Jurisprudence : CA Douai, 21-10-2022, n° 19/02154, Infirmation

CA Douai, 21-10-2022, n° 19/02154, Infirmation

A683384T

Référence

CA Douai, 21-10-2022, n° 19/02154, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/91661923-ca-douai-21102022-n-1902154-infirmation
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ARRÊT DU

21 Octobre 2022


N° 1669/22


N° RG 19/02154 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SVTW


VCL/AL


Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

14 Octobre 2019

(RG -section )


GROSSE :


aux avocats


le 21 Octobre 2022


République Française

Au nom du Peuple Français


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANTE :


SA CEETRUS FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Laurent MARQUET DE VASSELOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substituée par Me Louis PAOLI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE


INTIMÉE :


Mme [Aa] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Romain BODELLE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER assisté de Me Florence FEUILLEBOIS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI


DÉBATS : à l'audience publique du 01 Septembre 2022


Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.


GREFFIER : Ab A



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ


Pierre NOUBEL


: PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Virgnie CLAVERT


: CONSEILLER


Laure BERNARD


: CONSEILLER


ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile🏛, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 Mars 2022



EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :


La société AUCHAN FRANCE a engagé Mme [Aa] [S] par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 4 octobre 1999 en qualité de Chef de produit, Statut Cadre ' Annexe III ' Coefficient 300.


Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2011.


A compter du 1er avril 2006, le contrat de travail de Madame [S] a été transféré, avec reprise d'ancienneté, de la Société AUCHAN France à la Société IMMOCHAN FRANCE, la salariée occupant alors la fonction de « Chef de Marché ».


Suivant avenant du 1er février 2009, Madame [S] a été promue « Chef de Projets».


Au dernier état de la relation contractuelle et depuis le 1 er juin 2011, Madame [S] occupait les fonctions de « Responsable Formation Région / Service » pour toute la Société IMMOCHAN FRANCE devenue désormais CEETRUS FRANCE.


A compter du 1 er juin 2017, Madame [S] a été placée en arrêt maladie lequel a été renouvelé à plusieurs reprises.


Par courrier recommandé du 8 décembre 2017, Mme [Aa] [S] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse motivée par « la nécessité de procéder à [son] remplacement définitif, du fait de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise résultant de [son] absence prolongée depuis le 1er juin 2017 » .


Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [Aa] [S] a saisi le 17 août 2018 le conseil de prud'hommes de Roubaix qui, par jugement du 14 octobre 2019, a rendu la décision suivante :

- dit que :

- la SA CEETRUS FRANCE n'a pas eu de pratiques discriminatoires sur l'âge de Mme [Aa] [S]

- la SA CEETRUS FRANCE n'a pas établi d'évaluation soudainement négative à l'égard de Mme [Aa] [S],

- le licenciement de Mme [Aa] [S] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- la poursuite de la procédure de licenciement n'est ni brutale ni vexatoire,

- dit que la SA CEETRUS FRANCE a méconnu son obligation d'adaptation à l'égard de Mme [S] et la condamne à lui verser la somme de 28 877 ,67 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamne la SA CEETRUS FRANCE à verser à Mme [S] la somme de 4812,94 euros au titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice en matière de versement des indemnités journalières,

- déboute Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

- précise que les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale soit le 21 août 2018, à compter de la présente décision pour toute autre somme,


- rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, ladite moyenne s'élevant à 4376,10 euros,

-dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.



La SA CEETRUS FRANCE a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 5 novembre 2019.


Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er juillet 2020 au terme desquelles la SA CEETRUS FRANCE demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de ROUBAIX du 14 octobre 2019 en ce qu'il a :

- Dit que la société CEETRUS France n'a pas eu de pratiques discriminatoires sur l'âge de Madame [S] ;

- Dit que la société CEETRUS France n'a pas établi d'évaluation soudainement négative à l'égard de Madame [S] ;

- Dit que le licenciement de Madame [S] n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse ;

- Dit que la poursuite de la procédure de licenciement n'est ni brutale ni vexatoire,

- Débouté Madame [S] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires présentées à ce titre.

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de ROUBAIX du 14 octobre 2019 en ce qu'il a :

- Dit que la SA CEETRUS France a méconnu son obligation d'adaptation à l'égard de Madame [S] et l'a condamnée à lui verser la somme de 28.877,67 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la SA CEETRUS France à verser à Madame [S] la somme de 4.812,94 € au titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice en matière de versement des indemnités journalières.

- Débouté la société CEETRUS France de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛.

Et statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de :

A titre principal,

- DIRE que la société CEETRUS France n'a pas méconnu son obligation d'adaptation à l'égard de Madame [S] ;

- DEBOUTER Madame [S] de sa demande de dommages et intérêts présentées au titre d'une prétendue violation de l'obligation d'adaptation et d'un prétendu manquement de la société dans le versement des indemnités journalières de prévoyance ;

- CONDAMNER Madame [S] à verser à la Société CEETRUS la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC🏛 pour les frais irrépétibles d'instance et d'appel,

- CONDAMNER Madame [S] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

- CONSTATER que la réintégration de Madame [S] est impossible et en conséquence,

condamner la SA CEETRUS France à verser à Madame [S] la somme de

28 877,50 € correspondant aux salaires des six derniers mois ;

A titre infiniment subsidiaire, si elle ordonne la réintégration de Madame [S],

- CONDAMNER Madame [S] à la restitution à la société de l'indemnité de licenciement perçue d'un montant de 33 716,05 €.


- FIXER le rappel de salaire dû pour la période du 8 décembre 2017 et la réintégration effective de Madame [S] en déduisant l'ensemble des montants des revenus de remplacement et tout autre revenu perçus par Madame [S] sur cette période,


A l'appui de ses prétentions, la SA CEETRUS FRANCE soutient que :

- Le licenciement de Mme [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, en ce que l'absence prolongée de l'intéressée a perturbé le fonctionnement de l'entreprise avec un arrêt du service formation pendant plus de 6 mois, l'absence de séminaire d'intégration, le défaut d'accompagnement du cursus de formation des managers en test, le défaut d'engagement pour tous les collaborateurs d'une nouvelle action de formation et l'absence de déclaration de formation auprès des organismes compétents.

- Cette situation a rendu nécessaire le remplacement définitif de Mme [S], seule en charge du service formation, étant précisé que la charge de travail de la salariée avait été temporairement et partiellement répartie sur ses collègues de travail du service des ressources humaines.

- Une salariée a, ainsi, été recrutée en CDI au poste de responsable du développement des compétences incluant la formation, ce dès le 21 mars 2018 et a repris les anciennes attributions de Mme [S].

- L'origine professionnelle de l'arrêt de travail de la salariée n'est pas établie.

- En outre, Mme [S] n'a pas été victime de pratiques discriminatoires liées à l'âge, le fait pour la salariée de ne pas avoir été promue au poste de RRH Business Partner étant lié au rejet du projet de réorganisation et à l'absence de création dudit poste.

- Aucune évaluation soudainement négative ne peut être reprochée à l'employeur, lequel a établi une évaluation provisoire puis définitive.

- Le fait pour l'employeur d'avoir proposé une rupture conventionnelle à Mme [S] ne caractérise pas non plus une discrimination mais répondait aux difficultés de l'intéressée ainsi qu'à sa volonté de départ de la société.

- Le licenciement de l'intéressée n'est ni nul ni sans cause réelle et sérieuse.

- La procédure de licenciement ne présente , par ailleurs, aucun caractère brutal et vexatoire, la date envisagée de reprise de poste n'étant pas effective, au regard des 5 renouvellements d'arrêts de travail précédents.

- Concernant l'obligation d'adaptation et le respect des engagements conventionnels, le non-respect du contrat de génération du 30 septembre 2013 visant à lutter contre les discriminations liées à l'âge n'est pas établi, ce d'autant que Mme [S] n'a pas été victime d'une quelconque discrimination à cet égard.

- La salariée a également bénéficié de 25 formations tout au long de la relation contractuelle et a accédé à 3 niveaux de classification au cours de sa carrière, ce qui exclut tout manquement à l'obligation d'adaptation.

- S'agissant du versement des indemnités journalières au titre de la prévoyance, aucune carence n'est établie, seul l'organisme de prévoyance a commis une faute en continuant à verser les indemnités à la société, ce malgré la rupture du contrat de travail, les sommes versées à tort ayant alors été reversées audit organisme, aucun préjudice n'ayant été subi par Mme [S].


Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mars 2022, dans lesquelles Mme [Aa] [S], intimée et appelante incidente demande à la cour de :

- Déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par Madame [S]

- Déclarer non-fondé l'appel principal interjeté par la société CEETRUS France

En conséquence :

-CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de ROUBAIX le 14 octobre 2019 en ce qu'il a :

- Condamné la société CEETRUS France à verser à Madame [S] la somme de 28 877.67 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article

L 1222-1 et de l'article L. 6321-1 DU Code du travail🏛 en raison de manquement de la Société à son obligation d'adaptation et à ses engagements conventionnels

- Condamné la société CEETRUS France à verser à Madame [S] la somme de 4812.94 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice en matière de versement des indemnités journalières.

-INFIRMER ce même jugement en ce qu'il :

- A considéré que la société CEETRUS France n'a pas eu de pratiques discriminatoires sur l'âge de Madame [Aa] [S] ;

- A considéré que la société CEETRUS France n'a pas établi d'évaluation soudainement négative à l'égard de Madame [S].

En conséquence :

A TITRE PRINCIPAL :

-DECLARER nul le licenciement en raison de la dénonciation de pratiques discriminatoires sur le fondement des articles L 1132-3 et L 1132-4 du Code du travail🏛🏛

Par conséquent :

-ORDONNER la réintégration de Madame [S] à son emploi de « Responsable de formation », ou, à tout le moins à un poste équivalent, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision ;

-CONDAMNER la société CEETRUS France à verser à Madame [S] les salaires que cette dernière aurait dû percevoir de son licenciement à sa réintégration effective ;

Si par extraordinaire il n'était pas fait droit à la demande de réintégration de Madame [S] :

-CONDAMNER la société CEETRUS France à verser à Madame [S] une indemnité de 57 755 € (12 mois) en raison de la nullité du licenciement sur le fondement des articles L.1132-3 et L.1132-4 du Code du travail🏛🏛.

- A jugé que le licenciement de Madame [S] n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse ; En conséquence :

A TITRE SUBSIDIAIRE :

-DIRE que le licenciement de Madame [S] est dénué de cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1335-3 du Code du travail ;

-DIRE que le plafond d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du Code du travail🏛 viole les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne et l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, et doit donc être écartée en raison de son inconventionnalité,

Par conséquent :

-CONDAMNER la société CEETRUS France à verser à Madame [S] la somme de 57 755 € (12 mois) en réparation de l'ensemble des préjudices subis sur le fondement de l'article 24 de la Charte sociale européenne,

- A estimé que « la procédure de licenciement n'est ni brutale, ni vexatoire »

En conséquence :

-CONDAMNER la société CEETRUS France à verser à Madame [S] la somme de 19 251 € (4 mois) sur le fondement de l'article 1240 du Code civil🏛 en raison des circonstances vexatoires du licenciement ;

- N'a pas fait droit à la demande de Madame [S] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

-ORDONNER à la société CEETRUS France de communiquer à Madame [S] tous les éléments permettant d'apprécier l'évolution de l'emploi des seniors au sein de la société CEETRUS France (anciennement IMOCHAN France) depuis ces 5 dernières années ainsi que le pourcentage de salariés âgés de 50 ans formés par rapport aux salariés âgés de moins de 50 ans ;

-ORDONNER à la société CEETRUS France de communiquer à Madame [S] le contrat de travail du ou des salarié(s) embauché(s) en CDD pour la remplacer dans l'exercice de ses missions ;


-ORDONNER l'affichage pendant un mois de la décision à intervenir sur les panneaux de la Direction réservés à l'affichage à destination du personnel, sous astreinte de 200€ par jour de retard;

-ORDONNER la capitalisation des intérêts et report du point de départ à la date de la saisine du Conseil de prud'hommes, sur le fondement des articles 1231-7 et 1343-2 du Code civil🏛🏛 ;

-CONDAMNER la société CEETRUS France à verser 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ;

-CONDAMNER la société CEETRUS France aux dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile🏛.


Au soutien de ses prétentions, Mme [Aa] [S] expose que :

A titre principal,

- Son licenciement est intervenu en représailles à la dénonciation de la situation de discrimination liée à l'âge qu'elle subissait et caractérisée par l'opposition du CODIR à ce qu'elle occupe le poste de RRH Business Partner, la construction d'un dossier d'insuffisance par l'employeur à fins de l'évincer de l'entreprise, et les manoeuvres visant à lui faire accepter une rupture conventionnelle moyennant une indemnisation dérisoire.

- Ces agissements ont, en outre, entrainé une dégradation de son état de santé, de sorte que le licenciement est nul et doit conduire à sa réintégration sous astreinte et au paiement des salaires qu'elle aurait dû percevoir, déduction faite des indemnités journalières versées par l'assurance maladie et la prévoyance ainsi que des salaires perçus suite à la reprise d'une activité professionnelle. Subsidiairement, elle peut prétendre au paiement d'une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire et doit être fixée, en l'espèce, à 12 mois.

A titre subsidiaire,

- Son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce que son arrêt maladie résulte du comportement et des actes discriminatoires commis à son égard par l'employeur, la société CEETRUS FRANCE ne démontrant pas la nécessité de remplacement de sa salariée dont l'absence pouvait être palliée par des mesures temporaires, ni l'incidence de son absence sur le bon fonctionnement de l'entreprise.

- Le licenciement est également abusif dans la mesure où la société CEETRUS FRANCE connaissait sa date de reprise au moment où elle a engagé la procédure de licenciement et savait son retour imminent.

- Le barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse doit, en outre, être écarté compte tenu de son inconventionnalité.

- Elle doit également être indemnisée, sur le fondement de l'article 1240 du code civil🏛 compte tenu des circonstances vexatoires de son licenciement mais également au regard de l'exécution déloyale par la société CEETRUS FRANCE des relations de travail et du non respect des engagements conventionnels violant, ainsi, son obligation de formation et d'adaptation, n'ayant bénéficié ni d'un bilan d'orientation de carrière, ni d'un entretien professionnel de seconde partie de carrière, ni d'un bilan de compétences.

- La salariée a, enfin, subi un préjudice du fait du défaut d'information de l'organisme de prévoyance par l'employeur de la rupture du contrat de travail avec l'intéressée, les indemnités journalières ayant, ainsi, continué à être versées à la société CEETRUS FRANCE et la situation n'ayant été régularisée que plus de deux ans après le licenciement.


La clôture a été prononcée par ordonnance du 17 mars 2022.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.



MOTIFS DE LA DECISION :


Sur les injonctions de communiquer :


Conformément aux dispositions de l'article 133 du code de procédure civile🏛, il peut être demandé au juge d'enjoindre la communication de pièces.


Néanmoins, si Mme [Aa] [S] sollicite qu'il soit ordonné à la société CEETRUS FRANCE de communiquer tous éléments permettant d'apprécier l'évolution de l'emploi des seniors au sein de la société CEETRUS France depuis ces 5 dernières années ainsi que le pourcentage de salariés âgés de 50 ans formés par rapport aux salariés âgés de moins de 50 ans, la production de ces pièces s'avère inutile en ce qu'elle est inopérante à démontrer le respect par l'employeur de ses obligations d'adaptation de l'emploi vis à vis de la salariée elle-même.


Cette demande est rejetée.


Par ailleurs, concernant la demande de l'intimée tendant à la production du contrat de travail du ou des salarié(s) embauché(s) en CDD pour la remplacer dans l'exercice de ses missions, la cour constate que la société CEETRUS FRANCE produit un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec Mme [U] [E] en date du 21 mars 2018, de sorte que cette demande est donc sans objet.


Sur la demande de nullité du licenciement :


Selon l'article L.1132-1 du code du travail🏛 , aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison, notamment, de son âge, de son état de santé ou de son handicap.


En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail🏛🏛🏛, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés


En l'espèce, Mme [Aa] [S] qui soutient avoir été victime d'une discrimination liée à l'âge, verse aux débats, à l'appui de sa demande de nullité du licenciement, les éléments suivants :

- les différents entretiens annuels d'activité dont elle a fait l'objet en date des 17 janvier 2011, 27 février 2015, 8 février 2016, 26 janvier et 8 avril 2017, desquels il ressort que la salariée a connu une année 2015 difficile avec « un décrochage professionnel » et s'est alors vue fixer des objectifs de remise en cause et de changement, des progrès ayant été relevés en 2016, néanmoins, jugé insuffisants avec la nécessité d'être plus proactive et de se positionner dans une dynamique de projets.

- plusieurs courriers électroniques adressés par Mme [Aa] [S] à sa supérieure hiérarchique, Mme [Z] [Y] dans le cadre desquels la salariée évoque et réitère son intérêt pour le poste de RRH BUSINESS PARTNER, manifeste son désaccord sur la nouvelle évaluation d'avril 2017, indique, dans un premier temps (mail du 19 avril 2017), faire l'objet d'une perte de confiance de la part du CODIR puis être victime de discrimination liée à son âge (mails des 2 juin et 27 octobre 2017), tant en ce qui concerne sa mise à l'écart du poste de RRH BUSINESS PARTNER que de la proposition de rupture conventionnelle qui lui a été faite.


- une lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil à la société CEETRUS FRANCE datée du 17 novembre 2017 au terme de laquelle il est reproché une discrimination liée à l'âge.

- la réponse apportée par la société CEETRUS FRANCE en date du 18 décembre 2017 contestant toute discrimination et évoquant le fait que le principe d'une rupture conventionnelle était souhaité par la salariée mais qu'un différend sur le quantum de l'indemnité proposée n'a pas permis de faire aboutir.

- différents certificats médicaux établis par les Dr [O] (médecin du travail) et [H] faisant état d'un effondrement thymique rattaché par la salariée à un motif professionnel (sans autre précision), nécessitant un traitement anxiolytique ainsi qu'une inaptitude temporaire.


Néanmoins, si Mme [Aa] [S] se prévaut d'une discrimination liée à son âge, il résulte des éléments susvisés que les deux évaluations de l'année 2016 communiquées successivement à l'intéressée et qui s'analysent, en réalité, en un projet puis une version définitive ne révèlent pas de dégradation dans l'appréciation portée par l'employeur.


En effet, ces deux documents restent dans l'ensemble très nuancés et comportent tous deux des points positifs (version 1: regain d'engagement/ version 2 :progrès), certaines réserves (version 1 :nécessité d'être plus proactive, manque d'impact, légitimité difficile à asseoir, trop besoin d'être stimulée, nécessité de se remettre en question, de démontrer son implication et d'investir dans sa propre formation/ version 2 :manque de puissance, d'initiative, de proximité, manque de proactivité et de force de proposition) ainsi que des pistes de progrès (version 1 : piste d'élargissement de ses compétences sur le développement RH en accompagnant une direction métier, challenge à relever / version 2 :nécessité de mesurer les aptitudes en terme de savoir faire et de savoir être, réflexion sur une réorientation et proposition de bilan 360°).


Ces deux évaluations sont, en outre, dans la continuité de l'évaluation de l'année 2015 (avec, toutefois, une progression) qui avait noté un décrochage professionnel de Mme [Aa] [S] ce qui n'est pas contesté par l'intéressée et permet d'expliquer le positionnement du CODIR de ne pas lui confier le poste de RRH BUSINESS PARTNER.


Par ailleurs, à l'exception de deux mails de la salariée adressés à sa supérieure hiérarchique dans le cadre desquels elle se dit victime d'une discrimination liée à l'âge, aucune des pièces produites émanant d'autres personnes que Mme [S] (ou son conseil) ne permet de l'évoquer. Il en va de même des documents médicaux qui font uniquement état d'un mal-être au travail allégué par la salariée sans autre précision. Aucun élément lié à la proposition de rupture conventionnelle n'est, en outre, produit.


Dans ces conditions, les éléments de fait allégués par Mme [Aa] [S] ne laissent pas supposer de l'existence d'une discrimination liée à l'âge. Ces éléments pris dans leur ensemble ne permettent pas non plus de laisser présumer l'existence d'une discrimination liée à l'âge.


Mme [Aa] [S] est, par conséquent, déboutée de sa demande de licenciement nul ainsi que des demandes subséquentes de réintégration à son poste de travail, de paiement des salaires que l'intéressée aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, ainsi que de la demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul.


Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.


Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :


Si l'article L1132-1 du code du travail🏛 fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou son handicap sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par les absences prolongées ou répétées du salarié qui peut être licencié si ces perturbations entrainent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.


En application de l'article L1232-1 du code du travail🏛, la lettre de licenciement de Mme [Aa] [S] qui fixe les limites du litige motive celui-ci par la perturbation apportée dans le fonctionnement de l'entreprise résultant de son absence prolongée depuis le 1er juin 2017 et rendant nécessaire son remplacement définitif. Les perturbations alléguées sont, ainsi décrites par l'employeur comme en lien avec l'arrêt des séminaires d'intégration depuis plusieurs mois, le défaut d'accompagnement du cursus de formation des managers en test, l'absence d'engagement de nouvelle action de formation pour les collaborateurs, le défaut de réalisation de déclarations de formation auprès des organismes adéquats et le non-respect des obligations de l'entreprise envers les partenaires sociaux.


En l'espèce, au sein de la société IMMOCHAN FRANCE devenue CEETRUS FRANCE, filiale du groupe AUCHAN employant plus de 50 salariés, Mme [Aa] [S] exerçait la fonction de responsable formation et professionnalisation.


L'intéressée se trouvait, lors de son licenciement, en arrêt de travail depuis six mois.


Pour démontrer les perturbations de l'entreprise, l'employeur produit un unique tableau des formations du mois de septembre 2017 qui fait état de 5 formations annulées et 5 formations confirmées au cours de ce mois. Les motifs d'annulation ne sont pas mentionnés et, compte tenu de l'absence de production du tableau mensuel des formations pour d'autres mois de l'année 2017, il ne peut être effectué aucun comparatif avec les mois de présence et d'absence de Mme [S], de sorte que la preuve des perturbations de l'entreprise ne peut reposer sur cette pièce.


En outre, concernant les formations d'intégration, les formations des managers en test, et les actions de formation à destination des collaborateurs, il est produit trois mails des 5 juillet, 31 juillet et 22 août 2017 , établis par Mme [B] [M] en réponse à trois demandes de formation au terme desquels il est précisé qu'en l'absence des deux membres du service formation, aucune formation ne sera lancée avant le mois de septembre suivant, ce qui ne constitue pas en soi une perturbation de l'entreprise au regard de la période de congés d'été.


Ce positionnement est confirmé par un mail du 27 septembre 2017 qui fait état de l'absence de mise en place de nouvelles formations mais renvoie à des formations préexistantes pérennes via « Alliages et territoires », de sorte que là encore, l'absence prolongée de Mme [Aa] [S] n'a pas conduit à l'annulation ou la suspension de l'ensemble des formations mises en oeuvre au sein de la société IMMOCHAN FRANCE devenue CEETRUS FRANCE.


Enfin, les mails du 26 septembre et du 4 octobre 2017 ne démontrent aucune perturbation de l'entreprise en lien avec l'absence de l'intimée. Le premier mail fait, ainsi, état d'une erreur de l'organisme de formation qui n' a pas pris en compte l'annulation par un salarié de sa participation, ce malgré les démarches entreprises par le service RH. Le second est une demande de renseignements concernant le maintien ou non d'une formation dont il n'a pas été retrouvé trace, aucun lien n'étant établi avec l'absence de Mme [S].


Dans ces conditions, il s'évince des développements repris ci-dessus que la société CEETRUS FRANCE ne démontre pas que l'arrêt de travail prolongé de Mme [Aa] [S] a perturbé le fonctionnement de cette entreprise de plus de 50 salariés dans son ensemble entrainant la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.


Le licenciement de Mme [S] est, par conséquent, sans cause réelle et sérieuse.


Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.


Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :


- Sur l'application du barême prévu à l'article L1235-3 du code du travail🏛:


En application de l'article L1235-3 du code du travail🏛, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.


Mme [Aa] [S] se prévaut de l'inconventionnalité du barème fixé audit article au regard de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail et de l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996.


Concernant la convention précitée, les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail🏛🏛🏛, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛 sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.


En outre, concernant la charte sociale européenne, sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛.


Il convient, par suite, de faire application dudit article L1235-3 du code du travail🏛 et d'examiner la situation particulière de Mme [Aa] [S].


- Sur le montant des dommages et intérêts :


Compte tenu de l'effectif supérieur à 11 salariés de la société CEETRUS FRANCE, de l'ancienneté de Mme [Aa] [S] (pour être entrée au service de l'entreprise en date du 4 octobre 1999), de son âge lors du licenciement (pour être née le … … …) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel ( 4812,91 euros) et de la reprise d'une activité professionnelle en CDD à compter de juillet 2018, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 53 000 euros.


Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de cette demande.


Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement :


Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1240 et suivants du code civil🏛 dans leur version applicable à l'espèce.


Il ne résulte pas des pièces produites la preuve de ce que le licenciement serait intervenu dans des circonstances vexatoires, Mme [S] ne justifiant ni des manoeuvres de l'employeur alléguées ni de la discrimination liée à l'âge.


Les circonstances vexatoires ne résultent, en outre, pas du seul fait pour la société CEETRUS FRANCE d'avoir proposé à la salariée une rupture conventionnelle ni de l'avoir fait convoquer après son refus à un entretien préalable au licenciement.


Cette demande de dommages et intérêts est rejetée.


Sur l'exécution déloyale du contrat de travail, la formation et le non respect des engagements conventionnels :


En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail🏛, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.


Par ailleurs, et conformément aux dispositions de l'article L6321-1 du code du travail🏛, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut également proposer des formations qui participent au développement des compétences.


En l'espèce, il résulte notamment d'un accord d'entreprise en faveur de l'emploi des salariés âgés du 17 décembre 2009 ainsi que d'un accord d'entreprise relatif au contrat de génération du 30 septembre 2013 ainsi que du dispositif d'accompagnement à la retraite en vigueur dans l'entreprise et auquel a adhéré la société IMMOCHAN devenue CEETRUS FRANCE que ladite société a souscrit à la mise en place :

- d'un entretien professionnel de seconde partie de carrière proposé à compter du 45 ème anniversaire puis tous les 3 ans et destiné à éviter toute pratique discriminatoire liée à l'âge dans les évolutions de carrière ainsi qu'à permettre aux collaborateurs d'anticiper et redynamiser la seconde partie de leur vie professionnelle,

- d'un bilan d'orientation de carrière également proposé à partir du 45ème anniversaire dans le cadre des entretiens de seconde partie de carrière

- d'un dispositif d'accompagnement à la retraite avec des informations précises dès 50 ans.


Or, Mme [Aa] [S] qui se trouvait pourtant âgée de 54 ans lors de la rupture du contrat de travail n'a jamais bénéficié ni ne s'est vu proposer d'entretien professionnel de seconde partie de carrière ou encore de bilan d'orientation de carrière ou enfin de dispositif d'accompagnement à la retraite.


L'employeur a qui incombe la charge de la preuve du respect de ses obligations à cet égard ne justifie, en effet, nullement de la réalisation de tels entretiens ni même d'une simple proposition qui aurait été faite en ce sens à la salariée.


Ainsi, nonobstant le fait que Mme [Aa] [S] ait pu bénéficier de formations plus classiques tout au long de la relation contractuelle, la société CEETRUS FRANCE a manqué à son obligation d'adaptation.


Ce manquement a, en outre, causé un préjudice à l'intimée, ce d'autant que celle-ci s'est, dès l'entretien annuel d'activité et de performance réalisé pour l'année 2015, vu reprocher un décrochage sur le plan professionnel appelant, selon l'employeur, une « remise en cause » et une « posture de changement » de la salariée, sans qu'un bilan d'orientation de carrière ou un entretien de seconde partie de carrière ne lui soit, alors, proposé. Et ce n'est qu'en avril 2017 soit deux ans plus tard, que la société CEETRUS FRANCE a proposé à Mme [Aa] [S] la réalisation d'un bilan « 360° » afin d'envisager une réorientation.


Ce préjudice doit, ainsi, être indemnisé à hauteur de la somme de 3000 euros, au paiement de laquelle la société CEETRUS FRANCE est condamnée.


Là encore, le jugement entrepris est infirmé concernant le quantum alloué.


Sur les indemnités journalières au titre de la prévoyance :


Il résulte des dispositions de l'article 1240 du code civil🏛 que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.


En l'espèce, Mme [Aa] [S] démontre que, suite à la rupture de son contrat de travail et alors qu'elle se trouvait toujours en arrêt maladie, la société CEETRUS FRANCE a continué à percevoir de l'organisme de prévoyance VIVINTER les indemnités journalières dues à son ancienne salariée, ce entre les mois de mars à juillet 2018, sans pour autant informer ledit organisme de la fin du contrat de travail ou encore reverser ces sommes.


Et ce n'est que suite à une mise en demeure adressée à l'entreprise par le conseil de Mme [S] le 3 juillet 2018 que la société CEETRUS FRANCE a remboursé les sommes indument perçues à VIVINTER par le biais d'un chèque d'un montant de 6710,26 euros daté du 19 juillet 2018.


L'employeur a donc commis une faute à cet égard.


Néanmoins, il n'est pas justifié de la persistance de ladite faute, au-delà de juillet 2018, nonobstant le fait que l'organisme de prévoyance n'a reversé les indemnités journalières complémentaires dues à Mme [S] qu'en avril 2019.


La faute de la société CEETRUS FRANCE a causé à Mme [Aa] [S] un préjudice lié à la privation injustifiée pendant 4 mois d'une partie de ses revenus de substitution.


La cour fixe, par suite, à 1000 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société CEETRUS FRANCE à l'intéressée.


Le jugement entrepris est infirmé quant au quantum des dommages et intérêts alloués.


Sur les intérêts et leur capitalisation :


Aucune circonstance ne justifie de faire droit à la demande de report du point de départ des intérêts des créances indemnitaires à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, ce en vertu de l'article 1231-7 du code civil🏛. Cette demande est rejetée.


Il y a, toutefois, lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil🏛.


Sur l'affichage de la décision :


La mesure d'affichage du présent arrêt n'apparaît justifiée par aucune circonstance particulière, étant observé que l' intimée n'en caractérise aucune à l'appui de sa demande laquelle doit être rejetée.


Sur les autres demandes :


Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmées.


Succombant à l'instance, la SA CEETRUS FRANCE est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Mme [Aa] [S] 2500 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS :


La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,


INFIRME le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Roubaix, sauf en ce qu'il a débouté Mme [Aa] [S] de sa demande de licenciement nul ainsi que des demandes subséquentes de réintégration à son poste de travail, de paiement des salaires que l'intéressée aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, ainsi que de sa demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement ;


STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,


REJETTE les demandes d'injonction de communication de pièces formées par Mme [Aa] [S] à l'encontre de la SA CEETRUS FRANCE ;


DIT que le licenciement de Mme [Aa] [S] est sans cause réelle et sérieuse ;


CONDAMNE la SA CEETRUS FRANCE à payer à Mme [Aa] [S] :

- 53 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3000 euros au titre du manquement à l'obligation d'adaptation,

- 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour reversement tardif des indemnités journalières au titre de la prévoyance,


REJETTE la demande de report du point de départ des intérêts des créances indemnitaires à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes ;


ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;


CONDAMNE la SA CEETRUS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel;


CONDAMNE la SA CEETRUS FRANCE à payer à Mme [Aa] [S] 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.


LE GREFFIER


Angelique AZZOLINI


LE PRESIDENT


Pierre NOUBEL

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