La lettre juridique n°454 du 22 septembre 2011 : Bancaire/Sûretés

[Jurisprudence] L'agent des sûretés, la dette parallèle et le droit français

Réf. : Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-25.533, FS-P+B (N° Lexbase : A7460HXL)

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par Alexandre Bordenave, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, Secrétaire de la Conférence du barreau des Hauts-de-Seine (2011), chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

le 22 Septembre 2011

On ne se refait pas ! Souvenons-nous : notre prose pré-estivale nous avait conduits à évoquer longuement les beaux climats de Bourgogne. Un hasard, qui résonne de façon malheureuse, nous amène à y retourner puisque cette chronique de rentrée prend appui sur une affaire ayant tristement affecté la région beaunoise : celle du marasme financier du groupe Belvédère, spécialisé dans les spiritueux et septième producteur mondial de vodka (1).
En raison de ces difficultés financières, le tribunal de commerce de Beaune avait placé Belvédère SA et sept de ses filiales sous une sauvegarde faisant l'objet d'un plan homologué. Figurait au passif déclaré de ce plan un emprunt obligataire pour un montant total de 375 millions d'euros, contracté en 2006 sous la forme de Floating Rate Notes offertes à une souscription publique et régies par un contrat d'émission soumis au droit de l'Etat de New-York. Comme dans nombre de financements de la sorte, avaient été nommés dans le cadre de cette émission d'obligations des agents des sûretés (deux, pour être précis) (3), bénéficiant des stipulations d'une clause de dette parallèle (4).
Composante bien connue des financements internationaux, la dette parallèle est une technique contractuelle revenant à faire prendre au débiteur d'une obligation un engagement supplémentaire de paiement direct à hauteur du montant de sa dette envers l'entité agissant comme mandataire des créanciers, le fameux agent des sûretés. Pour que le tableau soit complet, cet engagement se voit complété d'une obligation pour l'agent des sûretés de restituer aux créanciers toute somme qu'il recevrait de la part du débiteur au titre de sa créance personnelle (celle-là même qu'il tire de la dette parallèle) et de ne pas poursuivre sous l'empire de la dette parallèle une somme déjà acquittée par le débiteur au titre de la dette principale. En l'espèce, c'est Belvédère SA, émetteur des obligations, qui avait accepté une dette parallèle au bénéfice de deux agents des sûretés, représentant à cette fin les créanciers obligataires. La validité de ce mécanisme en droit français est, depuis longtemps, longuement discutée, au moins parmi les praticiens en raison de ce que, notamment, il cousine avec une institution mal connue de notre système juridique, le trust (5), et qu'il s'apparente à un engagement abstrait, dépourvu de cause (6). Précisément, vint aux débats de la sauvegarde Belvédère une contestation par le débiteur de la compatibilité de la technique de la dette parallèle avec le droit français : l'occasion fut offerte aux magistrats de la rue de l'Amiral Roussin (7) de contribuer à la discussion. Cet apport, résultant de trois arrêts rendus le 21 septembre 2010 par la cour d'appel de Dijon, fut plutôt bien accueilli puisqu'il valida, au moins dans ses effets, la dette parallèle : pour aller vite en besogne, cette reconnaissance amena les juges bourguignons à confirmer que la déclaration de créance faite entre les mains des organes compétents de la procédure par un agent des sûretés sur le fondement de la clause de dette parallèle est valable.

S'ensuivit une saisine de la Cour de cassation par Belvédère SA et ses filiales, contestant cette vision de l'état du droit positif développée dans les trois arrêts susmentionnés. Joignant pour connexité les trois pourvois, la Cour de cassation, dans un arrêt de sa Chambre commerciale en date du 13 septembre 2011, les rejeta en choeur en consacrant ainsi une reconnaissance par le droit français des effets de la clause de dette parallèle.

Il convient de saluer cette décision qui a su trouver les arguments adéquats pour répondre à la gageure de l'accueil par notre système juridique de cette technique anglo-saxonne (I), fort utile sans pour autant être indispensable (II).

I - Le défit global de la reconnaissance des effets de la clause de dette parallèle par le droit français

Il n'allait pas de soi de reconnaître les effets d'une clause de dette parallèle en droit français : la Cour de cassation devait en saisir correctement l'enjeu stratégique (A) et développer des arguments adéquats (B).

A - L'enjeu de la reconnaissance

D'emblée, avouons-le : même s'il est ici question de sécurité juridique, un principe cher tant au Conseil d'Etat qu'au juge constitutionnel (8), ce qui est en débat est plus volontiers économique puisque est éprouvée l'attractivité juridique de la France face à la pratique étrangère de la clause de dette parallèle. C'est chose aisée à saisir de comprendre : le plus souvent, les professionnels de l'industrie financière internationale souhaitent, pour des raisons d'ordre pratique tout à fait respectables, pouvoir structurer toutes les opérations auxquelles ils participent sur un modèle unique incluant un agent des sûretés et une clause de dette parallèle. Dans cet ordre d'idées, peu leur chaut que tel ou tel droit local applicable ne soit pas familier avec le concept : l'intendance (juridique) n'a qu'à suivre ! Inutile de vivre comme un romain pour vivre à Rome, et inutile de trop se préoccuper de la compatibilité du droit français avec la clause de dette parallèle. Dans le pire des cas, il suffit de se reporter sur une juridiction plus accueillante.

Parce que notre pays n'a pas intérêt à ce que cela arrive, son droit se doit d'être en mesure de garantir aux bailleurs de fonds internationaux friands de la dette parallèle un niveau de sécurité juridique satisfaisant quant à l'absence d'aversion génétique du droit français à cette dernière. Concrètement, cela pousse à envoyer aux prêteurs le double message qu'ils peuvent continuer à en faire usage, mais surtout que l'ensemble des security packages dont la dette parallèle est la pierre angulaire n'est pas privé d'efficacité. Le scénario opposé aurait des répercussions apocalyptiques, puisque une foultitude de financements existants verrait leur logique de sécurisation mise à plat. A cela, on pourrait rétorquer, très justement d'ailleurs, que le recours à la technique de la dette parallèle dans un contexte même partiellement de droit français était, pour les raisons rapidement balayées en introduction, un pari et que ceux qui y ont pris part devaient être, dès le commencement, prêts à assumer les conséquences d'une mise malheureuse. La réalité n'est plus de ce bois, et un impératif de pragmatisme responsable n'autorise pas un tel positionnement : la dette parallèle est un fait que le droit français se devait être capable, certes de contenir, mais aussi d'accueillir. En le faisant, la Cour de cassation a fait honneur à son rôle.

B - Les fondements de la reconnaissance

Pour ne pas jeter aux orties l'idée même d'un agent des sûretés profitant d'une commodité telle que la clause de dette parallèle, la Cour de cassation fait presque intégralement sien le raisonnement de la cour d'appel.

La première question tranchée en l'espèce tenait, évidemment, à la qualité de créancier de l'agent : privé de cet attribut, il n'aurait pu déclarer une quelconque créance au passif de la sauvegarde Belvédère. Sur ce point, les débiteurs blâmaient les magistrats du second degré pour n'avoir pas appliqué les dispositions du Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité (N° Lexbase : L6914AUM), dont l'article 4.2 h) impliquerait que la loi d'ouverture de la procédure détermine la qualité de créancier puisqu'elle est celle fixant les règles d'admission des créances à la procédure, ce qui aurait imposé de faire appel au droit français pour juger de la qualité de créancier. La réponse de la Chambre commerciale sur ce point est sans équivoque : comme l'avait jugé la cour d'appel, la qualité de créancier doit s'apprécier au seul regard du droit de la créance, en l'occurrence celui de l'Etat de New-York. C'est une position classique du droit international privé français, dans la droite ligne des dispositions du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (N° Lexbase : L7493IAR). Dans la mesure où il n'était pas contesté, ici, que la créance au titre de la clause de dette parallèle était valable en droit new-yorkais, il n'existait pas de fondement juridique apte à dénier sa qualité à celui qui retire d'une telle clause de dette parallèle son statut de créancier. Il lui est donc possible de procéder aux déclarations de créances antérieures prévues s'agissant des procédures collectives du livre VI du Code de commerce. C'est sur ce point que la clause de dette parallèle prend tout son sens et toute son importance : sans cette stipulation, l'agent des sûretés de la cause n'aurait pas été créancier, mais un simple mandataire de droit commun. En conséquence, les agents des sûretés du financement "Belvédère" se seraient vu appliquer l'exigence d'un mandat ad litem, ainsi que l'exige la jurisprudence issue d'un précédent arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 21 mars 2000 (9) qui avait refusé d'appliquer la théorie généreuse, proposée par Monsieur le Professeur Philippe Pétel (10) sur l'absence d'obligation pour le mandat ad agendum d'être spécial et écrit pour les actions conservatoires.

Bien sûr, la Cour de cassation ne néglige pas que ce raisonnement ne vaut que s'il ne se heurte pas à l'ordre public international français. Justement ! C'est dans ce gisement que les débiteurs avaient puisé deux de leurs autres moyens.
D'abord, la dette parallèle relèverait de l'acte non causé et serait donc incompatible avec l'exigence de l'article 1131 du Code civil (N° Lexbase : L1231AB9). De façon assez sibylline, la Cour de cassation ne fait pas sienne cette rhétorique, "la cause des obligations contractuelles retenue par le droit français [n'étant] pas, dans tous ses aspects, d'ordre public international". C'est au fond assez logique, car on voit mal la contradiction avec l'article 3 du Code civil (N° Lexbase : L2228AB7) que présenterait une dette abstraite, notion par ailleurs connue du droit français même si c'est dans des cas limités (11).
Ensuite la cour d'appel aurait fondé une partie de sa décision sur le fait que, en l'espèce, la stipulation de dette parallèle, en ce qu'elle comprend un schéma contractuel de vase communicant qui assure que toute somme versée à l'agent des sûretés profitant de la clause de dette parallèle diminue d'autant le dû aux créanciers principaux (et inversement), aboutissait à créer une situation proche de la solidarité active entre le trustee (créancier principal à part entière, qui avait également déclaré ses créances à la procédure de sauvegarde) et les deux agents des sûretés. Cela permet d'éviter à coup sûr tout risque de double paiement. Or, les débiteurs faisaient observer qu'en application de l'article 1197 du Code civil (N° Lexbase : L1299ABQ), la solidarité active suppose une identité de créance entre les différents créanciers. Toujours selon les débiteurs, en l'espèce, ce n'était évidemment pas le cas dans la mesure où la créance issue de la clause de dette parallèle est autonome de la créance "principale" des créanciers ! Outre le fait qu'il soit contestable, parce qu'on peut également considérer que le "créancier parallèle" est un créancier de même substance que les autres (12), l'argument cède devant la subtilité prétorienne : les juges du fond n'ont pas assis leur décision sur l'article 1197 du Code civil, mais ont seulement constaté, dans un détour du raisonnement, une similitude avec ce mécanisme, ce qui amène la Cour de cassation à juger que "c'est à titre surabondant que la cour d'appel a relevé, sur le fondement du droit français, l'existence [d'un lien de solidarité active]". Encore, c'est la lettre du contrat qui emporte la conviction des juges.

Quant à l'idée selon laquelle la clause de dette parallèle romprait l'égalité entre créanciers, parce qu'elle permettrait d'obtenir un paiement alors que la créance résultant de l'opération fondamentale est éteinte, il fait également fi du mécanisme d'extinction parallèle : si le débiteur n'est plus tenu envers le créancier principal, il ne l'est également plus envers celui institué via la dette parallèle.

Au final, il apparaît donc que la Cour de cassation laisse la dette parallèle, soumise à un droit étranger qui la valide, jouer tous ses effets en droit français. Pour autant, il n'est pas affirmé qu'une clause de dette parallèle de droit français est valable : raisonnablement, il faut penser que ce n'est pas le cas, au nom de son caractère éminemment non causé. Ce n'est pas un problème, puisque nous venons de voir que le recours à un droit étranger est pleinement opérant et que, si nécessaire, le droit français propose des outils similaires.

S'il était économiquement opportun de reconnaître (enfin ! a-t-on envie de dire) les effets d'une clause de dette parallèle en droit français, il ne faut pas méconnaître l'intérêt concret qui constitue sa raison d'être.

II - L'intérêt pratique mitigé de la reconnaissance des effets de la clause de dette parallèle

Cela va sans dire : si la clause de dette parallèle a émergé, c'est parce qu'elle répondait à un besoin de simplicité et de souplesse au soutien de financements syndiqués, faisant intervenir un nombre important de parties financières (13) (A). Sa justification est donc pleinement assurée, mais il faut observer que, depuis peu, existent des alternatives offertes par le droit français même si elles sont encore sous-employées (B).

A - La voie vers une gestion simplifiée de l'opération de crédit syndiqué

En exagérant à peine, on peut affirmer que la clause de dette parallèle est une des clés d'une opération de crédit syndiqué, l'une de ses figures imposées. En effet, puisque celle-ci consiste en une juxtaposition d'engagements (14), sauf à la transformer en un cauchemar de gestion, il est impératif d'y insérer des mécanismes propres à en simplifier le maniement quotidien. C'est le sens de la clause d'agent, mandat donné à une banque chargée de gérer les relations entre le syndicat bancaire et l'emprunteur ; c'est aussi celui de la dette parallèle nécessairement associée à la désignation d'un ou plusieurs agents des sûretés.

Ainsi nommé, non comme un simple mandataire, mais bien comme un créancier de plein droit (qu'on peut qualifier de fiduciaire) chargé de gérer les sûretés pour le compte des autres créanciers, l'agent des sûretés offre les facilités suivantes :

- il peut agir seul dans la défense des intérêts des créanciers, soit en procédant à la réalisation des sûretés, soit en agissant en justice. Ce dernier cas correspond à celui de l'arrêt commenté du 13 septembre 2011, puisque la déclaration de créances est qualifiée d'action en justice. Tout cela, l'agent des sûretés, sur le fondement de la stipulation de dette parallèle, le fait en son propre nom mais pour le compte des autres créanciers ;

- lorsque le crédit fait l'objet d'une ou plusieurs cessions, en tout ou en partie, le fait que l'agent des sûretés soit lui-même le créancier de la dette parallèle évite que de nouvelles formalités d'opposabilité, voire de validité, parfois coûteuses et chronophages, aient à être entreprises. On peut penser, par exemple, aux inscriptions hypothécaires de l'article 2426 du Code civil (N° Lexbase : L1365HIE). Parce que l'agent des sûretés est créancier d'une obligation équivalente à l'obligation principale, il est aussi le titulaire de ses accessoires et la seule prise de sûreté à son bénéfice a du sens.

Il ne fait donc aucun doute qu'adjoindre une clause de dette parallèle à la nomination d'un agent des sûretés se justifie pleinement, tant au plan pratique qu'au plan juridique, puisqu'à défaut l'agent ne serait qu'un simple mandataire pouvant agir en justice au nom et pour le compte des créanciers uniquement sur le fondement d'un mandat spécial (ce qui serait antithétique avec l'objectif poursuivi). Le système est donc pertinent. Exprimons tout de même un regret : il existe en droit des français des mécanismes équivalents qui pourraient avantageusement remplacer cette technique contractuelle étrangère sans soulever les interrogations qui ont dû être tranchées par la Cour de cassation.

B - Les alternatives offertes par le droit français

Aux très anglo-saxons security agent et parallel debt, le droit français semble proposer deux alternatives, issues de la loi n° 2007 211 du 19 février 2007, instituant la fiducie (N° Lexbase : L4511HUM). Remarquons qu'il n'y a rien de surprenant à leur trouver cette genèse, puisque nous avons constaté que la question de la dette parallèle et de la qualité de fiduciaire étaient liées.

La première de ces alternatives ne nous paraît pas complètement satisfaisante. Il s'agit de celle de l'article 2328-1 du Code civil (N° Lexbase : L2525IB7), qui permet que "toute sûreté réelle [puisse] être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin". Si la rédaction du texte a été sensiblement améliorée par l'article 80 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR), lequel a ajouté la possibilité pour l'agent évoqué de constituer les sûretés, elle ne permet pas de se convaincre parfaitement que ce dernier est un fiduciaire pouvant agir en son nom propre mais pour le compte des créanciers (15). Par ailleurs, sont exclues les sûretés personnelles et la possibilité, utile également, d'agir pour ce qui est des obligations principales (16). Ainsi, cette construction est-elle largement incomplète.

Quant à la seconde alternative, elle est nettement plus solide : c'est celle de la fiducie-sûreté qui consiste, selon la lettre de l'article 2011 du Code civil (N° Lexbase : L6507HWW), en une "opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, [...] présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires". Son principe est fort simple : il s'agit de faire transférer par un débiteur ou un tiers constituant des biens ou des sûretés déjà constituées à l'agent des sûretés agissant comme fiduciaire. Une convention de fiducie (17) prévoit alors que, si le débiteur est défaillant, les biens remis en fiducie sont transférés au fiduciaire (qui en dispose alors dans l'intérêt des bénéficiaires) ou vendus (tout ou partie du prix étant in fine remis aux bénéficiaires), ou que les sûretés placées en fiducie sont exercées par le fiduciaire pour le compte des bénéficiaires. Si, au surplus, ont été mis en fiducie les droits principaux, l'équivalence avec la dette parallèle est parfaite. Ce mécanisme possédant la force inestimable de la résistance à la faillite du constituant (18), il pourrait donc remplacer celui de la dette parallèle, au moins dans des financements soumis au droit français (19).

Faut-il se satisfaire de la décision prise par la Chambre commerciale dans son arrêt du 13 septembre 2011 ? Assurément, oui. Est-elle révolutionnaire ? Tout aussi assurément, non : nous imaginons mal un afflux de nouveaux financements se diriger vers la France simplement parce qu'y sont reconnus les effets d'une clause de dette parallèle de droit étranger, effets qu'il est sans doute déjà possible de répliquer en droit français. D'autant que rien n'exclut que cette jurisprudence soit mâtinée de casuistique. Au final, c'est un confort offert à des bailleurs de fonds étrangers, ouvrant la porte à ce qu'ils reproduisent à l'infini les schémas qu'ils affectionnent le mieux. Cela peut expliquer le léger inconfort intellectuel dont on peut être saisi à sa lecture.

Sur un autre sujet, notons que le même arrêt opère aussi, un peu à la manière de ce qu'avait fait la cour d'appel de Paris dans une décision du 11 mars 2005 (20), une reconnaissance a minima des effets du trust puisqu'était aussi débattue la qualité de créancier du trustee. La question nous a semblé moins intéressante, mais il est tout de même utile de s'en faire l'écho. Pour ce qui est du seul agent des sûretés, la prochaine étape devrait être celle de la refonte de l'article 2328-1 du Code civil. Espérons qu'elle ne vienne pas trop perturber les équilibres fondamentaux de notre ordonnancement juridique, et qu'elle sache s'axer sur ce qui importe vraiment : la capacité de l'agent des sûretés à la française à représenter de plein droit les créanciers devant les tribunaux.

Enfin, les conséquences de cette position prétorienne sur le groupe Belvédère paraissent bien incertaines : puisque, après la confirmation, en appel le 7 juin 2011 (CA Dijon, 7 juin 2011, trois arrêts n° 11/00710 N° Lexbase : A9461HTL ; n° 11/00711 N° Lexbase : A9462HTM et n° 11/00712 N° Lexbase : A9463HTN), de la résolution du plan de sauvegarde dont bénéficiaient les entités du groupe, ce dernier se trouve désormais soumis à un redressement judiciaire ouvert par le tribunal de commerce de Nîmes le 20 septembre 2011. Le feuilleton ne fait peut-être que commencer car, pour les porteurs des Floating Rate Notes et leurs agents, de nouvelles déclarations de créances se profilent à l'horizon. Nous étions partis sur le ton d'une fable, eh bien : souhaitons-leur qu'après avoir chanté ils ne dansent pas trop !


(1) Que les esprits malins ne tirent aucune conclusion hâtive du fait que l'alcool se retrouve, une fois de plus, au départ de nos réflexions... In vino, veritas !
(2) Qui a, aujourd'hui, disparu, sa compétence d'antan ayant été transférée au tribunal de commerce de Dijon par le décret n° 2008-146 du 15 février 2008, modifiant le siège et le ressort des tribunaux de commerce (N° Lexbase : L8085H3T).
(3) Cette dualité s'explique, vraisemblablement, par la dualité de juridictions (France et Pologne) dans lesquelles les sûretés étaient prises : en effet, il est plus commode d'avoir un agent au plus proche du terrain.
(4) Parallel debt dans le texte.
(5) A tout le moins, dans l'attente de la ratification par la France de la convention de La Haye du 1er juillet 1985, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.
(6) Sur lesquels on peut lire, N. Cardoso-Roulot, Les obligations essentielles en droit des contrats, L'Harmattan, 2008, p. 246, n° 294 et s..
(7) Il s'agit de la rue où est installée, dans l'ancien parlement local, la cour d'appel de Dijon.
(8) Voir les articles consacrés au sujet dans le numéro 11 des Cahiers du Conseil constitutionnel (2001) et le rapport public pour 2006 du Conseil d'Etat, Sécurité juridique et complexité du droit.
(9) Voir Banque Magazine, n° 616, juin 2000, obs. J.-L. Guillot.
(10) Théorie développée dans son article Déclaration de créances et représentation en justice, paru dans les Mélanges Mouly, Litec, 1998, p. 153 et s..
(11) Notamment en matière de reconnaissance de dette ou de billet à ordre.
(12) Ce que la Cour de cassation, relevant que la dette parallèle est un "engagement contractuel non accessoire", n'était sans doute pas loin de penser.
(13) Prêteurs, investisseurs financiers, banques de couverture...
(14) Voir DFS, n° 302.1, p. 237.
(15) Les travaux parlementaires iraient même en sens contraire : voir le rapport n° 11, 2006-2007, présenté au Sénat au nom de la Commission des lois, p. 104.
(16) Sur ce dernier point, pour s'en tenir à une logique imparfaite de mandat, l'indication de paiement de l'article 1277 du Code civil (N° Lexbase : L1387ABY) pourrait accompagner les pouvoirs d'un agent nommé sur le fondement de l'article 2328-1.
(17) Laquelle sera soumise aux dispositions des articles 2372-1 (N° Lexbase : L2551IE9) et suivants du Code civil si le transfert fiduciaire porte sur des biens meubles, et 2488-1 (N° Lexbase : L2497IE9) et suivants du Code civil s'il s'agit de biens immeubles.
(18) A condition, évidemment, que ce dernier ne soit pas en cessation des paiements lorsque la fiducie est constituée, cas prévu par l'article L. 632-1, 9° du Code de commerce (N° Lexbase : L8851IN7).
(19) Ce pourrait d'ailleurs être un argument mis en avant pour convaincre les créanciers soumettre au droit français leurs opérations de financement.
(20) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 11 mars 2005, n° 03/16917 (N° Lexbase : A7688DH9) ; Revue critique de droit international privé, p. 627, note E. Fohrer.

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