La lettre juridique n°405 du 29 juillet 2010

La lettre juridique - Édition n°405

Éditorial

Congé estival et pause éditoriale : de l'otium du peuple

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N6923BP4

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Dernière édition avant les congés estivaux ! Allez-y ! Jetez nous l'opprobre ! J'entends certains crier à l'éloge de la paresse ! Paul Lafargue, Directeur de la publication des éditions juridiques Lexbase... avec ses "droits de la paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques droits de l'Homme concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise".

Et bien, chers lecteurs, si je ne nie pas le besoin de marquer une pause, avec la fin de la session parlementaire et les vacances judiciaires, je m'inscris parfaitement en faux contre l'accusation. D'abord, la paresse est une "habitude prise de se reposer avant la fatigue", nous enseigne Jules Renard, dans son Journal. Et l'on ne peut pas dire que nous aurons démérité à publier, chaque semaine, l'exhaustivité d'une actualité juridique toujours plus dense, plus riche, plus variée : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en vigueur depuis le 1er mars 2010, ne me fera pas mentir ! Avec plus de 700 QPC en cours d'examen devant les ordres judiciaires et administratifs, le succès de cette nouvelle garantie du justiciable nous promet une cadence exigeante et une acuité, pour un traitement pertinent nécessaire. Si l'on ajoute l'analyse du fonds JURICA, c'est-à-dire de l'ensemble des arrêts d'appel de ces dernières années, dont seules les éditions Lexbase proposent d'intégralité à ce jour, on comprendra que la sécurité juridique de nos abonnés et chers lecteurs a un maigre prix, mais un prix tout de même : notre fatigue (bien ?) méritée. Non, décidément, cette pause estivale n'est pas une affaire de paresse... Et quand bien même : "Le travail pense, la paresse songe" poursuit l'ancien maire de Chitry-les-Mines.

Et, c'est bien ce à quoi devrait nous contraindre toute vacance éditoriale : "une oisiveté [...] mère de tous les vices, mais de toutes les vertus aussi" ! (Alain, dans Propos II). Arrêter de publier en août ? Il s'agit bien moins d'un "baume des angoisses humaines" -Paul Lafargue, toujours- que "d'une opportunité de découvrir de nouvelles expériences de vie", nous confie Bertrand Russell, dans son Eloge de l'oisiveté.

Finalement, je récuse le mot "pause", d'abord, parce que du latin pausa et du grec ancien pausis, la pause est une "cessation" ; or, nos services ne cessent pas de vous informer tout au long de l'été -Quotidien Lexbase oblige-... Et, notre documentation interactive est sans cesse et partout accessible ! Ensuite, puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation nous le fait si bien remarquer, dans son arrêt du 13 juillet 2010, les primes de pauses n'étant pas la contrepartie du travail et leur détermination dépendant de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas, une pause est sans rapport avec le travail effectif, n'est pas un congé et ne compte pas dans le calcul des minima sociaux... pour le coup la cessation de la mise à disposition du salarié par rapport à l'employeur est bel est bien son apanage, et tel n'est assurément pas mon cas... Il s'agira, pour ma part et au nom de toute notre équipe, de réfléchir qui sur de nouveaux produits d'information, qui sur de nouveaux produits de documentation, qui sur une nouvelle ergonomie de navigation internet -chut, attendons la rentrée-...

Je préfère au concept de "pause" celui d'otium cher à Sénèque... car oisif ne veut pas dire "rien faire", mais "faire des choses intéressantes". "Le loisir est indispensable à la civilisation", assène Bertrand Russell. Ca y est... le spectre de l'épicurisme ; Zénon et Chrysippe réincarnés. Et bien, encore une fois, détrompez-vous chers lecteurs : scholè et otium, l'oisiveté de Sénèque, relèvent autant du précepte épicurien que de la rigueur stoïcienne, nous enseigne l'ami de Lucilius, dans Son repos ou de la retraite du sage. Rien de contradictoire à se livrer tout entier à la contemplation de la vérité, à chercher une manière de vivre, et à la mettre en pratique, en se tenant à l'écart -si possible sous la chaleur étincelante de l'astre céleste et en bord de mer-, et à s'épanouir, en travaillant chaque jour à la manifestation de la vérité (juridique). "Il ne manque à l'oisiveté du sage qu'un meilleur nom, et que méditer, parler, lire et être tranquille s'appelât travailler" scande Jean de La Bruyère.

Quel facétie du monde moderne, qui fait que le loisir (scholè et otium) était en grec et en latin un terme positif qui désignait l'activité par laquelle un homme s'accomplit, alors que ascholia et negotium (le monde des affaires) étaient des termes négatifs du loisir, la négation de l'accomplissement individuel...

Décidément, puisque ma "pause estivale" est la contrepartie de mon travail effectif et qu'elle ne dépend pas de facteurs généraux, qu'elle s'apparente, plus volontiers, à une recherche de la vérité éditoriale de demain : je demanderais bien une prime de pause cette année...

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Institutions

[Evénement] Le juge constitutionnel est-il un contre-pouvoir ? - Petit tour d'horizon de la situation en Europe et aux Etats-Unis

Lecture: 10 min

N6893BPY

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 04 Janvier 2011

Le Centre français de droit comparé (CFDC) organisait une table ronde au Conseil constitutionnel, le 21 juin 2010, sur le thème "Le juge constitutionnel est-il un contre-pouvoir ?", sous la présidence de Jacques Robert, président du CFDC, professeur émérite à l'Université Panthéon Assas (Paris II), ancien président et ancien membre du Conseil constitutionnel. L'existence même de juridictions constitutionnelles dans de nombreux pays qui ont chacun leur mode de désignation, de fonctionnement et de décisions, pose inévitablement la question de leur situation face aux autres pouvoirs de l'Etat. En effet, annuler une loi pour non-conformité à la Constitution constitue, quel que soit le sujet du texte en cause, une décision politique qui rejaillit sur les autres fonctions. Même si elle ne repose que sur de strictes motivations juridiques, nul ne peut empêcher qu'une décision de censure n'ouvre un conflit entre deux pouvoirs. Un tel instrument de contrôle doit donc être strictement encadré afin d'éviter qu'une juridiction se trouve mêlée à une polémique politique. La table ronde se proposait donc d'offrir un éclairage sur ces différents problèmes, et la manière dont la France et certains pays étrangers tels que l'Italie, l'Allemagne et les Etats-Unis les ont traités. Pour débuter la conférence, Jacques Robert rappelle que les juges constitutionnels, depuis leur émergence sur la scène juridique au lendemain du Second conflit mondial, ont dû affronter trois types de procès différents (l'on peut mettre à part les Etats-Unis, qui, pendant près d'un siècle et demi, ont été les seuls à posséder un organe juridictionnel apte à assurer la suprématie de la Constitution à travers la Cour suprême). Une interrogation par rapport à leur nature, tout d'abord, à savoir de "vrais juges" ou de simples personnalités éminentes dans les monde judiciaire et politique et choisis pour cette raison. Ce questionnement n'a plus lieu d'être puisque les juges constitutionnels sont dorénavant considérés comme les membres d'une juridiction dont les décisions s'imposent à tous les pouvoirs. Le deuxième éclaircissement à apporter concerne la nature de leurs prérogatives : l'intervenant indique que l'on ne peut que constater que les juges constitutionnels sont devenus un élément fondamental de l'Etat de droit, que l'on a même pu qualifier de "quatrième pouvoir" à côté des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Enfin, le troisième point tenait à la question de savoir si ceux-ci n'étaient pas devenus des contre-pouvoirs, susceptibles d'empêcher les autres pouvoirs d'exercer leurs prérogatives : jugent-ils en droit, ou mènent-ils une stratégie pour s'opposer à la souveraineté populaire et au Gouvernement ? Et Jacques Robert de constater qu'avec l'introduction dans le droit positif de la question prioritaire de constitutionnalité, les Sages de la rue de Montpensier étaient, au contraire, devenus un véritable "tremplin" pour le respect des libertés individuelles de chaque citoyen (1).

En effet, toute décision du juge constitutionnel ne peut être que politique dans le sens noble du terme, et non pas partiale ou partisane. Jacques Robert, qui a siégé au Conseil constitutionnel pendant neuf ans, révèle que, lors des réunions des Sages, les a priori partisans se dissolvent très vite. Il parle même d'"un devoir d'ingratitude" du juge envers la responsabilité politique qui l'a nommé. Rappelons, à cet effet, que les membres sont désignés respectivement par le Président de la République et le président de chacune des assemblées du Parlement (Sénat et Assemblée nationale), et que les anciens Présidents de la République font, de droit, partie à vie du Conseil constitutionnel quand ils n'occupent pas de fonction incompatible avec le mandat de membre du Conseil, cas dans lequel ils ne peuvent pas siéger. L'existence du juge constitutionnel dans un pays semble donc un véritable "marqueur" de la présence démocratique dans celui-ci, comme peuvent en témoigner le cas des anciens pays du bloc soviétique, notamment en Europe de l'Est. L'occasion, donc, au cours de cette table ronde de faire un mini tour du monde des Cours constitutionnelles, à travers les exemples de l'Italie, de l'Allemagne et des Etats-Unis.

Le deuxième intervenant, Gustavo Zagrebelski, professeur à l'Université de Turin et ancien président de la Cour constitutionnelle italienne, considère cette dernière "dans" la politique, sans, toutefois, y appartenir : elle n'est donc pas "en" politique. Dans un contexte moniste au sens "kelsenien" (Hans Kelsen avait fondé la Haute cour constitutionnelle d'Autriche en 1920), au terme duquel les ordres juridiques sont articulés à l'intérieur d'un système global dont la supériorité hiérarchique est admise par tous, comment, en effet, pourrait-on justifier de la présence d'un contre-pouvoir à côté d'un pouvoir démocratiquement désigné ? Il rappelle, à cet effet, la phrase devenue célèbre d'un député français : "Vous avez juridiquement tort puisque vous êtes politiquement minoritaires". En Italie, le juge constitutionnel a pu ressentir un certain sentiment d'infériorité vis-à-vis du politique dans un contexte où, selon Gustavo Zagrebelski, la démocratie italienne s'est transformée peu à peu en une simple désignation du chef de tendance néo-bonapartiste.

La Cour constitutionnelle italienne a donc pour prérogative de rétablir un minimum d'équilibre, afin que dorénavant, pour reprendre l'obiter dictum du Conseil constitutionnel français dans sa décision "Nouvelle-Calédonie" de 1985 (2), "la loi votée n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution". L'on peut souligner, à ce propos, que la Cour constitutionnelle italienne a toujours eu une tendance à la modération puisque elle a adopté très tôt la technique inverse de la déclaration d'inconstitutionnalité dite "d'admissibilité partielle", au terme de laquelle la portée de la disposition législative contestée est limitée à deux interprétations possibles dont l'une doit être déclarée inconstitutionnelle et donc évacuée du système juridique ipso facto. Ce n'est donc pas le texte législatif lui-même qui est déclaré inconstitutionnel, mais l'un de ses sens proposé par le juge (3). Toutefois, comme le rappelle le conférencier, ceci n'a pas empêché le Président du Conseil italien de dénoncer un véritable "Gouvernement des juges", voire un "complot de la magistrature et de la Cour constitutionnelle contre le Gouvernement".

Toutefois, l'intervenant rappelle que, plus généralement, le juge constitutionnel respecte et incarne la double fonction du droit telle qu'on la connaît depuis Rome et Athènes : conservation (préservation du nomos ancien) et innovation. Conservation avec la stabilité fournie par la Constitution, et innovation avec le respect et l'encadrement de la volonté du législateur : l'alliance de ces deux notions comme ferment de la res publica. La Cour constitutionnelle italienne n'exerce donc que des fonctions, et pas véritablement un pouvoir.

Le troisième intervenant, Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel, rappelle le principe fondamental selon lequel le Conseil constitutionnel doit veiller au respect des prérogatives des pouvoirs législatif et exécutif, et, plus généralement, au principe de séparation des pouvoirs. A cet égard, l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ), introduit dans le texte suprême par l'article 29 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 (4) et qui fonde le principe de la question prioritaire de constitutionnalité, ne confère pas au Conseil un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement. Ainsi, dans leur décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010 (5), les Sages de la rue de Montpensier, validant le troisième alinéa de l'article L. 211-3 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5420DKX) au regard, notamment, de la liberté d'association, énoncent qu'"à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative, ou même de l'autorité judiciaire". Par ailleurs, dans une décision rendue le 18 juin 2010 (6), le Conseil avait à juger, pour la première fois, la question de savoir s'il peut sanctionner une incompétence négative du législateur dans le cadre de l'article 61-1 de la Constitution. A cette occasion, il dit pour droit que la méconnaissance, par le législateur, de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

Le Conseil constitutionnel, poursuit Marc Guillaume, dans son rôle de gardien de la norme suprême, doit donc conserver une attitude modeste et sérieuse, comme en atteste sa décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (7). Interrogé sur l'exigence de transposition en droit interne des Directives européennes, il rappelle qu'il appartient au Conseil, lorsqu'il est "saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une Directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence". Toutefois, c'est "aux juridictions administratives et judiciaires d'exercer le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France et, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel". Ainsi, "le respect de l'exigence constitutionnelle de transposition des Directives ne relève pas des 'droits et libertés que la Constitution garantit' et ne saurait, par suite, être invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité".

Le Conseil pose donc lui-même les limites de ses prérogatives dans ce que tout le monde convient tout de même d'appeler une "révolution institutionnelle", et ne peut même plus, selon l'intervenant, être considéré comme un contre-pouvoir car il devient entièrement déconnecté du face-à-face avec le pouvoir politique. Pour preuve, la célèbre décision relative à la "cristallisation des retraites" du 28 mai 2010 (8), c'est-à-dire au régime spécial des pensions applicable aux ressortissants des pays et territoires autrefois sous souveraineté française et, en particulier, aux ressortissants algériens. S'il procède ici à une triple abrogation de textes récents, le Conseil, pour permettre au législateur d'intervenir, a fixé au 1er janvier 2011 la date d'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles. En outre, il a jugé que ce même législateur devra, lorsqu'il prendra de nouvelles dispositions, en étendre le bénéfice à tous ceux dont le recours est pendant devant une juridiction à la date de la décision du Conseil.

Le quatrième intervenant, Rainer Arnold, professeur à l'Université de Regensburg en Allemagne, indique que la Cour constitutionnelle allemande, dénommée Tribunal constitutionnel fédéral a rendu, depuis sa création en 1951, plus de 5 000 décisions qui rythment l'histoire démocratique allemande moderne. Elle se présente comme une sorte de contre-pouvoir fondé sur l'autorité du droit, ses décisions les plus marquantes concernant la protection démocratique de l'alors jeune Allemagne de l'Ouest contre la montée des extrêmes, qu'ils soient d'extrême gauche (Fraction armée rouge) ou d'extrême droite (mouvements néonazis), ou la fortification du nouveau pays né de la réunification des deux blocs antagonistes en 1989. Cette importance et ce pouvoir font que la saisine du Tribunal a souvent été perçue comme une menace politique. Là aussi, le reproche lié à une supposée volonté d'établir un "Gouvernement des juges" s'est souvent fait jour. Le risque de manipulations politiques est réactivé par la procédure du Verfassungsstreit, utilisée lorsque différentes institutions diffèrent sur l'interprétation de la Constitution, par exemple à l'occasion de conflits de compétences entre l'Etat fédéral et les Länder : la cour constitutionnelle allemande a donc souvent été accusée de profiter des tensions politiques qui s'expriment dans le pays.

Concernant les Etats-Unis, Elizabeth Zoller, professeur à l'Université de Paris II, indique que le terme de "contre-pouvoir" n'est pas le plus adéquat pour désigner le statut de la Cour suprême américaine puisqu'il est la traduction littérale de "Countervailing power", théorie fondée par l'économiste John Kenneth Galbraith en 1952, et donc normalement réservé à cette discipline. Le domaine juridique américain connaît plutôt de la doctrine des "checks and balances" (système des freins et contrepoids) qui a fortement inspiré les rédacteurs de la Constitution américaine. Ce principe a consacré le bicaméralisme aux Etats-Unis à travers un strict partage des compétences entre organes fédéraux et Etats fédérés, et donné au Président un droit de veto sur les textes législatifs. L'intervenante rappelle que l'arrêt fondateur du contrôle de constitutionnalité américain est l'arrêt "Marbury v. Madison" rendu par la Cour suprême le 24 février 1803 (9). La Cour suprême énonce, à cette occasion, qu'"il est certain que ceux qui élaborent les Constitutions écrites les conçoivent comme devant former le droit fondamental et suprême de la nation, et que, par conséquent, le principe d'un tel Gouvernement est qu'un acte législatif contraire à la Constitution est nul". Depuis cette décision, les juges ordinaires américains de l'ensemble des tribunaux sont donc habilités à examiner le respect des lois par rapport à la Constitution d'un Etat fédéré ou par rapport à la Constitution fédérale. La Cour suprême n'intervient qu'en dernier recours comme juge d'appel.

Ce rôle fondamental de la Cour suprême s'est quelque peu amoindri avec la crise économique de 1929 et la mise en place du New Deal à partir de 1933, qui a remis en selle les pouvoirs exécutif et législatif : à partir de cette date, la Cour suprême n'est plus considérée comme un contre-pouvoir et les juges américains ne se mêlent plus d'entraver la politique économique et financière du Gouvernement, indique Elizabeth Zoller. Durant cette période, les lois sont même examinées à l'aune du principe de présomption de constitutionnalité. Le principe cardinal des autorités américaines devient la sauvegarde à tout prix de l'existence de la loi, instrument indispensable pour redresser le pays. Désormais, la loi est jugée valide si à sa simple lecture elle est considérée comme ne heurtant pas la Constitution. Ainsi, avec l'arrêt "United States v. Carolene Products Co" de 1938 (10), la Cour suprême fait de la présomption de constitutionnalité la première règle de sa méthode de contrôle, hors cas d'atteinte manifeste aux droits fondamentaux. Elle présume le fait que toutes les lois peuvent être annulées par le pouvoir politique et qu'elle n'a donc pas à s'en occuper outre mesure : le bulletin de vote est, alors, considéré comme le meilleur moyen pour faire retirer les mauvaises lois. La seule exception admise par cette décision concerne les minorités, notamment raciales. Il est considéré que celles-ci ne peuvent, en effet, s'en remettre uniquement au pouvoir politique pour assurer leur protection, mais doivent aussi pouvoir compter sur un arbitre, à savoir le juge. L'intervention de ce dernier devient d'autant plus indispensable pour pallier les failles éventuelles du système démocratique. Nous sommes donc ici en présence d'une certaine forme d'activisme des cours en tant qu'arbitres du marché politique, "mais un activisme axiologiquement neutre, juridiquement fondé, et compatible avec les principes de la démocratie représentative" (11).

Les intervenants, en conclusion, ont rappelé que le juge constitutionnel, selon la théorie kelsénienne, est le mieux à même de parer à une éventuelle dérive des institutions, même si Jacques Robert regrette, également, que l'on se trouve en France dans un système "bâtard" qui n'a jamais véritablement tranché dans le mode de désignation des Sages entre politiques et juristes. Le droit ne doit, cependant, pas devenir un instrument de prédétermination de la décision politique qui guiderait la plume du législateur, comme en témoigne le récent débat sur une éventuelle inconstitutionnalité du projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public (certains députés de la majorité parlementaire ont dévoilé leur intention de déférer cette loi à l'Institution de la rue de Montpensier avant sa promulgation pour légitimer le texte). Se pose, par ailleurs, avec la création de la question prioritaire de constitutionnalité, le débat d'une éventuelle concurrence du juge constitutionnel avec le juge ordinaire sur la question de l'interprétation de la loi : 71 % des lois ont été déférées en 2009, contre 25 à 30 % habituellement, indique Marc Guillaume. Ceci pouvant être de nature à réactiver la crainte d'un pouvoir exorbitant des juges, la constance des "Sages", devrait être, comme l'indique cet adjectif, de nature à lever ces craintes, car comme nous livre Plaute, le poète latin, "en toutes choses, le plus sage est de tenir un juste milieu".


(1) Lire nos obs., La question prioritaire de constitutionnalité, une révolution juridique en marche : éléments de procédure et premiers renvois, Lexbase Hebdo n° 157 du 26 mai 2010 - édition publique (N° Lexbase : N2093BP9).
(2) Conseil const., décision n° 85-197 DC du 23 août 1985 (N° Lexbase : A8116ACL).
(3) Voir Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 24, octobre 2007 à mars 2008.
(4) Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Vème République (N° Lexbase : L7298IAK).
(5) Cons. const., décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe (N° Lexbase : A6284EXZ).
(6) Cons. const., décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark (N° Lexbase : A9571EZI).
(7) Cons. const., décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (N° Lexbase : A1312EXU).
(8) Cons. const., décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, Consorts Labane (N° Lexbase : A6283EXY) et les obs. de Ch. Willmann, Le Conseil constitutionnel met fin à la "cristallisation" des pensions de retraite des ressortissants des anciennes colonies françaises, Lexbase Hebdo n° 397 du 3 juin 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N2970BPP).
(9) Voir le texte de l'arrêt.
(10) Voir le texte de l'arrêt.
(11) G. Calves, L'affirmative action dans la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis, LGDJ, 1998.

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Fiscal général

[Evénement] QPC et contentieux fiscal

Lecture: 13 min

N6898BP8

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 07 Octobre 2010

Entrée en vigueur le 1er mars 2010, la procédure de QPC (question prioritaire de constitutionnalité), instituée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 (N° Lexbase : L0289IGS) et par le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 (N° Lexbase : L5740IGP), permet à tout justiciable de soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire, "qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit". Les premières statistiques, établies après quatre mois d'expérience, témoignent d'un intérêt certain des justiciables pour cette nouvelle procédure : au 5 juillet 2010, les tribunaux administratifs avaient enregistré 246 questions prioritaires de constitutionnalité et les cours administratives d'appel 111, soit un total de 357 ; quant au Conseil d'Etat, il avait été saisi de 137 QPC ; du côté des juridictions judiciaires, 238 QPC avaient été enregistrées au 11 juin 2010, dont 154 par la Cour de cassation. Et la matière fiscale apparaît comme particulièrement sujette à QPC, ressortant en tête des statistiques établies du côté des juridictions administratives. "Question prioritaire de constitutionnalité et contentieux fiscal", tel était le thème d'un colloque organisé par l'IACF (Institut des avocats conseils fiscaux) le 21 juin 2010. Présentes à cet événement, les éditions Lexbase ont choisi de revenir sur l'intervention de Daniel Gutmann, Avocat et Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), laquelle était intitulée "Le Code général des impôts au crible de la question prioritaire de constitutionnalité".

Le Professeur Gutmann n'a pas entendu se livrer à une analyse du CGI article par article, ni à l'analyse de la jurisprudence constitutionnelle existante en matière fiscale, mais a souhaité faire partager ses réflexions concernant l'introduction en droit français de cette nouvelle procédure de QPC, afin d'en évaluer la portée réelle.

De façon générale, sur la question de savoir s'il existe, dans le CGI, un "réservoir d'inconstitutionnalité", on peut considérer, selon une approche négative, que l'introduction de cette nouvelle procédure ne va pas, pour autant, révéler inconstitutionnel tout le droit français. En effet, en premier lieu, il faut rappeler que l'administration fiscale pratique, aujourd'hui, en interne un audit constitutionnel préalable des dispositions qu'elle propose de soumettre au Parlement. En deuxième lieu, le Conseil d'Etat, dans sa fonction de donneur d'avis, a pour mission d'examiner ex ante les éventuels problèmes de constitutionnalité. En troisième lieu, et de façon générale, il faut tenir compte du fait que la législation récente a donné lieu à un contrôle de constitutionnalité, sinon systématique, du moins assez fréquent. Aussi, au regard du tableau figurant sur le site du Conseil constitutionnel, on peut dénombrer environ 150 dispositions du CGI et 13 du LPF ayant déjà été soumises à un contrôle de constitutionnalité, et pour lesquelles on peut, donc, penser que la condition de recevabilité de la QPC, liée à l'absence d'examen antérieur par le Conseil constitutionnel de la disposition litigieuse, n'est pas remplie. Toutefois, le Professeur Gutmann ne prête qu'une valeur indicative à ce tableau, et estime qu'il ne doit pas pour autant décourager les éventuels requérants. En effet, on devra considérer que le Conseil ne s'est pas déjà prononcé sur une question portant sur des dispositions déjà examinées, lorsque les arguments invoqués seront nouveaux.

L'autre approche, positive, et qui emporte la faveur de Daniel Gutmann, est de considérer qu'il existe effectivement un "réservoir d'inconstitutionnalité" non négligeable, celui-ci tenant, d'une part, au fait qu'il existe un certain nombre de dispositions anciennes qui n'ont, de fait, jamais été soumises au contrôle de constitutionnalité, en tant qu'elles sont antérieures à 1958 (étant précisé que certaines dispositions postérieures n'ont jamais été présentées au Conseil). D'autre part, et de façon plus réelle, cette procédure doit amener, les avocats en premier lieu, à réfléchir, de façon approfondie, sur les conséquences à tirer des principes constitutionnels. Autrement dit, l'approche du Conseil constitutionnel n'est pas figée, si l'on considère que le Conseil ne peut rester indifférent à toute la demande sociale qui s'exprime à travers le contrôle de constitutionnalité. Selon le Professeur, on peut, donc, "envisager comme un développement naturel du droit et de cette procédure, le changement d'approche du Conseil constitutionnel sur un certain nombre de questions".

C'est, tout d'abord, dans le détail qu'il faut rechercher les sources d'inconstitutionnalité, c'est-à-dire dans les défauts techniques de notre système fiscal. Peut-être, ensuite, certains aspects structurels de notre système fiscal peuvent-ils donner lieu à contestation.

1. Les aspects techniques du contrôle de constitutionnalité

Si la question de l'intelligibilité de la loi fiscale, en tant qu'objectif à valeur constitutionnelle, ne va pas forcément donner lieu à QPC, dans la mesure où cela ne rentre pas dans le champ des libertés fondamentales, ces arguments peuvent servir de support à une QPC si, à l'occasion de la question, se révèle une atteinte aux droits et libertés fondamentaux.

Cette question étant écartée, il semble que les questions techniques principales se situent sur deux aspects, qui sont, d'une part, la détermination du fait générateur de l'impôt, et, d'autre part, la détermination de la méthode d'imposition.

1.1. La détermination du fait générateur de l'impôt

S'agissant de l'insuffisante définition par le législateur du fait générateur de l'impôt, autrement dit, la question de l'incompétence négative par la délégation au pouvoir réglementaire, le Conseil constitutionnel a précisé que cette question ne pouvait être soulevée dans le cadre d'une QPC (Cons. const., décision n° 2010-5 QPC, 18 juin 2010 N° Lexbase : A9571EZI).

On peut, en revanche, s'interroger sur la question de savoir si certains faits générateurs d'impôt, tels qu'ils sont aujourd'hui définis par la loi fiscale, sont incompatibles avec certains principes constitutionnels. A cet égard, on peut s'inspirer d'un exemple relevé en droit québécois, à propos de l'imposition des pensions alimentaires reçues par le parent d'un enfant qui en a la garde. Il avait été soutenu devant la Cour suprême du Canada, que le fait d'imposer les pensions alimentaires, versées pour l'éducation et l'entretien des enfants, portait atteinte au principe du respect des capacités contributives dans la mesure où la pension alimentaire devait se concevoir comme une pension versée à l'enfant, et qu'il ne pouvait donc y avoir d'imposition, à la charge du parent, sur un revenu versé à l'enfant. Si la Cour suprême a considéré qu'il n'y avait pas de problème d'inconstitutionnalité, le législateur, sous l'impulsion de la société canadienne, s'est saisi de la question et a finalement décidé d'exonérer les pensions alimentaires reçues par les parents divorcés, exclusivement dédiées à l'éducation des enfants. Selon le Professeur, si cette question s'est posée au Canada, on peut penser qu'elle pourrait être soulevée en France.

On peut, également se demander si le fait d'imposer les prestations compensatoires n'est pas contraire à la Constitution. En effet, en vertu de l'article 270 du Code civil (N° Lexbase : L2837DZ4), les prestations compensatoires ont une vocation indemnitaire. Or, les indemnités sont en principe exonérées, faute de pouvoir être considérées comme un revenu. Cela soulève donc une question sérieuse au regard du principe de capacité contributive.

C'est ainsi que le principe de capacité contributive (DDHC, art. 13 N° Lexbase : L1360A9A) apparaît comme un moyen sérieux de contrôler la détermination de l'assiette de l'impôt. Si l'on observe la pratique de certaines cours constitutionnelles étrangères (Allemagne, Italie, Espagne), on s'aperçoit que ce principe de capacité contributive a donné lieu à des développements constitutionnels extrêmement nombreux et précis.

Sur la méthode de raisonnement, il faut savoir que le contrôle de la loi au nom du principe du respect des capacités contributives ne peut pas s'opérer de façon anarchique. Dans une décision récente au sujet de l'introduction de la CVAE (Cons. const., 29 décembre 2009, décision n° 2009-599 DC, loi de finances pour 2010 N° Lexbase : A9026EPY), le Conseil constitutionnel dit très clairement que c'est au législateur qu'il appartient "de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives". Et de préciser que "le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement". Il en conclut qu'il ne saurait contrôler que des erreurs manifestes d'appréciation par le législateur des capacités contributives.

Cela étant précisé, on peut relever une première série de situations dans lesquelles on peut contester un impôt, en raison de l'absence de revenu y donnant lieu.

Par exemple, l'article 158, 7 du CGI (N° Lexbase : L0074IKX) prévoit que les revenus d'un non-adhérent à un centre de gestion agrées sont imposés sur la base de 125 % de son revenu net. Indépendamment du principe d'égalité devant l'impôt (au regard duquel ces dispositions ont été jugées conformes à la Constitution : Cons. const., 23 juillet 2010, décision n° 2010-16 QPC, M. P. Exbrayat N° Lexbase : A9194E4B), on peut se demander si l'imposition de 125 % du revenu gagné, n'est pas assise en partie sur un revenu fictif, et n'est pas alors contraire au principe du respect des capacités contributives.

L'appréhension fiscale du contrat d'échange amène également à s'interroger au regard de ce même principe. L'échange donne lieu à imposition, aussi bien en matière de droits de mutation qu'en matière d'impôt sur le revenu à travers l'imposition des plus-values. Même si l'on considère qu'il existe des dispositifs de sursis et de report d'imposition, lorsque ceux-ci ne s'appliquent pas, force est de constater qu'au moment de l'échange, le contribuable ne dispose pas d'une assiette liquide sur laquelle il puisse acquitter cet impôt.

Une deuxième série d'exemples apparaît à propos des présomptions en matière fiscale.

En matière de fiscalité successorale, la loi prévoit qu'une personne peut être présumée propriétaire d'un bien dans certaines circonstances (CGI, art. 751 N° Lexbase : L5296H9Z). Le principe du respect des capacités contributives est respecté dans la mesure où les présomptions sont réfragables, c'est-à-dire si l'on peut démontrer qu'il n'y a pas en réalité de fait générateur de l'impôt que la loi présume. Mais, selon Daniel Gutmann, si la présomption est irréfragable, cela pose un vrai problème.

De même, le fait d'asseoir l'impôt sur des assiettes déterminées par voie de forfait ou par voie de valeurs locatives peut apparaître litigieux au regard du respect des capacités contributives.

Enfin, en troisième lieu, on peut se demander si ce principe du respect des capacités contributives n'entraîne pas nécessairement une imposition d'un revenu net. S'il s'agit d'un principe posé par le CGI, il peut être soutenu que le code ne le respecte pas dans certains cas.

Par exemple, s'agissant du système de "tunnelisation" des déficits, c'est-à-dire de report en avant des déficits, si l'article 156 du CGI (N° Lexbase : L5248IMC) a pour objet de faire obstacle à des montages par lesquels un certain nombre de déficits plus ou moins douteux peuvent être imputés sur le revenu global, on peut s'interroger sur la constitutionnalité de l'établissement d'une règle générale de "tunnelisation des déficits", applicable, en particulier, aux déficits non professionnels des BIC ou des BNC.

De même, à propos du dispositif de sous-capitalisation des sociétés prévu à l'article 212 du CGI (N° Lexbase : L2658HNR), la décote de 5 % applicable à la fraction d'intérêts non déductibles au titre d'une année lors du report en avant, pose problème au regard du principe d'imposition du revenu net des sociétés, qui devrait s'appliquer non seulement en année N, mais également en N+1, N+2. Selon le Professeur, si l'on admet le principe du report en avant, il devrait pouvoir être intégral.

1.2. La méthode d'imposition

S'agissant de la méthode d'imposition, on peut se concentrer sur le principe d'égalité, lequel suppose l'obligation de traiter identiquement les contribuables qui se trouvent dans la même situation.

Ce principe amène donc à s'interroger sur le problème de l'identité des situations et leur comparabilité.

On peut, ainsi, discuter la question de savoir si, à propos du régime d'imputation des pertes constatées en cas d'annulation de titres à l'occasion d'une liquidation, il est normal de traiter distinctement la situation d'une liquidation judiciaire (pour laquelle l'imputation est admise) et celle d'une liquidation non judiciaire (pour laquelle l'imputation n'est pas permise) (CGI, art. 150-0 D N° Lexbase : L0087IKG). Il en est de même s'agissant de la restitution de droits d'enregistrement perçus à la suite de l'annulation d'un contrat ayant donné lieu à un versement, pour laquelle l'article 1961 (N° Lexbase : L4941HMX) opère une distinction entre les situations judiciaires et non judiciaires.

Un autre exemple de discussion concerne la réintégration d'une quote-part de frais et charges dans le régime de l'intégration fiscale (CGI, art. 216 N° Lexbase : L3998HLN). Cette quote-part se comprend comme la réintégration des frais exposés par une société holding à raison de la gestion des participations qu'elle détient dans ses filiales. Or, dans le cadre d'une holding opérationnelle, il n'est pas permis de réintégrer les frais afférents exclusivement à la gestion des titres de participation, alors que cela est possible dans le cadre d'une holding pure. On peut se demander si ce traitement différencié de situations identiques n'est pas source d'un contentieux à valeur constitutionnelle.

Par ailleurs, on sait qu'il est possible de déroger au principe d'égalité dès lors qu'il existe des motifs d'intérêt général. L'établissement de règles dérogatoires doivent alors être justifiées au regard des objectifs poursuivis sachant que le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels.

A l'heure actuelle, il semble que certaines règles ne respectent pas ces conditions. Il en est ainsi, notamment, dans le cas d'une règle incitative qui ne joue pas son rôle. Il apparaît, par exemple, que l'option pour le prélèvement libératoire sur les dividendes peut parfois se retourner contre l'intérêt du contribuable concerné, dès lors que l'option est irrévocable. Dans une décision du 29 décembre 2005 (Cons. const., décision n° 2005-530 DC, du 29 décembre 2005, loi de finances pour 2006 N° Lexbase : A1204DMK), le Conseil constitutionnel rappelle que, en matière fiscale, la loi, lorsqu'elle atteint un niveau de complexité tel qu'elle devient inintelligible pour le citoyen, est contraire à la Constitution, en particulier lorsque "lorsqu['elle] invite le contribuable [...] à opérer des arbitrages et qu'elle conditionne la charge finale de l'impôt aux choix éclairés de l'intéressé ; [...] au regard du principe d'égalité devant l'impôt, la justification des dispositions fiscales incitatives est liée à la possibilité effective, pour le contribuable, d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable le montant de son impôt selon les diverses options qui lui sont ouvertes". Or, dans le cas de l'option pour le prélèvement libératoire sur les dividendes, on ne peut pas toujours évaluer avec une prévisibilité raisonnable. En effet, lorsque les dividendes sont reçus en début d'année, il n'est pas possible de connaître l'ensemble de ses revenus au titre de l'année écoulée.

Au-delà de ces questions techniques, on peut aussi tenter de détecter des défauts plus structurels.

2. La QPC peut-elle dévoiler des problèmes structurels de notre système ?

On peut également s'interroger sur la constitutionnalité de certains éléments structurels en droit fiscal français, lesquels peuvent être regroupés en deux catégories : les sujets de l'imposition et les dispositifs répressifs.

2.1. Les sujets de l'imposition

Tout d'abord, la notion de foyer fiscal peut être sujette à discussion. Le foyer fiscal a d'ailleurs été considéré comme inconstitutionnel dans certains pays (en particulier en Italie et en Allemagne). Si le Conseil constitutionnel a validé l'imposition de l'ISF au niveau du foyer fiscal en précisant qu'il s'agissait d'une règle traditionnelle en droit fiscal français, la question doit rester ouverte.

Il est également intéressant de s'interroger sur les cas de solidarité fiscale à la lumière du principe de capacité contributive. Dans un certain nombre de cas pour lesquels une personne est déclarée solidairement responsable du paiement de l'impôt par la loi, celle-ci peut contester le fait de supporter la charge d'un impôt qui n'est pas le sien. La solution va dépendre de la possibilité, pour cette personne, de se retourner contre le contribuable pour lui demander le règlement de la dette fiscale. Lorsque tel n'est pas le cas, il peut y avoir matière à réflexion.

Par ailleurs, on peut se demander si la distinction des catégories de revenus (BIC, BNC, BA, traitements et salaires etc.), est toujours opportune. Si l'on prend l'exemple des règles applicables en cas de retrait d'actifs, on remarque, dans le cas d'un entrepreneur individuel qui a affecté un bien à son patrimoine professionnel, que le retour de ce bien dans le patrimoine privé est considéré comme un retrait effectif qui engendre une imposition de la plus-value professionnelle. En matière de BIC, le principe de liberté d'affectation étant absolu, ce qui implique que, lorsque le bien reste inscrit à l'actif du patrimoine professionnel, peu important qu'il cesse d'être utilisé à des fins professionnelles, il n'est pas considéré comme un retrait d'actif. En matière de BNC, le Conseil d'Etat estime, sur le fondement de l'article 99 du CGI (N° Lexbase : L2034HLW), qu'alors même que le bien reste inscrit sur le registre des immobilisations, il retourne dans le patrimoine privé du simple fait qu'il cesse d'être utilisé à des fins professionnelles. On peut se demander si la distinction a lieu d'être entre les BIC et les BNC. Si le Conseil constitutionnel, dans une décision du 29 décembre 1983 (Cons. const., décision n°83-164 DC du 29 décembre 1983 N° Lexbase : A8074ACZ) a estimé, au sujet d'une loi qui abaissait la limite des recettes donnant lieu à l'application du forfait pour les professions agricoles que "le principe d'égalité n'interdit pas au législateur de tenir compte de la nature particulière de l'activité des diverses catégories de travailleurs indépendants pour édicter les règles fiscales qui leur sont applicables ; qu'ainsi peuvent différer selon les catégories professionnelles les règles relatives au forfait", on peut toutefois se reposer la question de l'opportunité d'opérer une distinction dans le cas particulier du retrait d'actif.

2.2. Les dispositifs répressifs en matière fiscale

Le Professeur Gutmann a, enfin, soulevé la question de la constitutionnalité de certains dispositifs répressifs en matière fiscale.

Si l'existence de l'abus de droit constitue en soi, pour certains, un problème de constitutionnalité, on peut, sans aller aussi loin, s'interroger sur la conformité à la Constitution d'un dispositif qui soumet à pénalités les opérations recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L4668ICU). On atteint, selon Daniel Gutmann, "un degré d'imprévisibilité de l'application de la théorie qui paraît difficilement compatible avec les principes fondamentaux applicables en matière pénale". Le Conseil d'Etat, dans la décision a d'ailleurs estimé que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce s'appliquait à la pénalité de 40 % prévue par l'article L. 64 du LPF (CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 295358 N° Lexbase : A1236EKY). Partant de là, on peut penser qu'il pourrait également admettre que le principe de légalité des délits et des peines soit applicable dans le cadre de cet article, et notamment prévoir l'exigence d'une clarté renforcée des faits générateurs des pénalités fiscales. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en Allemagne et en Italie, il n'existe pas de pénalité spécifique pour des situations d'abus de droit par but exclusivement fiscal.

Enfin, on peut s'interroger au regard du principe de l'indépendance des procédures fiscale et pénale. On peut légitimement se demander si le principe de nécessité des peines s'accommode du fait que l'on puisse être pénalement réprimé pour fraude fiscale en l'absence de condamnation par le juge fiscal.

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Bancaire

[Textes] Haro sur le crédit renouvelable ! Lecture thématique et prismatique de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation

Réf. : Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation (N° Lexbase : L6505IMU)

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N6988BPI

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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

Le 07 Octobre 2010

Clôturant plusieurs mois de travail gouvernemental et parlementaire, transposant avec un léger retard la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs (N° Lexbase : L8978H3W) (1) -on l'oublierait presque tant le texte français prend ses aises avec la Directive (2)-, l'adoption de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation inaugure l'énième entrée dans une ère juridique nouvelle se voulant placée sous le sceau de la commercialisation responsable du crédit à la consommation et d'une meilleure prévention du surendettement (3).
L'oeuvre est vaste, bigarrée : des concepts nouveaux sont introduits, tel celui de l'intermédiaire de crédit afin de moraliser l'activité des courtiers, le champ des règles applicables au crédit à la consommation est étendu aux crédits ayant une valeur inférieure ou égale à 75 000 euros (loi n° 2010-737, art. 3 ; C. consom., futur art. L. 311-3 N° Lexbase : L6636IMQ), des dispositions n'entretenant qu'un lien étroit avec le crédit à la consommation sont introduites -extension du micro-crédit (loi n° 2010-737, art. 23), renforcement du libre choix de l'emprunteur en matière d'assurance de crédit immobilier (loi n° 2010-737, art. 21), etc.-... Toute virevoltante qu'elle soit, la loi est emplie d'une évidente sagesse et ne se veut pas un "Grand Soir", irréaliste et brutal (4) : l'essentiel de ses mesures voit son entrée en vigueur repoussée à mai 2011 (5).
Tout particulièrement, une discipline d'atermoiement complexe est organisée par la loi s'agissant des règles relatives aux crédits renouvelables : en particulier, un renvoi est fait à un décret destiné à organiser l'application progressive de la loi nouvelle aux crédits renouvelables en cours (loi n° 2010-737, art. 61, II). Ne serait-ce qu'en matière d'application dans le temps, le crédit renouvelable tient ainsi une place particulière au sein du texte (alors qu'ils sont ignorés par la Directive !) ; et, c'est sans doute le moindre aspect de ce particularisme. L'alinéa premier de l'article L. 311-9 du Code la consommation (N° Lexbase : L9650G8W, destiné à devenir l'article L. 311-16 N° Lexbase : L8202IMQ), dans une rédaction antérieure à la promulgation de la loi du 1er juillet 2010, définit le crédit renouvelable comme "une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti". Dit plus simplement, le crédit renouvelable consiste à mettre à la disposition de l'emprunteur une réserve d'argent plafonnée dans laquelle il peut puiser à tout moment (ladite opération consistant alors à emprunter effectivement) ; chaque remboursement d'un "tirage" donné venant, par suite, reconstituer le plafond disponible.

Sans que l'on éprouve un irrésistible et impérieux besoin de démontrer pourquoi et dans quelle mesure c'est le cas, le crédit renouvelable -sous ses divers avatars : crédit revolving, réserve permanente, facilité de crédit, etc. (qui nommément disparaîtront, la loi imposant une véritable "appellation bancaire contrôlée" (6))- est une institution devenue incontournable (voire indispensable) des circuits de grande distribution (7). Faisant en apparence fi des difficultés de pouvoir d'achat dont résonne le quotidien, rendant hommage à l'hédonisme béat de l'époque, le crédit renouvelable se propose de satisfaire à tout crin l'extrême préférence pour le présent des agents économiques : pourquoi se priver si l'argent est disponible aisément ? Aisément, certes : mais pas à moindre coût.

Cette question du coût, souvent assez élevé en matière de crédit renouvelable, associée au caractère quasi-indolore de ce crédit, pseudo corne d'abondance des temps modernes représentant 21 % de l'encours des crédits français à la consommation et à laquelle recourent 9 % des ménages français (8), est susceptible d'expliquer pour une large part la place qu'ils occupent au sein de la loi. Sans qu'elle n'y soit exclusivement consacrée, cette dernière ne rate que peu d'occasions de lui faire un sort propre, l'improvisant mécaniquement comme un véritable prisme facilitant la compréhension téléologique des dispositions de juillet 2010.

C'est cette grille de lecture thématique de la loi n° 2010-737 que nous nous proposons de suivre en s'attelant successivement à réfléchir à la manière dont le crédit renouvelable est relégué au rang de mode exceptionnel de financement (I) puis à étudier les conditions de son encadrement (II).

I - Le crédit renouvelable à la consommation, crédit d'exception

Nous l'avons esquissé : le crédit renouvelable à la consommation est un crédit animé par une certaine malice (9). Souvent proposé à des emprunteurs fragiles, il se révèle redoutable de par les coûts importants qu'il génère et sa permanence de fait. Conscient des excès avérés en la matière, le législateur a souhaité que l'encours de crédits renouvelables à la consommation se tarisse au profit des autres crédits, dits "amortissables". Il en résulte des dispositions laissant une place de faveur aux alternatives au crédit renouvelable (A) et à son arrêt (B).

A - La faveur donnée aux alternatives au crédit renouvelable

La diffusion d'une information plus complète et plus précise en direction de l'emprunteur (10) est l'un des leitmotiv de la loi : le crédit renouvelable n'y échappe nullement. Pour ce qui le concerne, une information particulière est due : elle porte sur la possibilité qu'a l'emprunteur de recourir à une forme autre de crédit, que le crédit soit associé (1°) ou non (2°) à une carte.

1° Le choix en matière de crédit renouvelable associé à une carte

En pratique, il est extrêmement fréquent qu'une carte de paiement ou de fidélité tienne lieu de support à un crédit renouvelable (11). La ressemblance d'une telle carte avec une carte de paiement "classique" et le flou du vocabulaire populaire qui parle plus volontiers de "carte de crédit" que de carte de paiement (12) en fait un instrument redoutable pour un consommateur mal éclairé, s'endettant sans trop s'en apercevoir.

Pour prémunir cet effet pervers, la loi impose que :
- les cartes auxquelles est associé un crédit renouvelable comportent une fonction permettant d'opter pour un paiement comptant plutôt que pour un paiement à crédit (loi n° 2010-737, art. 7, II, F ; C. consom., futur art. L. 311-17, al. 1er N° Lexbase : L8203IMR) ;
- le paiement à crédit devra nécessairement résulter d'un "opt in" de l'emprunteur si un compte de dépôt est attaché à la carte et au crédit renouvelable (loi n° 2010-737, art. 7, II, G ; C. consom., futur art. L. 311-17-1, al. 1er) ;
- afin que le porteur d'une telle carte ait conscience des droits qui sont les siens, toute publicité vantant les avantages de ladite carte doit présenter au consommateur le choix lui appartenant entre crédit renouvelable et crédit amortissable (loi n° 2010-737, art. 7, II, F ; C. conso., futur art. L. 311-17, al. 2). Obligatoire en phase pré-contractuelle, cette information doit aussi être fournie en période contractuelle (loi n° 2010-737, art. 7, II, F ; C. consom., futur art. L. 311-17, al.1er).

La méconnaissance de ces règles expose le contrevenant à une amende de cinquième classe (C. consom., futur art. L. 311-49). Clairement, l'objectif est d'endiguer le recours systématique au crédit renouvelable. Lorsque l'on y ajoute la future interdiction de verser aux vendeurs de crédit une commission calculée sur le type de crédits vendus, on comprend bien que rien n'est fait pour favoriser la commercialisation intensive des crédits renouvelables.

2° Le choix en matière de crédit renouvelable non-associé à une carte

S'agissant des crédits renouvelables sans carte (dont on peut raisonnablement estimer qu'ils sont moins dangereux pour l'emprunteur), la loi prévoit simplement que, lorsque le crédit est proposé à un consommateur sur le lieu même de vente ou par un moyen de communication à distance, le consommateur doit être informé du choix dont il dispose entre un crédit renouvelable et un crédit classique (loi n° 2010-737, art. 6, II, B ; C. conso., futur art. L. 311-8-1 N° Lexbase : L8195IMH) dès lors que ce crédit dépasse un seuil (13). Une fois encore, il s'agit de faire prendre conscience au consommateur que le crédit renouvelable n'a rien ni d'un automatisme, ni d'une panacée.

B - La faveur donnée à l'arrêt du crédit renouvelable

Une fois contracté, l'un des dangers du crédit renouvelable régulièrement mis en avant tient à sa virtuelle infinité : dans la mesure où il consiste fondamentalement en une réserve d'argent disponible à tout moment dans la limite du plafond convenu diminué de l'encours des tirages, il n'invite qu'à une faible discipline de l'emprunteur et est donc susceptible de perdurer sur des laps de temps élevés, accroissant d'autant son coût. Pour palier cette source de problèmes, la loi du 1er juillet 2010 inaugure des facultés élargies de sortie pour l'emprunteur (1°) et incite à la responsabilisation des prêteurs au moment charnière que constitue chaque reconduction d'un crédit renouvelable (2°).

1° L'élargissement des facultés de sortie de l'emprunteur

Grâce à la loi, le législateur entend faire en sorte qu'il soit le plus aisé possible pour tout emprunteur de mettre fin à un crédit renouvelable. Deux mesures poursuivent manifestement cette fin.

D'abord, les emprunteurs au titre d'un crédit renouvelable bénéficieront de la mesure générale portant à quatorze jours calendaires (au lieu de sept) le délai de rétraction en matière de crédit à la consommation. Ce doublement, imposé par la Directive (14), est d'autant plus salutaire pour ce qui est des crédits renouvelables, se nourrissant plus que d'autres de l'impulsivité des consommateurs.

Ensuite, la loi dispose d'un principe nouveau, peu favorable à l'emprunteur à la consommation : le remboursement anticipé doit donner lieu à une indemnité variant entre 1 % du montant remboursé par anticipation si le crédit avait une durée supérieure à un an et 0,5 % du même montant dans le cas contraire (loi n° 2010-737, art. 12 ; C. consom., futur art. L. 311-22 N° Lexbase : L8209IMY). Dans les deux cas, le montant de l'indemnité de remboursement anticipé ne pourra dépasser le montant total des intérêts que l'emprunteur aurait payé si le prêt était allé jusqu'à son terme (loi n° 2010-737, art. 12 ; C. consom., futur art. L. 311-22). Fort heureusement, une faveur légale trouvera à s'appliquer aux crédits renouvelables à la consommation (15) puisque aucune indemnité ne pourra être due si un tel crédit devait être remboursée de manière anticipée. C'est plutôt logique, compte tenu de la potentielle récurrence des tirages sur les crédits renouvelables, imposant mécaniquement au prêteur une gestion de sa trésorerie dynamique. Dans la mesure où une obligation d'information mensuelle sur un "état actualisé de l'exécution du contrat de crédit" pèsera bientôt sur les prêteurs (loi n° 2010-737, art. 11, H, 1 ; C. consom., futur art. L. 311-26 N° Lexbase : L8213IM7), les emprunteurs devraient être en position d'apprécier en toute conscience l'intérêt pour eux de rembourser leur crédit renouvelable par anticipation.

Ces règles nouvelles permettront certainement de réduire le nombre de crédits renouvelables et leur durée, pour autant que les emprunteurs aient de quoi procéder à leur remboursement anticipé, ce qui semble passablement antithétique avec le fait de contracter un tel crédit !

2° Un pas vers la responsabilité des prêteurs

"Loi sur le crédit responsable" (16) est un sobriquet dont on pourrait volontiers affubler la loi du 1er juillet 2010. Une disposition particulière applicable aux crédits renouvelables le reflète bien.

L'article L. 311-16 du Code de la consommation impose une durée maximale d'un an pour tout crédit renouvelable à la consommation. Evidemment, cette durée maximale est susceptible d'être prorogée. Précisément, c'est au moment du renouvellement annuel du crédit renouvelable que la loi contraindra les prêteurs à une consultation de la situation de l'emprunteur au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (loi n° 2010-737, art. 7, II, E ; C. consom., futur art. L. 311-16). Si la relation de crédit devait perdurer au-delà de trois ans, la loi impose même un réexamen complet de la solvabilité de l'emprunteur (loi n° 2010-737, art. 7, II, E ; C. consom., futur art. L. 311-16) (17).

A l'évidence, l'idée est de faire sous-peser à intervalle régulier le profil de risque de crédit présenté par tout emprunteur au titre d'un crédit renouvelable. L'intention nous paraît louable, mais quelque peu angélique : l'obligation, souvent déjà suivie spontanément par les emprunteurs, n'est pas accompagnée de sanction en cas de non-respect.

Dans la même veine, notons que sera ramené à deux ans le délai au-delà duquel le prêteur d'un crédit renouvelable non-utilisé est tenu de s'assurer que l'emprunteur souhaite maintenir le crédit (loi n° 2010-737, art. 7, II, E ; C. consom., futur art. L. 311-16).

Ainsi, parce qu'elle s'efforce de rediriger les demandes de crédit vers des crédits amortissables, voire de faire avorter les crédits renouvelables, la loi du 1er juillet 2010 donne à ces derniers un air d'exception. Au-delà de cette volonté politique à peine voilée, le crédit renouvelable est soumis à un encadrement sévère. En ce sens, il suit une évolution similaire à celle des autres crédits à la consommation mais avec des inflexions plus marquées.

II - Le crédit renouvelable à la consommation, crédit sévèrement réglementé

Il faut se faire une raison : l'économie ne pourrait que difficilement se passer des crédits renouvelables à la consommation. Les limiter est une chose utile, souhaitable ; les éliminer ou les interdire, une idéologie aussi nuisible que ces crédits peuvent l'être. Aussi, pour ceux en passe d'être accordés ou qui le sont, la loi met en place un corpus normatif contraignant organisant la protection de l'emprunteur au titre d'un crédit renouvelable au moment tant de sa conclusion (A) que de son exécution (B).

A - La protection de l'emprunteur au moment de la conclusion du crédit renouvelable

En phase précontractuelle et de signature, la plupart des règles applicables au crédit renouvelable sont identiques à celles prévalant pour les autres formes de crédit à la consommation. Les principales de ces règles portent sur la publicité dont peut faire l'objet un crédit renouvelable (1°) et sur l'information due à l'emprunteur (2°).

1° Les règles nouvelles relatives à la publicité portant sur un crédit renouvelable

Comme pour tout crédit à la consommation, la publicité portant sur un crédit renouvelable est fortement encadrée. Dans les grandes lignes, la loi contribue à la clarification de l'information délivrée à l'emprunteur consommateur.

Ainsi, un "exemple représentatif" du coût du crédit devra être indiqué de manière "claire, précise et visible" dans toute publicité portant sur un crédit à la consommation (loi n° 2010-737, art. 4 ; C. consom., futur article L. 311-4 N° Lexbase : L6642IMX). Cela vaudra également pour les crédits renouvelables, mais les modalités et le contenu de l'exemple représentatif restent à préciser par décret. Il est clair qu'il sera plus difficile de fournir au prospect emprunteur une information précise en la matière, compte tenu des subtilités de structure des crédits renouvelables.

Par ailleurs, le taux annuel effectif global (appellation se substituant, pour les crédits à la consommation, au sacro-saint taux effectif global (18)) doit être mentionné dans une taille de caractère plus importante que celle utilisée pour les autres caractéristiques du financement (loi n° 2010-737, art. 4 ; C. consom., futur art. L. 311-5 N° Lexbase : L6641IMW). Cette disposition est applicable aux crédits renouvelables : le taux plus élevé sera donc présenté avec des chiffres et lettres plus grands. Belle cohérence.

La loi renforce également la lutte contre les incitations au recours au crédit à la consommation : est ainsi prohibée toute publicité proposant des lots promotionnels en échange d'une acceptation de l'offre de contrat de crédit (19) (C. consom., futur art. L. 311-5, al. 5). La portée de cette règle en matière de crédits renouvelables ne saurait être négligée : ceux-ci sont fréquemment conclus sur le lieu de vente, propice à toutes sortes d'opérations de promotion.

2° Les règles nouvelles relatives à l'information due à l'emprunteur au titre d'un crédit renouvelable

Cédant à une maniaquerie moderne, le législateur a introduit dans la loi le principe d'une fiche d'information, distincte de l'offre de contrat de crédit (20), devant être remise à l'emprunteur potentiel afin de lui permettre "d'appréhender clairement l'étendue de son engagement" (loi n° 2010-737, art. 5 ; C. consom., futur art. L. 311-6 N° Lexbase : L8192IMD). Plus généralement, à partir de cette fiche, le prêteur (21) doit fournir à l'emprunteur des explications susceptibles de lui permettre d'évaluer la pertinence pour lui du crédit proposé et des conséquences que le crédit pourrait avoir sur sa situation financière, le tout in concreto (loi n° 2010-737, art. 6, A ; C. consom., futur art. L. 311-8 N° Lexbase : L8194IMG).

Plus encore, comme nous l'avons évoqué précédemment, il revient au prêteur de se montrer responsable en procédant à un examen de la solvabilité du prospect sur la base du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers et des informations requises (et reçues) de son éventuel client (loi n° 2010-737, art. 6, C ; C. consom., futur art. L. 311-9 N° Lexbase : L8196IMI).

Cerise sur le gâteau, parce qu'il est difficile d'apprécier à brûle-pourpoint sur le lieu de vente ou à distance la solvabilité d'un consommateur, une seconde fiche doit être remplie pour collecter des informations sur les ressources et les charges de l'emprunteur, tout comme son état d'endettement (loi n° 2010-737, art. 6, D ; C. consom., futur art. L. 311-10 N° Lexbase : L6645IM3).

En matière de crédit renouvelable à la consommation, pour chacune de ces règles, sans doute y aura-t-il encore plus fort à faire : ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'un crédit qui se veut immédiat et souple. Il est nécessaire de le brider un peu, mais pour conserver une approche réaliste en termes commerciaux, on peut craindre que les vendeurs de crédits renouvelables ne transforment la collecte d'informations et l'étude de solvabilité qui viennent d'être décrites ne deviennent vite que de simples formalités privées de sens.

B - La protection de l'emprunteur au moment de l'exécution du crédit renouvelable

Une fois conclu ce financement grave que serait le crédit renouvelable à la consommation, l'exigence de protection de l'emprunteur ne s'évanouit pas. La loi prend pleinement en compte ce poncif et, pour cette raison, ordonne un principe de composition des annuités de remboursement de tout crédit renouvelable (1°) et organise le traitement de la défaillance de leur emprunteur (2°).

1° Le principe nouveau de composition des annuités de remboursement d'un crédit renouvelable

Le remboursement d'un crédit à la consommation procède généralement par annuités constantes (22) : en conséquence, chaque annuité contient normalement une part d'intérêts (calculée sur le capital restant dû) et une part d'amortissement du capital. De sorte à ce que l'annuité demeure constante, la logique voudrait que les proportions d'intérêts et de capital connaissent une évolution "en ciseau" tout au long de la durée du prêt : au fur et à mesure que le crédit est remboursé, il devrait y avoir de plus en plus de capital "amorti" et de moins en moins d'intérêts payés. Ce principe logique ne prévaut pas toujours en matière de crédit renouvelable. Aussi, la loi restaure-t-elle sa primauté en disposant que "le contrat de crédit [renouvelable] prévoit que chaque échéance comprend un remboursement minimal du capital emprunté, qui varie selon le montant total du crédit". Cela devrait assurer une diminution du coût global des crédits renouvelables.

Par ailleurs, pour écarter (si besoin était) tout doute en la matière, le futur article L. 311-16 du Code de la consommation dispose expressément que les règles de droit commun relatives à l'anatocisme sont applicables aux crédits renouvelables.

2° Les principes nouveaux relatifs à la défaillance de l'emprunteur au titre d'un crédit renouvelable

Le premier mérite de la loi sur la question de la défaillance de l'emprunteur à la consommation est de définir plus précisément sa défaillance (23). S'agissant des crédits à la consommation, cette défaillance est constituée par trois événements, alternativement (loi n° 2010-737, art. 19, II, 1 ; C. consom., futur art. L. 311-52) :
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du crédit renouvelable ou de son terme ;
- le premier incident de paiement non régularisé ;
- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti.

Pour prévenir une telle défaillance, des pouvoirs contractuels exorbitants sont conférés au prêteur, lui permettant, à tout moment s'il estime que la solvabilité de l'emprunteur a diminué, de réduire le montant total du crédit ou de suspendre le droit d'utilisation (loi n° 2010-737, art. 7, II, E, 5 ; C. consom., futur art. L. 311-16). Seule est exigée une information de l'emprunteur. Pour ne pas le précipiter vers l'abysse, notons que les pouvoirs de l'emprunteur ne vont pas jusqu'à l'autoriser à prononcer directement la déchéance du terme du crédit renouvelable. Néanmoins, la suspension du droit à utilisation contraignant au remboursement de l'encours utilisé du prêt, pendant la période de suspension, ce droit devra être manié avec précaution par les prêteurs. Par ailleurs, si l'emprunteur revient à meilleure fortune, les conditions initiales du crédit peuvent être restaurées en tout ou partie.

Enfin, parce que tout crédit renouvelable à la consommation constitue une dette non professionnelle, la défaillance de son emprunteur est susceptible d'être traitée à l'occasion d'une procédure de surendettement (C. consom., art. L. 330-1 N° Lexbase : L2360IBZ et s.). A cette occasion, tout emprunteur au titre d'un crédit à la consommation pourra bénéficier de l'extension notable provoquée par la loi des pouvoirs des commissions de surendettement, leur permettant notamment d'imposer la suspension de l'exigibilité d'une créance non alimentaire pendant une durée maximum de deux ans (loi n° 2010-737, art. 42, d ; C. consom., futur art. L. 331-6 N° Lexbase : L6602IMH). Voilà qui devrait assurer un traitement plus efficace du surendettement des particuliers, dont l'expérience prouve qu'il avait souvent à voir avec un recours excessif au crédit renouvelable.

Faut-il crier au détournement de transposition ? En considérant à quel point la loi du 1er juillet 2010 ignore la Directive qu'elle prétend implanter en droit français, on aurait raison de le faire. L'objectif d'harmonisation maximale promu par intermittence au niveau de la Commission (24) est loin d'être atteint ! Fondamentalement, le véritable cri qui mérite d'être poussé pour accompagner le choeur législatif, c'est une clameur de haro sur le crédit renouvelable. Cette mise en coupe réglée révèle efficacement les postures prises par le droit français dans la loi en matière de crédit à la consommation, entre informations pléthoriques fournies à l'emprunteur et responsabilisation timide du prêteur : à défaut d'être novateur, il faut y reconnaître une forme de redondance pédagogique. Le crédit renouvelable soulève les mêmes problèmes en les décuplant : à titre d'exemple final, les difficultés particulières qu'il génèrerait si était créé un fichier "positif" des crédits (comme l'évoque l'article 49 de la loi n° 2010-737) en sont révélatrices. En revanche, le prisme du crédit renouvelable laisse songeur si l'on cherche à juger de la cohérence de cette petite diatribe juridique avec l'enthousiasme affiché il y a peu lors de l'introduction de l'hypothèque rechargeable ou du crédit viager hypothécaire, cousins issus de germain du crédit renouvelable. En fait de droit de la consommation, on ne verrait pas toujours d'un mauvais oeil que la main du législateur tremble plus, ou mieux.


(1) L'article 27 de la Directive imposait une transposition pour le 12 mai 2010. Avec moins de retard, la France fait preuve d'une volonté que, longtemps, on lui a peu connue...
(2) Directive 2008/48, art. 22 ; cf. A. Gourio, La réforme du crédit à la consommation, JCP éd. E, 2010, 1675.
(3) Cf. compte-rendu du Conseil des ministres du 22 avril 2009.
(4) Tout particulièrement en matière de crédits, où l'informatique tient une place considérable et où, par conséquent, tout changement normatif doit s'accompagner d'une modification technique.
(5) Loi n° 2010-737, art. 61. Pour un aperçu général des dates d'entrée en vigueur des dispositions de la loi, voir A. Astaix, Publication et entrée en vigueur de la loi portant réforme du crédit à la consommation, D., 5 juillet 2010.
(6) Loi n° 2010-737, art. 7, II, E, 2 ; C. consom., futur art. L. 311-16 (N° Lexbase : L8202IMQ).
(7) La pratique du crédit renouvelable n'est pas limitée au crédit à la consommation : on la retrouve très régulièrement en matière de financement des entreprises à l'occasion de financements de projets, par exemple.
(8) Cf. rapport n° 447 de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission spéciale du Sénat, déposé le 2 juin 2009, p. 197.
(9) Id., p. 198.
(10) Quitte à buter (tristement) sur ses limites cognitives.
(11) Qui ignore l'existence de la carte COFINODIS ?
(12) La loi entend mettre un ordre certain en la matière en imposant la mention "carte de crédit" sur celles qui le sont effectivement dans le cadre d'un crédit renouvelable : loi n° 2010-737, art. 7, II, E, 2 ; C. consom., futur art. L. 311-16.
(13) Dont la détermination est laissée au pouvoir réglementaire.
(14) Même si la loi s'en désintéresse largement (cf. supra.), il faut tout de même bien la transposer, notamment son article 14.
(15) Mais pas exclusivement à ces derniers : sont aussi concernées, entre autres, les autorisations de découvert.
(16) V. Valette-Ercole, Vers un crédit responsable ? - A propos de la loi du 1er juillet 2010, JCP éd. G, 2010, 779.
(17) Au moment de l'ouverture initiale du crédit, le futur article L. 311-9 du Code de la consommation (N° Lexbase : L8196IMI) contraindra à la même démarche.
(18) Loi n° 2010-737, art. 12 ; C. consom., futur art. L. 313-1 (N° Lexbase : L6649IM9).
(19) De nouveau, il s'agit du vocabulaire introduit par la Loi (les textes font aujourd'hui référence à l'offre préalable de crédit : cf., p. ex., C. consom., art. L. 311-4 (N° Lexbase : L6497ABA).
(20) Un décret devra déterminer précisément les autres caractéristiques et le contenu de cette fiche.
(21) Ou l'intermédiaire de crédit.
(22) La méthode aurait pour vertu principale de diminuer le risque pris par le prêteur.
(23) Ce qui permet, notamment, de mieux fixer le point de départ du délai de forclusion dont dispose l'article L. 311-37 du Code de la consommation.
(24) Sur la question de l'harmonisation maximale du droit de la consommation, nous donnons d'ores et déjà rendez-vous à nos lecteurs en novembre prochain : Lexbase Hebdo - édition privée générale publiera les actes de la deuxième conférence d'AENSD1 qui s'est tenue le 9 juin 2010 au Palais du Luxembourg et qui était consacrée au sujet.

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Avocats

[Questions à...] Aide juridictionnelle : comment rentabiliser la gestion des dotations ? - Questions à Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux, membre du bureau de la Conférence des Bâtonniers

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef

Le 07 Octobre 2010

Le débat sur l'aide juridictionnelle, plus que jamais ouvert, est essentiellement tourné sur la question du financement de l'aide. Le tout dernier épilogue, en date du 13 juillet 2010, a été lancé par le ministre de la Justice, annonçant qu'il étudiait une nouvelle piste de financement portant sur la participation des justiciables. Les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle pourraient ainsi être mis à contribution à hauteur d'un montant de 8,84 euros pour l'ensemble de la procédure. Sans revenir sur les termes de ce débat, il est une autre question, moins controversée, mais non moins importante, celle de la gestion des dotations de l'aide juridictionnelle. Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux, membre du bureau de la Conférence des Bâtonniers, et chargé, à ce dernier titre, de réfléchir aux questions économiques, a publié un rapport sur la gestion des dotations versées au titre de l'aide juridictionnelle par lequel il préconise un nouveau mode de gestion, qui repose sur l'idée d'une concentration de cette gestion, afin de réduire les frais de fonctionnement. Il a accepté de répondre à nos questions.
Lexbase : Quelles sont les limites du système actuel de gestion par les CARPA ?

Philippe Duprat : Depuis 1991, les CARPA sont délégataires d'une mission de service public. Elles gèrent les dotations versées par l'Etat destinées à rémunérer les confrères qui interviennent au titre de l'aide juridictionnelle. Cependant, la gestion de ces dotations est déficitaire. Cela a été mis en évidence de manière incontestable par la Cour des comptes à la suite de la mission qui lui a été confiée par le Sénat. En effet, la réglementation applicable aux CARPA prévoit que les intérêts générés par le placement des fonds de tiers sont, notamment, affectés à la gestion du service d'aide juridictionnelle. Il en va de même des produits financiers générés par le placement de la dotation d'aide juridictionnelle. Mais, compte tenu, d'une part, de la baisse des taux d'intérêt, et, d'autre part, d'un certain tassement global des dépôts de fonds de tiers à raison de la crise économique, le mouvement déficitaire qui est constaté depuis très longtemps dans les CARPA, au titre de la gestion de ce service d'aide juridictionnelle, s'amplifie. La situation ne peut plus durer. Il convient donc de trouver des solutions aussi novatrices et pragmatiques que possible. D'où l'idée d'une concentration.

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter brièvement les modalités d'organisation de la gestion que vous proposez ?

Philippe Duprat : Avant tout, il s'agit uniquement de réorganiser le système d'un strict point de vue économique, en partant du principe que l'Etat, qui est défaillant dans le financement de l'aide juridictionnelle, n'a pas, aujourd'hui, l'intention d'augmenter sa participation qui restera limitée aux alentours de 300 millions d'euros. Il faut donc bien distinguer l'aspect politique du financement de l'aide juridictionnelle -dont je redis qu'il est insuffisamment assuré par l'Etat qui, en Europe, est un de ceux qui consacre le moins de moyens au financement de l'accès au droit- de la gestion de la dotation, laquelle est lourdement déficitaire. C'est cette situation qui doit pouvoir être améliorée.

L'idée est assez simple, elle consiste à concentrer la gestion des dotations de l'aide juridictionnelle en cinq régions, ou en cinq centres de paiement d'aide juridictionnelle, qui tiendraient compte du découpage des circonscriptions territoriales des cours d'appel -pour éviter qu'une cour d'appel ne dépende de deux régions différentes-, en sachant que le barreau de Paris resterait autonome.

Ce découpage amènerait chaque centre à gérer à peu près 50 millions d'euros de dotation. Les produits financiers générés par le placement de cette dotation seraient, toujours, nettement insuffisants pour financer le fonctionnement de chaque centre. L'idée consiste à permettre à chaque CARPA, dépendant de chacun des cinq centres (environ une trentaine de CARPA par centre), d'affecter une partie des produits financiers provenant du placement des fonds de tiers, dans des proportions nettement moins importantes qu'aujourd'hui, de telle sorte que cela créerait un écrasement de la charge par CARPA. Après simulation, sur la base de l'affectation des produits financiers générés par le placement de 20 millions d'euros de fonds de tiers pour trente CARPA, il apparaît que l'on arrive, alors, à générer une gestion, sinon bénéficiaire, du moins à l'équilibre.

La clé de répartition, entre les CARPA, pour l'abondement de 20 millions d'euros des fonds de tiers peut s'envisager selon différents critères. Une répartition per capita supposerait que chaque CARPA dépendant d'un même centre de paiement consacre les produits financiers générés par le placement 660 000 euros de fonds tiers. Sur la base d'une rémunération de 2 %, chaque CARPA consacrerait, ainsi, environ 13 200 euros au financement du fonctionnement du centre outre le produit de placement de la dotation d'aide juridictionnelle, soit un rendement estimé de 125 000 euros pour 50 millions d'euros de dotation. Chaque centre disposerait d'un budget de fonctionnement de l'ordre 522 000 euros. Mais l'on peut aussi imaginer de pondérer en fonction de la taille des barreaux ou de la taille des CARPA, et ce de façon totalement proportionnelle, ou sur une base fixe (un forfait) et une pondération. Dans tous les cas, force est de constater que le système est très nettement amélioré. Il permettrait une gestion au moins équilibrée

Lexbase : La concentration du système implique des conséquences sociales, de même qu'un problème de proximité. Que répondez-vous aux éventuelles critiques ?

Philippe Duprat : Comme toute décision d'entreprise, elle emporte des conséquences sociales, mais celles-ci ne doivent pas occulter l'intérêt général. De surcroît, dans toutes les expériences de regroupement de CARPA, il faut savoir que l'on a toujours réussi à gérer les conséquences sociales dans de très bonnes conditions, avec un reclassement de tous les salariés. Cela ne doit pas être considéré comme un obstacle majeur. Quant à l'argument de proximité, il doit également être ramené à de justes proportions compte tenu du recours à la dématérialisation des moyens de paiement, de la transmission électronique de l'attestation de fin de mission (AFM), de la demande de paiement, etc..

Lexbase : La gestion par les CARPA est jugée irréprochable par la Cour des comptes et les différentes instances d'audit. Ne craignez-vous pas que la refonte du système se heurte à différentes oppositions ?

Philippe Duprat : La Cour des comptes a jugé la gestion par les CARPA irréprochable, en raison de sa transparence et de la traçabilité existante, ce qui permet d'éviter tout risque de détournement et de fraude. Cependant, la Cour des comptes a relevé que la gestion était déficitaire dans la mesure où la profession, par l'intermédiaire de ses CARPA, se voyait imputer des charges qu'elle n'avait pas à assumer. Ce modèle de gestion doit donc être transposé dans une configuration à tout le moins équilibrée. Cela ne pourra passer que par la concentration de moyens. Il faut donc aller en ce sens, car le temps n'est plus à la gestion de la profession par des structures trop réduites et isolées, qui n'ont plus l'envergure économique suffisante pour pouvoir faire face à leurs obligations et à leur projet de développement.

Lexbase : Que pensez-vous de l'opportunité d'une autorité indépendante de gestion du financement de l'aide ?

Philippe Duprat : La gestion de l'aide juridictionnelle doit être réalisée de telle manière qu'elle ne crée pas de charges à la profession qui est débitrice d'une obligation de service public. Elle doit, ensuite, permettre une rémunération décente des avocats, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Elle doit, enfin, et indépendamment du seuil de rémunération, permettre un paiement des honoraires sans délai. A partir de là, est-ce que la création d'une autorité indépendante de gestion du financement de l'aide juridictionnelle est susceptible d'apporter ces services ? Tout dépendra de la manière dont elle sera conçue. Mais les autorités indépendantes que l'on connaît par ailleurs, dans d'autres domaines, ont parfois fait la preuve des limites de leur propre fonctionnement. Cette idée ne doit pas être écartée, mais ce n'est pas là, à mon sens que se situe la solution.

Lexbase : D'un point de vue matériel, comment s'organiserait le système proposé ? Quel serait le délai de mise en place ?

Philippe Duprat : Les questions matérielles ne posent guère de difficultés. Il faut commencer par localiser les centres de paiement dans chacune des cinq régions dédiées. Cela imposera seulement de gérer les susceptibilités. Il faudra, ensuite, trouver des locaux d'une superficie adaptée au travail d'une dizaine de personnes. Ceci est réalisable dans n'importe quelle ville.

Au-delà de ces questions, le projet présente cet avantage qu'il n'implique aucune modification d'importance au fonctionnement actuel. En effet, il ne modifie rien sur le plan technique. L'avocat sera toujours dépendant de son Bâtonnier, au titre de la désignation d'office, ou du bureau d'aide juridictionnelle (BAJ), en cas de choix fait par le client en matière civile. Concernant les liaisons informatiques, il faudra simplement assurer une liaison entre les BAJ et les centres de paiement, telle qu'elle existe déjà entre les BAJ et la CARPA. L'organisation de ce nouveau système n'implique donc aucun coût particulier, et, de surcroît, présente le mérite, sur le plan politique, d'éviter la question polémique d'un regroupement de barreaux ou d'un regroupement de CARPA.

Si ce n'est la concentration autour de cinq grandes régions, et une adaptation des textes concernant le fonctionnement des CARPA (mesure purement technique, qui ne pose aucune difficulté), le système proposé ne suppose pas de changement structurel.

Sa mise en place peut donc être très rapide, d'autant plus que le projet est considéré comme une piste sérieuse de réflexion. La Chancellerie, déjà saisie du projet, a indiqué qu'elle souhaitait y consacrer un groupe de travail et lui commander une analyse technique. La profession, par l'intermédiaire de la Conférence des Bâtonniers, l'a, par ailleurs, bien accueilli ainsi que le conseil d'administration de l'UNCA, organe technique de la profession.

Lexbase : Au-delà du problème de la gestion du financement, quelle est votre position concernant les sources de financement ?

Philippe Duprat : Le principe est que l'accès au droit fait partie des missions régaliennes de l'Etat. Pour des raisons historiques, force est de constater qu'il ne l'a jamais assumé, puisque les statistiques européennes relèguent la France au 25ème rang sur 27. Dans un contexte de crise économique, on ne peut espérer que l'Etat, du jour au lendemain, fasse l'effort qu'il n'a jamais pu ou voulu faire sur les précédentes décennies. Partant de là, il faut trouver d'autres pistes de financement.

L'assurance de protection juridique présente une difficulté majeure. Sur le plan économique, nombreux sont les assureurs qui proposent aux avocats des rémunérations à peu près équivalentes à celles de l'aide juridictionnelle. Or l'on sait que cela ne correspond pas à une juste rémunération des avocats. S'agissant de la taxation des assurances, les assureurs ne sont pas réceptifs à cette idée, et l'on peut comprendre que cela ne soit pas vraiment leur priorité.

La taxation de chaque acte juridique pose, à mon sens, plusieurs questions. En effet, un certain nombre d'actes échapperait à la taxation dans la mesure où ils ne seraient pas tous enregistrés. En outre, de quels moyens de contrôles disposera-t-on pour vérifier que tout acte assujetti génère effectivement le paiement de la taxe ? En tous les cas, cette idée suppose la mise en oeuvre de modalités qui ne sont pas encore totalement définies.

Il reste la création d'un fonds spécial qui serait abondé par une taxation que l'Etat déciderait de faire supporter à tel ou tel type d'activité. Mais, l'Etat nous dit qu'il n'est plus favorable à la création de taxe particulière...

Il faut donc trouver des solutions un peu plus originales... C'est ainsi que l'on peut imaginer la taxation des amendes pénales, douanières, fiscales, cela représenterait une source non négligeable de revenus... On pourrait également proposer la création d'un compte épargne-procès, que les justiciables constitueraient tout au long de leur vie. Il serait rémunéré dans des conditions à déterminer. Le capital et les intérêts produits, seraient affectés au financement d'honoraires d'avocat avec la liberté pour le justiciable de reprendre à tout moment son épargne. Il s'agirait de s'inspirer du plan d'épargne logement. On peut, enfin, imaginer le système du micro-crédit -dont l'expérience montre qu'il s'agit, structurellement, du crédit le mieux remboursé par les débiteurs-, et pour lequel on pourrait proposer au banquier d'être subrogé au titre de l'indemnité allouée à la partie gagnante en application de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2976ADL) qu'il affecterait en remboursement anticipé du crédit consenti.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Audience électorale et représentativité syndicale : la hiérarchie entre les élections professionnelles dans l'entreprise confirmée

Réf. : Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 10-60.148, Urssaf de l'Ardèche c/ Syndicat union départementale Force ouvrière Drôme-Ardèche et a., FS-P+B (N° Lexbase : A6917E4X)

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N6920BPY

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Sous réserve des dispositions transitoires édictées par la loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-789, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : L7392IAZ), la représentativité syndicale doit désormais nécessairement être prouvée, sur la base de critères édictés par la réforme précitée. Parmi ceux-ci, figure en bonne place l'audience électorale, appréciée à l'aune des élections professionnelles organisées dans l'entreprise. Dans la mesure où, à ce niveau, peuvent être organisées plusieurs élections en fonction des institutions représentatives du personnel à mettre en place, il importait de déterminer si l'une d'entre elle devait être privilégiée et, dans l'affirmative, laquelle. A lire les textes de loi applicables en la matière, une priorité paraissait avoir été donnée à l'élection des représentants des salariés au comité d'entreprise. C'est ce que vient, sans surprise aucune, confirmer la Cour de cassation dans un important arrêt rendu le 13 juillet 2010.
Résumé

L'audience recueillie par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel ne peut être prise en compte, pour apprécier leur représentativité, que s'il ne s'est pas tenu dans l'entreprise d'élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel permettant de mesurer cette audience.

I - Une priorité clairement affichée dans la loi

  • L'audience électorale, pierre angulaire de la représentativité

Dans le but de renforcer la légitimité des organisations syndicales, la loi du 20 août 2008 a mis fin à la présomption de représentativité pour lui substituer, à plus ou moins brève échéance, la seule représentativité prouvée. Dans la même perspective, le législateur a pris soin d'établir une nouvelle liste des critères de la représentativité syndicale, qui figure à l'article L. 2121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3727IBN).

Parmi ces différents critères, une place de choix a été réservée à l'audience électorale, dont on peut dire qu'elle est aujourd'hui la pierre angulaire de la représentativité. Ainsi que l'affirme le texte précité, celle-ci est déterminée d'après "l'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9), L. 2122-5 (N° Lexbase : L3781IBN), L. 2122-6 (N° Lexbase : L3796IB9) et L. 2122-9 (N° Lexbase : L3747IBE) du Code du travail" (C. trav., art. L. 2121-1, 5°).

Dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants (C. trav., art. L. 2122-1).

Le législateur, et avant lui les signataires de la position commune, ont donc fait le choix de prendre en compte les résultats aux élections professionnelles organisées dans l'entreprise. Parmi celles-ci, prééminence a été accordée à l'élection de la représentation du personnel au comité d'entreprise.

  • La prééminence de l'élection du comité d'entreprise

Dès lors qu'une entreprise compte plus de cinquante salariés, doivent être mis en place des délégués du personnel et un comité d'entreprise. On sait, toutefois, que, dans les entreprises de moins de deux cents salariés, l'employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 2326-1 N° Lexbase : L9878H8D). Dans cette dernière hypothèse, et à l'évidence, les élections à prendre en considération pour la mesure de l'audience électorale ne font pas de difficulté. Il en va, en revanche, différemment, lorsque sont organisées des élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise. Faut-il prendre en compte les résultats des premières, des secondes ou de l'une ou l'autre indifféremment ?

A notre sens, le législateur a répondu à cette interrogation en usant, au sein de l'article L. 2122-1 du Code du travail, de la locution "à défaut". Celle-ci marque clairement un ordre de priorité : si des élections au comité d'entreprise ont été organisées, seuls les résultats obtenus à ces dernières doivent être pris en compte. On trouve confirmation de cette prééminence dans les travaux parlementaires. Ainsi, il était affirmé, dans le rapport établi par M. A. Gournac au nom de la Commission des Affaires sociales du Sénat, que "sera prise en compte par priorité l'élection des représentants au comité d'entreprise, à défaut celle du délégué unique du personnel et, si ce dernier n'a pas été mis en place, celle des délégués du personnel. Il n'y a donc pas de combinaison de l'ensemble des résultats des élections conduites dans l'entreprise". En revanche, et sauf erreur de notre part, aucun de ces mêmes travaux parlementaires ne fournit la raison de cette priorité accordée aux élections de la représentation du personnel au comité d'entreprise. Cette hiérarchie dans les élections professionnelles se trouve, en tous cas, confirmée par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté.

II - Une priorité confirmée par la Cour de cassation

  • La solution

En l'espèce, l'union départementale Force ouvrière Drôme-Ardèche (le syndicat FO) avait désigné, le 21 décembre 2009, Mme X en qualité de déléguée syndicale au sein de l'Urssaf de l'Ardèche. Contestant la représentativité du syndicat FO au motif que celui n'avait pas recueilli 10 % des suffrages aux élections des membres du comité d'entreprise mais seulement aux élections des délégués du personnel, l'Urssaf avait saisi le tribunal d'instance en annulation de la désignation.

Pour valider la désignation de la déléguée syndicale, le jugement attaqué, après avoir relevé que le syndicat FO, qui n'avait pas présenté de candidat aux élections des membres du comité d'entreprise, avait obtenu 100 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des délégués du personnel, avait énoncé que faute, pour la loi du 20 août 2008, de dire précisément que les élections des délégués du personnel entrent de manière subsidiaire dans la mesure de la représentativité des syndicats au niveau ces entreprises, tout en étant prises en compte au même titre que les autres élections, pour ce qui est de la représentativité des délégués syndicaux, il convient d'écarter l'interprétation proposée par l'Urssaf et ainsi de retenir une absence de hiérarchie entre les trois instances citées, comité d'entreprise, délégation unique du personnel ou délégués du personnel.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa des articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) du Code du travail. Après avoir rappelé la teneur des deux premiers de ces textes, la Cour de cassation décide "qu'il en résulte que l'audience recueillie par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel ne peut être prise en compte, pour apprécier leur représentativité, que s'il ne s'est pas tenu dans l'entreprise d'élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel permettant de mesurer cette audience".

  • Une solution justifiée

La solution retenue par la Cour de cassation doit être pleinement approuvée. Il était pour le moins difficile de souscrire à l'argumentation développée par les juges du fond. Ainsi que nous l'avons vu précédemment, et contrairement à ce qu'ils affirmaient, la loi du 20 août 2008 dit clairement que les élections des délégués du personnel entrent de manière subsidiaire dans la mesure de la représentativité des syndicats au niveau de l'entreprise ou de l'établissement. A cet égard, et pour s'attacher comme l'avaient fait, en l'espèce, les juges du fond à l'exigence que le salarié désigné comme délégué syndical figure parmi les candidats ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, sont visées indifféremment les élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel (C. trav., art. L. 2143-3). Point de locution "à défaut" dans ce texte qui conduirait à établir une hiérarchie entre les élections professionnelles.

Il est donc, désormais, acquis que, lorsque des élections au comité d'entreprise ont été organisées dans l'entreprise, seuls les résultats obtenus à celles-ci doivent être pris en compte pour la mesure de l'audience électorale et, par voie de conséquence, la détermination des syndicats représentatifs. Toute organisation qui n'aurait pas présenté de candidats ou qui, l'ayant fait, n'auraient pas franchi la barre fatidique des 10 % ne peut prétendre à la représentativité et exercer les prérogatives qui lui sont attachées. Peu importe par suite que, comme en l'espèce, elle ait obtenu un score de 100 % aux élections des délégués du personnel. La solution est rigoureuse, mais elle n'est que la conséquence de la loi.

La solution retenue vaut certainement lorsque le comité d'entreprise est mis en place dans une entreprise de moins de cinquante salariés, en vertu d'une stipulation conventionnelle. Il convient, en revanche, s'interroger sur la situation dans laquelle des élections au comité d'entreprise ont été organisées, mais se sont soldées par un procès-verbal de carence. Peut-on, dans ce cas, prendre en compte les résultats aux élections des délégués du personnel ? En visant, les élections au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel "permettant de mesurer l'audience électorale", la Cour de cassation invite à répondre par l'affirmative. Pourtant, il pourrait tout aussi bien être soutenu que les salariés, en ne portant pas leurs voix sur les listes syndicales présentées, ont entendu manifester un choix, en niant la représentativité aux syndicats concernés. Gageons cependant que ce ne sera pas là la solution retenue par la Chambre sociale.


Décision

Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 10-60.148, Urssaf de l'Ardèche c/ Syndicat union départementale Force ouvrière Drôme-Ardèche et a., FS-P+B (N° Lexbase : A6917E4X)

Cassation sans renvoi de TI Privas, contentieux des élections professionnelles, 18 février 2010

Textes visés : C. trav., art. L. 2121-1 (N° Lexbase : L3727IBN), L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD)

Mots-clefs : syndicats ; représentativité ; audience électorale ; élections professionnelles ; priorité ; comité d'entreprise

Lien base : (N° Lexbase : E1798ETR)

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Questions à...] TVA et péages, suite et fin ? - Questions à Maître Jérémy Duret, Avocat fiscaliste

Lecture: 7 min

N6899BP9

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 07 Octobre 2010

Depuis quelques années, les fiscalistes peuvent suivre un feuilleton intitulé "TVA et péages", dont on se demande, à chaque épisode supplémentaire, s'il n'est pas le dernier ; mais c'est sous-estimer les requérants-scénaristes. Pour rappel, par un arrêt en date du 29 juin 2005, le Conseil d'Etat a considéré qu'au titre de la période s'étendant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000, les sociétés concessionnaires d'autoroutes étaient tenues de délivrer aux transporteurs routiers qui leur en feraient la demande une facture mentionnant la TVA, dès lors que cette taxe était exigible au titre des péages acquittés par les usagers (CE, 3° et 8° s-s-r., 29 juin 2005, n° 268681 N° Lexbase : A0231DKR). Il appartenait ainsi aux usagers, dans le cadre de leurs relations avec les sociétés concessionnaires, de s'adresser à elles afin d'obtenir lesdites factures. Alors que, par deux arrêts rendus le 22 novembre 2006, le Conseil d'Etat a relevé la nécessité pour les transporteurs routiers, usagers des autoroutes, d'obtenir des factures rectificatives pour exercer leur droit à déduction de la TVA, supposée collectée entre 1996 et 2000 (CE, 8° et 3° s-s-r., 22 novembre 2006, n° 290350 N° Lexbase : A5504DSN, et n° 286699 N° Lexbase : A5494DSB), la cour administrative d'appel de Lyon, dans un arrêt rendu le 12 juillet 2007, avait retenu que le principe de proportionnalité, principe général du droit communautaire, s'oppose à ce que l'exercice du droit à déduction soit subordonné à la production de factures rectificatives, dès lors que le redevable est en possession d'une facture initiale ou d'un document en tenant lieu, que la TVA est comprise dans le prix stipulé par cette facture, que le litige ne porte pas sur l'étendue du droit à déduction et en l'absence de toute fraude ou évasion fiscale alléguées (CAA Lyon, 5ème ch., 12 juillet 2007, n° 04LY00592 N° Lexbase : A6496DXU). Cet arrêt a été cassé par le Conseil d'Etat, dans une décision du 5 mai 2010 (CE, 9° et 10° s-s-r., 5 mai 2010, n° 309328, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1127EXZ). La Haute juridiction a, en effet, rappelé que, si les sociétés concessionnaires d'autoroutes n'ont, dans un premier temps, pas donné suite aux demandes des transporteurs routiers tendant à la délivrance de factures rectificatives, elles ont par la suite accepté de délivrer de telles factures ou des documents en tenant lieu ; compte tenu de l'ampleur des demandes à traiter, un dispositif de téléchargement par internet de factures rectificatives a été mis en place au cours de l'année 2006 pour les usagers abonnés et cette information a été portée à la connaissance des transporteurs routiers, notamment par l'intermédiaire des fédérations les représentant. L'administration n'a pas opposé de condition de délai pour la production des factures rectificatives. Dans ces conditions, l'exigence de production de factures comportant mention distincte de la TVA, qui correspond à une règle essentielle pour l'exercice du droit à déduction, n'est pas excessive et n'a pas été de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice de ce droit. Pour apprécier la portée de ce dernier épisode, nous avons choisi d'interroger Maître Jérémy Duret, Avocat fiscaliste.

Lexbase : S'il a déjà été long de faire reconnaître le principe d'un droit à déduction de la TVA grevant les péages acquittés entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2000, les usagers des autoroutes sont désormais confrontés chaque fois à un nouvel obstacle dans les modalités d'exercice de ce droit à déduction. Pouvez-vous nous rappeler les principales étapes ?

Jérémy Duret : La TVA est un impôt particulièrement formaliste. En particulier, la détention par le contribuable d'une facture mentionnant la TVA conditionne l'exercice de son droit à déduction.

Or, les efforts entrepris par les usagers des autoroutes, dès 2001, pour obtenir auprès des sociétés concessionnaires des factures rectificatives faisant ressortir la TVA grevant les péages acquittés entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2000 ont été contrariés par des directives ministérielles (courrier du 27 février 2001 de la secrétaire d'Etat au Budget au délégué général de la Fédération nationale des transporteurs routiers, et courrier du 15 janvier 2003 du directeur de la législation fiscale au président du comité des sociétés concessionnaires d'autoroutes) leur faisant interdiction de délivrer de telles factures.

Saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre ces décisions ministérielles, le Conseil d'Etat a condamné cette interdiction le 29 juin 2005 (CE 3° et 8° s-s-r., 29 juin 2005, n° 268681, précité). Il a confirmé, dans cette décision, que les péages étaient bien grevés de la TVA pour la période antérieure au 1er janvier 2001 et que la circonstance que la TVA n'aurait pas été acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes au titre des péages perçus avant le 1er janvier 2001 ne saurait faire obstacle à l'exercice du droit à déduction, qui est subordonné à l'exigibilité de la taxe, et non à son versement effectif par le redevable. Il a également jugé que c'est illégalement que le ministre a prétendu empêcher certaines sociétés concessionnaires de délivrer des factures rectificatives faisant ressortir la TVA exigible pendant la période antérieure au 1er janvier 2001, car ces sociétés doivent pouvoir délivrer ces documents lorsque la demande leur en est faite.

A la suite de cet arrêt du Conseil d'Etat, le législateur, entendant empêcher la délivrance de factures rectificatives par les sociétés concessionnaires d'ouvrages autoroutiers, a alors adopté une disposition dans la loi de finances rectificative pour 2005 (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6430HEU), selon laquelle la TVA qui aurait dû grever le prix d'une opération non soumise à la taxe en application de dispositions jugées incompatibles avec les règles communautaires ne peut être déduite que sur présentation d'une facture rectificative attestant que son montant a été payé en sus du prix figurant sur la facture initiale.

Cette disposition, ayant pour principal objet de priver d'effet tant la jurisprudence communautaire que la décision précitée du Conseil d'Etat, a été déclarée contraire à la constitution, pour atteinte au principe de séparation des pouvoirs (Cons. const., 29 décembre 2005, décision n° 2005-531 DC N° Lexbase : A1205DML).

C'est seulement en 2006 que les sociétés concessionnaires d'autoroute ont accepté de délivrer des factures rectificatives mentionnant la TVA.

La plupart des usagers assujettis ont alors sollicité la délivrance de telles factures, la démarche ayant été largement facilitée par la mise en place de portails électroniques.

Mais, d'autres usagers avaient entrepris de demander le remboursement de la TVA grevant les péages, bien avant la décision du Conseil d'Etat du 29 juin 2005 et donc avant que les sociétés d'autoroute ne délivrent les factures rectificatives.

Ces usagers considéraient qu'ils pouvaient obtenir le remboursement de TVA, alors même qu'ils ne pouvaient pas produire de factures mentionnant la TVA. Ils soutenaient que l'exigence de production de factures rectificatives était disproportionnée, dès lors qu'il était alors impossible d'obtenir de tels documents. Le principe de proportionnalité étant un principe général du droit communautaire, les tribunaux administratifs de Clermont-Ferrand et de Grenoble avaient fait droit à cet argument dans des jugements qui ont été confirmés par la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 5ème ch., 12 juillet 2007, n° 04LY00592, précité).

C'est cette décision qui vient d'être infirmée par le Conseil d'Etat dans une décision du 5 mai 2010. La Haute juridiction considère que l'exigence de factures rectificatives n'est pas disproportionnée dès lors que les concessionnaires d'autoroutes ont offert la possibilité de délivrer des factures rectificatives en 2006 et en 2007. L'argument soulevé devant les juridictions du fond avait donc perdu sa pertinence.

Lexbase : Dans quelle mesure la décision du Conseil d'Etat du 5 mai 2010 peut faire obstacle, en pratique, à la récupération de la TVA par les intéressés ?

Jérémy Duret : La plupart des usagers assujettis ont obtenu la délivrance de factures rectificatives en 2006 et en 2007. La décision du Conseil d'Etat du 5 mai 2010 n'a donc aucune conséquence pour tous ces usagers qui ont obtenu la récupération de la TVA.

J'observe, d'ailleurs, que l'une des deux sociétés requérantes, dans cette affaire tranchée par le Conseil d'Etat, avait produit des factures rectificatives au cours de la procédure contentieuse et que l'administration avait alors procédé au remboursement de la TVA correspondante. Pour cette société, le litige ne subsistait que pour la moitié des péages du tunnel de Fréjus, puisqu'elle considérait (à tort) que l'exploitant du tunnel aurait dû faire figurer la TVA correspondant à l'ensemble du tunnel et non à la seule partie française.

Ainsi, le débat sur la récupération de la TVA grevant les péages acquittés entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2000 pour les usagers assujettis me paraît désormais être clos.

Lexbase : Concernant la question de la réparation du préjudice financier subi par les usagers à raison du décalage dans l'exercice de leur droit à déduction, les intéressés peuvent-ils espérer, le cas échéant, le paiement d'intérêts moratoires ?

Jérémy Duret : La question de l'indemnisation des contribuables qui ont été privés jusqu'en 2006 de l'exercice de leur droit à déduction en ce qui concerne la TVA ayant grevé les péages pour la période 1996-2000 est une question légitime.

On sait que certains transporteurs ont engagé la responsabilité de l'Etat devant les juridictions administratives et demandé le paiement de dommages-intérêts. A ma connaissance, ces actions n'ont pas prospéré, le juge administratif refusant cette indemnisation. Les juridictions se fondent, notamment, sur la circonstance qu'une action spécifique existe en matière fiscale.

Cette procédure spécifique est celle de l'article L. 208 du LPF (N° Lexbase : L7618HEU), selon lequel "quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires [...]". Selon cette disposition, les contribuables qui obtiennent un dégrèvement d'impôt à l'issue d'une procédure contentieuse ont droit à des intérêts moratoires, aussi bien lorsque le dégrèvement est consécutif à une instance devant les tribunaux que lorsqu'il est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation.

Dans ce dernier cas, il faut, en principe, pour pouvoir prétendre au paiement d'intérêts moratoires, avoir formé une réclamation contentieuse et avoir obtenu un dégrèvement d'impôt.

Le problème rencontré actuellement par les transporteurs routiers tient au fait que la récupération de la TVA ne s'est généralement pas faite par dégrèvement d'impôt mais plus simplement par imputation sur la déclaration CA3. En effet, les exploitants des autoroutes ont délivré des factures rectificatives, ce qui a permis de déduire la TVA sur CA3, sans passer par la voie de la réclamation contentieuse.

Certains services locaux ont accédé à des demandes de paiement d'intérêts moratoires. Toutefois, de nombreuses directions départementales des finances publiques refusent l'application de l'article L. 208 du LPF et donc l'indemnisation, en arguant que la restitution s'est faite par demande de remboursement de crédit de TVA sur CA3 et non par voie de dégrèvement.

Or, il me semble légitime que les intérêts moratoires puissent être accordés à toute demande formée dans le cadre de l'article L. 190 du LPF (N° Lexbase : L2974IAE), notamment toutes les actions tendant à l'exercice de droits à déduction et fondées sur la conformité d'une règle de droit interne à une règle de droit supérieure, qui doivent pouvoir être regardées comme des réclamations.

D'ailleurs, l'administration fiscale elle-même, dans une instruction du 10 mai 1990 (BOI 10 O-2-90), prévoit l'application des intérêts moratoires à l'action tendant à l'exercice de droits à déduction fondée sur la non-conformité d'une règle de droit interne à une règle de droit supérieure.

Enfin, il existe une obligation de réparation à laquelle les Etats sont tenus en cas de violation du droit communautaire. Le principe d'une telle obligation est clairement établi par la Cour de justice de l'Union européenne depuis une décision du 19 novembre 1991 (CJCE, 19 novembre 1991, aff. jointes C-6/90 et C-9/90 N° Lexbase : A5783AYT : RJF, 12/91, n° 1615).

Ainsi, je considère non seulement que la demande d'indemnisation est légitime mais aussi qu'il y a des arguments sérieux à faire valoir dans le cadre de cette demande.

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Environnement

[Questions à...] L'après Xynthia : les leçons à tirer d'une catastrophe - Questions à Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement et avocate de l'Association des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer

Lecture: 6 min

N6968BPR

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

D'une violence exceptionnelle, la tempête Xynthia a durement frappé le littoral atlantique le 28 février 2010. Les départements de Vendée et de Charente-Maritime ont été particulièrement touchés. Malgré l'engagement des secours, 53 personnes ont péri en France, et 79 ont été blessées. Au total, plus de 500 000 personnes ont été sinistrées à des degrés divers. Xynthia a aussi été à l'origine de dégâts matériels considérables. Peu de temps après le passage de la tempête, la conviction que des "zones de danger mortel" -c'est-à-dire de zones où les éléments menacent la vie humaine à tel point qu'aucun mécanisme de protection efficace ne peut y être instauré- devaient être sanctuarisées et que toute habitation devait y être interdite, s'est imposée. Cette conviction s'est traduite dans la mise en place d'une cartographie des "zones noires", rebaptisées "zones de solidarité". Déplorant le caractère unilatéral de l'action de l'Etat, de nombreux sinistrés, craignant une mesure brutale de destruction de leur habitation, ont pointé le manque de transparence du processus de délimitation des zones à risque, qui n'a selon eux, ni sens, ni fondement juridique. Pour faire le point sur ces différents enjeux, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21, députée au Parlement européen et avocate de l'Association des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer, l'une des communes françaises les plus touchées par la tempête, puisque 29 victimes y ont été à déplorer. Lexbase : Contestez-vous toujours le processus de délimitation des "zones noires" ?

Corinne Lepage : Bien sûr, car nous avons saisi le tribunal administratif d'un recours à ce sujet. S'il s'agit de déterminer les zones que les habitants peuvent quitter en bénéficiant de la loi "Barnier" (1), pourquoi pas. En revanche, s'il s'agit de désigner les maisons qui doivent être démolies sans l'accord des propriétaires, ce processus n'a aucune base légale. Nous avons commencé la procédure par un référé afin d'obtenir les études sur la base desquelles ces décisions avaient été prises (2). Nous avons gagné, mais l'Etat n'ayant pas voulu déférer à cette ordonnance, nous avons dû faire une demande d'astreinte pour obtenir ces documents (3). Les documents qui nous ont donc été transmis ne sont, en réalité, que de simples cartes puisque ces études n'existent tout simplement pas ! Ces cartes sont, en outre, accompagnées d'une méthodologie datant du 14 mai 2010 et qui n'a donc pu, par définition, servir de base à l'élaboration des "zones noires" (4). Nous avons ensuite déposé un référé suspension ; le tribunal a considéré qu'il n'y avait pas d'urgence (5) du fait que ces zones ne créaient pas un changement d'état de droit, et que de toute façon, l'audience sur le fond allait arriver rapidement, ce qui est le plus important pour nous. La menace initiale de destruction unilatérale des habitations, dont l'on entend d'ailleurs plus parler ces temps-ci, était une mesure brutale et totalement illégale, qui arrivait à contretemps et venait rajouter un second traumatisme au premier subi lors de la tempête.

Lexbase : Cependant, êtes vous d'accord avec le principe d'une "sanctuarisation" de certaines zones pouvant présenter un danger pour la vie des habitants ?

Corinne Lepage : Je suis quelqu'un de raisonnable, donc oui. Effectivement, il y a des parties de la commune de la Faute-sur-Mer qui n'auraient jamais dû être urbanisées, notamment ce qu'on a appelé la "vallée de la mort". Je cherche simplement à attirer l'attention sur deux choses : une appréciation locale, et une autre plus générale. Tout d'abord, en ce qui concerne l'entretien des digues et les mesures de prévention, il faut rappeler que la loi "Barnier" n'est applicable que pour autant qu'il ait été prouvé qu'il existe un risque capital et s'il est apporté la preuve que le coût d'expropriation est moins élevé que celui de réalisation des travaux. Or, l'une des interrogations de mes clients est de savoir pourquoi l'on est actuellement en train de faire les travaux sur les digues qui n'ont pas été réalisés pendant des années. Ensuite, de manière plus générale, et comme on l'a récemment vu avec les inondations de Draguignan (6), nous connaissons en France une sous-évaluation générale de l'exposition aux risques naturels mais aussi technologiques, à savoir toutes les zones "Seveso" (7) où la gestion du risque n'est pas meilleure qu'elle celle existant pour les zones naturelles.

Pour séparer efficacement les zones dangereuses des zones d'habitation, il faut permettre aux habitants de ces dernières de partir, et cela a un coût. Ainsi, le coût d'acquisition des 1 515 habitations classées en "zones noires" en Vendée et en Charente-Maritime pourrait représenter un coût brut de l'ordre de 800 millions d'euros (8). Or, le fonds "Barnier" (9) ne dispose d'un flux de trésorerie limité à 150 millions d'euros par an, et ne comprend que 50 millions actuellement. En outre, pour toutes les zones naturelles de France qui pourraient être exposées à ce genre de risques comme le littoral méditerranéen, la Camargue ou, plus largement, celles situées au bord d'un certain nombre de fleuves, l'on arrive à des sommes énormes. Si vous ajoutez à cela le départ des gens des zones "Seveso", on est en face d'un problème quasi-insoluble. Par ailleurs, les élus locaux, qui veulent légitimement développer leurs communes, sont souvent opposés à ces départs qui peuvent créer, selon eux, des risques de désertification. Enfin, les lois de prévention sont restées pour l'essentiel inappliquées, et ont même été combattues dans un certain nombre de cas, comme la loi "littoral" (10).

Lexbase : Comment mieux prendre en compte tous ces paramètres à l'avenir afin de prévenir plus efficacement les futures catastrophes naturelles ?

Corinne Lepage : Il va falloir revenir sur des systèmes beaucoup plus globaux d'évaluation des coûts et des avantages a priori de l'urbanisation ou de la désurbanisation, de leur modalités de financement, et des choix que l'on peut faire sur les terres récupérées qui peuvent devenir, par exemple, des zones d'expansion de crues. Le contrôle de l'Etat sur la délivrance des permis de construire devra aussi être singulièrement renforcé. A la Faute-sur-Mer, par exemple, la plupart des permis délivrés l'avaient été sans règles particulières liées aux risques d'inondation. Elles étaient simplement qualifiées de "zones d'aléas faibles", ce qui n'était manifestement pas vrai. Pourtant, lorsqu'on remblaie un ancien marais, où les agriculteurs savaient pertinemment que les vaches avaient les pieds dans l'eau la plupart du temps, l'on peut légitimement s'attendre à être confrontés à des problèmes importants. Si le pré-rapport du Sénat se contente de dénoncer une nébuleuse d'irresponsabilités collectives, ce qui me paraît un moyen commode de dire "personne n'est responsable", la procédure pénale actuellement en cours permettra de désigner les personnes physiques que l'on peut tenir pour responsables de ce désastre. Cependant, on ne peut pas non plus se permettre de "geler" un dixième du territoire français, ce que représente à peu près les zones à risque.

Pour les autres endroits qui peuvent faire l'objet, à des moments donnés, de phénomènes extrêmes, une piste intéressante à suivre ressemblerait à ce qui a récemment été mis en place à Chamonix pour les avalanches, à savoir un système qui dissocie la question des biens et la question des personnes. L'on déterminerait, ainsi, les zones où existe un risque majeur environ une fois par siècle, mais l'important étant de sauver des vies, l'on donnera aux gens les moyens de faire le choix. Ceux qui décident de rester doivent disposer d'un mécanisme leur permettant d'être prévenus à temps et de pouvoir partir. En revanche, ils doivent être prêts à perdre leur maison sans indemnisation, ou alors en une seule fois : une sorte de système de "propriété aménagée" qui leur permettrait de transmettre leur maison à leurs enfants mais de ne pas pouvoir la vendre, par exemple. Il faut aussi réfléchir à la manière d'optimiser ces sols une fois que les gens seront partis.

Lexbase : Quel regard portez-vous sur les mécanismes d'indemnisation prévus pour les habitants des "zones noires" ?

Corinne Lepage : Ils sont pour l'instant très favorables. Simplement, je ne vois pas comment on va les financer, et tout le problème va être dans le délai de paiement et ses modalités. Pour ce qui est des expropriations proprement dites, le chemin est encore long. Il faudra une procédure loi "Barnier", une enquête publique, une déclaration d'utilité publique, etc.. Le seul cas ressemblant qui ait été expérimenté est celui que j'ai mis en oeuvre en 1995 lorsque j'étais ministre de l'Environnement avec l'affaire de la "Séchilienne" (12). A l'époque, une montagne menaçait de s'effondrer sur un village de 150 maisons, village dont nous avons dû exproprier les habitants, même si à l'heure qu'il est, elle ne s'est toujours pas effondrée. Le décret d'expropriation que j'avais fait prendre au Premier ministre (13) a été validé par le Conseil d'Etat (14). Le fonds "Barnier", s'il est un outil qui va dans la bonne direction, n'est manifestement plus suffisant pour faire face à la montée des phénomènes extrêmes. Si nous sommes entrés, comme je le crois, dans une phase, non pas de réchauffement, mais de grands changements climatiques (le niveau de la mer devrait monter de 50 centimètres à 1 mètre d'ici la fin du siècle), il faut d'urgence réinventer de nouveaux schémas et ne pas d'avoir en permanence trois guerres de retard.

Une bonne solution serait de s'inspirer des exemples étrangers pour le reste, comme les Pays-Bas qui, par exemple, ont mis en place des sortes de barrages flottants sur les estuaires qui peuvent s'ouvrir et se fermer à volonté. Ils sont même en train de mettre en place des constructions qui peuvent "vivre" avec l'eau, c'est-à-dire monter quand l'eau monte. Nous en sommes très loin en France, où, pendant longtemps, la culture publique a été de dissimuler les risques aux citoyens pour mettre en avant le développement économique. C'est depuis longtemps vrai en matière de risques industriels, et ça l'est devenu en matière de risques naturels. L'Etat, par l'intermédiaire des préfets, doit donc maintenant jouer pleinement son rôle et ne plus céder à la pression de certains élus locaux, qui peuvent aussi être des hommes politiques nationaux de premier rang.


(1) Loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS), dont le titre II s'intitule "Dispositions relatives à la prévention des risques naturels".
(2) TA Nantes, 29 avril 2010, n° 1002332, Association de défense des victimes des inondations de la Faute-sur-Mer (N° Lexbase : A1574EXL).
(3) TA Poitiers, 1er juin 2010, n° 1001029, Association de défense des intérêts des victimes de Xynthia (N° Lexbase : A8844EXT).
(4) C'est le 8 avril 2010 que les préfectures de Vendée et de Charente-Maritime ont publié les périmètres précis des zones de danger en matière d'inondation.
(5) TA Poitiers, 1er juin 2010, n° 1001030, Association de défense des intérêts des victimes de Xynthia (N° Lexbase : A8845EXU).
(6) Les inondations qui ont eu lieu dans cette ville le 16 juin 2010 ont causé la mort de six personnes.
(7) La Directive (CE) 96/82 du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (N° Lexbase : L7868AUX), dite Directive "Seveso" impose aux Etats membres d'identifier les sites industriels présentant des risques d'accidents majeurs.
(8) Rapport d'information du Sénat du 10 juin 2010, p. 45.
(9) Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds "Barnier", créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 précitée, qui a pour but de contribuer au financement de l'acquisition amiable, par l'Etat, de biens fortement sinistrés par une catastrophe naturelle ou exposés à certains risques naturels majeurs menaçant gravement des vies humaines.
(10) Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (N° Lexbase : L7941AG9).
(11) Depuis la réalisation de cet entretien, les deux missions d'information parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat ont remis leurs rapports définitifs.
(12) Le Nouvel Observateur, 10 octobre 1996, Une montagne à déplacer un hameau, R. Marmoz.
(13) Décret du 31 mai 1997, portant déclaration d'utilité publique pour l'expropriation par l'Etat des biens exposés au risque naturel majeur d'éboulement des "Ruines de Séchilienne" (N° Lexbase : L8557IMU).
(14) CE 6° et 2° s-s-r., 7 avril 1999, n° 189263, Association "Vivre et rester au pays" (N° Lexbase : A5391AXX).

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Rémunération

[Jurisprudence] Primes de pause et respect du Smic

Réf. : Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-42.890, Société La Compagnie des fromages & Richesmonts, FS-P+B (N° Lexbase : A6850E4H)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

L'augmentation rapide du Smic horaire à partir de 2000, destinée à accélérer le rapprochement entre les salariés engagés après la réduction de la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires et leurs collègues bénéficiant d'une rémunération calculée sur la base de l'ancienne durée de 39 heures, a mis en difficulté les minima conventionnels, qui n'ont pas toujours suivi le mouvement et se sont trouvés rapidement rattrapés. Dans de nombreuses branches ou entreprises, la question du respect du Smic pour les salariés payés en application de ces planchers conventionnels s'est posée et, avec elle, celle des accessoires du salaire à prendre ou non en compte pour vérifier que les salariés percevaient effectivement le minimum légal. C'est tout l'intérêt d'un arrêt en date du 13 juillet 2010 qui statue, pour la première fois à notre connaissance, sur le sort d'une prime conventionnelle de pause. Selon la Haute juridiction, cette prime, lorsqu'elle ne rémunère pas un travail effectif, n'est pas versée en contrepartie d'un travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas, ne doit pas être prise en compte pour vérifier que les salariés perçoivent effectivement le minimum légal (I). Contrairement à ce qu'une lecture un peu rapide de la décision pourrait suggérer, la Cour de cassation n'exclut ainsi pas toutes les primes conventionnelles de pause de la rémunération à prendre en compte pour vérifier le respect du Smic, mais seulement celles qui, présentant un caractère forfaitaire, voient leur montant déconnecté de toute référence à la durée réelle de travail des salariés (II).
Résumé

Les primes de pause doivent être exclues du salaire devant être comparé au Smic dès lors que les salariés ne sont pas, pendant ces pauses, à la disposition de l'employeur, de sorte que celles-ci ne constituent pas du temps de travail effectif, qu'elles ne sont pas la contrepartie du travail et que leur détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas.

I - Détermination des sommes à prendre en compte dans la vérification du respect du Smic

  • Cadre légal

La détermination des sommes versées au salarié et devant être prises en compte pour vérifier s'il perçoit le Smic ou le minimum conventionnel fait depuis longtemps difficulté (1). Lorsque le salarié doit percevoir le minimum conventionnel et que celui-ci lui garantit une rémunération supérieure au Smic, les juges se fient aux termes des conventions collectives pour intégrer ou exclure les primes des sommes à prendre en compte. Mais lorsque les conventions collectives ne comportent pas d'indices d'intégration ou d'exclusion ou lorsqu'il s'agit de vérifier que le minimum conventionnel est bien au moins égal au Smic, alors les juges doivent se référer aux dispositions de l'ancien article D. 141-3 du Code du travail (N° Lexbase : L3714AB8), devenu D. 3231-6 (N° Lexbase : L9056H9B) après la recodification (2).

L'article D. 141-3 disposait que "le salaire horaire à prendre en considération pour l'application de l'article précédent est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, à l'exclusion des sommes versées à titre de remboursement de frais, des majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et, pour la région parisienne, de la prime de transport".

Ce texte a été légèrement remanié à l'occasion de sa recodification, même si son sens et sa portée n'ont pas varié ; l'article D. 3231-6 du Code du travail dispose, désormais, que "le salaire horaire à prendre en considération pour l'application de l'article D. 3231-5 (N° Lexbase : L9059H9E) est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire. Sont exclues les sommes versées à titre de remboursement de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport".

Les magistrats doivent donc déterminer, hormis les "remboursements de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport" légalement exclus de l'assiette, ce qu'il convient d'entendre par "avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire".

  • La prime de pause en cause

La présente affaire portait sur l'intégration, ou l'exclusion, d'une prime de pause instaurée par un accord d'entreprise conclu en 2001 et révisé en 2004 et qui portait sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. Cette prime avait été instaurée, de l'aveu même des partenaires sociaux (art. 6 de l'accord), pour "maintenir le salaire de base actuel sans augmenter le taux horaire", en complément du salaire horaire de base et du complément différentiel de salaire (3).

La cour d'appel avait donné raison aux salariés qui prétendaient que cette prime ne devait pas être prise en compte pour vérifier s'ils percevaient le Smic, et l'employeur tentait d'obtenir la cassation de cette décision défavorable.

  • Des moyens de cassation sérieux

Pour y parvenir, il faisait valoir qu'il était inexact d'exclure de l'assiette les primes de pause sous prétexte qu'elles ne rémunéraient pas un temps de travail effectif et que l'intention des partenaires sociaux était bien de donner à cette prime la nature d'un complément de salaire, puisqu'elle était versée en plus du salaire de base et du complément différentiel pour assurer aux salariés embauchés avant le passage aux 35 heures le maintien de leur rémunération au niveau antérieur (4).

Le moins que l'on puisse dire est que les arguments semblaient doublement sérieux.

En premier lieu, l'examen de la jurisprudence démontre clairement que de très nombreuses primes ont été prises en compte dans la vérification du Smic et ce, alors qu'elles ne rémunéraient pas du temps de travail effectif : on songera ici, pour ne prendre que quelques exemples (5), aux primes annuelles de congés (6), de vacances (7) ou de jours fériés (8), de treizième mois (9) ou de fin d'année (10), une prime d'amplitude journalière "versée aux salariés des entreprises de transports routiers [...] dès lors qu'elle s'ajoutait au salaire de base garanti, qu'elle est garantie dans les mêmes conditions que le salaire de base [...], qu'elle présente un caractère uniforme et forfaitaire et constitue une rémunération sur lequel le salarié peut toujours compter" (11), ou, encore, une prime de compensation horaire (12), et, plus généralement, à toutes les compensations salariales (13).

En second lieu, les dispositions conventionnelles en cause semblaient réserver la même qualification de "complément de salaire", formellement visé comme devant être pris en compte pour la vérification du Smic, au "salaire de base [...], à la prime de pause équivalente à 20 mn/jour [et le] complément différentiel RTT", les trois étant d'ailleurs également indexés.

Pourtant, l'arrêt est confirmé par le rejet du pourvoi, la Haute juridiction affirmant que "dès lors qu'il n'est pas contesté que pendant les pauses, les salariés n'étaient pas à la disposition de l'employeur de sorte que celles-ci ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant, qui ne sont pas la contrepartie du travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas, sont exclues du salaire devant être comparé au Smic".

II - L'exclusion des primes forfaitaires de pause de la rémunération à prendre en compte pour la vérification du respect du Smic

  • Le double apport de la décision

De cette décision importante sur le plan pratique ressortent deux éléments importants.

  • L'inclusion des sommes versées en contrepartie du travail effectif

En premier lieu, mais cela n'est pas une surprise, les éléments de rémunération directement versés en contrepartie d'un travail effectif doivent être pris en compte ; il s'agit, ici, du salaire, qui constitue le noyau dur des sommes intégrées, et plus largement tous les compléments qui en sont l'accessoire.

  • L'exclusion des sommes étrangères au travail du salarié

En second lieu, et c'est, ici, que réside le principal intérêt de la décision qui retient une formule inédite, sont exclues les primes "qui ne sont pas la contrepartie du travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas". Il s'agit, par conséquent, d'un double critère cumulatif faisant référence à la cause du versement (ne pas être la contrepartie du travail) et à ses modalités de calcul (dépendant de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas).

  • Une nouvelle formule jurisprudentielle

L'application de ce second double critère à certaines primes dont le régime a été précisé par la jurisprudence ne semble pas faire difficulté.

Il semble, en effet, logique, compte tenu de ces critères, d'intégrer les primes de congé, dans la mesure où leur existence et leur montant dépend du travail fourni par le salarié, les primes de vacances, qui compensent directement le travail (considéré au sens large) du salarié, et de manière générale toutes les primes liées à des critères de durée du travail (jours fériés, treizième mois, fin d'année). Il est également logique d'intégrer les primes dont le versement est directement déclenché par le travail accompli par les salariés (prime de rendez-vous, de polyvalence, de rentabilité ou rendement).

Selon les mêmes critères, ne doivent pas être prises en compte les primes dont le montant dépend non pas du travail réalisé, mais de facteurs personnels au salarié (comme l'ancienneté, l'assiduité, la fidélité) ou, au contraire, de "facteurs sur lesquels les salariés n'avaient pas d'influence directe" (14) (critère repris dans cette décision à quelque chose près : "dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas"), ainsi que, d'une manière générale, les primes visant à compenser des "sujétions particulières" (et ce contrairement aux primes compensant des conditions générales de la relation de travail), qu'il s'agisse de l'insalubrité, la pénibilité, l'insécurité, la cherté de la vie du salarié, le "travail de nuit, le dimanche ou les jours fériés", ou encore la soumission à une obligation de non-concurrence.

  • L'exclusion des primes de pause

Reste à déterminer si la solution qui résulte de l'arrêt rendu le 13 juillet 2010 s'insère harmonieusement dans cet ensemble, ou non. Si, dans un premier temps, on pourrait en douter, il nous semble à la réflexion que la solution est logique compte tenu de la jurisprudence actuelle.

Comme cela a été relevé, toutes les primes liées à la durée du travail avaient été jusqu'à lors prises en compte, qu'il s'agisse des primes de jours fériés, de vacances ou de treizième mois, de telle sorte que le sort réservé à la prime de pause en question pourrait étonner. La raison d'être de cette intégration semblait en effet claire car il s'agissait toujours d'asseoir leur calcul sur la durée réellement travaillée par le salarié et d'en déterminer le montant par une référence à un pourcentage de celle-ci (prime de congés payés correspondant à 10 % du salaire perçu, par exemple).

Or, en l'espèce, la prime de pause avait été fixée dans son montant de manière forfaitaire à vingt minutes par salarié et par jour, sans référence aucune à la durée réellement travaillée. Les partenaires sociaux avaient, par conséquent, déconnecté le montant de la prime de facteurs individuels, tenant à la durée du travail réellement accomplie par chaque salarié, donnant ainsi à la prime le caractère d'un avantage collectif et l'absence d'influence directe des salariés sur son montant (15).

  • L'exclusion des primes forfaitaire et l'inclusion des primes calculée sur la durée réellement travaillée

Si telle est bien la justification de la solution, ce ne sont donc pas toutes les primes de pause qui doivent ainsi être écartées, mais seulement celles dont le montant n'est pas calculé par référence au pourcentage de la durée effectuée par les salariés. Lorsque ce montant est déterminé en fonction de la durée du travail des salariés, comme c'est le cas dans de nombreuses autres conventions collectives, alors le montant de la prime dépend bien de facteurs particuliers sur lesquels les salariés influent et doit donc bien être intégré dans la masse prise en compte pour vérifier le respect du Smic.


(1) Dernièrement Cass. soc., 7 avril 2010, n° 07-45.322, Société de transports en commun de Limoges (STCL), FS-P+B (N° Lexbase : A5782EUP) et nos obs., La Cour de cassation apporte des précisions sur l'assiette des minima conventionnels, Lexbase Hebdo n° 392 du 22 avril 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N9426BNG).
(2) G. Pignarre, J. Cl. Trav. Traité, Fasc. 25-10: Salaire et accessoires-Notion. Eléments.
(3) Accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail conclu au sein de la société La Compagnie des fromages & Richesmonts.
(4) Sur la mise en place des garanties mensuelles de rémunération destinées à assurer le maintien des rémunérations des salariés payés au Smic et embauchés avant le passage aux 35 heures, lire notre chronique, Smic et réduction du temps de travail : la politique des petits pas, Dr. soc., 1999, p. 986-995 et Smic et réduction du temps de travail : la fin du cauchemar, Dr. soc., 2003, p. 18-24 ; Problèmes économiques n° 2.815 du 25 juin 2003, p. 11.
(5) Pour d'autres exemples, nos obs., La Cour de cassation apporte des précisions sur l'assiette des minima conventionnels, préc..
(6) Cass. soc., 12 février 1985, Dr. soc., 1985, p. 819, chron. J. Savatier.
(7) Cass. soc., 17 mars 1988, n° 85-41.930, Société anonyme Cambrai Chrome c/ Mme Goulin (N° Lexbase : A7605AAW) ; Cass. soc., 2 mars 1994, n° 89-45.881, Mme Bouvier (N° Lexbase : A0409ABR), Bull. civ. V, n° 76 ; Cass. soc., 26 septembre 2001, n° 00-40.819, Société Axa Conseil, inédit (N° Lexbase : A1071AWL) ; CA Aix-en-Provence, 18ème ch. soc., 29 mars 1990 ; CA Aix-en-Provence, 9ème ch. soc., 26 mars 1990.
(8) Cass. soc., 26 septembre 2001, n° 00-40.819, préc..
(9) Cass. soc., 17 mars 1988, n° 85-41.930, Société anonyme Cambrai Chrome c/ Mme Goulin (N° Lexbase : A7605AAW), Bull. civ. V, n° 187 ; Cass. crim., 29 novembre 1988, n° 86-92.449, Lenoir Jérôme (N° Lexbase : A8833AAE), Bull. crim. n° 405.
(10) Cass. soc., 2 mars 1994, n° 89-45.881, préc..
(11) Cass. crim., 18 juillet 1991, n° 89-83.128, Mendes Maïa Miguel et autre (N° Lexbase : A5046ABI).
(12) Cass. soc., 15 octobre 1987, n° 85-41.535, Société à responsabilité limitée Skalski Meubles c/ Mme Vincent et autre (N° Lexbase : A1979ABW), Bull. civ. V, n° 576.
(13) Cass. soc., 19 mars 1985, n° 84-43.194, Fédération Nationale des Travailleurs de la Céramique et autres c/ Société Lafarge-Réfractaires et autres (N° Lexbase : A3261AAZ), Dr. soc., 1985, p. 491 ; Cass. soc., 10 décembre 1985, n° 82-43.515, Société Kléber-Colombes c/ Catier et autres. 
(14) Cass. crim., 5 novembre 1996, n° 95-82.994, préc..
(15) La finalité de la prime conventionnelle en cause n'en détermine pas la qualification (Cass. soc., 7 avril 2010, n° 07-45.322, préc., à propos d'une prime destinée à améliorer le pouvoir d'achat des salariés), ce qui est logique compte tenu du caractère d'ordre public des critères réglementaires d'intégration dans la masse des sommes à prendre en compte pour vérifier le respect du Smic, et de l'office du juge, maître des qualifications.

Décision

Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-42.890, Société La Compagnie des fromages & Richesmonts, FS-P+B (N° Lexbase : A6850E4H)

Rejet CA Caen, 3ème ch., sect. Soc. 1, 29 mai 2009

Texte visé : C. trav., art. D. 3231-5 (N° Lexbase : L9059H9E)

Mots clef : Smic ; rémunération de référence ; prime de pause

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Les fruits de la validation des acquis de l'expérience

Réf. : Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 08-44.121, Association Adèle de Glaubitz, FS-P+B (N° Lexbase : A6734E48)

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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Depuis que le législateur a mis un point d'honneur à développer la "formation professionnelle tout au long de la vie" (1), de nouveaux outils sont apparus dans le monde de l'éducation et, bien sûr, dans le monde du travail. Très en vogue, l'un des processus de formation continue les plus prisés repose sur la validation des acquis de l'expérience (VAE), laquelle consiste à obtenir un diplôme par équivalence sur la base d'une expérience professionnelle suffisamment assise. Celui qui connaît ou a fréquenté une personne ayant suivi un parcours de VAE sait que celui-ci n'est pas toujours un long fleuve tranquille et demande des efforts conséquents dont il est bien logique d'espérer, à son issue, récolter les fruits. C'est sur cette question qu'était amenée à se prononcer la Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 13 juillet 2010. Cette décision était l'occasion pour la Chambre sociale de tenter de préciser les effets de la VAE (I), occasion en partie manquée compte tenu de la complexité des obligations respectives des parties en la matière (II).
Résumé

L'employeur est tenu d'assurer l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi. En outre, l'employeur d'un salarié qui a suivi la formation qualifiante exigée doit le faire bénéficier de la qualification qu'il a obtenue par la validation des acquis de l'expérience.

I - Les effets précisés de la validation des acquis de l'expérience

  • L'obligation d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi

C'est en 1992 qu'est apparue dans la jurisprudence de la Cour de cassation l'obligation de l'employeur d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi, obligation accessoire tirée du devoir de loyauté imposé aux parties dans l'exécution de leur contrat par l'article 1134, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) (2).

A l'origine, le manquement à cette obligation n'avait qu'une seule conséquence : l'employeur qui n'avait pas adapté les salariés à l'évolution de leur emploi ne pouvait valablement prononcer un licenciement pour motif économique en raisons d'innovations technologiques dans l'entreprise auxquelles un salarié ne se serait pas adapté.

Depuis lors, l'envergure de l'obligation d'adaptation s'est accrue, d'abord, parce que le législateur l'a introduite comme un préalable nécessaire à tout licenciement économique (3), ensuite, parce que la Chambre sociale a admis que le salarié pouvait avoir subi d'autres préjudices que le licenciement dépourvu de véritable justification prononcé contre lui (4).

L'importance de cette obligation ne se dément pas puisque la Chambre sociale rappelle, dans l'espèce commentée, que "l'employeur est tenu d'assurer l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi". Cette obligation d'adaptation peut être mise en oeuvre par différents moyens, parmi lesquels figure l'utilisation du processus de validation des acquis de l'expérience (VAE).

  • La validation des acquis de l'expérience

Les décisions relatives à la validation des acquis de l'expérience sont particulièrement rares, notamment en matière prud'homale, ce qui n'est pas illogique puisqu'il s'agit avant tout d'une question relevant du droit de l'éducation et que ce n'est qu'accessoirement que le droit du travail peut s'y intéresser (5).

L'article L. 6111-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9701IEZ), au sein duquel siègent les principes généraux de la formation professionnelle en France, dispose très clairement que "toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l'exercice de responsabilités syndicales". La VAE "a pour objet l'acquisition d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification" (6) et son fonctionnement est établi par les articles L. 335-5 (N° Lexbase : L9726IEX), L. 335-6 (N° Lexbase : L5198IMH), L. 613-3 (N° Lexbase : L5417HNX) et L. 613-4 (N° Lexbase : L9469AR7) du Code de l'éducation.

Pour assurer l'efficience de ce vecteur essentiel de la formation des salariés français, le Code du travail impose aux partenaires sociaux, au niveau de la branche (7) et de certaines grandes entreprises (8), de négocier tous les trois ans sur le thème de la formation professionnelle et, notamment, sur la VAE. Le comité d'entreprise des entreprises de plus de deux cent salariés doit également être consulté sur les problèmes généraux liés à la mise en oeuvre de la VAE dans l'entreprise (9).

Le Code du travail ne prévoit expressément la possibilité de suivre une action de VAE que dans le cadre d'un licenciement ou d'une démission (10), le solde du droit individuel à la formation du salarié pouvant être utilisé à cette fin. Malgré tout, la VAE peut intervenir en dehors de toute hypothèse d'usage du droit individuel à la formation et répond, d'ailleurs, à l'exigence d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi.

  • L'espèce

Un salarié avait été engagé, en 1978, en qualité de moniteur de sport. Après l'obtention d'un brevet d'Etat, il accéda aux fonctions de moniteur d'éducation sportive et physique. Enfin, en 2003, le salarié fut affecté à un poste d'éducateur technique, toujours au sein du même établissement. En effet, compte tenu des dispositions d'un avenant à la convention de branche applicable et de l'article L. 363-1 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L5408HNM), le salarié ne pouvait plus exercer les fonctions de moniteur d'éducation physique et sportive. Le salarié obtint le diplôme d'éducateur spécialisé par VAE en 2005, mais ne fut pas reclassé par son employeur à un emploi d'éducateur. Il saisit alors la juridiction prud'homale afin d'obtenir ce reclassement ainsi qu'un rappel de salaire afférent à ces fonctions.

Les juges d'appel firent droit à cette demande. Contestant cette solution, l'employeur forma un pourvoi en cassation. Il affirmait, d'abord, qu'en aucun cas l'employeur n'avait l'obligation de prendre en considération la nouvelle qualification acquise par VAE et, par conséquent, n'avait nullement le devoir de reclasser le salarié. En effet, selon lui, une telle obligation était limitée par les dispositions conventionnelles applicables à d'autres mécanismes de formation professionnelle sans que la VAE ne soit concernée. Toujours par application du statut conventionnel, le salarié ayant satisfait aux conditions pour obtenir un diplôme par VAE ne dispose que d'une priorité lors de l'examen des candidatures pour un poste de même qualification qui devrait être pourvu dans l'entreprise.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, par cet arrêt du 13 juillet 2010, rejette, cependant, le pourvoi. Elle rappelle, d'abord, que l'employeur a l'obligation d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi. Elle ajoute, ensuite, que l'article 4.2 de l'avenant n° 292 du 14 janvier 2004 à la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées du 15 mars 1966 impose aux salariés dont les diplômes ne seraient plus suffisants pour exercer leurs fonctions, "de suivre une formation qualifiante, les employeurs de ces salariés s'engageant à favoriser leur qualification, y compris par la validation des acquis de l'expérience", y compris si le salarié a bénéficié d'un avancement ou d'une formation. Elle en conclut, enfin, "que l'employeur d'un salarié qui a suivi la formation qualifiante exigée doit le faire bénéficier de la qualification qu'il a obtenue par la validation des acquis de l'expérience".

En somme, un salarié qui obtient un diplôme par VAE après avoir été contraint de suivre cette formation qualifiante est en droit d'exiger de récolter les fruits de cet effort et de bénéficier de la qualification correspondante.

II - Les effets complexes de la validation des acquis de l'expérience

  • Extension des effets de l'obligation d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi

La première conséquence de cette décision est d'étendre un peu plus le champ d'action de l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi. On savait, en effet, que cette obligation pouvait être mise en exergue lorsqu'un licenciement pour motif économique se profilait dans l'entreprise.

Ici, il n'est nullement question de difficultés économiques ou de mutations technologiques, mais plus simplement d'une évolution de la réglementation imposant pour certaines professions un diplôme qui n'était jusqu'alors pas nécessaire. Dit autrement, c'est le fait du prince qui rend les qualifications du salarié obsolètes, c'est pourtant l'employeur qui devra assurer la remise à niveau par l'acquisition du diplôme nécessaire dans le cadre de son plan de formation professionnelle.

  • Une formation exigée du salarié ?

La formule employée par la Chambre sociale peut, cependant, surprendre. En effet, s'il découle bien de la convention collective et de ses avenants que les salariés dont le diplôme ne correspond plus à ceux exigés par la réglementation en vigueur doivent se former, la reprise sans fard de cette exigence par la Chambre sociale est plutôt inattendue.

En évoquant le cas du "salarié qui a suivi la formation qualifiante exigée" (11), la Chambre sociale ne trouve rien à redire à cette contrainte. Peut-être les moyens ne l'invitaient pas à se prononcer sur cette question. Pourtant, on ne peut passer sous silence le texte de l'article L. 6421-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3017H9M), lequel dispose que "la validation des acquis de l'expérience ne peut être réalisée qu'avec le consentement du travailleur"... Comment concilier cet impératif légal avec la disposition conventionnelle clairement défavorable au salarié puisque lui imposant la remise à niveau par le biais d'une VAE (12).

  • L'obligation de s'adapter, une obligation bilatérale ?

Si la Chambre sociale accepte bel et bien qu'une convention collective puisse imposer au salarié de suivre une formation lorsque son diplôme ou ses qualifications deviennent obsolètes, on finit par ne plus très bien savoir si l'obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi repose sur les épaules de l'employeur, du salarié, voire des deux simultanément.

Le processus peut éventuellement être décomposé, chaque partie étant finalement débitrice d'obligations. L'employeur doit permettre au salarié de s'adapter aux évolutions de son emploi alors que, dans le même temps, le salarié doit accepter d'être formé. Enfin, lorsque le salarié aura acquis les qualifications requises, l'employeur ne pourra priver le salarié du bénéfice de cette formation dans l'entreprise et devra donc lui confier des fonctions et une rémunération correspondant à ces nouvelles qualifications. Tout cela, rappelons-le, en raison du fait du prince...


(1) V. la loi fondatrice n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8), ainsi que la plus récente loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie (N° Lexbase : L9345IET). Lire les obs. de Ch. Willmann, Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 : de nouveaux droits en matière d'orientation et de formation professionnelle (première partie), Lexbase Hebdo n° 374 du 3 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5875BMK) et Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 : rendre plus efficace l'organisation de l'orientation et de la formation professionnelle (seconde partie), Lexbase Hebdo n° 375 du 10 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5967BMX).
(2) Sur cette obligation, v. Cass. soc., 25 février 1992, n° 89-41.634, Société Expovit c/ Mme Dehaynain, publié (N° Lexbase : A9415AAX), Bull. civ V, n° 122 ; D., 1992, somm. 294, note A. Lyon-Caen ; D., 1992. 390, note M. Defossez ; JCP éd. E, 1992, I, 162, note D. Gatumel.
(3) C. trav., art. L. 1233-4 (N° Lexbase : L3135IM3) : "Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés".
(4) Cass. soc., 23 octobre 2007, n° 06-40.950, Syndicat professionnel l'Union des opticiens (UDO), FS-P+B (N° Lexbase : A8560DYP) et nos obs., Les préjudices découlant d'un manquement à l'obligation d'adaptation des salariés à leur poste de travail, Lexbase Hebdo n° 280 du 10 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N9845BCM).
(5) V., tout de même, un arrêt rappelant l'obligation pour l'employeur d'informer le salarié, s'il y a lieu, dans la lettre de licenciement, de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation : Cass. soc., 2 juin 2010, n° 09-41.409, M. Alain Luye, FS-P+B (N° Lexbase : A2237EYI).
(6) C. trav., art. L. 6411-1 (N° Lexbase : L3013H9H).
(7) C. trav., art. L2241-6 (N° Lexbase : L9596IE7).
(8) C. trav., art. L. 2242-15 (N° Lexbase : L2393H9I).
(9) C. trav., art. R. 2325-5 (N° Lexbase : L0197IAK).
(10) C. trav., art. L. 6323-17 (N° Lexbase : L9632IEH).
(11) Nous soulignons.
(12) Il est vrai, cependant, que la convention vise une mesure plus générale d'"action d'adaptation".

Décision

Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 08-44.121, Association Adèle de Glaubitz, FS-P+B (N° Lexbase : A6734E48)

Rejet, CA Colmar, ch. soc., sect. B, 17 juin 2008

Textes visés : néant

Mots-clés : obligation d'adaptation ; validation des acquis de l'expérience ; bénéfice des nouvelles qualifications

Lien base : (N° Lexbase : E1547ETH)

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Avocats/Honoraires

[Chronique] Chronique d'actualité relative aux honoraires d'avocat - Juillet 2010

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N6894BPZ

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par Samantha Gruosso, Avocat au Barreau de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité relative aux honoraires d'avocat, rédigée par Samantha Gruosso, Avocat au Barreau de Paris. Trois intéressantes décisions y sont mises en évidence. La première a trait à la compétence du Bâtonnier statuant sur les litiges relatifs aux honoraires des avocats et rappelle que cette compétence est liée par la qualité même d'honoraire des sommes en cause (CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 12 mars 2010, n° 09/22472). La deuxième porte sur la fixation des honoraires entre avocat plaidant et avocat postulant dans le cadre d'une requête d'envoi en possession (CA Douai, 12 janvier 2010, n° 09/02807). Enfin, la troisième décision revient sur l'honoraire de résultat et la caractérisation d'une décision irrévocable entraînant validation de la convention d'honoraire (Cass. civ. 2, 20 mai 2010, n° 09-11.862, FS-D).
  • La compétence du Bâtonnier statuant sur les litiges relatifs aux honoraires des avocats est liée par la qualité même d'honoraire des sommes en cause (CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 12 mars 2010, n° 09/22472 N° Lexbase : A0165EUN)

Normalement, toute action en recouvrement de créance, dès lors que celle-ci est de nature civile, est de la compétence du tribunal d'instance ou du tribunal de grande instance en fonction du montant de la créance et des taux de ressort.

Le recouvrement d'une créance d'honoraires que peut avoir un avocat sur son client, ce qui est une situation assez fréquente, n'obéit pas aux règles de procédure de droit commun.

En effet, le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 , pris en application de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L5730IM8), consacre dans le chapitre relatif aux règles professionnelles une section entière concernant les contestations en matière d'honoraires et débours.

La procédure spéciale prévue par le décret ne s'applique qu'au recouvrement des honoraires d'un avocat à l'encontre de son client et à l'exclusion de toute autre forme de recouvrement.

Lorsqu'un avocat détient une créance impayée par un confrère, la procédure prévue par les articles 174 et 179 du décret précité n'est pas applicable. Dans ce cas, la procédure est celle de droit commun ou éventuellement, si les parties sont d'accord, celle d'un arbitrage du Bâtonnier.

La spécificité de cette procédure de recouvrement des honoraires d'avocats exclut, également, toute possibilité de recourir à la procédure de référé provision.

L'instance en recouvrement ou en contestation d'honoraires ne peut non plus avoir pour objet une demande qui tendrait à obtenir une condamnation à des dommages et intérêts en réparation d'une faute professionnelle invoquée qui reste de la compétence des juridictions civiles de droit commun.

Ainsi, c'est la qualité même d'honoraires des sommes en cause qui détermine la compétence du Bâtonnier.

La jurisprudence est parfaitement établie en la matière.

A titre d'exemple le Bâtonnier est incompétent en matière de responsabilité professionnelle (Cass. civ. 2, 10 février 2005, n° 03-17.341, F-D N° Lexbase : A6292DG7), ou encore d'une demande de dommages et intérêts en réparation des sommes versées (TGI Paris, 20 décembre 2006, n° 2005/10350).

Aux termes de son arrêt rendu le 12 mars 2010, la cour d'appel de Paris vient, à nouveau, confirmer cette compétence exclusive.

Ainsi, le Bâtonnier est incompétent en matière de restitution d'une somme d'argent versée au titre d'une participation au capital d'une société de gestion de portefeuille dont le projet n'a pas abouti.

En l'espèce, le conseil d'un justiciable a interjeté appel d'une ordonnance rendue le 12 octobre 2009, par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil, qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée au bénéfice du Bâtonnier.

Un justiciable avait remis, en date du 23 mai 2007, à son conseil, un chèque d'un montant de 50 000 euros.

N'ayant pu obtenir restitution de cette somme, le justiciable a assigné son conseil devant le tribunal de grande instance de Créteil afin d'en obtenir la restitution.

Son conseil s'est opposé à cette demande en soulevant devant le juge de la mise en état une exception d'incompétence au bénéfice du Bâtonnier au motif que cette somme correspondrait, en réalité, à une note d'honoraires pour des diligences effectuées à l'occasion du montage juridique de ladite société.

Or, la nature même de cette somme d'argent ne relève pas de la procédure spéciale prévue par le décret du 27 novembre 1991, et par là, de la compétence du Bâtonnier tirée de l'article 174 et suivants du décret organisant la profession d'avocat : "la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret organisant la profession d'avocat ne s'applique qu'aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires d'avocats[...]" que le justiciable "ne formule pas une telle demande, mais sollicite la restitution d'une somme d'argent versée au titre d'une participation au capital d'une société dont le projet n'a pas abouti, le bâtonnier de l'Ordre des avocats n'est à l'évidence pas compétent pour statuer sur une telle demande".

  • Fixation des honoraires entre avocat plaidant et avocat postulant dans le cadre d'une requête d'envoi en possession (CA Douai, 12 janvier 2010, n° 09/02807 N° Lexbase : A5224EUZ)

Aux termes de son ordonnance rendue le 12 janvier 2010, le Premier président de la cour d'appel de Douai fait une stricte application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130) qui opère une distinction entre la tarification de la postulation, des actes de procédure qui sont régis par les dispositions du Code de procédure civile et des honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie.

Plus précisément dans le cadre d'une procédure d'envoi en possession celle-ci est régie par les règles de procédure ordinaire des ordonnances sur requête prévue par l'article 1008 du Code civil (N° Lexbase : L7571AHU), et qui relève du domaine de la postulation par référence à la compétence antérieure des avoués de première instance.

Dans ces conditions, l'avocat qui diligente une procédure d'envoi en possession agit comme postulant et ne peut prétendre qu'à des honoraires fixés par la loi selon un barème qui distingue les débours et les émoluments et non par une convention d'honoraires.

L'origine de la tarification prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 se trouve dans le tarif qui était celui des avoués de grande instance, officiers ministériels, aujourd'hui disparus, et qui avaient le monopole de la représentation des parties depuis le 2 avril 1960, même si les taux ont été modifiés modestement à plusieurs reprises.

La postulation est vigoureusement défendue par l'ensemble des avocats exerçant en province, alors que les avocats parisiens y sont moins attachés et, d'ailleurs, peu d'entre eux établissent régulièrement l'état de frais correspondant aux émoluments de la postulation.

Ce tarif prend pour assiette les demandes formées devant le tribunal. Il comprend un droit fixe, un droit variable et un droit proportionnel auxquels peuvent s'ajouter les déboursés (frais de papeterie, de correspondances, d'affranchissements, de photocopies et d'impressions).

Les émoluments sont répétibles sur la partie perdante, c'est-à-dire qu'ils peuvent être recouvrés sur la partie à la charge de laquelle la juridiction a mis les dépens du procès. Dans certains cas, le tribunal partage les dépens entre les différentes parties.

Une fois le jugement rendu, l'avocat postulant établit un état de frais comportant le montant des émoluments avec la distinction entre les différents droits et débours. Il ne peut, cependant, en obtenir le paiement, soit auprès de son client, soit auprès de la partie adverse qu'après avoir soumis son état de frais à vérification du secrétariat greffe du tribunal.

En l'espèce, Me C. a été mandaté par Me L., notaire, afin de diligenter une procédure d'envoi en possession devant le tribunal de grande instance de Lille dans une succession C..

En date du 9 septembre 2008, Me C. a saisi le Bâtonnier d'une demande de taxation à la suite du non paiement de ses honoraires.

Par ordonnance en date du 7 avril 2009, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris a débouté Me C. de ses demandes. Celui-ci a interjeté appel de ladite ordonnance.

Pour prétendre au règlement d'honoraires, Me C. a fait valoir qu'une convention d'honoraires a été conclue entre les parties au moyen deux lettres des 17 novembre 2004 et 13 février 2007, constituant un accord relatif à la prestation d'avocat en matière d'envoi en possession et comportant divers niveaux de forfaits définis en fonction du montant de l'actif successoral.

Le Premier président de la cour d'Appel de Douai, pour débouter Me C. de l'intégralité de ses demandes, précise que les deux lettres précitées ne peuvent constituer une convention d'honoraires dans la mesure où elles ne sont pas spécialement relatives à la procédure d'envoi en possession et qu'elles ne définissent pas une rémunération pour une ou plusieurs missions précisément définies.

Le Premier président de la cour d'appel de Douai ajoute que l'application des deux lettres précitées aboutirait à un pacte de quota litis prohibé par l'alinéa 3 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et qui dispose que "toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu".

De surcroît, le Premier président de la cour d'appel de Douai rappelle que la réforme opérée par la loi du 31 décembre 1971 n'a pas modifié le système de tarification applicable à la procédure d'envoi en possession, de sorte que la tarification fixée par la loi continue à s'appliquer avec la persistance du tarif légal.

Dans ces conditions, l'avocat qui diligente une telle procédure qui entrait précédemment dans le champ de compétence de l'avoué de première instance, n'agit que comme postulant.

Cette délimitation de compétence trouve son origine dans la définition juridique de la mission procédurale confiée à l'avocat, celle-ci ne saurait résulter de l'accomplissement des actes de cette procédure d'envoi en possession devant le tribunal de grande instance impliquant un prétendu cumul des deux qualités d'avocat postulant et d'avocat plaidant.

En effet, le cumul de ces deux qualités, avec les conséquences en matière de rémunération n'est possible que si la mission comporte l'exercice des deux, ce qui n'est pas le cas de la procédure d'envoi en possession qui correspond à une mission antérieurement dévolue à l'avoué de première instance à laquelle il convient d'appliquer la tarification de la postulation.

Enfin, la nature contentieuse de cette procédure ne saurait modifier les conséquences de la rémunération de la mission correspondant à l'accomplissement des actes de ladite procédure.

  • Honoraire de résultat et caractérisation d'une décision irrévocable entraînant validation de la convention d'honoraire (Cass. civ. 2, 20 mai 2010, n° 09-11.862, FS-D N° Lexbase : A7259EX7)

Les honoraires sont fixés par accord entre l'avocat et son client. Cet accord est dénommé "convention d'honoraire", et peut être verbal ou convenu par écrit.

Si la convention d'honoraires n'est pas obligatoire, elle apparaît, néanmoins, nécessaire et constitue pour les parties "un instrument de mesure" en cas de conflit.

La convention d'honoraires, sous réserve du contrôle déontologique du Bâtonnier et de celui de la Cour de cassation qui s'est arrogée, depuis un arrêt du 3 mars 1998 (Cass. civ. 1, 3 mars 1998, n° 95-21.387 N° Lexbase : A2039ACI, JCP éd. G, 1998, II, n° 10116), le pouvoir de "modérer" l'honoraire convenu entre l'avocat et son client, est libre et obéit au principe de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

S'agissant de l'honoraire de résultat, celui-ci doit faire l'objet d'une convention préalable écrite. Celle-ci ne peut être signée en cours de procédure, ni à l'issue du litige.

Il est nécessaire que la convention insère une définition précise du résultat envisagé, sous peine de non application de l'honoraire complémentaire de résultat (CA Paris, ord. du Premier président, 17 février 1999, Rec. jurispr., 1er septembre 2001, M. B.).

L'honoraire de résultat ne se comprend qu'après un résultat définitif (Cass. civ. 2, 28 juin 2007, n° 06-11.171, FS-P+B N° Lexbase : A9419DWR)

Ainsi, lorsqu'un avocat est dessaisi avant la fin de la procédure, l'accord devient caduc. Il conviendra, alors, d'appliquer les critères légaux issus de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 11 du Règlement intérieur.

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 20 mai 2010, soumettant la validation d'une convention d'honoraires prévoyant des honoraires de résultat à l'obtention d'une décision irrévocable.

En l'espèce, Madame G. avait confié la défense de ses intérêts à Me C. dans le cadre d'un contentieux de sécurité sociale afin de voir reconnaître le caractère professionnel de la maladie ayant causé le décès de son mari et conclu avec celui-ci une convention d'honoraires prévoyant un honoraire fixe de diligences et un honoraire de résultat égal à 10 % des sommes versées.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a condamné la caisse primaire d'assurances maladie du Vaucluse à verser à Madame G. une rente. Cependant, l'ancien employeur de l'époux défunt, a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale. Néanmoins, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse a exécuté spontanément la décision rendue en faveur de Madame G.. Entre temps Me C. s'est dessaisi du dossier et Madame G. a refusé de régler l'intégralité des honoraires demandés. C'est dans ces conditions que Me C. a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande de fixation de ses honoraires. Le Bâtonnier avait accueilli la demande de Me C. Alors, Madame G. a interjeté appel de la décision rendue par le Bâtonnier.

Par une ordonnance rendue le 9 mai 2007 le premier Président de la cour d'appel de Nîmes a infirmé la décision rendue par le Bâtonnier et réduit le montant des honoraires au motif qu'à la date du dessaisissement de l'avocat, aucune décision juridictionnelle n'était intervenue de sorte que la convention d'honoraires n'était pas applicable.

Me C s'est pourvu en cassation.

Au visa des articles 1134 et 1194 (N° Lexbase : L1296ABM) du Code civil et 10 de la loi du 31 décembre 1971, la deuxième chambre civile casse et annule l'arrêt rendu par le Premier président de la cour d'appel de Nîmes, au motif que "la caisse avait, avant son dessaisissement de Me C. et après appel de l'employeur, volontairement exécuté la condamnation mise à sa charge par le tribunal qui bénéficiait à la seul Madame G. et sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette exécution ne rendait pas irrévocable la décision obtenue".

Ainsi, la deuxième chambre civile vient donner, dans cet arrêt, une précision complémentaire sur le caractère définitif de l'honoraire de résultat obtenu.

En effet, l'exécution spontanée et volontaire par le débiteur d'une condamnation judiciaire suffit à caractériser un résultat dit "définitif" entraînant l'application de la convention d'honoraires comprenant un honoraire de résultat.

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Baux commerciaux

[Textes] Bail commercial et "Grenelle 2"

Réf. : Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement (N° Lexbase : L7066IMN)

Lecture: 11 min

N6984BPD

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 07 Octobre 2010


La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite "Grenelle 2", portant engagement national pour l'environnement (N° Lexbase : L7066IMN), s'inscrit dans le prolongement de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (N° Lexbase : L6063IEB), dite "Grenelle 1", qui a déterminé les objectifs de l'Etat dans le domaine environnemental. La loi du 12 juillet 2010 comporte six titres (bâtiments et urbanisme ; transports ; énergie et climat ; biodiversité ; risques, santé, déchets ; et gouvernance). Le titre I, qui tend à améliorer la performance énergétique des bâtiments, et le titre V, qui tend à garantir la santé et à mieux gérer les déchets, comportent des dispositions qui concernent les baux commerciaux.


I - Informations sur les performances énergétiques de l'immeuble mis en location

A - Sur le diagnostic de performance énergétique

L'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7433IMA) définit le diagnostic de performance énergétique :
"Le diagnostic de performance énergétique d'un bâtiment ou d'une partie de bâtiment est un document qui comprend la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou de la partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance énergétique. Il est accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance".

Cette définition n'a pas été modifiée par la loi du 12 juillet 2010. L'article 1, I, 6°, de cette loi a ajouté deux alinéas à cet article L. 134-1.

1° Les conditions de validité du diagnostic liées au diagnostiqueur

Le premier de ces deux alinéas dispose que le diagnostic de performance énergétique "est établi par une personne répondant aux conditions prévues à l'article L. 271-6 (N° Lexbase : L7436IMD)".

L'article R. 134-4 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1965HSL) indiquait déjà que "pour réaliser le diagnostic de performance énergétique, il est fait appel à une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6 et de ses textes d'application". Ce texte réglementaire est issu du décret n° 2006-1147 du 14 septembre 2006, relatif au diagnostic de performance énergétique et à l'état de l'installation intérieure de gaz dans certains bâtiments (N° Lexbase : L3496HP8), dont l'article 3 précisait le champ d'application de cette exigence en disposant que "jusqu'au 1er novembre 2007 et par dérogation aux dispositions de l'article R. 134-4, le diagnostic de performance énergétique peut être réalisé par un technicien qualifié". Compte tenu du fait que cette exigence est désormais intégrée à l'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation, l'article R. 134-4 pourrait être modifié par le décret d'application de la loi du 12 juillet 2010 à paraître.

On rappellera que l'article L. 271-6 du Code de la construction et de l'habitation, non modifié sur ces points, si ce n'est pour préciser que les conditions qu'il édicte quant au diagnostiqueur sont également applicables pour les diagnostics visés à l'article L. 134-1 de ce code, dispose que le diagnostiqueur doit :
- présenter des garanties de compétence, certifiées par un organisme accrédité (CCH, art. R. 271-1 N° Lexbase : L3356ICB), et disposer d'une organisation et de moyens appropriés ;
- souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d'un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions, la garantie ne pouvant être inférieure à 300 000 euros par sinistre et 500 000 euros par année d'assurance (CCH, art. R. 271-2 [LXB= L3482ICX]) ;
- n'avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à lui, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d'établir un diagnostic ;
- remettre au propriétaire un document par lequel il atteste sur l'honneur qu'il est en situation régulière au regard des articles L. 271-6 et suivants et qu'il dispose des moyens en matériel et en personnel nécessaires à l'établissement des états, constats et diagnostics composant le dossier (CCH, art. R. 271-3 [LXB= L3401ICX]).

Les manquements à ces prescriptions sont pénalement sanctionnés (CCH, art. R. 271-4 N° Lexbase : L3364ICL).

2° La durée de validité du diagnostic

Le second alinéa ajouté à l'article L. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation par la loi du 12 juillet 2010, dispose que la durée de validité du diagnostic de performance énergétique sera fixée par décret qui, à ce jour, n'a pas encore été publié.

Actuellement, l'article R. 271-5 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L3451ICS) fixe la durée de validité du diagnostic à 10 ans mais seulement pour celui exigé lors des actes ou promesses de vente.

3° Le champ d'application de l'obligation de fournir un diagnostic de performance énergétique

L'ancien article L. 134-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L4373HWU) disposait que "le diagnostic de performance énergétique est communiqué à l'acquéreur et au locataire dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 (N° Lexbase : L4381HW8) à L. 271-6 du présent code et à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (N° Lexbase : L8461AGH)".

Le renvoi aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 pouvait être interprété comme limitant l'obligation de communiquer le diagnostic de performance énergétique aux locataires de locaux d'habitation. Toutefois, le renvoi à la loi du 6 juillet 1989 était limité aux conditions et modalités de transmission du diagnostic et l'article R. 134-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9207IAA) précise que les dispositions relatives à ce diagnostic s'appliquent "à tout bâtiment ou partie de bâtiment clos et couvert", sans distinction, à l'exception "des bâtiments ou parties de bâtiments à usage agricole, artisanal ou industriel, autres que les locaux servant à l'habitation, dans lesquels le système de chauffage ou de refroidissement ou de production d'eau chaude pour l'occupation humaine produit une faible quantité d'énergie au regard de celle nécessaire aux activités économiques". Une réponse ministérielle avait précisé que l'obligation de communiquer le diagnostic de performance énergétique ne s'appliquait qu'aux seuls baux de locaux situés dans les bâtiments à usage principal d'habitation (QE n° 619 de M. Gérard Hamel, JOANQ 17 juillet 2007 p. 4893, réponse publ. 14 août 2007 p. 5293, 13ème législature N° Lexbase : L8480IMZ). La loi du 12 juillet 2010 a supprimé, à l'article L. 134-3, la référence à la loi du 6 juillet 1989, ainsi que la communication du diagnostic au locataire.

En revanche, et levant désormais toute ambiguïté, un nouvel article L. 134-3-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7441IMK) a été créé, aux termes duquel "en cas de location de tout ou partie d'un immeuble bâti, le diagnostic de performance énergétique prévu par l'article L. 134-1 est joint à des fins d'information au contrat de location lors de sa conclusion, sauf s'il s'agit d'un contrat de bail rural ou lorsque ce sont des contrats de location saisonnière".

Il doit être noté que l'obligation de communiquer le diagnostic n'est prévue que lors de la conclusion du bail. L'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, qui n'a pas été modifié, impose cependant une communication du diagnostic lors de la signature du contrat mais également lors de son renouvellement. Il pourrait être soutenu que cette obligation de communiquer le diagnostic lors du renouvellement devrait être cantonnée aux baux soumis à la loi du 6 juillet 1989 et donc inapplicable lors du renouvellement d'un bail commercial.

Tout en constituant désormais le nouveau siège de l'obligation de communiquer le diagnostic de performance énergétique lors de la conclusion d'un bail, ce texte en précise le champ d'application en la rendant applicable aux baux portant sur tout ou partie d'un immeuble bâti, à l'exception des baux ruraux et des contrats de location saisonnière. Il doit être rappelé que les contrats de location saisonnière ne sont pas soumis au statut des baux commerciaux (C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L2320IBK).

Le diagnostic de performance énergétique doit donc être, sans discussion possible, communiqué lors de la conclusion d'un bail commercial.

4° La sanction de l'absence de communication de diagnostic ou de la communication d'un diagnostic erroné

L'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, applicable aux baux d'habitation, dispose que "le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n'a qu'une valeur informative".

Le nouvel article L. 134-3-1 du Code de la construction et de l'habitation confère une portée générale à cette absence de sanction en précisant que "le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique". Ces dispositions ne permettent pas d'exclure la mise en jeu de la responsabilité du bailleur si le locataire venait à subir un préjudice du fait de l'absence de communication de diagnostic (cf. Ph. Pelletier, S. Fraîche-Dupeyrat, Rev. Loyers, 878/2007, n° 547). Il doit être noté à cet égard que le nouvel article L. 134-3-1 ne précise pas que le diagnostic n'aurait qu'une valeur informative.

B - La mention du classement du bien au regard de sa performance énergétique dans les annonces de vente ou location

En amont de la signature du contrat de location, une nouvelle obligation d'information relative à la performance énergétique des immeubles a été créée en cas de mise en vente ou location.

La loi du 12 juillet 2010 a créé un nouvel article L. 134-5 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7439IMH) qui dispose que, "en cas de vente ou de location d'un bien immobilier, le classement du bien au regard de sa performance énergétique est mentionné dans les annonces relatives à la vente ou la location, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat". Cette obligation, toujours selon ce texte, ne prendra effet qu'à compter du 1er janvier 2011.

C - L'obligation pour les diagnostiqueurs de transmettre les diagnostics de performance énergétique à l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie

La loi du 12 juillet 2010 a créé un nouvel article L. 134-4-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7439IMH) qui impose aux personnes qui ont établi des diagnostics de performance énergétique de les transmettre à l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie aux fins d'études statistiques, d'évaluation et d'amélioration méthodologique.

Enfin, il doit être noté que la loi "Grenelle 2" a créé un nouvel article L. 134-4-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7442IML) qui impose la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2012. Toutefois, toujours selon ce texte, pour les bâtiments à usage principal d'habitation en copropriété de cinquante lots ou plus, équipés d'une installation collective de chauffage ou de refroidissement, et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001, seul un audit énergétique devra être réalisé, audit dont le contenu et les modalités de réalisation seront définis par décret en Conseil d'Etat. Il n'est pas prévu en l'état que ce diagnostic soit communiqué aux locataires de ces bâtiments.

II - L'état des risques naturels et technologiques

Aux termes de l'article L. 125-5, I, du Code de l'environnement, (N° Lexbase : L7437IME), non modifié sur ce point, les locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, doivent être informés par le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret. A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet.

Le point II de cet article ajoute que "en cas de mise en location de l'immeuble, l'état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986".

L'obligation de fournir un état des risques ne semblait pas dépendre de l'usage, de la destination ou de l'affectation de l'immeuble mis en location, le visa des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ne concernant que les modalités selon lesquelles l'état est fourni. En pratique, et s'agissant des baux commerciaux, cet état était le plus souvent fourni.

A l'instar de ce qui a été prévu pour le diagnostic de performance énergétique, la loi du 12 juillet 2010 a modifié l'article L. 125-5 du Code de l'environnement en ajoutant un paragraphe précisant expressément que "l'état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et L. 145-2 (N° Lexbase : L2371IBG) du Code de commerce", soit aux baux soumis au statut des baux commerciaux.

Il doit être noté qu'a contrario, il pourrait être soutenu que l'état des risques n'a pas à être annexé aux baux dérogatoires de l'article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L2320IBK) ou aux baux professionnels. Toutefois, compte tenu de la généralité des autres dispositions de l'article L. 125-5 du Code de l'environnement et de la gravité des sanctions encourues en cas d'absence de communication de ce document (le locataire pouvant poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix), il est préférable pour le bailleur de l'annexer à toutes les catégories de baux.

La question pourra aussi se poser de savoir s'il est nécessaire de fournir cet état lors du renouvellement d'un bail commercial. Le renvoi à l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 semble l'imposer.

III - La nouvelle "annexe environnementale" pour les bureaux et commerce de plus de 2 000 mètres carrés

La loi du 12 juillet 2010 crée l'annexe environnementale qui s'inscrit dans la perspective du "bail vert" (sur le bail vert, voir A. Fourmon, Gaz. Pal., 26 et 27 mars 2010, p. 22).

Elle ajoute, en effet, un nouvel article au Code de l'environnement, l'article L. 125-9 (N° Lexbase : L7446IMQ) aux termes duquel "les baux conclus ou renouvelés portant sur des locaux de plus de 2 000 mètres carrés à usage de bureaux ou de commerces comportent une annexe environnementale".
Un décret à paraître précisera le contenu de cette annexe.

Toujours selon ce nouveau texte, le preneur et le bailleur communiquent mutuellement toutes informations utiles relatives aux consommations énergétiques des locaux loués. Le preneur permet au bailleur l'accès aux locaux loués pour la réalisation de travaux d'amélioration de la performance énergétique. Cette annexe environnementale peut prévoir les obligations qui s'imposent aux preneurs pour limiter la consommation énergétique des locaux concernés.

L'article L. 125-9 du Code de l'environnement prévoit que ces dispositions prendront effet le 1er janvier 2012 à l'égard des baux conclus ou renouvelés à partir de cette date. Elles ne prendront effet que trois ans après l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement pour les baux en cours.

IV - Nouvelle obligation d'information sur les risques de pollution des sols

La loi du 12 juillet 2010 a créé un nouvel article L. 125-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7726IM4) qui impose à l'Etat de rendre publiques les informations dont il dispose sur les risques de pollution des sols, informations devant être prises en compte dans les documents d'urbanisme lors de leur élaboration et de leur révision.
Un nouvel article L. 125-7 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7725IM3) dispose que lorsque les informations rendues publiques en application de l'article L. 125-6 font état d'un risque de pollution des sols affectant un terrain faisant l'objet d'une transaction, le bailleur du terrain est tenu d'en informer par écrit le locataire et communiquer les informations rendues publiques par l'Etat, en application du même article L. 125-6. L'acte de location doit attester de l'accomplissement de cette formalité.

A défaut et si une pollution constatée rend le terrain impropre à sa destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans après la découverte de la pollution, le locataire a le choix de poursuivre la résolution du contrat ou d'obtenir une réduction du loyer.

Un décret en Conseil d'Etat définira les modalités d'application de ce nouvel article.

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