Le Quotidien du 26 janvier 2024

Le Quotidien

Assurances

[Brèves] L’action en nullité pour dol ne dérive pas du contrat d’assurance

Réf. : Cass. civ. 2, 21 décembre 2023, deux arrêts, n° 22-15.768, F-B N° Lexbase : A27152AS et n° 22-15.769, F-D N° Lexbase : A67112AS

Lecture: 5 min

N8165BZG

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

Le 25 Janvier 2024

L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manœuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance et n'est pas soumise à la prescription de deux ans prévue à l'article L. 114-1 du Code des assurances.

Faits et procédure. Dans les deux affaires, les faits étaient similaires. Des personnes avaient souscrit un contrat d'assurance sur la vie multi-supports proposé par une société d’assurance, au titre duquel elles avaient versé, par l'entremise d’un courtier, une certaine somme, investie sur un support. Après deux rachats partiels, elles avaient réinvesti une certaine somme sur un autre support.

Elles avaient assigné le courtier et l’assureur en nullité du contrat (ou de ses avenants) pour dol. Elles étaient déboutées de leur demande par deux arrêts infirmatifs de la cour d’appel qui les déclarait irrecevables comme prescrites (CA Grenoble, 8 mars 2022, n° 19/03033 N° Lexbase : A17397QH et n° 19/03034 N° Lexbase : A14117QC).

Saisissant la Cour de cassation d’un pourvoi, elles soutenaient que  « que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que l'action en nullité d'un contrat d'assurance fondée sur le dol dont s'est rendu coupable l'assureur ou son représentant ne dérive pas du contrat d'assurance en ce qu'elle sanctionne un manquement à la bonne foi et à la loyauté antérieur à sa conclusion ; qu'en soumettant néanmoins à la prescription biennale l'action en nullité pour dol […], la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 114-1 du Code des assurances ».

Solution. La Cour de cassation devait déterminer si l’action en nullité pour dol dérive ou non du contrat d’assurances. Dans l’affirmative, le délai de prescription de deux ans à compter de l’événement ayant donné naissance à l’action prévu par l’article L. 114-1 du Code des assurances N° Lexbase : L2081MAC serait applicable et l’action serait en l’espèce prescrite. Dans la négative, seul le délai de droit commun applicable aux actions en nullité pour dol serait applicable et l’action ne serait pas prescrite conformément à l’article 1304 du Code civil N° Lexbase : L0955KZE qui pose un délai de prescription de cinq ans. La Haute juridiction se prononce en faveur de la seconde interprétation : « L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manœuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance », au sens de l'article L. 114-1 du Code des assurances. Elle précise en l’espèce que « pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de nullité du contrat d'assurance sur la vie (…) l'arrêt retient que celle-ci a assigné l'assureur les 8, 11 et 13 avril 2016, soit après l'expiration du délai de prescription biennale », alors que « la prescription prévue à l'article L. 114-1 du Code des assurances ne s'applique pas à la demande d'annulation pour dol du contrat d'assurance ».

Ce faisant elle clôt une incertitude doctrinale (v. par ex. A. Pelissier, Quand le dol met en échec la prescription biennale d'un accord d'indemnisation – Revue générale du droit des assurances n° 3 – 1er mars 2014 - page 150. Bigot, Revue générale du droit des assurances, n° 1, 1er janvier 2013, p. 163 ; Y. Lambert-Faivre, L. Leveneur, Droit des assurances, Dalloz, coll. Précis, n° 331 et s. ; H. Barbier, Les prescriptions spéciales cernées par une prescription de droit commun conquérante, RTDCiv. 2014 p. 371) qui a pu naître malgré une jurisprudence antérieure qui allait déjà dans le sens de cette interprétation (v. Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 13-10.134 N° Lexbase : A8062KTR ; Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 13-10.134 N° Lexbase : A8062KTR, qui concerne cependant un accord transactionnel ; pour une violence morale, Cass. civ. 2, 25 juin 2009, n° 08-14.254, F-D N° Lexbase : A4196EIA).

La solution est logique : l’action en nullité pour dol est sans rapport avec la nature du contrat puisqu’elle concerne des manœuvres antérieures à la conclusion du contrat et aucun article du Code des assurances ne vient expressément déroger au droit commun résultant de l’article 1304 du Code civil. L’action ne dérive donc pas du contrat d’assurance. La Cour de cassation s’était d’ailleurs prononcée dans le même sens pour l’action en responsabilité que l’assuré peut exercer contre l’assureur pour manquement à son devoir d’information et qui relève de la prescription quinquennale, en ce qu’elle ne dérive pas du contrat d’assurance (Cass. civ. 1, 30 janvier 2001, n° 98-18.145 N° Lexbase : A8839AQG : « un assureur est tenu d'une obligation particulière d'information et de conseil à l'égard de la personne qui souhaite souscrire un contrat d'assurance, ou y adhérer », et « l'action engagée contre l'assureur en raison d'un manquement à cette obligation précontractuelle ne dérive pas du contrat d'assurance »).

Pour aller plus loin : ces décisisons feront l'objet d'un commentaire approfondi par Stéphane Bréna, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

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Marchés publics

[Brèves] Responsabilité du maître d'œuvre à l'égard du maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 22 décembre 2023, n° 472699, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A57232A9

Lecture: 2 min

N8171BZN

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par Yann Le Foll

Le 25 Janvier 2024

Lors de la réception des travaux, le maître d'œuvre doit signaler au maître d'ouvrage toute non-conformité de l'ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l'art et aux normes qui lui sont applicables.

Rappel. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves (CE, 28 janvier 2011, n° 330693, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7479GQ3).

Apport CE. Ce devoir de conseil implique que le maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage toute non-conformité de l'ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l'art et aux normes qui lui sont applicables, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage (annulation CAA Lyon, 4e ch., 2 février 2023, n° 20LY02143 N° Lexbase : A85869BM).

Précision. Il a déjà été jugé que ce devoir de conseil implique que le maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage l'entrée en vigueur, au cours de l'exécution des travaux, de toute nouvelle réglementation applicable à l'ouvrage, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage (CE, 2°-7° ch. réunies, 10 décembre 2020, n° 432783, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A611839H).

Précisions rapporteur public. La Haute juridiction étend ici cette solution « à des réglementations distinctes des spécifications du marché et ce y compris lorsque les normes en cause ont été méconnues dès le stade de la conception de l’ouvrage » comme l’indique le rapporteur public Nicolas Labrune dans ses conclusions. Selon lui, « votre jurisprudence sur les effets extinctifs de la réception ne saurait jamais interdire au maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité de son maître d’œuvre à raison d’un manquement à son devoir de conseil, même lorsque ce manquement porte sur un vice de conception de l’ouvrage. Les deux responsabilités du maître d’œuvre – comme constructeur et comme conseil du maître d’ouvrage – sont distinctes et se cumulent : le fait que la réception éteigne l’une doit, selon nous, demeurer sans incidence sur l’autre ».

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, L'exécution du marché public, La réception des travaux, in Marchés publics – Commande publique (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E1138EUP.

newsid:488171

Salariés protégés

[Brèves] Un licenciement autorisé par l’administration peut-il être annulé en invoquant une discrimination syndicale ?

Réf. : Cass. soc., 17 janvier 2023, n° 22-20.778, FS-B N° Lexbase : A35502E9

Lecture: 3 min

N8143BZM

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par Lisa Poinsot

Le 25 Janvier 2024

Malgré l’existence présumée d’une discrimination syndicale, la décision administrative autorisant le licenciement pour motif économique ne peut être remise en question par le juge judiciaire sans violer le principe de séparation des pouvoirs.

Faits et procédure. Un salarié, ayant le statut de salarié protégé en raison de ces différents mandats successifs, est licencié pour motif économique, après autorisation de l’inspecteur du travail.

Soutenant avoir été victime d’une discrimination syndicale, il saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la nullité de son licenciement.

La cour d’appel (CA Versailles, 7 juillet 2022, n° 21/00787 N° Lexbase : A86768AL) retient que le salarié présente des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale. L’employeur ne démontre pas, quant à lui, que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En outre, elle relève que la discrimination invoquée par le salarié est établie et que le licenciement intervenu dans le contexte de la discrimination syndicale est nul, alors qu’elle constate, au préalable, que l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour un motif économique.

La cour d’appel juge que le salarié doit être indemnisé pour le préjudice moral résultant de la discrimination syndicale subie et déclare le licenciement nul.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation énonce que, dans le cas où l'employeur sollicite l'autorisation de licencier le salarié, il appartient à l'administration de vérifier si la mesure de licenciement envisagée n'est pas en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé.

Par conséquent, l'autorisation administrative de licenciement établit que le licenciement n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire échec au mandat représentatif.

Il en résulte que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, annuler le licenciement pour motif économique du salarié sur le fondement d'une discrimination syndicale subie par ce dernier.

La Haute juridiction rappelle néanmoins que si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment l'existence d'une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière du salarié.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà par ex. Cass. soc., 29 mai 2019, n° 17-23.028, FS-P+B N° Lexbase : A1076ZD9 : si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l’existence d’une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière du salarié ;
  • v. ÉTUDE : Le licenciement des salariés protégés, La portée de l'autorisation administrative de licenciement sur la compétence du juge judiciaire, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9578ESK.

 

newsid:488143

Salaire

[Brèves] Participation aux résultats : conformité de l’interdiction de contester le calcul du montant des bénéfices à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1077 QPC, du 24 janvier 2024 N° Lexbase : A80152GX

Lecture: 4 min

N8186BZ9

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par Lisa Poinsot

Le 31 Janvier 2024

L’interdiction de remise en cause du bénéfice de l’entreprise à l’occasion d’un litige relatif au calcul de la réserve spéciale de participation est conforme à la Constitution et ne porte pas atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.

La saisine. La Cour de cassation a décidé de transmettre, par décision du 25 octobre 2023 (n° 23-14.147, FS-B N° Lexbase : A33471PN), la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

La question posée. « L’article L. 3326-1 du Code du travail N° Lexbase : L1228H9D méconnaît-il les droits et libertés que la Constitution garantit, notamment les articles 4 N° Lexbase : L1368A9K et 16  N° Lexbase : L1363A9D de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et les articles 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en ce qu’il :

  • interdit de remettre en cause le bénéfice net d’une entreprise après l’attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts, même en cas de fraude, et ;
  • prive ainsi les salariés ou leurs représentants de toute voie de recours permettant de contester utilement le calcul de la réserve de participation et ;
  • conduit au surplus à neutraliser les accords passés au sein de l’entreprise dans le cadre de la détermination de la réserve de participation ? ».

La Haute juridiction estime que cette disposition légale pourrait être considérée comme portant une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil constitutionnel rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle les montants certifiés par l’attestation ne peuvent être remis en cause dans un litige relatif à la participation quand bien même l’action du demandeur est fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de l’entreprise (v. Cass. soc., 29 janvier 2013, n° 12-11.875, FS-P+B N° Lexbase : A6281I4E ; Cass. soc., 9 février 2010, n° 08-11.338, F-D N° Lexbase : A7686ER4 ; Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-65.810, F-P+B N° Lexbase : A9116GML).

Le raisonnement. Le Conseil constitutionnel souligne, en premier lieu, que cette attestation a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

En second lieu, le Conseil constitutionnel souligne que l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation.

La solution. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif de sorte qu’elles doivent être déclarées comme conformes à la Constitution.

Autrement dit, le contrôle du montant du bénéfice net est opéré par l’administration fiscale et non par des tiers qui peuvent néanmoins fournir des renseignements à l’administration de sorte qu’est conforme à la Constitution l’interdiction de contester les attestations d’inspecteurs des impôts ou de commissaires aux comptes sur le montant du bénéfice fiscal et des capitaux propres de l’entreprise lors d’un litige sur la participation.

Pour aller plus loin :

  • lire G. Auzero, De l'impossible contestation des montants du bénéfice net et des capitaux propres établis par le commissaire aux comptes ou l'inspecteur des impôts, Lexbase Social, janvier 2011, n° 422 N° Lexbase : N0405BRG ;
  • v. ÉTUDE : La participation aux résultats de l’entreprise, Le règlement des litiges en matière de participation, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1054ET9.

 

newsid:488186

Sociétés

[Brèves] Contestation de la valeur des droits sociaux : prise en compte des changements de méthode comptable

Réf. : Cass. com., 17 janvier 2024, n° 22-15.897, F-B N° Lexbase : A35492E8

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N8108BZC

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par Perrine Cathalo

Le 25 Janvier 2024

► Il résulte de l'article 1843-4, II, du Code civil que si l'expert est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties, il incombe au juge d'interpréter, s'il y a lieu, la commune intention des parties à la convention ; en application de ces principes, l'expert peut, afin de ne pas retarder le cours de ses opérations, retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, à charge pour le juge, après avoir procédé à la recherche nécessaire de la commune intention des parties, d'appliquer l'évaluation correspondante, laquelle s'impose alors à lui.

Faits et procédure. Des personnes physiques ont cédé à deux sociétés la totalité des parts qu’elles détenaient dans trois sociétés.

L’acte de cession comportait un prix de base et un ajustement de prix calculé après l'arrêté des comptes au 30 avril 2016, égal au montant de la variation des capitaux propres de chacune des sociétés cédées. Cet acte prévoyait également qu'en cas de désaccord sur le prix, un expert serait désigné, à défaut d'accord, par le président du tribunal de commerce, conformément à l'article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR.

Le 29 juin 2016, les cédants ont notifié une demande de complément de prix aux cessionnaires. Les parties n'étant pas parvenues à un accord, un expert a été désigné. Concomitamment, les cédants ont assigné les cessionnaires devant un tribunal de commerce en paiement d'un complément de prix.

Par une décision du 22 mars 2022, la cour d’appel (CA Rennes, 22 mars 2022, n° 19/07354 N° Lexbase : A10017RI) a condamné les cessionnaires à payer aux cédants une certaine somme au titre de l’ajustement du prix de cession.

Les cessionnaires ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction rejette le pourvoi.

Pour ce faire, elle rappelle le texte de l’article 1843-4 du Code civil, qui impose à l’expert d’appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties et au juge d'interpréter, s'il y a lieu, la commune intention des parties à la convention.

À ce titre, la Chambre commerciale précise que l’expert peut, afin de ne pas retarder le cours de ses opérations, retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, à charge pour le juge, après avoir procédé à la recherche nécessaire de la commune intention des parties, d'appliquer l'évaluation correspondante, laquelle s'impose alors à lui.

En l’espèce, les juges de la Cour de cassation constatent que la commune intention des parties à la convention de cession avait été de ne pas modifier les principes appliqués de façon permanente lors de la comptabilisation des produits constatés d'avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession ; de sorte que la cour d’appel en a exactement déduit qu'il convenait de condamner les cessionnaires à payer aux cédants le complément de prix fixé par l'expert en application de la méthode comptable correspondante, l'expert n'ayant exprimé aucune préférence à cet égard mais seulement indiqué la méthode comptable qu'il aurait préconisée lors de l'établissement, par les sociétés concernées, de leurs comptes annuels.

La Cour écarte ensuite le moyen tiré de l’incompatibilité de la méthode comptable retenue pour l’évaluation du prix de cession avec la réglementation en vigueur, affirmant qu’une « modification [des méthodes comptables], à la supposer justifiée par la nécessité de respecter les dispositions du Code général des impôts, aurait en outre été à l'encontre du principe de permanence des méthodes comptables d'un exercice à l'autre ».

Observations. Saisi d’une question similaire quelques années plus tôt, le Conseil d’État c’était prononcé en faveur de l’alignement des normes comptables sur la réglementation en vigueur au détriment du principe de permanence des normes comptables (CE, 8°-3° ch. réunies, 9 juin 2020, n° 416739 N° Lexbase : A15353N8), à l’inverse de la Cour de cassation.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L’expertise sur la valeur des droits sociaux, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E9595AS8.

newsid:488108

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