Jurisprudence : CA Colmar, 19-03-2024, n° 22/01260, Infirmation partielle


GLQ


MINUTE N° 24/235


Copie exécutoire

aux avocats


Copie à Pôle emploi

Grand Est


le


Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A


ARRET DU 19 MARS 2024


Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01260 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZVC


Décision déférée à la Cour : 07 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM



APPELANTE :


MadameAa[Ab] [V]

[Adresse 4]

[Localité 3]


Représentée par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG


INTIMEE :


S.A.S. BRENNENSTUHL

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représentée par Me Sophie MOYON-VIRELIZIER, avocat au barreau de STRASBOURG



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.


Greffier, lors des débats : Mme Ac


ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


FAITS ET PROCÉDURE


La S.A.S. BRENNENSTUHL a pour activité la fabrication et la commercialisation d'outillage électromécanique. Par contrat à durée déterminée du 06 novembre 2000, elle a embauché Mme [Ab] [Aa] en qualité d'ouvrière. La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 06 février 2001.


Mme [Ab] [Aa] a été placée en arrêt de travail pour congé de maladie de longue durée du 03 novembre 2016 au 30 novembre 2017.


Le 15 décembre 2017, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a recommandé une reprise sur un poste adapté dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique d'une durée de six mois.


Mme [Ab] [Aa] a repris une activité à temps complet à compter du 03 juin 2018.


Le 18 septembre 2018, Mme [Ab] [Aa] a été victime de la chute d'un outil sur sa jambe et a été placée en arrêt pour accident du travail jusqu'au 07 décembre 2018. Elle a été maintenue en arrêt de travail après cette date.


Le 13 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a informé l'employeur du refus d'imputer à l'accident du travail du 18 septembre 2018 une nouvelle lésion déclarée par la salariée le 26 novembre 2018 et de reconnaître le caractère professionnel de cette lésion.



Par courrier du 04 juillet 2019, la S.A.S. BRENNENSTUHL a notifié à Mme [Ab] [Aa] son licenciement pour absence prolongée ayant entraîné des perturbations et nécessitant son remplacement définitif.


Le 25 novembre 2019, Mme [Ab] [Aa] a saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim pour faire reconnaître une situation de harcèlement moral et contester le licenciement.


Par jugement du 07 mars 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la salariée n'a pas été victime de harcèlement moral,

- dit que le licenciement n'est pas nul,

- débouté la salariée de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l'obligation de sécurité,

- condamné la S.A.S. BRENNENSTUHL au paiement des sommes suivantes :

* 749,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur retenues illicites pour absences injustifiées, outre 74,96 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 2 000 euros nets au titre des frais irrépétibles,

- condamné la S.A.S. BRENNENSTUHL aux dépens.



Mme [Ab] [Aa] a interjeté appel le 24 mars 2022.


Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2023, Mme [Ab] [Aa] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la S.A.S. BRENNENSTUHL au paiement des sommes de 749,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur retenues illicites pour absences injustifiées, 74,96 euros bruts au titre des congés payés afférents et 2 000 euros nets au titre des frais irrépétibles. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

- dire que le licenciement est nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la S.A.S. BRENNENSTUHL au paiement des sommes suivantes :

* 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à titre subsidiaire, 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 36 100 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

* 3 610 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 361 euros au titre des congés payés afférents,

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 pour l'instance d'appel,

- dire que ces montants porteront intérêts à compter du jour de la demande s'agissant de créances salariales et à compter du jour du jugement à intervenir s'agissant de dommages et intérêts,

- condamner la S.A.S. BRENNENSTUHL aux dépens et rejeter ses demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et pour l'appel.


Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 mars 2023, la S.A.S. BRENNENSTUHL demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes de 749,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur retenues illicites pour absences injustifiées, 74,96 euros bruts au titre des congés payés afférents et 2 000 euros nets au titre des frais irrépétibles. Elle demande à la cour de confirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de débouter Mme [Ab] [Aa] de ses demandes et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et de 4 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel.


Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile🏛.


La clôture de l'instruction a été prononcée le 04 octobre 2023. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 09 janvier 2024 et mise en délibéré au 19 mars 2024.



MOTIFS


Sur la demande de rappel de salaire


Mme [Ab] [Aa] sollicite le paiement d'un rappel de salaire correspondant à la retenue effectuée par l'employeur au mois de juillet 2019 pour absence injustifiée.


Cette retenue d'un montant de 749,60 euros apparaît sur le bulletin de paie du mois de juillet 2019 pour une absence injustifiée du 17 juillet au 31 juillet. Cette absence injustifiée a été annulée sur le bulletin du mois d'août 2019, Mme [Ab] [Aa] ayant transmis un arrêt de travail à l'employeur par courrier du 05 août 2019. Cette annulation n'a cependant donné lieu à aucun rappel de salaire.


Les bulletins de paie de l'année 2019 permettent toutefois de constater qu'au cours de cette période, Mme [Ab] [Aa] ne bénéficiait d'aucune rémunération, le montant de son salaire faisant l'objet d'une déduction d'un montant équivalent au titre de l'absence pour maladie, ce qui n'a donné lieu à aucune contestation de la part de Mme [Ab] [Aa]. Pour le mois de juillet, une partie de la déduction a simplement été imputée sous l'intitulé « absence injustifiée » alors qu'elle aurait été imputée sur l'absence pour maladie si la salariée avait communiqué son arrêt de travail dans les délais, sans entraîner de modification sur le montant total déduit du salaire. Dès lors que la retenue pour absence injustifiée n'a eu aucune incidence sur la rémunération versée à Mme [Ab] [Aa], celle-ci ne peut prétendre à aucun rappel de salaire au titre de l'annulation de cette retenue. Il convient donc de la débouter de ces demandes, le jugement étant infirmé sur ce point.


Sur la nullité du licenciement


Sur le harcèlement moral


Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'article L. 1152-3 précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l'article L. 1152-1 est nulle.


En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.


Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


Pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral, Mme [Ab] [Aa] invoque les éléments suivants :


- une dégradation de son état de santé provoquée par l'ambiance de travail pathogène au sein de l'entreprise :


Mme [Ab] [Aa] fait valoir qu'elle a traversé un épisode dépressif à la fin de l'année 2016, pour lequel elle a été placée en congé de longue durée. Elle impute cette dégradation de son état de santé à l'ambiance de travail au sein de l'atelier. Pour en justifier, elle produit le compte-rendu d'une visite médicale du 03 juillet 2019 établi par le médecin du travail, lequel ne fait toutefois que reprendre les déclarations de la salariée sur ce point, ainsi que le courrier du 10 juillet 2019 dans lequel Mme [Ab] [Aa] conteste son licenciement en faisant état du fait qu'elle aurait été traitée défavorablement par son employeur. Ces éléments qui correspondent aux seules déclarations de Mme [Ab] [Aa] ne permettent pas d'établir la matérialité de cet élément qui doit donc être écarté.


- un dénigrement pendant la procédure de licenciement :


Mme [Ab] [Aa] reproche à l'employeur une attitude vindicative à son égard. Cette attitude résulte, selon elle, d'une part de la lettre de licenciement dans laquelle l'employeur a précisé que la salariée n'avait pu assister à l'entretien préalable bien que les sorties lui étaient autorisées et, d'autre part, d'un courrier de l'employeur du 31 juillet 2019 demandant à Mme [Ab] [Aa] d'adresser la prolongation de son arrêt de travail pour maladie qui avait expiré le 16 juillet précédent. Ces deux éléments, correspondant à une constatation objective et à un rappel de l'obligation de justifier de son absence ne permettent en rien de caractériser un dénigrement de Mme [Ab] [Aa] et doivent de ce fait être écartés.


- le retrait d'heures pour absence injustifiée :


Il résulte des propres pièces produites par Mme [Ab] [Aa] que celle-ci n'a transmis à l'employeur que le 05 août 2019 son arrêt de travail pour la période du 17 au 31 juillet 2019. L'employeur pouvait donc légitimement procéder à une retenue de salaire pour une absence injustifiée sur le bulletin de paie du mois de juillet 2019. Il a par ailleurs été jugé ci-dessus que Mme [Ab] [Aa] ne pouvait prétendre à aucun rappel de salaire au titre de la régularisation de sa situation, prise en compte dès le mois suivant par l'employeur. Cet élément ne permet donc en rien de caractériser une situation de harcèlement moral et sera donc écarté.


- le versement irrégulier des indemnités de prévoyance :


S'il résulte des bulletins de paie produits que la salariée a perçu des indemnités de prévoyance aux mois d'avril, juin, juillet et novembre 2017 ainsi qu'au mois de janvier 2018 et qu'elle n'a pas perçu ces indemnités pendant ses arrêts de travail ultérieurs, Mme [Ab] [Aa] ne fait état d'aucun élément permettant d'établir qu'elle n'aurait pas perçu des prestations auxquelles elle avait droit ni que cette situation serait imputable à l'employeur. Elle échoue donc à établir la matérialité de cet élément qui doit donc être écarté.


- une résistance abusive dans la transmission des attestations de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie :


Si Mme [Ab] [Aa] soutient que l'employeur aurait transmis tardivement à la caisse primaire d'assurance maladie l'attestation de salaires pour les arrêts de travail de l'année 2018, les attestations de paiement des indemnités journalières produites par Mme [Ab] [Aa] ne permettent pas d'établir la réalité de cet élément.


Il apparaît en revanche que, pour l'année 2019, la salariée a dû intervenir auprès de la caisse primaire d'assurance maladie et de l'employeur pour que celui-ci transmette l'attestation permettant le versement des indemnités journalières auxquelles la salariée pouvait prétendre pour la période de janvier à juin 2019 et qui lui ont été versées au mois de septembre 2019. Cet élément apparaît donc matériellement établi.


- la résiliation du contrat d'assurance complémentaire santé :


Il résulte des éléments produits que cette résiliation à l'initiative de l'employeur est intervenue le 07 septembre 2019, deux jours après la rupture du contrat de travail et la fin de la période de préavis. Elle ne peut donc pas se rattacher à une situation de harcèlement moral susceptible d'entraîner la nullité du licenciement.


Il apparaît ainsi qu'un seul des éléments invoqués par la salariée est matériellement établi et susceptible de se rattacher à une situation de harcèlement moral. Dès lors toutefois que le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, cet élément est, en toute hypothèse, insuffisant pour caractériser à lui seul une telle situation, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les éléments invoqués par l'employeur pour démontrer que cet agissement serait étranger à tout harcèlement moral. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [Ab] [Aa] tendant à faire reconnaître un harcèlement moral et en ce qu'il l'a déboutée de la demande de dommages et intérêts formée à ce titre.


Sur la protection afférente aux accidents du travail


Vu l'article L. 1226-9 du code du travail🏛,


Mme [Ab] [Aa] a été victime d'un accident de travail le 18 septembre 2018. Il résulte de la déclaration établie par l'employeur et de ses conclusions qu'un outil est tombé sur la cheville de la salariée et a provoqué une entorse et une foulure de cette cheville. L'attestation d'accident de travail produite par la salariée mentionne au titre des lésions un hématome à la cheville droite.


Suite à cet accident, Mme [Ab] [Aa] a été placée en arrêt de travail jusqu'au 07 décembre 2018 et la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin lui a notifié la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par un courrier du 22 octobre 2018.


Mme [Ab] [Aa] justifie par ailleurs qu'elle a été maintenue en arrêt de travail après le 07 décembre 2018 et il est constant que cet arrêt s'est prolongé jusqu'à la rupture du contrat de travail. La salariée produit notamment les arrêts de travail du 07 décembre 2018 et du 09 janvier 2019 qui précisent le motif médical de l'arrêt, à savoir un épisode anxio-dépressif majeur, mais ne mentionnent aucunement les lésions de la cheville droite consécutives à l'accident du 18 septembre 2018. Les attestations de paiement de la sécurité sociale permettent en outre de constater qu'à compter du 08 décembre 2018, Mme [Ab] [Aa] n'était plus pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels mais au titre de la maladie ordinaire. Ces éléments démontrent qu'à compter du 08 décembre 2018, l'arrêt de travail de la salariée n'était plus la conséquence de l'accident du travail du 18 septembre 2018 et qu'à la date du licenciement, Mme [Ab] [Aa] ne bénéficiait plus de la protection contre la rupture du contrat de travail dont bénéficient les salariés victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle. La nullité du licenciement ne peut donc être retenue pour ce motif.


Sur la discrimination


Il résulte des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail🏛🏛 qu'un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé et qu'un tel licenciement est nul.


Ces dispositions ne s'opposent pas toutefois au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de perturbation du fonctionnement de l'entreprise résultant de l'absence prolongée ou des absences répétées du salarié entraînant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.


En l'espèce, la S.A.S. BRENNENSTUHL invoque un tel motif dans la lettre de licenciement en précisant qu'elle doit pouvoir compter sur l'ensemble de son personnel pour faire face aux commandes des clients dans les meilleurs délais et conditions, dans le cadre d'une production qui assure la pérennité de l'entreprise. Elle ajoute qu'elle a, dans un premier temps, externalisé le travail de la salariée dans un autre atelier puis qu'elle a eu recours à un salarié intérimaire mais que ces solutions n'ont pas été pleinement satisfaisantes pour compenser la désorganisation de la production liée à l'absence de la salariée.


Il en résulte que le licenciement n'était pas motivé par l'état de santé de la salariée mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir à un remplacement définitif du fait de l'absence prolongée de la salariée qui perturbe son fonctionnement (Soc., 16 juillet 1998, pourvoi n° 97-43.484⚖️).


Il convient ainsi de constater qu'en l'absence de harcèlement moral, de protection afférente à un accident du travail ou de discrimination à raison de l'état de santé, Mme [Ab] [Aa] ne rapporte pas la preuve que le licenciement serait affecté par une cause de nullité. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Ab] [Aa] de cette demande.


Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement


Pour démontrer le caractère réel et sérieux du licenciement motivé par l'absence prolongée de Mme [Ab] [Aa], la S.A.S. BRENNENSTUHL justifie du recrutement d'un salarié en intérim à compter du 28 janvier 2019, au motif du remplacement d'un salarié absent, ainsi que de l'embauche de ce salarié par un contrat à durée indéterminée du 09 juillet 2019, deux jours après la notification du licenciement à la salariée. L'employeur ne produit en revanche aucun élément susceptible de démontrer que l'absence prolongée de Mme [Ab] [Aa] aurait entraîné une perturbation du fonctionnement de l'entreprise. La S.A.S. BRENNENSTUHL échoue donc à rapporter la preuve des motifs invoqués dans la lettre du 04 juillet 2019 pour justifier le licenciement et il convient en conséquence de dire qu'il ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.


Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse


Vu l'article L. 1235-3 du code du travail🏛,


Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à Mme [Ab] [Aa] la somme de 11 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Sur l'indemnité compensatrice de préavis


Vu les articles L. 1234-1 et suivants du code du travail🏛,


Il résulte de l'article L. 1234-5 du code du travail🏛 que lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents nonobstant son arrêt de travail pour maladie au cours de cette période (Soc., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.848⚖️).


L'employeur ne faisant état d'aucun élément pour contester la demande de la salariée, tant sur le principe que sur le montant de l'indemnité réclamée, il convient de faire droit à la demande de Mme [Ab] [Aa] et de condamner la S.A.S. BRENNENSTUHL au paiement de la somme de 3 610 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 361 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2022, date des conclusions dans lesquelles Mme [Ab] [Aa] a formulé cette demande pour la première fois.


Sur l'exécution déloyale du contrat de travail


Le seul manquement invoqué par la salariée à l'appui de ses demandes relatives au harcèlement moral et dont la matérialité a été reconnu, à savoir la transmission tardive des attestations de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie, ne permet pas de caractériser une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Ab] [Aa] de cette demande.


Sur le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi


Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail🏛, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.


Dès lors qu'il a été jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner le remboursement des indemnités qui auraient été versées par Pôle emploi dans la limite de trois mois, conformément aux dispositions légales.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile


Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.S. BRENNENSTUHL aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner la S.A.S. BRENNENSTUHL aux dépens de l'appel. Par équité, la S.A.S. BRENNENSTUHL sera en outre condamnée à payer à Mme [Ab] [Aa] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La S.A.S. BRENNENSTUHL sera par ailleurs déboutée des demandes présentées sur ce fondement.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,


INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim du 07 mars 2022 en ce qu'il a condamné la S.A.S. BRENNENSTUHL au paiement de la somme de 749,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur retenues illicites pour absences injustifiées et de la somme de 74,96 euros bruts au titre des congés payés afférents ;


CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;


Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,


DIT que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;


CONDAMNE la S.A.S. BRENNENSTUHL à payer à Mme [Ab] [Aa] les sommes suivantes :


- 11 000 euros bruts (onze mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,


- 3 610 euros bruts (trois mille six cent dix euros) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2022,


- 361 euros bruts (trois cent soixante-et-un euros) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2022 ;


DÉBOUTE Mme [Ab] [Aa] de sa demande de rappel de salaire ;


ORDONNE le remboursement par la S.A.S. BRENNENSTUHL à PÔLE EMPLOI GRAND EST des indemnités de chômage versées à Mme [Ab] [Aa] à compter de la date de la rupture, dans la limite de trois mois ;


CONDAMNE la S.A.S. BRENNENSTUHL aux dépens de la procédure d'appel ;


CONDAMNE la S.A.S. BRENNENSTUHL à payer à Mme [Ab] [Aa] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;


DÉBOUTE la S.A.S. BRENNENSTUHL de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.


Le Greffier, Le Président,

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