La lettre juridique n°440 du 19 mai 2011 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Mai 2011

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le 19 Mai 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 3 mai 2011. Dans le premier, appelé à la plus large diffusion (arrêt P+B+R+I), la Chambre commerciale pose une solution de principe, pour les procédures collectives régies par les dispositions issues de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, selon laquelle "la compensation pour dettes connexes ne pouvait être prononcée dès lors que [le créancier] n'avait pas déclaré sa créance". Dans le second arrêt, promis aux honneurs du Bulletin, la même formation énonce que le fait générateur de la créance de prix de vente, en cas de promesse unilatérale d'achat, est situé au jour de la levée d'option d'achat et détermine des effets attachés à l'admission d'une créance au passif sur la nature antérieure ou postérieure de cette créance
  • L'impossible compensation pour dettes connexes après jugement d'ouverture en l'absence de déclaration de la créance (Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.758, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7122HPH)

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L4126BMR), la créance non déclarée dans les délais était frappée d'extinction (C. com., art. L. 621-46, al. 4 N° Lexbase : L6898AIC). Cette solution, si elle était brutale, présentait cependant l'intérêt d'être extrêmement simple dans ses conséquences : la disparition de la créance avait pour corollaire l'impossibilité de poursuivre la caution, l'impossibilité pour le créancier d'arguer de l'existence d'un droit de rétention ou encore l'impossibilité de se prévaloir, après jugement d'ouverture, de la compensation pour dettes connexes.

La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT) a écarté l'extinction de la créance non déclarée (1) sans pour autant préciser, dans un premier temps, le sort de cette créance. Comblant partiellement ce vide, l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT) a inséré, à l'article L. 622-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L2534IEL), un alinéa 2 précisant que "les créances non déclarées [...] sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan [...]". Le texte est en revanche resté muet quant au sort de la créance non déclarée pendant la procédure collective, c'est-à-dire pendant la période d'observation et la liquidation judiciaire. Faisant sienne la solution préconisée par la doctrine (2), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que la créance non déclarée était inopposable la procédure collective (3).

La sanction attachée à l'absence de déclaration de créance dans les délais étant désormais clairement posée, il reste à en tirer les conséquences car nombre de questions sont susceptibles de se poser à ce sujet : l'inopposabilité de la créance non déclarée fait-elle l'échec à l'exercice d'un droit de rétention, à l'attribution judiciaire du gage ou encore à la levée d'option d'achat d'un contrat de crédit-bail alors que certains loyers antérieurs au jugement d'ouverture sont restés impayés ? L'inopposabilité de la créance non déclarée doit-elle rendre impossible l'exercice de la compensation après jugement d'ouverture pour dettes connexes ? C'est à cette dernière interrogation que répond la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mai 2011, appelé à la plus large diffusion (arrêt P+B+R+I).

Pour que la compensation légale ait joué avant jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur, il est nécessaire que les créances réciproques se soient trouvées certaines, liquides et exigibles avant cette date. Si les conditions de cette compensation légale -qui joue automatiquement- ne sont pas réunies au jour du jugement d'ouverture, une compensation peut s'opérer après jugement d'ouverture lorsque les dettes sont connexes (cf. C. com., art. L. 622-7, al. 1er N° Lexbase : L3389ICI en sauvegarde, applicable également en redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, al. 1er N° Lexbase : L2453IEL ; et C. com., art. L. 641-3, al. 1er N° Lexbase : L3500ICM en liquidation judiciaire). La compensation peut donc s'opérer après jugement d'ouverture si les dettes réciproques sont issues d'un même contrat ou de contrats qui, bien que distincts, s'inscrivent dans une opération économique globale (4). L'absence de certitude de la créance fait par principe obstacle au jeu de la compensation pour dettes connexes (5). En revanche, la jurisprudence pose en règle que l'admission de la compensation pour dettes connexes dans le cadre de la procédure collective ne nécessite pas, au jour où statue la juridiction, la réunion des deux autres conditions de la compensation légale, à savoir les caractères de liquidité et d'exigibilité de la créance (6). Cette règle est essentielle pour permettre le jeu de la compensation pour dette connexes alors que le débiteur fait l'objet d'un plan de sauvegarde ou de redressement entraînant un report de l'exigibilité des dettes du débiteur.

Le jeu de cette compensation pour dettes connexes est-il cependant subordonné à la déclaration préalable de la créance au passif du débiteur ? Alors que la cour d'appel de Montpellier (20 octobre 2009) avait répondu à cette question par la négative, par arrêt du 3 mai 2011, la Chambre commerciale casse l'arrêt d'appel en posant une solution de principe selon laquelle "la compensation pour dettes connexes ne pouvait être prononcée dès lors que [le créancier] n'avait pas déclaré sa créance".

Est ainsi consacrée par la jurisprudence la solution prônée par la doctrine (7) et précédemment déjà adoptée par certains juges du fond (8). Le créancier qui souhaite se prévaloir de la compensation pour dettes connexes se trouve donc dans l'obligation de déclarer sa créance. Cette créance antérieure au jugement d'ouverture devra donc être déclarée par le créancier dans son intégralité et non pas seulement pour le solde obtenu après compensation avec la créance en sens inverse détenue par le débiteur sous procédure collective.

Cette solution doit être saluée dans la mesure où elle découle fort logiquement du nouveau principe d'inopposabilité de la créance non déclarée : faute pour le créancier antérieur de pouvoir opposer son droit de créance et donc de pouvoir se présenter comme créancier dans la procédure collective de son débiteur, il ne peut pas se prévaloir d'une créance "en face de la dette qu'il lui est demandé de payer" (9).

Ainsi, au regard de la compensation, la situation du créancier antérieur qui n'a pas déclaré sa créance est analogue à celle qui était la sienne sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 : que la créance non déclarée soit éteinte ou simplement inopposable à la procédure collective, le créancier défaillant ne pourra pas invoquer une compensation pour dettes connexes après jugement d'ouverture.

Force est de constater que le "cadeau" fait par le législateur du 26 juillet 2005 au créancier n'ayant pas déclaré sa créance est loin d'être somptueux. Dans nombre d'hypothèses, le créancier défaillant ne sera guère mieux traité sous l'empire de la législation actuelle que sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985. On pense notamment à la situation délicate du créancier négligeant ou retardataire lorsqu'est adopté un plan de sauvegarde ou de redressement au profit du débiteur : la créance non déclarée demeurera inopposable au débiteur pendant l'exécution du plan et après parfaite exécution de celui-ci (C. com., art. L. 622-26, al. 2 N° Lexbase : L2534IEL en sauvegarde, applicable en redressement par renvoi de l'article L. 631-14, al. 1er). De même, les conséquences pratiques de l'extinction et de l'inopposabilité de la créance seront voisines en matière de compensation pour dettes connexes.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


  • Fait générateur de la créance de prix de vente convenu dans une promesse unilatérale d'achat et détermination des effets attachés à l'admission d'une créance au passif sur la nature antérieure ou postérieure de cette créance (Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-18.031, F-P+B N° Lexbase : A2481HQX)

Classiquement cardinale dans le droit des entreprises en difficulté, la distinction des créances antérieures et des créances postérieures au jugement d'ouverture n'a sans doute pas livré tous ses secrets.

Certes, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, le critère organique -régularité de la naissance de la créance- et le critère chronologique ne sont plus suffisants pour déterminer si une créance peut bénéficier du traitement préférentiel réservé à certaines créances postérieures. Il faut, en effet, y ajouter le critère téléologique pour savoir si un créancier est postérieur méritant. Il n'en demeure pas moins que la date de naissance de la créance reste de première importance puisque, quels que soient les mérites du créancier, il ne pourra prétendre au paiement à l'échéance, garantie des garanties, ou, à défaut, au paiement par privilège, que s'il est postérieur. Il n'est donc pas surprenant que cette question agite toujours les prétoires.

A la vérité, la difficulté rencontrée dans l'arrêt commenté était soumise à la loi du 25 janvier 1985, mais son étude garde toute son actualité dans la mesure où la réponse apportée à la question aurait été identique sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises.

En l'espèce, une société V. avait promis à diverses personnes détenant des quirats dans les copropriétés de navires, et ayant en conséquence la qualité de quirataires, d'acquérir les parts de ces derniers. Variété de société en participation, la société de quirataires permet d'assurer la gestion d'un pool d'investissement constitué entre propriétaires de bateaux.
Nous étions donc en présence d'une promesse unilatérale d'achat. Le promettant de la promesse d'achat, la société V., a été placé en redressement judiciaire. Postérieurement au jugement d'ouverture du promettant, les bénéficiaires de la promesse ont levé l'option stipulée à leur profit. Ils ont alors demandé à la société V., le promettant, de payer les prix convenus pour les différents quirats -prise de participation dans la société de quirataires-. La question qui se posait était de savoir si le promettant devait payer le prix après le jugement d'ouverture. La réponse à la question dépendait fondamentalement de la détermination de la nature antérieure ou postérieure de la créance de prix.

La cour d'appel va rejeter la demande en paiement formée par certains quirataires au motif que leurs créances ont pour origine les promesses unilatérales d'achat, qui engageait la société V. depuis une date antérieure à l'ouverture de sa procédure collective.
Cassant l'arrêt de la cour d'appel, la Cour de cassation va juger que "la vente des quirats n'était devenue parfaite que par la levée d'option pendant la période d'observation".

Ainsi, selon la Cour de cassation, le fait générateur de la créance de prix de vente, en cas de promesse unilatérale d'achat, est situé au jour de la levée d'option d'achat.

La solution ne saurait surprendre. La jurisprudence avait déjà jugé que la promesse unilatérale de vente doit être considérée comme un contrat en cours, dès lors qu'avant le jugement d'ouverture, la levée d'option n'est pas intervenue (10). Si le bénéficiaire de la promesse de vente est sous procédure collective, l'indemnité d'immobilisation, contrepartie de l'interdiction de vente du bien par le propriétaire, n'est due qu'en cas de continuation du contrat (11).

La question de la détermination de la nature antérieure ou postérieure de la créance se rattache, en effet, intimement à la question de la continuation des contrats en cours, dans les contrats synallagmatiques. On sait que, en ce domaine, la Cour de cassation a opté pour la thèse matérialiste, dite aussi thèse économique, consistant à fixer la date de naissance de la créance à la fourniture de la contrepartie du contrat en cours. Ainsi, dans le bail, le loyer a pour fait générateur la jouissance procurée. Au fur et à mesure de cette jouissance, naissent les créances de loyers.

Cette thèse matérialiste est, ici encore, adoptée par la Cour de cassation, qui rejette la thèse volontariste fixant la date de naissance de la créance à la signature du contrat. Toutefois, en l'espèce, la Chambre commerciale nous semble s'être arrêtée en chemin. En effet, s'il est indiscutable, au regard de la thèse matérialiste, que la créance de prix de vente ne peut être née de la signature de la promesse unilatérale d'achat, puisque la vente n'existe pas encore, il ne peut, à notre sens, davantage naître de la levée d'option d'achat. Ainsi, en matière de vente de meuble, la Cour de cassation fixe classiquement la date de naissance de la créance de prix, non à la signature du contrat (thèse volontariste), mais à la livraison, qui correspond à la contrepartie du prix, c'est-à-dire à la cause de la créance de prix (thèse matérialiste). Dans le contrat de vente, l'obligation essentielle du vendeur est la délivrance de la chose. Elle constitue, pour l'acheteur, la cause de son obligation de payer le prix. Cette obligation ayant pour contrepartie la délivrance de la chose, il en résulte que la créance du prix de vente est, pour l'intégralité, une créance antérieure au jugement d'ouverture si la délivrance intervient avant jugement d'ouverture (12). L'accord sur la chose et sur le prix ne constitue donc pas le fait générateur de la créance de prix de vente.

Le fait que la vente soit assortie d'une clause de réserve de propriété ne modifie pas la solution. La clause de réserve de propriété n'affecte nullement la perfection de la vente. Elle a seulement pour effet de mettre en condition le transfert de propriété du bien vendu, au profit de l'acheteur. Plus fondamentalement au regard de l'analyse ci-dessus développée, il sera observé que le transfert de propriété n'est pas l'obligation caractéristique du contrat de vente, qui demeure, du côté du vendeur, la délivrance de la chose vendue. Le transfert de propriété n'est qu'une conséquence de l'effet translatif du contrat. Il en est un effet, non une obligation, car il n'appartient pas, par sa seule volonté, au vendeur d'"exécuter" le transfert de propriété. Celui-ci se produit indépendamment de toute initiative de sa part, au contraire de l'obligation de délivrance.

L'article L. 621-122 du Code de commerce (N° Lexbase : L6974AI7 ; loi du 25 janvier 1985, art. 121, in fine, anc. N° Lexbase : L6502AHB), dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, et dont les solutions sont reproduites à l'article L. 624-16, alinéa 4 (N° Lexbase : L3509ICX), dans la rédaction que lui donne cette loi, en tire d'ailleurs la conséquence. L'action en revendication du vendeur sous clause de réserve de propriété peut être paralysée contre l'engagement pris par l'acheteur ou par l'administrateur de payer immédiatement, ou dans le délai fixé par le vendeur avec autorisation du juge-commissaire, le solde du prix de vente. Le vendeur peut accepter des délais de paiement. En ce cas, la créance de prix est alors assimilée à une créance postérieure. Cela fait clairement apparaître que la créance de prix d'une vente avec clause de réserve de propriété est une créance antérieure au jugement d'ouverture, pour la totalité. Le législateur procède en effet par fiction légale, en traitant comme une créance postérieure cette créance antérieure.

L'arrêt rapporté présente un intérêt d'une importance plus grande encore : celui de la détermination des effets attachés à l'admission d'une créance au passif sur la nature antérieure ou postérieure de cette créance. En d'autres termes, un créancier peut-il prétendre être titulaire d'une créance postérieure, éligible au traitement préférentiel, alors qu'il a déclaré cette créance au passif et qu'elle a été admise à ce passif ?

En l'espèce, plusieurs quirataires avaient déclaré au passif leurs créances de prix de vente de leurs quirats. Ils avaient été admis au passif. Malgré cette admission, ils poursuivaient le paiement de leur créance à l'encontre de la société V., placée en redressement judiciaire, soutenant qu'ils étaient titulaires d'une créance postérieure. Le pouvaient-ils encore ?

Non, répond, la Cour de cassation, suivant en cela l'analyse de la cour d'appel. "Attendu que la décision d'admission des créances au passif ayant autorité de chose jugée quant à la date de naissance de la créance déclarée, en application de l'article L. 621-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L6895AI9) dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 par rapport à la date d'ouverture de la procédure collective ne peut plus être contestée".

Cette solution, qui peut peut-être surprendre le lecteur, ne peut pourtant qu'être approuvée (13).

La créance antérieure doit être déclarée au passif du débiteur, contrairement à une créance postérieure, le principe méritant cependant des nuances depuis la loi de sauvegarde des entreprises.

En elle-même, la déclaration de créance n'exerce pas d'incidence sur la nature de la créance. En effet, une créance postérieure éligible au traitement préférentiel ne doit pas être déclarée au passif. La Cour de cassation en a d'ailleurs tiré la conséquence, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, que la déclaration irrégulière d'une créance postérieure ne pouvait entraîner son extinction (14).

En revanche, si la créance bénéficiant du traitement préférentiel réservé aux créanciers postérieurs a été déclarée par erreur, au même titre qu'une créance antérieure, et a fait l'objet d'une admission au passif, l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission emporte comme conséquence la transformation de la créance postérieure en une créance antérieure. Il convient en effet de préciser que l'admission de la créance a autorité de chose jugée, notamment sur la nature de la créance. Le créancier, après admission, ne pourra plus faire valoir les prérogatives attachées à une créance postérieure, devant au contraire se soumettre aux contraintes liées à la nature de créance antérieure. La question a été spécialement étudiée pour les créances nées d'un contrat de crédit-bail (15), le créancier ayant tendance à maximiser sa déclaration de créance, sans mesurer exactement le risque inhérent à pareille pratique, en déclarant des loyers à échoir.

Nous ne pouvons donc que souscrire à l'analyse développée par la Cour de cassation et nous réjouir de voir la rigueur juridique triompher. Puisque la Cour de cassation continue à considérer la déclaration de créance comme équivalente à une demande ne justice, il est logique d'en tirer les conséquences. Le créancier demande en justice quelque chose. Il l'obtient. Il ne peut, par la suite, prétendre qu'il se serait trompé. L'autorité de la chose jugée est là pour lui interdire de se contredire par deux actions en justice successives. S'il a demandé au juge de dire blanc, et si le juge a dit blanc, il ne peut ensuite, au titre de la même créance, lui demander de dire noir.

Ainsi, et pour notre plus grande satisfaction, voilà finies les approximations et si les plaideurs -et l'on pensera ici tout spécialement aux administrateurs judiciaires- veulent utiliser cette jurisprudence, ils auront sans doute beaucoup à y gagner, pour tenter l'élaboration de plans de sauvegarde ou de redressement, en s'appuyant sur les erreurs commises par les créanciers, transformant des créances postérieures éligibles au traitement préférentiel en des créances soumises à la discipline collective, pouvant comme telles subir les délais du plan au lieu d'obéir aux règles de la continuation des contrats en cours.

L'habitude, qui seule justifie l'attitude de certains créanciers, est bien mauvaise conseillère et a une fâcheuse tendance à anesthésier les esprits...

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises


(1) Sur les raisons de la suppression du principe de l'extinction de la créance non déclarée, v. P.-M. Le Corre, Dalloz action, 2010/2011, n° 665.75.
(2) P.-M. Le Corre, Les créanciers antérieurs dans le projet de sauvegarde des entreprises, Interv. Colloque Crajefe, Nice 27 mars 2004, LPA, 10 juin 2004, n° 116, p. 25 et s., sp. p. 30 ; Ph. Pétel, Procédures collectives, Dalloz, 4ème éd., n° 382 ; A. Lienhard, Procédures collectives, Delmas, 2011, n° 1108 ; F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, 8ème éd., Lgdj n° 536 ; J.-L Vallens, Lamy Droit commercial, éd. 2006, n° 3269 ; J.-Ch. Boulay, Les créanciers antérieurs dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, Rev. proc. coll., 2006/2, p. 135 et s., sp. p. 140 ; J.-Cl. Com., M.-P. Dumont-Lefrand, fasc. 2152, Procédure de sauvegarde, éd. 2006, n° 42 ; F. Derrida et J.-P. Sortais, La situation des créanciers forclos dans les nouvelles procédures collectives, LPA, 22 mars 2006, n° 58, p. 7 ; A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 5ème éd., n° 468 ; C. Saint-Alary-Houin, 5ème éd., n° 716 ; F. Macorig-Venier et C. Saint-Alary-Houin, La situation des créanciers dans la loi de sauvegarde des entreprises, RD banc. et fin., 2006/1, p. 60 et s., sp. p. 65, n° 29 ; C. Régnaut-Moutier, note sous Cass com., 27 mars 2007, n° 06-10.267, F-P+B (N° Lexbase : A8021DUM), Act. proc. coll., 2007/8, n° 86 ; F. Vinckel, Le droit d'action des créanciers chirographaires dans la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, Rev. proc. coll., 2007/1, p. 6 et s., sp. p. 8, n° 14.
(3) Cass. com., 3 novembre 2010, n° 09-70.312, FS-P+B (N° Lexbase : A5651GDN), D., 2010, 2645, note A. Lienhard ; Gaz. pal., éd. sp. Droit des entreprises en difficulté, 7 et 8 janvier 2011, n° 7 et 8, nos obs. ; JCP éd. E, 2011, chron. 1030, n° 10, obs. M. Cabrillac ; Rev. sociétés, 2011, p. 194, note crit. Ph. Roussel Galle ; Gaz. pal., 25 et 26 février 2011, p. 45, note S. Reifegerste ; P.-M. Le Corre, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Novembre 2010 Lexbase Hebdo n° 228 du 21 novembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N5745BQT).
(4) V. not. sur la question, P.-M. Le Corre, Dalloz action, 2010/2011, préc., n° 632.45.
(5) Cass. com., 14 février 2006, n° 04-11.887, F-D (N° Lexbase : A9808DM9).
(6) Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-21.446, F-D (N° Lexbase : A5620DDI), RDBF, 2005/2, p. 28, n° 58, note F.-X. Lucas ; Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-14.756, F-D (N° Lexbase : A6530EGX), D., 2009, AJ p. 1353, note A. Lienhard, Gaz. proc. coll., 2009/3, p. 28, n° 1, note Ph. Roussel Galle, Dr. sociétés, juin 2009, p. 31, n° 124, note J.-P. Legros, RTDCiv., 2009, p. 721, n° 6, obs. B. Fages, RTDCom., 2009/4, p. 809, n° 5, obs. A. Martin-Serf.
(7) P.-M. Le Corre, Dalloz action, 2010/2011, préc., n° 632.47, En ce sens aussi, F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, préc., n° 537-2 ; A. Jacquemont, Droits des entreprises en difficulté, préc., n° 349 ; contra P. Crocq, La réforme des procédures collectives et le droit des sûretés, D., 2006, chron. p. 1306 et s., sp. p. 1307, n° 11.
(8) CA Paris, 5ème ch., sect. B, 5 mars 2009, n° 08/13721 (N° Lexbase : A8412EDW) ; CA Versailles, 12ème ch., sect. 2, 30 septembre 2010, n° 07/02349 (N° Lexbase : A8338GA3).
(9) P.-M. Le Corre, Dalloz action, 2010/2011, préc., n° 632.47.
(10) CA Besançon, 2ème ch. com., 4 mars 2003, Rev. proc. coll., 2004, p. 65, n° 2, obs. Ph. Rousel-Galle.
(11) Cass. com., 1er février 2000, n° 97-21.642, inédit (N° Lexbase : A9236CKB) ; Rev. proc. coll., 2003/1, p. 18, obs. Ph. Roussel Galle.
(12) Cass. com., 15 février 2000, n° 96-17.884, publié (N° Lexbase : A8058AGK), Bull. civ. IV, n° 32, JCP éd. E, 2000, pan. 588, RJ com., 2001, 83, n° 1574, note J.-L. Courtier ; Cass. com., 3 avril 2001, n° 98-14.049, inédit (N° Lexbase : A1898ATH), Rev. proc. coll., 2002, p. 101, n° 5, obs. C. Saint-Alary-Houin.
(13) Sur la préconisation de cette solution, nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, préc., n° 411.11 et n° 666.33.
(14) Cass. com., 12 janvier 2010, n° 08-21.456, FS-P+B (N° Lexbase : A3015EQQ) ; D., 2010, AJ p. 203, note A. Lienhard ; Rev. proc. coll., 2010/4, comm. 160, note F. Pérochon ; nos obs., in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Février 2010, Lexbase Hebdo n° 383 du 18 février 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N2390BNT).
(15) E. Le Corre-Broly, Le contenu de la déclaration de créance du crédit-bailleur ou "qui trop déclare, rien n'obtient", Banque et droit, janvier-février 1998, n° 57, p. 3 ; du même auteur, La déclaration de créance du bailleur financier et du crédit-bailleur - L'abus de déclaration peut être dangereux pour la santé financière, Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 14.

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