La lettre juridique n°972 du 1 février 2024

La lettre juridique - Édition n°972

Baux commerciaux

[Jurisprudence] L’offre de renouvellement d’un bail commercial requalifiée en congé sans renouvellement

Réf. : Cass. civ. 3, 11 janvier 2024, n° 22-20.872, FS-B N° Lexbase : A20992D4

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N8242BZB

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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Directeur du master Ingénierie des sociétés, Membre du Centre de droit économique (UR 4224) et de l’Institut de droit des affaires (IDA), Avocat au Barreau d’Aix-en-Provence

Le 31 Janvier 2024

Mots-clés : bail commercial • congé avec offre de renouvellement • clauses et conditions différentes du bail expiré • requalification • congé avec refus de renouvellement • indemnité d’éviction

Un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s'analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d'éviction.


 

1. Par un arrêt en date du 11 janvier 2024, que personne n’avait vu venir, la troisième chambre civile de la Cour de cassation considère qu’un congé qui offre le renouvellement assorti de nouvelles conditions autres que le loyer doit s’analyser en un refus de renouvellement [1]. À la question donc de savoir si un congé avec offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, peut s'analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d'éviction, la Cour de cassation répond, étonnement, par la positive.

2. Les faits sont singuliers. En l'espèce, le 15 janvier 1999, un syndicat intercommunal d'aménagement touristique, aux droits duquel venait une communauté de communes, donna à bail à M. et Mme X un local commercial à usage de restaurant. Le 29 avril 2016, la bailleresse leur délivra un congé avec offre de renouvellement, subordonnée, notamment, à la modification de la contenance des lieux loués et à des obligations d'entretien des locataires [2]. Ces derniers restituèrent les lieux loués et assignèrent la bailleresse en paiement d'une indemnité d'éviction[3]. La cour d'appel [4] rejette leur demande. Elle relève que les modifications auxquelles la bailleresse entendait subordonner l'offre de renouvellement, portant atteinte à la fois à la contenance des lieux loués et aux obligations du preneur, ne pouvaient s'inscrire valablement dans le cadre d'un congé avec offre de renouvellement. Elle retient en outre que le congé exprimait néanmoins une offre de régularisation d'un nouveau bail, de sorte qu'il ne pouvait s'analyser en un congé sans offre de renouvellement[5].

3. Les locataires se pourvoient en cassation. La Haute juridiction censure la décision de la cour d'appel, retenant qu’il résulte des articles 1103 du Code civil N° Lexbase : L0822KZH, L. 145-8 N° Lexbase : L5735IS9 et L. 145-9 N° Lexbase : L2009KGI du Code de commerce qu'à défaut de convention contraire, le renouvellement du bail commercial s'opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation de prix. Dès lors, la Cour de cassation retient qu'un congé est un acte unilatéral qui met fin au bail par la seule manifestation de volonté de celui qui l'a délivré [6]. Par conséquent, un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s'analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d'éviction.

4. La solution (I), mais encore plus les conséquences (II), appellent à la plus grande vigilance, d’autant plus que si les faits sont particuliers, la portée de l’arrêt annoté est sans nul doute générale.

I. La solution

5. A l’expiration d’un bail commercial, le locataire a droit au renouvellement de celui-ci (C. com., art. L 145-8) ou, à défaut, au paiement d’une indemnité d’éviction (C. com., art. L. 145-14 N° Lexbase : L5742AII), sauf les exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du Code de commerce [LXB= L5745AIM]. Le renouvellement peut résulter d’un congé avec offre de renouvellement délivré par le bailleur au locataire, six mois au moins avant cette expiration (C. com., art. L. 145-9). Après avoir rappelé la jurisprudence constante selon laquelle, à défaut de convention contraire, le renouvellement du bail s’opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation du prix [7], l’arrêt commenté ajoute une précision tout à fait nouvelle, à notre connaissance : lorsque le congé avec offre de renouvellement est fait à des clauses et conditions différentes de celles du bail expiré, il équivaut à un congé sans offre de renouvellement qui oblige le bailleur à payer au locataire une indemnité d’éviction.

6. Le congé étant un acte unilatéral puisque c’est la volonté de celui qui l’a délivré qui importe [8], en l’espèce, en proposant des clauses et conditions différentes de celles du bail initial, le bailleur avait manifesté son intention de ne pas renouveler celui-ci selon la Cour de cassation.

7. Pour autant, il résulte d’une jurisprudence constante que le renouvellement d’un bail commercial intervient aux mêmes clauses et conditions que celles du bail expiré, et qu’aucune juridiction n’a le pouvoir de les modifier, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation de prix [9]. Plus exactement, et excepté quelques exceptions assez particulières, sauf accord amiable des parties, les seuls éléments modifiés par le juge, dans le cadre d’un renouvellement, sont le montant du loyer que le juge a pour mission de fixer, et la durée qui est de neuf années, même si la durée du bail expiré était supérieure [10].

8. Dans ces conditions, les juges avaient en l’occurrence le choix entre plusieurs sanctions. Ils auraient pu admettre la validité du congé comportant offre de renouvellement en tenant pour nulles et de nul effet les modifications demandées comme contraires à la nature d’un renouvellement. Le congé resterait un congé comportant offre de renouvellement, sans modification des clauses et conditions antérieures. D’ailleurs, il a déjà été jugé par la cour d’appel de Versailles qu’une clause nouvelle insérée par le bailleur dans le bail renouvelé, sans que l’attention du preneur ait été attiré, était nulle [11]. Mieux, les juges auraient surtout pu considérer que le congé était valable mais que les nouvelles conditions proposées étaient non pas nulles mais inopposables [12]. Cette solution, qui est celle qui prévaut en matière de durée, aurait sans conteste été bien plus respectueuse de la volonté et l’intérêt du bailleur, d’autant qu’il est généralement admis que l’absence ou l’insuffisance de motifs d’un congé ne l’empêche pas de produire ses effets, à savoir mettre fin au bail et ouvrir droit pour le preneur à indemnité d’éviction, s’il en remplit les conditions [13].

9. Tout au contraire, la Cour de cassation a choisi de requalifier le congé. Le bailleur ayant clairement manifesté son intention de ne pas maintenir les clauses et conditions du bail expiré, sa volonté n’était pas de renouveler ce bail. Le congé est donc considéré comme comportant refus de renouvellement, ce qui oblige au paiement de l’indemnité d’éviction. C’est la solution retenue par la Cour de cassation, laquelle solution n’est au demeurant pas nouvelle. En effet, une cour d’appel qui avait requalifié en « congé-refus » un congé qui comportait une offre de renouvellement assorti de diverses modifications, notamment relatives à l’assiette du bail [14]. Plus que la solution, ce sont les conséquences qu’il est nécessaire d’anticiper.

II. Les conséquences

10. Au-delà de la solution en elle-même, ce sont surtout les conséquences très pratiques de cet arrêt du 11 janvier 2024 qu’il convient d’appréhender.

11. Ainsi, tout d’abord, certains auteurs soulignent que la solution devrait inciter le bailleur, qui, à l’occasion du renouvellement, souhaite modifier des clauses et conditions autres que le loyer, à en informer le locataire autrement que dans l’acte destiné à renouveler le bail, afin de rester maître des conséquences attachées à l’échec éventuel des négociations [15]. On peut par exemple tout à fait imaginer que le congé avec offre de renouvellement, délivré par acte extra-judiciaire, contienne le projet de bail renouvelé en annexe. La présence d’un tel projet suffit à témoigner, nous semble-t-il, de la volonté du bailleur de renouveler le bail.

12. La situation n’est pas non plus sans risque pour le locataire : ainsi, en présence d’un tel congé s’interprétant comme refusant le renouvellement, le locataire qui n’aurait pas agi dans un délai de deux ans (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID), pourrait se trouver privé de toute possibilité de demander une indemnité d’éviction [16]. Ici, le bailleur peut avoir pris le soin d’insérer dans le bail une clause, parfaitement légale, aux termes de laquelle il empêche le preneur de restituer les locaux. Certes, cette clause semble profitable au preneur puisqu’il demeure créancier de l’indemnité d’éviction, et il peut ainsi rester dans les lieux tant que ladite indemnité ne lui est pas intégralement versée. Mais pareille clause, que la pratique met déjà en œuvre, nous paraît déployer encore plus tous ses effets en pareille configuration au regard de l’arrêt du 11 janvier 2024 puisqu’elle offrira au bailleur plus que jamais une position de choix dans la négociation avec son preneur quelque part « coincé » à l’intérieur de ses murs.

13. Notons au demeurant que si la Cour de cassation juge, dans son arrêt du 11 janvier 2024, que le congé avec offre de renouvellement peut finalement être requalifié en congé sans offre de renouvellement, et donner lieu en conséquence au paiement d’une indemnité d’éviction, cela signifie que le congé délivré n’en est pas vraiment un, si bien que le bail aurait pu se poursuivre en tacite prolongation… Quoi qu’il en soit, cet arrêt du 11 janvier 2024, dont la Cour de cassation n’a peut-être pas mesuré tous les effets, appelle à la plus grande prudence des praticiens des baux commerciaux, généralistes comme spécialistes.

 

[1] Dalloz Actualité, 23 janvier 2024, obs. J.-D. Barbier et S. Valade ; Dalloz Actualité, 25 janvier 2024, note A. Confino in « Le droit en débats » ; Navis, actualités, 29 janvier 2024 ; Elnet, veille permanente, 24 janvier 2024, note P. Legrand.

[2] Il était demandé le respect de diverses conditions dont la régularisation d’un nouveau bail conforme aux textes en vigueur s’agissant notamment de la clause d’indexation des loyers, la modification de la contenance des lieux loués (exclusion des lieux publics, dont la plage et le poste de secours), la modification de certaines obligations du preneur (notamment quant à l’entretien des espaces verts - golf compris dans les lieux loués), ainsi que la proposition d’un loyer annuel ne pouvant être inférieur à une certaine somme.

[3] D’un montant de 501 000 euros.

[4] CA Bordeaux, 21 juin 2022, n° 19/06161 N° Lexbase : A411078Q.

[5] Par jugement du 24 octobre 2019, le tribunal compétent, après avoir dit que le congé n’encourait pas la nullité, a jugé que cet acte devait s’analyser en un refus de renouvellement au regard des modifications de contenance des lieux loués et des obligations des preneurs, dit que la communauté de communes bailleresse était débitrice envers les preneurs d’une indemnité d’éviction, et, avant dire droit, ordonné une expertise en vue de la fixer.

« En résumé, selon les magistrats angoumoisins, le congé était valable mais devait être requalifié en « congé-refus », tandis que pour leurs collègues bordelais, le congé était nul… mais cette nullité n’avait d’autre effet que de priver les preneurs de l’indemnité d’éviction en raison de leur départ des lieux ! » (A. Confino, préc.).

[6] Cass. civ. 3, 6 mars 1973, pourvoi n° 71-14.747, publié au bulletin N° Lexbase : A2913CGY – Cass. civ. 3, 12 juin 1996, n° 94-16.701, publié au bulletin N° Lexbase : A9930ABE, cités par la Cour de cassation, dans l’arrêt lui-même.

[7] Cass. civ. 3, 14 juin 1983, n° 82-11.275 N° Lexbase : A703587P – Cass. civ. 3, 7 mai 2006, n° 04-18.330, FS-P+B N° Lexbase : A8461DP3.

[8] Cass. civ. 3, 12 juin 1996, n° 94-16.701, publié N° Lexbase : A9930ABE – Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 07-20.980,  FS-P+B+I N° Lexbase : A9507EC4.

[9] Cass. civ. 3, 12 octobre 1982, n° 80-16.387, publié, N° Lexbase : A8576AH4, RTD com. 1983. 222, obs. M. Pédamon ; JCP 1984, II, 20125, obs. crit. B. Boccara – Cass. civ. 3, 6 mars 1991, n° 89-20.452 N° Lexbase : A4671ACY, D., 1992, Somm. p. 364, note L. Rozès ; Administrer, 2/1992. 28, note J.-P. Forestier.

[10] Cass. civ. 3, 2 octobre 2002, n° 01-02.781, publié N° Lexbase : A9090AZP, D., 2002, 3014 , obs. Y. Rouquet  ; AJDI, 2003, 28 , obs. J.-P. Blatter  ; RTD com., 2003, 277, obs. J. Monéger ; Gaz. Pal., 2003, 452, note J.-D. Barbier – Cass. civ. 3, 8 juin 2013, n° 12-19.568, F-D N° Lexbase : A1910KH9, AJDI, 2014, 279, obs. J.-P. Blatter ; ibid., 2013. 759 ; Administrer, 12/2013. 28, note J.-D. Barbier – Cass. civ. 3, 6 mars 2017, n° 15-27.920, F-D N° Lexbase : A2688UCK, AJDI, 2017, 513, obs. D. Lipman-W. Boccara  ; Gaz. Pal., 11 juillet 2017. 59, note J.-D. Barbier.

[11] CA Versailles, 14 novembre 1996, Loyers et copr., 1998, n° 245, obs. P.-H. Brault et C. Mutelet.

[12] En ce sens, A. Confino, préc. : « N’aurait-il pas été plus efficient, et plus respectueux de l’intention de l’auteur de l’acte, de considérer que les modifications demandées par le bailleur seront seulement tenues pour inefficaces et inopposables au preneur en l’absence d’acceptation par ce dernier, et de ne retenir que l’offre de renouvellement en son principe, puisqu’encore une fois le renouvellement a lieu aux mêmes clauses et conditions sauf meilleur accord des parties ? Le moment est peut-être venu, aussi, de poser de nouveau, comme l’avaient fait autrefois Bruno Boccara et Pierre-Yves Gautier (v. supra, 4), la question de la pertinence du maintien de la jurisprudence qui cantonne strictement le pouvoir du juge à la fixation du loyer ».
Dans le sens de cette proposition V. CA Pau, 19 octobre 2021, n° 21/00274 N° Lexbase : A641549H, JCP E, 2022, 1062, obs. Ph.-H. Brault : « le principe selon lequel le bail se renouvelle aux clauses et conditions du bail expiré, sauf désaccord concernant le loyer, est remis en cause par l’application de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce N° Lexbase : L4976I3P, issu de la loi Pinel, et de l’article R. 145-35 N° Lexbase : L7051I4W issu du décret pris pour son application », « dès lors, il appartient au juge du fond d’interpréter le contrat et la commune intention des parties, pour dire si, en l’absence d’inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances notifié au preneur à la date d’effet du congé avec offre de renouvellement, les parties ont entendu renouveler le bail aux conditions antérieures, s’agissant des charges récupérables sur le preneur et de préciser ce que recouvrent ces charges et ce qu’elles ne peuvent inclure au regard des nouvelles dispositions de l’article R. 145-35 précité ».

[13] Contra :  J.-L. Fraudin, J.-Cl. Procédures Formulaire, v° Bail commercial – contentieux – Fasc. 30, n° 166.

[14] CA Versailles, 6 janvier 2000, Gaz. Pal., Somm. 2032, note Ph.-H. Brault. Voir le pourvoi : « Attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que le congé du 25 juin 1994 contenait l’offre du bail de locaux de superficie réduite par rapport à ceux du bail de 1986, pour des activités elles aussi réduites, donc faite en vue d’un renouvellement partiel et différent, sans qu’à aucun moment la société Guéry, dont elle a relevé qu’elle n’avait rendu les clés que le 22 décembre 1995, eût donné son accord sur ces modifications, la cour d’appel, sans dénaturation de l’acte de congé ni violation du principe de la prohibition des baux perpétuels, a pu déduire de ses énonciations et constatations que l’offre équivalait à un refus de renouvellement » (Cass. civ. 3, 5 décembre 2001, n° 00-12.350, FS-D N° Lexbase : A5475AX3).

[15] A. Confino, préc. ; J.-D. Barbier et S. Valade, préc.

[16] A. Confino, préc. ; J.-D. Barbier et S. Valade, préc.

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Consommation

[Brèves] La confirmation tacite d’un contrat conclu hors établissement : un revirement favorable aux consommateurs

Réf. : Cass. civ. 1, 24 janvier 2024, n° 22-16.115, FS-B N° Lexbase : A71342GC

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N8276BZK

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

Le 31 Janvier 2024

La reproduction même lisible des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du Code civil, dans sa rédaction issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.

Dans cet arrêt rendu le 24 janvier 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence relatif à la reproduction lisible des dispositions du Code de la consommation concernant les contrats conclus hors établissement et à la confirmation tacite par le consommateur.

Faits et procédure. Par contrat conclu hors établissement le 7 avril 2016, l'acquéreur a commandé auprès d’un vendeur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l'acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté. Le vendeur soutient que l’acquéreur a confirmé le contrat en s’exécutant volontairement et en ayant connaissance du vice affectant le formalisme de la convention passée par la reproduction au verso de dispositions utiles du code de la consommation. Il n’en est rien selon la cour d’appel qui considère qu’il ne ressortait d’aucun élément aux débats que le consommateur avait eu conscience des vices affectant le bon de commande au moment de la souscription du contrat ou de son exécution. L’acte était entaché de nullité et aucune confirmation ne pouvait être caractérisée en l’espèce (CA Douai, 25 novembre 2021, n° 19/05437 N° Lexbase : A03667DW).

Le professionnel se pourvoit en cassation en reprochant à la cour d’appel, notamment, d’avoir refusé la confirmation du contrat alors que « l'exécution volontaire d'un contrat de vente conclu lors d'un démarchage, en connaissance des vices affectant le bon de commande, vaut confirmation du contrat et prive l'acquéreur de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées, et que la reproduction intégrale des articles du code de la consommation, dès lors qu'ils figurent en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant les mentions du bon de commande ».

Solution. Ainsi que le reformule la première chambre civile, le moyen pose la question des conditions de la confirmation tacite d'un contrat conclu hors établissement comportant un vice et plus précisément celle de savoir si la reproduction des articles du code de la consommation relatifs aux mentions obligatoires d'un tel contrat, dès lors que ces textes figurent en caractères lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant ce contrat.

Conformément à l’article 1338 du Code civil, dans sa rédaction alors applicable N° Lexbase : L1448ABA, la confirmation d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité peut résulter de l'exécution volontaire de l'obligation après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée et cette exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Pour les contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1182, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L0896KZ9 dispose que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

Encore faut-il caractériser la connaissance du vice qui affecte l’acte. Sur ce point, depuis 2020, comme le rappelle la Haute cour, la première chambre civile juge que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par l'intéressé, emporte la confirmation de l'acte nul (Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n° 18-25.686 N° Lexbase : A585839T ; Cass. civ. 1, 31 août 2022, n° 21-12.968 N° Lexbase : A62058GW). Cette jurisprudence avait d’ailleurs été confirmée avec force dans un arrêt du 1er mars 2023 (Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 22-10.361 N° Lexbase : A17869GA).

Il est intéressant de noter que la décision présentée cite abondamment les décisions des juges du fond pour illustrer les divergences d’interprétation sur cette question. Pour certains juges, une approche in concreto permet de vérifier la connaissance par le consommateur du vice affectant le contrat (approche subjective) tandis que pour d’autres, la seule reproduction des textes du Code de la consommation n’est pas suffisante pour emporter une telle connaissance (approche objective).

La Cour relève que la solution antérieure « est de nature (…), ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec l'objectif de protection du consommateur ».

Aussi, pour dissiper cette divergence et clarifier le contentieux, la première chambre civile opère un revirement de jurisprudence. Désormais, « la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du Code civil N° Lexbase : L2705K7C, dans sa rédaction issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur ».

Cette solution s’applique aux contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Elle a également été mise en œuvre dans un autre arrêt du même jour (Cass. civ. 1, 24 janvier 2024, n° 21-20.691, FS-B N° Lexbase : A71292G7).

La confirmation tacite par le consommateur du contrat conclu hors établissement est donc en principe impossible, sauf, par exception, si le juge relève que certaines circonstances peuvent inviter à considérer une telle connaissance effective, tel « l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation ».

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Contrats et obligations

[Brèves] Charge de la preuve du point de départ de la prescription : le rappel

Réf. : Cass. com., 24 janvier 2024, n° 22-10.492, F-B N° Lexbase : A71352GD

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N8272BZE

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 31 Janvier 2024

► En application de l’article 1315, alinéa 2, devenu l’article 1353, alinéa 2, du Code civil, la charge du point de départ du délai de prescription incombe à lui qui invoque cette fin de non-recevoir.

À qui la charge de la preuve du point de départ de la prescription incombe-t-elle ? Voilà la question posée à la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 2024.

Faits et procédure. En l’espèce, un contrat de vente portant sur une collection de manuscrits ainsi qu’un contrat de dépôt et d’exploitation de ces manuscrits avait été conclu. Plus de sept ans après la vente, l’acheteur assigna le vendeur et son assureur pour manquement à une obligation d’information et de conseil. La cour d’appel a déclaré l’action irrecevable au motif qu’il incombait à l’acheteur de rapporter la preuve que la connaissance du dommage était antérieure à moins de cinq ans avant l’assignation (CA Bordeaux, 21 octobre 2021, n° 20/04641).

Solution. L’arrêt est cassé au visa de l’ancien article 1315 alinéa 2 du Code civil (devenu C. civ., art. 1353, alinéa 2 N° Lexbase : L1013KZK), consacré à la charge de la preuve, et de l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC, relatif à la prescription extinctive et à son point de départ : « la charge de la preuve du point de départ d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir ».

Ce faisant, la charge de la preuve ne pesait pas sur l’acheteur, comme l’estimaient les juges du fond, mais sur le vendeur. S’agissant de la charge de la preuve, point de surprise. Il ne s’agit là que d’un rappel (V. notamment Cass. com., 23 mars 2010, n° 08-21.373 N° Lexbase : A1485EUK ; Cass. civ. 3, 8 décembre 2021, n° 20-21.439 N° Lexbase : A46227EW).

Pour ce qui est du point de départ, la faute du vendeur ne suffit pas à faire courir le délai de prescription. Ce n’est qu’au jour de la manifestation du dommage que celui-ci court. La preuve que ce dommage est survenu au-delà du délai de cinq ans appartiendra donc au vendeur.

newsid:488272

Contrat de travail

[Brèves] Perte définitive de la contrepartie financière même en cas de violation temporaire de la clause de non-concurrence

Réf. : Cass. soc., 24 janvier 2024, n° 22-20.926, F-B N° Lexbase : A71272G3

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N8233BZX

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par Charlotte Moronval

Le 06 Février 2024

► Le salarié qui viole sa clause de non-concurrence, même temporairement, perd définitivement son droit à contrepartie financière.

Faits. Le contrat de travail d’un salarié comporte une clause de non-concurrence de 24 mois. Ce salarié démissionne puis est embauché par une entreprise concurrente pour une période 6 mois.

Le premier employeur saisit le conseil de prud’hommes aux fins d'interdire au salarié de lui faire concurrence et d'obtenir le paiement de diverses sommes en application de la clause de non-concurrence. Le salarié sollicite, de son côté, le paiement de la contrepartie financière de la clause.

La position de la cour d’appel. La cour d’appel rejette la demande de l’employeur et le condamne au versement du solde de l’indemnité de non-concurrence et de l’indemnité de congés payés afférente.

Elle estime que l’employeur n’était pas dans l’obligation de verser de contrepartie financière au salarié pour les 6 mois pendant lesquels ce dernier travaillait dans une entreprise concurrente. Cependant, l’employeur restait redevable de la contrepartie financière pour la période de 18 mois restante.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Elle relève que la violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause, même après la cessation de sa violation.

Pour aller plus loin :

 

newsid:488233

Droit des étrangers

[Brèves] Publication de la loi « Immigration »

Réf. : Loi n° 2024-42, du 26 janvier 2024, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration N° Lexbase : L3809MLN

Lecture: 3 min

N8216BZC

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par Yann Le Foll

Le 31 Janvier 2024

► La loi n° 2024-42, du 26 janvier 2024, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration N° Lexbase : L3809MLN, a été publiée au Journal officiel du 27 janvier 2024, avec pour objectif affiché de faciliter l’intégration des personnes en situation régulière et l’expulsion des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Censure des Sages. Pour motif de procédure et en application d’une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a censuré 32 articles de la loi comme « cavaliers législatifs ». Il a également censuré au fond l’article 1er de la loi déférée prévoyant la fixation par le Parlement du nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France et l’article 38 de la loi déférée autorisant le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger sans son consentement (Cons. const., décision n° 2023-863 DC, du 25 janvier 2024 N° Lexbase : A80172GZ).

Texte restant. La loi n° 2024-42, du 26 janvier 2024, compte comme principales dispositions le contrat d'engagement au respect des principes de la République, par lequel l’étranger s’engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République, l'intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.

L’expulsion est facilitée à l’encontre de toute personne coupable de faits ayant été commis : à l'encontre de son conjoint, d'un ascendant ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ; à l'encontre du titulaire d'un mandat électif public ; ou sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire, sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, ou toute personne chargée d'une mission de service public.

Les travailleurs faisant partie des filières « en tension » durant au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois et qui justifient d'une période de résidence ininterrompue d'au moins trois années en France peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » d'une durée d'un an. Dans l'exercice de sa faculté d'appréciation, l'autorité compétente prend en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l'étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l'ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu'aux principes de la République.

Le texte indique également que ne peuvent pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance les majeurs âgés de moins de vingt-et-un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants, lorsqu'ils ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance avant leur majorité, lorsqu’ils l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

newsid:488216

Fiscalité des entreprises

[Focus] Les principales mesures de la loi de finances pour 2024 concernant le secteur agricole

Réf. : Loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024 N° Lexbase : L9444MKY

Lecture: 12 min

N8240BZ9

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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine

Le 31 Janvier 2024

Mots-clés : loi de finances pour 2024 • secteur agricole • travaux agricoles • plus-values professionnelles • crédit d’impôt

1.- Cette année, la loi de finances pour 2024 est riche pour le secteur agricole. De nombreuses mesures sont susceptibles d’avoir un impact significatif.

Parmi ces mesures, on relèvera que plusieurs d’entres elles concernent des logiques de réactualisation de seuil. On pensera notamment à la DEP ou au régime micro-BA par exemple.

Également, la création de seuils spécifiques pour l’application du régime d’exonération des plus-values professionnelles visé à l’article 151 septies du CGI N° Lexbase : L4192LI4 s’avère, extrêmement intéressante, même si cela devrait entraîner quelques interrogations pour les exercices clos en cours d’année.


 

1. Plus-professionnelles et article 151 septies du CGI : la création d’un nouveau seuil pour le monde agricole et les entreprises de travaux agricoles (article 94) 

2.- La loi de finances pour 2024 modifie les seuils d’application de l’article 151 septies du CGI, uniquement  pour le milieu agricole.

3.- Pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023, les seuils d’application du régime d’exonération en fonction du chiffre d’affaires, appréciés sur la période biennale de référence, les nouveaux seuils s’appliquent comme suit :

  • en deçà de 350 000 euros, exonération totale ;
  • entre 350 000 euros et 450 000 euros, l’exonération est partielle.

4.- On relèvera que cette modification s’applique également aux entreprises de travaux agricoles (ETA) respectant certaines conditions.

5.- On ne peut que saluer une telle mesure en tant que praticien. Cependant, la date d’entrée en vigueur de la mesure posera des questions aux professionnels du droit et du chiffre, dans la mesure dans certains cas les exercices sont déjà clos.

Que faire lorsque le régime a été appliqué partiellement ? Faudra-t-il « déclôturer » ou traiter le sujet au moyen d’une réclamation précontentieuse ?

Cela devrait également poser quelques difficultés dans les cas où le régime d’exonération n’a pas été appliqué, mais qu’il lui a été préféré un régime de report d’imposition par exemple.

À titre d’exemple, simplement pour illustrer la difficulté du problème, certains régimes de report d’imposition sont automatiques. Cela est notamment le cas des articles 151 nonies III et IV du CGI N° Lexbase : L9116LKT, qui vise respectivement les situations d’une option pour l’impôt sur les sociétés pour une société agricole à l’IR, ou la cessation de l’activité professionnelle au sein de la société agricole à l’impôt sur le revenu par son associé.

Ici, la doctrine administrative précise que ces régimes ne s’appliquent que sous réserve que l’article 151 septies du CGI ne trouve pas à s’appliquer (voir BOI-BIC-PVMV-40-30-10-20, n° 90 N° Lexbase : X6540ALS). Que faire dans cette situation ? Est-il possible de bénéficier à postériori de l’article 151 septies ?

Autant de questions qui risquent d’interroger les contribuables et leurs conseils dans les prochaines semaines.

6.- Il y a ainsi dorénavant trois seuils susceptibles de s’appliquer selon le type d’activité exercée (commerciale, agricole et prestations de services).

7.- La loi de finances pour 2024 modifie également les modalités d’application de l’article 151 septies du CGI au cas des activités mixte, afin d’intégrer la création de ce nouveau seuil spécifique aux activités agricoles et aux ETA.

Dans cette situation, c’est-à-dire lorsque l’activité de l’entreprise se rattache à au moins deux des trois seuils de l’article 151 septies du CGI, l’exonération sera totale si le montant global des recettes est inférieur ou égal au plus élevé des trois seuils, et si le montant afférent à chacune des activités est inférieur ou égal au seuil de sa catégorie.

À titre d’exemple, si un exploitant agricole exerce une activité commerciale, agricole et de services, il pourra bénéficier du régime d’exonération totale sous réserve que :

  • les recettes de l’activité de services demeurent inférieures à 90 000 euros ;
  • les recettes de l’activité commerciale demeurent inférieures à 250 000 euros ;
  • les recettes de l’activité agricole demeurent inférieures à 350 000 euros ;
  • et que les recettes globales de l’entreprise demeurent inférieures à 350 000 euros.

8.- L’exonération sera en revanche partielle dans la situation où les conditions vues ci-dessus ne sont pas remplies, mais que les recettes globales de l’entreprise sont inférieures au seuil plafond le plus élevé des activités exercées, et si le montant des recettes afférentes à chacune des activités est inférieur au montant plafond de chacune d’elles. Le taux de l’exonération est égal au taux le plus faible entre :

  • le taux déterminé par rapport à l’activité donnant lieu à l’application du taux plafond le plus élevé, considérant que toutes les recettes de l’entreprise relèveraient de celui-ci ;
  • et le taux d’exonération partielle déterminé par rapport à chacune des activités

2. Exonération d’une fraction des indemnités journalières versées au titre d’un régime d’assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies (article 5)

9.- Il est inséré un article 72 A bis au sein du Code général des impôts.

10.- Au titre de celui-ci, les indemnités journalières versées au titre d’un régime d’assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition sont exonérées à hauteur de 50 % de leur montant.

3. Extension du forfait cadastral forestier (article 6) 

11.- L’article 76 du CGI N° Lexbase : L3847KWE prévoit une modalité spécifique de détermination du bénéfice agricole pour les bois, aulnaies et saussaies. Celui-ci est fixé à une somme égale au revenu ayant servi de base à la taxe foncière établie sur ces propriétés.

12.- La loi de finances pour 2024 étend ce régime au bénéfice agricole provenant de la captation de carbone additionnelle réalisée dans le cadre de projets forestiers admis au label « bas carbone » mentionné à l’article L. 121-2 du Code forestier N° Lexbase : C02687QY et qui est mis en œuvre pour assurer le boisement ou la reconstitution de peuplements forestiers dégradés.

4. Abattement jeunes agriculteurs et mise à jour de l’encadrement européen (article 46)

13.- Le mécanisme de l’abattement JA est subordonné au respect du règlement général par catégorie agricole (Règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission, 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne N° Lexbase : L6358I3U).

14.- La loi de finances pour 2024 tire les conséquences de la publication du Règlement de la Commission du 14 décembre 2022 (Règlement (UE) n° 2022/2472 de la Commission, 14 décembre 2022, déclarant certaines catégories d'aides dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne N° Lexbase : L2603MGI) afin d’adapter la rédaction de l’article 73 B du CGI qui fera dorénavant référence à ce Règlement.

5. Amélioration du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congés de certains exploitants agricoles (article 50) 

15.- L'article 200 undecies du CGI N° Lexbase : L5674MAE prévoit un crédit d'impôt au titre des dépenses supportées par un agriculteur, dont la présence quotidienne est nécessaire sur l'exploitation, afin d'assurer son remplacement par un tiers durant une période de congé.

16.- Le crédit d'impôt est égal à 50 % des dépenses de remplacement effectivement supportées, dans la limite annuelle de quatorze jours de remplacement pour congé.

17.- Ici, la loi de finances pour 2024 apporte quelques améliorations. Le taux du crédit d’impôt est rehaussé à 60 %, de même que la limite journalière qui passe à 17 jours.

En outre, jusqu’à présent le taux du crédit d’impôt était de 60% au titre des dépenses engagées pour assurer un remplacement pour congé en raison d'une maladie ou d'un accident du travail. La loi de finances pour 2024 rehausse également ce taux à 80 %. Le bénéfice de ce taux majoré est également étendu aux situations de formation professionnelle.

18.- Ces différentes mesures s’appliquent aux dépenses engagées à compter du 1er janvier 2024.

6. Crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique et mise à jour de l’encadrement européen (article 65)

19.- La loi de finances pour 2024 modifie la rédaction de l’article 244 quater L du Code général des impôts en faisant dorénavant référence au : « Règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les Règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013 ». 

7. Crédit d’impôt HVE et prorogation pour les certifications obtenues en 2024 (article 68) 

20.- Le crédit d’impôt HVE est prorogé pour les certifications HVE obtenues en 2024.

8. Création d’une provision temporaire pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes (article 70)

21.- La loi de finances pour 2024 prévoit la possibilité pour les exploitations agricoles relevant d’un régime réel d’imposition, de pratiquer une déduction pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes. Ce régime ne s’applique pas aux immobilisations.

La hausse de la valeur du stock résultant de l’augmentation du nombre d’animaux n’est pas prise en compte. Pour bénéficier de cette déduction égale à 150€ par vache inscrite en stock à la clôture de l’exercice, le montant de la déduction ne pouvant excéder 15 000€ au titre d’un exercice, nécessite de remplir plusieurs conditions.

Pour les GAEC et les EARL à l’IR, ce plafond est multiplié par le nombre d’associés exploitants dans la limite de 4.

22.- Il doit être constaté, à la clôture de l’exercice, une hausse de la valeur unitaire de ces stocks supérieure à 10 % par rapport à la valeur unitaire de ces mêmes stocks déterminée à l’ouverture de l’exercice précédent ou à l’ouverture de l’exercice considéré.

Pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2024 et jusqu'au 31 décembre 2024, cette hausse est appréciée par comparaison avec la valeur de ces mêmes stocks déterminée à l'ouverture de l'exercice considéré

23.- Attention, il s’agit d’une forme d’aide de trésorerie temporaire. En effet, cette déduction est rapportée aux résultats imposables de l’exercice de cession ou de sortie de l’actif de l’animal, et au plus tard du sixième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.

La déduction n'est pas rapportée au résultat de l'exercice de sortie des stocks de l'animal lorsque cette sortie est compensée par l'entrée d'un nouvel animal dans les stocks avant la clôture de ce même exercice ou, au plus tard, avant le dépôt de la déclaration des bénéfices agricoles.

24.- En outre, cette déduction s’applique à compter des exercices clos à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2024. La mesure intègre le régime des aides de minimas agricole.

9. DEP et rehaussement du plafonnement en fonction des bénéfices (article 94)

25.- La déduction pour épargne de précaution permet de déduire des bénéfices imposables une somme, sous réserve de constituer une épargne de précaution.

Cette épargne de précaution peut être constituée sous différente forme, notamment en numéraire ou en nature.

26.- Cette déduction est plafonnée. Le plafond de la déduction pour épargne de précaution (DEP) pratiquée au titre d'un exercice est limité au plus faible des trois montants : 

  • un plafond annuel déterminé en fonction du bénéfice imposable ;
  • un plafond pluriannuel de déduction ;
  • le montant du bénéfice imposable.

27.- La loi de finances pour 2024 revalorise comme suit le plafonnement en fonction du bénéfice :

  • 100 % du bénéfice imposable, s'il est inférieur à 32 608 euros ;
  • la somme de 32 608 euros majorée de 30 % du bénéfice imposable excédant cette limite, lorsqu'il est supérieur ou égal à 32 608 euros et inférieur à 60 835 euros ;
  • la somme de 40 942 euros majorée de 20 % du bénéfice imposable excédant 60 835 euros, lorsqu'il est supérieur ou égal à 60 835 euros et inférieur à 90 579 euros ;
  • la somme de 46 979 euros majorée de 10 % du bénéfice imposable excédant 90 579 euros, lorsqu'il est supérieur ou égal à 90 579 euros et inférieur à 120 771 euros ;
  • la somme de 50 000 euros, lorsque le bénéfice imposable est supérieur ou égal à 120 771 euros.

28.- Cette modification s’applique à compter de l’impôt dû au titre de l’année 2024.

10. Micro-BA et hausse du seuil (article 94) 

29.- Le seuil du régime micro-BA est revalorisé par la loi de finances 2024, à compter de l’impôt dû au titre de l’année 2024. Le seuil de 91 900 euros est revalorisé pour atteindre 120 000 euros.

newsid:488240

Fiscalité internationale

[Brèves] Entrée en vigueur de la nouvelle convention fiscale franco-grecque

Réf. : Décret n° 2024-16, du 9 janvier 2024, portant publication de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, signée à Athènes le 11 mai 2022 N° Lexbase : L2660ML4

Lecture: 3 min

N8244BZD

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par Maxime Loriot, Doctorant en droit international privé, Université Panthéon-Sorbonne

Le 31 Janvier 2024

Par un décret n° 2024-16 en date du 9 janvier 2024, le Gouvernement a publié la convention entre la France et la Grèce portant sur l’élimination de la double imposition en matière d’IR et pour la lutte contre la fraude fiscale.

Cette nouvelle convention est le fruit d’une réflexion approfondie afin d’assurer la protection fiscale des Français en Grèce. Elle fait suite à de nombreux redressements fiscaux de la part de l’administration fiscale grecque, dont notamment un contentieux relatif aux fonctionnaires détachés du lycée franco-hellénique d’Athènes en matière de rémunérations publiques.

La convention fiscale est entrée en vigueur le 30 décembre 2023. Les dispositions prévues auront vocation à s’appliquer à compter du 1er janvier 2024.

Cette dernière fait suite à la convention fiscale du 21 août 1963 et s’inspire pour partie de l’instrument multilatéral BEPS de l’OCDE, à l’instar de la clause anti-abus du « Principal Purpose Test », définie par l’article 7 de l’instrument multilatéral de l’OCDE et reprise par l’article 27 de la nouvelle convention franco-grecque ou encore des dispositions relatives aux gains en capital tirés de l’aliénation d’action dans des entités tirant leur valeur de biens immobiliers (article 9 du MLI et article 13.4 de la nouvelle convention franco-grecque).

Par ailleurs, la nouvelle convention bilatérale venant se substituer à celle signée en 1963 apporte plusieurs innovations significatives :

La définition de la notion de résident (article 4) :  La convention apporte une définition spécifique pour les sociétés de personnes ou entités analogues françaises. Sont considérées comme résidentes de France de telles entités lorsque :

  • leur siège de direction effective est en France ;
  • elles sont assujetties à l’impôt sur le territoire français.
  • les porteurs de parts, associés ou membres sont soumis à l’impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de cette société de personnes ou de cette autre entité analogue.

La clarification de la notion de dividendes (article 10) : La nouvelle convention prévoit que les dividendes seront imposables dans l’État de résidence de leur bénéficiaire ainsi que dans l’État source. Une exception est prévue si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société détenant pendant 24 mois au moins 5 % de la société qui verse les dividendes.

Le droit d’imposition des intérêts (article 11) : L’État de résidence du bénéficiaire et l’État de source des intérêts ont un droit concurrent pour imposer les intérêts. Une exception est prévue si le bénéficiaire effectif des intérêts est résident de l’autre État contractant : le taux de RAS ne pourra être supérieur à 5 % (et non plus 10 % sous l’ancienne convention).

L’imposition des redevances (article 12) : Les redevances provenant d’un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État. L’État source des redevances pourra également établir son imposition qui ne pourra excéder 5% du montant brut des redevances.

L’élimination des doubles impositions (article 21) : La nouvelle convention supprime purement et simplement les crédits d’impôt forfaitaires imputables en France sur les revenus de source grecque.

Le principe de non-discrimination (article 22) : La nouvelle convention exclut expressément toute application de clauses de non-discrimination ou de la nation la plus favorisée.

Il nous reste désormais plus qu’à attendre les effets liés à son application à compter du 1er janvier 2024 afin d’évaluer son efficacité sur la situation des contribuables ayant des liens financiers tant avec la France que la Grèce.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Grèce (Convention du 11 mai 2022), in Conventions fiscales internationales, Lexbase N° Lexbase : E314703X.

 

newsid:488244

Procédure

[Jurisprudence] Une preuve à tout prix

Réf. : Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU

Lecture: 23 min

N8275BZI

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par Stéphane Vernac, Professeur de droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne et Directeur scientifique de la Revue Lexbase Social

Le 31 Janvier 2024

Mots-clés : droit à la preuve • loyauté de la preuve • preuve illicite ou déloyale • proportionnalité • CESDH • vie privée

Des moyens de preuve déloyaux peuvent être présentés au juge dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable. Toutefois, la prise en compte de ces preuves ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse (vie privée, égalité des armes, etc.).


Vérité judiciaire ou loyauté des débats ? Au visa de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR et de l'article 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation énonce, au terme d'une motivation soignée, son revirement de jurisprudence : « il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats » [1]. Dans l'affaire en cause, renvoyée par la Chambre sociale [2] à l'Assemblée plénière, un salarié, embauché en qualité de responsable commercial, est licencié pour faute grave. Afin de prouver le refus fautif de ce salarié, qui travaillait exclusivement à distance, de fournir le suivi de son activité commerciale, l'employeur produit un enregistrement sonore réalisé à l'insu du salarié au cours d'un entretien informel. Accueillant favorablement l'argumentation soutenue par l'employeur à l'appui de son pourvoi, la Cour de cassation affirme que la recevabilité d'une pièce requiert du juge qu'il apprécie si cette preuve « porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » [3]. Consigne est désormais adressée aux juges du fond, dans toute la matière civile, d'appliquer aux preuves déloyales l'opération de mise en balance des droits et des intérêts, auparavant réservée aux preuves illicites. 

I. Retour aux sources

L'Assemblée plénière invoque trois justifications au soutien de son revirement. Elle rappelle, en premier lieu, que « la Cour européenne des droits de l'homme ne retient pas par principe l'irrecevabilité des preuves considérées comme déloyales ». On se souviendra que les juges européens affirmaient - dans un premier temps du moins - que « si la Convention garantit en son article 6 [...] le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne » [4]. Néanmoins, la Cour européenne a, par la suite, précisé l'office des juridictions nationales, jugeant que « l’égalité des armes implique l’obligation d’offrir, dans les différends opposant des intérêts de caractère privé, à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire » [5]. L'article 6 de la Convention européenne fonde ainsi une obligation pesant sur les tribunaux « de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence pour la décision à rendre » [6]. La référence faite par l'Assemblée plénière à la jurisprudence européenne devait-elle s'arrêter en si bon chemin ? Si la Cour européenne reconnait au juge la faculté d'admettre la recevabilité d'enregistrements issus de caméras dissimulées [7], c'est au terme d'un test invitant les juridictions nationales à prendre en compte, dans la sphère des relations de travail, les différents facteurs suivants : « L’employé a-t-il été informé de la possibilité que l’employeur prenne des mesures de vidéosurveillance ainsi que de la mise en place de telles mesures ? […] Quels ont été l’ampleur de la surveillance opérée par l’employeur et le degré d’intrusion dans la vie privée de l’employé ? [...] L’employeur a-t-il justifié par des motifs légitimes le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci ? [...] Était-il possible de mettre en place un système de surveillance reposant sur des moyens et des mesures moins intrusifs ? [...] Quelles ont été les conséquences de la surveillance pour l’employé qui en a fait l’objet ? [...] L’employé s’est-il vu offrir des garanties adéquates, notamment lorsque les mesures de surveillance de l’employeur avaient un caractère intrusif ? » [8]. Bien que l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière concerne l'ensemble de la matière civile, et non la seule relation de travail, on ne peut que regretter que le recours à une motivation enrichie se limite à formuler un contrôle de proportionnalité, sans livrer aux juges du fond - ainsi qu'aux employeurs - une méthode et notamment un faisceau de critères ou d'indices utiles à sa mise en œuvre concrète.

Une seconde justification est tirée de la matière pénale, dans laquelle la déloyauté de la preuve ne permet pas au juge répressif d'écarter les moyens de preuve produits par des particuliers [9], à l'exception des agents publics. Mais la recevabilité de preuves déloyales collectées par un employeur ou un salarié dans le procès pénal, justifie-t-elle pour autant qu'une même solution soit retenue dans les procès civils ?  La Cour de cassation juge, il est vrai, que « l'autorité absolue de la chose jugée au pénal s'opposait à ce que le salarié soit admis à soutenir devant le juge prud'homal, l'illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal », et que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal, qui concerne « l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé [...] s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision » [10]. La tentation consistant à provoquer un procès pénal afin de « "blanchir" une preuve déloyale » [11] peut donc être forte.  Mais l'incitation à recourir au procès pénal doit-elle être freinée ? Quoi qu'il en soit, la solution rendue par l'Assemblée plénière ne remet pas en cause l'autorité absolue de la chose jugée au pénal et n'empêchera pas une possible instrumentalisation du procès pénal, puisque celui-ci, en dispensant un plaideur de se soumettre à l'opération de mise en balance des intérêts dans le procès civil, conserve sa force attractive.

Les Hauts magistrats invoquent un dernier argument, relevant qu'« une  partie de la doctrine suggère un abandon du principe de l'irrecevabilité des preuves considérées comme déloyales », en raison d'une difficulté de distinguer entre les preuves déloyales et les preuves illicites [12]. Les observateurs des sources du droit ne manqueront pas de relever cette rare référence à la doctrine, celle des chercheurs, non celle de la Cour de cassation ou de l'administration. Mais cette référence prudente à une « partie » de la doctrine laisse songeuse. Ni le diagnostic, ni la solution ne convainquent. Est-il vraiment aussi difficile de distinguer entre preuve déloyale et preuve illicite ? Des preuves sont déloyales lorsqu'elles sont obtenues à l'insu de la personne [13] ou collectées à l'aide d'une manœuvre ou d'un stratagème, telles que l'utilisation de lettres piégées à l'insu du personnel [14], l'organisation d'un montage par un huissier visant à confondre un salarié [15], ou la demande faite par un employeur à un salarié "ami" sur le compte Facebook d'un autre salarié afin de lui permettre l'accès à ce compte [16]. En revanche, les preuves illicites sont celles qui portent atteinte à un droit antinomique, et notamment à la vie personnelle, sans recours à une manœuvre ou un stratagème. En droit du travail, l'illicéité d'un moyen de preuve résulte tantôt de la violation des règles de collecte de la preuve - en particulier la violation des règles relatives à l'information préalable des salariés, des règles relatives à la protection des données personnelles [17] ainsi que la violation de la règle de pertinence [18]  - tantôt de la production d'une preuve dont le contenu est attentatoire à la vie privée d'un salarié. Au demeurant, si l'on devait reconnaître une difficulté à distinguer, dans certains cas, entre une preuve illicite et une preuve déloyale, fallait-il pour autant anéantir la portée de cette distinction ?  La Haute juridiction ne pouvait-elle pas préciser des critères à destination des juges du fond pour caractériser la déloyauté d'un procédé de preuve ? Sans doute la raison est ailleurs. Deux autres raisons, exposées par le rapporteur, méritent l'attention : il convenait de « rapprocher la vérité judiciaire de la vérité factuelle. Cette considération, longtemps passée au second plan, s’avère de plus en plus constituer un facteur de meilleure acceptation des décisions de justice ; la part grandissante prise par les technologies de la communication dans l’établissement de la vérité factuelle et le rôle des réseaux sociaux dans le débat public font que l’aspiration des citoyens à davantage de vérité est de plus en plus difficile à concilier avec un régime de preuve laissant délibérément de côté des preuves pour des motifs qui ne sont pas toujours bien compris du grand public » [19]. En outre, « d’un côté, il est généralement observé que le régime défavorable attaché aux preuves déloyales agit principalement au détriment de l’employeur qui se trouve ainsi empêché de prouver des faits. D’un autre côté, certains agissements subis par les salariés (harcèlement, discriminations) sont par nature difficiles à prouver, ce qui incite à élargir les modes de preuve admissibles » [20]. La recevabilité d'une preuve déloyale demeure cependant subordonnée à la mise en œuvre d'une délicate opération de mise en balance.   

II. De l'art de la pesée

Lointain peut apparaître le souci exprimé par la Haute juridiction dans son arrêt « Néocel » [21], de rejeter les preuves clandestines. La Cour avait alors jugé qu'un enregistrement effectué par un employeur à l'insu d'un salarié - il s'agissait dans cette affaire d'une caméra dissimulée dans une caisse - devait être écarté des débats. L'irrecevabilité systématique des preuves déloyales, qui avait été solennellement consacrée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en 2011 [22], est désormais abandonnée. L'interdiction absolue - qui a le mérite de la clarté - fait place à une opération - à l'issue plus incertaine - de mise en balance, à l'instar de celle opérée en présence de preuves illicites. Ce contrôle - qui ne doit être exercé par le juge que « lorsque cela lui est demandé » [23] - consiste à examiner si la preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. L'exercice de la mise en balance auquel sont conviés les juges du fond, ne manquera pas de nourrir le contentieux.

En premier lieu, la production d'une preuve déloyale, à l'instar des preuves illicites, doit être indispensable à l'exercice du droit à la preuve. Dans ce cadre, le juge doit examiner si la preuve rend vraisemblable le fait allégué et s'il n'existe pas un autre procédé de preuve moins attentatoire à la vie privée. Il en est ainsi lorsqu'une des parties dispose d'ores et déjà d'un autre moyen de preuve qu'elle n'a pas versé aux débats [24]. Mais en l'absence d'un mode de preuve alternatif détenu effectivement par une partie, pourrait-il lui être fait grief de ne pas avoir collecté autrement une preuve ? C'est ce que paraît suggérer un arrêt rendu le 17 janvier 2024, par lequel la Cour de cassation approuve une cour d'appel d'avoir jugé qu'un enregistrement clandestin d'un entretien d'un salarié avec les membres du CHSCT, désignés pour réaliser une enquête, n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve d'un harcèlement moral, puisque le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés à l'enquête menée par le CHSCT et que le constat établi par le CHSCT dans son rapport d'enquête avait été fait en présence de l'inspecteur du travail et du médecin du travail [25]. De même, lors de l'entretien préalable au licenciement, le salarié [26], comme l'employeur [27], peuvent décider d'être assistés au cours de cet entretien. Le doyen Jean-Guy Huglo en déduit que « sous réserve de ce que va dire la Chambre sociale, on peut douter du caractère indispensable d'un enregistrement clandestin. La preuve illicite ou déloyale ne doit pas devenir un mode de preuve « quotidien ». Elle doit demeurer un mode de preuve exceptionnel. Ceci vaut aussi pour les filatures et la géolocalisation » [28]. Par ailleurs, des juges pourraient être tentés de prendre en considération l'existence d'un aménagement de la charge de la preuve - tel que celui applicable en matière de discrimination ou de harcèlement - pour rejeter le caractère indispensable de la preuve. D'ailleurs, dans l'arrêt rendu le 17 janvier 2024, les juges considèrent que les éléments produits par le salarié « laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, faisant ainsi ressortir que la production de l'enregistrement clandestin des membres du CHSCT n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié » [29].  Autrement dit, une preuve pourrait être jugée non indispensable lorsqu'il est exigé du salarié qu'il ne démontre qu'une situation apparente, tels que des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination ou de harcèlement. Il serait pour le moins paradoxal d'admettre qu'un aménagement de la charge de la preuve - destiné à alléger le fardeau de la preuve pesant sur les salariés - se retourne contre ces derniers en rendant plus difficile la démonstration du caractère indispensable de la production de la preuve contestée. Pareille analyse reviendrait de surcroît à priver le salarié de la possibilité de contribuer à l'offre de preuve pour contester les justifications alléguées par l'employeur.

En second lieu, l'atteinte portée au droit antinomique, tel que le droit à la vie privée, par la production d'une preuve déloyale, doit être strictement proportionnée au but poursuivi, comme en matière de preuve illicite. Tout d'abord, cette analyse requiert de prêter attention à l'existence d'un intérêt légitime à collecter une preuve. Précisant le contrôle de la pertinence d'un système de surveillance mis en place par un employeur, la Cour de cassation a précisé que le juge devra « s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci » [30]. Aucun intérêt légitime ne saurait être caractérisé lorsque l'objet de la preuve est insusceptible de justifier une décision patronale, telle qu'un licenciement. Ainsi, dans un arrêt « Rexel » rendu le 22 décembre 2023, l'Assemblée plénière rappelle qu'« une conversation privée qui n'était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, il en résulte que le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d'être justifié » [31]. Si les conversations privées demeurent à l'abri du droit à la preuve, le débat portera sans nul doute sur la caractérisation d'une « conversation privée ». Des échanges de mails entre collègues - sur une boîte mail personnelle - s'analysent-ils nécessairement en une « conversation privée » ou peuvent-ils être rattachés à la vie professionnelle ? Ensuite, concernant l'appréciation de l'atteinte au droit antinomique, la production d'une preuve déloyale accentue le degré d'intrusion, d'ingérence dans la vie privée d'un salarié. L'existence d'un stratagème ou d'une manœuvre commande donc une attention particulière au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Il pourrait être prêté attention à la faculté pour le salarié d'exercer son droit de contester la preuve et de se défendre, notamment à l'occasion de l'entretien préalable à un licenciement, sur la preuve ainsi collectée. Pareil débat contradictoire pourrait ainsi renforcer le caractère équitable de la procédure. Par ailleurs, la recevabilité d'une preuve déloyale peut mettre à mal la protection des données personnelles. Certes, la Haute juridiction a jugé, sur le fondement du point (4) de l'introduction du RGPD, que « le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité », ajoutant que, selon ce même texte, « le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les traités, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial » [32]. Néanmoins, des restrictions particulières pourraient bien être déduites du RGPD, d'autant plus que constitue un « traitement » de données personnelles, selon la Cour de justice, la « production en tant qu’élément de preuve d’un document, numérique ou physique, contenant des données à caractère personnel, ordonnée par une juridiction dans le cadre d’une procédure juridictionnelle » [33]. Les garanties entourant la mise en œuvre du droit à la preuve devront sans doute être précisées au contact du régime de protection des données personnelles posé par le RGPD [34].  

En tout état de cause, la recevabilité d'une preuve déloyale ou illicite est une chose. L'atteinte qui en résulte, par exemple à la vie privée d'un salarié, en est une autre. L'atteinte à la vie privée, qui peut être pénalement sanctionnée [35], fait partie des préjudices "nécessaires" maintenus par la Cour de cassation. La seule constatation d'une atteinte à la vie privée [36] ou au droit dont la personne dispose sur son image ouvre nécessairement droit à réparation [37]. La recevabilité d'une preuve déloyale et illicite ne saurait donc dispenser celui qui l'a collectée de réparer le préjudice subi à cette occasion [38].


[1] Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU.

[2] Cass. soc., 1er février 2023, n° 20-20.648, FS-D N° Lexbase : A50289BT.

[3]  Ass. plén., 22 décembre2023, préc..

[4] CEDH, 12 juillet 1988, Req. 10862/84, Schenk c. Suisse N° Lexbase : A6480AWW, spéc. § 46. 

[5] Cf. CEDH, 9 décembre 1994, Req. 22/1993/417/496, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce N° Lexbase : A6629AWG et CEDH, 22 octobre 1997, Req. 97/1996/716/913, Papageorgiou c. Grèce N° Lexbase : A7799AWR, § 46 ; CEDH, 27 octobre 1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, n° 274, § 33.

[6] CEDH, 13 mai 2008, Req. 65097/01, N.N. et T.A. c. Belgique N° Lexbase : A4987D89, § 44 ; v. déjà CEDH, 12 février 2004, Req. 47287/99, Perez c. France N° Lexbase : A5991KLH, § 80 ; CEDH, 19 avril 1994, Req. 16034/90, Van de Hurk c. Pays-Bas N° Lexbase : A2970EBM, § 59.

[7] V. en particulier CEDH, 17 octobre 2019, Req. 1874/13 et 8567/13, López Ribalda et autres c. Espagne N° Lexbase : A3700ZRH. V. aussi, concernant la collecte par un employeur de données issues du système de géolocalisation équipant un véhicule mis à disposition du salarié pour ses déplacements professionnels, CEDH, 13 décembre 2022, Req. 26968/16, Florindo De Almeida Vasconcelos Gramaxo c. Portugal N° Lexbase : A28038ZT.

[8] CEDH, 5 septembre 2017, Req. 61496/08, Bărbulescu c. Roumanie N° Lexbase : A6623WQD.

[9] Cass. crim., 23 juillet 1992, n° 92-82.721, publié N° Lexbase : A0826AB9 ; Cass. crim., 6 avril 1994, n° 93-82.717, publié N° Lexbase : A1967AA4.

[10] Cass. soc. 21 septembre 2022, n° 20-16.841, FS-B N° Lexbase : A25178KG, Droit social, 2022, 1052, obs. J. Mouly ; RDT, 2022, 593, obs. F. Guiomard ; Procédures, 2022, 250, obs. A. Burgada ; RTD civ., 2023, 167, obs. J. Klein.

[11] Obs. J. Klein, op. cit..

[12] V. en particulier JCP G, 2021, n° 6 , obs. B. Bossu.

[13] Ass. plén., 7 janvier 2011, nos 09-14.316 et 09-14.667 N° Lexbase : A7431GNK : « l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».

[14]  Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-30.266, FS-P+B N° Lexbase : A4789IQG.

[15] Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-40.852, FS-P+B N° Lexbase : A4765D7M.

[16] A contrario, cf. l'arrêt « Petit Bateau » : Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A41383W8, D., 2020, 2383, note C. Golhen ; D., 2020, 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; Droit social, 2021, 14, étude P. Adam ; Légipresse, 2021, 57, obs. G. Loiseau ; JCP G, 2020, 1226, note G. Loiseau ; CCE, 2020, comm. 94, obs. E. Caprioli ; Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5510379 ; Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-17.637, F-P+B N° Lexbase : A69434AE, D., 2021, 370, chron. S. Ala, M.-P. Lanoue et A. Prache ; D., 2021, 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; D, 2022, 431, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès.

[17] Cass. soc., 25 novembre 2020, préc., D., 2021, 117, note G. Loiseau et 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; Droit social, 2021, 21, étude N. Trassoudaine-Verger et 170, étude R. Salomon ; RDT, 2021, 199, obs. S. Mraouahi ; Dalloz IP/IT, 2020, 655, obs. C. Crichton ; Légipresse, 2021, 8 ; Bull. Joly Travail, 2021, n° 1, p. 20, note G. Duchange ; JSL, 2021, n° 511, obs. H. Nasom-Tissandier ; JCP G, 2021, 1423, obs. N. Dedessus-Le-Moustier ; JCP S, 2021, 1032, note B. Bossu (à propos de la collecte d'adresses IP et des fichiers de journalisation dont le traitement devait alors faire l’objet d’une déclaration préalable à la CNIL selon les articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, avant l'entrée en vigueur du RGPD).

[18] Cf. Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263, FS-B N° Lexbase : A45237B7.

[19] D. Ponsot, Rapport valant avis, N° H2020648, p. 53 [en ligne].

[20] D. Ponsot, Rapport valant avis, préc. p. 53.

[21] Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120 N° Lexbase : A9301AAQ.

[22] Ass. plén., 7 janvier 2011, n° 09-14.316 et n° 09-14.667 N° Lexbase : A7431GNK : « l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».

[23] Ass. plén., 22 décembre 2023, préc., § 12.

[24] V. par ex., en matière de preuve illicite, Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B N° Lexbase : A92179GH

[25] Cass. soc., 17 janvier 2024, n° 22-17.474, F-B N° Lexbase : A35522EB.

[26] C. trav., art. L. 1232-4 N° Lexbase : L1079H9T.

[27] Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-44.241, FS-P+B N° Lexbase : A6171EMI.

[28] J.-G. Huglo, Ouvrir le droit à la preuve en sauvegardant des intérêts contradictoires, SSL, janvier 2024, 2077.

[29] Cass. soc., 17 janvier 2024, préc..

[30] Cass. soc., 8 mars 2023, préc..

[31] Ass. plén., 22 décembre 2023, préc.. V. déjà l'arrêt « Facebook », Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, FS-P+B N° Lexbase : A7858X4S.

[32] Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492, FS-B N° Lexbase : A08929HI.

[33] CJUE, 2 mars 2023, aff. C-268/21 N° Lexbase : A28209GK, § 28.

[34] Un avis devrait être rendu prochainement par Chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d'une demande d'avis de la deuxième chambre civile sur cette question, à l'occasion de la production de bulletins de paie. Cf. J.-G. Huglo, préc..

[35] C. pén., art. 226-1 N° Lexbase : L8546LXS.

[36] Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-16.799, F-D N° Lexbase : A6735YKN ; Cass. soc., 12 novembre 2020, n° 19-20.583, F-D N° Lexbase : A526934W. V. aussi Cass. civ. 2, 30 juin 2004, n° 03-13.416, FS-P+B N° Lexbase : A9101DC3 ; Cass. civ. 1, 2 juin 2021, n° 20-13.753, FS-P N° Lexbase : A23094U3.

[37] Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420, F-D N° Lexbase : A18267KT.

[38] On rappellera que le bien-fondé d’une demande de dommages-intérêts à raison, par exemple, des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est indépendant du bien-fondé de la rupture (v,. par ex : Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 18-23.966, F-P+B+I N° Lexbase : A06804AG ; Cass. soc., 17 décembre 2013, n° 12-19.740, FS-P+B N° Lexbase : A8955KII ; Cass. soc., 19 juillet 2000, n° 98-44.025 N° Lexbase : A9185AGB). Il serait, en revanche, audacieux d'invoquer un préjudice tiré d'une perte de chance d'obtenir gain de cause dans le procès perdu du fait de la recevabilité de la preuve !


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Salaire

[Brèves] Participation aux résultats : conformité de l’interdiction de contester le calcul du montant des bénéfices à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1077 QPC, du 24 janvier 2024 N° Lexbase : A80152GX

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N8186BZ9

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par Lisa Poinsot

Le 31 Janvier 2024

L’interdiction de remise en cause du bénéfice de l’entreprise à l’occasion d’un litige relatif au calcul de la réserve spéciale de participation est conforme à la Constitution et ne porte pas atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.

La saisine. La Cour de cassation a décidé de transmettre, par décision du 25 octobre 2023 (n° 23-14.147, FS-B N° Lexbase : A33471PN), la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

La question posée. « L’article L. 3326-1 du Code du travail N° Lexbase : L1228H9D méconnaît-il les droits et libertés que la Constitution garantit, notamment les articles 4 N° Lexbase : L1368A9K et 16  N° Lexbase : L1363A9D de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et les articles 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en ce qu’il :

  • interdit de remettre en cause le bénéfice net d’une entreprise après l’attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts, même en cas de fraude, et ;
  • prive ainsi les salariés ou leurs représentants de toute voie de recours permettant de contester utilement le calcul de la réserve de participation et ;
  • conduit au surplus à neutraliser les accords passés au sein de l’entreprise dans le cadre de la détermination de la réserve de participation ? ».

La Haute juridiction estime que cette disposition légale pourrait être considérée comme portant une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil constitutionnel rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle les montants certifiés par l’attestation ne peuvent être remis en cause dans un litige relatif à la participation quand bien même l’action du demandeur est fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de l’entreprise (v. Cass. soc., 29 janvier 2013, n° 12-11.875, FS-P+B N° Lexbase : A6281I4E ; Cass. soc., 9 février 2010, n° 08-11.338, F-D N° Lexbase : A7686ER4 ; Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-65.810, F-P+B N° Lexbase : A9116GML).

Le raisonnement. Le Conseil constitutionnel souligne, en premier lieu, que cette attestation a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

En second lieu, le Conseil constitutionnel souligne que l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation.

La solution. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif de sorte qu’elles doivent être déclarées comme conformes à la Constitution.

Autrement dit, le contrôle du montant du bénéfice net est opéré par l’administration fiscale et non par des tiers qui peuvent néanmoins fournir des renseignements à l’administration de sorte qu’est conforme à la Constitution l’interdiction de contester les attestations d’inspecteurs des impôts ou de commissaires aux comptes sur le montant du bénéfice fiscal et des capitaux propres de l’entreprise lors d’un litige sur la participation.

Pour aller plus loin :

  • lire G. Auzero, De l'impossible contestation des montants du bénéfice net et des capitaux propres établis par le commissaire aux comptes ou l'inspecteur des impôts, Lexbase Social, janvier 2011, n° 422 N° Lexbase : N0405BRG ;
  • v. ÉTUDE : La participation aux résultats de l’entreprise, Le règlement des litiges en matière de participation, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1054ET9.

 

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Sociétés

[Brèves] Cession de droits sociaux : absence de solidarité entre cédants

Réf. : Cass. com., 24 janvier 2024, n° 20-13.755, F-B N° Lexbase : A71322GA

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N8212BZ8

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par Perrine Cathalo

Le 05 Février 2024

► Encourt la cassation l'arrêt qui, pour condamner solidairement quatre cédants à verser une certaine somme à deux cessionnaires « pris ensemble » au titre d'une garantie de passif prévue dans chacun des cinq actes de cession, retient que le caractère commercial de l'opération est indiscutable, alors que l'un des cessionnaires n'avait acquis ses parts que de l'un des cédants, de sorte que la solidarité dont bénéficiait le second envers celui-ci et les trois autres pour avoir acquis des parts auprès de chacun d'eux ne pouvait produire d'effet à son égard.

Faits et procédure. Par quatre actes distincts du 4 juillet 2011, les consorts V, qui détenaient ensemble la totalité des 7 000 parts d’une société, ont cédé, respectivement, 1 605 parts, 1 958 parts, 1 692 parts et 1 675 parts à une société de droit espagnol. Par un cinquième acte du même jour, l’un des cédants a également cédé 70 parts de la société cédée au dirigeant de la société de droit espagnol.

Chaque acte de cession prévoyait une garantie de passif.

La société de droit espagnol et son dirigeant ont assigné les cédants aux fins de voir mettre en œuvre cette garantie.

Par décision du 19 décembre 2019, la cour d’appel (CA Lyon, 19 décembre 2019, n° 17/04509 N° Lexbase : A8729Z8S) a condamné solidairement les cédants à verser une certaine somme aux cessionnaires « pris ensemble », aux motifs que le caractère commercial de l'opération était indiscutable et donc la solidarité présumée.

Les cédants ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 1202 du Code civil N° Lexbase : L1304ABW, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, selon lequel la solidarité ne se présume pas et doit être expressément stipulée.

Dans cette logique, la Cour constate que les juges du fond ont injustement retenu que la solidarité se présumait du fait que la cession, même acquise par la conclusion de cinq actes distincts par lesquels chacun des associés initiaux de la société cédée a consenti à la vente de ses droits sociaux propres, ait conduit à une prise de contrôle total de cette société par les deux cessionnaires et que la clause de garantie insérée dans chacun des actes ne limitait pas la charge d'un passif antérieur révélé postérieurement à la cession à la proportion des droits sociaux cédés.

La Chambre commerciale affirme au contraire que le dirigeant de la société de droit espagnol n’avait acquis de parts que de l’un seul des cédants, de sorte que la solidarité dont bénéficie la société envers l’ensemble des cédants ne peut produire d'effet à son égard.

Observations. Cette solution suscite bien des interrogations, d’autant plus que la Chambre commerciale jugeait en août dernier (Cass. com., 30 août 2023, n° 22-10.466, F-B N° Lexbase : A31321EQ, B. Saintourens, Lexbase Affaires, septembre 2023, n° 768 N° Lexbase : N6758BZC), également à propos de la cession de contrôle d’une société commerciale, que l'obligation de restitution d'une partie de l'acompte versé par le cessionnaire, qui pèse sur l'ensemble des cédants en application de la clause de prix figurant dans l’acte de cession, est une obligation solidaire.

La différence entre ces deux jurisprudences tiendrait alors au fait que dans le premier cas (n° 22-10.466), les cédants ont choisi de céder leurs parts sociales pour un prix global, faisant ainsi peser une seule et même obligation de restitution du prix sur eux, tandis que dans second cas de figure (n° 20-13.755), les associés cèdent le capital de leur société par cinq actes de cession distincts, écartant ainsi le jeu de la solidarité entre les cédants en l’absence d’une dette pesant sur plusieurs personnes.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L’articulation des responsabilités entre les créanciers et les débiteurs, Les différences entre la solidarité parfaite et imparfaite, in Responsabilité civile (dir. Fl. Gasnier), Lexbase N° Lexbase : E63697K4.

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