La lettre juridique n°839 du 8 octobre 2020 : Arbitrage

[Brèves] Arbitrage international : compétence de la juridiction étatique et principe compétence-compétence en présence d'un consommateur dans le cadre d’un contrat international

Réf. : Cass. civ. 1, 30 septembre 2020, n°18-19.241, FS-P+B (N° Lexbase : A67893WD)

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par Alexandra Martinez-Ohayon

le 07 Octobre 2020

► Dans cet arrêt important, la Cour de cassation écarte le principe de compétence-compétence dans le cadre d’un contrat international en présence d'un consommateur et illustre l’intérêt public que constitue la protection de consommateur, en matière de droit européen ;

► Lorsqu’un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci se déclare incompétente, sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, et si les parties n'en sont autrement convenues ; la règle procédurale de priorité édictée par l’article 1448 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2275IPX) ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un Français s’était installé à Valence en Espagne où son fils résidait et au bénéfice duquel il avait été signé une procuration générale pour administrer ou disposer des biens appartenant à son père. Le patriarche est décédé le 12 mai 2008 en Espagne, laissant un testament authentique daté du 16 novembre 2006, instituant comme héritiers, chacun pour un tiers, son fils, sa fille et ses deux petits-fils, en désignant un notaire, en qualité d’exécuteur testamentaire. La fille du défunt faisant grief à son frère d’avoir dilapidé la fortune familiale, et au notaire d’avoir engagé sa responsabilité les a assignés le 5 juin 2014 devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Elle a également assigné en responsabilité une société d’avocats espagnole, à qui elle avait donné mandat, aux termes de deux offres de services datées des 28 novembre 2008 et 20 juin 2010, de la conseiller dans les opérations de succession de son père ouvertes en Espagne. La société d'avocats a contesté à titre principal la compétence de la juridiction étatique sur le fondement d’une clause compromissoire stipulée aux contrats, et à titre subsidiaire, la compétence des juridictions françaises.

Le tribunal de grande instance de Nanterre, ainsi que la cour d’appel de Versailles ont écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif.

Le pourvoi. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt rendu le 15 février 2018, par la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 15 février 2018, n° 17/03779 N° Lexbase : A5233XD8), d’avoir écarté l’application de la clause compromissoire en raison de son caractère abusif et d’avoir retenu la compétence de la juridiction étatique française.

Dans un premier temps, la demanderesse invoque la violation du principe compétence-compétence et celle de l’article 1448 du Code de procédure civile. L’intéressée énonce qu’il appartient par priorité à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence, invoquant que le juge étatique est sans pouvoir pour le faire. Elle soulève que le juge étatique peut statuer sur la compétence qu’en cas de nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage. La demanderesse énonce que le juge étatique n’avait pas le pouvoir d’apprécier le caractère abusif de la clause d’arbitrage au sens de la Directive 93/13 CEE du 5 avril 1993 (N° Lexbase : L7468AU7), sans examen des conditions dans lesquelles la clause a été négociée et conclue, relevant que cela est incompatible avec la constatation de son caractère manifestement nul ou inapplicable. La requérante indique que cet examen ne relève que de la compétence exclusive de l’arbitre appuyant son argumentation sur l’article 1448 du Code de procédure civile. En l’espèce, la cour d’appel a écarté l’application de la clause d’arbitrage « au prétexte qu'elle serait manifestement abusive », après avoir procédé à un examen sur son applicabilité.

Réponse de la Cour. Après avoir énoncé la solution précitée au visa de l’article 1448 du Code de procédure civile, applicable en matière d’arbitrage international en vertu de l'article 1506 (N° Lexbase : L2216IPR) du même code, les Hauts magistrats ont relevé que la cour d’appel après avoir examiné l’applicabilité, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, relevant qu’elle a accompli son office de juge étatique, auquel il incombe d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur. Le moyen est déclaré non fondé.

Dans un second temps, la demanderesse fait le même grief à l’arrêt d’avoir privé de base légale la décision au sens de l'article 3 de la Directive 93/13 (CE) du 5 avril 1993, en inversant la charge de la preuve portant sur la négociation individuelle de la clause. En l’espèce, la cour d’appel avait relevé que la clause était partiellement similaire à celle figurant dans les conditions générales de l’offre de services de la seconde offre. L’intéressée énonce également que la langue ne pouvait pas constituer un obstacle au pouvoir de négociation. Les juges d’appel avaient relevé le fait que la cliente ne maîtrisait pas la langue espagnole et qu’en conséquence elle n’avait pas pu négocier la clause litigieuse. La cour relève néanmoins que les échanges préalables à la signature avaient été effectués en français et que l’offre de service lui avait été également transmise en langue française.

Réponse de la Cour. En premier lieu, la Cour Suprême relève qu’aucun échange entre les parties, antérieur à la signature du contrat ne fait illusion à la procédure arbitrale pour le règlement des différends. Puis dans un second temps, que la clause compromissoire stipulée dans l’une des offres correspondait à une clause des conditions générales rédigée en langue espagnole, confortait le caractère standardisé de cette dernière, dans les contrats de la demanderesse. Enfin, les Hauts magistrats relèvent que la cliente ne maîtrisant pas la langue espagnole, dans une affaire de succession complexe et litigieuse dans laquelle elle voulait bénéficier de conseils éclairés, n’était pas en mesure de négocier dans un rapport équilibré, les termes d’une clause compromissoire, peu importe qu’elle ait à ses côtés la présence d’un employé de banque. La Cour suprême conclut que la cour d’appel n’a pas inversé la charge de la preuve, et déclare le moyen non fondé.

Dans un troisième temps, la demanderesse fait grief à l’arrêt de rejeter son exception d’incompétence des juridictions françaises et de renvoyer l’affaire devant le tribunal déjà saisi et en conséquence d’avoir privé de base légale la décision au regard des articles 17 et 18 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (N° Lexbase : L9189IUU). L’intéressée invoque que les dispositions de ces articles ne sont pas applicables au contrat de prestation de services juridiques conclu avec un avocat. La requérante énonce également que le juge doit caractériser, par une appréciation globale et concrète, la volonté du professionnel d’établir des relations commerciales avec des consommateurs d’un ou d’autres Etats membres. Enfin, elle relève plusieurs autres arguments sur les constatations des juges d’appels effectuées sur son site internet et énonce que le juge devait caractériser la volonté du professionnel à diriger ses activités vers un Etat en particulier. En l’espèce, la cour avait relevé que certains membres de cette société exerçaient en France. Sur ce point, la demanderesse indique qu’il s’agissait de personnes juridiques autonomes et distinctes de sa société.

Réponse de la Cour. Sur ce troisième point, la Cour suprême après une démonstration détaillée, conclut, qu’il ressort des énonciations de la demanderesse et constatations effectuées, que cette dernière dirigeait « son activité professionnelle au-delà de la sphère territoriale de son barreau de rattachement, en proposant ses services à une clientèle internationale, domiciliée notamment en France, de sorte qu'en sa qualité de consommateur, Mme B, domiciliée en France, pouvait porter son action devant les juridictions françaises ».

Solution de la Cour. Énonçant les solutions précitées, la Cour suprême rejette le pourvoi.

 

Cet arrêt fera l’objet d’un commentaire approfondi par le Professeur Dominique Vidal, à paraître dans la revue Lexbase, Droit Privé, n° 840 du 14 octobre 2020.

 

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