-comptables . Redoutant une concurrence dans le domaine du conseil aux entreprises, ils ont réussi à limiter les activités juridiques des professionnels du chiffre à la portion congrue. En effet, ces derniers ne sont autorisés à "donner des consultations juridiques " que lorsqu'elles relèvent de "leur activité principale" et à "rédiger des actes sous seing privé" que lorsqu'ils constituent "l'accessoire direct de la prestation fournie" (loi du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L7803AIT). Comme le démontre un arrêt du 11 avril 2002 (N° Lexbase : A5618AYQ), cette règle est toujours d'actualité devant les juridictions (pour un autre exemple récent, Cass. crim, 15 fevrier 2000 N° Lexbase : A6235AYL).

Ainsi, la pratique du droit par d'autres professionnels que les avocats est strictement encadrée. Elle est régie par l'article 59 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée en 1990 (N° Lexbase : L6343AGZ). Ce texte autorise les "personnes exerçant une activité professionnelle réglementée" à exercer le droit à titre accessoire et " dans les limites autorisées par la réglementation qui leur est applicable". La réglementation applicable aux experts-comptables est contenue dans l'ordonnance du 19 septembre 1945 (N° Lexbase : L8059AIC). Elle autorise ces derniers à donner des consultations juridiques à deux conditions. D'abord, ces consultations doivent s'adresser à des entreprises qui leur confient des missions comptables de façon permanente et habituelle. Ensuite, les "consultations, études, travaux ou avis" doivent être directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés. Notons que le texte n'évoque pas la rédaction d'actes...

Est-ce à dire que la rédaction d'acte est purement et simplement interdite d'une façon générale aux experts-comptables ? L'arrêt commenté ne répond pas à la question mais pour la même espèce, dans sa décision du 23 mars 1999 précitée, la Cour de cassation a considéré qu'un acte de constitution de société n'entrait pas "dans les limites de l'activité professionnelle permise aux experts-comptables". Dans son ouvrage Déontologie de l'Avocat, Raymond Martin exprime le même avis : "le texte spécial (ordonnance de 1945) prévalant sur le texte général de l'article 59 de la loi du 31 décembre 1971, la rédaction d'actes paraît bel et bien interdite" (Raymond Martin, Déontologie de l'Avocat, éd. Litec, 2001).

En tout état de cause, en dehors du cadre légal résultant des dispositions combinées de la loi de 1971 et de l'ordonnance de 1945, l'exercice du droit par les experts-comptables est un délit. La peine encourue est une amende de 30.000 F (60.000 F en cas de récidive), et un emprisonnement de six mois ou de l'une de ces deux peines seulement. La loi ajoute que les organisations professionnelles représentatives et les organismes chargés de représenter les avocats, les avoués, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires et les mandataires-liquidateurs peuvent se constituer partie civile. Il appartient donc aux Ordres et aux syndicats de déclencher l'action pénale. Cela n'est pas surprenant : ces professions disposent concurremment du droit de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé pour autrui à titre principal (article 56 de la loi de 1971 précitée).

C. D. 


Pour aller plus loin :

Saisi par l'Ordre des experts-comptables en juillet 1996, le Conseil de la concurrence a rendu un avis éclairant sur la restriction d'exercice de l'activité professionnelle des experts-comptables dans le domaine juridique.

newsid:2863

Magistrats

[Focus] Elections professionnelles des magistrats : l'USM en voie de conforter sa position dominante

Lecture: 3 min

N2862AAA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3212686-edition-du-14052002#article-2862
Copier

par Elisabeth Zysberg

Le 07 Octobre 2010

Alors que la campagne des présidentielles battait son plein, les magistrats se rendaient aux urnes du 26 avril au 2 mai 2002 pour élire les futurs membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Dans la mesure où il s'agit d'un scrutin indirect, la nouvelle composition du CSM ne sera pas connue avant la fin de la semaine. Toutefois, les résultats de cette première phase des élections sont significatifs à plusieurs niveaux. Premier constat : l'Union syndicale des magistrats (USM, modéré) domine ces élections, loin devant le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), Force ouvrière et l'Association professionnelle des magistrats (APM, droite). Autre trait marquant de ces élections : le nouveau mode de scrutin proportionnel, introduit par la loi du 25 juin 2001, était appliqué pour la première fois cette année. Il devrait permettre un changement, qualifié d'historique par le SM, qui obtiendrait, d'après ces résultats, un siège au CSM.

Le Conseil se compose de 16 membres dont douze magistrats et quatre personnalités extérieures qui ne sont pas élues mais désignées : l'un par le Conseil d'Etat, et les trois autres par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Le CSM se divise en deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du parquet. La première comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, tandis que la seconde compte cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège (les quatre personnalités désignées appartiennent simultanément aux deux formations). Aux termes de loi organique du 5 février 1994 (N° Lexbase : L8534AZ4), sur ces douze magistrats, six sièges sont réservés aux magistrats de la haute hiérarchie judiciaire et élus par leurs pairs.

Les six autres membres du CSM (trois du siège, trois du parquet) sont, en revanche, élus indirectement par l'ensemble des magistrats tous les quatre ans. Dans le ressort de chaque cour d'appel, l'ensemble des magistrats du siège, d'une part, et l'ensemble des magistrats du parquet, d'autre part, élisent deux collèges de magistrats qui élisent ensuite à leur tour les membres du CSM. La loi organique du 25 juin 2001 (N° Lexbase : L1810AT9) a modifié les conditions de cette élection en changeant le mode de scrutin devenu proportionnel. Cette réforme était particulièrement attendue par le SM qui dénonçait le manque de pluralisme et de représentativité du CSM du fait du mode scrutin.

Finalement, le changement du mode de scrutin n'a pas inversé le rapport de force entre les syndicats. L'USM demeure largement majoritaire en obtenant 62,2 % des voix des magistrats du siège et 84,7 % pour ceux du parquet. Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) s'affirme toujours comme la deuxième force syndicale même si ses scores sont loin derrière ceux de l'USM : 34,3 % pour les magistrats du siège et 11,5 % pour ceux du parquet. Enfin, Force ouvrière et l'Association professionnelle des magistrats (APM, droite), minoritaires, ne recueillent, respectivement que 3,2 et 0,3 % au siège, 3,8 % et 0,2 % au parquet.

En revanche, le fait d'obtenir 34 % des suffrages des magistrats du siège signifie pour le SM qu'au moins un de ses représentants sera élu au CSM. Pour Ulrich Schalchi, secrétaire général du SM, il s'agit là d'une "grande avancée" qui devrait permettre d'introduire une petite dose de pluralisme au sein de Conseil. Il considère toutefois que la représentativité n'est pas assurée et que "ce système à double détente favorise toujours l'organisation majoritaire". Notamment, il observe qu'un certain nombre de magistrats n'ont pas le droit de se présenter à ces élections : c'est le cas de tous les magistrats qui ont moins de cinq ans de services effectifs, et de ceux qui sont en position de disponibilité, en congé spécial, en congé parental, en congé de longue durée. Le SM souhaite une réforme plus radicale du mode de scrutin qui instituerait "l'élection au scrutin proportionnel direct des douze représentants par un collège unique composé de tous les magistrats, sans distinction de grade, mais en assurant une égale représentation des magistrats du siège et du parquet".

L'USM ne souhaite pas un tel changement. Il observe que, malgré la réforme du mode de scrutin, le syndicat a "confirmé", voire "renforcé" sa position. L'USM souligne qu'il est très écouté, en particulier par les magistrats du parquet puisqu'il recueille 84,7 % de leurs suffrages. Il attribue ce score important au fait que le syndicat a mené une réflexion sur la justice pénale et le statut des parquetiers et qu'il a pris position sur la reconnaissances de leurs astreintes.

newsid:2862

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.