Lexbase Fiscal n°526 du 1 mai 2013 : Fiscalité internationale

[Le point sur...] "FATCA" : la chaîne de paiements au coeur du dispositif de lutte active contre l'évasion fiscale

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[Le point sur...] "FATCA" : la chaîne de paiements au coeur du dispositif de lutte active contre l'évasion fiscale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8203279-le-point-sur-fatca-la-chaine-de-paiements-au-coeur-du-dispositif-de-lutte-active-contre-levasion-fis
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par David Chrétien, Avocat, Directeur FS Tax, Landwell et Eléonore Geoffroy, Master II Fiscalité de l'Entreprise, Université Paris Dauphine

le 01 Mai 2013

La loi "FATCA" (Foreign Account Tax Compliance Act), adoptée en 2010 par le législateur américain, impose aux établissements financiers et à d'autres entités étrangers d'identifier et de déclarer tous comptes détenus par des citoyens américains, sous peine d'une retenue à la source punitive de 30 %. Ce nouveau dispositif, novateur par son champ d'application mondial, sans équivalent jusque-là, a ouvert la voie à une nouvelle manière de lutter contre l'évasion fiscale, et inspire déjà, dans son principe, les autorités des autres Etats, en quête de transparence fiscale optimale dans leur lutte contre l'évasion fiscale. L'évasion fiscale représente une perte de 100 milliards de dollars pour les Etats-Unis et coûte entre 30 et 50 milliards d'euros par an à la France (1), à comparer à ses 98 milliards d'euros de déficit budgétaire (2). En période de crise économique, les Etats, aux besoins de financements accrus, ont décidé de durcir le ton contre l'évasion fiscale. Les Etats-Unis semblent désormais jouer un rôle précurseur dans ce domaine.

En 2001 déjà, le législateur américain et l'administration fiscale américaine (Internal Revenue Services - IRS) avaient ouvert la voie avec la création du régime Qualified Intermediary (QI). Sur la base du volontariat, ce régime permettait aux institutions financières non américaines de faire bénéficier leurs clients de taux préférentiels conventionnels de retenues à la source. En échange, ces institutions étrangères devaient justifier de la qualité de contribuable américain ou non de leurs clients porteurs d'actions US.
Ce dispositif concernait déjà l'ensemble des valeurs américaines, qu'elles soient cotées sur le marché américain ou européen, dont Euronext. Mais il était possible de contourner le dispositif, qui était d'application optionnelle. Ce statut de QI avait déjà marqué un tournant en termes de coopération renforcée entre les Etats-Unis et les banques dans la lutte contre la fraude (3).

Cependant, en 2010, l'administration américaine a choisi d'élargir le champ de ce système de coopération renforcée. La législation américaine "FATCA" étend donc l'obligation de reporting des clients US à l'ensemble des Foreign Financial Institutions (FFI) pour un ensemble de revenus définis dans le texte, comprenant entre autres les dividendes, intérêts et salaires. Tous ceux qui refuseront de s'y soumettre se verront alors appliquer une retenue à la source punitive de 30 % sur tous les paiements de source US, pouvant aller jusqu'à la fermeture des comptes clients récalcitrants, voire une interdiction d'exercice sur le territoire américain pour les établissements.
A la différence du QI, la "FATCA" a vocation à s'appliquer à un large ensemble d'institutions financières, puisque la notion de FFI désigne, outre les établissements de crédit, les fonds d'investissement (ainsi que les sociétés de gestion) et les assureurs. Autre nouveauté sensible : le texte fait peser une présomption d'américanité des comptes ouverts dans ces établissements, jusqu'à preuve du contraire.

L'objectif de cette loi est de centraliser les déclarations de ces FFI afin de les comparer avec les déclarations des contribuables US concernant leurs revenus et leurs avoirs. Elle permettrait ainsi de financer la politique de relance du Gouvernement américain et notamment le HIRE Act, adopté en 2010, dont est issu le dispositif "FATCA".
En effet, le législateur américain avait trois objectifs lors de l'adoption de cette législation. Il cherchait à étendre le pouvoir de l'autorité fiscale, couvrir l'intégralité des institutions financières étrangères et s'adresser à un public plus large en termes de catégories de personnes détenant des comptes (4).

Mais cela impose aux institutions entrant dans la définition des FFI de revoir leur fonctionnement interne informatique de regroupement des données, ce que bon nombre ont déjà commencé à faire. En plus du coût engendré par cette mise en conformité, la FATCA pose des problèmes de compatibilité au regard des droits internes en termes de secret bancaire, et du respect des données nominatives, notamment.

Au regard de l'ampleur de la tâche, les Etats-Unis et un premier groupe de cinq Etats (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Espagne) ont décidé de s'engager dans la voie d'accords bilatéraux et intergouvernementaux d'échange d'informations avec les Etats-Unis, destinés à mettre en oeuvre "FATCA" de manière conventionnelle, et dans le but de limiter cette retenue à la source. Si deux modèles de ces InterGouvernemental Agreements (IGA) sont d'ores et déjà disponibles (5), les textes en eux-mêmes sont, pour la plupart, toujours en discussion entre les Etats. Un accord final a été adopté entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni le 14 septembre 2012.

Au vu des aménagements nécessaires, la date d'entrée des diligences "FATCA", initialement prévue au 1er janvier 2013, a été repoussée au 1er janvier 2014, afin de permettre à l'ensemble des acteurs financiers de se réorganiser en vue de son application. Mais les Etats-Unis sont toujours en discussion avec plusieurs Etats prêts à signer des IGA. Il y a fort à parier que ce genre d'accord est voué à se généraliser et, à la suite du Royaume-Uni, d'autres Etats ont d'ores et déjà signé un IGA avec le Gouvernement américain (Mexique, Irlande, Danemark,...).

Cette nouvelle réglementation a donc vocation à s'appliquer à tout un ensemble d'institutions financières étrangères non plus seulement limitée aux établissements de crédit. Ainsi, à la différence du régime QI, "FACTA" englobe également des institutions telles que les fonds d'investissement et leurs gestionnaires, les compagnies d'assurance et accessoirement les holdings, pour tout un ensemble de revenus.

Le caractère dissuasif de cette loi ne réside pas seulement dans son application transnationale, mais également dans la sévérité des sanctions prévues.

La loi "FATCA" apparaît comme un dispositif de lutte contre l'évasion fiscale d'un genre nouveau tant en terme de champ que de modalités d'application (I). Grâce à son mécanisme se focalisant sur la chaîne de paiement, le législateur américain a réussi à garantir une efficience maximale à sa sanction, et ce, même à travers une possible invocation des conventions fiscales internationales par un client jugé récalcitrant, afin de dissuader toute évasion fiscale (II).

I - Une retenue à la source effective grâce à une nécessaire transparence de l'ensemble de la chaîne de paiement

Pour comprendre l'intérêt suscité par cette retenue à la source, il faut revenir à son champ d'application, à son fonctionnement, ainsi qu'à ses conséquences.

A - Un dispositif de lutte contre l'évasion fiscale nouveau grâce à son champ d'application massif

Comme nous l'avons rappelé, l'objectif de la "FATCA" est de mettre en place un système de centralisation des déclarations des FFI et des contribuables américains. Sous peine de quoi, une retenue à la source punitive de 30 % sera appliquée sur certains paiements. Pour comprendre en quoi cette sanction est susceptible d'affecter de façon significative ces acteurs, il faut revenir à son champ d'application et comprendre quels sont les personnes et les revenus visés.

En effet, le dispositif vise à s'appliquer aux institutions financières étrangères non américaines, leur définition ayant été explicitée au sein du texte. Une institution étrangère sera considérée comme une FFI si elle entre dans l'une des trois catégories suivantes :
- soit il s'agit de banques ou dépositaires équivalents ;
- soit il s'agit d'une institution dont une partie substantielle de son activité consiste à détenir des actifs financiers pour le compte de tiers (dépositaires) ;
- soit il s'agit d'une institution essentiellement engagée dans une activité d'investissement, de réinvestissement ou d'achat et vente de titres et de matières premières (les entités vouées à la gestion de ces activités d'investissement sont également concernées). Les marchés des options sont également inclus. Cela vise tous les types de fonds, à l'exception notable des fonds immobiliers et des fonds côtés.

De plus, le texte retient une classification de ces FFI, en fonction de leur statut et de leur degré de collaboration. Il faut distinguer :
- les Participating FFI (PFFI) qui ont accepté de signer un accord avec l'IRS,
- les Non Participating FFI (NPFFI) qui n'ont pas passé d'accord avec l'IRS,
- les Deemed Compliant FFI (DCFFI) représentant un faible risque d'évasion fiscale US,
- et pour finir les Exempted FFI (EFFI) qui sont exclues du champ d'application de la "FATCA".

Les institutions qui ne rentrent pas dans la définition retenue sont qualifiées de Non-Financial Foreign Entity (NFFE, littéralement : "entités non-américaine et non-financière") et sont sous-divisées en plusieurs catégories, selon leur degré de collaboration. Ces NFFE sont obligées d'attester être détenues, directement ou indirectement, à plus de 10 %, par des Américains ou, dans le cas contraire, fournir les informations relatives au détenteur US du compte, sous peine de se voir appliquer la retenue à la source sur leurs flux.

Mais, afin de faciliter la mise en place de cette réglementation "FATCA", différents Etats se sont mis d'accord avec les Etats-Unis sur un accord d'échange intergouvernemental. Deux modèles existent pour le moment.
Le premier modèle (IGA-Model 1) (6) mettrait en place un système d'échange d'informations réciproques entre autorités. L'apport majeur de ce modèle serait que les entités entrant dans la définition de FFI n'auraient pas à signer d'accord avec l'IRS et seraient considérées comme des PFFI ou, à tout le moins, comme des DCFFI ; il seraient donc, en revanche, exclu qu'une entité financière résidente d'un pays ayant signé un tel accord avec les Etats-Unis fasse le choix d'être non-participating FFI (NPFFI). Ces PFFI effectueraient leur reporting directement auprès de leurs autorités publiques locales, et non à l'IRS. Il ne serait pas nécessaire de demander une renonciation du client au secret bancaire prévu par la législation interne. De plus, il y aurait une quasi-suppression de l'obligation d'appliquer la retenue à la source de 30 %.
Le modèle 2 (7) (IGA-Model 2), qui n'est pas basé sur une réciprocité des échanges, serait, quant à lui, construit sur le principe d'un reporting directement auprès des autorités locales mais sur demande, et non plus systématiquement.

"FATCA" a vocation à s'appliquer aux institutions financières étrangères qui détiennent des comptes de citoyens américains. Sont visées deux catégories de personnes : les Specified US Persons, qui correspondent aux citoyens américains ou aux sociétés américaines, sauf celles expressément exclues (certains trusts, associations, collectivités publiques entre autres).

Puis, il y a les US-owned Foreign Entities, soit les entités étrangères dont un ou plusieurs américains détiennent un pourcentage substantiel supérieur à 10 % des droits au bénéfice et au capital, détenus directement ou non. Sont, toutefois, exclus du champ de la législation, les comptes inférieurs à 50 000 dollars.

La "FATCA" n'est pas seulement un dispositif d'envergure nouvelle de par les acteurs concernés, elle englobe également un vaste champ de revenus et retient une conception large de la qualité de compte US.

Sont visés les Withholdable Payments, représentant les revenus de source US en flux direct tels que les intérêts, dividendes, primes d'émission et, à la différence du QI, les produits bruts de la vente des titres US.
Mais sont également visés les revenus de source indirecte US appelés les Foreign Passthru Payments. Il s'agit de paiements effectués par des FFI mais qui, en vertu de leurs ressources provenant essentiellement d'investissements américains, sont soumis à la réglementation "FATCA". Ce principe de Foreign Passthru Payments impose aux FFI de publier leur Foreign Passthru Payments Percentage représentant leur part d'investissements de source américaine de manière trimestrielle. Ainsi, par ce système de prise en compte des flux indirects, aucun revenu n'est épargné ; notons toutefois que la mise en oeuvre du dispositif Foreign Passthru Payments Percentage a été repoussée en 2014.

De par le nombre d'acteurs concernés, aussi bien les FFI, que la définition retenue des clients US, et que par les revenus visés, "FATCA" est susceptible de s'appliquer à tous. C'est pourquoi la question de la retenue à la source retiendra notre attention. Cette sanction au taux fortement dissuasif a vocation à s'appliquer à un grand nombre de situations, et est de nature à affecter de manière significative les différents acteurs tant en terme d'image, que d'un point de vue financier.

B - Le triangle législation interne/conventions fiscales internationales/"FATCA" en terme de retenue à la source

La "FATCA" impose donc une retenue à la source punitive de 30 % dans le cas où la FFI ou le client US ne jouent pas le jeu de la transparence au regard des diligences "FATCA". Mais cette retenue à la source peut sembler de prime abord incompatible avec les règles préexistantes des législations internes standard, mais surtout avec les principes conventionnels.

En effet, le droit interne français prévoit que les revenus distribués versés à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France supportent une retenue à la source dont le taux est fixé dans le CGI (8). La retenue à la source en droit interne repose donc sur les notions de bénéficiaire effectif et de résident : si le bénéficiaire effectif du revenu de source française est un résident hors de France, celui-ci supporte une retenue à la source au taux déterminé par la loi.

En droit conventionnel, la retenue à la source repose sur le principe selon lequel le paiement d'un revenu d'un Etat à un résident d'un autre Etat est imposé par ce dernier. Mais l'Etat de départ conserve le droit d'imposer ces sommes, à un taux limité, si la personne qui reçoit le revenu en est le bénéficiaire effectif (9). En effet, si l'on compare l'ensemble des conventions fiscales internationales signées, le critère déterminant l'application de la retenue repose sur les notions de résident et de bénéficiaire effectif.
Par exemple, la Convention franco-américaine (10) stipule que ces exonérations ne sont applicables que si le bénéficiaire effectif est un résident qualifié de l'un des deux Etats signataires au regard des conditions de résidence posées par la Convention. Pour que la retenue à la source s'applique, il faut donc que bénéficiaire final, celui qui reçoit effectivement le revenu à l'issue de la chaîne de paiement, soit un résident d'un des Etats signataires au sens de la Convention. Peu importe par où transite ce flux, peu importe le statut des intermédiaires. La Convention se focalise uniquement sur le point de départ et d'arrivée du flux, sans se préoccuper de la chaîne de paiements.
De même, la Convention franco-allemande (11) fait reposer la retenue à la source dans le cas de distributions de dividendes entre les deux Etats, sur le bénéficiaire effectif du revenu dans le cas où celui-ci est un résident d'un des deux Etats.
Egalement, la Convention France Hong-Kong (12) pose le principe selon lequel en cas de flux financiers (dividendes, intérêts, redevances) le pays de départ du flux peut décider si le bénéficiaire effectif du revenu est un résident de l'autre Etat contractant.

Il serait possible de continuer ainsi l'étude exhaustive des différentes conventions et de constater que l'application de la retenue à la source repose sur la qualification du résident de l'autre Etat partie en tant que bénéficiaire effectif du revenu. Seul compte le fait de savoir si le point d'arrivée final du flux financier est bien un résident qualifié, au sens de la convention, de l'autre Etat partie.

La "FATCA", quant à elle, impose une retenue à la source dans le cas où un agent financier adresse un paiement à un autre acteur financier qui n'est pas en conformité avec la "FATCA" (NPFFI) ; pour que la retenue à la source s'applique, il faudra, en outre, que ce paiement ait sa source directe ou indirecte aux Etats-Unis. Cela concerne les Withholdable Payments et les Passthru Payments faits à ces fonds non-participants résidents à l'étranger.
De même, cette retenue à la source s'appliquera dans les cas de paiement en provenance des USA en faveur de clients qui ne justifient pas leur statut de Non US Person en ne fournissant pas la documentation adéquate.
Nous pouvons observer qu'il n'est fait mention, à aucun moment, des notions de bénéficiaire effectif ou de résident. La "FATCA" fait reposer sa retenue à la source sur le critère déterminant de savoir si la FFI ou le client US remplissent les diligences "FATCA".

Nous pouvons donc noter que l'élément central des conventions fiscales internationales et des législations standards en matière de retenue à la source se focalisent sur la notion de "bénéficiaire effectif" et de "résident", là où la "FATCA" se concentre sur la chaîne de paiement, notamment les établissements financiers intermédiaires, et sur le fait de savoir s'ils remplissent leur obligation de transmission des renseignements sur les comptes des clients US.

II - Un habile positionnement sur la chaîne de paiement permettant d'assurer la pleine efficacité du dispositif de lutte contre l'évasion fiscale

Ainsi, le législateur américain, par un astucieux positionnement sur la chaîne de paiement, arrive en quelque sorte à contourner les dispositions internes et conventionnelles pour légaliser sa retenue à la source de 30 %. Reste également à voir la question d'une éventuelle articulation entre "FATCA" et les conventions fiscales dans le cas de retenue à la source du fait d'une Non Participating FFI, dans l'hypothèse où le client aurait fourni les informations nécessaires à son identification.

A - La chaîne de paiement au coeur du dispositif de retenue à la source : un subtil montage de contournement des conventions fiscales

Pour bien comprendre le mécanisme de la retenue à la source, comment le législateur a réussi à la légaliser et, enfin, cerner les raisons qui gouvernent un tel dispositif, il faut distinguer plusieurs cas de figure.

Dans la chaîne de paiement, une PFFI peut donc se retrouver à prélever la retenue à la source lorsqu'elle fait transiter ce paiement par une NPFFI.

Dans le cas où le flux financier transiterait par une NPFFI, cette retenue à la source s'appliquera sur tous les paiements qu'elle reçoit, à la condition qu'ils soient d'origine américaine. On voit donc ici à quel point la notion de résident bénéficiaire effectif importe peu et comment le législateur américain s'adapte aux règles en vigueur avec le positionnement dans la chaîne de paiement. Seul compte le fait de savoir si les diligences "FATCA" sont remplies ou non par l'un des maillons de la chaîne de paiements.

La retenue à la source trouvera également à s'appliquer dans le cas de paiement à une NFFI (13). La PFFI devra alors effectuer un test pour déterminer s'il s'agit d'un acteur US qui détient ou non plus de 10 % (14) d'un véhicule non US, auquel cas la "FATCA" et la retenue à la source s'appliqueront.

Seul compte donc le fait de savoir si l'institution financière intermédiaire remplit les diligences "FATCA", sans égard à sa place dans la chaîne de paiements. La législation américaine a, ainsi, pu faire valider un mécanisme de retenue à la source au montant prohibitif en ne se préoccupant pas de la notion de bénéficiaire effectif mais en se focalisant sur le point de savoir si tous les maillons de la chaîne d'un paiement de source américaine -directement ou indirectement- remplissaient les diligences "FATCA".

Mais la retenue à la source peut aussi être appliquée dans le cas d'un client récalcitrant qui refuse de communiquer la documentation permettant de statuer sur son américanité. Pour comprendre son fonctionnement et sa légitimité, il faut revenir aux fins poursuivies par "FATCA" : lutter contre l'évasion fiscale par une centralisation et une comparaison des déclarations fournies par les PFFI et les contribuables américains annuellement.
Dans ce cas, la retenue à la source est appliquée en tant que sanction d'un client qui ne fournit pas la documentation et l'identification adéquate. En effet, soit l'IRS remarque une incohérence entre les différentes déclarations et applique alors la retenue à la source sur les revenus réputés non déclarés, soit c'est le client qui refuse de donner les informations (client récalcitrant), alors la retenue à la source punitive est appliquée. Cette retenue à la source est avant tout destinée à dissuader les contribuables US de s'évader fiscalement, notamment par l'aide d'une FFI.

Ce dispositif de conformité au "FATCA" a donc un effet double. Dans un premier temps, il vise à s'affranchir des dispositions des conventions fiscales visant à limiter, voire exonérer, le taux de retenue à la source afin de lui donner une pleine efficacité avec un taux de 30 %. Dans un second temps, l'administration américaine cherche à donner à sa sanction une efficience maximale afin de dissuader toute évasion fiscale. N'oublions pas que l'objectif premier de cette législation est de combattre l'évasion fiscale qui coûte des milliards au Gouvernement américain, qui cherche par tout moyen à se financer en ces temps de crise.
Ne sont donc pas seulement concernés les clients détenteurs d'avoirs US, mais également les FFI. Tous deux doivent, ainsi, se conformer aux dispositions "FATCA" d'échange d'informations.

Mais la question peut se poser d'une éventuelle articulation entre conventions et "FATCA" pour le bénéficiaire effectif qui, in fine, se voit appliquer la retenue à la source qui n'est pas nécessairement due de son propre fait, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

B - La portée des conventions fiscales internationales dans les recours exerçables par un client jugé récalcitrant

Comme nous l'avons vu, la retenue à la source peut être appliquée soit du fait de la non-conformité de l'établissement, soit de l'hostilité d'un client afin de permettre ou de faciliter la mise en évidence de son américanité pour les besoins de "FATCA". Mais, in fine, c'est bien ce client US qui supporte le poids de la retenue à la source. Or, nous l'avons vu, cette retenue a été avant tout conçue comme une sanction qui ne devait pas bénéficier des taux préférentiels conventionnels. Ainsi, il apparaît légitime de se demander si, dans de tels cas, le client jugé récalcitrant pourrait, ou pas, se prévaloir des conventions fiscales internationales et des dispositions favorables (taux préférentiels) qu'elles stipulent.

Il s'agirait bien ici d'une sanction du fait de l'établissement financier ou de son client qui n'ont pas joué le jeu de la transparence et fourni les informations demandées, sanction supportée finalement par le client. Celui-ci aurait alors tout intérêt à invoquer ces conventions fiscales pour tenter d'obtenir une diminution, ou même une exonération, de cette retenue à la source, qu'il n'ait pas communiqué les informations délibérément, ou non.

Le principe veut que nul ne puisse se prévaloir de sa propre turpitude, ce qui sous tendrait que le détenteur qui n'a volontairement pas voulu fournir les informations demandées ne puisse se prévaloir de ces textes. Mais cela paraît peu probable ; en effet, si le client US remplit les conditions d'application d'une convention fiscale internationale, celui-ci devrait pouvoir, en principe, en bénéficier mais moyennant une démarche active auprès de l'IRS, se révélant, du même coup, auprès de cette administration à laquelle il cherchait précisément à échapper en refusant de communiquer ses informations personnelles. Il peut cependant décider de rester caché, mais il supportera le poids de la retenue à la source punitive sans possibilité de s'en exonérer. L'articulation des conventions avec la "FATCA" permettrait donc de renforcer l'efficacité du dispositif.

De même, les problèmes de la forme et de la procédure à suivre restent encore non résolus. Devant qui le client US devrait-il faire ses démarches ? Devant l'IRS ou devant les autorités publiques de l'Etat de l'établissement ? Devrait-il en faire la demande auprès de son établissement détenteur de son compte ? Et quid de la procédure à suivre ? Tant de questions qui mériteraient d'être débattues entre administrations, notamment dans le cadre des négociations des IGA, avant toute mise en oeuvre du régime "FATCA".

La "FATCA" a donc marqué un tournant dans la lutte contre l'évasion fiscale au regard des dispositifs existants visant à une transparence et à un échange d'informations. Tels que le projet Treaty Relief And Compliance Enhancement (Trace) de l'OCDE, visant à un système multilatéral d'échange des informations, ou encore les accord "Rubik" passés entre la Suisse et l'Autriche et la Grande Bretagne, aux termes desquels le secret bancaire helvète est maintenu en échange de fortes retenues à la source.

Ainsi, la tendance aux échanges d'informations automatiques mondiaux et à la transparence fiscale semble s'installer de manière accrue dans le paysage de la lutte fiscale internationale, obligeant les établissements bancaires à repenser tous leurs systèmes internes de reporting.

Il y a fort à parier que la législation "FATCA" vient d'ouvrir la voie et ne restera pas sans suite dans les autres Etats dans la lutte contre l'évasion fiscale et le secret bancaire. A l'instar du ministre français de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici qui, à la suite des derniers événements politiques français ayant recentré l'attention sur la lutte contre l'évasion fiscale, a préconisé l'adoption d'une "FATCA" européenne appuyé par homologues allemand, britannique, espagnol et italien (15). Affaire à suivre.


(1) Conclusion du rapport de la commission d'enquête sur l'évasion fiscale et les actifs hors de France et ses incidences fiscales, Eric Bocquet, 17 juillet 2012.
(2) Selon les données de l'Insee.
(3) La nouvelle arme américaine contre l'évasion fiscale s'appelle FATCA, Gérard Laures, Partner KPMG Tax, Frank Stoltz, Directeur KPMG Tax, Marie Audrain, Tax Adviser KPMG Tax, AGEFI Luxembourg, Septembre 2010, rubrique Finance/Economie.
(4) Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) : Décryptage des enjeux et impacts, Thomas Rocafull et Matthieu Courtecuisse, SIA Conseil.
(5) Modèle IGA 1 avec réciprocité des échanges d'informations entre les autorités parties à l'accord et modèle IGA 2 sans réciprocité.
(6) Les Etats concernés par ce premier modèle sont la France, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni.
(7) Japon et Suisse.
(8) CGI, art. 119 bis (N° Lexbase : L0092IWC) et suivants et 187 (N° Lexbase : L0113IW4).
(9) Voir le BoFip - Impôts, BOI-INT-DG-20-20-30-20120912 (N° Lexbase : X5752ALM).
(10) Convention France - Etats-Unis d'Amérique, signée le 31 août 1994, art. 10 et 11 (N° Lexbase : L5151IEI).
(11) Convention France - Allemagne, signée le 21 juillet 1959, art. 9 (N° Lexbase : L6660BH7).
(12) Convention France - Japon, signée le 21 octobre 2010, art. 10 à 12 (N° Lexbase : L6709BHX).
(13) En tant que bénéficiaire effectif en fin de chaîne de paiement ou point de départ d'une chaîne de NFFE.
(14) De manière générale, une PFFI doit vérifier si son interlocuteur dans la chaîne de paiement est une FFI ou non. Puis, elle s'assure que ce n'est pas un client US, auquel cas elle doit en conclure qu'il s'agit d'une NFFE. La PFFI doit alors déterminer s'il s'agit d'une NFFE active ou passive. Ce sont en réalité ces NFFE passives que le législateur américain cherche à identifier. Enfin, la PFFI va regarder si ce sont des citoyens américains qui détiennent le véhicule non US à plus de 25 %.
Dans les zones IGA, ce taux minimal de détention déclenchant l'application des obligations "FATCA" sera déterminé au regard des règles anti-blanchiment locales. En France ce taux sera donc abaissé à 10 %.
(15) Lire le courrier envoyé le 9 avril 2013 au Commissaire européen en charge de la fiscalité par la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie (N° Lexbase : N6682BTN).

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