Jurisprudence : TA Paris, du 28-07-2022, n° 2116656


Références

Tribunal Administratif de Paris

N° 2116656

3e Section
lecture du 28 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août 2021 et 22 novembre 2021, M. A C, représenté par Me Mairesse, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 11 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a notifié l'ensemble des retraits de points affectant son permis de conduire et l'interdiction de conduire ;

2°) d'annuler chacun des retraits de points irrégulièrement opérés à la suite des infractions commises les 3 janvier 2014, 12 octobre 2015, 6 mai 2017, 20 et 22 juin 2018, 1er août 2018, 12 novembre 2018, 12 décembre 2018, 14 mai 2019, 28 janvier 2020, 7 et 8 avril 2020, 9 mai 2020, 10 juillet 2020 et 27 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer son permis doté des points irrégulièrement retirés, sous huitaine à compter de la signification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

M. C soutient qu'il n'a pas reçu les informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛 lors de la constatation des infractions litigieuses.

Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au non-lieu partiel et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les mentions relatives au retrait de points opéré pour l'infraction du 10 juillet 2020 ont été retirées du relevé intégral d'information ;

- les mentions relatives à la décision 48SI du 11 juin 2021 ont été retirées et le solde de points est redevenu provisoirement positif avant des décisions non attaquées ;

- les moyens invoqués par M. C ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale,

- le code de la route,

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme PARIS pour statuer sur les litiges relevant de l'article R. 222-13 du code de justice administrative🏛.

La rapporteure publique a été dispensée, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, Mme PARIS a présenté son rapport.

Considérant ce qui suit :

1. M. C a commis, les 3 janvier 2014, 12 octobre 2015, 6 mai 2017, 20 et 22 juin 2018, 1er août 2018, 12 novembre 2018, 12 décembre 2018, 14 mai 2019, 28 janvier 2020, 7 et

8 avril 2020, 9 mai 2020, 10 juillet 2020 et 27 août 2020, diverses infractions au code de la route ayant entraîné le retrait des 12 points affectés à son permis de conduire. Par une décision en date du 11 juin 2021, le ministre de l'intérieur a notifié à M. C le dernier retrait de points et a constaté, en lui rappelant les précédentes décisions portant retrait de points, qu'il avait perdu le droit de conduire. M. C demande l'annulation de l'ensemble de ces décisions.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen du relevé d'information intégral du requérant, que, postérieurement à l'introduction de l'instance, les mentions relatives à la décision 48SI du 11 juin 2021 et la décision de retrait de points consécutive à l'infraction commise le 10 juillet 2020 ont été retirées. Par suite, les conclusions dirigées contre ces décisions sont devenues sans objet.

3. Il résulte de l'instruction que les points retirés à la suite des infractions commises les 12 octobre 2015, 6 mai 2017, 12 décembre 2018 et 8 avril 2020, ont été restitués à M. C antérieurement à l'introduction de la requête. Dans ces conditions, les conclusions de M. C tendant à l'annulation des décisions retirant des points du capital affecté à son permis de conduire à la suite des infractions commises les 12 octobre 2015, 6 mai 2017, 12 décembre 2018 et 8 avril 2020 sont irrecevables et doivent par conséquent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛 que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle en ce qu'elles mettent l'intéressé en mesure de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis.

En ce qui concerne l'infraction commise le 3 janvier 2014 :

5. Le ministre de l'intérieur produit la copie du procès-verbal de contravention, établi le jour même de l'infraction commise par M. C le 3 janvier 2014 par interception de son véhicule. Ce procès-verbal ne mentionne pas le nombre de points à retirer. l'administration n'apporte donc pas la preuve que l'intégralité des informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛 ont été portées à la connaissance de M. C. Il y a lieu, pour ce motif, de constater l'irrégularité de la décision de retrait de quatre points consécutive à l'infraction du 3 janvier 2014.

En ce qui concerne les infractions commises les 20 et 22 juin 2018, 1er août 2018, 12 novembre 2018, 7 avril 2020 et 27 août 2020 :

6. Il résulte des arrêtés pris pour l'application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale🏛, notamment de leurs dispositions codifiées à l'article A. 37-8 de ce code, que lorsqu'une contravention mentionnée à l'article L. 121-3 du code de la route🏛 est constatée sans interception du véhicule et à l'aide d'un système de contrôle automatisé enregistrant les données en numérique, le service verbalisateur adresse à l'intéressé un formulaire unique d'avis de contravention, qui comprend en bas de page la carte de paiement et comporte, d'une part, les références de l'infraction dont la connaissance est matériellement indispensable pour procéder au paiement de l'amende forfaitaire et, d'autre part, une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛. Les informations mentionnées dans l'avis de contravention sont reprises dans l'avis de majoration de l'amende forfaitaire adressé au contrevenant par le Trésor public en application de l'article 529-2 du code de procédure pénale🏛, en cas d'absence de paiement de l'amende forfaitaire dans le délai de quarante-cinq jours suivant la date d'envoi de l'avis de contravention. En conséquence, lorsque le ministre de l'intérieur prouve que l'avis de contravention ou l'avis de majoration d'amende forfaitaire a été régulièrement notifié à l'intéressé, ou lorsqu'il est établi que le titulaire du permis de conduire a payé l'amende forfaitaire ou l'amende forfaitaire majorée et, donc, qu'il a réceptionné l'avis correspondant, il découle de cette constatation, eu égard aux mentions dont l'avis de contravention et l'avis d'amende forfaitaire majorée doivent être revêtus, que l'administration doit être regardée comme s'étant acquittée envers le contrevenant de son obligation de lui délivrer, préalablement au paiement de l'amende, les informations requises en vertu des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a reçu, ne démontre avoir été destinataire d'un document inexact ou incomplet.

7. Il ressort du relevé d'information intégral relatif à la situation du permis de conduire de M. C que ce dernier s'est acquitté des amendes forfaitaires correspondant aux infractions commises les 20 et 22 juin 2018, 1er août 2018, 12 novembre 2018, 7 avril 2020 et 27 août 2020 et constatées à l'aide d'un système de contrôle automatisé. Ainsi il a nécessairement reçu les avis de contravention correspondants. Eu égard aux mentions dont cet avis est réputé être revêtu et dès lors que le requérant ne justifie pas avoir été destinataire d'un avis inexact ou incomplet, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme établissant que M. C a reçu les informations requises par les dispositions précitées du code de la route. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information doit être écarté.

En ce qui concerne les infractions commises les 14 mai 2019, 28 janvier 2020 et 9 mai 2020 :

8. L'article R. 49-1 du code de procédure pénale🏛 prévoit, dans son II issu du décret du 26 mai 2009🏛, que le procès-verbal constatant une contravention pouvant donner lieu à une amende forfaitaire " peut être dressé au moyen d'un appareil sécurisé dont les caractéristiques sont fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, permettant le recours à une signature manuscrite conservée sous forme numérique ". En vertu des dispositions de l'article A. 37-14 du même code🏛, issu d'un arrêté du 2 juin 2009🏛, ultérieurement reprises à l'article A. 37-19, issu d'un arrêté du 13 mai 2011 et modifié par un arrêté du 6 mai 2014🏛, l'appareil électronique sécurisé permet d'enregistrer, pour chaque procès-verbal, d'une part, la signature de l'agent verbalisateur, d'autre part, celle du contrevenant qui est invité à l'apposer " sur une page écran qui lui présente un résumé non modifiable des informations concernant la contravention relevée à son encontre, informations dont il reconnaît ainsi avoir eu connaissance ". En vertu des dispositions du II de l'article A. 37-27-2, issu d'un arrêté du 4 décembre 2014, en cas d'infraction entraînant retrait de points, le résumé non modifiable des informations concernant la contravention relevée précise qu'elle entraîne retrait de points et comporte l'ensemble des éléments mentionnés aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛.

9. S'agissant de l'infraction du 28 janvier 2020 constatée par procès-verbal électronique résulte de l'instruction, notamment du relevé d'information intégral et du bordereau de situation des amendes et condamnations pécuniaires relatif à la situation M. C, que l'intéressé s'est acquitté de l'amende forfaitaire majorée au titre de l'infraction constatée le 28 janvier 2020 par un procès-verbal dématérialisé au moyen d'un appareil électronique sécurisé. Il doit ainsi être regardé comme ayant nécessairement reçu à son domicile l'avis afférent à cette infraction, et, par suite, les informations requises en vertu des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route🏛, dès lors qu'il n'établit ni même n'allègue avoir été destinataire d'un avis inexact ou incomplet, et ce sans qu'il puisse utilement se prévaloir de sa convocation devant le tribunal de police d'Evry. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'information doit être écarté.

10. S'agissant de l'infraction du 14 mai 2019 constatée par procès-verbal électronique, le ministre de l'intérieur produit un double du procès-verbal, signé par M. C qui comporte l'ensemble des informations légalement prescrites. Par suite, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la remise à l'intéressé de l'ensemble des informations prescrites par le code de la route pour cette infraction, et ce sans qu'il puisse utilement se prévaloir de sa saisine de l'officier du ministère public concernant cette infraction. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information concernant cette infraction doit être écarté.

11. S'agissant de l'infraction du 9 mai 2020 constatée par procès-verbal électronique, que si le ministre de l'intérieur produit un double du procès-verbal électronique dressé à l'encontre de M. C et portant la mention " refus de signer " qui comporte l'ensemble des informations légalement prescrites. Par suite, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la remise à l'intéressé de l'ensemble des informations prescrites par le code de la route pour cette infraction. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information concernant cette infraction doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C est fondé à soutenir que la décision relative à l'infraction du 3 janvier 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré quatre points de son permis de conduire doit être annulée. En revanche il n'est pas fondé à soutenir que les décisions relatives aux infractions des 20 et 22 juin 2018, 1er août 2018, 12 novembre 2018, 14 mai 2019, 28 janvier 2020, 7 avril 2020, 9 mai 2020 et 27 août 2020, seraient entachées d'illégalité, ni par suite, à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

14. Le présent jugement implique nécessairement que l'administration restitue à

M. C les quatre points qui lui ont été irrégulièrement retirés à la suite de l'infraction commise le 3 janvier 2014.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision relative à l'infraction du 10 juillet 2020 et de la décision 48 SI en date du 11 juin 2021.

Article 2 : La décision par laquelle le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de quatre points du capital de points affecté au permis de conduire de M. C, à la suite de l'infraction du

3 janvier 2014 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de restituer dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, les quatre points illégalement retirés par la décision annulée à l'article 1er, dans la limite du capital de points affecté à son permis de conduire et sous réserve des infractions non prises en compte à la date de la décision attaquée. Il est enjoint au préfet de police de restituer à Nom court du 1er requérant son permis de conduire.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et au ministre de l'intérieur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.

La magistrate désignée,

A. PARIS

La greffière,

I. Garnier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2116656

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