Lexbase Droit privé n°537 du 25 juillet 2013 : Procédure pénale

[Focus] Monographie du coup de fil policier invitant à passer au poste

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par Grégoire Etrillard, Avocat aux barreaux de Paris et de New York, Ancien Secrétaire de la Conférence

le 25 Juillet 2013

"Passer au poste", est-ce pour témoigner ou se retrouver en garde à vue ? Un policier peut demander par téléphone de venir répondre à des questions au poste, sans plus de précisions. Cette convocation peut ouvrir sur des réalités bien différentes. Un officier de police judiciaire (OPJ) peut convoquer par téléphone un directeur juridique ou un dirigeant en disant : "Passez nous voir, ce ne sera pas long". Il n'a pas à s'étendre sur les raisons de sa demande, ni à indiquer la procédure suivie. C'est pourtant la question essentielle pour le destinataire. Quelques éléments de réponse.

a. En bon pénaliste, commençons par le pire des cas : cette convocation informelle peut déguiser une mesure de garde à vue, rendue plus facile par le fait que la personne se présente spontanément au poste -la garde à vue étant alors immédiatement notifiée-.

Dans ce cadre, la personne convoquée est soupçonnée par l'OPJ, le Procureur ou le juge d'instruction le cas échéant, d'avoir "commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement".

Ne pas répondre à cette convocation forcera les forces de police à user de contrainte, en venant chercher la personne, par exemple, à son lieu de travail ou à son domicile aux heures autorisées (entre 6 heures et 21 heures).

Le gardé à vue peut demander à bénéficier de l'assistance d'un avocat de son choix. Attention toutefois : le téléphone portable et les effets personnels du gardé à vue lui étant en principe immédiatement retirés, il convient de retenir le nom et le téléphone de son avocat pour assurer l'effectivité de ce choix.

b. A l'autre bout du spectre des possibles, cette convocation informelle par un OPJ peut être une simple convocation à témoigner. La personne convoquée n'est pas soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction.

S'agissant de personnes hors de tous soupçons, les témoins sont évidemment par principe libres. Pour autant, le témoin, à la différence de la personne poursuivie qui peut toujours garder le silence, a obligation de témoigner, sous peine d'amende.

La loi prévoit donc des mesures de contrainte, même à l'égard des témoins. Ne pas répondre à la convocation expose à être contraint par la force publique à comparaître, comme pour une garde à vue. Par ailleurs, une fois au poste, les témoins peuvent être retenus "le temps strictement nécessaire à leur audition". Concrètement, la personne convoquée ne pourra donc pas partir tant que l'OPJ considère que son audition n'est pas terminée. Un plafond de durée de quatre heures est prévu en ce qui concerne les enquêtes de flagrance et préliminaire, mais pas en cas d'instruction.

Il n'est pas prévu que le témoin puisse être accompagné de son avocat dans ce cadre : pas de droits de la défense puisqu'aucune charge ne pèse sur la personne convoquée.

c. Entre les deux, la convocation peut correspondre à une "audition libre". Dévoyée, l'expression "audition libre" s'entend du cas où un suspect, qui n'est donc plus témoin, est entendu sans contrainte, c'est-à-dire sans être placé en garde à vue.

La personne convoquée se verra alors notamment notifier, au moment de son arrivée au poste, la nature et la date de l'infraction objet du soupçon, ainsi que son droit de quitter les locaux à tout moment. Là encore, puisqu'il n'y a pas de mise en cause, il n'y a pas de droits de la défense : la personne ne sera donc pas assistée par son avocat.

Mais "audition libre" ne signifie pas absence de toute contrainte. Les OPJ pourront, pour contraindre la personne à comparaître, user des mêmes armes que pour un témoin -situation étrange où une personne amenée de force au poste se verra d'abord notifier son droit de quitter les locaux... Gageons qu'un départ "libre" à ce moment-là entraînerait une mise en garde à vue immédiate, le critère du soupçon étant rempli- la personne pourrait toutefois alors être assistée de son avocat.

En conclusion, toute convocation d'OPJ, même informelle par téléphone, peut entraîner l'utilisation de la force si elle n'est pas respectée. Il est donc recommandable d'y déférer -mais il est aussi essentiel de la préparer, en revoyant les stratégies à adopter dans les trois cas possibles, et en prévoyant notamment qu'un avocat puisse se déplacer immédiatement le cas échéant.

Cet article est tiré du Juriste d'entreprise Magazine n° 17, édité par l'AFJE, juillet 2013

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