Le Quotidien du 26 juin 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Obligation de motivation des peines correctionnelles : le contrôle de la Cour ne faiblit pas

Réf. : Cass. crim., 24 juin 2020, n° 19-85.074, F-P+B+I (N° Lexbase : A21143PY)

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par Adélaïde Léon

le 15 Juillet 2020

► Ne répond pas aux exigences de motivation des peines correctionnelles la cour d’appel qui, prononçant une peine d’emprisonnement de huit mois, s’abstient de s’expliquer sur le caractère inadéquat de toute autre sanction et ne prononce pas d’aménagement alors que la présence de la prévenue à l’audience permettait aux juges d’obtenir les informations nécessaires à l’étude de la faisabilité d’un tel aménagement ;

La nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété par la confiscation de patrimoine doivent être justifiées par la cour d’appel, a fortiori lorsqu’une telle garantie est invoquée ;

Dans le cadre de la cassation, la Cour rappelle la nécessité désormais d’appliquer l’article 485-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7241LPU), issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC), relatif à la motivation du choix de la peine.

Résumé des faits. À l’issue d’une enquête préliminaire, trois prévenus ont été cités par le procureur de la République, des chefs de travail dissimulé et de blanchiment pour l’un, et de l’unique chef de blanchiment pour deux autres.

Le tribunal correctionnel a condamné l’ensemble des prévenus du chef de blanchiment.

Ces derniers, ainsi que le ministère public, ont interjeté appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a notamment condamné l’une des prévenus à une peine de huit mois d’emprisonnement. Les juges du fond ont choisi de ne pas prononcer d’aménagement ab initio au motif que le juge d’application des peines serait plus à même d’instaurer un aménagement compatible avec les contraintes de mère de famille de l’intéressée lesquelles étaient ignorées par la cour. La cour d’appel a également prononcé, à titre de peine complémentaire, la confiscation de sommes saisies sur les comptes assurance-vie de deux prévenus ainsi que d’un bien immobilier du troisième.

Les prévenus ont formé un pourvoi contre l’arrêt de cour d’appel.

Moyens du pourvoi. Les auteurs du pourvoi ont reproché à la cour d’appel l’absence de motivation spéciale du choix d’une peine d’emprisonnement sans sursis ainsi que le refus d’aménagement de cette même peine. Ils ont également relevé que, malgré leurs conclusions en ce sens, la cour d’appel n’avait pas jugé nécessaire de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée par la saisie à leur droit de propriété.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 132-19 du Code pénal (N° Lexbase : L7614LPP) s’agissant de la peine d’emprisonnement et des articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L1625AZ9), 132-1 (N° Lexbase : L9834I3M) du même code et 485 (N° Lexbase : L9916IQC), 512 (N° Lexbase : L7519LP8) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale, dans la rédaction alors en vigueur desdits codes, concernant la confiscation.

Motivation de la peine d’emprisonnement sans sursis. La Haute juridiction rappelle tout d’abord l’obligation incombant aux juges du fond de justifier la nécessité des peines d’emprisonnement prononcées au regard de la gravité de l’infraction, de la personnalité de l’auteur et du caractère inadéquat de tout autre sanction. Elle souligne par ailleurs que s’agissant en l’espèce d’une peine inférieure à deux ans, la cour d’appel était tenue de constater une impossibilité matérielle ou de motiver spécialement l’absence d’aménagement au regard des faits de l’espèce, de la personnalité du prévenu ou de sa situation matérielle, familiale ou sociale.

La Cour casse l’arrêt d’appel au motif que les juges ont seulement justifié le choix de la sanction au regard du passé judiciaire de l’intéressée, de l’étendue de sa participation aux infractions et de la gravité des faits sans s’expliquer sur le caractère inadéquat de tout autre sanction. S’agissant de l’absence d’aménagement, la Haute juridiction note que la prévenue, présente à l’audience, pouvaient répondre aux questions susceptibles d’informer les juges sur les aménagements envisageables au regard de ses contraires personnelles de mère de famille. En s’abstenant de procéder à de telles appréciations, les juges du fond ont, selon la Cour, méconnu leur devoir de motivation.

Nécessité et proportionnalité des confiscations. Rappelant une jurisprudence constante, la Cour opère sa traditionnelle distinction entre les biens constituant le produit ou l’objet de l’infraction et ceux qui y sont étrangers. La saisie des seconds doit nécessairement amener le juge à apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsque cette garantie est invoquée ou d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

La cour d’appel s’étant seulement fondée sur l’article 324-7 du Code pénal (N° Lexbase : L3744IYC) pour décider d’une peine complémentaire de confiscation sans s’en expliquer davantage, en dépit de conclusions en ce sens des intéressés, la Haute juridiction casse son arrêt au motif qu’il appartenait aux juges du fond de motiver le choix de la confiscation de patrimoine en démontrant la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte qu’elle portait au droit de propriété.

Contexte. Plus récente que l’obligation générale de motivation de la peine, l’exigence spécifique de démonstration de la nécessité et de la proportionnalité des peines complémentaires de confiscation au regard de l’atteinte portée au droit de propriété est désormais ancrée dans la jurisprudence de la Cour de cassation depuis plusieurs années (v. notamment Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 15-85.136, FS-P+B+I N° Lexbase : A9697SNH ; sur cet arrêt, lire N. Catelan, La Chambre criminelle livre un vade-mecum de la confiscation, Lexbase Privé, février 2017, n° 687 N° Lexbase : N6594BW7). En choisissant de publier cet arrêt la Haute juridiction a sans doute, comme elle le fait régulièrement depuis l’adoption de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, voulu rappeler l’obligation pleine et entière de motivation des peines correctionnelles incombant aux magistrats, lesquels ne peuvent s’en départir en ne s’expliquant que partiellement au regard des exigences légales et jurisprudentielles.

Pour aller plus loin : E. Letouzey, ETUDE : Le jugement des délits, la décision du tribunal correctionnel, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E0220ZRL)

 

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